Le décret de Moscou – Histoire du Consulat et du Premier empire

N° 1083 – Bulletin des Lois, N° 469
Décret impérial sur la Surveillance, l’Organisation, l’Administration, la Comptabilité, la Police et
la Discipline du Théâtre-Français
Au quartier Impérial de Moscou, le 15 octobre 1812

Napoléon, Empereur des Français, Roi d’Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, Médiateur de
la Confédération Suisse, etc., etc.

 

Sur le rapport de notre Ministre de l’Intérieur, Notre Conseil d’État entendu, Nous AVONS DÉCRÉTÉ et DÉCRÉTONS ce qui suit :

 

TITRE PREMIER.

De la direction et surveillance du Théâtre-Français.

 

1 Le Théâtre-Français continuera d’être placé sous la surveillance et la direction du Surintendant de nos spectacles.

2 Un Commissaire impérial, nommé par nous, sera chargé de transmettre aux comédiens les ordres du Surintendant. Il surveillera toutes les parties de l’administration et de la comptabilité.

3 Il sera chargé, sous sa responsabilité, de faire exécuter, dans toutes leurs dispositions, les règlements et les ordres de service du Surintendant. À cet effet, il donnera personnellement tous les ordres nécessaires.

4 En cas d’inexécution ou de violation des règlements, il en dressera procès-verbal, et le remettra au Surintendant.

 

TITRE II. De l’association du Théâtre-Français.

SECTION PREMIERE. De la Division en parts.

5 Les comédiens de notre Théâtre-Français continueront d’être réunis en Société, laquelle sera administrée selon les règles ci-après.

6 Le produit des recettes, tous les frais et dépenses prélevés, sera divisé en vingt-quatre parts.

7 Une de ces parts sera mise en réserve, pour être affectée par le Surintendant aux besoins imprévus : si elle n’est pas employée en entier, le surplus sera distribué à la fin de l’année entre les Sociétaires.

8 Une demi-part sera mise en réserve, pour augmenter le fonds des pensions de la Société.

9 Une demi-part sera employée annuellement en décorations, ameublements, costumes du magasin, réparations des loges et entretien de la salle, d’après les ordres du Surintendant. Les réserves ordonnées par les art. 7, 8 et 9 n’auront lieu que successivement et à mesure des vacances.

10 Les vingt-deux parts restantes continueront d’être réparties entre les comédiens Sociétaires, depuis un huitième de part jusqu’à une part entière, qui sera le maximum.

11. Les parts ou portions de parts vacantes seront accordées ou distribuées par le Surintendant de nos spectacles.

 

SECTION II. Des Pensions et Retraites.

§I. – DU TEMPS NÉCESSAIRE POUR OBTENIR LA PENSION ET DE SA QUOTITÉ. 1

12 Tout Sociétaire qui sera reçu contractera l’engagement de jouer pendant vingt ans ; et, après vingt ans de services non interrompus, il pourra prendre sa retraite, à moins que le Surintendant ne juge à propos de le retenir. Les vingt ans dateront du jour des débuts, lorsqu’ils auront été immédiatement suivis de l’admission à l’essai et ensuite dans la Société.

13 Le Sociétaire qui se retirera après vingt ans aura droit : 1° à une pension viagère de deux mille francs sur les fonds affectés au Théâtre-Français par le décret du 13 messidor an X ; 2° à une pension de pareille somme sur le fonds de la Société dont il est parlé à l’article 8.

14 Si le Surintendant juge convenable de prolonger le service d’un Sociétaire au-delà de vingt ans, il sera ajouté, quand il se retirera, cent francs de plus par an à chacune des pensions dont il est parlé à l’article précédent.

15 Un Sociétaire qu’un accident ayant pour cause immédiate le service de notre Théâtre-Français ou des théâtres de nos palais, obligerait de se retirer avant d’avoir accompli ses vingt ans, recevra en entier les pensions fixées par l’article 13.

16 En cas d’incapacité de servir, provenant d’une autre cause que celle énoncée dans l’art. 15, le Sociétaire pourra, même avant ses vingt ans de service, être mis en retraite par ordre du Surintendant. En ce cas, et s’il a plus de dix ans de service, il aura droit à une pension sur les fonds du Gouvernement, et une sur les fonds des Sociétaires ; chacune de ces pensions sera de cent francs par année de service s’il était à part entière, de soixante-quinze francs s’il était à trois quarts de part, et ainsi dans la proportion de sa part dans les bénéfices de la Société.

17 Si le Sociétaire a moins de dix ans de service, le Surintendant pourra nous proposer la pension qu’il croira convenable de lui accorder, selon les services rendus à la Société et les circonstances où il se trouvera.

18 Toutes ces pensions seront accordées par décisions rendues en notre Conseil d’État, sur l’avis du Comité, comme il a été statué pour notre Académie Impériale de Musique, par notre décret du 20 janvier 1811.

 

§ II. – DES MOYENS DE PAYEMENT DES PENSIONS.

19 Les pensions accordées sur le fonds de cent mille francs de rente accordé par nous à notre Théâtre-Français seront acquittées tous les trois mois sur les fonds qui seront touchés à la caisse d’amortissement.

20 En cas d’insuffisance, il y sera pourvu avec la part mise en réserve pour les besoins imprévus.

21 Pour assurer le payement des pensions accordées sur les fonds particuliers de la Société, il sera prélevé chaque année, et mois par mois, sur la recette générale, une somme de cinquante mille francs.

22 Cette somme sera versée entre les mains du notaire du Théâtre-Français, et placée par lui à mesure pour le compte de la Société, selon les règles prescrites par l’art. 32.

23 Aucun Sociétaire ne peut aliéner ni engager la portion pour laquelle il contribue au fonds de cette rente.

24 À la retraite de chaque Sociétaire ou à son décès, le remboursement du capital de cette retenue sera fait à chaque Sociétaire ou à ses héritiers, au prorata de ce qu’il y aura contribué.

25 Tout Sociétaire qui quittera le Théâtre sans en avoir obtenu la permission du Surintendant, perdra la somme pour laquelle il aura contribué, et n’aura droit à aucune pension.

26 Jusqu’à ce qu’au moyen des dispositions ci-dessus une rente de cinquante mille francs soit entièrement constituée, les pensions de la Société seront payées tant sur les intérêts des fonds mis en réserve que sur les recettes générales de chaque mois.

27 Quand la rente sera constituée, s’il y a de l’excédant après le payement annuel des pensions, il en sera disposé pour l’avantage de la Société, avec l’autorisation du Surintendant. SECTION III. De la Retraite des Acteurs aux appointements et Employés.

28 Après vingt ans ou plus de service non interrompu par un acteur ou une actrice aux appointements, après dix ans de service seulement en cas d’infirmités, enfin en cas d’accident, comme il est dit pour les Sociétaires (art. 15), le Surintendant pourra nous proposer d’accorder, moitié sur le fonds de cent mille francs, moitié sur celui de la Société, une pension, laquelle, tout compris, ne 2 pourra excéder la moitié du traitement dont l’acteur ou l’actrice aura joui, les trois dernières années de son service.

29 Le Commissaire Impérial pourra aussi obtenir une retraite ou pension d’après les règles établies en l’article 28 ; mais elle sera payée en entier sur le fonds de cent mille francs. TITRE III. SECTION PREMIERE. De l’Administration des Intérêts de la Société.

 

30 Un Comité composé de six hommes membres de la Société, présidé par le Commissaire impérial, et ayant un secrétaire pour tenir registre des délibérations, sera chargé de la régie et administration des intérêts de la Société. Le Surintendant nommera, chaque année, les membres de ce Comité. Ils seront indéfiniment rééligibles. Trois de ces membres seront chargés de l’expédition de ses résolutions.

 

31 Le Surintendant pourra les révoquer et remplacer à volonté.

 

32 Les fonctions de ce Comité seront particulièrement : 1° De dresser, chaque année, le budget ou état présumé des dépenses de tout genre, de le soumettre à l’examen de l’assemblée générale des Sociétaires et à l’approbation du Surintendant. 2° D’ordonner et faire acquitter, dans les limites portées au budget pour chaque nature de dépenses, celles qui seront nécessaires pour toutes les parties du service ; à l’effet de quoi, un de ses membres sera préposé à la signature des ordres de fourniture ou de travail, et des mandats de payement ; 3° De la passation de tous les marchés, obligations pour le service, ou actes pour la Société ; 4° D’inspecter, régler et ordonner dans toutes les parties de la salle, du Théâtre, des magasins, etc. ; 5° De vérifier les recettes, d’inspecter la caisse et de faire effectuer le payement des parts, traitements, pensions ou sommes mises en réserve selon le présent règlement ; 6° D’exercer pour tous recouvrements, ou en tout autre cas, tant en demandant qu’en défendant, toutes les actions et droits de la Société, après avoir toutefois pris l’avis de l’assemblée générale et l’autorisation du Surintendant.

 

SECTION II. Des Dépenses, Payements, et de la Comptabilité.

33 Le caissier sera nommé par le Comité, et soumis à l’approbation du Surintendant. Il fournira en immeubles un cautionnement de soixante mille francs, dont les titres seront vérifiés par le notaire du Théâtre, qui fera faire tous les actes conservatoires au nom de la Société.

34 À la fin de chaque mois les états de recette et dépense seront arrêtés par le Comité, et approuvés par le Commissaire impérial.

35 D’après cet arrêté et cette approbation, seront prélevés sur la recette, d’abord les droits d’auteur, ensuite toutes les dépenses : 1° pour appointements d’acteurs, traitements d’employés ou gagistes ; 2° la somme prescrite pour le fonds des pensions de la Société ; 3° le montant des mémoires, tant pour dépenses courantes que fournitures extraordinaires.

36 Le reste sera partagé conformément aux articles 6, 7, 8, 9 et 10.

37 Le caissier touchera tous les trois mois, à la caisse d’amortissement, le quart des cent mille francs de rente affectés au Théâtre-Français, et soldera, avec ces vingt-cinq mille francs, et, au besoin, avec le produit de la part dont il est parlé à l’article 7, sur des états dressés par le Commissaire impérial, et arrêtés par le Surintendant : 1° les pensions des acteurs retirés ou autres pensionnaires ; 2° les indemnités pour supplément d’appointements accordées aux acteurs ; 3° le traitement du Commissaire impérial ; 4° le loyer de la salle.

38 À la fin de chaque année, le caissier dressera le compte des recettes et dépenses, pour le fonds de la Société.

39 Ce compte sera remis au Comité, qui l’examinera et donnera son avis. Il sera présenté ensuite à l’assemblée générale des Sociétaires, qui pourra nommer une commission de trois de ses membres, pour le revoir, et y faire des observations, s’il y a lieu, dans une autre assemblée générale. Enfin le compte sera soumis au Surintendant, qui l’approuvera, s’il y a lieu. 3

40 Le caissier dressera également le compte des cent mille francs accordés par le Gouvernement, et des parts mises à la disposition du Surintendant. Ce compte sera visé par le Commissaire impérial et arrêté par le Surintendant.

41 Sur la part réservée aux besoins imprévus, il pourra être accordé par le Surintendant, aux acteurs ou actrices qui se trouveraient chargés de dépenses trop considérables de costumes ou de toilette, un autorisation pour se faire faire par le magasin, des habits pour jouer un ou plusieurs rôles. SECTION III. Des Assemblées générales.

42 L’assemblée générale de tous les Sociétaires est convoquée nécessairement par le Comité, et a lieu pour les objets suivants : 1° Au plus tard dans la première semaine du dernier mois de l’année, pour examiner et donner son avis sur le budget de l’année suivante, conformément au paragraphe premier de l’art. 32. 2° Au plus tard dans la dernière semaine du premier mois de chaque année, pour examiner le compte de l’année précédente, et ensuite pour entendre le rapport de la commission, s’il y en a eu une nommée.

43 L’assemblée générale doit être, en outre, convoquée par le Comité toutes les fois qu’il y a lieu à placement de fonds, actions à soutenir, en défendant ou demandant, dépenses à faire excédant celles autorisées par le budget ; cas auquel l’assemblée générale doit donner son avis, après quoi le Surintendant décide, après avoir vu l’avis du Conseil, dont il est parlé au titre VII.

44 L’assemblée générale peut, au surplus, être convoquée par ordre du Surintendant, quand il juge nécessaire de la consulter, ou avec son autorisation, si le Comité la demande, pour tous les cas extraordinaires et imprévus.

 

TITRE IV. De l’administration théâtrale.

SECTION PREMIERE. Disposition générale.

45 Le Comité établi par l’art. 30 sera également chargé de tout ce qui concerne l’administration théâtrale, la formation des répertoires, l’exécution des ordres de début, la réception des pièces nouvelles, sous la surveillance du Commissaire impérial et l’autorité du Surintendant.

 

SECTION II. Des Répertoires.

§I. – DE LA DISTRIBUTION DES EMPLOIS.

46 Le Surintendant déterminera, aussitôt la publication du présent règlement, la distribution exacte des différents emplois. Il fera dresser en conséquence un état général de toutes les pièces, soit sues, soit à remettre, avec les noms des acteurs et actrices sociétaires qui doivent jouer en premier, en double et en troisième, le rôles de chacune de ces pièces, selon leur emploi et leur ancienneté, afin qu’il n’y ait plus aucune contestation à cet égard.

47 Nul acteur ou actrice ne pourra tenir en premier deux emplois différents, sans une autorisation spéciale du Surintendant, qui ne l’accordera que rarement et pour de puissants motifs.

48  Si un acteur ou actrice tenant un emploi en chef veut jouer dans un autre, par exemple, si, tenant un emploi tragique, il veut jouer dans la comédie, ou si, jouant les rôles de jeune premier, il veut jouer un autre emploi, il ne pourra primer celui qui tenait l’emploi en chef auparavant ; mais il tiendra ledit emploi en second, quand même il serait plus ancien que son camarade. 4 Notre Surintendant pourra seulement l’autoriser à jouer les rôles du nouvel emploi qu’il voudra prendre, alternativement avec celui qui les jouait en chef ou en premier.

§ II. – DE LA FORMATION DU RÉPERTOIRE.

49 Le répertoire sera formé dans le Comité établi par l’article 30, auquel seront adjointes, pour cet objet seulement, deux femmes Sociétaires, conformément à l’arrêt du Conseil du 9 décembre 17801.

50 Les répertoires seront faits de manière que chaque rôle ait un second ou double désigné, qui puisse jouer à défaut de l’acteur en premier, s’il a des excuses valables, et sans que, pour cause de l’absence d’un ou plusieurs acteurs en premier, la pièce puisse être changée ou sa représentation retardée.

51 Pour veiller à l’exécution du répertoire, deux Sociétaires seront adjoints au Comité, sous le titre de Semainiers ; chaque Sociétaire sera Semainier à son tour.

52 Si un double étant chargé d’un rôle par le répertoire tombe malade, le chef se portant bien sera tenu de le jouer, sur l’avis que lui en donnera le Semainier.

53 Un acteur en chef ne pourra refuser de jouer ni abandonner tout à fait à son double aucun des premiers rôles de son emploi ; il les jouera, bon ou mauvais, quand il sera appelé par le répertoire.

54 Aucun acteur en chef ne pourra se réserver un ou plusieurs rôles de son emploi. Le Comité prendra les mesures nécessaires pour que les doubles soient entendus par le public dans les principaux rôles de leurs emplois respectifs trois ou autre fois par mois. Il veillera également à ce que les acteurs à l’essai soient mis à portée d’exercer leurs talents et de faire juger leurs progrès. Les acteurs jouant les rôles en second pourront réclamer en cas d’inexécution du présent article ; et le Surintendant donnera des ordres sans délai pour que le Comité s’y conforme, sous peine, envers l’acteur en chef opposant et chacun des membres du Comité qui n’y auront pas pourvu, d’une amende de trois cents francs. Notre Commissaire près le Théâtre sera responsable de l’inexécution du présent article, s’il n’a dressé procès-verbal des contraventions, à l’effet d’y pourvoir par le Surintendant et de faire payer les amendes.

55 Nos comédiens seront tenus de mettre tous les mois un grand ouvrage, ou du moins deux petits ouvrages, nouveaux ou remis. Dans le nombre de ces pièces seront des pièces d’auteurs vivants. Il est enjoint au Comité et au Surintendant de tenir la main à l’exécution de cet article.

56 Les assemblées des samedis de chaque semaine continueront d’avoir lieu ; et tous les acteurs seront tenus de s’y trouver pour prendre communication du répertoire. Il continuera d’être délivré des jetons aux acteurs présents.

57 Tous les acteurs et actrices pourront faire des observations, et demander des changements au répertoire pour des motifs valables, sur lesquels il sera statué provisoirement par le Commissaire impérial, et définitivement par le Surintendant.

58 Le répertoire se fera, la première fois, pour quinze jours. Il en sera envoyé copie au Préfet de police. Le samedi d’après se fera celui de la semaine en suivant, et ainsi successivement.

59 Quand le répertoire aura été réglé, chacun sera tenu de jouer le rôle pour lequel il aura été inscrit, à moins de causes légitimes approuvées par le Comité présidé par le Commissaire impérial, et dont il sera rendu compte au Surintendant, sous peine de cent cinquante francs d’amende.

60 Si un acteur ayant fait changer la représentation pour cause de maladie est aperçu dans une promenade, à un spectacle, ou s’il sort de chez lui, il sera mis à une amende de trois cent francs.

 

SECTION III. Des Débuts.

61 Le Surintendant donnera seul les ordres de début sur notre Théâtre-Français. Les débuts n’auront pas lieu du 1er novembre jusqu’au 15 avril.

62 Ces ordres seront présentés au Comité, qui sera tenu de les enregistrer, et de mettre au premier répertoire les trois pièces que les débutants demanderont.

63 Le Surintendant pourra appeler pour débuter les élèves de notre Conservatoire, ceux des maîtres particuliers, ou les acteurs des autres théâtres de notre Empire ; auquel cas, leurs engagements seront suspendus, et rompus s’ils sont admis à l’essai. 1 Cet arrêt se trouve au Dépôt des Lois. 5

64 Les acteurs et actrices qui auront des rôles dans ces pièces ne pourront refuser de les jouer, sous peine de cent cinquante francs d’amende.

65 On sera obligé indispensablement à une répétition entière pour chaque pièce où les débutants devront jouer, sous peine de vingt-cinq francs d’amende pour chaque absent.

66 Le Comité proposera ensuite d’autres rôles à jouer par le débutant ; et le Surintendant en déterminera trois que le débutant sera tenu de jouer après des répétitions particulières et une répétition générale, comme il est dit à l’article 65.

67 Les débutants qui auront eu des succès et annoncé des talents seront reçus à l’essai au moins pour un an, et ensuite comme Sociétaire par le Surintendant, selon qu’il le jugera convenable.

 

TITRE V. Des pièces nouvelles et des auteurs.

68 La lecture des pièces nouvelles se fera devant un Comité de neuf personnes choisies parmi les plus anciens Sociétaires, par le Surintendant, qui nommera en outre trois suppléants pour que le nombre des membres du Comité soit toujours complet.

69 L’admission a lieu à la pluralité absolue des voix.

70 Si une partie des voix est pour le renvoi à correction, on refait un tour de scrutin sur la question du renvoi, et on vote par oui ou non.

71 S’il n’y a que quatre voix pour le renvoi à correction, la pièce est reçue.

72 La part d’auteur dans le produit des recettes, le tiers prélevé pour les frais, est du huitième pour une pièce en cinq ou en quatre actes, du douzième pour une pièce en trois actes, et du seizième pour une pièce en un et en deux actes ; cependant les auteurs et les comédiens peuvent faire toute autre convention de gré à gré.

73 L’auteur jouit de ses entrées, du moment où sa pièce est mise en répétition, et les conserve trois ans après la première représentation pour un ouvrage en cinq et en quatre actes, deux ans pour un ouvrage en trois actes, un an pour une pièce en un ou deux actes. L’auteur de deux pièces en cinq ou en quatre actes, ou de trois pièces en trois actes, ou de quatre pièces en un acte, restées au théâtre, a ses entrées sa vie durant.

 

TITRE VI. De la police.

74 La présidence et la police des assemblées, soit générales, soit des divers Comités, sont exercées par le Commissaire impérial.

75 Tout sujet qui manque à la subordination envers ses supérieurs, qui, sans excuses jugées valables, fait changer le spectacle indiqué sur le répertoire, ou refuse de jouer soit un rôle de son emploi, soit tout autre rôle qui peut lui être distribué pour le service des théâtres de nos palais, ou qui fait manquer le service en ne se trouvant pas à son poste aux heures fixées, est condamné, suivant la gravité des cas, à l’une des peines suivantes.

76 Ces peines sont les amendes, l’exclusion des assemblées générales des Sociétaires et du Comité d’administration, l’expulsion momentanée ou définitive du Théâtre, la perte de la pension et les arrêts.

77 Les amendes au-dessous de vingt-cinq francs sont prononcées par le Comité, présidé par le Commissaire impérial. L’exclusion des assemblées générales et du Comité d’administration peut l’être de la même manière ; mais le Commissaire impérial est tenu de rendre compte des motifs au Surintendant. Le Commissaire impérial qui aura requis le Comité d’infliger une peine, en instruira, en cas de refus, le Surintendant qui prononcera.

78 Les amendes au-dessus de vingt-cinq francs et les autres punitions sont infligées par le Surintendant, sur le rapport motivé du Commissaire impérial. L’expulsion définitive n’aura lieu que dans les cas graves, et après avoir pris l’avis du Comité.

79 Aucun sujet ne peut s’absenter sans la permission du Surintendant.

80 Les congés sont délivrés par le Surintendant qui n’en peut pas accorder plus de deux à la fois, ni pour plus de deux mois ; ils ne peuvent avoir lieu que depuis le 1er mai jusqu’au 1er novembre.

81 Tout sujet qui, ayant obtenu un congé, en outrepasse le terme, paye une amende égale au produit de sa part, pendant tout le temps qu’il aura été absent du Théâtre.

82 Lorsqu’un sujet, après dix années de service, aura réitéré pendant une année la demande de sa retraite, et qu’il déclarera qu’il est dans l’intention de ne plus jouer sur aucun théâtre, ni français, ni 6 étranger, sa retraite ne pourra lui être refusée ; mais il n’aura droit à aucune pension ni à retirer sa part du fonds annuel de cinquante mille francs.

 

TITRE VII. Dispositions générales.

83 Les comédiens français ne pourront se dispenser de donner tous les jours spectacle, sans une autorisation spéciale du Surintendant, sous peine de payer, pour chaque clôture, une somme de cinq cents francs qui sera versée dans la caisse des pauvres, à la diligence du Préfet de police.

84 Tout Sociétaire ayant trente années de service effectif pourra obtenir une représentation à son bénéfice, lors de sa retraite : cette représentation ne pourra avoir lieu que sur le Théâtre-Français, conformément à notre décret du 29 juillet 1807.

85 Tout sujet retiré du Théâtre-Français ne pourra reparaître sur aucun théâtre, soit de Paris, soit des départements, sans la permission du Surintendant.

86 Toutes les affaires contentieuses seront soumises à l’examen d’un Conseil de jurisconsultes ; et on ne pourra faire aucune poursuite judiciaire au nom de la Société sans avoir pris l’avis du Conseil. Ce Conseil restera composé ainsi qu’il l’est aujourd’hui, et sera réduit à l’avenir, par mort ou par démission, au nombre de trois jurisconsultes, deux avoués, et au notaire du Théâtre. En cas de vacance, la nomination se fera par le Comité, avec l’agrément du Surintendant.

87 Le Surintendant fera les règlements qu’il jugera nécessaires pour toutes les parties de l’administration intérieure.

88 Les décrets des 29 juillet et 1er novembre 1807 sont maintenus en tout ce qui n’est pas contraire aux dispositions ci-dessus.

 

TITRE VIII. Des élèves du Théâtre-Français.

§I. – NOMBRE, NOMINATION, INSTRUCTION ET ENTRETIEN DES ÉLÈVES.

89 Il y aura à notre Conservatoire Impérial dix-huit élèves pour notre Théâtre-Français, neuf de chaque sexe.

90 Il seront désignés par notre Ministre de l’Intérieur : il seront âgés au moins de quinze ans.

91 Ils seront traités au Conservatoire comme les autres pensionnaires qui y sont admis pour le chant et la tragédie lyrique.

92 Ils pourront suivre les classes de musique ; mais ils seront plus particulièrement appliqués à l’art de la déclamation, et suivront exactement les cours des professeurs, selon le genre auquel ils seront destinés.

93 À cet effet, indépendamment des professeurs, il y aura pour l’art dramatique deux répétiteurs d’un genre différent, lesquels feront répéter et travailler les élèves, chaque jour, dans les intervalles des classes, à des heures qui seront fixées.

94 Il y aura, en outre, un professeur de grammaire, d’histoire et de mythologie appliquées à l’art dramatique, lequel enseignera spécialement les élèves destinés au Théâtre-Français.

95 Les élèves seront examinés tous les ans par les professeurs et le directeur du Conservatoire ; et il sera rendu compte du résultat à notre Ministre de l’Intérieur et au Surintendant des théâtres.

96 Les élèves qui ne donneraient pas d’espérances ne continueront pas leurs cours, et ils seront remplacés.

97 Ceux qui ne seraient pas encore capables de débuter sur notre Théâtre-Français pourront, avec la permission du Surintendant, s’engager pour un temps au théâtre de l’Odéon, ou dans les troupes des départements.

98 Ceux qui seront jugés capables de débuter pourront recevoir du Surintendant un ordre de début, et être, selon leurs moyens, mis à l’essai au moins pendant un an, et ensuite admis comme Sociétaires, comme il est dit article 67.

 

§ II. – DES DÉPENSES POUR LES ÉLÈVES DE L’ART DRAMATIQUE.

99 La dépense pour chacun des élèves est fixée à onze cents francs ; Le traitement pour chacun des répétiteurs, à deux mille francs ; Le traitement du professeur, à trois mille francs.

100 En conséquence, notre Ministre de l’Intérieur disposera, sur le fonds des dépenses imprévues de son ministère, d’une somme de vingt-six mille huit cents francs en sus de celle allouée pour notre Conservatoire Impérial de musique.

101 Nos Ministres de l’intérieur, de la police, des finances, du trésor, et le Surintendant de nos spectacles, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des Lois.

 

Signé : NAPOLÉON Par l’Empereur : Le Ministre secrétaire d’État par intérim, Signé : DUC DE CADORE.