Les allemands ont, pour la plupart, rangé leur belle reine au magasin des mythes et légendes , oublié son rôle historique. Et pourtant, Louise de Prusse a bel et bien existée et sans son influence, on peut penser que l’Allemagne d’aujourd’hui ne serait pas ce qu’elle est….
Portrait de Louise (Vigier.Lebrun)
Luise Auguste Wilhelmine Amalie von Mecklenburg-Strelitz naît le 10 mars 1776 , à Hanovre.
La famille réunie
Elle est la fille de Karl II. Ludwig Friedrich, prince héritier de Mecklenburg-Strelitz (1741-1816), lieutenant général de Hanovre, qui succèdera à son frère, comme duc (1794) et grand-duc (1815).
Le père de Louise
et de Friederike (1778), fille du Landgraf Georg von Hessen-Darmstadt. Celle-ci meurt le 22 mai 1782, alors que Louise n’a encore que 4 ans:
Son père se remarie deux ans plus tard avec la sœur de sa premiére femme, Charlotte, qui décède elle-même un an après.
Louise aura pour frères et sœurs :
Charlotte, épouse du duc Frédéric de Sachsen-Hildburghausen;
Therese, épouse du prince héritier Charles Alexandre, futur prince de Thurn und Taxis;
Friederike, épouse en première noce du prince Louis de Prusse (le frère du roi Frédéric Guillaume III, en deuxième noce le prince Frédéric von Solms-Braunfels, en troisième noce Ernst August Herzog von Cumberland, futur roi de Hanovre;
George (1778), le prince héritier, qui deviendra le grand-duc de Mecklenburg-Strelitz, et épousera la princesse Marie von Hessen-Kassel;
Karl (fils de la deuxième mère), qui deviendra général prussien et Président du Conseil d’État.
ThérèseCharlotteFriederike, épouse en première noce du prince Louis de Prusse (le frère du roi Frédéric Guillaume III, en deuxième noce le prince Frédéric von Solms-Braunfels, en troisième noce Ernst August Herzog von Cumberland, futur roi de Hanovre;La mère de Louise
En 1786, La famille déménage pour s’installer à Darmstadt. La guerre contre la France (1792) oblige les trois enfants à de nouveau déménager, accompagnés de leur grand-mère, cette fois à Hilderburg. Dès l’année suivante ils sont cependant de retour à Darmstadt.
Le 14 mars de cette même année, Louise fait la connaissance, à Frankfort, du prince Frédéric-Guillaume de Prusse, le fils de Frédéric-Guillaume II, qui a succédé au Grand frédéric. Les choses vont aller très vite :
fiançailles le 24 avril, mariage le 24 décembre 1793.
Le 22 mars 1797, Louise donne naissance à un fils, prénommé Guillaume (c’est le futur Guillaume Ier, empereur d’Allemagne). Quelques mois plus tard, le 16 novembre 1797, le roi Frédéric-Guillaume II meurt. Le mari de Louise est couronné roi de Prusse, sous le nom de Frédéric-Guillaume III et Louise devient reine de Prusse.
Le 13 juillet 1798, naissance de la princesse Charlotte, future épouse du tsar Nicolas I. (sous le nom de tsarine Alexandra Feodorowna).
Le 14 octobre 1799, naissance d’une fille, Frédérique, qui ne vivra que quelques mois. Le 29 juin 1801, Louise donne le jour à un fils, Karl, l’année suivante, c’est au tour d’une fille, Alexandrine.
En Europe, les événements politiques se succèdent : arrivée au pouvoir de Bonaparte, assassinat du tsar Paul Ier, auquel succède son fils, Alexandre Ier (que Louise rencontre pour la première fois le 10 juin 1802, à Memel), fin du Saint Empire, Bonaparte couronné empereur sous le nom de Napoléon Ier.
1805 : la troisième coalition (Angleterre, Russie, Autriche) commence la guerre contre la France. Le 3 octobre, les troupes françaises violent le territoire prussien, à Anspach. Le 25, le tsar Alexandre rencontre le roi et la reine de Prusse, à Berlin. Quelques jours plus tard, le traité de Postdam scelle l’alliance prusso-russe. L’année se termine par la victoire de Napoléon à Austerlitz et le traité de Pressbourg.
Violation du territoire de Anspach
Le 27 février 1806, la Prusse proclame l’occupation du Hanovre. Un mois plus tard, le 28 mars, Murat prend possession des territoires de Essen et de Werden. Le 1er août, la Confédération du Rhin est créée.
Le 20 septembre, la reine Louise rejoint l’armée prussienne, à Naumburg (sur la Saale). Le commandant en chef est le duc Ferdinand de Brunswick, le héros de la guerre de Sept Ans. L’ambiance est à la victoire. Le roi dispose son armée autour de Weimar et d’Erfurt. La reine l’accompagne et impressionne son entourage par son sang-froid et sa connaissance de la situation.
Le premier signe du destin survient le 10 octobre, à Saalfeld. Là, dans un combat d’avant-gardes, le prince Louis Ferdinand trouve la mort. La reine Louise en éprouve une grande tristesse. Et pourtant le plus dur est à venir.
Les dispositions prises par Brunswick sont telles que ses forces sont séparées en deux groupes inégaux, à Iéna et à Auestaedt. Pourtant la reine est pleine d’espoir. Elle ne peut décidément pas rester à Weimar. Elle décide de se rendre, le 13 octobre, à Auerstaedt. Elle évite de justesse de tomber aux mains des français et doit rebrousser chemin. A Weimar, on a déjà eu vent de la manœuvre d’enveloppement des français, et la reine Louise se voit conseiller de fuir en direction de Berlin. Bientôt la nouvelle des défaites à Iéna et à Auerstaedt, qui marquent l’anéantissement de l’armée prussienne, est connue. Au soir du 14, Weimar est occupé par les troupes françaises.
Louise commence sa terrible fuite. A Braunschweig (Brunswick) elle rejoint la Cour, qui lui apprend la mort du duc. Quatre jours plus tard, elle est à Brandenburg, où le général Kleist l’informe de la gravité de la situation. Les français s’avancent rapidement : la Reine doit continuer de fuir vers l’est, par Berlin. Lorsqu’elle y arrive, ses enfants en sont déjà partis, elle les rejoint à Schwedt. Mais il lui faut continuer : Stettin, Küstrin, où le roi et ses ministres la rejoignent, Graudenz, Osterode, Ortelsburg. Le 10 décembre le couple royal atteint Königsberg, où la reine tombe malade du typhus.
Comme les Français se rapprochent de plus en plus, la fuite continue « Plutôt tomber dans les mains de dieu que dans celles de ces gens là !« . Louise est transportée, par un froid terrible, par la côte de Courlande, à Memel, où elle apprendra la défaite des troupes russes à Eylau. Début avril, elle rencontre l’ami parmi les amis, le tsar Alexandre. Hardenberg ayant été nommé, sous la pression d’Alexandre, premier ministre le 9 avril, le 28, le traité prusso-russe de Bartenstein est signé. Louise s’installe à Königsberg. A Danzig, Kolberg,Graudenz, on résiste vaillamment. Moment de bonheur éphémère.
Bientôt Louise apprend la chute de Dantzig. La Cour doit se déplacer à Memel. Le 14 juin, nouvelle défaite des russes, à Friedland. Les français occupent Königsberg. Les hostilités franco-russes cesseront avec le traité de Tilsitt, les prussiens acceptant un cessez-le-feu le 25 juin.
Les 6 et 7 juillet 1807, à Tilsitt, la reine Louise avait plaidé auprès de Napoléon Ier la cause de la Prusse, sans succès. Ce jour là, pourtant, elle marqua les esprits:
Napoléon rencontre la reine Louise
Coignet :
« Un jour, nous reçûmes l’ordre de planter des arbres dans la grande rue et de la sabler, pour recevoir la reine de Prusse, qui venait visiter Napoléon. Elle arriva a dix heures du soir. Quelle était belle ! On pouvait dire : Belle reine et vilain roi. Mais je crois qu’elle était reine et roi.
L’empereur vint la recevoir au bas du perron, et lui présenta la main. Elle passa la nuit au palais. Cependant, elle ne put faire plier Napoléon (…) Quelle démarche majestueuse ! J’avais alors trente ans, et j’aurais donné une de mes deux oreilles pour rester avec elle aussi longtemps que l’empereur. »
Constant :
« La reine était belle et gracieuse, peut-être un peu haute et sévère; mais cela ne l’empêchait pas d’être adorée de tout ce qui l’entourait. L’empereur cherchait à lui plaire, et elle ne négligeait aucune des innocentes coquetteries de son sexe pour adoucir le vainqueur de son époux. Je vis la Reine dîner plusieurs fois avec les souverains, assise entre les deux empereurs, qui la comblaient à l’envi d’attentions et de galanteries. On sait que l’empereur Napoléon lui offrit un jour une rose superbe; qu’après avoir hésité quelque temps elle finit par accepter, en disant à sa Majesté, avec le plus charmant sourire : « Au moins avec Magdeburg » Et l’on sait que l’Empereur n’accepta point l’échange. »
Marbot :
« Napoléon alla un jour rendre visite à l’infortunée reine de Prusse, dont la douleur était, disait-on, fort grande. Il invita cette princesse à dîner pour le lendemain, ce qu’elle accepta sans doute à contrecœur; mais au moment de conclure la paix, il fallait bien chercher à adoucir la colère du vainqueur. Napoléon et la reine de Prusse se détestaient cordialement : elle l’avait outragé dans plusieurs proclamations, et il le lui avait rendu dans ses bulletins. Leur entrevue ne se ressentit cependant pas de leur haine mutuelle. Napoléon fut respectueux et empressé; la Reine gracieuse et cherchant à captiver son ancien ennemi, dont elle avait d’autant plus besoin qu’elle n’ignorait pas que le traité de paix créait, sous la dénomination de royaume de Westphalie, un nouvel État dont la Hesse électorale et la Prusse fournissaient le territoire (…)
Maison où logea Napoléon à Tilsit
Il parait que pour conserver cette place importante (Magdeburg), la Reine de Prusse employait pendant le dîner tous les efforts de son amabilité, lorsque Napoléon, pour changer la conversation, ayant fait l’éloge d’une superbe rose que la Reine avait au coté, celle-ci lui aurait dit : « Votre Majesté veut-elle cette rose en échange de la place de Magdeburg. Peut-être eût-il été chevaleresque d’accepter, mais l’Empereur était un homme trop positif pour se laisser gagner par de jolis propos, et on assure qu’il s’était borné à louer la beauté de la rose, ainsi que la main qui l’offrait, mais qu’il n’avait pas pris la fleur, ce qui amena des larmes dans les beaux yeux de la Reine ! Mais le vainqueur n’eut pas l’aire de s’en apercevoir. Il garda Magdeburg, et conduisit poliment la Reine jusqu’au bateau qui devait la porter sur l’autre rive. »
Napoléon accueillant la reine Louise à Tilsit
Napoléon, dans ses lettres, parle de la reine de Prusse :
« La belle reine de Prusse doit venir dîner avec moi aujourd’hui. »
« Mon amie, la Reine de Prusse a dîné hier avec moi. J’ai eu à me défendre de ce qu’elle voulait m’obliger à faire encore quelques concessions à son mari; mais j’ai été galant, et me suis tenu à ma politique. Elle est fort aimable (…) »
« La reine de Prusse est réellement charmante; elle est pleine de coquetterie pour moi; mais n’en sois point jalouse : je suis une toile cirée sur laquelle tout cela ne fait que glisser. Il m’en coûterait trop cher pour faire le galant. »
Après la signature du traité, le 9 juillet (la Prusse cède tous ses territoires de la rive gauche de l’Elbe et se voit imposer une imposante contribution de guerre), elle retourne à Memel. Le 4 octobre, Stein est nommé, sur la pression de Louise, Chancelier. En décembre, les Français évacuent les territoires de la Prusse situés à l’est de la Weichel. Les réformes intérieures peuvent commencer.
La Cour reste d’abord à Memel, ce qui n’améliore pas la santé de la reine. Le 16 janvier 1808, la cour de Prusse retrouve Königsberg, où la reine Louise donne naissance à une fille, la princesse Louise. La situation financière de la Cour est au plus bas, on doit fondre une partie de l’argenterie et la vaisselle d’or du grand Frédéric. Le tsar Alexandre visitera la cour deux fois cette année là, en septembre et en octobre. Le 3 décembre 1808, les français quittent Berlin. A la fin de l’année, le couple royal fait un voyage à Saint-Pétersbourg, où ils séjournent jusqu’au début de février 1809.
L’année 1809 est marquée, pour la reine Louise, par sa première rencontre avec Humbolt, sa grave maladie en juin-août et la naissance du prince Albrecht. Pendant ce temps, l’Autriche a du s’avouer battue à Wagram, après avoir infligé à Napoléon le revers d’Essling. A la fin de l’année, le 23 décembre, le roi et la reine retrouve enfin Berlin.
La mort de la reine Louise
Louise n’a plus longtemps à vivre. Le 10 mars 1810, elle s’installe à Postdam et, le 2 mai, elle rencontre secrètement Hardenberg, sur la Pfaueninsel. Le 4 juin, Hardenberg est nommé Chancelier d’État. Le 28 juin, au cours d’un voyage à Hohenzieritz, elle contracte une infection pulmonaire, qui l’emporte très rapidement, tant les épreuves successives l’ont affaiblie : elle expire le 19 juillet 1810.
Son corps est ramené à Berlin le 25 juillet et ses obsèques ont lieu le 30, dans la cathédrale. Le 23 décembre, elle est conduite à sa dernière demeure, au château de Charlottenburg (mausolée dans le parc).
Portrait de la reine Louise sur son lit de mort
Le Mausolée de Charlottenburg
Repères bibliographiques
Adelheid Weber. Königin Luise. Leipzig
Röchling, Knötel, Friedrich. Die Königin Luise in 50 Bildern für Jung und Alt. Berlin. 1896 (pour les illustrations)