La campagne de 1809 – Opérations en Bavière. La marche en avant des Autrichiens

Artillerie autrichienne - Augsburger Uniforms. Markus Stein
Artillerie autrichienne – Augsburger Uniforms. Markus Stein

Ordre de bataille autrichien début avril.

Le 8 avril, l’archiduc Charles transfère son quartier général à Ried.

Laissant deux corps d’armée en Bohème, sous les ordres du Général de cavalerie (GdK) Bellegarde, se montant à environ 50.000 hommes, qui ont ordre de marcher en direction de Ratisbonne[i], pour, in fine, se joindre à lui. A la tête de 150.000 hommes, répartis en six corps d’armée[ii], Charles se prépare à franchir l’Inn. Les troupes passeront la rivière avec deux journées de pain et de fourrage par homme et par cheval. Elles ont reçu gratuitement une ration de viande et d’eau-de-vie. La viande doit être emportée déjà cuite. Enfin l’empereur a accordé à l’armée une solde supplémentaire de trois jours.

10 avril.[iii]

Le IVe corps d’armée et le 1er corps de réserve passent l’Inn à Schärding (pont permanent), prenant position sur la rive gauche. La brigade Vécsey, est envoyée en direction Ortenburg, afin d’observer la route de Straubing, tandis que trois compagnies du génie restent à Schärding pour y construire une tête de pont. La brigade GM Reinwald (2 bataillons, 1 escadron de hussards et une compagnie du génie – sous le commandement du FML Dedovich) est envoyée à Passau, pour s’emparer de la ville[iv]. Si celle-ci tombe effectivement rapidement aux mains des Autrichiens, le commandant de la forteresse d’Oberhaus, le général Montigny, répond à la sommation de se rendre par une canonnade.[v]

Le IIIe corps d’armée passe à Obernberg (pont de pontons), où il bivouaque. [vi]

Les Ve et VIe corps en font autant à Braunau[vii] (pont permanent), bivouaquant à Ober-Tulbach. [viii]

Le 2e corps de réserve, lui aussi à Braunau, suivra, mais le lendemain seulement[ix].[x]

Ce passage de l’Inn[xi] s’effectue sans aucune manifestation ou opposition de l’ennemi, dont les forces sont alors passablement dispersées :

  • Le 3e corps (Davout) cantonne autour de Bayreuth, d’Erlangen et de Ratisbonne,
  • Le 7e corps (Lefebvre) se trouve à Freising, Munich et Straubing,
  • Le 8e corps (Vandamme) est en route en direction de Dillingen,
  • Le 4e corps (Masséna) arrive du Rhin, par Bâle et Hünningen,
  • Le 4e corps (Oudinot) est sur le Lech, avec son quartier général à Augsbourg,
  • La réserve de cavalerie est entre Ingolstadt et Donauwörth, enfin
  • La division Rouyer marche sur Ingolstadt.
FZM Heinrich comte Bellegarde - HGM Vienne
FZM Heinrich comte Bellegarde – HGM Vienne

C’est ce jour-là que l’archiduc Charles reçoit, du chargé d’affaire autrichien à Munich, la nouvelle de l’arrivée imminente de Napoléon auprès de son armée, ainsi que des informations sur les forces françaises selon lesquelles Masséna ne dispose, au plus, que de 40.000 hommes, la plupart des nouveaux conscrits, Oudinot, 10,000, les Bavarois entre 24 et 30.000, Boudet ayant, à Memmingen 4.000 hommes.[xii]

 

11 avril

Le 11 et le 12, l’armée autrichienne, embarrassée par ses équipages dans les chemins défoncés par plusieurs jours de pluie fit à peine 20 kilomètres. [xiii]

Peter, baron von Vecsey - Österreichische Bild Archivs
Peter, baron von Vecsey – Österreichische Bild Archivs

En effet, depuis le début des opérations, il pleut presque sans interruption, la neige se mêle même de temps à autre à la pluie. Le IVe corps avance jusqu’à Brombach, le 1er corps de réserve jusqu’à Karpfham, la brigade Vécsey jusqu’à Weng. Le IVe corps atteint Tristern. Le Ve corps se scinde en deux : une partie se rend à Burghausen[xiv], l’autre se dirige, avec le VIe corps, sur Alt et Neu-Ötting, où les troupes bavaroises ont laissés des ponts insuffisamment détruits. Enfin, le 2e corps de réserve arrive jusqu’à Martel.

Au nord, le Ier corps d’armée s’avance jusqu’à Neustadt, le IIe jusqu’à Neuberg. Des avant-gardes se heurtent, à Hirschau, à des éléments de la division Friant, mais réussissent à prendre possession du village.

L’archiduc Charles établi son quartier général à Martel. Les opérations n’ont commencé que depuis deux jours, mais déjà des déficiences apparaissent dans la logistique.

Durant la marche des jours précédents de notre armée les dépôts de subsistances ont été particulièrement  insuffisants, voire pire : nous n’avons rencontré aucun dépôts. Les soldats, pour qui rien n’avait été prévu, ont du se ravitailler eux-mêmes, avec pour conséquences que les habitants se sont réfugiés dans les montagnes, laissant un pays vide derrière eux.[xv]

L’intention du général en chef est alors :

de rassembler (son) armée derrière la Vils, et de là marcher directement, en deux journées, sur Landshut et d’y forcer le passage de l’Isar, s’il est défendu.[xvi]

 

12 avril.

L’armée autrichienne continue d’avancer, lentement il est vrai[xvii]. Vécsey arrive à Aichendorf, quelques-unes de ses patrouilles atteignant cependant, le soir, Landau et Plattling, où elles font réparer, par les habitants, les ponts détruits par les Bavarois en retraite.

Les IIIe et IVe corps d’armée sont dans les environs de Pfarrkirchen, les avant-postes des Ve et VIe atteignent Maffing et Neumarkt. Les 1er et  2e corps de réserve sont à Pfarrkirchen et Alt-Ötting. Quant à Jellačić, il se prépare encore à passer l’Inn.

Charles a établi son quartier général à Alt-Ötting. Là, il y apprend que les marches des deux derniers jours ont malheureusement passablement affaibli son armée. Sur les 140.000 hommes qui ont passé l’Inn, il ne lui en reste que 125.000. Les troupes sont fatiguées et il se voit obligé de leur accorder une journée de repos !

 

13 avril

Soit pour attendre leurs magasins ambulants, soit pour se reposer de leurs fatigues, les Autrichiens séjournèrent le 13.[xviii]

Cette décision n’est pas totalement suivie d’effet, par suite de difficultés de communications. Certaines troupes vont faire mouvement, le IVe corps fait même marche arrière. Mais, d’une manière générale, les troupes restent là où elles se sont arrêtées la veille. Seuls certains avant-postes vont jusqu’à l’Isar.

Mais c’est au nord que des évènements significatifs surviennent. On l’a vu plus haut, des avant-postes autrichiens du IIe corps se sont heurtés à des éléments de la division Friant, appelée par Davout pour couvrir et protéger son mouvement sur le Danube. Ce 13 avril, Friant s’avance sur Amberg, il s’en suit un combat durant lequel chaque côté n’engage que peu de troupes (et en perd également très peu)[xix]. Cet évènement confirme à Bellegarde que Davout est à Ratisbonne. Il donne alors ordre au IIe corps de se rapprocher de l’embouchure de la Regen dans le Danube, le Ier corps restant à Amberg, pour y attendre les décisions du général en chef.

Ce dernier, à Alt-Ötting, est dans un embarras certain et commence à douter. Il n’a même pas de renseignements sûrs au sujet de l’ennemi, les nouvelles à son sujet étant rares et se contredisant. Pour le 14, peu de mouvements sont donc ordonnés, pour autant que l’ennemi ne se montre pas. Les différents corps d’armée devront ainsi occuper les cantonnements suivants : le VIe corps à Nieder-Bergkirchen, le Ve à Neumarkt, sur la rive gauche de la Roth, tout comme le 2e corps de réserve, mais sur la rive droite, les IIIe et IVe corps à Ganghofen, le 1er corps de réserve à Hochholding, Landau, où les ponts doivent être sécurisés.

La Légion de lArchiduc Charles. Knötel.
La Légion de lArchiduc Charles. Knötel.

14 avril

Ces mouvements sont peu ou pas exécutés dans la journée du 14, en partie parce que les ordres correspondants ne vont pas atteindre les troupes. Les IIIe et IVe corps se trouvent bien à Ganghofen, et le VIe à Nieder-Bergkirchen, mais le Ve est à Neumarkt, accolé au VIe, le 1er corps de réserve s’étendant jusqu’à Maffing, le 2e jusqu’à seulement Stetten. De son côté, Vécsey arrive à Landau, d’où il informe du retrait des Bavarois. Quant à Jellačić, il se trouve enfin sur la rive gauche de l’Inn et promet d’être, en trois marches, à Munich.

Le IIe corps avance ses avant-postes jusqu’à Schwandorf-Burglengenfeld. Le matin, les avant-postes du Ier corps sont attaqués, à Urfensollen, par des unités de Friant. L’attaque, qui sera renouvelée l’après-midi, est repoussée, avec de faibles pertes.

Ce 14 avril, l’archiduc Charles a transporté son quartier-général à Neumarkt. De tous les côtés lui parvient l’information que les Bavarois reculent. Il donne l’ordre, pour le jour suivant, au VIe corps de se diriger sur Velden, au Ve corps de prendre ses cantonnements à Vilsbiburg, au IIIe corps d’en faire de même sur la gauche de la route de Landshut, à hauteur de Aich, au IVe corps de se rendre à Gerzen, ou, au cas où les routes serait trop mauvaise, à Frontenhausen. Les 1er et 2e corps de réserve viendront à l’est de Aich, sur la droite de la route. Vécsey se dirigera sur Dingolfing. Le quartier général s’établira à Vilsbiburg.

Jean-Charles comte Kolowrat
Jean-Charles comte Kolowrat

15 avril

L’armée autrichienne effectue les mouvements suivants :

  • A gauche, le VIe corps marche sur la Vils, en direction de Velden, ses avant-postes vers les villages Isen et Erding an der Sempt. Le major Scheibler (chevau-légers Rosenberg) arrive avec un détachement (8 compagnies, 3 escadrons) sur l’Isar, après Moosburg, où il fait remettre en état le pont détruit par les Bavarois, et envoie des patrouilles jusqu’à l’Ammer.
  • Le Ve corps avance au centre, entre les deux Vils ; le général Radetzky (avant-garde), par la route de Landshut, jusqu’à Geisenhaufen, qui informe que les Bavarois ont évacué Landshut[xx] (sur la rive droite de l’Isar) et ont pris position sur la rive gauche, à Altdorf. Durant la matinée une compagnie de Uhlans est envoyée vers Landshut, pour préparer, avec les autorités de la ville, la remise en état des ponts. Le soir, Landshut est occupée par l’avant-garde de Radetzky (deux compagnies de Gradiskaner et un escadron de hussards Kienmayer).
  • Le IIIe corps se réunit au Ve corps, les cantonnements se trouvant entre la Vils et la Vina, ses avant-postes arrivant jusqu’à l’Isar.
  • Le IVe corps arrive à droite, sur la Vils, après Frontenhausen. Les avant-gardes sont sur l’Isar, entre Wörth et Dingolfing
  • Les deux corps de réserve se joignent aux Ve et IIIe corps, le premier à Vonabiburg, le second à Etelhofen

Les positions occupées par les Bavarois à Altdorf sont loin d’être avantageuses. En effet, sur la rive droite de l’Isar, où se trouve Landshut, il y a des hauteurs qui dominent l’autre rive. Altdorf peut également être tourné, à gauche par Moosburg, à droite par Dingolfing. S’ils s’attardent trop longtemps pour défendre les ponts de Landshut, ils peuvent se voir couper leur ligne de retraite, où en tout cas être très menacée.

Pour le passage de l’Isar le général en chef ordonne, pour le lendemain, les dispositions suivantes :

  • Le Ve corps se positionnera, en colonnes, à Geisenhausen,
  • Derrière lui se rangera le IIIe corps, à Vilsbiburg.
  • A une demi-heure de ce dernier, les deux corps de réserve, sous les ordres de Liechtenstein
  • Le VIe corps marchera sur Moosburg, occupant la route de Munich, pour que le passage de la rivière ne soit pas menacé de ce côté.
  • Le IVe corps marchera sur Dingolfing, passera à cet endroit l’Isar, et portera son avant-garde jusqu’au village d’Ergolstadt, sur la route Landshut – Ratisbonne ; la brigade Vécsey se portera sur Leibelfing, sur la route Landshut – Straubing.  Vécsey devra envoyer un détachement sur la Laber, un autre vers Ratisbonne, par Straubing, pour y vérifier l’état du pont, et recueillir des informations sur les Ier et IIe corps d’armée, sur la rive gauche du Danube.

 

16 avril 1809[xxi] – Premiers contacts à Landshut

(Deroy) ne voulut pas se replier sans combattre (…) Ce qui (lui) donnait tant de confiance, c’est qu’un peu au-dessus de Landshut l’Iser (sic) est divisé par une grande île en deux bras qui se rattachent en amont et en aval de la ville par deux canaux de dérivation. Le château de Trausnitz couronne les hauteurs en arrière ; deux chaussées, formant des défilés longs de 3.000 mètres, conduisent aux villages d’Ergoltingen et d’Altdorf, bâtis au pied des collines bordant la rive gauche qui s’abaisse insensiblement dans une plaine marécageuse. C’est sur ces collines que Deroy avait mis sa division en bataille. Deux régiments tenaient les débouchés du grand pont rompu, ainsi que le village de Selingenhtal. » [xxii]

De fait, le passage de l’Isar[xxiii] n’était pas, quelle que soit l’armée qui l’eut tenté, une chose aisée : une île longue et étroite divisait déjà la rivière en deux canaux étroits, l’un large de 100 mètres, l’autre de 30, chacun traversé par un pont sur pilotis. Sur la rive droite, celle par où les Autrichiens se présentent, le terrain s’élève rapidement, formant des hauteurs qui dominent la ville et ses ponts. Sur ces hauteurs, un château, d’où les Bavarois n’essayeront même pas de tirer avec des canons. Sur la rive gauche, au contraire, le terrain était plat et marécageux, sur une largeur de 3 à 4 kilomètres, avant de s’élever de nouveau, à partir d’Altdorf.

C’est là que se trouvent, au matin du 16, environ  4.200 hommes[xxiv] (infanterie de ligne et dragons) de la division Deroy[xxv]. Il a positionné une avant-garde (le 9e régiment d’infanterie Ofenburg) dans le faubourg de Seligenthal, ainsi que dans les maisons qui bordent la rive gauche de l’Isar, pour défendre le pont principal sur pilotis[xxvi], dont les dernières traverses, du coté de la rive droite, ont été détruites, sur une longueur de 20-25 mètre, et sur lequel passe la grande route. La ligne de retraite (vers le nord) de ces troupes passe par des fossés remplis d’eau et est bordée, de chaque côtés, de prairies boueuses, de sorte qu’une poursuite ne pourra s’effectuer qu’en colonne, sur la route elle-même, et que les traînards ne pourront être pris de flanc.

La lenteur autrichienne ne se démentit pas : quoique l’avant-garde fût en vue de la ville dès le matin, l’attaque n’eut lieu qu’à midi.[xxvii]

Vers 11 heures du matin, l’archiduc donne l’ordre de rétablir le pont[xxviii] et d’expulser les Bavarois du faubourg de Seligenthal[xxix]. Les batteries autrichiennes, depuis les hauteurs de la rive droite, mais aussi depuis les portes du pont, commencent à tirer. Une batterie bavaroise (11 pièces), située sur l’autre rive, au niveau d’un moulin, est rapidement contrainte à se retirer. Elle se repositionne en arrière et reprend aussitôt son tir.

Sous le commandement du capitaine Abele, les pionniers autrichiens commencent à travailler au rétablissement du pont, aidés en cela par des habitants. Mais les deux travées qui ont été enlevées par les Bavarois, lorsqu’ils se sont retirés de la ville, ont entraîné un espace de plusieurs mètres, et il faut installer de gros arbres de taille convenable entre les travées, sur les appuis qui subsistent. C’est un travail très délicat[xxx], que les fantassins bavarois, au début, gênent considérablement. Toutefois, les Gradiskaner occupant bientôt les maisons de la rive droite, forçant les Bavarois à évacuer celles de la rive opposée, et le feu des batteries autrichiennes balayant d’un feu meurtrier la rive gauche, les Bavarois doivent se retirer à une distance respectable et le pont peut être enfin rétabli, vers 1 heure et demie.[xxxi]

Le comte Radetzky-
Le comte Radetzky-

C’est le général Radetzky qui le franchit le premier, avec l’avant-garde. Celle-ci est commandée par le capitaine Simbschen (2 compagnies de Gradiskaner et 30 tireurs d’élite, 30 pionniers et un escadron de uhlans), et est appuyée de 4 autres compagnies de Gradiskaner et d’un autre escadron de uhlans. Simbschen avance au pas de charge sur Seligenthal, en chasse les Bavarois, et s’empare du pont qui relie l’île à la rive gauche. Il poursuit ensuite les Bavarois jusqu’à leur position à Altdorf, où ces derniers rejoignent le reste de la division Deroy.

Pendant ce temps, les Autrichiens ont continué de passer sur la rive gauche de l’Isar et se mettent en position, sur plusieurs lignes, de part et d’autre de la route d’Altdorf. Leur artillerie tire sur les positions bavaroises, d’Altdorf à Ergolting. En même temps, Radetzky, avec les Gradiskaner, tourne les Bavarois par leur gauche, au niveau d’Ergolting. L’artillerie bavaroise s’efforce de répondre à l’artillerie autrichienne, sans toutefois des résultats appréciables.

Dans le même temps, la colonne Scheibler (VIe corps d’armée) s’approche de Pfeffenhausen, faisant de nombreux prisonniers. Son aile droite menacée, Deroy décide de retraiter[xxxii], ce qui s’effectue en très bon ordre.

Je commence ma retraite aujourd’hui à 2 heures de l’après-midi, non pas parce que je ne me sens pas en force face à l’ennemi, mais parce que j’ai reçu la nouvelle qu’un corps autrichien a passé l’Isar à Moosburg, et menace ma ligne de retraite.

Son arrière-garde est suivie de près par des uhlans archiduc Charles, commandés par le lieutenant-colonel Heinrich Hardegg, et deux escadrons de hussards (Kienmayer), sous les ordres du lieutenant-colonel Bubna. Lorsque Hardegg rejoint l’arrière-garde bavaroise, non loin de Altdorf, un combat a lieu, auquel participe aussi le reste des uhlans (archiduc Charles) du Ve corps, arrivés rapidement sur les lieux. Une partie de l’infanterie bavaroise  est encerclée et capturée vers Altdorf. Une rapide réaction de la cavalerie de l’arrière-garde bavaroise[xxxiii] force les uhlans à abandonner la poursuite et à reculer. Bubna vient à leur rescousse avec ses hussards et repousse à nouveau les cavaliers bavarois. Mais ceux-ci envoient de nouveau de la cavalerie à l’attaque du flanc droit des hussards autrichiens, qui sont sur le point de faiblir, lorsque Hardegg, qui a regroupé ses uhlans, repousse les Bavarois et les contraint, finalement, à se retirer au-delà d’Au.

Le gros des troupes de Deroy prend d’abord position à Pfettrach, dans une position avantageuse, qu’elles doivent cependant bientôt abandonner sous le feu de l’artillerie attelée autrichienne. Elle recule alors jusqu’à Arth, puis, continuant sa retraite ordonnée, par Weihmichl, Neuhausen, arrive à Pfeffenhausen.[xxxiv]

Vers 16 heures, le généralissime a donné l’ordre de bivouaquer pour la nuit. Le Ve corps prend position dans le faubourg de Nikolai, à Ergolding et à Altdorf. Son quartier-général est installé à Seelingthal. Le IIIe corps bivouaque au sud de Landshut, avec, en arrière, les deux corps de réserve. Le quartier-général de l’archiduc est installé à Landshut, au château. Dans la nuit il fait avancer le IIIe corps dans la ville, en dépit d’un manque évident de ressources.

Les deux jours suivants (le 16 – ndlr) ce fut, dans la ville,  un torrent continu d’Autrichiens, de magnifiques cavaliers, un salut permanent devant l’archiduc Charles, plein de bravoure et de sérieux. [xxxv]

Après ce premier combat de la campagne, l’archiduc Charles, qui, resté avec le Ve corps, n’a pas participé aux combats, vient donc, avec de très faibles pertes, de passer le dernier obstacle qui le sépare de l’armée de Napoléon et se trouve – comme il l’avait écrit à l’empereur François le 11 avril (cf. plus haut) dans une position extrêmement favorable. C’est en fait la position centrale chère à son adversaire : il peut, se tournant vers sa droite ou vers sa gauche, attaquer l’une ou l’autre de ses ailes, comme il peut en enfoncer le centre, pour se rabattre ensuite sur l’aile qui lui paraîtra la plus faible. Et pourtant, Charles ne va pas savoir en profiter ! [xxxvi]

 

17 avril 1809

Au lendemain de ce premier engagement de la campagne, les Autrichiens occupent les positions suivantes :

  • Le IIIe corps est à Hohentann, avec des avant-postes à Türkenfeld, patrouillant jusque sur la Gross-Laber.
  • Le IVe corps est à Essenach, avec ses avant-postes à Ergolstsbach et Martinshaun, patrouillant en direction de Ratisbonne. La brigade Vécsey est à Geiselhöring sur le Klein-Laber.
  • Le 1er corps de réserve, renforcé d’une division du Ve corps, est en marche sur Ergolding.
  • Le gros du Ve corps avance en direction de Weihmichel, avec son avant-garde sur Pfeffenhausen et Holzhausen.
  • Le 2e corps de réserve ferme ici la marche, à Altdorf.
  • Enfin, le VIe corps est à Moosburg, avec des avant-postes sur l’Abens, des patrouilles sur l’Iller à Pfaffenhofen.[xxxvii]
Le monument Deroy à Munich
Le monument Deroy à Munich

On voit donc que l’armée principale, jusqu’ici maintenue en une masse compacte, commence à s’étaler, rendant déjà hypothétique une action coordonnée. Toutefois, c’est avec ses mouvements que l’archiduc pense pouvoir enfoncer l’armée française, comme il le fait savoir à Bellegarde :

Le général Davout se trouvant encore sur la rive gauche du Danube, et le corps bavarois, repoussé hier d’ici et ayant commencé sa retraite sur le Danube, rendant par conséquent l’armée française très distendue, j’ai décidé de passer au centre. Selon les circonstances, je passerai le Danube en n’importe quel point entre Ingolstadt et Ratisbonne et me dirigerai sur Eichstaed (…) Je marche demain avec l’armée sur Pfeffenhausen et ferai avancer le VIe corps (Hiller) en direction de Pfaffenhofen, pour observer l’armée ennemi sur le Lech (Masséna).

Je n’ai jusqu’à présent aucune nouvelle sûre au sujet de l’ennemi qui se trouve à Ratisbonne ; mais il ne pourra pas longtemps tenir devant ma marche sur Neustadt. J’ai donné ordre au général Vécsey, au cas où il se trouverait encore un grand nombre d’ennemis à Ratisbonne, d’envelopper la ville de ce côté, mais si l’ennemi l’a abandonné, de passer le Danube à Kelheim. D’une manière ou d’une autre la communication avec l’armée principale sera établie.

Après avoir franchi l’Isar à Landshut, l’archiduc Charles décide de se diriger vers Ratisbonne, en empruntant les deux grandes routes qui, depuis Landshut, se dirigent vers Neumarkt (au confluent de l’Abens et du Danube) et à Kelheim, un peu plus en aval, à mi-chemin entre Neustadt et Ratisbonne.

En conséquence,

  • le VIe corps de Hiller, qui se trouve à Moosburg, reçoit l’ordre de se porter sur l’Abens, à Mainburg, pour garder le flanc gauche, tandis que la division Jellačić, encore plus à gauche à Munich, doit rejoindre le VIe corps, dont elle dépend.
  • Le Ve corps de l’archiduc Louis, doit lui aussi remonter également en direction de l’Abens, en passant par Pfaffenhofen.
  • Le centre du dispositif, formé par le IIIe corps d’Hohenzollern doit, suivi des deux corps de réserve, se diriger directement sur Kelheim, après avoir traverser les deux Laber, ayant à sa droite le IVe corps de Rosenberg et la brigade Vécsey se dirigeront sur Ratisbonne, en passant par Eckmühl.
  • Enfin, le Ier corps d’armée de Bellegarde a pour instruction  de repousser Davout sur Ratisbonne. Ainsi sera effectuée, pense Charles, la réunion de toutes les forces autrichiennes.

L’archiduc Charles se met en route, par Pfeffenhausen et Rottenburg. Sa marche, du fait des conditions climatiques, des énormes magasins de l’armée, des équipages de pont, de l’artillerie qu’il faut faire avancer sur des chemins défoncés, est particulièrement lente..

Dans la nuit qui suit, il reçoit la nouvelle de l’arrivée de Napoléon à Donauwörth. On ne sait s’il en fut surpris, car sans doute ne l’attendait-il pas si tôt, en tous les cas cela ne l’incita pas à changer ses plans.

A ce moment précis, Davout a toujours son 3e corps à Ratisbonne, Lefebvre a une de ses divisions à Siegenburg, deux autres à Abensberg

 

18 avril 1809

L’armée autrichienne continue sa marche en avant :

  • Le IIIe corps (Hohenzollern) et le IVe (Rosenberg) se dirigent sur Rothenburg
  • La Ve (archiduc Louis) avance sur les hauteurs de Ludmannsdorf
  • Le 1er corps de réserve (Liechtenstein) et le 2e (Kienmayer) approchent de Pfeffenhausen
  • Mais le VIe corps (Hiller) reste en observation à Moosburg.
  • Enfin le Ier (Bellegarde) corps avance sur Schwandorf, tandis que le IIe (Kollowrath) occupe Kürn.

L’archiduc est décidé à attaquer les Bavarois qui se trouvent sur l’Abens, et qui forment un rideau derrière lequel doit s’effectuer la jonction de Davout et de Masséna. Ce sont près de 90.000 hommes qu’il va ainsi rassembler entre Rohr[xxxviii] et Siegenburg.  Une prompte attaque sur le corps d’armée de Lefebvre pourra, selon lui, faire échouer cette jonction. Mais craignant également d’être attaqué de flanc par Davout, Charles va une nouvelle fois modifier son plan.

A Kollowrath (à Kürn), il mande :

Ayant reçu la nouvelle que le maréchal Davout se trouve à (Ratisbonne) sur ce coté du Danube, j’ai rassemblé une grande partie de mon armée autour de Rohr, et je suis décidé à attaquer demain matin.

Et à Hiller (à Moosburg)

Comme j’ai reçu la nouvelle que le maréchal Davout, avec environ 30.000 hommes, se trouve dans la forêt de Weitinger, près de (Ratisbonne), je n’envoie sur l’Abens qu’un seul corps, pour assurer mon mouvement sur (Ratisbonne) – mais je marcherai aujourd’hui avec (le reste de) l’armée, dès la soupe, sur Rohr et Siegenburg, afin d’attaquer demain  l’ennemi à (Ratisbonne)

Johann baron von Hiller. HGM Vienne
Johann baron von Hiller. HGM Vienne

Ainsi, on le voit, l’archiduc pense que Davout reste toujours immobile à Ratisbonne[xxxix]. Les dispositions qu’il prend, au soir du 18, reflètent cette fausse certitude :

Aile droite :

  • Les IIIe et IVe corps sont à Rohr ; plus en arrière se trouve le 1er corps de réserve (les deux premiers en colonnes, le dernier en ligne).
  • L’avant-garde du IIIe corps est à Bachel et Grossmus, un détachement ayant pris position au croisement des routes Ratisbonne – Ingolstadt et Landshut – Kelheim.
  • L’avant-garde du IVe corps est à Langquaid, la brigade Vécsey à Eckmühl.

Centre :

  • Le Ve corps est à Siegenburg, avec un détachement (Mesko[xl]) à Mainburg.
  • Le 2e corps de réserve est à Ludmannsdorf.

Aile gauche

  • Le VIe corps est à Moosburg, avec des avant-postes à Au et Nandelstadt. Un détachement (Scheibler) se trouve à Pfaffenhofen.

Au soir du 18 avril, l’aile droite autrichienne, forte de 54.000 hommes environ, devrait être largement suffisante pour venir à bout du 3e corps de Davout. Mais l’affaiblissement du centre apparaît particulièrement funeste, car faisant face à des forces ennemies en avantage numérique. Si celles-ci passent à l’attaque les premières, la ligne d’opération autrichienne est menacée, comme le seraient aussi Landshut et le VIe corps d’Hiller, au moment où l’allongement du front d’Eckmühl à Moosburg rend déjà les liaisons extrêmement difficiles.

Il nous faut maintenant nous tourner vers les Français et leurs alliés, et analyser leurs mouvements jusqu’à ce même 18 avril, veille de la première des cinq batailles de la campagne en Bavière.


NOTES

[i] Aujourd’hui Regensburg, mais pour la facilité de compréhension, nous avons choisi de conserver ce nom.

[ii] Loin sur sa gauche, il a détaché une division d’environ 10.000 hommes, sous les ordres du GM Jellačić avec pour mission de s’emparer de la capitale bavaroise, Munich

[iii] Au même moment, la rébellion tyrolienne commence : les Tyroliens s’emparent rapidement de la plupart des places importantes, massacrant leurs garnisons bavaroises. Les communications françaises avec l’Italie sont donc compromises, tandis que celles entre les armées de Jean et de Charles sont sécurisées. Par ailleurs, les Autrichiens déclenchent également des opérations secondaires, en Italie (archiduc Jean) et en Pologne (archiduc Ferdinand).

[iv] 15 bataillons de Landwehr, 3 bataillons de ligne et trois canons seront également envoyés à Passau.

[v] Ces opérations ont pour conséquence de réduire sensiblement les forces du IVe corps alors que la campagne ne fait que commencer. (Binder von Krieglstein, p. 101)

[vi] Les IIIe et IVe corps d’armée, ainsi que le 1er corps de réserve, sont placés sous le commandement provisoire du GdK Jean de Liechtenstein.

[vii] Où l’archiduc Charles a transféré son quartier-général

[viii] Après le passage des troupes à Schärding et Braunau, des têtes de pont sont construites.

[ix] La division Jellačić reste devant Salzbourg.

[x] Chaque point de  passage est aussitôt muni de têtes de ponts, à l’édification desquelles des travailleurs locaux sont occupés, ainsi qu’une brigade de Landwehr.

[xi] Simultanément, le Ier et le IIe corps ont franchi la frontière de la Bohème, le premier allant jusqu’à Tirschenreut, le second jusqu’à Brunetsried.

[xii] L’archiduc Charles a envoyé au roi de Bavière une lettre dans laquelle il l’assure que, si son pays ne fait pas acte d’hostilité, le pays et son armée ne seront pas considérés comme des ennemis. Le prince royal était connu pour ses positions pro autrichiennes, ayant notamment eu une correspondance suivie avec le ministre Stadion, les mois précédent l’entrée en guerre, écrivant notamment : « Il est bien connu que je combattrai plutôt contre les Français que pour elle ». (Gill, p. 119).

[xiii] Mémoires de Masséna, tome VI, p. 85.

[xiv] Il faut réparer le pont que les Bavarois ont détruit. Dans quelques jours, Napoléon, en route pour l’Autriche, devra attendre lui aussi la réparation du pont, détruit cette fois par les Autrichiens !

[xv] L’archiduc Charles à l’empereur François (11 avril). (Binder von Krieglstein, p. 102)

[xvi] idem

[xvii] Cette lenteur est généralement stigmatisée par tous les historiens. Dans son analyse de la campagne, le général Moltke précise que les Autrichiens parcourent, à partir du 10 avril, 140 Kms, c’est-à-dire 12 Kms par jours, alors que les Français, à partir du 18 avril, parcourent 170 Kms, soit 28 Kms par jour ! (Moltke, p. 46)

[xviii] Mémoires de Masséna, tome VI, page 85.

[xix] Les Autrichiens déplorent 3 tués, 24 blessés et 7 disparus (Binder von Krieglstein, p. 104)

[xx] Tout en y laissant quelques troupes pour défendre le passage de la rivière.

[xxi] Le même jour, le vice-roi d’Italie, le prince Eugène, est battu par les Autrichiens à Sacile, et Jellačić occupe Munich, que les Bavarois ont évacué.

[xxii] Mémoires de Masséna, Tome VI, p. 119.

[xxiii] En raison des pluies des jours précédents, la rivière est en crue.

[xxiv] Il s’agit : d’un bataillon du 5e léger Buttler, d’un bataillon du 7e léger Günther, de deux bataillons du 5e ligne Preysing, de deux bataillons du 10e ligne Juncker, de quatre escadrons du 2e dragons Thurn und Taxis, appuyés par 6 canons. (Digby Smith).

[xxv] La division Deroy était arrivée le 15 à cinq heures du matin, forte de 9.250 hommes, et le restant se trouvant alors dans les champs au nord-est d’Altdorf, avec un détachement vers Moosburg.

[xxvi] Actuellement Luitboltstrasse

[xxvii] Mémoires de Masséna, Tome VI, p. 120

[xxviii] Il s’agit du Lendbrücke.

[xxix] Plusieurs sommations à évacuer sans combats la ville ont été repoussées par les Bavarois avec des coups de fusil. Les espoirs de voir les Bavarois se ranger au côté de l’Autriche se sont donc une bonne fois pour toutes évanouis.

[xxx] On peut se demander pourquoi les Bavarois n’ont pas totalement détruit le pont ! Peut-être dans l’optique d’une prochaine offensive de Napoléon. (Krieg 1809, vol. 1, p. 308)

[xxxi] Une plaque commémorative, Isargestade 726, sur une maison en face du pont, commémore la défense héroïque des Bavarois à cet endroit.

[xxxii] Cette retraite est également motivée par la nouvelle qu’a reçu Deroy, du passage de l’Isar par les Autrichiens (brigade Vécsey), à Dingolfing, ce qui menace sa ligne de retraite sur Ratisbonne. Il est également sans nouvelles de l’arrivée éventuelle de Saint-Hilaire, par le nord. Par ailleurs, Drouet d’Erlon avait écrit au Prince royal : « J’ai envoyé au général Deroy l’ordre de ne pas défendre avec opiniâtreté et de se retirer sur Pfeffenhausen et Siegenburg»

[xxxiii] Brigade Seydewitz : 4 escadrons du 4e chevau-légers Bubenhoven, 3 escadrons du 2e dragons Taxis

[xxxiv] Cette journée, durant laquelle seules les troupes de Radetzky ont été engagées, a coûté 14 tués, 60 blessés et 1 disparu. Les Bavarois ont eu 13 morts, 100 blessés, 3 prisonniers, 1 officier et 51 disparus (Schels, Smith). « Le général Deroy a eu une trentaine d’hommes tués et une centaine de blessés devant Landshut; il a voulu s’opposer au débouché du corps ennemi par Landshut. » (Napoléon au roi de Bavière – Correspondance, 15085).

[xxxv] Klemens Brentano à Achim von Arnim, Cité dans Krieg 1809, p. 317.

[xxxvi] En partie à sa décharge, toutes les communications de ou vers Augsburg et Ulm étaient interdites, pour permettre un secret parfait sur les mouvements d’Oudinot et de Vandamme, rendant l’acquisition de renseignements particulièrement difficile.

[xxxvii] La division Jellačić est alors à Munich.

[xxxviii] Aujourd’hui Rohr in Niederbayern

[xxxix] Dans la soirée du 18, une patrouille autrichienne intercepte, sur la route Abensberg-Ratisbonne, une ambulance française. Interrogés, les prisonniers indiquent que Davout a évacué Ratisbonne, mais se trouve encore juste à la sortie de la ville. Un courrier de Lefebvre est également capturé : les dépêches qu’il transporte décrivent les dispositions et les plans du maréchal pour le 19, et révèlent que celui-ci s’apprête à attaquer l’aile gauche des Autrichiens !

[xl] Baron Jozséf Meskó de Felsö-Kubinyi, dont le nom est surtout associé à la campagne de l’archiduc Jean en Hongrie.