La campagne de 1809 – Le 18e de ligne
Le 18e de ligne pendant la Campagne de 1809 en Autriche
(extrait de l’historique du 18e régiment d’infanterie de ligne – Lieutenant Labouche – 1891)

Au mois de février 1809, le 18e est avec la division Legrand à Metz. Il y reçoit l’ordre de se rendre à Strasbourg où est son dépôt. Il s’y organise immédiatement afin de pouvoir reprendre la campagne. Une guerre avec l’Autriche est en effet imminente.
Tandis que l’Empereur est occupé en Espagne, l’Autriche, mécontente de ses pertes de territoire et poussée par l’Angleterre, se prépare à reprendre la lutte. Voyant Napoléon s’enfoncer en Espagne avec ses meilleurs bataillons, elle croit le moment propice pour tenter encore le sort des batailles. Une armée de près de 300.000 hommes est préparée ; elle est appuyée par une réserve de 200.000 hommes de milices. Napoléon, se hâtant de rentrer à Paris (23 février), organise aussitôt ses forces.
Le 18e régiment doit entrer dans la composition du 4e corps, il fait partie encore de la première division (Legrand), et avec le 26e léger de la première brigade (général Ledru). La deuxième brigade de la division doit se composer du 3e régiment d’infanterie badois.

Ulm étant le point de concentration du 4e corps (Masséna), la division Legrand y arrive le 23 mars. Elle se dirige alors sur Augsbourg, atteint Pfaffenhoffen le 19 avril. Elle passe l’Isar après avoir rétabli un pont détruit par les Autrichiens. Le 21 avril la division reçoit l’ordre de revenir sur Ratisbonne. La marche se continue pendant toute la nuit, et la brigade Ledru (18e et 26e) arrive à Egglofsein à deux heures du matin. Elle se repose quelques heures et repart.
Pendant cette série de marches et de contre-marches, le 18e n’arrive sur les champs de bataille que trop tard pour prendre part à l’action. Il ne peut donc pas assister aux combats de Thann, d’Abensberg, de Landshut, d’Eckmühl et de Ratisbonne; nous passerons donc sous silence les opérations jusqu’au 24 avril.
A ce moment, l’armée autrichienne battue se retire.
Les corps de Hiller et de l’archiduc Louis sont poursuivis sur la route de Landshut à Vienne, tandis que l’archiduc Charles est suivi dans sa marche sur la Bohème par le maréchal Davout; Masséna doit se porter de Straubing sur Passau et Linz pour empoêcher les deux tronçons ennemis de se réunir.
Le 26, la division Legrand se présente devant Schärding. Elle y trouve la ville occupée par l’ennemi, le pont sur l’Inn coupé. Le lendemain une forte canonnade est échangée entre les deux rives. Dans la nuit (27 au 28) les voltigeurs du régiment passent l’Inn sur des barques. Ils ne trouvent sur l’autre rive qu’une faible résistance.
Le 28, toute la division passe la rivière; le 30, elle est à Passau.
Le 1er mai, le 4e corps se porte de Passau sur Linz et Ebelsberg par Efferding, afin d’aller occuper le pont de Linz, puis celui qui est placé au delà du confluent de la Traun à Mauthausen. Il est à Efferding le 2.
Le 3 mai, l’ennemi serré de près se détermine à prendre position à Ebelsberg, derrière la Traun, près du confluent de cette rivière avec le Danube. L’armée de Hiller, à laquelle sont venus se rallier plusieurs bataillons de landwehr, présente environ 30.000 hommes sous les armes.
Mais les troupes autrichiennes sont tellement talonnées par les nôtres que la division Claparède passe le pont sur la Traun en même temps que l’ennemi pénètre dans Ebelsberg. Il s’ensuit un combat très vif pendant lequel les obus lancés par les troupes de Hiller, qui bordent les hauteurs au delà d’Ebelsberg, enflamment une partie de la ville ainsi que le pont qui est très endommagé. Les troupes du 4e corps, qui viennent au secours de la division Claparède, sont forcées de s’arrêter, jusqu’à ce que l’on ait rendu le pont praticable. Pendant trois heures que dure ce travail, l’intrépide division Claparède soutient l’effort des Autrichien». Enfin on arrive à détourner les flammes et à ouvrir un passage.

La division Legrand se porte intrépidement en avant avec ses meilleurs régiments, 18e et 20e léger, au pas de charge. Le pont qu’ils abordent est couvert de cadavres ; pour passer il faut les jeter dans la Traun. Ils franchissent ainsi 500 mètres sans ralentir l’allure. Alors la tête de colonne vient se buter à un nouvel obstacle produit par l’encombrement des combattants de la division Claparède refoulés et des blessés que l’on emporte. Calme au milieu du désordre qui règne autour de lui, le général Legrand dispose ses deux régiments en colonne serrée ; il lance le 18e par la grande rue et le 26e vers la gauche. Le 18e se précipite à la baïonnette sur les Autrichiens. Il refoule tout ce qui se trouve devant lui, traverse la ville sans tirer un coup de fusil. La division Claparède est ainsi complètement dégagée. Le 18e continue sa marche avec le même entrain, gagne les hauteurs, tandis qu’à sa droite le 26e enlève le château défendu avec acharnement. Le 18e respirant enfin, prend position sur la route d’Enns, les 1e et 2e bataillons déployés, le 3e en colonne derrière le centre. A ce moment, la brigade badoise rejoignant la division, le 18e peut continuer son mouvement offensif. Mais l’ennemi se retire, nous laissant la ville.
On peut lire dans le cinquième bulletin de 1809 : « Le pont et la ville d’Ebelsberg seront les monuments durables du courage des soldats de Masséna. Le voyageur s’arrêtera et dira : « C’est ici, c’est de cette superbe position, de ce pont d’une si longue étendue, de ce château si fort par sa situation, qu’une armée de 36.000 Autrichiens a été chassée par 7.000 Français. »
La journée d’Ebelsberg compte parmi les plus belles de l’histoire du régiment. Le 18e vient de retrouver la fougue et l’élan qui l’ont rendu si illustre en Italie et en Egypte.
Le 18e, suivant la marche de la division Legrand, continue, les jours suivants, à se diriger sur Vienne qui tombe le 13 mai en notre pouvoir. Il bivouaque au Prater, aux portes de la capitale. De là, il se rend au camp d’Ebersdorf, sur les bords du Danube, en face de l’île Lobau. Il a 1.800 hommes à l’effectif.
En ce moment, bien que possesseur de Vienne, Napoléon est loin d’avoir terminé la campagne, il a devant lui l’archiduc Charles avec 100.000 hommes par suite de sa réunion avec le général Hiller et l’archiduc Louis. L’archiduc campe dans la plaine de Marchfeld. Napoléon se décide à franchir le Danube pour lui livrer bataille, malgré les désavantages qu’offre un combat livré avec un grand fleuve à dos et après un passage de vive force. Pour le franchir on choisit le point où il est divisé en deux bras par l’île Lobau.
Le 20 mai, à 11 heures du matin, la division Legrand quitte le camp d’Ebersdorf. La journée et la nuit sont employées à passer les divers ponts jetés sur le Danube et à s’établir sur la rive gauche.
Le lendemain, 21 mai, la division se forme face à Essling; le 26e léger en première ligne, le 18e en arrière et parallèlement, la brigade badoise forme la réserve. Vers quatre heures, les Autrichiens, dont la masse s’augmente constamment par suite de renforts, s’emparent d’Aspern, après un combat de cinq heures. La division Molitor est rejetée hors du village, et de là sur le pont du petit bras. Se trouvant acculée au Danube, la division est dans une position des plus dangereuses ; mais alors, comme à Ebelsberg, arrive le général Legrand. Il marche à la tête de ses vieux et redoutables régiments, le 18e de ligne et le 26e léger. Formé en colonne d’attaque, le 18e refoule les Autrichiens dans la grande rue d’Aspern ; il est sur le point de les rejeter totalement hors du village, quand, sous un feu épouvantable que lui envoient les Autrichiens sans cesse renforcés, le régiment est obligé de reculer. La retraite s’exécute dans le plus grand ordre. Il quitte lentement le village et s’arrête sur la lisière d’un bois, sur la droite d’Aspern, décidé à s’y maintenir, coûte que coûte. Il y est bientôt appuyé par d’autres corps d’infanterie et par l’artillerie de la division. Enfin, à onze heures, le feu cesse chez les Autrichiens et chez les Français. La division Legrand a sauvé dans cette journée la division Molitor. Dans la nuit, le 3e bataillon du 18e est dirigé sur la partie basse d’Aspern afin de soutenir les postes qui relient la division Legrand à la division Molitor.

Le lendemain, 22 mai, dès quatre heures du matin, formé en colonne par section, le 18e rentre dans le village. Malgré les Autrichiens fortement retranchés, il parvient à déboucher sur la place de l’église d’Aspern, mais sans pouvoir parvenir à s’en rendre complètement maître. Sous un feu de mitraille des plus violents, les grenadiers et les voltigeurs s’emparent d’une batterie de cinq pièces et la tournent contre les Autrichiens. Mais à l’extérieur du village, l’attaque ne réussissant pas, force est au régiment de retourner en arrière et d’aller reprendre sa position de la nuit précédente. Encore une fois, les Autrichiens sont trop nombreux, il faut céder devant leurs masses. A huit heures du soir, installé sur la lisière du bois dont il a été parlé, le 18e trouve encore le moyen de se jeter sur une colonne hongroise qui veut s’en emparer. Il la poursuit et fait dans l’obscurité qui commence une superbe charge à la baïonnette. Dans cette journée, le colonel Ravier est blessé à la tête du régiment, presque à la même heure où tombe son parent, le capitaine adjudant-major du même nom, après avoir donné l’exemple de la plus grande bravoure.
« Vers dix heures le feu cesse de part et d’autre. A cet horrible fracas qui ébranlait la terre succéda un morne silence, chacun se repliant sur lui-même pour s’abandonner à ses réflexions et remercier la Providence d’avoir échappé à cette horrible boucherie. Telle fut la seconde journée d’Essling, grande et héroïque bataille dans laquelle nous perdîmes un héros, Lannes, duc de Montebello.

A rentrée de la nuit, Napoléon repassa dans l’île de Lobau et chargea le maréchal, duc de Rivoli, de faire les dispositions nécessaires pour opérer la retraite qui commença vers onze heures dans l’ordre suivant : les malades et blessés, le matériel hors de service ou inutile, la garde impériale, la grosse cavalerie, les divisions Molitor, Boudet et Oudinot, la cavalerie légère, les tirailleurs de la garde. Pendant que ces corps, mutilés plus ou moins, défilaient sur un seul pont, les divisions Legrand et Tharreau couvraient ce mouvement. Elles ne passèrent qu’après les autres troupes.

Masséna se tenait à la tête du pont, sur la rive gauche, pour veiller à l’exécution des ordres qu’il avait donnés. Chaque corps emportait les blessés hors d’état de marcher. Vers trois heures et demie, le pont fut retiré. Je ne quittai la rive gauche avec les voltigeurs du 18e qu’à quatre heures, après avoir échangé des balles avec les troupes légères de l’ennemi. Deux grandes barques avaient été mises à ma disposition pour traverser le dernier bras du Danube dont la largeur était d’une soixantaine de toises. Nous fûmes bien heureux dans cette circonstance : si l’ennemi était survenu avec quelques pièces de canon, que serait-il arrivé ?
Le premier soin de Napoléon en rentrant à Vienne fut de nous envoyer des biscuits et des munitions ; les cerfs, les chevreuils qui existaient abandonnés dans l’île et les chevaux de bât nous fournirent de la viande tant que dura l’interruption des communications avec Vienne. Ce ne fut que le 23 que chaque corps put connaître exactement ses pertes dans cette bataille de deux jours: celles du 18e régiment se trouvèrent de 500 à 600 tués et blessés. Beaucoup de ces derniers, atteints légèrement, rentrèrent après une quinzaine de jours. » (Général Pelleport)
L’installation du 4e corps dans l’île Lobau se continue ; il communique avec la rive droite au moyen de bateaux qui rapprovisionnent. Le 18e est occupé à élever des fortifications de campagne et à ouvrir des communications qui font de l’île une vraie place forte. Mais la misère la plus grande règne parmi les hommes.
Le régiment, qui a perdu 50 officiers et en a eu 23 blessés, est renforcé par un détachement de 500 hommes venant de France, conduits par des officiers venant du dépôt. La veille de l’arrivée de ce renfort, le régiment est inspecté par l’Empereur qui nomme colonel du régiment le brave Pelleport. Voici le récit de la revue que nous a transmis ce dernier :
« Le 31 mai, Napoléon se rendit dans l’île pour voir les troupes de Masséna et inspecter les travaux ; il me nomma colonel du 18e régiment en remplacement de Ravier, promu au grade de général de brigade. Sur ma proposition, il remplit les emplois vacants et donna trois croix par bataillon. Il fut avare dans cette circonstance : on ne s’en plaignit pas. A cette occasion, il me dit : « En permettant aux colonels de me présenter les officiers, sous-officiers et soldats qui méritent des récompenses, je leur donne le moyen de faire de grandes choses. » Les capitaines Materre et Raymond [1] mes bons camarades depuis quinze ans, furent nommés chefs de bataillon ; leur avancement me fit beaucoup de plaisir et fut approuvé du régiment. »
Pendant que l’armée française, battant en retraite, a passé sur la rive droite, l’archiduc Charles, au lieu de profiter de son avantage, ne s’occupe que de se retrancher sur la rive gauche de telle sorte que le passage du fleuve soit impossible. Mais Napoléon trompera toutes ces dispositions en tournant ces défenses par leur gauche.
Le 30 Juin, les voltigeurs du 18e repassent la seconde branche du Danube sur les bateaux au même point que le 21 mai. Sous leur protection et celle de l’artillerie de la division, on jette un pont à quelques centaines de mètres de l’ennemi. Ce pont, destiné uniquement au passage de la division Legrand, doit tromper l’ennemi et lui faire croire que l’armée française veut repasser sur la rive gauche au même point que le 19 mai. A sept heures du soir la division opère son passage, et, dans la nuit, le 18e va occuper la route d’Essling. De là, il se porte le lendemain sur la route d’Aspern ; en raison de la proximité de l’ennemi, il reste constamment sous les armes.
L’armée française franchit les jours suivants le fleuve en aval du premier point de passage. Quant à la division Legrand, elle rentre le 5 juillet, vers cinq heures du matin dans l’île Lobau. Elle y prend des vivres, dont elle manque complètement et, après quelques heures de repos, elle reprend le pont d’Enzendorf pour se retrouver sur la rive gauche.
Se formant en échelons par régiment, la division manœuvre toute la journée dans cet ordre, se maintenant toujours en rapport avec les autres divisions de son corps d’armée. Sa marche est constamment inquiétée par l’artillerie ennemie. Enfin, à onze heures du soir, la division s’arrête et bivouaque sans feux non loin du village d’Hirschstädten.
A trois heures du matin, la division prend les armes. Après avoir changé plusieurs fois de direction, elle atteint Aderklaa dont on s’empare. Mais là elle reçoit l’ordre de se reporter en arrière. Elle l’exécute sous le feu de l’artillerie ennemie. Elle prend la direction d’Essling pour s’opposer à la forte colonne autrichienne venant de ce point qui menace la division Boudet restée seule à la garde des ponts. Ce dernier mouvement s’effectue sous le feu le plus épouvantable. Le 1er bataillon du 18e soutient le 26e léger dans l’attaque de la grande redoute d’Aspern. Les 2e et 3e bataillons entrent la baïonnette basse dans le village et culbutent l’ennemi. Vers la fin de la journée la division marche sur Wagram et y passe la nuit.
Lancée à la poursuite de l’ennemi qui bat en retraite, la division Legrand est, le 7 juillet, à Korneubourg où elle bivouaque après en avoir chassé les Autrichiens. Le lendemain, la division s’arrête devant Stockerau pour faire face à une division ennemie que ramène notre cavalerie. Le 18e de ligne et le 26e léger, ayant derrière eux la brigade badoise, attaquent les Autrichiens qui se retranchent dans Hollabrunn. Après un long combat, les Autrichiens se maintiennent dans la ville, dont nous ne parvenons à occuper que les faubourgs. Le lendemain ils la quittent à la pointe du jour.
Le 11, le maréchal Masséna arrive avec la division Legrand en tête de colonne sur les bords de la Thaya. Ils trouvent le pont barricadé. Les voltigeurs du 26e et du 18e se jettent à l’eau, passent la rivière et ouvrent le passage à la division. Impatient d’enlever Znaïm, le maréchal n’attend pas la division qui suit : désignant la brigade badoise pour rester en réserve, il lance ses deux braves régiments 26e et 18e sur Znaïm. Arrivé à quelques centaines de mètres de la ville, chaque corps déploie ses deux premiers bataillons en tirailleurs, conservant le troisième en colonne. Le feu s’engage ; mais un fort orage éclate qui mouille les armes et empêche de tirer ; le feu se ralentit et bientôt s’éteint presque. A la faveur de cette circonstance inattendue, les Autrichiens s’avancent silencieusement à travers Schallendorf, faubourg de Znaïm. Les bataillons de réserve des 18e et 26e, engagés alors pour soutenir le choc, ne peuvent s’opposer à la marche de la colonne. Ils quittent leurs positions et les hommes se jettent dans les vignes. Ce désordre peut amener les plus graves événements quand arrive le 1er cuirassiers qui sabre les grenadiers autrichiens. Aussitôt la brigade se rallie, et, furieuse d’avoir lâché pied un moment, se jette avec le plus bel élan sur les grenadiers. Le faubourg est repris et nous réoccupons nos positions. Enfin Znaïm va être enlevé quand les cris de : « Paix, cessez le feu ! » se font entendre. Ce sont les officiers d’état-major qui viennent avertir les troupes que l’armistice est conclu.
Le 4e corps va s’établir aux environs de Znaïm et la division Legrand va cantonner à Austerlitz. Onze jours après, l’Empereur remet lui-même au colonel Pelleport la croix d’officier de la Légion d’honneur.
Du camp d’Austerlitz, le 18e va au camp de Krems où l’annonce de la signature de la paix lui parvient. Il le quitte pour se rendre à Francfort-sur-le-Mein.
[1] Devenus depuis maréchaux de camp