La campagne de 1809 – Eckmühl – 22 avril
« Puisque l’ennemi est têtu, il faut l’exterminer. » (Napoléon à Lannes, 22 avril, 3 heures du matin. )
[i]
Ordre de bataille français – Ordre de bataille autrichien
Dispositions autrichiennes
Après avoir longtemps tergiversé, l’archiduc Charles est décidé à reprendre l’offensive. De son quartier général près de Sanding, il rédige les ordres suivants, vers 18 heures le 21 :
- L’avant-garde du IIIe corps d’armée (Vukassovich) reste sur la rive droite du Laaber, à hauteur du IVe corps, couvrant la route de Straubing. A Eckmühl, la brigade Bieber (IIIe corps – Division Saint-Julien) est en soutien du IVe corps, qui tient les hauteurs de Laichling.
- Le gros du IIIe corps se rassemble autour d’Alteglofsheim, la division Lindenau à Gebelkofen, la brigade Vécsey sur la route d’Abbach, 4 régiments de cuirassiers à Köfering, 2 à Ober-Traubling, les grenadiers à Haus et Mooshof. Le régiment de l’archiduc reste sous les ordres de Rohan.
Liechtenstein a son quartier-général à Köfering, ayant toujours sous ses ordres la division Lindenau, la brigade Vécsey et les cuirassiers.
Dans la journée, vers 17 heures, Kolowrat (IIe corps) a reçu l’ordre de se rendre sur Graß et Isling, en passant par Ratisbonne. Il fait répondre que l’ensemble de son corps sera à Ratisbonne le 22, à 6 heures du matin.
Jusqu’à l’arrivée du Ier corps (Bellegarde) à Hemau, les 7e et 8e bataillons de chasseurs et 2 escadrons de cavalerie restent dans cette ville. Une avant-garde envoyée sur Painten a informé que Kelheim est libre d’ennemis, mais que le pont a été endommagé par la crue.

Kolowrat est encore à Hemau lorsque lui parvient un second ordre de l’archiduc Charles, qui confirme en termes sévères, le premier. Alors qu’il est en route pour Ratisbonne, il reçoit enfin une lettre lui intimant l’ordre de prendre position autour de Ratisbonne, sur la route d’Abbach.
De son coté, Bellegarde, à Neumarkt, a attendu durant la journée du 21 de nouveaux ordres. Ceux-ci arrivent dans la nuit : il doit se rendre à Hemau.
Dans la soirée du 21, Charles reçoit enfin des nouvelles de son aile gauche[ii], au vu desquelles il se décide à reprendre l’offensive sur la rive gauche du Danube. Cette décision est toutefois retardée jusqu’au matin du 22, compte tenu du retard du IIe corps d’armée (Kolowrat), dont Charles ne pense pas pouvoir se passer.
Le généralissime prend de nouvelles dispositions, organisant son armée en plusieurs colonnes :
- La 1e colonne (20.700 fantassins, 2.630 cavaliers et 71 canons), formée du IIe corps (Kolowrat)[iii], doit s’emparer d’Abbach. Toutefois, les troupes de Kolowrat étant fatiguées, elles se voient attribuée une demie journée de repos et l’heure de départ est fixée à 12 heures ! Un ordre ultérieur fixe finalement l’heure de départ à 14 heures.[iv] [v]
- La 2e colonne (10.550 fantassins, 650 cavaliers, 16 canons), sous le commandement de Liechtenstein, doit quitter ses cantonnements de Gebelkofen et Eggolfing à 13 heures, pour attaquer l’aile droite alliée, vers Peising.
- La 3e colonne, sous les ordres de Hohenzollern (14.460 fantassins, 500 cavaliers, 69 canons) doit elle aussi attaquer les Alliés à Peising. Elle doit se mettre en marche à 12 heures.
Par ailleurs,
- Le IVe corps (Rosenberg – 11.300 fantassins, 1.950 cavaliers, 56 canons) doit rester sur la position qu’il occupe, et, en cas de repli, reculer sur Sanding, par Höhenberg, pour couvrir le flanc gauche de l’armée. L’avant-garde de Vukassovich (4.300 fantassins, 500 cavaliers, 14 canons) lui est attachée et doit couvrir le pont d’Eckmühl
- Les grenadiers (12 bataillons, 11.500 hommes, 16 canons) forment une partie de la réserve, et doivent s’opposer à une percée des Alliés entre les IIIe et IVe corps
- 2 régiments de cuirassiers prennent position à Thalmassing, 4 autres sont à Köfering en réserve (4.100 cavaliers, 24 canons)
On le voit, 45.890 fantassins et 3.780 font face à la ligne Abbach – Peising, 11.300 fantassins et 1.950 cavaliers sont sur le front Sanding – Laichling, 4.300 fantassins et 500 cavaliers sont au défilé d’Eckmühl. La réserve est formée de 11.500 fantassins, 4.100 cavaliers et 40 canons. Au total, l’armée autrichienne est à Eckmühl forte de 83.300 hommes et 266 canons.
Dispositions françaises
La nouvelle de la reddition de Ratisbonne a enfin ouvert les yeux de Napoléon et l’a convaincu que l’archiduc Charles se trouve à sa gauche [vi], c’est-à-dire entre Ratisbonne et Landshut, et que Davout a devant lui le gros des forces autrichiennes. Dans la nuit, le général Piré, envoyé par le maréchal la veille au soir, lui a apporté des nouvelles sûres de la situation.
Il n’est plus question de continuer à poursuivre Louis et Hiller jusqu’à l’Inn, mais d’essayer de rattraper, avec le plus de moyens possibles, les Autrichiens qui sont au sud de Ratisbonne, de les envelopper et de les détruire. Il lui faut donc, sans tarder, amener à son lieutenant, rapidement, le plus de forces possible, pour enfin vaincre le généralissime.
Déjà, dans la nuit du 21 au 22, il avait dirigé vers Eckmühl les cuirassiers Saint-Sulpice et les Wurtembergeois de Vandamme. Il donne maintenant l’ordre au maréchal Lannes de marcher avec les cuirassiers Nansouty, les divisions Gudin et Morand, pour être à Eckmühl le 22 à midi. Lui-même décide de partir aussi, emmenant avec lui Masséna et ses trois divisions, qu’accompagnent les cuirassiers Espagne. Ainsi, il aura à sa disposition, pour combattre l’archiduc, environ 90.000 hommes.
Il est 4 heures. Je me suis résolu à me mettre en marche, et je serai sur Eckmühl à midi et dans le cas d’attaquer vigoureusement l’ennemi à 3 heures. J’aurai avec moi 40.000 hommes. [vii]
Avant de partir pour rejoindre Davout, l’empereur prend encore d’autres dispositions. Bessières est chargé de poursuivre Hiller et l’archiduc Louis au-delà de l’Isar. Pour cela, il lui donne la cavalerie légère de Marulaz, la division bavaroise Wrède et la division Molitor. Les divisions Boudet (Masséna) et Tharreau (Oudinot), qui ne sont pas employées au mouvement général, ont pour mission de surveiller le pays entre Neustadt et Landshut, pour réagir à toute éventualité d’une menace sur la ligne de communication des Alliés ou d’un retour offensif de l’archiduc Louis et de Hiller. Sage précaution, comme on le verra.
Au moment où Vukassovich se retire sur la rive gauche de la Laaber, Napoléon vient d’arriver, avec la tête de la colonne venant de Landshut. Accompagné du maître de poste de Buckhausen, il se rend sur les hauteurs de Lindach, d’où il a une excellente vue sur la vallée de la Groß-Laaber et des petites hauteurs qui la borde au nord. Il peut ainsi se rendre compte de la marche en avant de Davout, en direction de Unter-Laichling. Mais il peut aussi s’apercevoir de la difficulté qu’il y a à s’emparer des hauteurs situées entre Grubholz et Vorberg, apparemment défendues par une artillerie nombreuses. Il prend aussitôt la décision, pour soulager son aile gauche, d’attaquer sur un large front, en direction de Alteglofsheim. La cavalerie disponible devra, après la prise d’Eckmühl, s’avancer, en passant la rivière, sur les hauteurs qui bordent la route.
Deux escadrons de chasseurs wurtembergeois (Herzog Louis) sont envoyés en éclaireur sur l’aile droite, vers l’Isar. Lannes reçoit l’ordre d’attaquer, à droite, avec les divisions Morand et Gudin, de passer la Laaber à Rogging et Stanglmühle (au nord de Zaitzkofen) et de repousser l’aile gauche autrichienne.
Les divisions de Masséna, qui se trouve encore avec l’empereur, doivent continuer leur marche sur Eckmühl. Mais il il ne va pas en avoir besoin. Lorsque l’archiduc Charles s’aperçoit de la supériorité numérique de son adversaire, et qu’il n’est pas en mesure de défendre les positions de son aile située au sud, il refuse l’affrontement.
L’attaque des alliés, sur le large front Rogging-Schierling-Luckenpaint, porte tout d’abord sur le IVe corps autrichien et les troupes de Vukassovich, qui, après les premiers combats avec l’avant-garde alliée, se sont repliées sur Eckmühl.
Rosenberg a été informé par Vukassovich de l’attaque alliée sur l’aile gauche de l’armée autrichienne et du danger qu’elle représente. Il comprend que ses troupes vont devoir faire face à un adversaire en supériorité numérique, et lui résister autant de temps qu’il le faudra pour donner au généralissime le temps de prendre de nouvelles dispositions.
Depuis les hauteurs au sud-ouest de Unter-Laichling, où se trouve l’artillerie autrichienne, on aperçoit facilement la route venant de Landshut, de sorte que l’arrivée des troupes de Napoléon est parfaitement observée par le commandant du IVe corps. Bientôt, le bruit du canon et la fumée s’élevant de Buckhausen ne laissent aucun doute que son adversaire a atteint les positions de Vukassovich et que la bataille, dès le début, a pris une tournure que le quartier-général de Charles n’a pas, ne pouvait anticiper.
Bientôt, des mouvements à Laichling, et les tirs d’artillerie, laissent entrevoir que l’attaque alliée est imminente. Quatre fois Rosenberg informe le général en chef, qui se trouve à ce moment à Thalmassing, de la situation, sans résultat. Il prend alors les dispositions nécessaires pour venir en aide à Vukassovich, et lui fait prendre possession de la ligne Eckmühl – Unter-Laichling.

Deux bataillons du IR 9 Czartoryski et 2 batteries à pied sont rappelés des collines au sud-ouest de Unter-Laichling, où ils avaient été positionnés le matin. Les fantassins sont chargés d’occuper la ligne de crêtes au nord de Kratzenhofen, les canons sont amenés sur le Vorberg, d’où elles peuvent tenir sous leur feu la vallée de la Groß-Laaber, en direction du sud. Tout près de ces batteries se tiennent, également sur les hauteurs, les hussards Stipsicz et les chevau-légers Vincent, sous les ordres de Stutterheim.
Rosenberg peut d’ailleurs prendre son temps pour ces dispositions, car, quand bien même Napoléon eut souhaiter attaquer dès l’arrivée de sa tête de colonne devant Eckmühl, il lui fallait pour cela disposer de suffisamment d’infanterie. Il a donc du attendre l’arrivée de la division Gudin, et celle-ci n’atteint la ligne Eckmühl – Rogging que vers trois heures de l’après-midi.
C’est le moment où l’attaque sur Eckmühl, par l’infanterie légère wurtembergeoise, tandis que Gudin commence à traverser la Groß-Laaber, dans sa portion Eckmühl – Stangmühle – Rogging.

Combats sur le front sud des positions autrichiennes.
La garnison d’Eckmühl, petit village avec un château entouré de fossés, , résiste longtemps à l’attaque alliée. Les tirailleurs Peterwardein défendent âprement la route qui mène au pont de pierre qui franchi la rivière, tandis que des obusiers situés sur les hauteurs au-dessus de Kratzenhofen tiennent ce passage sous leurs tirs. Les Autrichiens vont tenir bon jusqu’à ce que de l’artillerie attelée wurtembergeoise, protégée par des dragons légers badois amenés en renfort, arrive sur les lieux et soutienne l’attaque de l’infanterie.
Le 3e bataillon du 12e de ligne participe également à l’attaque du château : 300 Peterwardeiner doivent mettre ici bas les armes lorsqu’ils sont entourés de toutes parts. Le reste des défenseurs se retire sur les hauteurs, se réfugiant dans les rangs du IR 9 Czartoryski et de la brigade Bieber.
La brigade d’infanterie légère wurtembergeoise, à court de munitions, mais également épuisée après sa marche et ses combats ininterrompus depuis le matin du 21, s’arrête après la prise d’Eckmühl. Sur le front face au Vorberg, la cavalerie va désormais mener les opérations, accompagnée, à droite, de l’infanterie de Lannes, à gauche, de celle de Lefebvre.
Cette cavalerie a entamé sa marche sur deux lignes profondes. A l’aile droite de la première se sont les cuirassiers Saint-Sulpice, face au défilé d’Eckmühl, brigade par brigade, puis, à gauche, les escadrons wurtembergeois (König et chasseurs Louis), enfin 2 escadrons de dragons bavarois (Minuzzi). Le 14e chasseurs à cheval est également présent. Plus loin se trouvent les carabiniers et les cuirassiers Nansouty, qui a retrouvé sa brigade Saint-Germain.
A cette masse de 51 escadrons, il faut ajouter le 1er chevau-légers bavarois (Kronprinz), qui sert d’escorte à Napoléon, et les dragons légers badois, également près de l’empereur lorsque l’attaque commence.
Peu après la prise d’Eckmühl, la cavalerie alliée passe la rivière, sous le feu des batteries autrichiennes, installées sur les hauteurs de la rive gauche, à Eckmühl même, ainsi qu’à différents gués, pour se reformer sur la rive opposée. Le terrain marécageux ralenti des passages et il faut un certain temps pour accomplir ce mouvement. [viii]
Pendant que la cavalerie se reforme, le gros de la division Gudin [ix] traverse à son tour la rivière, repoussant devant elle les tirailleurs autrichiens (brigade Bieber), des pentes au nord de Rogging, puis dans les bois longeant la route. Là, les Autrichiens (IR 20 Kaunitz, IR 38 Württemberg) résistent de nouveau à l’attaque des Français, mais le nombre joue finalement en faveur de ces derniers et la retraite des Autrichiens, sur ce point, devient inévitable.
La cavalerie alliée attaque tout d’abord deux escadrons du régiment de hussards n° 3 (archiduc Ferdinand), sans véritable résultat. C’est ensuite au tour des hussards Stipsicz et des chevau-légers Vincent d’être lancés contre la cavalerie alliée (Wurtembergeois, 14e chasseurs à cheval) à l’ouest d’Eckmühl, qu’ils parviennent à faire reculer.

Tandis que les cuirassiers Saint-Sulpice et Nansouty s’ébranlent et se lancent enfin à l’attaque, la brigade bavaroise Seydewitz se lance elle aussi, avec bravoure, sur les batteries autrichiennes du Vorberg.
C’est Napoléon qui a personnellement donné cet ordre à Seydewitz. Saint-Sulpice aurait du le soutenir par une attaque de flanc, ce qui, pour des raisons inexplicables, ne se produit pas. Mais cela n’empêche pas Seydewitz de faire passer la rivière à ses escadrons, au sud de Unter-Laichling et de les lancer à l’assaut des canons autrichiens. Le mouvement est si rapide que les servants ont à peine le temps de tirer une salve de mitraille que les Bavarois sont déjà sur eux et s’emparent de cinq pièces. Mais ces derniers sont bientôt attaqués de flanc par quatre escadrons de chevau-légers Vincent et les hussards Stipsicz, et repoussés en bas de la hauteur, avec de fortes pertes, étant en même temps pris sous le feu de l’infanterie autrichienne placée dans les bois de Unter-Laichling.
Cette contre-attaque autrichienne est stoppée par le feu d’une batterie bavaroise, amenée sur les hauteurs de ce village, et par une partie de l’infanterie des divisions Deroy et Demont, arrivant de Schierling. Les cavaliers autrichiens se regroupent alors autour de la batterie du Vorberg.
Pendant ce temps, des escadrons wurtembergeois se sont avancés sur le Bettelberg, repoussant devant eux de petits détachements de cavalerie, pour finalement rebrousser chemin, pris sous le feu du régiment Czartoryski.
Mais cette courageuse défense autrichienne ne peut faire changer la victoire de camp. Car les divisions de cuirassiers français sont désormais en mesure d’avancer sur le Bettelberg, en masse compacte, acclamés par les fantassins de Gudin, les cavaliers wurtembergeois se reforment et les Bavarois de Seydewitz se lancent une nouvelle fois à l’attaque des batteries du Vorberg.
Une dernière fois, les Autrichiens font front. Les hussards Stipsicz et les chevau-légers Vincent se relancent contre les Bavarois, qui ont de nouveau atteint les batteries. Un moment, avec l’arrivée de quatre escadrons supplémentaires de chevau-légers Vincent, emmenés par Stutterheim en personne, la victoire hésite à choisir son camp, les Bavarois sont repoussés des batteries.
Mais lorsque la cavalerie française arrive, le combat devient inégal, en dépit de la bravoure des cavaliers autrichiens, qui doivent finalement reculer. Les alliés s’emparent de 12 canons.
Ce combat, à la fois terrible et majestueux, n’était éclairé que par un faible crépuscule et la clarté de la lune naissante. Les cris des combattants étaient couverts par les sons que rendaient plusieurs milliers de casques et de cuirasses, frappés à coups redoublés par des sabres pesants, qui en faisaient jaillir de nombreuses étincelles ! Autrichiens et Français, chacun voulait rester maître du champ de bataille. Des deux côtés, même courage, même ténacité, forces pareilles, mais non pas égales armes défensives ; car les Autrichiens n’étant cuirassés que par devant, leur dos ne se trouve nullement garanti dans une mêlée. Ils recevaient dans le dos de grands coups de pointe portés par les cavaliers français qui, ayant deux cuirasses, et ne craignant pas d’être blessés par derrière, ne s’occupaient qu’à frapper, tuaient un grand nombre d’ennemis et n’éprouvaient que de légère pertes. Ce combat inégal dura quelques minutes : enfin les Autrichiens, dont le nombre de blessés et de morts était immense, furent contraints, malgré leur bravoure, de céder le terrain. [x]
A ce moment, cependant, le IVe corps autrichien, est déjà en retraite : l’acharnement de la cavalerie autrichienne et le sacrifice des artilleurs des batteries du Vorberg a empêcher que les alliés, en passant entre Ober et Unter-Laichling, ne s’y opposent.


Attaque de Davout
L’attaque de Davout, à partir de 14 heures, commence par de farouches combats pour la possession des bois de Unter-Laichling. Le IR 44 Bellegarde tient alors faiblement le village, après que les hauteurs situées au sud-ouest aient été abandonnées, la résistance se situant principalement au niveau des défenses hâtivement installées à la lisière des bois. Deux compagnies sont autour de l’église. Se liant à Bellegarde, le IR 55 Reuß-Greiz occupe Ober-Laichling et la zone entourant le village. Un peu plus en arrière, à droite, l’IR 46 Chasteler est sur les hauteurs, en réserve. Les Frontaliers Deutsch-Banat, les régiments d’infanterie archiduc Louis et Koburg sont à Grubholz.
Bien protégé par l’artillerie divisionnaire, le 10e léger (division Saint-Hilaire) s’empare sans coup férir du village, faisant de nombreux prisonniers, avant de se diriger vers les bois. Là, la résistance est plus sévère, et ce n’est que lorsque la tête de colonne Deroy, arrivant de Schierling, se présente à Unter-Laichling et menace d’envelopper les défenseurs par le sud, que ceux-ci évacuent les bois. Mais les défenseurs de l’église ne peuvent s’échapper à temps et sont faits prisonniers.
Le 105e de ligne, envoyé pour soutenir le 10e léger, n’a même pas l’occasion de participer aux combats. Mais le 10e léger a payé cher sa victoire : 28 officiers et 600 hommes sont hors de combat, ce qui montre, s’il en était besoin, que les hommes de Bellegarde se sont vaillamment défendus.
L’abandon des bois, par Bellegarde, entraîne le retrait du IR 55 Reuß-Greiz, dont l’aile gauche a également combattu contre le 10e léger, souffrant terriblement des tirs de l’artillerie française.

Français et Bavarois prennent possession des bois ; des tirailleurs se lancent à l’assaut des hauteurs et entament la poursuite. Mais les troupes de Rosenberg ont encore assez de forces pour les repousser. Avec 4 escadrons de chevau-légers Vincent, le général Stutterheim, aidé par les officiers d’état-major de Bellegarde et Reuß-Greiz, il leur fait faire encore une fois face aux assaillants. Ceux-ci sont de nouveau repoussés hors des bois, mais ils en reprennent rapidement possession, forçant une fois encore à la retraite, sous le couvert courageux des chevau-légers Vincent, à la tête desquels se trouvent Stutterheim et Sommariva.
Un peu plus tard, les combats de cavalerie tournent au désavantage du IVe corps, dont le commandant se met à la tête pour les faire retraiter sur la route de Ratisbonne, son chef d’état-major emmenant, de son côté, le reste du corps d’armée vers Alteglofsheim, par Sanding.
Sur l’aile nord de ce même IVe corps (où commande FML Hohenlohe), c’est le régiment de Frontaliers Deutsch-Banat qui assume la charge principale des combats. Friant envoie contre lui des nuées de tirailleurs, qui finissent par faire reculer les Frontaliers, avec des pertes importantes. Les 33e et 108e de ligne se lancent alors à l’attaque de l’infanterie autrichienne (archiduc Louis), forçant l’artillerie positionnée sur les hauteurs entre la lisière des bois et Ober-Laichling à se replier. Le IR 22 Koburg repousse une attaque des 48e et 111e de ligne. Les combats sont encore en cours et indécis, lorsque parvient l’ordre de retraite, envoyé par Hohenlohe, après que les français se soient emparé des bois de Unter-Laichling. Les fantassins autrichiens effectuent cette retraite d’abord en bon ordre, sur Thalmassing, en passant par Sanding, mais ce bon ordre disparaîtra plus tard, sous la pression des alliés.


L’archiduc Charles prend la décision de retraiter sur Ratisbonne.
L’archiduc avait quitté le château d’Alteglofsheim à midi, prenant tout d’abord la direction d’Eckmühl, puis de Thalmassing. C’est là qu’il a appris la marche des alliés arrivant de Landshut. Bientôt, le bruit d’une bataille, dans la direction d’Eckmühl, lui a confirmé les informations de Bellegarde. Il comprend alors que ces troupes venant de Landshut sont en fait celles qui ont repoussé Hiller derrière l’Isar, désormais coupé du gros de son armée. Il comprend également la passivité de l’ennemi qu’il a devant lui et qui, selon toute vraisemblance, attend l’arrivée de ces renforts venant de Landshut. S’il n’a, en fait, aucune information sur l’importance de ceux-ci, il comprend néanmoins que la décision va se faire ici, autour d’Eckmühl, et que Napoléon n’a pu manquer d’y faire venir le plus de forces possible.
Il n’en faut pas plus à Charles pour prendre la décision d’ordonner à ses troupes de faire mouvement sur Ratisbonne. Mais les ordres correspondants vont atteindre les différents commandants alors qu’ils seront déjà aux prises avec les alliés.
Lorsqu’il quitte Thalmassing pour se rendre à nouveau à Alteglofsheim, l’archiduc Charles rencontre des colonnes de blessés du IVe corps, ainsi que les troupes de Vukassovich et Bieber. Il comprend aussitôt que la situation ne peut être rétablie, que la campagne est pour ainsi dire perdue, d’autant qu’il apprend dans le même temps les évènements d’Eckmühl et de Laichling.

Cette journée d’Eckmühl a coûté à l’armée autrichienne 10.700 hommes mis hors de combat. Et pourtant, les Ier et IIe corps, la brigade Vécsey et la division Lindenau n’ont pas été engagés.
De leur côté, les alliés ont à déplorer la mort d’un général (Cervoni), et la mise hors de combat de 108 officiers et d’environ 3.000 hommes. Napoléon n’a engagé dans la bataille que quelques bataillons wurtembergeois, les divisions d’infanterie Friant, Saint-Hilaire, Deroy et Gudin, ainsi que le gros de sa cavalerie. Il avait en réserve 7 autres divisions d’infanterie et une de cuirassiers.
L’empereur prend ses quartiers à Alteglofsheim, avec Berthier, Lefebvre, Masséna et Lannes
NOTES
[i] Napoléon à Lannes, 22 avril, 3 heures du matin. Saski, volume 2, p. 337.
[ii] Deux officiers partis à la recherche du corps de l’archiduc Louis ont été faits prisonniers.
[iii] Dont l’avant-garde est formée des troupes de la brigade Vécsey.
[iv] Un escadron du IIe corps doit être envoyé à Straubing, pour y attendre les ordres de détruire le pont, et, plus tard de détruire tous les passages du fleuve jusqu’à Passau. Ceci montre que l’archiduc a désormais renoncé à sa ligne de communication avec l’Inn, et qu’il a choisi celle vers la Bohème, qu’il entend protéger de cette manière.
[v] Ces reports successifs vont permettre à Napoléon de faire arriver des renforts en temps voulu à Davout. Mais, bien sûr, ni l’empereur, ni l’archiduc Charles n’en sont conscients. L’historien, lui, sait comment l’affaire va se terminer !
[vi] Si l’on considère que l’armée alliée fait à ce moment face à l’est.
[vii] Napoléon à Davout, 23 avril. Saski, volume 2, p. 336.
[viii] Par manque de matériel du génie, un deuxième pont ne peut être lancé sur la Laaber.
[ix] Elle sera suivie par la division Morand, qui ne sera pas cependant pas engagée.
[x] Mémoires de Marbot, volume II, p. 125. Le mémorialiste reprend ici les commentaires de Pelet, sans préciser que la cavalerie autrichienne est en infériorité numérique notoire, ce qui devrait suffire à expliquer l’importance de ses pertes par rapport aux Français.