Journal du Voltigeur Asseré (Nivôse an XI – Décembre 1806)
Il n’y a guère que Vérone dont je peux parler de cette route. Elle est située sur l’Adige : elle est fort grande, mais mal peuplée ; elle a pour preuve de son antiquité un bel arc de triomphe et un amphithéâtre presque entier, qui pouvait contenir plus de vingt mille spectateurs assis : elle est fortifiée, à l’antique, elle a trois châteaux forts.
Partis de Vérone pour Palma nova, passant par le 2 avril, à Montebello : le 3, Vicence : le 4, à Villa-Franca : le 5, à Trévise ; le 7, Conegliano; le 8, à Pordenone (il y a peu de villes bien remarquables dans cette route); le 9, à Codroipo ; le 10, à Palma nova (destination, place forte du Fourlens (?); cette province fait partie du pays de Venise et est frontière du Frioul et termine les possessions du royaume d’Italie. Cette place a été fortifiée de nouveau par les Français en 1806, qui l’ont augmentée de huit demi-lunes qui mettent beaucoup la ville à couvert.
Le 11 à Santa Maria; le 20 avril, à Merlana, cantonné: le 5 juin, à Visco: le 7, à Palma nova. en garnison [1]C’est à ce moment qu’Asséré a écrit son Journal.
Partis de Palma nova pour Padoue, au dépôt, passant par
Le 12 août, à Codroipo: le 13, à Pordenone le 14, à Conegliano; le 15, à Trévise; le 16, a Mestre: le 17, à Padoue (destination): parti pour les eaux thermales d’Abano à Monte-Ortone [2]Abano, station thermale voisine de Padoue – Monte-Ortone, dépendance d’Abano. Le 13, à Monte Ortone. Sorti le 17 septembre) à Padoue: je fus réformé en cette ville le 29 septembre.
Cette ville est grande, mais très mal peuplée, elle est fort riche et remplie de couvents des deux sexes, aussi y voit-on sur trois hommes deux prêtres ou moines. Le couvent, ainsi que l’église Saint-Antoine, sont puissamment riches, la chapelle dédiée à ce saint, ornée de pierres précieuses, les chandeliers sont d’argent et d’une grandeur et structure extraordinaires.
Le tour de cette chapelle est orné de bas-reliefs de marbre représentant plusieurs sujets et tous de la plus belle exécution. Cette chapelle est ornée de plus de douze lampes d’argent et de quatre en or.
La dévotion qu’ont à cette chapelle tous les Padouaus a enrichi à l’infini ce couvent ; l’église est de plus décorée de plusieurs mausolées; au fond de l’église est une espèce de chapelle sans autel, mais puissamment riche, ornée de statues de marbre et d’un portique à plusieurs entrées, dont les portes sont d’or et d’argent: il y a deux lampes fort grandes, toutes en or; dans cette chapelle sont renfermés les trésors et reliques précieuses de ce monastère.
Cette ville a plusieurs places assez belles, une entre autres qui mérite d’être connue : cette place est de forme ronde, l’intérieur est orné de piédestaux et de vases avec des parterres de gazon autour. Sur cette place circule un canal fort beau et garni de statues.
Cette place a quatre ponts pour entrer, sur chacun desquels s’élèvent quatre pyramides ; le nombre des statues passe deux cents; sur cette place est la belle église de Saint-Augustin cette église n’est pas aussi riche que Saint-Antoine, ni aussi bien ornée de mausolées, mais elle est simple d’architecture et distinguée avec goût.
Les chapelles sont toutes en marbre de différentes couleurs et représentant différents monuments de plusieurs ordres d’architecture. Le pavé est aussi en marbre de plusieurs couleurs et représente plusieurs figures de géométrie, elle est de plus fort claire.
Cette ville et le pays qui l’environne est le plus riche que l’on puisse voir et est susceptible de le devenir encore davantage, mais l’esclavage des paysans qui ne peuvent rien posséder en propriété fait que la terre ne rend pas tout ce qu’elle est susceptible de rendre.
Le vin y est très bon, le froment en abondance, mais il n’y a que les seigneurs qui en mangent et les marchands et bourgeois des villes, Le pauvre et le paysan mangent du blé de Turquie qu’ils appellent la poulainte ; ils font cuire cette farine dans un chaudron ; lorsqu’elle est cuite elle ressemble à un pain de cire; avec ce médiocre aliment ils mangent fort peu de bonne chère, presque jamais de bœuf.
Pour le vin, ils ne boivent de celui qu’ils récoltent que lorsque les seigneurs de qui ils tiennent les terres veulent leur faire des gratifications qui ne passent jamais la valeur d’une chopine de notre mesure par homme, et cela arrive quelquefois deux ou trois fois par récolte, tant du froment que du vin.
De tout le produit de la terre, le paysan n’a en propre que le blé de Turquie et le petit vin qu’il peut retirer du marc de vin après avoir été pressé. De la volaille qu’il peut élever, il faut qu’il en donne la moitié au propriétaire, quoique cette volaille ait mangé une partie de sa poulainte qui lui reste pour récompense de son travail.
Parti de Padoue le 26 octobre pour Legnago. Le 26, à Este. Le 27, à Legnago: cette place est sur l’Adige. Elle est très fortifiée depuis qu’elle est au pouvoir des Français. Porto, qui fait présentement la moitié de cette ville, se fortifie avec vigueur et deviendra très forte tant par les eaux que l’Adige y jette que par les avancés que l’on y fait.
Parti de Legnago pour aller à Vérone. Le 23, arrivé à Vérone et reparti le 1er décembre 1806, pour aller à Paris. Passé par Peschiera, Loitalo et route jusqu’à Turin ; cette ville seule est la plus remarquable de cette route. Cette ville, la capitale du Piémont, est la plus belle et la plus régulière de toute l’Italie et peut passer pour une des plus belles villes de l’Europe.
References[+]