Journal du Voltigeur Asseré (Nivôse an XI – Décembre 1806)

Le 26, logé à Heidenheim : le 27, à Kertnerzheim [1]Impossible à identifier; ce jour-là, la division cantonne près d’Aalem.; le 28, à Nerdlingen; le 29, à Donauwert: le 30, à Neubourg ; les 1er et 2 brumaire, à un bourg ; le 3, à Ingolstadt : le 4, Srowbingen [2]Impossible à identifier; le 5, à Landshut, bivouaqué ; le 6, Eggenfelden, bivouaqué ; le passé devant Braunau, bivouaqué : le 8, logé dans un village ; le 9, passé la nuit à Schärding : le 10, à Eterding, logé; le 11, à Linz, de garde aux avant-postes : le 12, parti de Linz, marché la nuit ; le 13, près d’Enns : bivouaqué ; le 14, combat d’Isben [3]Ce jour-là, 5 novembre, a lieu près de l’Ips (Ybbs) le combat dit d’Amstetten. ; première rencontre des Russes composant l’avant-garde, au nombre de quarante-deux mille hommes.

Joachim Murat, grand-Duc de Berg en 1806, puis roi de Naples
Joachim Murat, grand-Duc de Berg en 1806, puis roi de Naples

Le matin, le prince Murat passa la revue du corps d’avant-garde, après laquelle on partit à l’ennemi qui battit en retraite plus de quatre lieues, nous abandonnant sur la route ses chariots ; ils s’arrêtèrent enfin à quatre heures du soir dans un bois, position fort avantageuse où très peu de monde pouvait les chagriner, et où ils pouvaient se servir de toutes leurs forces; ils soutinrent à ce poste jusqu’à neuf heures du soir avec intrépidité, faisant un feu terrible et des cris qui auraient pu faire trembler d’autres que des Français ; plus d’un brave grenadier perdirent leur nom à cette affaire, où la valeur et le courage étaient un défaut et où l’avantage était tout d’un côté; pourtant les Russes furent obligés d’évacuer le terrain.

Leur retraite fut funeste à une division commandée par le général Gazan, qui fut forcée de mettre bas les armes trois fois. Cette division fit voir plus d’une fois qu’elle était française ; se voyant dans la dure extrémité de se voir hachée après s’être rendue, reprit ses armes et se fit un passage qui coûta cher aux Russes : cette bataille se nomma Krems [4]En fait il s’agit de la bataille de Dürnstein, du nom d’une petite ville sur le Danube, qui était voisine de ce lieu et qui se sentit un peu du voisinage de ce champ de bataille ; elle fut pillée entièrement.

Le 15 (6 novembre), bivouaqué dans une petite plaine où le prince Murat fit brûler un village à qui on avait confié la garde d’une ambulance française, et qui assassinait les blessés qui composaient cette ambulance. Le 16, à Melk; et bivouaqué le 17 près Saint-Pölten.

Le 18, passé une petite rivière. Le 19, près de Perschlingen; bivouaqué. Le 20, Kildorf de garde au quartier général [5]Le quartier général est à Hütteldorf.. Le 22 (13 novembre), entré à Vienne : bivouaqué. Le 23, à Stockerau, pillage des magasins impériaux. Le 24, campé en face des Russes près d’Osnabrunn. Le 25 (16 novembre), bataille d’Osnabrunn (sic). [6]Sans doute Hollabrunn

Le 24, à quatre heures du soir, les deux armées étaient en face l’une de l’autre et le canon roulait déjà, lorsque les généraux russes envoyèrent un parlementaire pour obtenir une cession (sic) d’armes de 24 heures, ce qui fut accordé.

Le lendemain 25, trois heures de l’après-midi, l’on fit prendre les armes à tout le corps d’avant-garde et l’on nous plaça les deux premiers bataillons dans un village qui se trouvait sur notre front ; nous y entrâmes en colonnes serrées, une grêle de bombes et d’obus y tomba aussitôt, de manière que ce village fut la proie des flammes en un instant ; plusieurs obus et boulets tombèrent dans nos rangs, un éclat d’obus emporta mon chapeau et me fit une forte contusion à la tête, plusieurs autres y restèrent tout à fait.

Le feu qui redoublait nous força de sortir du village: nous nous portâmes sur la droite à la faveur de la fumée du village qui brûlait. Le temps pressait, un régiment de grenadiers de notre division qui se trouvait en avant du village, se trouvait accablé par le nombre et par la mitraille de l’ennemi : nous passâmes un ravin profond en roulant les uns sur les autres: la mitraille, les boulets et une grêle de balles y roulaient avec nous, mais aussi prompts que l’éclair qui présage la foudre, nous fûmes en haut du ravin, repoussant et terrassant par notre feu la ligne profonde qui nous opposait le passage.

Ils s’aperçurent, quoique plus nombreux du double, qu’ils avaient à faire à des grenadiers français ; bientôt nous sommes dans leurs rangs, la charge se fait entendre, chaque grenadier est un tigre, la baïonnette seule fend les rangs ; cette terrible haie fut terrassée ou dispersée.

Un nouvel obstacle se présenta : une petite rivière nous barrait le chemin : une nouvelle ligne se forme sur l’autre rive : le pont était embarrassé par deux pièces de canon renversées sur ce pont ; il nous fallut braver la difficulté du passage, le feu de la mousqueterie et de l’artillerie de l’autre rive : la nuit qui vint nous surprendre semblait vouloir nous arracher la victoire à moitié remportée, mais rien n’arrêta l’intrépidité française : un tambour digne d’un plus haut rang vint se placer, afin d’être mieux entendu, sur la gauche du bataillon, monta au pont le premier et reçut une balle qui le fit tomber sur le pont.

Je connaissais ce jeune homme, son sort me toucha ; le mien n’était pas meilleur, je passai par-dessus lui en l’exhortant au courage ; ce n’était pas ce qui lui manquait : il se mit à battre la charge de nouveau ; dans ce moment, un ami attaché à ma vie me cherchait, il avait entendu dire que j’étais blessé, et instruit par plusieurs que je venais de passer le pont, me rencontre sur la route, occupé à tirailler sur l’ennemi qui se lassait d’éprouver notre courage et battait en retraite au petit pas, j’étais épuisé de fatigue et quoique ce fût dans une saison très froide et que venant de passer une rivière où je m’étais suffisamment rafraîchi, je haletais de soif et étais prêt à succomber, lorsque mon ami arriva me donner sa bouteille que je vidai .

Rafraichi par le vin et sentant mes forces se ranimer, je fonds sur l’ennemi ; je fus bientôt entouré, bientôt désarmé de ma baïonnette qui se cassa, je fus obligé de me servir de mon sabre, qui ne fut pas assez redoutable pour empêcher d’arriver jusqu’à moi un furieux coup de crosse de fusil qui me coucha sur le champ de bataille : j’attendais le coup qui devait terminer ma vie, lorsque j’entends un coup de fusil à bout portant, ce qui fit séparer ceux qui me travaillaient, j’apercois mon ami.

Il me crie : « Courage ! défends-toi. » Je ranimai mon courage et me relevai brûlant de vengeance, mais mon ami me fit apercevoir que nous étions seuls en cet endroit, qu’il était plus prudent de nous retirer sur notre bataillon, ce que nous fîmes aussitôt. Je cherchai sur le champ de bataille une baïonnette pour remplacer la mienne, et malgré le grand nombre qu’il y en avait, j’eus bien de la peine à en trouver une qui allât à mon fusil, quand tout à coup j’entendis assez proche de nous la voix du major Brayen qui criait : « A moi, grenadiers. »

Je volai au secours de ce brave officier, mais nous ne fûmes pas assez heureux pour arriver à temps : plusieurs chasseurs et grenadiers arrivèrent plus tôt et le sauvèrent des mains des cosaques, hulans russes ; un de ceux qui sauvèrent cet officier reçut un coup de lance dans les reins, six d’entre eux furent depuis décorés de la croix de la Légion d’honneur ; l’on fit battre le ralliement, ce qui fut exécuté en un clin d’œil, le bataillon se forma sur la route en colonne d’attaque, et passa sur la place qui avait manqué m’être si funeste .

Bientôt après, nous entrâmes dans un village où nous délivrâmes le colonel français, chef du 13e régiment de ligne, qui commandait un régiment de grenadiers et que les Russes venaient de prendre ; ils étaient en train de le dépouiller lorsque  nous l’arrachâmes de leurs mains ; nous traversâmes imprudennnent ce village sans le fouiller, cette faute seule manqua de nous arracher le fruit de cette brillante journée.

Lorsque nous fûmes dans la plaine qui était située l’èxtrémité de ce village, les Russes qui étaient dedans les maisons sortirent tout à coup et firent feu sur plusieurs régiments qui venaient sans armes dans ce village pour chercher de la paille, du bois et des vivres. Ceux-ci coururent à leurs armes et vinrent à la charge, ignorant qu’il y avait des troupes de France passées de l’autre côté du village.

Les Russes nous attirèrent sur le village en faisant un assez bon feu sur nous ; notre major, ancien militaire, prévit bien ce qu’il pouvait nous arriver, nous défendit de faire feu et nous faisait manœuvrer de manière que nous présentions les flancs à l’ennemi, afin que son feu nous fit moins de mal : mais deux régiments français mal commandés, dont je tairai les numéros pour l’honneur de leurs chefs, se laissent repousser par cette poignée de Russes que nous avons su n’être pas plus de six cents hommes, se jetèrent sur nous en déroute, nous traversèrent sans nous connaitre et ne furent pas aussitôt passés qu’ils firent un feu sur nous.

L’ennemi profitant de cette méprise et ayant vu ces régiments battre en retraite, vinrent sur nous et nous nous rencontrâmes nez à nez, mais sur notre gauche firent feu à bout portant ; nous les reconnûmes à la lueur : deux compagnies de notre droite se détachèrent et formèrent un cercle autour d’eux, nous fîmes un monceau des corps des Russes que nous perçâmes à coup de baïonnette ; nous fûmes obligés de souffrir le feu des deux régiments français, en carré, longtemps sans leur répondre et ne cessèrent que lorsqu’ils furent remis de leur frayeur et nous firent plus de mal que toute l’armée russe ne nous en fit en cette affaire, enfin à neuf heures. se termina cette bataille, qu’une méprise a terni une partie de son éclat.

Le 26 et le 27 (17 et 18 novembre), près de Milsen ; bivouaqué, séjour. Le 28, un bourg ; logé. Incendie dudit bourg pendant la nuit, occasionné par un accident. Le 29, entré à Brünn : avant d’entrer dans la ville, revue de l’Empereur.

References

References
1Impossible à identifier; ce jour-là, la division cantonne près d’Aalem.
2Impossible à identifier
3Ce jour-là, 5 novembre, a lieu près de l’Ips (Ybbs) le combat dit d’Amstetten.
4En fait il s’agit de la bataille de Dürnstein
5Le quartier général est à Hütteldorf.
6Sans doute Hollabrunn