Heinrich-Friedrich-Karl Stein (1757-1831)
Ministre d’État de la Prusse
Les jeunes années et la formation (1757 – 1780)
Heinrich-Friedrich-Karl Stein naît le 25 octobre 1757, à Nassau, ce qui, dès l’origine, en fait un allemand et non un prussien.
1757, den 28. Oct., haben Herr Carl Philipp Freyherr von und zum Stein und dessen Fr. Gemahlin Henrietta Carolina geb. v. Langwerth ein Söhnlein taufen lassen, geb. den 25. abends und genannt: Henrich Friederich Carl.
Les origines de sa famille remontent au XIIIe siècle, et ses parents sont de petite noblesse allemande. Son père Charles-Philippe, conseiller intime à la cour du prince électeur de Mayence, est un passionné de chasse. Sa mère, née Langerth von Simmern, qui a épousé Charles-Philippe en seconde noce, aura dix enfants, dont sept survivront. Les trois frères de Karl seront militaires et l’un, Louis-Godefroy, se mettra au service de la France ! Parmi ses sœurs, Louise sera remarquée par Goethe, et lui servira de modèle pour le Belle comtesse des Années d’apprentissage de Wilhelm Meister ». Marianne, devenue chanoinesse, aura des problèmes avec l’occupant français en 1809, et Marie-Charlotte épousera le ministre d’État de Hanovre, M. de Steinberg.
On sait en fait peu de choses sur les jeunes années de Stein. Ses quinze premières années se déroulèrent de façon paisible, dans la petite ville de Nassau. Sa mère lui inculque la piété calviniste et lui fera même rencontrer Goethe, un jour de 1776.
Ayant atteint l’age de 15 ans, le jeune Stein est inscrit, en octobre 1773, à l’Université de Göttingen. Il y mène une vie studieuse, suivant les cours de droit et d’économie et reçoit là la formation qui fera de lui, plus tard, l’homme d’État, plus, son serviteur.
Quatre ans plus tard, ses parents envoient Stein à Wetzlar, siège du tribunal de l’Empire, pour mettre à profit ce qu’il a appris à Göttingen, et, surtout, élargir ses connaissances. L’hiver 1777-1778, il entre en franc-maçonnerie, dans la loge « Aux trois Heaumes », et fait un voyage en France. En 1780, après avoir fait une courte visite à Vienne, en Styrie et en Hongrie, il arrive à Berlin
Serviteur de la monarchie prussienne (1780 – 1808)
C’est un ami de la famille, le ministre d’État von Heinitz, qui l’y a envoyé, lui garantissant le meilleur accueil. Celui-ci est à la tête du département des mines. C’est là que, sur ses conseils, Stein, âgé de 28 ans, commence sa carrière, avec le titre de « référendaire » à la direction générale des mines prussiennes, le 4 février 1780.
Peu après il est envoyé en Westphalie, où il va rester près d’un quart de siècle, atteignant, au fil des années, et dans différentes villes, les différents échelons de la bureaucratie prussienne et en 1784, il est nommé directeur des mines de Westphalie.
En 1783, Stein avait eu la douleur de perdre sa mère et un projet de mariage avec une demoiselle von Weyhern ne s’était pas concrétisé.
En 1786, nommé conseiller secret aux mines, il se rend en Angleterre pour y étudier l’organisation des mines dans ce pays. Mais là-bas, il va tomber sous le coup d’accusations d’espionnage et doit rentrer en Allemagne. Il est alors (1787) nommé directeur de la chambre de Clèves. Cette même année, le père de Stein décède.
Cinq années plus tard – en 1792 – Karl Stein demande la main de la comtesse Wilhelmine de Wallmoden, fille d’un maréchal du Hanovre et petite fille (par des voies détournées…) du roi George II d’Angleterre ! Il l’épouse au mois de juin 1793. Leur union sera heureuse, sans vraiment de passion. Elle lui donnera trois filles.
1795 : Stein est chargé des achats pour l’approvisionnement des armées de Westphalie. Il s’y montre un très bon organisateur. Mais un conflit l’oppose bientôt au cabinet prussien. N’a-t-il pas distribué à la population nécessiteuse le reste de vivres non utilisées par la troupe ? Plus grave : la Prusse, par le traité de Bâle, renonce à la guerre et se retire de la coalition contre la France ! Stein en est profondément choqué, lui qui souhaite que » l’Allemagne soit nettoyée de cette horde de bandits portant le nom d’armée française ». Il reprend un moment espoir, lorsque la deuxième coalition est formée, mais perd rapidement ses illusions : c’est Marengo, Hohenlinden, la paix de Lunéville.
A cette époque, il est nommé président de la Chambre de Munster. Mais c’est aussi le temps de la dépossession, en 1803, par la Diète impériale, des principautés ecclésiastiques et la suppression de la plupart des villes libres allemandes, et le partage de leurs territoires. L’Empire prend là un coup dont il ne se remettra pas : en 1806 François II abandonnera la couronne d’Empereur d’Allemagne. Dans la tête des patriotes allemands germe déjà le projet d’une unité allemande, qui, selon eux, doit passer par une Prusse – à défaut de l’Autriche – forte, alors que Napoléon, devenu empereur en 1804, s’efforce, dans le même temps, d’affaiblir ces deux pays.
Il accepte alors la tâche que lui confie le gouvernement de Berlin : réunir administrativement à la Prusse es territoires qui lui ont été attribués par le recez. L’occupation, par le duc de Nassau, de deux villages fiefs héréditaires des Stein, provoque la colère de leur héritier et lui donne l’occasion d’entrer définitivement dans l’histoire de l’unité allemande lorsque, protestant de façon véhémente contre cet acte qu’il juge insolent, il déclare :
« Pour atteindre les grands buts dont dépend le bien-être de notre nation, ces petites principautés devraient être réunies elles-mêmes avec les deux grandes monarchies à l’existence desquelles est liée la pérennité du nom allemand ».
Quelques mois plus tard, Stein est appelé au Directoire général du royaume de Prusse, avec le rang de ministre. Il est chargé du département du commerce et des finances. Juridiquement, la politique générale de la Prusse n’est pas dans ses attributions.
Il se lance alors dans la réforme de son administration : il abolit les postes et les douanes entre les diverses provinces, supprime la direction des salines, reforme les contributions indirectes, réorganise l’administration des douanes et des contributions, crée le premier bureau de statistiques de la Prusse, crée des écoles professionnelles et des postes d’inspecteurs d’usine, introduit des méthodes nouvelles pour la production des textiles, réorganise la Banque de Prusse.
Mais tout cela ne le satisfait pas car il se rend compte qu’il cherche en fait à améliorer une machine qui tourne dans le vide. Alors, le 27 avril 1806, il signe un Mémorandum pour le Roi (Darstellung der fehlerhaten Organisation des Kabinetts und der Notwendigkeit der Bildung einer Ministerrialkonferenz), lui recommandant un radical changement dans la marche du royaume :
Si Votre Majesté Royale ne se décide pas à accepter les changements projetés et continue à agir sous l’influence de son Cabinet, Elle doit s’attendre à une dissolution de l’État prussien ou à une perte de son indépendance et à la disparition du respect et de l’amour de ses sujets. »
Stein critique sans ménagement l’état désastreux de l’administration prussienne, en particulier le principe absurde, selon lui, des conseillers secrets du Cabinet, et présente des propositions d’améliorations, développe le principe des ministères spécialisés, avec des ministres choisis par une loi et au grand jour. On le voit, le principe monarchique est sérieusement mis à mal
Ce Mémorandum n’est pas publié par Stein, mais il le donne à lire à ses amis, ainsi qu’à la reine, qui approuve les idées de Stein, mais ne peut cependant accepter les condamnations nombreuses à l’égard des conseillers du roi. Elle réserve d’abord sa réponse, puis, sur l’insistance de Hardenberg, s’exprime favorablement quant au contenu du Mémorandum, tout en en critiquant la forme, suggérant de le faire signer par plusieurs personnalités, dont des militaires, et recommanda que l’on pris l’avis d’Haugwitz (ce qui ne pouvait plaire à Hardenberg, les deux hommes étant alors à couteaux tirés !). Et le Mémorandum est provisoirement enterré !

C’est à l’initiative du prince Louis-Ferdinand – qui a d’aussi bonnes relations avec Stein qu’avec la reine Louise – qu’il est transmis au roi, le 2 septembre 1806, après avoir subi un « toilettage », et après l’avoir fait signé par les généraux, dont deux frères du roi. La réponse de ce dernier ne se fait pas attendre : Les princes sont envoyés à l’armée et Louis-Ferdinand trouvera bientôt la mort sur le champ de bataille de Saalfeld.
Car la Prusse se trouve bientôt dans pris dans la terrible tourmente des années 1806-1807.
A la veille des événements qui vont mettre à mal, pour un temps, la monarchie prussienne, Stein est à ranger, incontestablement, dans le rang des « faucons », partisan passionné d’une politique de guerre, que sa conscience considère comme inévitable. N’a-t-il pas écrit au roi, le 26 octobre 1805, à propos de l’accroissement de la puissance française :
Il est indispensable d’opposer une résistance à de pareil empiétements afin de rétablir l’équilibre européen. »
Il partage cette idée, il est vrai, par un certain nombre d’hommes et de femmes de la cour – à commencer par la reine Louise – dont le prince Louis-Ferdinand, le prince d’Orange, le duc de Brunswick, les généraux Phull et Blücher, pour n’en citer que quelques-uns. Pour autant, Stein n’envisage pas une guerre immédiate, mais juge indispensable une action diplomatique préalable et l’appui de la Russie, surtout après Austerlitz et le désastreux traité de Presbourg.
Ce n’est pas le lieu ici de faire l’historique de la campagne de 1806, au cours de laquelle les forces prussiennes sont, pratiquement en une semaine, anéanties. Napoléon entre bientôt à Berlin, y établit une administration française, le roi et la reine sont en fuite.

Stein rentre alors en résistance. Lui, il ne fera pas acte d’allégeance au nouveau maître et, bien que malade, il décide de rejoindre son souverain. Et pourtant, c’est au devant de la disgrâce qu’il va. Deux personnalités s’affrontent. L’une, le roi, cherche à louvoyer, à s’accorder avec Napoléon, sans doute pour réduire les conséquences de cette fatale campagne; l’autre, Stein, ne voit aucune voie autre que la résistance. Frédéric-Guillaume propose à Stein les ministères des affaires étrangères et de l’intérieur. Stein refuse car, pour lui, les seules mesures à prendre figurent dans son manifeste d’avril 1806. Un incident – somme toute minime, puisqu’il s’agit, pour Stein, de refuser le versements de fonds pour l’entretien de la cour napoléonienne à Berlin – met le feu aux poudres. Le roi lui écrit, le 3 janvier 1807, à Königsberg :
Je me suis trompé sur vous, je vous considère désormais comme un fonctionnaire anime d’un esprit d’opposition systématique et offensant, insubordonné et obstiné. Fier de votre génie et de vos talents, vous êtes loin d’aspirer toujours au bien de l’État : vous vous laisser guider par vos caprices, par vos passions, votre haine et votre rancune personnelle (..)
Lorsque le souverain reçoit la lettre de démission que lui envoie Stein, il y ajoute, de sa main :
M. le baron de Stein s’est jugé lui-même dans sa lettre en date d’hier; je n’ai rien à ajouter.
Stein reste un moment à Königsberg, après le départ de la cour prussienne pour Memel. Après la bataille d’Eylau, il se rend à Berlin. Il y fait un séjour bref, avant de rejoindre ses terres héréditaires de Nassau.
Ironie de l’histoire, c’est Napoléon lui-même qui, après Tilsitt, suggère au roi de Prusse, pour remplacer Hardenberg, la nomination de Stein ! Ce dernier accepte :
Au milieu des désastres qui nous accablent, il serait immoral de faire valoir des considérations personnelles, surtout en présence du grand exemple de fermeté que donne Votre Majesté.
Le 30 septembre 1807, ilretrouve le roi, à Memel, qui lui confère l’ordre de l’Aigle Rouge. Un dernier obstacle surgit : Stein exige le renvoi du conseiller Beyme. Le roi refuse. La reine trouve un compromis : Beyme reste, mais sans fonction définie. Et elle insiste auprès de Stein :
Je vous implore, patientez seulement les premiers mois. Le roi tiendra sa parole, Beyme partira (…)
Le 4 octobre 1807, Stein est de nouveau ministre – avec d’énormes pouvoirs. Cette nomination suscite l’enthousiasme. Quant à lui, durant les quatorze mois que vont durer son deuxième ministère, il se lance tout de suite dans les réformes : c’est, le 9, l’Édit d’Émancipation, qui libère les paysans; le 24 c’est l’édit sur la liberté du commerce.; c’est une gigantesque réforme administrative, qu’il présente au roi quelques jours avant sa démission, à la fin de novembre 1808.
Mais Stein a trouvé une Prusse dans une situation financière et économique tragique, soumise à l’occupation française. Il va tout faire pour l’en libérer. Et d’abord, cette dette que Napoléon a fixé à 154 millions, dont 15 millions payables immédiatement ! Stein s’engage d’abord sur la voie de la conciliation : pour lui, l’évacuation du territoire est à ce prix. Il va « finasser ». Il fait accepter l’envoi à Paris du prince Guillaume, le frère du roi, pour négocier une alliance avec la France – voire l’adhésion de la Prusse à la Confédération, en échange d’une évacuation du territoire prussien. Le prince est porteur d’une lettre de la reine Louise :
Notre pays souffre cruellement de la présence des armées, il est anéanti par ses ressources, si cela dure il ne pourra jamais se refaire et n’offrira plus d’espoir ni pour nous, ni pour nos amis. Comme V. M. I. ne peut être que le nôtre, elle-même se prive d’une ressource sur laquelle Elle peut sûrement compter (…) Notre retour prochain à Berlin est encore une suite naturelle de ce que je viens d’exposer à V. M. I. Il est surtout désirable pour moi qui souffre plus que personne physiquement et moralement. Comme mère tendre, l’éducation de mes enfants me tient fort à cœur; elle ne peut pas du tout être soignée ici. Ma santé est absolument détruite, ne supportant pas le climat humide et froid du Nord. J’ose alléguer ceci comme une des raisons auprès de V. M. I., sachant par moi-même, et par tout ce qu’Elle a dit à mon sujet, qu’Elle s’intéresse à ma personne. V. M. I. connaît la confiance que j’ai en Elle, je lui en ai parlé à Tilsitt et je me flatte que cette fois-ci V. M. suivra la voix de son cœur en redonnant le bonheur à la Prusse, au Roi et à moi… C’est avec cet espoir que je suis, Sire, de V. M. I. la bonne sœur. Louise. Memel, le 4 novembre 1807.
Pour Stein, les choses sont encore simples :
Nous devons tenir la ligne de conduite que nous sommes tracée : nous devons essayer de regagner la confiance de Napoléon et de remettre la Prusse sur pied avec l’aide de la France.
vers 1810

A la fin de février 1808, Stein se rend à Berlin, pour rencontrer Daru. Les deux hommes se mettent rapidement d’accord sur un projet de convention, qui prévoit, notamment, l’évacuation de la Prusse dans les 30 jours après la signature. Stein pense déjà qu’il aura atteint son but pour le mois d’avril. C’est sans compter sur Napoléon et son opposition à toute alliance franco-prussienne et surtout sur le fait qu’il n’envisage pas un instant une évacuation rapide de la Prusse. Les négociations, dans ces conditions, traînent en longueur et finalement, le 26 mai 1808, Stein retourne à Königsberg, sans avoir rien obtenu.
Il change alors d’attitude et devient le champion de la rupture avec la France. La nouvelle des troubles en Espagne (2-3 mai 1808) n’est sûrement pas étrangère à ce revirement. Mais aussi le fait que les chefs des armées prussiennes, Scharnhorst et Gneisenau, sont parfaitement au courant que l’Autriche envisage de nouveau d’entrer en guerre contre la France. Autant alors être du bon coté et préparer la guerre pour l’indépendance. Le 27 juillet, Stein écrit au roi :
L’heure est venue où il faut mettre une fin à la rivalité et à la jalousie qui ont divisé la Prusse et l’Autriche pendant 80 ans. Les deux États doivent s’unir dans un esprit de confiance mutuelle : c’est ainsi que l’Allemagne pourra retrouver son indépendance.
Il récidive le 10 août :
Il est indispensable d’arriver à l’union de la Prusse et de l’Autriche si l’on veut sauvegarder leur existence et abattre l’ennemi commun (…) La Prusse doit engager toutes ses forces régulières et insurrectionnelles dès qu’une guerre éclatera entre l’Autriche et la France. L’Allemagne doit être libérée par la nation allemande toute entière.
Le roi n’est pas, il s’en faut, partisan de cette politique, mais il laisse faire. C’est l’époque de la formation de la célèbre Tugendbund (Ligue de vertu), société secrète aux idées ultra-nationalistes., mais qui n’a, en cette année 1808, que 400 membres.
Pour l’instant, il faut essayer d’endormir Napoléon. On lui proposera un corps d’armée de 40.000 hommes, pour la guerre prévisible avec l’Autriche (la Prusse n’en a que 30.000 équipés, Napoléon fournira les 10.000 autres…), qui, le moment voulu, changeront de camp. Occupé qu’il est en Espagne, Napoléon ne verra pas le piège ! Et pourtant…
Le 25 août 1808 un fonctionnaire prussien est arrêté par deux gendarmes français. Fouillé, on découvre sur lui, entre autres documents, une lettre de Stein au comte de Wittgenstein, qui va dévoiler à Napoléon les plans du ministre prussien.
Si, dans les circonstances actuelles où nous pourrons être utiles à l’Empereur S. M. n’accepte pas nos propositions, elle prouve que son dessein est de nous anéantir et alors il faut s’attendre à tout. »
L’exaspération augmente tous les jours en Allemagne; il faut la nourrir, chercher à travailler les hommes. Je voudrais qu’on pût entretenir des liaisons dans la Hesse, dans la Westphalie, et qu’on se préparât à de certains événements; qu’on cherchât à maintenir des rapports avec des hommes d’énergie et bien intentionnés et qu’on pût mettre ces gens-là en contact avec d’autres… Les affaires de l’Espagne font impression très vive; elles prouvent ce que depuis longtemps on aurait dû entrevoir. Il serait très utile d’en répandre les nouvelles d’une manière prudente, puisqu ‘elles démontrent à quel point peut aller la finesse et le désir de dominer, ainsi que ce que peut faire une nation qui a de la force et du courage
Dés qu’il prend connaissance de ces lignes, Napoléon change d’attitude, fait proposer au négociateur prussien, le prince Guillaume, une convention nouvelles qui, cette fois, ne cède pas un centime sur le montant de la contribution financière de la Prusse. Mis au fait des menées de Stein, il n’a d’autres ressources que ce signer, le 8 septembre. Et le Moniteur – bien évidemment inspiré par Napoléon – s’en prend au ministre prussien :
On plaindra le roi de Prusse d’avoir des ministres aussi malhabiles que pervers (..) La proposition d’une alliance et d’un corps auxiliaire ne pouvait pas entrer dans une tête saine. M. de Stein devait penser que l’Empereur ne pouvait accueillir de pareilles offres de la part de la Prusse parce qu’il connaît les ministres prussiens et qu’il a assez agi et traité avec la Prusse pour savoir quel cas on doit faire des engagements qui sont contractés par elle (…) Quoi, Monsieur de Stein (…), vous voulez soulever la Hesse et la Westphalie, et être l’allié de la France; vit-on jamais l’un à côté de l’autre deux paragraphes qui décèlent plus d’ignorance et de mauvaise foi ? (…) Vous lui (l’Allemagne) souhaitez les malheurs de l’Espagne, vous lui préparez l’affreux spectacle des magistrats déchirés sur les places publiques, des villes incendiées et de toutes les horreurs de la guerre étrangère et de la guerre civile. Vous êtes un mauvais citoyen. L’Allemagne qui va vous connaître tiendra compte de vos bons sentiments pour elle.
(…) Lisez cette lettre; ce sont de semblables ministres qui lui ont fait perdre l’opinion et l’estime de l’Europe. Allemands, lisez cette lettre et voyez les malheurs que l’on souhaite à votre patrie. (…)
(…) Nous avions droit à une éternelle reconnaissance, nous n’avons obligé et sauvé que des ingrats (…)
(…) Et vous, Monsieur de Stein, ou vous voudrez rendre compte de vos abominables projets devant les tribunaux de Westphalie, ou vos immenses ses biens seront confisqués.
C’est ce que mande l’empereur à son frère Jérôme :
Mon frère, Champagny a dû vous envoyer la lettre de M. de Stein. Vous devez faire mettre le séquestre sur les biens de cet individu qui sont dans votre royaume, et le faire citer devant vous pou, rendre compte de sa conduite. Il est votre sujet (ici, l’empereur se trompe) et cette qualité est inaliénable. S’il ne vient pas, ses biens doivent être confisqué,
P.S. Provisoirement faites mettre le séquestre dessus.
Mais pour l’instant, ces ordres et ses instructions vont rester lettre morte.
Ce qui vient de se passer est connu à Königsberg le 21 septembre. Le lendemain, Stein présente au roi sa démission, que celui-ci, tout d’abord, n’accepte pas. Stein continue donc, comme si de rien n’était, à exercer ses fonctions. Il conseille même au roi d’accepter les propositions françaises « pour les rompre à l’occasion ». Il entame des négociations secrètes avec l’Autriche, prenant sur lui d’assurer Vienne que, dès le moment venu, la Prusse se rangera de son coté. Un roi pacifiste face à un premier ministre belliqueux !
Napoléon, qui n’a pas de représentant à Königsberg, est peu ou mal informé de cette situation, et ne réagit pas. Ce qui ne l’empêche pas de ronger son frein contre Stein.
Le ministre prussien va renouveler deux fois sa démission : le 8 octobre, puis le 24 novembre 1808. Cette fois, le roi l’accepte. L’ère de Stein prend fin.
Proscrit
Il semble que Napoléon n’attendait que ce moment là ! A peine a-t-il vent de cette démission qu’il se déchaîne :
DÉCRET IMPERIAL
ART. 1. – Le nommé Stein cherchant à exciter des troubles en Allemagne est déclaré ennemi de la France et de la Confédération du Rhin
ART. 2. – Les biens que ledit Stein posséderait soit en France, soit dans les pays de la Confédération du Rhin seront séquestrés. Ledit Stein sera saisi de sa personne partout où il pourra être atteint par nos troupes ou celles de nos alliés.
En notre camp impérial de Madrid, le 16 décembre 1808
Ce décret est suivi d’une lettre à Champagny :
Envoyez l’ordre ci-joint à tous mes ministres près les princes de la Confédération du Rhin, en leur faisant savoir que le sieur Stein continue à manigancer avec les Anglais de chimériques complots contre la Confédération du Rhin. Parlez-en fortement avec le ministre de Prusse à Paris; écrivez à mon Consul à Königsberg pour qu’il en parle au Roi et laissez entendre que si mes troupes prennent Stein, il sera passé par les armes.
Pourtant, et grâce au savoir faire de Champagny (sans doute effrayé de se voir avec une nouvelle affaire d’Enghien sur les bras), de la maîtrise de soi de notre chargé d’affaires (Saint-Chamand) et de la coopération du représentant de la Hollande, à Berlin, Stein peut s’enfuir et échapper à la vindicte impériale.
Il rejoint l’Autriche, ou l’empereur François lui assigne Brünn comme résidence, puis l’autorise à s’installer à Prague, à la condition toutefois qu’il il mènera une « conduite modeste ». Ce faisant, la police le surveille de près, et son courrier est surveillé. Mais il obéit, ne se mêlant qu’à trois ou quatre familles de l’aristocratie, les Czernin, les Stadion, etc. Il reçoit quand même des visites : Hardenberg (qui l’a remplacé à Berlin), Pozzo di Borgo viennent voir le proscrit.
De son exil, il suit les évènements : la déclaration de guerre de l’Autriche à la France, suivie des cuisantes défaites, qui l’anéantissent. Il pense, un moment, aller en Espagne, en Amérique du Sud, aux États-Unis. C’est alors que, le 9 mai 1812, il reçoit une lettre du tsar Alexandre, écrite le 8 avril, de venir le rejoindre à Vilna afin, lui dit le souverain russe « de me communiquer vos idées », et où il sera reçu « à bras ouverts »
L’appel que Votre Majesté Impériale a daigné me faire de me rallier sous les drapeaux de l’honneur et de la vraie gloire, c’est-à-dire sous les siens, m’est parvenu. Je lui obéis.
Et Stein quitte aussitôt Prague.
Au service de la Russie
Stein arrive à Vilna le 10 juin et rencontre aussitôt le tsar Alexandre, dont il devient un compagnon, un membre de son entourage immédiat. Il est admis à sa table. Dès le 12 juin – la guerre avec la France n’est pas encore déclarée – il présente au tsar un Mémorandum (encore un !) dans lequel il examine la possibilité d’activer en faveur de la Russie les forces d’Allemagne, actuellement à la disposition de Napoléon. Pour Stein, la nation prussienne est et doit rester l’alliée « naturelle » de la Russie.
Lorsque la guerre avec la France est déclarée, Stein suit Alexandre à Saint-Pétersbourg. Il y conquiert rapidement la sympathie de toute la haute société, largement pro-allemande. Il rencontre, en août, Madame de Staël, elle aussi exilée sur ordre de Napoléon. C’est là qu’il apprendra la défaite de Borodino et la prise de Moscou par la Grande Armée.
Le 18 septembre, il adresse à Alexandre encore une note, cette fois sur la constitution future de l’Allemagne. Le sort des armées décidera du sort de l’Allemagne n’hésite-t-il pas à déclarer au tsar.
Puis c’est la retraite des Français. Le 5 novembre, Stein s’adresse ainsi à Alexandre :
Il me paraît que dans la situation présente des choses, où il est certain que l’armée française sera détruite par la faim, le climat, les combats journaliers, où il est vraisemblable que son chef périra lui-même de rage et de remords, il faudra accélérer les mesure qu’on voudra prendre pour l’Allemagne, qu’on pourra agir dans ce pays avec des forces inférieures à ce qu’il aurait fallu employer dans un cas où les armées françaises seraient restées dans un état capable tenir la campagne. Il faut espérer de plus que défaite de l’armée française retrempera l’Autriche, et même peut-être la Prusse, et facilitera la réussite des tentatives qu’on pourra faire pour les ramener à leurs vrais intérêts.
Quelques jours plus tard, il développe son idée : il faut rapidement porter la guerre au-delà des frontières de la Russie. Alexandre est bientôt convaincu : il rejoint le quartier général (alors qu’il s’en est tenu éloigné pendant presque toute la campagne de Russie !)
L’Empereur (…) se déclara décidé à la continuation de la guerre et partit en décembre aux armées, accompagné du comte Nesselrode
Stein reste à Saint-Petersbourg, continuant d’écrire Mémoire après Mémoire. Le 18 décembre, c’est sur la levée en masse des populations dans les pays occupés, avec conscription pour troupes régulières, formation d’une milice et de troupes territotiales.
Mais il lui tarde de retrouver son Allemagne natale :
La suite nécessaire de la destruction constatée et évidente des troupes françaises, est l’occupation du Nord de l’Allemagne et en premier lieu de la Prusse, jusqu’aux bords de l’Elbe. L’arrangement de cette dernière, nécessairement provisoire, jusqu’à ce qu’on soit convenu définitivement avec le Roi, exigera différentes mesures pour lesquelles V. M. I. jugera bon de m’appeler auprès de sa personne. Dans ce cas, j’ose la supplier de vouloir bien déterminer le cercle d’activité qu’Elle daignera m’assigner, m’accorder les pleins pouvoirs nécessaires pour le remplir, et la confiance de me laisser agir seul, prendre directement Ses ordres sans l’intervention d’intermédiaires et d’adjoints.
De sa main, Alexandre écrit sur la lettre même : Écrivez-lui qu’il arrive !
L’intéressé ne se le fait pas dire deux fois, et le 5 janvier, Stein se met en route, accompagné de son secrétaire Arndt. Quelques jours avant (31 décembre 1812), le corps prussien du maréchal York a changé de camp….
Après être passé à Saint-Pétersbourg, où il réussi à convaincre Alexandre de la justesse de ses idées (ne pas donner trop à la Pologne, pour ne pas affaiblir la Prusse) , il se rend à Königsberg, porteur d’une lettre du tsar au roi de Prusse.
Nous Alexandre ler, par la grâce de Dieu Empereur et Autocrateur de toutes les Russies, savoir faisons par la présente que la Prusse Orientale et Occidentale se trouvant occupée par nos armées…, les rapports avec S. M. le Roi de Prusse restant encore indécis, nous avons jugé indispensable de prendre provisoirement des mesures de surveillance et de direction pour guider les autorités provinciales et utiliser les ressources du pays en faveur de la bonne cause. En conséquence, nous avons nommé… le baron Henri-Charles de Stein, Chevalier de l’ordre de l’Aigle Rouge, pour se rendre à Königsberg et y prendre des informations sur la situation du pays afin de s’occuper à activer les moyens militaires et pécuniaires à l’appui de nos opérations contre les armées françaises. Nous le chargeons de veiller à ce que… les propriétés des Français et celles de leurs alliés soient séquestrées, que l’armement de la milice et de la population s’organise d’après les plans formés et approuvés par S. M. le Roi de Prusse dans le plus court délai possible…Sa mission sera terminée au moment que nous aurons conclu un arrangement définitif avec le Roi de Prusse : alors l’administration de ses provinces lui sera rendue et le baron de Stein retournera auprès de nous.
Il arrive à Königsberg le 22 janvier 1813. Il y reçoit un accueil enthousiaste et prend aussitôt, et de sa propre autorité, une série de mesures importantes : levée du blocus, main mise sur les caisses publiques, cours forcé de la monnaie russe. Ce faisant, ll se met bientôt à dos ceux qui ne voient en lui qu’un délégué du tsar. Il est même forcé de ne pas participer aux délibérations des États, à l’origine duquel il est pourtant. Pour calmer le jeu, il quitte Königsberg, en ayant quand même la satisfaction de savoir que ses propositions sur la landwehr et le landsturm sont approuvées.
De retour près du tsar, Stein se propose une nouvelle fois pour une autre mission : conclure avec le roi de Prusse un arrangement définitif. Alexandre l’envoie aussitôt à Breslau, porteur d’une proposition d’un traité d’alliance. Ce traité va être rapidement accepté par le roi de Prusse, mais sans Stein, tombé malade ! Notre représentant, Saint-Marsan, mande à Napoléon :
On désespère presque de sa vie; sa maladie est devenue une fièvre nerveuse, maligne et pourprée.
Mais lorsque le tsar arrivera à Breslau, le 15 mars 1813, Stein sera remis et Alexandre viendra lui rendre visite à son hôtel.
La guerre de libération (1813 – 1814)
Le 17 mars, Frédéric-Guillaume annonce à son peuple sa rupture définitive avec la France de Napoléon, et déclenche une véritable hystérie patriotique, et des vagues d’enrôlement : en quelques semaines, 271.000 hommes sont prêts à faire la guerre, dans un enthousiasme alimenté par les philosophes (Fichte), les écrivains (Körner, Arndt), l’église.
Après avoir créé les évènements, Stein va désormais les suivre. Durant la campagne de 1813, il est à la tête du Conseil administratif, dont il est le président. Les victoires de Napoléon à Lützen, Bautzen, à Dresde le déconcertent : Napoléon reprend alors possession des territoires administrés par Stein. C’est alors l’attente anxieuse durant le long armistice, puis la reprise des combats et la défaite des français à Leipzig :
Enfin, ma chère Amie (son épouse) on ose se livrer au sentiment du bonheur. Napoléon est battu, en déroute, on le pousse sur la rive gauche du Rhin et l’armée austro-bavaroise l’attaquera encore avant son passage (…) Voila donc l’édifice monstrueux cimenté par le sang et les pleurs de milliers d’hommes, établi par la tyrannie la plus absurde et la plus atroce. Renversé, on ose proclamer d’un bout à l’autre de l’Allemagne que Napoléon est un scélérat et l’ennemi du genre humain, que les fers honteux dans lesquels il a tenu notre patrie sont brisés et que l’ignominie dont il nous a couverts est lavé dans des torrents de sang français
Après cette « bataille des Nations », Stein est nommé à la tête du « Département Central », chargé de l’administration des territoires nouvellement occupés par les Alliés. Avec ses collaborateurs il travaille « comme 500 hollandais ». En novembre 1813, Stein s’installe à Francfort, il y reçoit toutes les têtes couronnées. Certain n’hésitent pas à le voir déjà sur le trône de l’Empire !
Du 21 novembre 1813 au 1er janvier 1814, les Coalisés passent le Rhin. Il est chargé d’organiser les vingt départements occupées par les armées de coalisés, occupé, selon un programme établi à Bâle le 12 janvier 1814, à « organiser des gouvernements en France » comme il l’écrit fièrement à son épouse. Lui, « le proscrit de Napoléon, déclaré l’ennemi des Français« . Il assiste, sans pouvoir les contrôler, aux exactions, dont il ne peut cependant être tenu pour responsable.
C’est surtout pendant les grands mouvements militaires, les marches, les bivouacs, que les soldats (…) se permettent des excès révoltants sans que l’autorité militaire les arrête ou les punisse. La désertion des villages le long des routes, les plaintes des habitants dans toutes les villes qui ont été traversées par les troupes, font foi de ces énormités
Stein, jusqu’à l’entrée des Allies dans Paris, va jouer, tout comme Pozzo di Borgo, un rôle important et son action auprès d’Alexandre, pour que la lutte soit continuée jusqu’à la défaite total de Napoléon va être prépondérante. Le 2 février, après La Rothière, il espère « que les dernières forces de l’ennemi seront bientôt détruites (…) et qu’on ne fera pas la paix avec un scélérat. » Mais, face au tsar, qui affiche une préférence pour la Maison d’Orléans, Stein fait tout pour ramener les Bourbons sur le trône de France. Le 10 février, il lui écrit que « la Maison de Bourbon n’a jamais rien fait pour perdre son droit au trône«
Les nouvelles victoires de Napoléon tempèrent un moment son enthousiasme, mais il reprend après les défaites de Laon et de Craonne. Et, finalement, le 2 avril, Stein peut écrire à sa femme :
Napoléon a été déjoué, l’homme est à bas. Lyon vient d’arborer la cocarde blanche. On a bien lieu de croire la même chose à Paris.
Et trois jours plus tard :
Des courriers expédiés directement de Paris vous auront, ma chère amie, informée de l’occupation de Paris. Bénissons le ciel de ce grand et heureux évènement et offrons hommage de notre profonde et éternelle reconnaissance à l’empereur Alexandre, le chef de cette grande entreprise de l’issue de laquelle date la palingénésie de l’Europe.
Le lendemain, il se dirige sur Paris, où il va rester jusqu’à la signature de la paix, dans le sillage du tsar Alexandre, observant les évènements. Ce n’est que le 10 juin qu’il retrouve sa ville natale de Nassau, où la population lui fait un accueil délirant et triomphal.
Les dernières années (1814 – 1831)
Ces dernières années vont être celles de la désillusion pour ce champion de l’unité allemande. Il élabore, avec Hardenberg, le chancelier allemand, avant que le Congres de Vienne ne commence de siéger, un projet de constitution allemande. Étudié par les représentants de la Prusse, de l’Autriche et du Hanovre, le projet est vidée de sa substance.
Au Congrès lui-même, la position de Stein est pour le moins fausse, car, allemand, il ne peut être regardé que comme l’un des hommes d’Alexandrie, tous d’ailleurs relégués au second plan. La question allemande est renvoyée à un « Comité allemand » où, bien sûr, Alexandre délègue Stein.
En fait, Stein, le puritain, se trouve particulièrement mal à l’aise dans cette atmosphère quelque peu délétère qui entoure le Congrès de Vienne. Pire : « il a une influence, mais il ne dirige pas ». Le 5 novembre 1814, il a présenté son programme à Alexandre :
(…) il est conforme conforme aux principes de justice et de libéralité des puissances alliées que l’Allemagne jouisse d’une liberté politique et civile, que la souveraineté des princes soit limitée, que les abus d’autorité cessent, qu’une noblesse antique et illustre par ses faits d’armes, son influence dans les conseils, sa prééminence dans l’Église, ne soit pas livrée aux caprices des despotes guidés par une bureaucratie jacobine et envieuse…. que les droits de tous soient garantis, et que l’Allemagne cesse d’être un vaste réceptacle d’oppresseurs et d’opprimés. »
Ce programme, les gouvernements intéressés le trouvent inadmissible. La Bavière et le Wurtemberg, ainsi que d’autres Etats de la Confédération rhénane, s’opposent énergiquement à toute restriction, si faible soit-elle, de leur souveraineté.
Stein se bat comme un beau diable pour défendre son projet, fait intervenir le tsar, la presse, suscite la formation d’un bloc anti-bavarois. On arrive presque à un accord, lorsque la question saxonne met le Congres en ébullition. Finalement on se mettra d’accord sur une solution qui, finalement, renforce considérablement la Prusse. Entre-temps, il y aura l’épisode des Cent-Jours. Sitôt connu le débarquement de l’Empereur à Fréjus, celui-ci est mis au ban de l’Europe : une décision semblable à celle qui avait été prise à l’encontre de Stein, par ce même Napoléon !

Les espoirs de Stein de voir une constitution allemande être acceptée par les puissances sont de nouveau remis à plus tard. Il donne alors sa démission, et quitte Vienne le 28 mai 1815, retournant à Nassau, où il apprendra les évènements de Waterloo et la seconde abdication de Napoléon, la conclusion du Congrès de Vienne qui voit la création de la Confédération Germanique – loin, bien loin des espoirs de Stein d’une unité allemande qu’il avait défendue. A la fin du mois de juillet, il rencontre Goethe et fait avec lui un voyage à Cologne.
Lorsque, en août 1815, il se rend de nouveau à Paris, pour défendre auprès du tsar Alexandre, les prétentions territoriales prussiennes (retour de l’Alsace, des fortifications des Pays-Bas, la Meuse, la Moselle, la Sarre rendues à ses voisins allemands) il est froidement accueilli par celui dont il avait été si longtemps, et si efficacement, le conseiller, et n’obtient que la cession de la Sarre à la Prusse.
Durant les 15 années qui lui restent à vivre, Stein suivra de très loin les évènements politiques européens, jusqu’à la chute des Bourbons, au retour desquels il avait tant travaillé. Il s’occupera de ses affaires personnelles, d’embellir sa demeure familiale de Nassau. En septembre 1818. il acquiert le domaine de Cappenberg, en Westphalie, dont il fait sa résidence principale. Un an plus tard, il est à l’origine de la fondation de la Société pour l’Histoire du Moyen-age allemand et commence à travailler au Monumenta Germaniae. Le 15 septembre 1819, son épouse Wilhelmine décède. Il lui survit douze années : il meurt le 29 juin 1831, et son corps est ramené de Cappenberg, par un convoi funéraire passant par Cologne et Bonn, à Nassau, où il est enterré auprès de ses parents.
A Nassau, le château (propriété privée) renferme des souvenirs relatifs à la période napoléonienne, et notamment le buste de Stein et son bureau. A la sortie de la ville, en direction de Wiesbaden, statue de pierre de l’homme d’État.


Mais la célébrité de Stein est telle, qu’il n’il n’y a pas de grande ville en Allemagne qui n’ait un monument, une école, une rue portant son nom.
Repères bibliographiques
- G.H. Pertz – Das Leben des Ministers Freiherrn vom Stein, 6 vol., 1845-55.
- Max Lehmann – Stein, 3 vol., 1891.
- G. Ritter , Stein, eine politische Biographie, 2 vol. 1932.
- C. de Grunwald. Stein, l’ennemi de Napoléon. Grasset, Paris, 1936