La France, l’Angleterre et Le Blocus continental

Cédric Couteau

S’il est vrai que l’argent est le nerf de toute guerre, la période qui nous intéresse ici ne fait pas sur ce point exception. D’autant que cette devise va rythmer la vie de la jeune République puis de l’Empire emporté dans les tourmentes de la guerre pendant plus de 20ans.

Mais pourquoi aborder ici une étude sur le Blocus Continental et sur ses effets sur l’économie européenne dans un colloque consacré à la Campagne d’Autriche et plus particulièrement à la bataille de Wagram?

Pour deux raisons. Tout d’abord ce rendez-vous d’aujourd’hui doit être perçu plus comme une initiation à l’Histoire (militaire) du premier Empire. D’autre part il nous est apparu intéressant d’aborder sous un angle moins commun les guerres napoléoniennes.

En effet en dehors de la fureur et des cris des champs de bataille européens un affrontement, moins spectaculaire, a opposé l’Empire français à la Grande Bretagne. Celui-ci a vu l’utilisation d’une arme économique sans précédent pour l’époque : le Blocus Continental. Étant entendu que la guerre en Europe dépendait tout au moins en grande partie du financement apporté par la Grande- Bretagne.

Ayant reconnu l’impossibilité d’un débarquement en Angleterre, après l’anéantissement de la flotte franco-espagnole de Villeneuve, l’espoir de mettre la perfide Albion à genoux afin d’obtenir d’elle la paix cru être trouvé par Napoléon dans l’utilisation du blocus comme arme économique.

« Je veux conquérir la mer par la puissance de la terre » avait déclaré l’Empereur, lors de la signature du décret instituant le blocus des îles britanniques. Déjà employé par le Directoire, les résultats obtenus furent négligeables. Mais l’idée générale des économistes français qui tendait à penser que l’économie britannique était fragile encouragea Napoléon sur cette voie.

Depuis le XVIlle siècle les économistes français étaient convaincus de la fragilité de l’économie britannique, car elle reposait sur le crédit. Se fondant sur les théories physiocrates on constatait que si la dette nationale avait été multipliée par 28 tout au long de ce siècle en revanche, le niveau de la terre n’avait que doublé et les exportations triplées [1].

L’Angleterre a bâti sa richesse sur le commerce maritime que lui permettait une flotte puissante sillonnant toutes les mers. Cette recherche du commerce devait avoir pour corollaire le développement de son tissu industriel au dépend des cultures agricoles.

En démarrant sa révolution industrielle bien avant le continent, elle avait pu se forger une industrie sans équivalent pour l’époque, grande créatrice de richesse. Cette politique apparue pour les français comme recelant deux points faibles.

Le premier est qu’en favorisant l’industrie aux dépens de l’agriculture, le pays devenait de ce fait dépendant de ses relations commerciales avec le reste du monde. Le continent tenait une part importante dans ces échanges car il absorbait près de 30% des exportations anglaises, représentant 35 à 40% de la production britannique [2].

De cela découle logiquement que si on empêche les Anglais de commercer, leur économie ne pourra le supporter. Sans moyen de s’approvisionner en matières premières telles que le chanvre ou le bois d’Europe du nord nécessaires aux chantiers navals, sans les importations de céréales de France et d’Allemagne, et surtout sans débouché de l’ île d’Elbe jusque Saint Pétersbourg, il ne pouvait en résulter que famine, chômage et troubles populaires. C’est une constante que de craindre, à tort ou à raison, les milieux ouvriers, sources pour les gouvernements d’instabilité [3] .

Ainsi se jouerait donc le sort de la Grande Bretagne. Cette idée reprise et développée par Napoléon avait déjà été expérimentée sous la Convention avec des résultats peu satisfaisants. A cet édifice, la Convention puis l’Empire apportèrent chacun leur propre pierre.

La révolution avait déjà mis en place un blocus qui interdisait les importations de marchandises anglaises de quelques natures qu’elles furent. Et par l’installation d’une barrière protectionniste qui devait taxer de forts droits de douanes à l’encontre des pays européens.

Napoléon, convaincu lui aussi de la faiblesse de l’économie anglaise, ne fera que reprendre à son compte les tentatives révolutionnaires en les perfectionnant et surtout en les étendant à l’ensemble de l’Europe. « Il est de droit naturel d’imposer à l’ennemi les armes dont il se sert. » En effet, elle n’était que la reprise d’une arme dont l’initiative de la mise en oeuvre revenait à l’Angleterre.

Le blocus continental, tel qu’il sera dénommé par Montgaillard, aura nécessité une période de mise en place (chapitre I), d’où ressortirent de grandes attentes et de grands espoirs (chapitre II). Mais bientôt ce système montrera ses limites et se retournera contre ses instigateurs (chapitre III).

Le choix de l’arme économique
Un espoir sans lendemain
La fin d’un rêve
Conclusions
Bibliographie

Annexe IV

Annexe V
Annexe VI


NOTES

[1]  » On croyait en France que l’Angleterre ne pouvait échapper à une débâcle financière analogue à celles qui  s’étaient produites avec l’expérience de Law et avec les assignats, jugement qui reposait sur une confusion née de ce que l’on ne saisissait pas la différence existante entre le papier monnaie et les billets émis par une banque »: Jean Tulard, « Le dictionnaire Napoléon », p.219, 1987, éd. Fayard.

[2] Encyclopédie Histoire de France, éd. Larousse.

[3] 1814. Henri Houssaye, Ed. Presses du Village.