États-Unis – La quasi guerre
La connaissance qu’a Jefferson de rumeurs à propos des intérêts français en Louisiane a pu alarmer les Fédéralistes contre une guerre avec la France, que cette dernière aurait pu voir comme une excuse pour s’emparer de la Louisiane. Une raison majeure des appréhensions américaines concernant la possibilité pour la France de réclamer sa colonie, se concentrait sur la Nouvelle-Orléans, le plus grand port de l’Ouest Américain, et dans une moindre mesure sur Saint-Louis, ce que les américains du XIXe siècle nommaient Louisiane Supérieure ou Illinois espagnol.[1] Les droits commerciaux en Nouvelle-Orléans concernaient de façon cruciale les colons américains, tandis que Saint-Louis offrait « une porte sur l’Ouest et la promesse d’un commerce illimité pour les fourrures » [2]
A cette époque, des navires britanniques se saisissent des cargaisons américaines sur les bateaux commerçant avec les Indes occidentales (Caraïbes) françaises. Ces événements ont pour conséquence une « polarisation » des Américains : les républicains se prononcent en faveur de la France, les fédéralistes en faveur de la Grande-Bretagne. Le 24 juin 1795, le Sénat ratifie le Traité de Jay, qui favorise les Anglais, alors que le traité de Pinckney, de 1795, met fin aux réclamations de l’Espagne sur les territoires situés au nord du trente et unième parallèle. Deux ans plus tard, dans un message spécial au Sénat et à la Chambre des représentants, John Adams recommande le renouvellement des traités avec la Prusse et la Suède, deux autres nations européennes qui s’opposent à la Révolution française. L’Amérique faisait la paix avec des ennemis de France, ce qui décide le manichéen et versatile ministre des affaires étrangères français Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord à envoyer ses agents, connu comme X, Y, et Z, pour négocier avec l’Amérique ………………….
Les Français avaient mis un terme aux relations diplomatiques avec l’Amérique et s’était emparé d’environ trois cents bateaux américains durant les années précédant l’élection de John Adams comme président des États-Unis. En dépit des actions françaises contre les États-Unis, les diplomates de Talleyrand n’entameront de pourparlers, que les États-Unis n’aient prêté à la France douze millions de dollars, gratifiés les cinq Directeurs de deux cent cinquante mille dollars supplémentaires, et faits des excuses pour des remarques récentes d’Adam au Congrès, concernant le traitement glacial des représentants américains en France. La phrase, sans doute du ministre américain Charles Pinckney : « Des millions pour la défense, mais pas un cent pour l’hommage » est un parfait exemple des sentiments aigris des Américains en général. Ainsi, l’affaire XYZ avait entraîné le public et le Congrès américains dans une animosité ouverte envers la France, qui culminera dans des hostilités non déclarées, généralement désignées sous le nom de quasi guerre [3]
La quasi guerre avec la France va durer de 1798 à 1800. Durant l’été 1798, la menace de la guerre était devenue une réalité après que les États-Unis aient engagés formellement des préparatifs militaires, suivis bientôt par des combats en haute mer. Le 3 mai 1798, l’administration Adams rappelle Washington à la tête de l’armée et crée un département de la marine. Pendant ce temps, le Congrès des États-Unis avait voté des lois pour suspendre les relations commerciales entre les États-Unis et la France, le 13 juin 1798, pour autoriser la défense des navires marchands des États-Unis contre les attaques françaises, le 25 juin 25 1798, pour déclarer caducs les traités conclus jusqu’ici avec la France, le 7 juillet 1798, pour protéger encore plus le commerce des États-Unis, le 9 juillet 1798, et pour modifier la loi » Loi pour suspendre les rapports commerciaux entre les États-Unis et la France, et leurs dépendances », le 16 juillet 1798. Ces lois 1798 représentent l’aspect légal préparatoire du conflit. Les engagements militaires formels commencent en automne de cette même année.
Le 20 novembre 1798, un vaisseau de guerre français, au large de la Guadeloupe, capture un schooner américain. Le 9 février 1799, le capitaine Thomas Trexton, sur le USS Constellation, de 36 canons, rencontre et capture la frégate française Insurgente, de 40 canons, après un engagement d’une heure, au large l’île de Nevis. Le 9 février 1799, le jour même du combat entre la Constellation et l’Insurgente, une loi est voté suspendant les rapports commerciaux entre les États-Unis et la France. Le 1er février 1800, Trexton rencontre le français Vengeance, armé de 52 canons, au large de l’île française de la Guadeloupe, dans un combat de nuit de cinq heures. Peu après ce combat, le 27 février 1800, le Congrès vote une loi suspendant encore plus les rapports commerciaux entre les États-Unis et la France. A cette époque, le Directoire, engagé dans des campagnes dans l’Océan atlantique, en Égypte, et en Europe, tombe victime d’un nouveau coup d’État. [4]

Le 11 novembre 1799, Napoléon Bonaparte se saisi du pouvoir du Directoire du faible Paul-François-Jean-Nicolas Barras et créé un nouveau gouvernement composé de trois consuls, comprenant Bonaparte, Roger Ducos, et Emmanuel-Joseph Sieyès. Jean-Jacques Cambacérès et Charles-François Lebrun remplacent Ducos et Sieyès le 12 décembre1799. Le Consulat, sous Napoléon Bonaparte, se montre plus efficace que le Directoire, créant la Banque de France, le Concordat avec le Pape, et la Légion d’honneur. Le Consulat s’avère également très ambitieux. A côté de son rêve européen de créer un grand empire qui annoncerait les États-Unis de l’Europe, le Premier consul Napoléon Bonaparte montre beaucoup d’intérêt vis-à-vis l’Amérique du Nord, se concentrant sur les îles stratégiques dans les Caraïbes, mais incluant également l’ancien territoire français de Louisiane.[5]

Bien qu’il ait admiré les campagnes de Bonaparte en l’Italie et en Égypte, Jefferson associe également Bonaparte à l’impérialisme français. En outre, en 1799, le Napoléon Bonaparte expansionniste est arrivé au pouvoir de la même manière que Hamilton le souhaitait en Amérique. Néanmoins, Jefferson espère que Bonaparte arrêtera la quasi-guerre et apportera de nouveau la paix à l’Europe. Au début, le Premier consul ne déçoit pas Jefferson. Bonaparte cherche à résoudre les différents franco-américains et travaille au rapprochement avec les États-Unis d’Amérique. Bonaparte ordonne un jour de deuil national en France, en mémoire de George Washington, quand la nouvelle de sa mort, en 1799, parvient à Paris. Puis il met fin à la quasi-guerre, le 30 septembre 1800, lorsqu’il donne son accord à la Convention franco-américaine de Mortefontaine, qui a, par ailleurs, le but supplémentaire de supprimer le danger d’interférence américaine dans les plans français vis-à-vis du Nouveau Monde.

De plus, en novembre 1801, l’Institut national de France nomme Jefferson à la Classe des Sciences morales et politiques, ce qui semble indiquer l’appui du gouvernement consulaire au président américain. La Fayette transmettra personnellement à Jefferson les bonnes intentions de Bonaparte envers les États-Unis et encouragera Jefferson à croire que Bonaparte pourrait être amené à comprendre les intérêts communs de la France et des États-Unis et que des hommes tels que La Fayette pourraient pousser Bonaparte dans cette voie. En attendant, Bonaparte rêve de créer un empire colonial nord-américain[6].
NOTES
[1] Gitlin 23; Alexander Hamilton, “Alexander Hamilton on the Louisiana Purchase” in The Louisiana Purchase, edited by Peter J. Kastor (Washington: CQ Press, 2002), 168-172; Kaplan 80-81; Kastor, The Louisiana Purchase: Emergence of an American Nation, 2.
[2] Kastor, The Louisiana Purchase: Emergence of an American Nation, 2.
[3] John Adams, “Message to the Senate and House of Representatives, February 5, 1798, Regarding a French Privateer” on The Avalon Project: Quasi War with France 1791-1800, http://www.yale.edu/lawweb/avalon/quasi.htm (31 December 1969); John Adams, “Special Message to the Senate an the House of Representatives, May 16, 1797” on The Avalon Project: Quasi War with France 1791-1800, http://www.yale.edu/lawweb/avalon/quasi.htm (31 December 1969); Durant 47-123.
[4] The Avalon Project: Quasi War with France 1791-1800 http://www.yale.edu/lawweb/avalon/quasi.htm (31 December 1969); R. Ernest Dupuy and Trevor N. Dupuy, The Harper Encyclopedia of Military History (New York: HarperCollins Publishers, Inc., 1993), 792.
[5] Napoleon Bonaparte, “Letter to General Leclerc, July 1, 1802” in The Mind of Napoleon, edited by J. Christopher Herold (New York: Oxford University Press, 1961), 189; Durant.
[6] Bonaparte, “Letter to General Leclerc, July 1, 1802,” 189; Kaplan, 83, 87-88, 91-93, 112; Pope 434-435; James R. Sofka, “Thomas Jefferson and the Problem of World Politics” in The Louisiana Purchase, edited by Peter J. Kastor (Washington: CQ Press, 2002), 57.