Emmanuel de Las Cases (1776 –1842)


Las Cases naquit le 21 juin 1776, au sein d’une famille noble, d’origine espagnole, au château de Lascases, à Blan, non loin de Castres et Revel, dans le Tarn.
Il fait ses études au collège des Dominicains de Vendôme (aujourd’hui Lycée Ronsard). Envoyé à l’École militaire de Paris, il en sort, en 1782, pour entrer, comme aspirant, dans la Marine Royale, où sa petite taille – il ne mesure qu’un mètre 60 – le fait remarquer.
Il sert, durant les dernières années de la Guerre d’Indépendance américaine, brillamment dans la marine du roi, en particulier aux Antilles. Puis il visite, notamment, le Sénégal, l’Île de France, l’Inde, servant un moment sous La Pérouse. Lorsqu’il est promu lieutenant de vaisseau, il n’a que 23 ans.

Il retrouve la France au moment de la Réunion des États Généraux. Partageant. Comme pratiquement tout le corps de la marine d’alors, les opinions royalistes, Las Cases est du nombre des gentilshommes dont la fidélité s’efforça vainement de sauver Louis XVI. Contraint d’émigrer, il se rend en Angleterre, rejoint l’armée de Coblence, et prend part à l’expédition de Quiberon ; mais, heureusement pour lui, il fut de ceux qui ne débarquèrent pas.
Revenu à Londres, en 1795, Las Cases, il donne des leçons de français et entreprend un grand travail destiné à faciliter l’enseignement de l’histoire, qu’il fera paraitre, après son retour en France en 1802, à la suite du traité d’Amiens, sous le pseudonyme de Lesage, sous le titre Atlas historique, chronologique et géographique, ou Tableau général de l’histoire universelle. Une nouvelle édition, revue par l’auteur, paraitra en 1840.
Les opinions de Las Cases le tiennent d’abord éloigné du gouvernement impérial. Mais, admirateur de ce que l’empereur Napoléon avait fait pour le rétablissement de l’ordre et la grandeur de la France, il accepta bientôt, « vaincu par la gloire », des fonctions, dans lesquelles il porte l’ardeur et le dévouement qui étaient le trait distinctif de son caractère. En 1808, il fut nommé chambellan de l’empereur. Lorsque les Anglais débarquent à Walcheren, il s’engage dans l’armée de Bessières et participe à la défense d’Anvers et à la reprise de Flessingue.
Il est envoyé en Hollande lors de la réunion de ce royaume à l’empire, et est chargé de recevoir les objets relatifs à la marine. Appelé comme maitre des requêtes au conseil d’État en 1811, il est placé à la direction de la dette publique en Illyrie ; les établissements de bienfaisance d’une partie de l’empire sont plus tard mis sous son inspection; il sera décoré successivement des ordres de la Réunion et de la Légion d’honneur.
Lorsque, en 1814, l’armée alliée parut sous les murs de Paris, Las Cases prend le commandement de la 10e légion de la garde nationale. Le 31 mars, sitôt qu’il sait l’arrivée de l’empereur à Fontainebleau, il y court. Il assiste à l’abdication (il a refusé de signer l’acte de déchéance, contrairement à d’autres membres du Conseil d’État), et ses regrets pour la chute du gouvernement impérial sont si vifs, que, ne voulant pas être témoin du retour des Bourbons, dont il avait été jadis le partisan, il se met en congé du Conseil d’État et passe en Angleterre.
Le retour de l’île d’Elbe le rappela en France, où il retrouve ses fonctions au Conseil d’état et de Grand Chambellan. Après Waterloo, Las Cases se hâte d’aller offrir ses services à Napoléon, à son passage près de Paris, le suppliant de lui laisser partager son infortune. Il rejoint l’empereur à la Rochelle, non sans courir des dangers dans la ville de Saintes.
Le 8 juillet 1815, il est avec Napoléon à bord de la Saale, et, deux jours après, il se rend, avec le duc de Rovigo, près du commandant de la croisière anglaise, pour en obtenir des sauf-conduits qui permettraient à Napoléon et à sa suite de passer aux Etats-Unis. Durant cette entrevue, M. Maitland, commandant du Bellérophon, suggère, à Las Cases et à Savary, l’idée pour Napoléon, de se rendre en Angleterre, où il ne pourrait, selon l’officier anglais, avoir à redouter de mauvais traitements. Las Cases fait accepter à l’empereur cette résolution, dont on connaît les conséquences, et le Northumberland conduira Napoléon et ses compagnons à Ste-Hélène. Las Cases a été ajouté à la liste des généraux autorisés à suivre l’exilé, en raison de sa parfaite connaissance de l’anglais.
Durant la traversée, l’empereur, qui avait fait son secrétaire de son ancien chambellan, commence à lui dicter la relation de ses campagnes en Italie. Débarqué dans l’île, Las Cases devient le compagnon de tous les jours de l’illustre captif; il habita seul, sous le même toit, plusieurs mois avec lui ; entreprit d’enseigner à l’empereur déchu la langue anglaise, et, attentif à tout ce qui pouvait l’intéresser, lui rendait chaque soir un compte exact de ce qu’il avait vu ou appris dans la journée. Cette conduite éveilla les soupçons de Hudson Lowe. La correspondance de Las Cases fut saisie et le gouverneur anglais se trouva ainsi informé des plaintes que le compagnon de Napoléon voulait faire parvenir en Europe. Menacé, pour ce motif, d’être envoyé prisonnier au Cap, Las Cases ne changea pas pourtant sa façon d’agir, mais il apporta plus de circonspection. Toutefois, dénoncé par un individu du pays, sur la fidélité duquel il croyait pouvoir compter et qui lui assurait devoir bientôt quitter l’île, il fut arrêté, le 27 novembre 1816, en présence même de Napoléon, embarqué, le 30 décembre pour le Cap, et retenu dans cette colonie anglaise huit mois prisonnier.

L’état de sa santé lui ayant fait obtenir son retour en Angleterre, il fut ramené à Londres; tous ses papiers furent livrés au gouvernement britannique, et, quelques mois plus tard, il était exilé à Francfort-sur-le-Main et soumis à une surveillance sévère. Afin d’échapper à l’inquisition de la police, Las Cases réclama et obtint la protection du gouvernement autrichien. Il avait publié, à Stuttgart, un projet de pétition au parlement d’Angleterre; peu de temps après, il fit paraître ses Mémoires communiqués par lui, contenant l’histoire de sa vie, une Lettre écrite par lui de Ste-Hélène à Lucien Bonaparte, et une autre à lord Bathurst, par Las Cases à son arrivée à Francfort. Cette publication inquiéta le gouvernement français; l’éditeur dut comparaître, à Paris, devant le juge d’instruction. Mais l’effet en était produit.
Durant quatre années, Las Cases erra dans l’exil; il séjourna notamment aux eaux de Schwalbach et à Liège. Enfin, après la mort de l’empereur, on lui permet de rentrer en France : il y vécut dans la retraite, s’occupant à la rédaction du célèbre Mémorial de Ste-Hélène, ou Journal où se trouve consigné, jour par jour, tout ce qu’a dit et fait Napoléon pendant dix-huit mois. Il utilise pour cela toutes les notes prises sur l’île, qu’il s’est vu restituer en 1822, c’est-à-dire un an après la mort de Napoléon. Le succès de cet ouvrage est immense. Le Mémorial avait surtout pour objet de faire revenir l’opinion libérale sur le compte du despotisme de l’empereur, et d’assurer le triomphe à venir de la cause bonapartiste, en l’associant à celle de l’opposition, dans laquelle s’était réunis des partis bien différents.
Libéral lui-même, Las Cases, par un compromis dont on avait alors de nombreux exemples, acceptait les idées constitutionnelles, en s’efforçant de les rattacher à la cause impériale, qui personnifiait la France à ses yeux. C‘est dans cet ordre d’idées que le trouva la révolution de 1830. Il en adopta les principes les plus avancés, tout en restant fidèle aux souvenirs de l’empire; et c’est avec ce programme qu’il se présenta aux suffrages des électeurs de l’arrondissement de St-Denis. Il vint, en 1831, siéger à la chambre, à l’extrême gauche et s’associa à tous les actes de l’opposition. Aux élections de 1834, il déclina le nouveau mandat qui lui était offert, mais il se résolut à l’accepter encore, quelques années plus tard; et il siégeait sur les bancs de l’opposition lorsqu’il mourut, le 15 mai 1842, à Passy.
Il est enterré au cimetière de Passy, aux côtés de son épouse et de son fils, 9e division.



