Edouard-Thomas Burgues de Missiessy nait à Toulon le 23 avril 1756, d’une famille qui avait déjà fourni à la marine plusieurs officiers distingués. À peine âgé de dix ans, il s’engage comme volontaire sur le vaisseau l’Altier, commandé par son père. Nommé garde de la marine le 26 novembre 1770, puis enseigne de vaisseau en avril 1777, il s’embarque l’année suivante sur le Vaillant, et prend part à plusieurs combats livrés pour l’indépendance de l’Amérique.
A son retour en France, il est créé chevalier de St-Louis. En novembre 1791, il prend le commandement de la Modeste, et se rend en toute hâte à Alger pour y remplir une mission secrète auprès du dey [1]On en ignore le contenu. Ayant réussi complètement dans sa négociation, il reçoit pour récompense le portrait en pied de Louis XVI. S’étant montré favorable à la révolution de 1789, il est, à la promotion du 1er janvier 1792, nommé capitaine de vaisseau, et il prend le commandement du Centaure, qui fait partie de l’escadre de la Méditerranée, aux ordres du contre-amiral Truguet, et dont il est le chef de file dans l’ordre de bataille. Pendant le cours de cette campagne. Missiessy est détaché de l’escadre avec 3 vaisseaux et une frégate pour croiser sur les côtes d’Italie.
Le 1er janvier 1793, il est élevé au grade de contre-amiral ; mais soupçonné d’être d’intelligence avec les royalistes parmi lesquels figurent plusieurs membres de sa famille, il est, au mois de mai, incarcéré au fort Lamaigue avec plusieurs notables habitants de Toulon. Cette ville s’étant trouvée momentanément replacée sous l’autorité royale, Missiessy profite de cette circonstance pour passer en Italie, où il reste jusqu’en 1795. A son retour, il est arrêté, mis en jugement et acquitté. Il est alors appelé à Paris, attaché au dépôt des cartes et plans de la marine, et adjoint à Borda pour mettre en usage dans les ports et arsenaux le nouveau système des poids et mesures. On le charge, en outre, de rédiger des signaux de côtes, et quelques mois après il est nommé directeur adjoint de l’école de construction navale. En 1801, il est employé comme chef d’état-major général de l’armée combinée, réunie à Cadix sous le commandement de l’amiral Truguet.
Rappelé à la fin de 1802, on lui confère le titre de préfet maritime, avec la direction des travaux relatifs à la construction des bâtiments destinés à la descente en Angleterre. Au mois de juillet 1803, il est nommé préfet maritime au Havre, et prend, trois mois après, le commandement d’une division de l’armée navale de Brest aux ordres de l’amiral Truguet. Lorsque Napoléon sembla vouloir, en 1803, opérer l’invasion des iles Britanniques, il confie à Missiessy le commandement d’une escadre, qui part de Rochefort le 11 janvier pour les Antilles, où cette escadre devra se réunir à la flotte sortie de Toulon vers la même époque sous les ordres du vice-amiral Villeneuve.

Après avoir été retenu pendant plusieurs jours dans le golfe de Gascogne par des vents contraires, Missiessy continue sa route, ravitaille la Martinique et la Guadeloupe, s’empare de la Dominique, des iles de Niève et de St-Christophe. Ces opérations terminées, il croit avoir atteint le but de son expédition et se prépare à retourner en Europe. Sur sa route, il délivre Santo-Domingo, assiégée par des locaux, et bloqué du côté de la mer par quelques bâtiments de guerre anglais ; il débarque dans cette ile un bataillon de renfort avec des munitions, et revient finalement en France, après avoir éludé deux escadres anglaises envoyées à sa poursuite.
« Napoléon, » disent les Mémoires de Savary, fut « vivement contrarié de la rentrée à Rochefort de l’escadre commandée par Missiessy. Cet amiral était de deux ou trois mois en avance, et ramenait sur nos côtes la flotte anglaise, qui était à sa poursuite depuis son départ. Il avait ainsi manqué le but de sa croisière, car on n’avait pas eu d’autre projet, en faisant sortir les vaisseaux que nous avions à Toulon, à Cadix et à Rochefort, que de disperser sur les mers les escadres anglaises, et de les éloigner des côtes que nous voulions occuper. »
Missiessy allègue, pour sa justification, qu’il avait reçu des dépêches qui lui ordonnaient de revenir en France, parce que l’amiral Villeneuve, contraint par une tempête de rentrer à Toulon, ne pouvait arriver aux Antilles dans l’espace de temps convenu. Quoi qu’il en soit, on l’accuse d’avoir, par sa précipitation, fait manquer une expédition importante ; mais il prétend, au contraire, avoir accompli une mission fort utile à l’Etat, et demande en récompense le grade de vice-amiral, auquel du reste il a droit, en raison de son ancienneté ; cet avancement ne lui ayant pas été accordé, il donne sa démission.
Ce n’est qu’en 1808 qu’il consent à prendre le commandement de l’escadre de l’Escaut, sous la promesse que lui fait le ministre Decrès d’une prochaine promotion. Missiessy est en effet nommé vice-amiral au commencement de 1809. Dans ces nouvelles fonctions, il déploie le plus grand zèle et une activité infatigable : il introduit de sages réformes et s’applique surtout à maintenir la plus sévère discipline.
Lorsque les Anglais débarquent à la fin de juillet 1809 dans l’ile de Walcheren, il partage avec Fouché la gloire d’avoir garanti contre un coup de main la ville d’Anvers, dont la prise aurait eu les plus funestes conséquences.

En récompense des services rendus dans cette occasion, l’empereur confère à Missiessy le titre de comte avec une dotation de 4 000 francs de rente, et par lettres patentes, il le nomme commandant en chef des côtes du Nord. Mais c’est surtout lors du bombardement d’Anvers par les Anglais, les 2, 4 et 5 février 1814, que la conduite de Missiessy mérite les plus grands éloges.
Revenu à Paris après l’évacuation de la Belgique, il fait partie des deux commissions auxquelles on confie l’organisation de la marine. A la nouvelle du débarquement de Napoléon sur les côtes de Provence en 1815 , il est chargé par Louis XVIII de former un corps d’officiers de la marine et du génie en non-activité et de le commander; mais la rapidité de la marche de Napoléon empêche l’exécution de ces mesures, Pendant les Cent-Jours, Missiessy se tient à l’écart, soit qu’il soit sincèrement attaché à la cause des Bourbons, soit qu’il a deviné l’espèce de défiance qu’il avait toujours inspirée à l’empereur qui, si l’on en croit le Mémorial de Sainte-Hélène, dit à Las-Cases en 1816 , que « cet amiral était un homme peu sûr; que sa famille avait livré Toulon. »
Après le second retour de Louis XVIII, Missiessy est nommé préfet maritime, puis commandant de la marine à Toulon. Au mois d’avril 1831, il est placé dans le cadre de réserve des vice-amiraux, et admis à la retraite l’année suivante.
L’amiral Missiessy meurt le 4 mars 1837.