Jean-Louis-Charles Deschamps – Maréchal de camp. (1787-1849)

Le musée de Calais possède plusieurs oeuvres du peintre Van der Puyl dont quatre d’entre elles constituent une véritable « galerie » de portraits de personnages de la Révolution et de l’Empire. Le premier de ces tableaux concerne 27 civils (dont 4 femmes) ; le second 16 militaires et un civil ; le troisième 17 militaires ; le quatrième 18 militaires. Tous ces portraits étaient, à l’origine, accompagnés du nom du personnage représenté ; malheureusement le temps et les restaurations ont fait disparaître la plupart de ces noms. Cependant quelques-uns subsistent et notamment celui d’un officier originaire du département de la Manche nommé Deschamps.

Mais avant de faire la connaissance de ce personnage voyons qui était l’auteur de ces portraits.

Louis-François-Gérard Van der Puyl naquit à Utrecht en 1750. Après avoir été l’élève d’Henrick van Veldhoven il sillonna l’Europe puis se fixa à Calais vers 1789 où il mourut le 18 novembre 1824. [1]Benezit indique qu’il fut nommé en 1804 directeur de l’Académie de dessin d’Utrecht

16 Portraits de Louis-François-Gérard Van der Puyl
16 Portraits de Louis-François-Gérard Van der Puyl

Le second tableau et le quatrième (celui où figure l’officier normand) ont été acquis par le musée en août 1839 et ont des dimensions identiques : H. 0,64 – L. 0,49. Il semble que tous ces portraits aient été exécutés en vue de la réalisation d’une grande composition qui ne vit jamais le jour et qui pouvait concerner soit l’érection de la colonne de la Grande Armée, soit le succès du débarquement en Angleterre qui n’eut jamais lieu.

Qui donc était Deschamps ?

Jean-Louis-Charles Guesnon vint au monde à Bricquebec le 6 février 1763 au foyer de Charles-Victor Guesnon, sieur des Champs, receveur au bureau des aides et de Marie-Anne-Marguerite du Mesnil-Adelée de Brouan.

A 23 ans, le 22 juin 1787, il s’engagea au régiment des Chasseurs de Normandie qui devait devenir le 11e de l’arme. Il fut nommé brigadier le 5 mai 1788, brigadier-fourrier le 5 janvier 1792, maréchal des logis le 7 août 1793 et sous-lieutenant quatre jours plus tard… sous le nom de Deschamps moins compromettant en ces temps troublés.

François Séverin Marceau-Desgraviers, Eau forte par Sergent-Marceau, 1798, (musée de la Révolution française
François Séverin Marceau-Desgraviers, Eau forte par Sergent-Marceau, 1798, (musée de la Révolution française

Grâce à l’épaulette il fut nommé adjoint à l’adjudant-général Klein le 21 janvier 1794 puis neuf mois plus tard, le 22 septembre, aide de camp du général Marceau. Nommé lieutenant le 3 avril 1796 à l’armée de Sambre-et-Meuse, il se distingua le 23 octobre à la prise de Coblence en chargeant seul plusieurs hussards autrichiens et délivrant ainsi deux cavaliers de son régiment qu’ils avaient capturés. Fait prisonnier à Altenkirchen (où fut tué Marceau) le 30 septembre 1796, il fut libéré sur parole le 5 avril 1797 puis échangé régulièrement en octobre suivant. Capitaine à la suite du 11e de chasseurs à cheval le 5 octobre il fut nommé adjoint à l’adjudant-général Paulet employé aux armées d’Angleterre puis des Alpes.

A la bataille de Savigliano livrée le 5 novembre 1799, suivi de deux hussards, il prit un canon et 30 hommes et fut promu chef d’escadrons à titre provisoire sur le champ de bataille. Il passa ensuite comme aide de camp du général Loison le 12 décembre 1800 et fut confirmé chef d’escadrons le 19 septembre 1801.

C’est au début de l’année 1804 que l’on peut situer la réalisation du tableau sur lequel il figure aux côtés du général Marmont ; en effet il est nommé le 1er février 1804 membre de l’état-major de l’année de Batavie puis à l’état-major du camp d’Utrecht sous les ordres des généraux Victor [2] Nommé le 5 février commandant les troupes Bataves. et Marmont [3]Commandant en chef le camp de Zeist (ou d’Utrecht) le 5 février 1804..

Nommé membre de la Légion d’Honneur le 13 juin 1804 il quitta le service de l’état-major le 30 juillet suivant pour entrer au 12e régiment de chasseurs à cheval faisant partie du 3e corps d’armée du maréchal Davout (3e division du général Gudin, brigade Viallannes).

Dans la campagne de 1805 qui s’acheva à Austerlitz le régiment ne semble pas avoir eu un rôle important mais l’année suivante il se trouva à Auerstaedt le 14 octobre 1806 et entra en Pologne au début de l’hiver. Le 18 novembre Deschamps se fit remarquer en faisant capituler avec 100 cavaliers le fort de Czentochau défendu par 300 hommes et 30 bouches à feu et, cherchant le contact avec les Russes, il accrocha ceux-ci le 24 décembre 1806 au combat de Nazielsk où il reçut un coup de feu au bras gauche.

Ces deux actions le firent mettre à l’ordre du jour par Davout ; un mois plus tard, le 8 février 1807, il fut à la sanglante bataille d’Eylau et le 20 il reçut sa nomination de major du ler régiment de chasseurs commandé par le colonel Meda [4]Merda dit Méda, né à Paris le 10 janvier 1773. Colonel du ler régiment de chasseurs à cheval le 14 mai 1807. Blessé mortellement le 5 septembre 1812, mort le 8., brigade Jacquinot, du même corps. Quinze jours plus tard, le 7 mars à Neidemburg, il étrenna ses épaulettes en recevant deux coups de sabre sur le bras droit et se retrouva prisonnier de guerre.

Il fut libéré le 6 août alors que le régiment partait pour l’Espagne. Il semble être resté à la Grande Armée avec un détachement de chasseurs ; en effet, il n’est pas question de la péninsule dans ses états de service. Il se trouva, peut-être, aux batailles livrées sur les bords du Danube et notamment à Wagram, Hollabrünn, Znaïm ?

Le canon tonnait encore en Autriche qu’il recevait le 12 juillet sa mutation en qualité de major du 27e régiment de chasseurs à cheval (ex-régiment des chevau-légers belges) formé à Liège par le major Ameil qui avait cessé ses fonctions en mai 1809 et dont le colonel était le duc d’Aremberg. Ce régiment fut aussi en Espagne. Quel fut donc son emploi jusqu’au 14 octobre 1811 date de sa nomination dans un autre régiment ? Fut-il aux combats de Moron (16 mars 1810), Los-Corwalos (16 avril 1810), Gibralion (4 août 1810) ?

Mais depuis l’étoile des braves reçues au camp de Boulogne, l’Empereur ne l’avait pas oublié. Le 3 décembre 1809 il reçut une dotation de 2000 francs de rente sur le Trasimène et le 11 juillet 1810 il fut créé chevalier de l’Empire.

A la date du 14 octobre 1811 nous le retrouvons colonel du 4e régiment de chevau-légers (ex-9e de dragons). Dans l’armée internationale qui s’apprêtait à entrer en Russie le régiment faisait partie du 2e corps de cavalerie placé sous les ordres du général Montbrun, 4e division de grosse cavalerie du général Defrance. La marche vers Moscou puis la retraite sont marquées par les combats et les batailles : de la Moskowa (7 septembre), de Winkowo (18 octobre), de Kalouga (20 octobre), de Borisow (20 novembre), de la Bérézina (28 novembre), de Wilna (8 décembre)…

L’année suivante, en Saxe, entré dans le 2e corps d’armée du général Sébastiani, 2e division de cavalerie légère du général Roussel-d’Hurbal, 2e brigade du général Domanget le régiment se trouva à la Katsbach (26 août) et Leipzig (18 octobre) qui acheva la campagne au cours de laquelle Deschamps fut nommé officier de la Légion d’Honneur le 28 juin 1813 et créé baron de l’Empire par décret impérial du 28 septembre 1813 avec une dotation de 1000 francs.

La fin de l’hiver et le début du printemps de l’année 1814 furent marqués par les derniers combats de l’Empire: Champaubert (10 février), Vauchamps (14 février), Troyes (4 mars).

L’épopée s’acheva à Fontainebleau.

Les Bourbons revenus dans les fourgons de l’étranger lui accordèrent la croix de Saint-Louis le 9 juin 1814 et lui conservèrent le commandement de son régiment qui devint régiment des Lanciers de Monsieur mais… pour peu de temps car Napoléon, un mois après son retour de l’île d’Elbe, le nomma maréchal de camp en l’admettant à la retraite, le 21 avril 1815 avec une pension de 1880 francs fixée le ler mai 1815.

18 juin 1815 : Waterloo.

La France est une nouvelle fois envahie ; le 6 juillet Deschamps est nommé au quartier général de l’armée du nord mais il ne rejoignit pas, ce qui lui permit de servir à nouveau les Bourbons en recevant le 27 septembre le commandement des cuirassiers d’Orléans (sa nomination de maréchal de camp n’ayant pas été reconnue). Il ne retrouvera les étoiles que le 22 janvier 1823 après avoir reçu la cravate de commandeur de la Légion d’Honneur le ler mai 1821.

Nommé le 12 décembre 1823 à l’armée des Pyrénées destinée à rétablir l’absolutisme royal, il est disponible le 21 du même mois et se voit décerner la plaque de 3e classe de l’ordre royal et militaire de Saint Ferdinand d’Espagne.

Lieutenant du roi à Strasbourg le 4 juin 1826 il fut à nouveau disponible le 22 janvier 1829 et retrouva sa retraite (définitive cette fois) le 5 mai 1831 avec une pension de 4000 francs. Fixé à Paris il mourut au n° 5 de la rue de Londres le 1er janvier 1849 et fut inhumé au cimetière du nord dans la 25e division.

La famille Guesnon a été anoblie pour services en décembre 1576 par François Guesnon de la paroisse de Monthuchon. Elle portait « d’azur au chevron d’argent accompagné en chef de deux étoiles d’or et d’une rose de même pointe « .

Jean-Louis Guénon (alias Guesnon) a servi sous le patronyme Deschamps et sous lequel il a été créé chevalier de l’Empire par L.P du 11 juillet 1810 et baron de l’Empire par décret impérial du 28 septembre 1813 avec les armoiries suivantes : ««parti : au I d’or au fort de sable maçonné d’argent soutenu de sinople ; au II d’azur au chevron d’or, accompagné en chef de deux merlettes et en pointe d’une tête de cheval du même ; à la champagne de gueules chargée du signe des chevaliers légionnaires ».

Sources

  • Service historique de l’armée de terre – Vincennes. Dossier Guesnon-Deschamps : 8 Y d GB2 2043.
  • Recherche de la noblesse par Chamillard – Sedopolis – 1991.
  • Bénézit « Dictionnaire des peintres… » éd. Gründ 1994.
  • D et B Quintin « Dictionnaire des colonels de Napoléon » SPM Paris 1996.
  • Edmond Lemonchois « Dictionnaire des officiers du Consulat et de l’Empire originaires de la Manche » chez l’auteur 1979.
  • « Archives du général baron Ameil » publiées par la librairie Teissedre Paris 1997 (extraites de « La Sabretache » 1906-1907).

Je renouvelle ma plus vive gratitude à Madame Annette Haudiquet conservateur du musée des Beaux-Arts et de la Dentelle de Calais pour l’accueil qu’elle m’a réservé et les autorisations qu’elle m’a accordées.

Edmond Lemonchois
(Rédacteur en Chef de la Revue de la Manche)

 

References

References
1Benezit indique qu’il fut nommé en 1804 directeur de l’Académie de dessin d’Utrecht
2 Nommé le 5 février commandant les troupes Bataves.
3Commandant en chef le camp de Zeist (ou d’Utrecht) le 5 février 1804.
4Merda dit Méda, né à Paris le 10 janvier 1773. Colonel du ler régiment de chasseurs à cheval le 14 mai 1807. Blessé mortellement le 5 septembre 1812, mort le 8.