Correspondance du maréchal Davout – Juillet 1809

2 juillet 1809, trois heures du matin.

Sire, j’ai l’honneur d’adresser à Votre Majesté les derniers rapports du général Marulaz; ce général sera ce soir ou demain à Gols avec sa cavalerie. La division du général Baraguey d’Hilliers relève aujourd’hui les postes que les divisions Gudin et Puthod avaient vis-à-vis de Presbourg et vis-à-vis des îles occupées par l’ennemi ; ces deux divisions se mettront en marche demain à deux et trois heures du matin ; elles iront coucher le même jour à Schwandorf, en prenant la route de Bruck, pour cacher autant que possible ce mouvement à l’ennemi .

Le 4 juillet, sur les quatre ou cinq heures du matin, elles seront rendues entre Schwechat et Ebersdorf.

Le général Lasalle, avec sa cavalerie et le bataillon hessois, à l’exception du 8e régiment de hussards , sera rendu demain de très—bonne heure à Kitsee.

Le générat Piré reste avec le 8e régiment de hussards et a ordre d’observer l’île de la Raab, depuis Weneck jusqu’à Frauendorf, où il aura son quartier général, et de faire ses rapports au général Baraguey d’Hilliers.

Cette nuit, on a travaillé à des batteries, tout près du réduit qu’occupe l’ennemi, dans l’île dont on s’est emparé avant-hier; ces travaux ont été inquiétés par l’ennemi, qui a beaucoup tiré. De son côté, il augmente aussi les ouvrages qu’il a de ce còté; hier et cette nuit, il a établi des batteries sur les hauteurs de Presbourg, sur la droite de cette ville, relativement à lui.

Je prie Votre Majesté de vouloir bien faire adresser ses ordres pour les généraux Lasalle et Marulaz au général Baraguey d’Hilliers, parce qu’il est probable que vos dépêches ne me trouveraient pas ici, comptant partir demain dans la matinée pour me rendre à Ebersdorf et prendre vos ordres. Je n’ai point trouvé dans toutes vos lettres une destination à donner aux généraux Lasalle et Marulaz.

Les troupes du Vice-Roi sont en marche; il a dû arriver de sa personne dans l’après-midi à Altenbourg. Je lui ai fait connaitre la direction des généraux Gudin et Puthod, et les ordres donnés au général Lasalle.

Les reconnaissances du Vice-Roi étaient le 30 juin à Palata, Wesprim, Wasarelli et Sarwar; il n’y a eu que celle de Wasarelli qui a eu connaissance de l’ennemi ; ces détails sont dans une lettre que j’ai reçue de Son Altesse.

NOTE EXPLICATIVE (relation de la bataille de Wagram – Correspondance de Napoléon Ier)

Le maréchal Berthier, prince de Neuchâtel et de Wagram (1753-1815) portrait de Chatillon Auguste de, d'après Pajou Augustin - Muzeo
Le maréchal Berthier, prince de Neuchâtel et de Wagram (1753-1815) portrait de Chatillon Auguste de, d’après Pajou Augustin – Muzeo

AU MAJOR GÉNÉRAL DE LA GRANDE ARMÉE PRINCE DE NEUFCHATEL, ETC.

Deutsch—Wagram, 6 juillet 1809.

Monseigneur, j’ai l’honneur d’informer Votre Altesse que j’ai pris mon quartier général de ce jour à Deutsch-Wagram.

J’aurai l’honneur de lui adresser incessamment un rapport sur les événements de ces deux jours; mais en attendant, je dois lui faire connaître combien, dans la bataille d’aujourd’hui, j’ai eu à me louer de la conduite de tout mon corps d’armée, et particulièrement de la division Gudin.

Ce général a reçu trois coups de feu, dont l’un lui a traversé la cuisse, mais heureusement sans que la blessure soit dangereuse, et n’a quitté le combat que quelque temps après, lorsque l’affaire était décidée.

Le général Gudin de la Sablonnière, commandant la 3e division de Davout

 

AU MAJOR GÉNÉRAL DE LA GRANDE ARMÉE, PRINCE DE NEUFCHATEL, ETC.

Deutsch-Wagram, 7 juiillet 1809, cinq heures un quart du matin.

Monseigneur, je ne reçois qu’à l’instant votre lettre d’hier soir à onze heures; I’officier qui me l’a apportée dit s’être égaré dans la nuit.

Voici l’emplacement du corps d’armée :

La 1re division à une petite lieue en avant de Bockfließ, sur la route de Schweinbarth.

La 2e division à gauche de la première, sur la route de Wolkersdorf.

La 3e division à Deutsch-Wagram.

La 4e division à la gauche de Deutsch-Wagram.

La division Montbrun à une lieue à droite, un peu en arrière de la division Morand.

Louis-Pierre Montbrun
Louis-Pierre Montbrun

Je ne peux pour le moment adresser à Votre Altesse un état de situation d’après les pertes d’hier; il a été demandé dans la nuit. Aussitôt qu’il me sera parvenu, je le transmettrai à Votre Altesse. Quant à l’artillerie, nous sommes encore assez bien approvisionnés, nous le sommes aussi en cartouches d’infanterie.

Nous avons perdu beaucoup de canonniers et de chevaux, et nous avons eu plusieurs pièces démontées; malgré toutes ces pertes, je crois par aperçu que nous pourrions encore disposer aujourd’hui de 70 à 80 bouches à feu.

J’ai l’honneur d’adresserà Votre Altesse la déclaration d’un déserteur sur la position de l’ennemi.

 

 A L’EMPEREUR ET ROI.

Deutsch-Wagram, 7 juillet 1809, sept heures du matin.

Sire, j’ai l’honneur d’adresser à Votre Majesté un rapport du général Friant. Je vais le rejoindre, et de là je me porterai sur Wolkersdorf  ; dans la journée, toutes les différentes reconnaissances du général Montbrun me donneront des nouvelles positives, qui ne pourront que confirmer au surplus que l’ennemi est en désordre et ne peut plus organiser une armée.

Il y a sur tout le champ de bataille et dans le village une grande quantité de fusils abandonnés par les fuyards ; il serait important qu’il fût pris une mesure générale pour les enlever. J’ai donné au général Gudin l’ordre d’enlever ceux qui sont sur le champ de bataille.

Je prie Votre Majesté de m’adresser ses ordres par Großenzersdorf.

 

 A L’EMPEREUR ET ROI.

7 juillet 1809, quatre heures et demie du soir.

Sire, j’ai l’honneur d’adresser à Votre Majesté un rapport que je reçois à l’instant du général Montbrun; je la prie de vouloir bien me faire connaitre si ses intentions ne sont point contrariées par la direction que ce général a prise avec sa cavalerie.

N’ayant point de cavalerie légère pour éclairer ma marche, je vais ordonner au général Montbrun de détacher cinq cents chevaux sur la route de Brünn pour remplir cet objet.

 

A L’EMPEREUR ET ROI.

Wilfersdorf, 9 juillet 1809, six heures du matin .

Sire, j’ai l’honneur d’envover à Votre Majesté un rapport que je viens de recevoir du général Grouchy, qui se trouve conforme à celui du général Montbrun, que j’ai eu l’honneur de lui adresser dans la nuit par M. Lebrun, aide de camp de Son Altesse le major-général. J’y joins aussi la déclaration d’un officier qui a été fait prisonnier à une lieue d’ici, sur la route de Nikolsburg, ainsi que l’officier lui-même, quoiqu’il ne soit pas fort instruit, attendu qu’il ne s’est pas trouvé aux dernières batailles, ayant été blessé dans celle du 22 mai.

Le maréchal Grouchy

P.S. — Je prie Votre Majesté de prendre en considération la demande du général Grouchy pour qu’il lui soit adjoint un régiment de cavalerie légère, sans cela il arrivera souvent de pareilles aventures aux dragons qui ne sont pas accoutumés au service d’avant-garde. J’envoie des partis sur Nikolsburg, attendant pour faire un mouvement les ordres de Votre Majesté et les nouvelles du général Marmont. Il y a un instant que l’on entendait du côté où il s’est porté quelques coups de canon.

On a trouvé ici 8,000 quintaux de farine et huit fours de 250 à 300 rations chacun. II parait qu’il y a encore dans les environs des farines. J’ai envoyé aux recherches

 

A L’EMPEREUR ET ROI.

Wilfersdorf, 9 juillet 1809, à quatre heures de l’aprè-midi.

Sire, j’ai l’honneur d’adresser à Votre Majesté le rapport du duc de Raguse.

Auguste Fredéric Louis Viesse de Marmont
Auguste Fredéric Louis Viesse de Marmont

Le corps d’armée est en marche sur Nikolsburg : je me propose d’en laisser une partie à Poisdorf, suivant les nouvelles que j’aurai.

J’adresse à Votre Majesté l’interrogatoire de deux déserteurs du régiment de l’archiduc Charles et d’un paysan qui a accompagné la landwehr d’Autriche.

On a trouvé ici plus de deux millions de muids de vin; une seule cave en contient 660,000. Il y a aussi beaucoup de vin et en général de grandes ressources.

Je laisse ici le chef de bataillon Gautherot avec 4 compagnies, pour y maintenir la police. Il est bien important, s’il y vient d’autres troupes, qu’on envoie à l’avance des compagnies pour relever celles-là et maintenir l’ordre.

P-S. — Ci-joint un rapport du général de Brock, adressé de Bohmischkrut au général Grouchy.

 

AU MAJOR GÉNÉRAL DE LA GRANDE ARMÉE PRINCE DE NEUCHÂTEL, ETC.

Au bivouac en avant de Nikolsburg, 10 juillet 1809.

Monseigneur, je viens de recevoir les ordres de Sa Majesté que vous m’avez transmis; ils vont être exécutés . J’ai l’honneur d’adresser à Votre Altesse trois rapports successifs du général Grouchy qui prouvent que l’ennemi cherchait à se maintenir sur la rive droitcede la Taya; j’ai donné l’ordre de l’attaquer, il s’est retiré et a brûlé le pont.

Les divisions Gudin et Puthod vont tout de suite se mettre en marche pour se porter sur Laa par Ottenthal, Bottenhofen, Wildentierenbach et Rottensee : cette colonne sera conduite par le général Compans.

Les divisions Friant et Morand se porteront sur le méme endroit, par Brattelsbrun et Prerau; je  marcherai avec cette colonne.

Louis Friant.
Louis Friant.

Les bagages partiront de Schoenkirchen et se dirigeront par Stetzenhofen, Szlabern et Neudorf.

Je serai obligé de laisser en avant de Nikolsburg une partie de la division Grouchy, pour observer et maintenir l’ennemi ; je crois qu’il serait fort utile qu’elle fùt appuyée par quelque infanterie du général Oudinot.

Le duc de Padoue, qui se trouve à Poysdorf, se dirigera aussi sur Laa.

Je joins ici une déclaration d’un officier prisonnier autrichien qui m’a été communiquée par le général Montbrun.

P.S. —Depuis ma lettre écrite, le général Grouchy, ayant fait reconnaitre un passage au-dessus des ponts de la Taya, a fait passer au gué un bataillon du 18e et attaquer l’arrière-garde que l’ennemi avait laissée sur la rive gauche de la rivière; il y a fait 450 prisonniers, tous du régiment d’infanterie du prince Charles. lI parait, d’après leurs déclarations, que le corps de Rosenberg est en retraite sur trois colonnes sur Brünn, et j’eusse pu espérer en le poursuivant prendre entièrement les restes des régiments du prince Charles et de Stein. Les renseignements que j’ai recueillis me persuadent que l’ennemi ne tiendra pas auprès de Znaym; cependant j’exécute le mouvement qui m’a été ordonné, toutefois en laissant au Général Grouchy, sur sa demande, les deux premiers bataillons du 13e d’infanterie légère et un bataillon du 30e qui était détaché à Eisbrug.

 

A L’EMPEREUR ET ROI.
Au bivouac en avant de Nikolsburg, 10 juillet 1809, à trois heures après midi.

Sire, j’ai reçu vers dix heures et demie les ordres que Votre Majesté m’a fait transmettre. J’ai donné tout de suite pour leur exécution des ordres dont j’ai rendu un compte détaillé à Son Altesse le major-général par le retour de son aide de camp.

J’envoie à Votre Majesté un offcier du régiment du prince Charles; quoiqu’ils ne disent pas grand’chose, il me paraît, d’après sa déclaration et celles des autres prisonniers, que le corps du prince Rosenberg se retire sur Brünn en trois colonnes.

Ces offciers ont été pris avec 450 hommes de leur régiment dans une fort belle attaque qui a été ordonnée par le général Grouchy sur l’arrière-garde que les Autrichiens avaient laissée sur la rive gauche de la Taya après en avoir brûlé le pont; nos troupes avaient fait leur passage au gué. Ce succès ne nous a coûté que trois dragons et trois voltigeurs tués ou blessés.

 

À L’EMPEREUR ET ROI

Pohrlitz, 14 juillet 1809

Sire, j’ai l’honneur d’informer Votre Majesté que le général

est entré hier à Brünn. En s’y rendant, il a rencontré quelques escadrons de hussards autrichiens qui, n’ayant pas ordre de se retirer, sont restés dans les postes qu’ils occupaient, même après le passage de nos troupes. Ils se sont retirés depuis. Ces hussards faisaient partie du corps de Rosenberg qui se retire sur Olmutz.

Une patrouille du général Montbrun a rencontré hier vers Kromau des uhlans de Schwarzenberg; on les a encore vus ce matin. Leur commandant a assuré n’avoir reçu qu’aujourd’hui l’ordre de se retirer; ils paraissent devoir se diriger sur Iglau.

Il ne s’est trouvé dans la citadelle de Brünn aucune munition de guerre ou de bouche; il y a huit jours qu’on en a retiré le peu qui s’y trouvait.

Il y a dans la ville 2,500 quintaux de foin, 25,000 bottes de paille, 4,000 metzen d’avoine et 3,500 quintaux de farine.

Le gouverneur a écrit au prince Charles pour lui demander de conserver ces approvisionnements pour la subsistance des troupes de Votre Majesté, en les faisant payer par la ville.

II y a dans la ville environ 3,000 blessés, dont 100 Français.

La population de Brünn a paru voir sans peine l’arrivée de nos troupes.

Les Autrichiens débitent que le prince Joseph Poniatowski s’est retiré devant les Russes, qu’il est rentré dans le duché, et que les armées russes et autrichiennes se sont rencontrées sans se battre.

Prince Józef Poniatowski.
Prince Józef Poniatowski.

J’adresse à Votre Majesté la déclaration d’un maréchal des logis du 5e régiment de hussards qui constate que le 12, un détachement de 30 hommes des 11e et 12e de chasseurs a été attaqué et pris par des uhlans sur la droite de l’armée, au mépris de l’armistice.

J’ai fait demander aux généraux autrichiens satisfaction de cet attentat. Je joins ici la réponse du comte Hartegg.

P.S. Des lettres trouvées à la poste de Brunn annoncent que l’Empereur d’Autriche s’est retiré à Olmutz.

 

A L’EMPEREUR ET ROI.

Brünn, 20 juillet 1809.

Sire, j’ai l’honneur d’adresser à Votre Majesté la lettre du général Pajol. Eyvanowitz se trouve faire partie du cercle de Brünn; dois-je regarder le général Lusignan comme prisonnier?

Je viens de recevoir de Son Altesse le major général la décision ci-jointe; je crains qu’il ait du malentendu, car cette route passe à fort peu de distance de la route de Vienne à Nikolsburg, et en outre ce n’était point la ligne de 1805, car nous occupions la Taya jusqu ‘à son embouchure. J’adresse à Votre Majesté, le croquis de la ligne de démarcation, telle que je la conçois, d’après la lettre de Son Altesse le major général, afin qu’elle juge la quantité de pays qui est neutralisée et les ressources que cela nous ôte.

Toutes les mauvaises difficultés que font les Autrichiens m’imposent l’obligation de ne céder absolument que ce qui est déterminé par les conventions

En attendant la décision de Votre Majesté, j’ai fait placer nos premiers postes sur la ligne de démarcation, et ils ne la dépasseront pas.

P.S. — Chaque rapport que je reçois est une guerre à faire aux Autrichiens ; aujourd’hui l’on m’annonce qu’ils ont à Goeding quelques escadrons de chasseurs du loup , et qu’on y attend des troupes venant de la Hongrie.

M. le général Lusignan a avec lui, à Eyvanowitz, 30 hussards du régiment de Stipschutz, et les Autrichiens occupent encore Neuvieslitz et Stranitz; je fais signifier aux hussards et aux autres troupes d’évacuer ces endroits

Le quartier général de l’archiduc Charles est à Policka, près de Leutomischl; une colonne de 7,000 hommes venant d’Iglau a passé à Neustadt, allant à Leutomischl.

 

A L’EMPEREUR ET ROI.

Brunn, 24 juillet 1809.

Sire, conformément aux intentions de Votre Majesté, je chargeai, le 22 de ce mois, le général Pajol de signifier au général Lusignan qu’il eût à quitter le pays occupé par l’armée française. Je m’empresse de mettre sous les yeux de Votre Majesté les lettres que j’ai reçues à cette occasion de ces généraux. Comme d’après le contenu de ces lettres et des renseignements qui m’ont été donnés ici, il parait certain que le général Lusignan s’est retiré du service autrichien depuis plus de deux mois, j’ai cru devoir attendre les ordres de Votre Majesté, avant d’insister sur la signification que je lui avais fait faire de quitter le pays occupé par nos troupes.