Correspondance de Napoléon – Septembre 1812

Septembre 1812

 

Velitchevo, 1er septembre 1812, une heure du matin.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Velitchevo.

Mon Cousin, écrivez au vice-roi que jusqu’à cette heure je vois que son corps d’armée est toujours en arrière ; il est urgent cepen­dant qu’il soit toujours en avant sur la gauche, de manière à pouvoir tourner l’ennemi qui est sur le grand chemin devant l’avant-garde du roi de Naples par la raison que, la position du grand chemin étant déterminée, l’ennemi peut s’y fortifier par des redoutes ou prendre de bonnes positions, tandis que, la position de la gauche et celle de la droite n’étant pas déterminées, il ne peut opposer aucune redoute de ces côtés. Le vice-roi doit donc partir de bonne heure et ne pas passer par la ville de Ghjatsk, mais à deux lieues plus haut.

 

Velitchevo, 1er septembre 1812, 2 heures du matin.

Mon Amie. J’apprends avec plaisir que ta santé n’a pas souffert de la fatigue du 15 et que le petit roi n’a plus de fièvre. Cela a dû t’inquiéter quoique tu aies été instruite que ce n’était rien. Si tu étais 2 ou 3 jours sans recevoir d’estafette, cela ne devrait pas t’étonner parce que nous sommes loin et que je m’éloigne encore. Ma santé est bonne. Mes affaires vont bien. Le temps est un peu rafraichi ; il a un peu plu. Nous sommes en automne et non plus dans la canicule. Adieu, mon amie, embrasse pour moi le petit roi sur les deux joues, et ne doute jamais de ton fidèle,

Nap.

 

Velitchevo, 1er septembre 1812, une heure du matin.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Velitchevo.

Mon Cousin, donnez ordre au roi de Naples de mettre son avant-garde en marche à cinq heures du matin, afin d’arriver de bonne heure sur Ghjatsk et de pouvoir l’occuper si l’ennemi le dispute. Il est nécessaire que le vice-roi le tourne par la gauche, en même temps que le prince Poniatowski le tournera par la droite. Une division de cuirassiers partira à six heures du matin, et les trois autres divisions pourront partir à sept ou huit heures. Donnez des ordres en consé­quence au vice-roi, au prince Poniatowski, au prince d’Eckmühl et au duc d’Elchingen.

 

Velitchevo, 1er septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Velitchevo.

Je désire que la division de ma Garde rejoigne le plus promptement possible, en laissant un général de brigade à Smolensk, et en emmenant avec elle sous son escorte le quartier général, le trésor et les convois d’artillerie qui pourraient se trouver. Les 3ebataillons de la Vistule doivent être arrivés ; ainsi il doit y avoir actuellement bien près de 3,000 hommes. Le major général recommandera de faire faire des patrouilles sur la route de Smolensk à Moscou par le régi­ment de cavalerie qui est à Smolensk, afin de maintenir les commu­nications libres et escorter les estafettes. Il sera convenable que ma Garde à pied fasse de bonnes journées, et que le général Delaborde m’instruise tous les jours, par le passage de l’estafette, du lieu où il est. Cela est nécessaire pour régler en conséquence les mouvements. Le major général écrira aussi au gouverneur de Smolensk de donner à Vitebsk des nouvelles de l’armée et de nous donner des nouvelles de Vitebsk.

 

Velitchevo, 1er septembre 1812.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna

Monsieur le Duc de Bassano, j’ai ordonné l’avance de 500,000 fr. pour le gouvernement de Vilna. Le gouvernement de Mohilef parait bien intentionné. Ce gouvernement pourrait aussi lever quelques régi­ments, et peut-être aussi celui de Vitebsk. Si toutefois la difficulté des cadres empoche d’en créer dans ces deux gouvernements, on pourrait toujours appeler les conscrits, puisqu’ils sont Polonais et parlent polonais. Concertez-vous à cet effet avec la commission du gouvernement. J’ai demandé depuis longtemps deux bataillons d’in­fanterie légère, garde-chasse. Si j’étais secondé, la garnison de Bobrouisk ne devrait pas m’inquiéter; cette place devrait être cernée par les troupes du pays. Songez bien que le seul secours que j’aie reçu de la Lithuanie se borne à douze gardes d’honneur. Je suis obligé de mettre garnison à Kovno et à Vilna. Il n’en était pas de même du Grand-Duché : il y avait à peine deux mois que j’y étais, qu’il avait fourni des troupes pour cerner Danzig, et beaucoup étaient en ligne. Le prince Poniatowski et la légion de la Vistule ont peu de cadres; c’est donc le plus difficile, mais les conscrits peuvent être levés. Jusqu’à cette heure, rien n’a été fait. Ayez donc une conférence là-dessus avec les membres du gouvernement. Le moins que je pusse espérer était que Bobrouisk aurait été cernée par les troupes du pays, et qu’elles auraient été en nombre suffisant pour faire la police, pour garnir Drouya et les points faibles de la Dvina, pour escorter les con­vois, etc. Il est probable que dans peu de jours j’aurai une bataille; si l’ennemi la perd, il perdra Moscou. Mes communications de Vilna à Smolensk ne sont pas difficiles, mais de Smolensk ici elles peuvent le devenir. Il faut donc des troupes, des gardes nationales ; il n’est pas nécessaire qu’elles soient bonnes, puisqu’elles ne sont opposées qu’à des paysans.

J’ai ordonné à la division Dombrowski de cerner Bobrouisk et de tâcher de s’en emparer. Écrivez dans ce sens au gouverneur de Minsk. En cas que le prince Schwarzenberg ait besoin de renfort, la division Dombrowski pourra lui servir, ainsi que les troupes du Grand-Duché. L’empereur d’Autriche fournira 3,000 hommes de cavalerie et 6,000 d’infanterie. Je désirerais beaucoup que le duc de Bellune pût me servir de réserve ici. Voyez le gouvernement pour que les recrues disséminées dans le pays se réunissent à Minsk. Il ne doit plus rien y avoir à craindre. Il faut que le duc de Bellune orga­nise bien son corps et assure bien ses subsistances.

 

Velitchevo, 1er septembre 1812.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna

Monsieur le Duc de Bassano, mandez au général Loison que j’ai ordonné que cinq bataillons, des douze qui sont à Danzig, se ren­dissent à Königsberg, et que douze bataillons, qui sont dans la Poméranie suédoise, se rendissent à Danzig, mon intention étant de leur faire continuer leur route sur l’armée. Réitérez au général Loison Tordre de faire partir toutes les troupes que j’ai désignées pour Kovno et Minsk.

 

Ghjatsk, 1er septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Ghjatsk.

Mon Cousin, donnez ordre au duc d’Abrantès de faire demain sa journée pour s’approcher de la ville, sans trop fatiguer sa troupe; qu’il fasse six lieues. Les 400 chevaux qu’il a laissés en arrière-garde doivent se rendre à Viazma. En attendant qu’ils y arrivent, il laissera 100 chevaux à la disposition du général Baraguey d’Hilliers.

Écrivez au général Baraguey d’Hilliers pour qu’il continue l’orga­nisation de la route jusqu’à Ghjatsk, limite de son gouvernement, et qu’il y ait à toutes les postes une redoute dans laquelle 100 hom­mes et les chevaux de l’estafette soient renfermés. Mandez-lui de vous écrire tous les jours par l’estafette, et de vous donner des nouvelles du général Pino et de la division Pajol.

 

Camp impérial de Ghjatsk, 1er septembre 1812.

ORDRE DU JOUR.

Sa Majesté l’Empereur et Roi a ordonné ce qui suit :

1° Tous les carrosses, fourgons ou voitures de bagages et de sub­sistances passeront après l’artillerie et les voitures d’ambulance.

2° Tout carrosse, fourgon ou voiture particulière qui sera trouvé gênant la marche de l’artillerie et des ambulances sera brûlé.

3° Les voitures d’artillerie et les fourgons d’ambulance pourront seuls suivre l’avant-garde.

Les voitures de bagages, les grandes et petites charrettes ne pour­ront suivre l’avant-garde qu’à une distance de deux lieues. Toute voiture qui sera rencontrée plus près de l’avant-garde que deux lieues sera brûlée.

4° A la fin de la journée, les voitures ne pourront rejoindre l’avant-garde que quand elle aura pris position, et après que la canonnade ou la fusillade ne se feront plus entendre. Toute voiture qui serait trouvée à une distance moindre de deux lieues de l’avant-garde, avant qu’elle ait pris position, et pendant le temps que la canonnade ou la fusillade se feraient entendre, sera brûlée.

5e Le matin, au départ de l’avant-garde, les fourgons et voitures autres que celles de l’artillerie ou des ambulances seront parqués hors du chemin. Ceux qui seraient trouvés sur la route obstruant la marche de l’artillerie ou le mouvement des colonnes seront brûlés.

6e Les dispositions précédentes sont communes à toutes les divi­sions d’infanterie et de cavalerie de l’armée qui ne font point partie de l’avant-garde.

7° Sa Majesté ordonne aux chefs d’état-major des divisions et corps d’infanterie et de cavalerie et aux directeurs des parcs de l’artillerie de faire marcher les voitures de bagages après celles de l’artillerie et des ambulances, séparées et sous la conduite d’un vague­mestre de division.

8° Sa Majesté ordonne au général comte Belliard, chef de l’état-major de l’avant-garde, et aux chefs d’état-major des corps et divi­sions d’infanterie et de cavalerie de l’avant-garde, de prendre les mesures les plus efficaces pour l’exécution des présentes dispositions, et pour désigner l’emplacement où devront rester les voitures de l’avant-garde avant les défilés, tandis qu’elle combattra. Ces voitures ne devront passer les défilés que sur les ordres du chef de l’état-major de l’avant-garde, lequel ne pourra pas prendre sur lui de faire avancer aucune de ces voitures à plus de deux lieues de l’avant-garde.

9° Le présent ordre sera lu demain, à midi, à tous les corps; et Sa Majesté fait connaître que le 3 septembre elle fera brûler elle-même et en sa présence les voitures qu’elle trouvera en contravention au présent ordre.

 

Ghjatsk, 2 septembre 1812, trois heures du matin.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Ghjatsk.

Mon Cousin, j’ai été mal satisfait hier de la manière dont marche votre corps. Toutes vos compagnies de sapeurs, au lieu de raccom­moder les ponts et les débouchés, n’ont rien fait, à, l’exception de celles de la division Compans. Aucune direction n’avait été donnée aux troupes et aux bagages pour passer, le défilé, de manière que tous se trouvaient les uns sur les autres. Enfin, au lieu d’être à une lieue de l’avant-garde, vous étiez sur elle. Tous les bagages, carrosses, etc., étaient en avant de votre corps, en avant même de l’avant-garde, de sorte que vos voitures étaient dans la ville que la cavalerie légère n’avait pas encore débouchée. Prenez des mesures pour remédier à un aussi mauvais ordre, qui peut essentiellement compromettre toute l’armée.

 

Ghjatsk, 2 septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Ghjatsk.

Mon Cousin, je ne vois pas depuis deux jours le rapport de la position du prince d’Eckmühl. J’ignore où se trouve son corps. Faites-moi connaître d’où cela vient. Il est de son devoir d’en rendre compte au moins tous les jours.

 

Ghjatsk, 2 septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Ghjatsk.

Mon Cousin, donnez ordre au roi de Naples, au prince d’Eckmühl, au vice-roi, au prince Poniatowski, au duc d’Elchingen, de prendre aujourd’hui repos, de rallier les troupes, de faire faire à trois heures après midi un appel, et de me faire connaître positivement le nombre d’hommes qui seront présents à la bataille ; de faire faire l’inspection des armes, des cartouches, de l’artillerie et des ambulances; de faire connaître aux soldats que nous approchons du moment d’une bataille générale et qu’il faut s’y préparer. Il est nécessaire qu’avant dix heures du soir j’aie des états qui me fassent connaître le nombre d’hommes d’infanterie et de cavalerie, le nombre de pièces d’artil­lerie, leur calibre, le nombre de coups à tirer, le nombre de cartouches par soldat, le nombre de cartouches dans les caissons, le nombre de caissons d’ambulance appartenant soit aux régiments, soit aux divisions, soit aux corps d’armée, le nombre de chirurgiens, le nombre de pansements qu’on pourra faire. Ces états me feront connaître également les hommes détachés qui ne seraient pas pré­sents à la bataille si elle avait lieu demain, mais qu’on pourrait faire rejoindre si elle avait lieu dans deux ou trois jours, en indiquant le lieu où ils se trouvent et les moyens à prendre à cet effet. Ces états doivent être faits avec la plus grande attention, puisque de leur résul­tat doit dépendre ma résolution. Ils doivent comprendre d’abord tous les hommes présents à l’appel et ensuite tous ceux qui se trouveraient présents à la bataille. Vous ajouterez aussi qu’on me fasse connaître le nombre de chevaux qui seraient déferrés, et le temps qu’il faudrait pour referrer la cavalerie et la mettre en état pour la bataille. Le roi de Naples pourra, s’il le juge convenable, rectifier sa position, en avançant sa cavalerie légère et sa petite avant-garde de quelques vers les. Le prince Poniatowski et le vice-roi rectifieront également leur position.

 

Ghjatsk, 2 septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Ghjatsk.

Mon Cousin, donnez ordre au duc de Trévise de se rendre ici et de passer la rivière pour prendre position dans les faubourgs, sur la droite.

 

Ghjatsk, 2 septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Ghjatsk.

Mon Cousin, l’état-major général ne m’est d’aucun service; ni le grand prévôt de la gendarmerie, ni le vaguemestre, ni les officiers d’état-major, aucun ne sert comme il le devrait. Vous avez reçu mon ordre du jour pour les bagages. Faites en sorte que les premiers bagages que je ferai brûler ne soient pas ceux de l’état-major général. Si vous n’avez pas de vaguemestre, nommez-en un; que tous les bagages marchent sous sa direction. Il est impossible de voir un plus mauvais ordre que celui qui règne.

 

Ghjatsk, 2 septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Ghjatsk.

Mon Cousin, donnez ordre au général Baraguey d’Hilliers de faire partir de Smolensk, sous les ordres du général Lanusse, le régiment de marche de la Garde auquel sera joint le bataillon de marche de la Garde qui doit être arrivé le 30 août, les quatre pièces de canon de la Garde que le général Delaborde doit avoir laissées à Smolensk, le régiment de marche du 3e corps venant de Vitebsk; ce qui fera 3,500 hommes d’infanterie; et enfin la cavalerie suivante : 470 che­vaux du régiment de marche de cavalerie, qui doit être arrivé le 29 août; 360 chevaux du 6e régiment de marche de cavalerie, qui doivent être arrivés le 30 août ; 500 chevaux du 5e régiment de marche de cavalerie, qui doivent être arrivés le 2 septembre, et 125 chevaux de l’escadron de marche qui doit être également arrivé le 2 septembre; ce qui fait 1,455 chevaux. La colonne du général Lanusse sera donc de près de 5,000 hommes, infanterie et cavalerie. Le trésor, s’il n’est pas parti, et tous les convois qui seraient encore à Smolensk partiront sous cette escorte.

Le 10 septembre, le général Baraguey d’Hilliers fera partir de Smolensk, sous les ordres d’un officier supérieur qu’il désignera, une deuxième colonne composée de deux bataillons du 33e léger avec leurs deux pièces de canon, formant 1,200 hommes, et du bataillon de Hesse-Darmstadt, formant 700 hommes, au total de 1,900 hommes d’infanterie; et en outre de 700 hommes de cava­lerie, composés de l’escadron de marche d’Elbing et de l’escadron de marche de Vilna; ce qui portera cette seconde colonne à 2,600 hom­mes, infanterie et cavalerie. Ces deux colonnes se dirigeront sur Ghjatsk.

Le général Barbanègre prendra le commandement de Smolensk, qui aura pour garnison trois bataillons de la Vistule forts ensemble de 2,100 hommes, un bataillon de marche de la Vistule fort de 1,000 hommes, un régiment de chevau-légers polonais fort de 400 hommes, une compagnie d’artillerie et dix-huit pièces d’artillerie que fournira le général d’artillerie; ce qui fera 3 à 4,000 hommes, indépendamment des bataillons d’hommes isolés qu’on formera. Les 3e bataillons des 1er et 2e régiments de la Vistule, formant 1,500 hom­mes, doivent être arrivés le 30 août; le 3e bataillon du 3e régiment de la Vistule arrive le 9 septembre; le bataillon de marche de la Vistule arrive également le 9 septembre ; enfin le bataillon des hommes isolés doit déjà être de plus de 1,000 hommes. Il est nécessaire, à cet effet, qu’aucun homme isolé, qu’aucun détachement, aucune compagnie de marche, aucun homme sortant des hôpitaux, ne quit­tent Smolensk; ils doivent y être réunis en bataillon de marche.

Un régiment de marche de 3,000 hommes d’infanterie et un autre de 500 hommes de cavalerie sont à Minsk et doivent arriver à Smolensk. Quand ils y seront arrivés, ils resteront pour y tenir garnison ; les trois bataillons de la Vistule se rendront alors à Dorogobouje et à Viazma, et les bataillons westphaliens avec la cavalerie westphalienne arriveront à Ghjatsk.

Avec ces trois corps de garnison à Smolensk, à Viazma et à Ghjatsk, le général Baraguey d’Hilliers pourra maintenir la liberté de la route et les communications de Smolensk avec l’armée.

De nouvelles troupes doivent arriver successivement à Smolensk, telles que le 129e régiment, le régiment illyrien, etc. ; mais, d’ici à ce qu’elles arrivent, j’aurai le temps de donner des ordres. Enfin le duc de Bellune, qui est actuellement à Vilna, se met en marche avec son corps d’armée pour Minsk. Si les communications avec l’armée venaient à être interrompues, le général Baraguey d’Hilliers devrait correspondre avec ce maréchal, qui est prévenu de ce qu’il doit faire dans toutes les circonstances. Il correspondrait aussi avec le général Dombrowski, qui est avec une division du côté de Mohilef. Il adresserait ses dépêches au gouverneur de Mohilef et au gouverneur de Minsk.

Donnez l’ordre au bataillon westphalien et aux deux pièces de canon qui sont à Orcha de se rendre à Viazma et Ghjatsk, pour y rejoindre les autres bataillons westphaliens. Le gouverneur de Mohilef remplacera ce bataillon à Orcha. Donnez l’ordre à Vitebsk qu’un bataillon de marche bien armé et bien organisé se rende à Smolensk, où il tiendra garnison jusqu’à nouvel ordre. Enfin donnez l’ordre à la compagnie de sapeurs et à celle du Danube qui se trouvent à Vitebsk de se rendre à Smolensk.

 

Ghjatsk, 2 septembre 1812.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, j’ai reçu le rapport du duc de Raguse sur la bataille du 22 (bataille des Arapiles ou de Salamanque). Il est impossible de rien lire de plus insigni­fiant ; il y a plus de fatras et plus de rouages que dans une horloge, et pas un mot qui fasse connaître l’état réel des choses.

Voici ma manière de voir sur cette affaire, et la conduite que vous devez tenir.

Vous attendrez que le duc de Raguse soit arrivé, qu’il soit remis de sa blessure et à peu près entièrement rétabli. Vous lui demande­rez alors de répondre catégoriquement à ces questions :

Pourquoi a-t-il livré bataille sans les ordres de son général en chef ?

Placé par les dispositions générales de l’armée à Salamanque, il était tout simple qu’il se défendit s’il était attaqué; mais, puisqu’il avait évacué Salamanque de plusieurs marches, pourquoi n’en a-t-il pas instruit son général eu chef ?

Pourquoi n’a-t- il pas pris ses ordres sur le parti qu’il devait suivre, subordonné au système général de mes armées en Espagne ?

Il y a là un cas d’insubordination qui est la cause de tous les mal­heurs de cette affaire. Et quand-même il n’eût pas été dans l’obliga­tion de se mettre en communication avec son général en chef pour exé­cuter les ordres qu’il en recevrait, comment a-t-il pu sortir de sa défensive sur le Douro, lorsque, sans un grand effort d’imagination, il était facile de concevoir qu’il pouvait être secouru par l’arrivée de la division de dragons, d’une trentaine de pièces de canon et de plus de 15,000 hommes de troupes françaises que le Roi avait dans la main ?

Et comment pouvait-il sortir de la défensive pour prendre l’offen­sive, sans attendre la réunion et le secours d’un corps de 15,000 à 17,000 hommes ?

Le Roi avait ordonné à l’armée du Nord d’envoyer sa cavalerie à son secours; elle était en marche : le duc de Raguse ne pouvait l’ignorer, puisque cette cavalerie est arrivée le soir de la bataille.

De Salamanque à Burgos il y a bien des marches : pourquoi n’a-t-il pas retardé de deux jours pour avoir le secours de cette cava­lerie qui lui était si importante ?

Il faudrait avoir une explication sur les raisons qui ont porté le duc de Raguse à ne pas attendre les ordres de son général en chef pour livrer bataille, à livrer bataille sans attendre les renforts que le Roi, comme commandant supérieur de mes armées en Espagne, pouvait retirer de l’armée du Centre, de l’armée de Valence, et de l’Anda­lousie. Le seul fonds de l’armée du Centre fournissait 15,000 hommes et 2,500 chevaux, lesquels pouvaient être rendus dans le même temps que le duc de Raguse faisait battre l’armée française; et, en pre­nant dans ces deux armées, le Roi pouvait lui amener 40,000 hommes.

Enfin, le duc de Raguse sachant que 1,500 chevaux étaient partis de Burgos pour le rejoindre, comment ne les a-t-il pas attendus ?

En faisant coïncider ces deux circonstances, d’avoir pris l’offensive sans les ordres de son général en chef et de n’avoir pas retardé la bataille de deux jours pour recevoir 15,000 hommes d’infanterie que lui menait le Roi et 1,500 chevaux de l’armée du Nord, on est fondé à penser que le duc de Raguse a craint que le Roi ne participât au succès, et qu’il a sacrifié à la vanité la gloire de la patrie et l’avan­tage de mon service.

Donnez ordre aux généraux de division d’envoyer des états de leurs pertes. Il est intolérable qu’on rende des comptes faux et qu’on me dissimule la vérité.

Donnez ordre au général Clausel, qui commande l’armée, d’en­voyer la situation avant et après la bataille.

Demandez également aux chefs de corps leurs situations exactes.

Vous ferez connaître au duc de Raguse, en temps opportun, combien je suis indigné de la conduite inexplicable qu’il a tenue, en n’attendant pas deux jours que les secours de l’armée du Centre et de l’armée du Nord le rejoignissent.

J’attends avec impatience l’arrivée du général aide de camp, pour avoir des renseignements précis. Ce qu’il a écrit ne signifie pas grand-chose.

 

Ghjatsk, 2 septembre 1812.

Mon amie, je reçois ta lettre du 17 août où je vois que la chaleur a commencé à Paris, cela doit durer jusqu’au 15 septembre. Ma santé est bonne. Nous sommes ici en automne. Les nouvelles que tu me donnes, que le petit roi est tout à fait rétabli, m’a fait plaisir. Embrasses-le deux fois pour moi. Adieu, mon amie, je pense à toi et j’éprouverai bien du plaisir à te revoir et à te donner un tendre baiser. Tout à toi.

Nap.

 

Ghjatsk, 2 septembre au soir.

Ma bonne amie. Je reçois ta lettre du 18 août. Je vois avec plaisir que tu te portes bien et que tu es contente du petit roi. Je suis bien aise que les dessins de Denon sur mes campagnes t’amusent. Tu trouves que j’ai couru bien du danger. Voilà 19 ans que je fais la guerre et j’ai donné bien des batailles et fait bien des sièges en Europe, en Asie, en Afrique. Je vais me dépêcher de finir celle-ci pour te revoir bientôt et te prouver tous les sentiments que tu m’inspires. Adieu mon amie. Tout à toi.

Nap.

 

Ghjatsk, 3 septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Ghjatsk.

Mon Cousin, écrivez aux généraux commandant les corps d’armée, que nous perdons tous les jours beaucoup de monde par le défaut d’ordre qui existe dans la manière d’aller aux subsistances; qu’il est urgent qu’ils concertent avec les différents chefs de corps les mesures à prendre pour mettre un terme à un état de choses qui menace l’armée de sa destruction ; que le nombre de prisonniers que l’ennemi fait se monte chaque jour à plusieurs centaines; qu’il faut, sous les peines les plus sévères, défendre aux soldats de s’écarter, et envoyer aux vivres comme l’ordonnance prescrit de le faire pour les fourrages : par corps d’armée quand l’armée est réunie, et par division quand elle est séparée; qu’un officier général ou supérieur doit commander le fourrage pour les vivres, et qu’une force suffisante doit protéger l’opération contre les paysans et les Cosaques; que le plus possible, quand on rencontrera des habitants, on requerra ce qu’ils auront à fournir, sans faire plus de mal au pays ; enfin que cet objet est si important, que j’attends du zèle des généraux et chefs de corps pour mon service de prendre toutes les mesures capables de mettre un terme au désordre dont il s’agit. Vous écrirez au roi de Naples, qui commande la cavalerie, qu’il est indispensable que la cavalerie couvre entièrement les fourrageurs, et mette ainsi les détachements qui iront aux vivres à l’abri des Cosaques et de la cavalerie ennemie. Vous recommanderez an prince d’Eckmühl de ne pas s’approcher à plus de deux lieues de l’avant-garde. Vous lui ferez sentir que cela est impor­tant pour que les fourrageurs n’aillent pas aux vivres trop près de l’ennemi. Enfin vous ferez connaître au duc d’Elchingen qu’il perd tous les jours plus de monde que si on donnait bataille ; qu’il est donc nécessaire que le service des fourrageurs soit mieux réglé et qu’on ne s’éloigne pas tant.

 

Ghjatsk, 3 septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Ghjatsk.

Mon Cousin, témoignez mon mécontentement au général Dutaillis, commandant à Varsovie, de ce qu’il a laissé passer un courrier russe dans le duché. La signature d’un agent diplomatique, celle même du ministre des relations extérieures, du ministre de la police ou du ministre de la guerre de France, ne pouvaient autoriser le général Dutaillis à laisser passer un courrier russe. Il devait le retenir jusqu’à ce qu’il en eût rendu compte au major général. Je ne puis conce­voir qu’il puisse ouvrir ainsi les frontières à mes ennemis; c’est un véritable crime. Donnez des ordres précis sur les derrières pour qu’on ne laisse passer aucun porteur de passeports du duc de Bassano ni du ministre de la police, si un ordre spécial de vous n’y est joint. Les porteurs de ces passeports doivent être retenus et leurs dépêches envoyées au quartier général. Je suis surpris que, depuis le temps que je fais la guerre, je sois toujours obligé de répéter de pareils ordres, si naturellement indiqués par les usages de la guerre et si intimement liés à la sûreté de l’armée.

 

Ghjatsk, 3 septembre 1812.

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, le IIe corps, que commande le duc de Castiglione, manque d’administrateurs. Donnez des ordres pour qu’il en soit envoyé. Depuis vingt ans que je commande les armées françaises, je n’ai jamais vu l’administration militaire plus nulle ; il n’y a personne : ce qui a été envoyé ici est sans aptitude et sans connaissance. L’inexpérience des chirurgiens fait plus de mal à l’armée que les batteries ennemies. Les quatre ordonnateurs qui accompagnent l’intendant général n’ont aucune expérience. Le comité de santé est bien coupable d’avoir envoyé des chirurgiens si ignorants. Faites partir des administrateurs pour tous les corps d’armée. Nous avons besoin d’employés des hôpitaux et de 150 chirurgiens. Quant à l’institution des compagnies d’armuriers, elle a été, comme toutes les opérations de l’administration de la guerre, entièrement manquée. Dès qu’on leur a donné des fusils et des uniformes mili­taires, ils n’ont plus voulu servir les hôpitaux. Il fallait leur donner un chapeau rond, un frac, un bâton blanc et tout au plus un sabre. Envoyez de l’intérieur des administrations et des compagnies d’infirmiers, s’il en existe encore, mais organisées comme je l’ai dit ci-dessus.

Quant à la proposition de la Bavière, nous ne manquons ni de biscuit, ni de viande salée; si nous en manquions, la fourniture à Linz ne serait d’aucun résultat, le transport étant impossible.

 

Ghjatsk, 3 septembre 1812

Mon Amie. Je reçois ta lettre du 19. Je pars cette nuit pour avancer dans la direction de Moscou. Nous sommes ici à l’automne ; il fait le temps qu’il fait lors du voyage de Fontainebleau. Les greniers sont pleins, la terre couverte de légumes, aussi le soldat va bien, ce qui est un grand point. Mes affaires vont bien. Ma santé est bonne ; j’apprends que la tienne est parfaite. Embrasse le petit roi sur les 2 joues. Adio, moi ben.

Nap.

 

Ghjatsk, 4 septembre 1812.

À M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna

Monsieur le Duc de Bassano, j’ai intercepté un courrier de Tormasof qui était porteur de lettres datées du camp de Kovel, le 25 août. Il résulte de ces lettres que les quatre divisions du corps de Tormasof ne font que 12,000 hommes; qu’il n’avait au combat du 12 août que 16,000 hommes tout compris, et qu’il attend deux divisions de Moldavie qui, vu les pertes faites, ne sont que de 7,000 hommes. Il n’y a pas là de quoi effrayer le prince de Schwarzenberg. Mandez-lui que j’ai écrit à l’Empereur pour qu’on lui envoie un renfort de 3,000 hommes de cavalerie et de 6,000 hommes d’infanterie.

Il résulte des mêmes lettres que le général Kamensky, malade, a quitté l’armée, et que le commandement de son corps a été donné au général Markof; que, le 10 août, Tormasof a fait prisonniers 3 officiers, 13 sous-officiers et 200 soldats; enfin qu’il se retire sur Loutsk.

 

Ghjatsk, 4 septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Ghjatsk.

Mon Cousin, donnez ordre que toutes les voitures chargées ou vides qui sont ici partent pour suivre le petit quartier général. Donnez ordre à la vieille Garde de partir à midi et de faire aujourd’hui une journée de quatre ou cinq lieues.

 

An camp, deux lieue» en arrière de Mojaïsk, 6 septembre 1812 (Veille de la bataille de la Moskova).

ORDRE POUR LA BATAILLE.

A la pointe du jour, les deux nouvelles batteries construites pen­dant la nuit au plateau du prince d’Eckmühl commenceront leur feu contre les deux batteries ennemies opposées.

Au même moment, le général Pernety, commandant l’artillerie du 1er corps, avec les trente bouches à feu qui seront à la division Compans et tous les officiers des divisions Dessaix et Friant, qui se por­teront en avant, commencera le feu et écrasera d’obus la batterie ennemie, qui, par ce moyen, aura contre elle vingt-quatre pièces de la Garde, trente de la division Compans et huit des divisions Friant et Dessaix; total, soixante-deux bouches à feu.

Le général Foucher, commandant l’artillerie du 3e corps, se portera avec tous les obusiers du 3e et du 8e corps, qui sont au nombre de seize, autour de la batterie qui bat la redoute de gauche, ce qui fera quarante bouches à feu contre cette batterie.

Le général Sorbier sera prêt, au premier commandement, à se détacher avec tous les obusiers de la Garde, pour se porter sur l’une ou l’autre redoute.

Pendant cette canonnade le prince Poniatowski se portera du vil­lage vers la forêt et tournera la position de l’ennemi. Le général Compans longera la forêt pour enlever la première redoute.

Le combat ainsi engagé, les ordres seront donnés selon les dispo­sitions de l’ennemi.

La canonnade de la gauche commencera au même moment qu’on entendra la canonnade de la droite. Une forte fusillade de tirailleurs sera engagée par la division Morand et par les divisions du vice-roi, aussitôt qu’ils verront l’attaque de droite commencée. Le vice-roi s’emparera du village (Borodino), débouchera par ses trois ponts sur la hauteur, dans le temps que les généraux Morand et Gérard débouche­ront, sous les ordres du vice-roi, pour s’emparer de la redoute de l’ennemi et former la ligne de l’armée.

Le tout se fera avec ordre et méthode et en ayant soin de tenir toujours une grande quantité de réserves.

 

Borodino, 6 septembre 1812.

Ma bonne amie. Je suis très fatigué. Bausset m’a remis le portrait du roi. C’est un chef d’œuvre. Je te remercie bien de ton attention. Cela est beau comme toi. Je t’écrirai demain plus en détail. Je suis fatigué. Adio, moi bene.

Nap.

 

Au camp impérial, sur les hauteurs de Borodino, 7 septembre 1812, deux heures du matin.

PROCLAMATION.

Soldats, voilà la bataille que vous avez tant désirée ! Désormais la victoire dépend de vous : elle nous est nécessaire. Elle nous donnera l’abondance, de bons quartiers d’hiver et un prompt retour dans la patrie ! Conduisez-vous comme à Austerlitz, à Friedland, à Vitebsk, à Smolensk, et que la postérité la plus reculée cite avec orgueil votre conduite dans cette journée ; que l’on dise de vous : il était à cette grande bataille sous les murs de Moscou !

 

 

Borodino, 8 septembre 1812

 

Ma bonne amie. Je t‘écris sur le champ de bataille de Borodino. J’ai battu hier les Russes, toute leur armée forte de 120.000 hommes y était. La bataille a été chaude : à 2 heures après midi la victoire était à nous. Je leur ai fait plusieurs milliers de prisonniers et pris 60 pièces de canon. Leur perte se peut évaluer à 30.000 hommes. J’ai eu bien des tués et des blessés- Caulaincourt, le gouverneur des pages, a été tué, je lui avait donné le commandement d’une division. Je n’ai de ma personne pas été du tout exposé. Ma santé est bonne, le temps un peu frais. Nansouty a été blessé légèrement. Adieu, ma bonne amie. Tout à toi. Ton

Nap.

 

 

 

Mojaïsk, 9 septembre 1812.

À François Ier, empereur d’Autriche, à Vienne.

Monsieur mon Frère et très-cher Beau-Père, je m’empresse d’an­noncer à Votre Majesté Impériale l’heureuse issue de la bataille de la Moskova, qui a eu lieu le 7 septembre, au village de Borodino.

Sachant l’intérêt personnel que Votre Majesté veut bien me porter, j’ai cru devoir lui annoncer moi-même ce mémorable événement et le bon état de ma santé. J’évalue la perte de l’ennemi à 40 ou 50,000 hommes; il avait de 120 à 130,000 hommes en bataille. J’ai perdu de 8 à 10,000 tués ou blessés. J’ai pris 60 pièces de canon et fait un grand nombre de prisonniers. Mon avant-garde est à six lieues en avant.      ‘

Je prie de nouveau Votre Majesté de renforcer le prince de Schwarzenberg, afin qu’il soutienne l’honneur des armes autrichiennes, comme il l’a déjà fait.

Je prie surtout Votre Majesté, de me conserver ses bonnes grâces et ses mêmes sentiments, qu’elle me doit pour ceux que je lui porte.

NAPOLÉON.

 

Mojaïsk, 9 septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Mojaïsk.

Mon Cousin, donnez ordre que les 3e et 4e bataillons du 33e léger se rendent à Smolensk. Donnez ordre que les voltigeurs de la Garde se rendent de Vitebsk à Smolensk. Donnez ordre que deux bataillons de marche bien armés, chacun de 1,000 hommes, se rendent de Vitebsk à Smolensk et de là à l’armée. Donnez ordre que les 3e batail­lons des 4e, 7e et 9e régiments polonais se rendent à Smolensk. Donnez ordre que les quatre demi-brigades de marche qui faisaient partie de la division Lagrange se rendent à Smolensk. Donnez ordre que les 6e bataillons des 19e, 46e 37e et 56e se rendent de Danzig à Smolensk. Donnez ordre que le régiment westphalien qui est parti de Königsberg et les deux de Saxons se rendent à Smolensk. Donnez ordre que le régiment illyrien et le 129e se rendent à Smolensk. Le régiment illyrien laissera le cadre d’un bataillon à Minsk, et le 129e un dépôt, pour recevoir les recrues polonaises. Donnez ordre que tous les bataillons et escadrons de marche, détachements d’artillerie, caissons d’ambulance, munitions de guerre, se dirigent sur Smo­lensk. Donnez ordre que tous les hommes disponibles des dépôts de Glogau, Küstrin, Stettin, Danzig, Varsovie, Thorn, Königsberg, et des dépôts de cavalerie de la Prusse, de Meretch, de Kovno, de Lepel, etc., montés, soient dirigés sur Smolensk.

 

Mojaïsk, 9 septembre 1812. (Cette lettre est tout entière de la main de l’Empereur.)

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Mojaïsk.

Faites faire la reconnaissance de la ville; tracer une route qui tourne le défilé.

Faites construire deux ponts sur la Moskova.

Écrivez au prince Eugène qu’il peut se rendre à Rouza et faire courir des partis sur Zvenigorod, réunir beaucoup de bestiaux et de vivres, et des nouvelles ;

Au prince d’Eckmühl, de faire occuper Borisov et ramasser des vivres et des nouvelles ;

Au duc d’Elchingen, de venir demain avec son corps à Mojaïsk, et laisser le duc d’Abrantès pour garder le champ de bataille.

 

 

Mojaïsk, 9 septembre 1812

 

Mon Amie. J’ai reçu ta lettre du 24. Le petit roi, après ce que tu me dis, est bien méchant. J’ai reçu son portrait la veille de la bataille de la Moskova. Je l’ai fait voir, toute l’armée l’a trouvé admirable, c’est un chef-d’œuvre. Je suis fort enrhumé d’avoir pris de la pluie à deux heures du matin pour visiter nos postes, mais j’espère en être quitte demain. Du reste ma santé est fort bonne. Tu peux donner, si tu le veux, les entrées au prince de Bénévent et à Rémusat,  il n’y a pas d’inconvénient. Tu les peux aussi donner à l’évêque de Nantes, s’il est à Paris. Adieu mon amie. Toput à toi

 

Nap

 

 

Mojaïsk, 10 septembre 1812

 

Ma bonne amie. Je reçois ta lettre du 25. Je suis fâché de te voir triste ; j’espère que tu m’apprendras demain que tu es mieux. Ton père n’a pas reçu de tes lettres. Écris-lui par un courrier. Il paraît que les postes d’Allemagne vont mal. Lavalette, à qui tu adresses ta lettre, la lui expédiera. Ma santé est bonne. Je suis cependant un peu enrhumé, mais cela va finir. Il fait ici très froid.

 

Nap.

 

 

Mojaïsk, 10 septembre 1812.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna

Monsieur le Duc de Bassano, l’on suppose que Wittgenstein a quitté la Drissa pour se porter entre Pétersbourg et Moscou. Si cela se vérifie, écrivez au maréchal Saint-Cyr de le poursuivre et d’ar­river en même temps que lui pour couvrir mon flanc. Dans ce cas, écrivez aussi au duc de Tarente qu’il a carte blanche pour faire le siège de Riga ou faire ce qu’il croira le plus utile à mon service.

Écrivez au prince de Schwarzenberg que l’ennemi a tout fait pour nous empêcher d’arriver à Moscou; qu’il fera tout pour nous en chasser ; que je suis certain que tout ce qui était à Mozyr et à Kiev se dirige sur Moscou; qu’il faut qu’il suive vivement le mouvement de l’ennemi et ne se laisse pas tromper; que, si l’ennemi qui est vis-à-vis de lui tombe sur moi, il doit le suivre et tomber sur lui. Cela est bien entendu. Expliquez-vous bien là-dessus. Désormais l’ennemi, frappé au cœur, ne s’occupe plus que du cœur et ne songe plus aux extrémités.

 

Mojaïsk, 10 septembre 1812.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Vilna

Monsieur le duc de Bassano, je vous ai écrit pour vous recom­mander d’approvisionner le corps de Saint-Cyr par Kovno, Vilna, Gloubokoïé et Vidzy. Je vous ai écrit pour que tous les convois d’ha­billement soient dirigés sur Smolensk. Je vous ai écrit pour que toute l’artillerie, les caissons chargés qui sont à Vilna et à Kovno, soient dirigés sur l’armée par tous les moyens possibles. Je vous ai écrit pour que les dépôts de cavalerie de Kovno, de Meretch, de Lepel, de Gloubokoïé, fassent partir pour Smolensk tous les hommes montés disponibles. Je vous ai écrit pour que l’on dirige de Vilna, de Kovno, etc., tous ceux qui sortent des hôpitaux de Lithuanie, bien armés et bien organisés, sur Smolensk. Je vous ai écrit pour que les neuf régiments de Lithuanie et les bataillons de chasseurs soient for­més; si je les avais, ils me serviraient contre les paysans de Russie. Rendez-moi compte de tout cela et entrez dans tous les détails.

 

Mojaïsk, 10 septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Mojaïsk.

Mon Cousin, ordonnée que l’on passe la revue des dépôts de cava­lerie de Lepel, de Gloubokoïé, de Minsk, de Borisof, de Meretch, de Kovno, et que l’on en fasse partir le plus d’hommes montés que l’on pourra. On prendra le cheval d’un côté, la selle de l’autre; les hommes seront pris en bon état. Ainsi l’on pressurera les dépôts, et l’on en fera partir, sans avoir égard aux régiments, tout ce qu’ils peuvent fournir. Les chevaux qui pourraient avoir besoin encore d’un mois de repos, on les laissera aux dépôts avec leur harnachement, et avec des hommes armés et en état, de sorte que dans un mois tout puisse partir. Les chevaux hors de service et non susceptibles de se rétablir, on les abattra. Le reste des hommes sera dirigé sur Varsovie avec les harnais, pour y être remontés et remis en état de partir par les soins du général Dutaillis, qui passera à cet effet des marchés, et qui correspondra avec les commandants des dépôts d’Elbing, de Glogau et de Berlin, afin d’en faire venir des hommes ou d’en tirer des chevaux selon les besoins.

 

Mojaïsk, 10 septembre 1S12.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Mojaïsk.

Mon Cousin, écrivez au général de l’artillerie qu’il se fasse rien brûler; que tout ce qu’il ne peut pas emporter doit être placé à deux lieues en arrière du champ de bataille, dans le couvent où je laisse l’hôpital. Le général d’artillerie réunira là l’artillerie prise à l’ennemi, celle démontée, y établira un atelier de réparations, y laissera une compagnie d’artillerie avec les moyens de tirer parti de quatre à six bouches à feu pour défendre la place. Il y aura là un commandant et une garnison de 1,000 hommes. On peut aussi réunir là les dépôts de cavalerie de l’armée et les chevaux fatigués ou blessés. Donnez les ordres en conséquence.

NAPOLÉON.

  1. S. Il y aura un officier du génie pour créneler et faire bien retrancher ce poste.

 

Mojaïsk, 10 septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Mojaïsk.

Mon Cousin, donnez ordre au général Dombrowski de rejoindre l’armée avec sa division, s’il ne voit aucun danger pour Minsk de la part de la garnison de Bobrouisk et du corps de Hertel, que l’on assure s’être porté sur la Grande Armée; qu’il amène avec lui le plus de munitions d’artillerie qu’il pourra.

NAPOLÉON.

  1. S. Écrivez au gouverneur de Minsk qu’il faut qu’il emploie les gardes nationales et les bataillons de garde-chasse pour protéger la province.

 

Mojaïsk, 10 septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Mojaïsk.

Mon Cousin, par l’état que m’a remis le général d’artillerie, je vois que, les quatre convois arrivés, il manquera pour remplacer les munitions consommées : trente caissons de 12, quatre-vingts de 6, vingt-quatre de 6 pouces 4 lignes et cinquante-deux de 5 pouces 6 lignes, total cent quatre-vingt-six caissons. Il faut ordonner que ces munitions, formant cent quatre-vingt-six caissons, soient les premières chargées pour ici. Je ne dois éprouver aucune diminution de pièces de canon; les pièces démontées doivent déjà être remises en état; celles qui auront les lumières évasées, on y mettra un grain à Moscou; il ne faut renvoyer que les pièces crevées.

 

Mojaïsk, 10 septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Mojaïsk.

Mon Cousin, nous avons bien besoin de fusils français ; il nous en faut à Vilna, à Minsk, à Smolensk et à l’abbaye qui est près du champ de bataille, pour armer les traineurs et, bien entendu, les blessés qui ont perdu les leurs. Il faudra 20,000 fusils dont «8

quatre endroits; faites-moi connaître ce que nous avons, arrivé et en route.

 

Mojaïsk, 10 septembre 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Mojaïsk.

Mon Cousin, faites connaître au maréchal Saint-Cyr les mesures que j’ai prises pour assurer ses subsistances; de son côté, il doit envoyer à Kovno prendre du riz, de l’eau-de-vie et du biscuit par toutes les voitures qu’il a. Dites-lui que le corps de Wittgenstein n’est pas de 20,000 hommes tout compris; qu’il est bien supérieur en forces, et que, s’il se concertait avec le duc de Tarente, il pourrait l’attaquer et le culbuter en le tournant.