Correspondance de Napoléon – Septembre 1806

Saint-Cloud, 4 septembre 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean , la conscription marche partout; avant un mois 20,000 hommes arriveront aux dépôts des armées de Naples, de Dalmatie et d’Italie. Ces hommes passeront-ils l’hiver sans draps et sans habits ? Je n’entends pas parler que rien arrive en Italie. Pour la facilité de l’administration, j’ai fixé des dépôts. Envoyez-moi toutes les semaines un rapport qui me tranquillise.

 

Saint-Cloud, 4 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je ne vois pas d’inconvénient à donner un congé de vingt jours au maréchal Ney pour assister aux couches de sa femmes. Il laissera ses chevaux, ses bagages et ses aides de camp à son quartier général; le plus ancien général de division de son corps en prendra le commandement.

Vous pouvez donner au maréchal Davout également un congé de vingt jours, aux mêmes conditions et sous les mêmes prétextes, s’il veut en profiter.

Le maréchal Lefebvre prendra le commandement du corps maréchal Mortier, qui reviendra prendre son service près de moi. Il laissera cependant ses chevaux et ses équipages à Munich ou à Augsbourg.

L’armée bavaroise me fournirait-elle 30,000 hommes ? Faites-moi connaître son état en détail. Toutes les nouvelles de Russie disent que les Russes veulent attaquer Constantinople et que cette guerre est très-populaire à Saint-Pétersbourg; cela est très-douteux. Faites-moi connaître les nouvelles qui vous arrivent sur cet objet. Dans quelques jours je vous accorderai aussi un congé; je sais que vous avez besoin de revenir à Paris, et je le désire autant que vous.

 

Saint-Cloud, 4 septembre 1806

DÉCISION

 Le maréchal Berthier demande la grâce des nommés Schoederer et Mereklay, condamnés à mort par une sentence dont il a suspendu l’exécution.   J’ai écrit au maréchal Berthier que je le laisse maître de faire ce qu’il voudra, et je trouve que la grâce qu’il demande est très à propos.

 

Saint-Cloud, 4 septembre 1806

A la princesse Elisa

Madame et très-chère Sœur, le projet de règlement pour les prisons de la principauté de Lucques que vous m’avez adressé est conforme aux principes d’humanité, de justice et d’économie dont il était susceptible, et je ne puis que l’approuver. Il est convenable cependant de mettre une différence entre les personnes condamnées et celles qui sont seulement en jugement. Avant que la loi ait prononcé sur le sort d’un prévenu, il ne doit être assujetti d’autres privations que celle de sa liberté. Je pense encore que l’on risque beaucoup à écarter des prisons toute force armée. Les complots ne manquent jamais parmi les condamnés dès qu’ils entrevoient la possibilité de s’évader.

 

Saint-Cloud, 4 septembre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j’ai vu, par les états de revues des dépôts de l’armée de Dalmatie que vous m’avez envoyés, qu’ils ont encore beaucoup d’hommes habillés en bourgeois. Faites disparaître au plus tôt cette inconvenance, et faites faire aux conscrits des vestes et des culottes, soit sur les fonds du royaume d’Italie, soit sur des fonds extraordinaires. Il vous en manque pour 2 ou 300 hommes. En général, il serait bon que vous eussiez en magasin des vestes et des culottes pour un millier d’hommes, pour pourvoir aux cas extraordinaires. Le ministre de la guerre d’Italie peut faire porter cette dépense, qui est peu de chose, sur son ministère; mais il ne faut pas souffrir qu’aucun soldat reste en habits bourgeois.

En lisant cette revue, qui est très-bien faite, je vois que les majors, les chefs de bataillon, les chefs ouvriers, les cadres des 3e, 4e bataillons de plusieurs régiments de l’armée de Dalmatie ne sont pas encore arrivés en Italie; s’ils ne le sont pas le 15 septembre, il faudra me présenter un projet de décret pour que les draps soient envoyés à Trévise ou à Vicence dans un des dépôts où doivent se réunir les conscrits, et prendre des mesures pour y envoyer quelques officiers, sous la surveillance immédiate du chef de l’état-major pour veiller à la confection des habits et à leur distribution aux conscrits qui ne tarderont pas à arriver. Jugez de l’embarras où vous vous trouveriez si vous aviez 20,000 hommes sans moyen de les habiller. Mon intention est qu’on ne fasse pas la faute de l’année passée, où l’on a perdu tant d’hommes pour leur avoir fait continuer la route d’Istrie et de Dalmatie, de la Bretagne et du Nord d’où ils venaient. Je veux les retenir l’hiver et l’été aux 3e bataillons, jusqu’à ce qu’ils soient à l’école de bataillon, que la maladie du pays soit passée, qu’ils soient soldats, et qu’ils aient oublié les fatigues à route.

Investissez le général Charpentier des pouvoirs nécessaires pour passer une nouvelle revue au ler octobre, soit des dépôts de l’armée de Naples, soit de ceux de l’armée de Dalmatie, soit des régiments qui sont dans le Frioul, infanterie et cavalerie, afin de les débarrasser de tout ce qui est inutile au service et d’avoir bien présente la situation des corps.

Je vois, dans la revue des corps du Frioul, que le 35e a 108 hommes en habits bourgeois, et que le 92e en a 19. Comment cela a-t-il lieu ? Quand un conscrit arrive au corps, on lui donne une première mise de 42 francs, qui sert à lui faire faire une veste et une culotte, des souliers , etc. Donnez sur-le-champ des ordres sur cet objet. Cette négligence est d’autant moins pardonnable que le 35e a des draps en magasin.

 

Saint-Cloud, 4 septembre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, il parait que la première brigade qui a passé à Ancône a laissé 150 malades; la seconde en laissera autant. Voilà donc 300 malades. Si on laisse ces 300 malades suivre la routine des commissaires des guerres, la moitié périra en route. On les mettra en chemin pour Naples à peine sortis des hôpitaux; il y en aura d’assassinés, d’autres seront exposés à la fatigue de la route sans être rétablis. Faites établir un hôpital de convalescence ou dépôt à Ancône, où ils séjourneront une vingtaine de jours, où ils seront bien habillés et équipés, et d’où on les fera partir par détachements d’une centaine sous la conduite d’un officier, en les annonçant à l’état-major de l’armée de Naples. Faites sentir à Lemarois l’importance de cette mesure, qui peut épargner la vie à tant de braves gens.

 

Saint-Cloud, 4 septembre 1806

Au roi de Naples

J’ai reçu votre lettre du 26 août. Prenez Roederer puisqu’il a votre confiance. La demande de M. Collin était ridicule, et quant à celle de l’abbé Louis, s’il avait voulu partir, je ne m’y serais pas opposé. Si vous voulez quelqu’un des douanes, il y a des seconds de M. Collin qu’on pourrait vous envoyer.

 

Saint-Cloud, 5 septembre 1806

Au général Dejean

Sa Majesté a remarqué, Monsieur, dans la feuille des petites affiches ci-jointe, la demande que fait un officier supérieur d’artillerie pour assurer, après lui, quelques moyens de subsistance à ses trois enfants et à leur mère.

Sa Majesté désire que vous fassiez prendre des informations sur cet officier, et que vous voyiez s’il serait possible de lui accorder l’emploi dont il a vraisemblablement un très-grand besoin , puisqu’il se détermine à employer une telle voie pour le solliciter de la pitié publique.

 

Saint-Cloud, 5 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, les nouvelles circonstances de l’Europe me portent à penser sérieusement à la situation de mes armées. J’ai déjà levé 50,000 hommes de la conscription de 1806, qui s’opère avec facilité, et ils sont en marche. Mon intention est de faire marcher, sous peu de jours, les 30,000 hommes de la réserve.

Les six régiments du maréchal Bernadotte ont chacun trois bataillons. Donnez ordre qu’ils renvoient à leurs dépôts les cadres des 3e bataillons avec les majors, après avoir complété les deux premiers bataillons à 140 hommes par compagnie. L’existence de ces cadres est nécessaire pour recevoir les nouveaux conscrits que je vais lever.

Donnez le même ordre au maréchal Augereau , mon intention étant que tous les régiments aient au moins un bataillon en France, le 3e pour ceux qui ont trois bataillons, et le 4e pour ceux qui en ont quatre.

Veillez, avec toute l’attention dont vous êtes capable, à ce que les cadres des 3e ou 4e bataillons, les majors et les 3e ou 4e chefs de bataillon quittent la Grande Armée pour se rendre dans l’intérieur.

Il faut faire la même opération pour la cavalerie. Faites former tous les régiments de l’armée à trois escadrons, et envoyez aux dépôts les cadres des 4e escadrons, afin que l’on ait le moyen de lever les chevaux. J’avais donné l’ordre de faire rester à Strasbourg et à Mayence tout ce qui y était; levez cet ordre, et faites venir corps non-seulement le personnel, mais même le matériel.

Causez avec le roi de Bavière, et faites-lui sentir de quelle importance il est qu’il ne soit pas exposé à une agression de la Prusse ou de la Russie, et que l’armée ne quitte pas l’Allemagne que tout ne soit pacifié. Le pays de Würzburg a été le plus ménagé ; il n’y a pas de mal d’y mettre des troupes pour soulager un peu la Bavière. Je vais lever les prohibitions, et faire passer à l’armée tout ce qui est possible et tout ce qui se trouve dans l’intérieur. Donnez ordre au 21e régiment d’infanterie légère, de la division Gazan , qui est à Düsseldorf, de rejoindre cette division, seulement les deux premiers bataillons; le 3e restera à Wesel. Les 100e et 103e ont, je crois, 2,800 hommes à l’armée; il faut garder les trois bataillons en les organisant à huit compagnies, et renvoyer les cadres de trois compagnies au dépôt; car 2,800 hommes ne peuvent être formés en deux bataillons.

Faites rédiger et envoyez-moi l’état de situation générale de la Grande Armée.

 

Saint-Cloud, 5 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, envoyez des officiers du génie faire de bonnes reconnaissances, à tout hasard, sur les débouchés des chemins qui conduisent de Bamberg à Berlin. Huit jours après que j’en aurai donné l’ordre, il faut que toutes mes armées, soit celle de Francfort, soit celle de Passau, soit celle de Memmingen, soient réunies à Bamberg et dans la principauté de Bayreuth. Envoyez-moi l’itinéraire que chacune suivrait, et la nature des chemins. J’imagine que le maréchal Soult passerait par Straubing, le maréchal Ney par Donauwoerth et le maréchal Augereau par Würzburg. Je conçois qu’en huit jours tous mes corps d’armée se trouveraient réunis au delà de Kronach. Or, de ce point, frontière de Bamberg, j’estime dix jours de marche vers Berlin.

Dites-moi quelle est la nature du pays de droite et de gauche, celle des chemins et des obstacles que l’ennemi pourrait présenter. Qu’est-ce que la rivière de Saale et celle d’Elster, à Gera ? Qu’est-ce que la rivière de la Luppe et celle de Pleisse, vis-à-vis Leipzig ? Ensuite qu’est-ce que la Mulde à Düben et de là jusqu’à son embouchure dans l’Elbe, au-dessous de Dessau ? Enfin qu’est-ce que l’Elbe qu’on passe à Wittenberg ? quelle est cette rivière pendant un cours de trente à trente-cinq lieues en descendant depuis les frontières de la Bohème; quels sont les ponts qui la traversent ? Comment sont fortifiées les villes de Dresde, Torgau, Magdeburg ? Vous pouvez d’abord causer sérieusement de tous ces objets avec quelque officier bavarois qui connaisse bien le pays. Vous ferez ramasser les meilleures cartes qui pourront se trouver à Munich et à Dresde.

Vous enverrez des officiers intelligents à Dresde et à Berlin par des routes différentes; ils iraient demander, de votre part, à MM. Laforest et Durand ce que signifient les mouvements et rassemblements des troupes prussiennes; ils diraient que vous paraissez très-inquiet de tous ces mouvements, n’ayant point reçu de Paris d’ordres relatifs, et que vous ignorez les plans qu’on peut avoir. Celui qui irait à Dresde, dans le cas où il n’apprendrait rien, se rendrait à Berlin aussi. Ils s’arrêteraient partout en route pour déjeuner, dîner dormir, ne marcheraient point de nuit et étudieraient bien par ce moyen le local. Donnez-moi aussi des détails sur la Sprée. Je n’ai pas besoin de dire qu’il faut la plus grande prudence pour acquérir ces renseignements, car je n’ai aucun projet sur Berlin; je désire être fourni de ces détails uniquement pour être en mesure. J’imagine qu’entre Bamberg et Berlin il n’y a de forteresse que Magdeburg. Je pense aussi qu’on trouvera de quoi vivre dans le pays de Bamberg. Il sera facile d’approvisionner Würzburg. Il doit exister de petites forteresses appartenant soit à Würzburg, soit à la Bavière, qu’il serait bon d’occuper d’avance; faites-les-moi connaître.

 

Saint-Cloud, 7 septembre 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, faites-moi connaître si notre ambassadeur près la cour d’Étrurie est parti. J’ai besoin d’avoir quelqu’un à Florence; on s’y conduit on ne peut pas plus mal; to Piémontais mécontents s’y réunissent; le nonce, qui est Piémontais, s’y comporte très-mal. C’est un foyer d’intrigues. Faites remettre une note pour demander que le nonce, qui est mon sujet, soit renvoyé de Florence et n’y soit plus employé, que les assemblées religieuses soient dissoutes et les émigrés piémontais contenus. A propos d’émigrés piémontais, faites faire un état de ceux qui se trouvent en Toscane, sur lequel on notera ceux qui entretiennent des correspondances en Piémont et ceux qui y ont des biens. Il est temps, enfin de mettre un terme à ces menées.

 

Saint-Cloud, 7 septembre 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, j’approuve le fort A-B-C-D, situé à Boulogne, en avant des fronts de la tour d’Ordre.

Les deux redoutes dans l’ouvrage 11, sur les hauteurs d’Outreau, me répugnent en fortification permanente. Il faut donner un peu de  consistance à cet ouvrage.

Quant à l’idée d’étendre davantage la défense , ce n’est pas du tout mon intention. Les mortiers à la Gomer vont, à 1,600 toises, ceux à grande portée à 2,200 toises; si on voulait donc, dans tous les pays, et surtout dans un pays coupé, empêcher l’ennemi de tracer un ravelin pour y placer dix mortiers à 1,500 toises des ennemis, il faudrait fortifier une enceinte de 9,000 toises; mais je sais bien aussi que, lorsque le bombardement a lieu à une distance de plus de 600 toises, il fait du mal, mais il ne détruit rien. Dans la position où est la flottille, je n’ai pas seulement à craindre qu’on vienne bombarder, mais encore qu’on vienne brûler à la main et que tous mes magasins soient pris et mes équipages faits prisonniers.

Si je devais tant craindre les bombes jetées à 1,000 on 1,500 toises, qui empêcherait l’ennemi de construire de lourdes bombardes et de venir les placer à 300 toises du fort en bois ? Il se trouverait à moins de 1,500 toises du fond du port, mais il n’y gagnerait ni d’une manière ni de l’autre; ce que l’on ferait de si loin n’aboutirait à rien; on tuerait des femmes, on ferait crouler quelques maisons ou couler quelques chaloupes canonnières. Si l’ennemi était maître de la campagne et s’amusait ainsi, il serait bien maladroit, puisqu’avec les moyens qu’il mettrait à bombarder il s’emparerait des hauteurs et entrerait même dans la ville. Que l’ennemi ne s’occupe pas de la ligne d’ouvrages en terre, et je suis satisfait. Il est tout simple ensuite qu’en traçant plusieurs ouvrages on occupe des hauteurs sur lesquelles il faut que l’ennemi s’établisse pour arriver à attaquer les retranchements en terre. Au milieu de ces forts, la garnison de Boulogne peut manœuvrer et faire bien du mal à l’ennemi, car, en dernière analyse, Boulogne est un camp retranché.

Quant à l’idée que l’ennemi viendrait se placer à Outreau, ce serait à souhaiter, car le terrain ne permet pas d’y développer plus de 6 ou 8,000 hommes. Si l’ennemi n’avait pas pris les forts, il engagerait un combat sous les feux directs et de flanc de quarante à cinquante pièces de gros canon , dans la position la plus désavantageuse, serait mis en pleine déroute et aurait peine à regagner ses vaisseaux.

On ne voit point que Boulogne est un camp retranché; il n’est donc plus question de 3,000 hommes qui doivent en contenir 60,000, mais de 20,000 hommes qui doivent se défendre contre 40 à 50,000, inquiétés de tous côtés par les mouvements de l’intérieur, et dès lors nécessairement obligés de pousser des avant-gardes, afin d’avoir le temps de voir venir l’ennemi et d’assurer leur position sur les derrières. Si donc l’ennemi fait tant que d’entreprendre une opération si importante, il sera mal conseillé s’il ne s’empare pas , après huit jours de canonnade, des ouvrages A, B, ou bien s’il n’emporte pas également les forts des hauteurs d’Ostrehove ou de la tour d’Ordre, dans le cas où il attaquerait de ces côtés. Quelque nombreux que soit l’ennemi, il n’engagera jamais un combat contre une garnison aussi forte, dans des positions qui lui seront désavantageuses. D’ailleurs peut-être peut-il convenir d’occuper non-seulement les hauteurs du Renard, mais même le mont Lambert; mais l’intérêt de ces positions, qui tendent à éloigner les mouvements l’ennemi , à maintenir les communications de Boulogne avec l’intérieur, n’est point tel qu’elles doivent passer avant le strict nécessaire. S’il y avait à Boulogne une ligne magistrale quelconque , je n’hésiterais pas à occuper la position C. Mais, sans ligne magistrale, je préfère commencer cette année par faire des ouvrages de fortification permanente pour appuyer la gauche de ma ligne. Je voudrais que ces ouvrages flanquassent toute la ligne, de manière qu’ils rendissent plus fort l’ouvrage 12 et 13. Enfin il devient important de s’occuper de la position d’Ostrehove.

 

Saint-Cloud, 7 septembre 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean , les projets du premier inspecteur du génie sur Anvers me paraissent bien entendus; mais, par les mêmes observations que le premier inspecteur fait à la fin de son mémoire, il faut porter une grande économie dans les travaux d’Anvers. Ce n’est pas une place de dépôt que je veux y faire. Si l’ennemi vient du Rhin, je dois concentrer mes moyens et mes grands obstacles sur Wesel, Maëstricht; si l’ennemi vient par la Hollande, toutes les places de Hollande nous gardent; si l’ennemi vient par la mer, Nieuport, Ostende et Flessingue sont nos barrières. Mais aussi l’importance que j’attache à Anvers ne vient, à mes yeux, que de son chantier. J’ai rempli mon but lorsque je l’ai véritablement mis à l’abri d’un coup de main.

Pour mettre Anvers à l’abri d’un coup de main, il parait qu’il faut d’abord nettoyer tous les fossés, et en même temps raccommoder tous les ouvrages en terre qui couvrent l’enceinte de la place. J’imagine que dans ce moment ils doivent être palissadés et fraisés, opération qu’on a dû faire au commencement de cette année. Il faut :

l° Curer les fossés . . . . . . . . . . . . . . 150,000 fi
2° Revêtir l’escarpe depuis la porte de Malines jusqu’à la citadelle . . … . 300,000

Je désirerais savoir si , au lieu de dépenser  300,000 francs à revêtir le corps de place depuis la porte de Malines jusqu’à la citadelle, il ne serait pas préférable, dans le cas où les fossés seraient profonds et qu’on put toujours y maintenir de l’eau,  de construire la lunette E, qui ne coûterait pas davantage, mettrait toute cette partie à l’abri d’un coup de main, et servirait nième pour un siège.

3° Revêtir la contrescarpe du front de Lillo coté 3 et 7. . . . . . . .  . . . . . . 150,000

4° Faire le pont des Béguines . . . . . . . . . 60,000
660,000

La Tète de Flandre parait de première nécessité, ainsi qu’un ouvrage quelconque vis-à-vis les chantiers. Est-il nécessaire de revêtir ces ouvrages ? Cela dépend du plus ou moins de facilité d’inonder toute cette partie. En mettant 300,000 francs pour les ouvrages de la rive gauche, ci . . . . . . . . . 300,000
cela ferait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 960,000
qu’il serait nécessaire de dépenser à Anvers.

Ces ouvrages-là faits, on aurait le temps de s’occuper de ceux que propose le premier inspecteur, lunettes et ouvrages à cornes; mais il faut le nécessaire avant le superflu, et même ce million doit être dépensé de manière que, dès la fin de cette année, on ait un résultat. Ainsi le curement des fossés en sera un. Lorsqu’on revêtira le front de Lillo, on aura soin de commencer par les points saillants, dès cette année, s’il est possible. En revêtissant les fronts depuis la porte de Malines jusqu’à la citadelle, on revêtira ainsi les points saillants. Cette disposition d’ateliers donnera un résultat avant que toute la somme destinée à ces travaux soit dépensée.

A la Tête-de-Flandre, on commencera également par revêtir les bastions.

En me présentant un projet sur Anvers, je désire que vous me fassiez un petit mémoire qui me mette sous les yeux la situation de la place. L’inondation a-t-elle lieu sur la rive gauche ? Sans elle, les petits ouvrages projetés sur cette rive ne seraient d’aucune défense. Jusqu’à quel point l’inondation peut-elle protéger les différents fronts de la ville ? J’ai dans l’idée que tout le front de Lillo est susceptible d’une grande inondation : si cela était, comment serait-il urgent de dépenser 150,000 francs à sa contrescarpe ? Si, au contraire, il ne peut pas être inondé, ce front me parait être extrêmement faible.

Peut-il y avoir de l’eau dans tous les fossés de la place ? Les batardeaux et les jeux des eaux sont-ils en bon état ?

Je désire que vous puissiez me présenter un mémoire avec un projet mercredi prochain. Vous me feriez aussi connaître la situation actuelle du palissadement et de l’armement. On a pris beaucoup de bois à la marine : je suppose qu’on les a employés à palissader.

Il est une chose bien importante, c’est que l’artillerie de campagne puisse aller au trot sur le rempart, et, autant que je puis m’en souvenir, il y a quelques empêchements.

Lorsqu’on dit qu’Anvers doit être à l’abri d’un coup de main, cela veut dire qu’il doit l’être avec très-peu de monde. Je veux que 4,000 hommes rendent inutiles les efforts de 50,000 hommes, si l’armée ennemie n’est abondamment approvisionnée et pourvue d’un bon équipage de siège. Or un tel but ne peut se remplir qu’avec des communications très-faciles.

Je désire que vous fassiez faire, par l’artillerie et le génie réuni un projet pour l’armement de la place d’Anvers , et que vous m’en présentiez la situation actuelle. Il y a dans la citadelle des magasins à poudre et des souterrains. Faites-moi connaître ce qu’ils peuvent contenir de poudre, ce que sont les magasins d’artillerie et les autres établissements militaires. Si la terre n’a pas de manutention j’imagine que la marine en a une. La marine va relever les bâtiments de la citadelle. Si, en temps de guerre, on faisait entrer à Anvers un supplément de garnison, on ne manquerait pas de locaux pour le loger.

L’ennemi ne peut être vraiment attiré sur Anvers qu’à cause des établissements de la marine; dans un cas aussi imprévu, la marine fournirait plus de la moitié de la garnison et un grand supplément de bois, de fer et d’objets de toute espèce.

Le projet de la citadelle est trop cher pour être exécuté de suite;  je trouve aussi qu’il n’éloigne pas assez l’ennemi des chantiers.

Le long de la rivière, les fortifications ne débordent les chantiers actuels que de 200 toises; du côté de la rive gauche, je suppose que l’inondation et l’ouvrage qu’on y fera éloigneront suffisamment l’ennemi; d’ailleurs, sans supposer l’inondation, le fleuve seul a une largeur de 200 toises.

L’ennemi ne peut pas approcher des autres côtés à plus de 600 toises, puisque les fortifications débordent de plus de 400 toises. Je voudrais donc qu’un petit ouvrage quelconque donnât le même avantage aux fronts de la citadelle sur le haut Escaut, c’est-à-dire  que, de la porte de fer, où finissent les chantiers, jusqu’à la batterie la plus avancée que nous aurions de ce côté, il y eût 400 toises de distance; ce qui ferait que l’ennemi serait aussi éloigné de ce côté ,que des autres. Je sais bien qu’il ne suffit pas d’éloigner les batteries ennemies de 600 toises; mais toujours vaut-il mieux les voir à cette distance qu’à 200 toises; le tir est infiniment plus incertain; on est plus à l’abri de tous les moyens de campagne.

Comme la marine désire avoir son arsenal fermé de ce côté, il faudrait faire un projet de mur qui le ferme. Peut-être faudrait-il que cette muraille fût enfilée de la demi-lune, afin qu’elle ne gênât pas la citadelle et qu’elle ne pût être forcée pendant tout le temps que l’ouvrage M N ne serait pas construit.

En supposant un million de dépensé, et les travaux qu’on vient d’indiquer étant terminés, quel est l’emploi à faire du second million? Quel serait l’emploi du troisième million ?

 

Saint-Cloud, 7 septembre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j’approuve beaucoup que vous ayez mis en réquisition deux bataillons de la garde nationale de Mantoue pour garder la place. Cette mesure est bonne dans les circonstances actuelles. Ce sont des gens accoutumés au climat, qui ne tomberont point malades et qui soulageront le soldat; si l’on pouvait avoir des hommes acclimatés à Mantoue parmi les militaires qui ont des pensions de retraite ou de réforme, on en formerait un bataillon dont on serait sûr, parce qu’on serait sûr des chefs, et cela nous épargnerait des troupes. Je n’approuve pas que vous fassiez revenir des officiers et sous-officiers qui sont en France : pourquoi faire venir des hommes de si loin ? Un ordre est bientôt donné; mais on ne pense pas à toutes les peines qu’il en coûte pour l’exécuter. Il vaut mieux que vous formiez des 3e bataillons en Italie. Il doit y avoir beaucoup de Vénitiens qui désirent entrer au service. Vous aurez ainsi sept bataillons de réserve, et les dépenses ne seront pas plus fortes, puisque vous n’avez plus à votre solde les Polonais à cheval et à pied. Voici le décret que j’ai pris sur cet objet. Par ce moyen, l’armée italienne aura sept régiments à trois bataillons; ce qui fera 21,000 hommes sur le pied de guerre, et 15 ou 16, 000 hommes sur le pied de paix.

 

Saint-Cloud, 8 septembre 1806

Au roi de Wurtemberg

Monsieur mon Frère, empressé de saisir toutes les occasions qui se présentent de donner à Votre Majesté des témoignages de l’amitié qui m’unit à elle et du vif intérêt que je porte à tous les princes de sa famille, j’avais eu le dessein de faire assigner au prince Ferdinand, frère de Votre Majesté, l’abbaye de Wiblingen, qu’il aurait possédée à titre d’apanage reversible à la couronne de Wurtemberg. Je voyais dans cet arrangement un moyen d’offrir au prince Ferdinand une indemnité complète des pertes qu’il a personnellement éprouvées par la cession du pays de Montbéliard à la France, sans que cette indemnité fût à la charge du royaume de Wurtemberg. Je n’ai point hésité, néanmoins, à sacrifier ce projet au désir que Votre Majesté a manifesté de réunir immédiatement à ses domaines l’abbaye de Wiblingen ; et il ne me reste que le regret de n’avoir pas pu faire une chose que je savais être agréable au frère de Votre Majesté.

Dans l’impossibilité où je me trouve aujourd’hui de rendre au prince Ferdinand les avantages dont il se voit privé, je ne puis mieux faire que de recommander ses intérêts à votre bienveillance. J’ai conçu pour lui trop d’estime pour ne pas prendre part à ce qui pourrait lui arriver d’heureux, et j’apprendrais avec une vive satisfaction que Votre Majesté l’eût établi dans une situation digne du rang où sa naissance l’a placé, et qui l’indemnisât des pertes qu’il a faites.

 

Saint-Cloud, 8 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Le chef d’état-major de l’armée de Naples, votre frère, fait beaucoup de sottises et correspond, sans prendre les ordres du roi , qui est le général de l’armée, avec Sidney Smith. Faites-lui sentir combien se livrer est inconséquent. Il arrive de là qu’il se fait dire des sottises par Sidney Smith, dont vous connaissez le caractère et qui profite de cela pour envoyer bon nombre de libelles.

 

Saint-Cloud, 8 septembre 1806

Au vice-amiral Decrès

Il serait bien urgent d’activer les constructions de Toulon et d’avoir l’Austerlitz avant le mois d’avril. Faites-moi connaître quand le Robuste sera mis à l’eau, ainsi que l’Alcide; quand la Calypso sera mise à l’eau à Lorient; quand le Tonnant sera mis à l’eau à Rochefort. Il parait que la Pénélope est prèle à Bordeaux; faites-la mettre à l’eau sur-le-champ.

Je vous envoie quelques idées sur la campagne, sur lesquelles je serai bien aise de causer demain avec vous, si vous venez à mon lever.

PLAN DE CAMPAGNE MARITIME POUR CETTE ANNÉE

Les 6 vaisseaux de Rochefort, les 2 vaisseaux et les 2 frégates qui sont à Lorient se rendant à Rochefort, ainsi que les 4 frégates qui sont à Bordeaux et au Passage, nous aurions donc réunis à Rochefort 8 vaisseaux de ligne et 11 frégates, plus le Calcutta; ce qui pourrait porter 9,000 hommes de débarquement. Cette escadre embarquerait 8 à 9,000 hommes, s’emparerait de la baie de Tous-les-Saints et de la partie du Brésil qui se trouve à portée, renouvellerait là ses vivres et y laisserait une partie de ses frégates.

Les 5 vaisseaux et les frégates qui sont à Cadix partiraient également et se rendraient à la baie de Tous-les-Saints.

Mes 4 vaisseaux de Brest se rendraient également à la baie de Tous-les-Saints.

Du moment que ces deux dernières escadres auraient opéré leur jonction avec la première, ce qui la porterait à 17 vaisseaux de ligne, ou si une seulement se réunissait à la première, ce qui la porterait à 12 ou 13 vaisseaux, elle rentrerait dans la Méditerranée, se présenterait devant Naples, où elle serait jointe sur-le-champ par les 5 vaisseaux que j’ai à Toulon, et opérerait la descente en Sicile.

On suppose que cette escadre de Rochefort pourrait partir à la fin d’octobre ou au commencement de novembre; elle serait arrivée en janvier, et de retour en mars ou en avril.

Si l’escadre de Willaumez, avant cette époque, rentrait à Rochefort ou à Lorient, on pourrait alors porter l’escadre de Rochefort à 12 vaisseaux et augmenter d’un ou deux mille hommes l’expédition.

Comme, au mois de mars, tous les mouvements pour la descente en Angleterre seraient faits, et que, deux mois après le départ de l’expédition, on se mettrait en mouvement pour l’expédition de Portugal, qui aurait lieu en avril, l’attention de l’Angleterre serait partagée de tous côtés. 60,000 Espagnols et Français marcheraient sur Lisbonne. Les Anglais apprendraient que 12,000 Français se sont emparés de la baie de Tous-les-Saints; ils penseraient qu’on veut s’emparer de Rio-Janeiro et du Brésil, et leur armée s’y porterait.

L’armée de Naples, refaite pendant l’hiver, affermie dans le fond de la botte, serait prête pour l’expédition de Sicile.

Ce qu’il y a de certain dans ce projet, c’est la situation politique, militaire et administrative de la baie de Tous-les-Saints, l’abondance des vivres de toute espèce, la certitude de sen emparer avec 4 6,000 hommes, la presque impossibilité d’en être chassé avec 12,000 hommes, la probabilité même de s’emparer de toutes les colonies voisines.

Il serait possible de détacher à certaines latitudes 4 frégates avec 1,000 à 1,200 hommes pour Cayenne, pour, avec les moyens du pays, s’emparer de Para et des colonies de la rivière des Amazones. Dans tous les cas, on concentrerait toutes les forces à la baie de Tous-les-Saints. Il est certain que c’est le point le plus important du Brésil, parce que c’est celui qui est l’échelle naturelle de l’Inde.

 

Saint-Cloud, 8 septembre 1806

Au vice-amiral Decrès

Ne perdez pas un moment à expédier un courrier au contre-amiral Allemand, pour lui faire connaître qu’il ait ses 5 vaisseaux prêt appareiller. Jérôme m’a dit que l’amiral Willaumez lui a répété plusieurs fois que son dessein était de donner de nuit dans le Pertuis. Faites part de ce renseignement au contre-amiral Allemand, pour que toutes les précautions soient prises pour reconnaître les vaisseaux de Willaumez. Le contre-amiral Allemand est autorisé à appareiller, si jamais l’ennemi disparaissait de manière à faire conjecturer qu’il se met à la poursuite de Willaumez. Je regrette beaucoup que le Jemmapes soit dans le port; il serait bien plus à propos de désarmer deux frégates de Bordeaux et d’avoir ce sixième vaisseau en rade jusqu’à la rentrée de Willaumez.

 

 Saint-Cloud, 8 septembre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je vous laisse maître de déterminer, comme vous le jugerez convenable, l’affaire de Romagnoli. Si c’est le sieur Pozzi qui a arrêté Maret et Semonville, il a commis un crime contre le droit des gens et l’honneur de la nation; si cela est, dis-je, il faut le faire arrêter et l’envoyer à Fenestrelle.

 

Saint-Cloud, 8 septembre 1806

Au roi de Naples

Je vois avec une extrême surprise que le chef d’état-major, ou tout autre officier dans l’armée, ose correspondre avec l’ennemi sans votre autorisation. C’est une chose étrange. Le général César Berthier ignore donc le premier devoir de son métier ? La réponse de Sidney Smith est impertinente, comme tout ce qui vient de cet officier. Vous auriez dû mettre huit jours aux arrêts le général Berthier, et, à la première récidive, le destituer. J’écris à son frère pour lui témoigner combien je suis mécontent de sa conduite.

Défendez de parlementer; ce sont des moyens dont nos ennemis se sont toujours servis contre nous.

 

Saint-Cloud, 9 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je remarque sur l’état de situation de la Grande Armée, en date du 1er août (je n’ai pas celui du 1er septembre), que tous les régiments de cavalerie ont plus de chevaux que d’hommes; cependant il existe encore beaucoup d’hommes aux dépôts : donnez des ordres pour qu’on fasse rentrer aux régiments assez d’hommes, non-seulement pour que tous les chevaux soient employés, mais encore pour qu’il y ait une cinquantaine d’hommes par régiment pour remplacer les premiers blessés ou malades.

Si je faisais la guerre contre la Prusse, ma ligne d’opération serait Strasbourg, Mannheim, Mayence et Würzburg où j’ai une place forte; de sorte que mes convois, le quatrième jour de leur départ de Mannheim ou de Mayence, seraient en sûreté à Würzburg. Je voudrais, à quatre journées de Würzburg, sur le territoire bavarois, avoir une petite place qui puisse me servir de dépôt. J’ignore quelle forces peuvent avoir les petites places de Kronach, Lichtenfels, Schesslitz.

Forchheim serait dix lieues trop bas; cependant il faudrait s’en servir si l’on ne pouvait s’établir ailleurs.

Faites reconnaître la place de Koenigshofen dans le pays de Würzburg, au delà de Schweinfurt; je crois que Bamberg ne conviendra pas. Faites reconnaître le Mein depuis Würzburg jusqu’aux frontières du pays de Bayreuth, d’où il sort. Faites aussi reconnaître le haut Palatinat jusqu’aux frontières de la Saxe; voyez s’il s’y trouve un place où mes convois puissent se rendre depuis le Rhin, et qui puissent servir de point d’appui à mes opérations. Faites reconnaître la Naab et faites faire un grand croquis de cette rivière; dans un cas de guerre, elle peut devenir très-importante. Je ne crois pas qu’il y a de places fortes sur cette rivière, mais faites-moi connaître ce qui en est. Dans tous les cas, la place de Forchheim ne doit pas être négligée. Concertez-vous avec le roi de Bavière pour qu’il y mette un commandant avec des munitions de guerre et de bouche. Il serait bien de recommander à chacun la plus grande circonspection, et surtout d’être bien avec les Prussiens et de maintenir avec eux la bonne intelligence; mais il n’y aura pas de mal d’annoncer qu’outre les 50,000 hommes qui viennent d’être levés, je demande encore cent nouveaux mille hommes. Faites observer Gotha, Naumburg et Leipzig comme fortifications, et dites-moi quelles places on pourra trouver à l’abri d’un coup de main, entre Bamberg et Berlin, et qui pourraient servir de centre aux positions de l’armée. Vous sentez combien il faut d’adresse pour cela. Faites voir aux officiers du génie combien j’attachais d’importance à Braunau, et combien j’en ai attaché à Augsbourg. Ainsi il faut que ces reconnaissances soient faite avec le plus grand soin et confiées à des officiers de mérite.

 

Saint-Cloud, 10 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, les mouvements de la Prusse continuent à être fort extraordinaires. Ils veulent recevoir une leçon. Je fais partir demain mes chevaux, et dans peu de jours ma Garde. Ils partent sous le prétexte de la diète de Francfort. Toutefois il faut bien du temps avant que tout cela arrive. Tâchez donc de vous procurer quelques chevaux pour moi; vous ne m’avez pas répondu sur ce que le roi de Bavière pourrait me prêter, si j’en avais besoin. Si les nouvelles continuent à faire croire que la Prusse a perdu la tête, je me rendrai droit à Würzburg ou à Bamberg. J’imagine que, dans quatre ou cinq jours, le quartier général, vos chevaux et vos bagages seraient rendus à Bamberg. Faites-moi connaître si je me trompe dans ce calcul. En causant avec le roi de Bavière, dites-lui très-secrètement que, si je me brouillais avec la Prusse, ce que je ne crois pas, mais que, si jamais elle en fait la folie, il y gagnera Bayreuth. J’imagine que Braunau est toujours approvisionné et en état de défense. Peut-être serait-il convenable que la Bavière fit approvisionner le château de Passau, quoique l’Autriche dise, proteste qu’elle veut rester tranquille. M. de Knobelsdorf me fait toutes protestations; mais je n’en vois pas moins continuer les armements de la Prusse, et, en vérité, je ne sais ce qu’ils veulent.

J’ai ordonné au 28e régiment d’infanterie légère , qui est à Boulogne, et au bataillon d’élite qui est à Neufchâtel, de se rendre à Mayence. Il n’y aura donc plus rien à Neufchâtel. J’ai ordonné au roi de Hollande de former un camp de 25,000 hommes à Utrecht. Si les nouvelles que je reçois continuent à être les mêmes, je compte faire partir vendredi une avant-garde d’un millier de chevaux de ma Garde, et, huit jours après, le reste. Ainsi j’aurai 3,000 chevaux, 6,000 hommes d’infanterie d’élite et trente-six pièces de canon.

Je vous ai écrit pour avoir l’œil sur la citadelle de Würzburg et toutes les petites citadelles environnantes.

Combien faudrait-il de jours pour que le parc d’artillerie qui est à Augsbourg pût se rendre à Würzburg ? Combien de temps faudrait-il pour envoyer à Strasbourg la plus grande partie des objets d’artillerie qui sont à Augsbourg ?

 

Saint-Cloud, 10 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin , vous trouverez ci-joint un rapport qui m’est remis sur la compagnie Breidt. Je désire connaître en détail tout ce qui se trouve d’équipages de cette compagnie aux différents corps, et à quel service ils sont affectés; quels sont les corps qui ont les caissons et autres objets qu’ils doivent avoir, conformément à mes décrets. Il est très-important que je connaisse en détail la situation de cette parti du service, si les ambulances sont organisées, et la répartition de toutes les brigades de la compagnie Breidt. Je vois sur les états que le sous-inspecteur aux revues Barbier a deux chevaux appartenant à cette compagnie; que le maréchal Davout en a huit; qu’il y en a une grande quantité à Augsbourg. Vous savez que mon intention est qu’aucun général ni officier n’ait de chevaux ni caissons ayant appartenu à cette compagnie. J’ai donné un ordre à ce sujet à Vienne; faites-le exécuter, et que chacun rende ce qu’il a pris. Ces caissons sont destinés au transport du pain. Ce n’est pas trop que cinq-cents caissons pour une armée si considérable. Je désire qu’il y en ait à peu près deux attachés à chaque bataillon, c’est-à-dire pour porter deux mille rations ou deux jours de rations complètes, ou même quatre jours de demi-rations dans des moments pressés. J’ai ce vingt bataillons; cela me ferait donc 240 caissons. Un régiment de cavalerie doit être considéré comme un bataillon , puisque les régiments de cavalerie ont tous moins de 500 hommes. J’ai à l’armée moins de cinquante régiments de cavalerie; cela me ferait donc une centaine de caissons pour la cavalerie. Pour l’artillerie, elle a ses moyens et n’a pas besoin de ceux-là. Il me restera encore environ 200 caissons dont je pourrai disposer pour l’approvisionnement des magasins centraux. Répondez-moi là-dessus. Faites-moi connaître comment se fait le service des ambulances ; il me semble que les chariots de la compagnie Breidt ne sont pas propres à ce service. Chaque régiment doit avoir son ambulance. Si on laissait faire la cavalerie, elle n’en aurait jamais assez; mais la cavalerie n’a pas besoin de ces moyens- là. Dans la saison où nous sommes, nous trouverons partout des fourrages.

Je vous rends responsable si, vingt-quatre heures après la réception de cet ordre, il y a des chevaux ou des caissons attachés à des services particuliers. Beaucoup de régiments peuvent avoir de mauvais chevaux; autorisez-les à acheter en Allemagne les chevaux qu’ils pourront trouver. Chaque régiment , par exemple, pourrait acheter une vingtaine de chevaux. Vous leur ferez donner 10,000 francs à chacun pour cet objet; cela , indépendamment de ce que je fais acheter en France par les dépôts; mais la France est épuisée de chevaux. J’imagine que chaque régiment de toute arme a au moins 20 hommes à pied, tant pour servir aux remontes que pour les circonstances qui nécessiteraient des achats de chevaux. J’imagine que l’artillerie a des forges de campagne, est munie de fer, de manière à avoir non-seulement ce qui lui est nécessaire pour entrer en campagne, mais aussi à avoir un approvisionnement.

Vous m’avez assuré que mon armée est bien approvisionnée en souliers. Il faut désormais que Mayence soit considérée comme le grand dépôt de l’armée; cependant il ne faut pas annoncer ce changement. Causez-en avec l’intendant général de l’armée, pour que beaucoup de choses soient plutôt dirigées sur celle ville que sur Augsbourg.

 

Saint-Cloud, 10 septembre 1806

Au général Caulaincourt, Grand-Écuyer

Monsieur Caulaincourt, faites arranger toutes mes lunettes. Faites partir demain soixante chevaux de mes écuries, parmi lesquels il y en aura huit de ceux que je monte. Vous me remettrez l’état de ceux de mes chevaux que vous voulez faire partir. Je désire que cela se fasse avec tout le mystère possible. Tàchez qu’on croie que c’est pour la chasse de Compiègne. Ce sera toujours, jusqu’à leur passage à Compiègne, deux jours de gagnés. Faites partir aussi mes mulets, et mes cantines munies de tout ce qui est nécessaire, ainsi mes petits porte-manteaux, dont je me suis servi avec tant d’avantage dans ma dernière campagne. Dans la journée de demain, préparez mes fourgons. Je désire qu’il y en ait un qui porte une tente avec un lit de fer. Si vous n’en avez pas, demandez-les à la princesse Caroline, et vous les ferez remplacer sur-le-champ. Je désire que la tente soit solide et que ce ne soit pas une tente d’opéra. Vous ferez joindre quelques forts tapis. Vous ferez partir demain , avec mes chevaux, mon petit cabriolet de guerre. Mes fourgons avec le reste de mes chevaux, et mes bagages de guerre, habillement, armes, etc.. , ainsi que toute la partie de ma maison que le grand maréchal aura préparée, seront prêts à partir dimanche. Mais il faut que l’avant-garde gagne quatre jours. Elle se rendra d’abord à Mayence, et de là à Francfort, où je dois me rendre pour la diète. Le maréchal Bessières, le grand maréchal du palais, vous, le général Lemarois, un aide de camp, le prince Borghèse, l’adjoint du palais Ségur, feront également partir leurs chevaux. En en parlant à ces différents officiers, vous leur direz qu’ils sont destinés à m’accompagner à la diète de Francfort.

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En vous indiquant le jour de dimanche pour le départ de ma maison, mon intention est que vous teniez tout préparé, et que vous preniez mes ordres samedi au lever.

 

Saint-Cloud, 10 septembre 1806

Au roi de Hollande

Vous aurez appris l’armement de la Prusse et la non-ratification de la Russie. Mes négociations avec les Anglais ne sont pas rompues, mais ils ont des prétentions extraordinaires. Ils veulent avoir Surinam, Berbice, et garder toutes vos colonies. Dans cette situation de choses il est important de vous mettre en mesure.

Mon intention, si le guerre recommence, est de vous donner le commandement depuis Boulogne jusqu’à Wesel et de toute la Hollande., Formez sans délai le camp d’Utrecht sous prétexte d’exercer vos troupes et de les préparer à la guerre contre l’Angleterre, et envoyez-moi des plans et des mémoires sur vos places du côté de la Prusse. Il faut qu’en quatre jours de temps vous puissiez vous porter avec la plus grande partie de votre armée sur Wesel. Votre armée n’est pas destinée à faire de grandes marches. Wesel approvisionné, et que vous puissiez tirer des vivres de chez vous par vos canaux, je ne pense pas que vous ayez besoin d’une grande quantité de chariots. Si vous pouvez réunir une division de cavalerie hollandaise de 1,500 à 2,000 hommes, deux divisions d’infanterie hollandaise fortes de 6,000 hommes chacune, une division française de 5,000 hommes, en tout un corps de 18,000 hommes avec vingt-cinq pièces de canon attelées et un approvisionnement, cela sera suffisant. Je mettrai sous vos ordres une autre division française de 12,000 hommes; ce qui vous fera un corps de 30,000 hommes pour défendre Wesel, le nord de vos États, et, selon la marche de mes opérations et les événements de la guerre, vous étendre dans le pays de Münster et de Wesel. Je n’ai pas besoin de vous dire combien tout ceci doit être tenu secret. En réunissant toutes vos troupes à Utrecht, je suppose que d’Utrecht vous pourrez être en quatre jours sur Wesel; faites-moi connaître là-dessus ce qu’il en est.

Le général Michaud est un fort brave homme, qui pourra très-bien commander ce corps sous vos ordres. Mais il est inutile d’alarmer le pays. Personne ne connaîtra le but réel du camp d’Utrecht. Je vous le confie à vous, parce que je veux que vous soyez instruit de mes projets et que-vous preniez toutes vos précautions pour être à même de remplir le but que je me propose, si les circonstances tournaient à la guerre.

 

Saint-Cloud, 10 septembre 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, les I1er et 2e de chasseurs ont beaucoup d’hommes  leurs dépôts. J’avais donné ordre que des détachements de ces régiments partissent; il parait qu’il y a eu contre-ordre. L’un a son dépôt à Tournay et l’autre à Gand. Donnez ordre que les hommes et les chevaux de ces régiments qui sont disponibles aux dépôts partent sur-le-champ pour la Grande Armée.

Donnez ordre au 20e régiment de chasseurs de se former à trois escadrons de 200 hommes chacun , de laisser le cadre du 4e escadron avec le dépôt, et faites partir les trois escadrons de guerre commandés par le colonel, ou par le major si le colonel est toujours absent, pour se rendre à Francfort, où ils feront partie du corps du maréchal Augereau.

Donnez ordre au général Watier de faire partir tout ce qui est en bon état et disponible des 1er, 3e, 5e, 9e et 15e régiments de dragons. Vous mettrez tous ces détachements sous les ordres d’un chef d’escadron, qui les conduira à Mayence, où ils recevront de nouveaux ordres du prince de Neufchâtel pour passer le Rhin et rejoindre leurs corps. Donnez ordre au général Watier de prendre des mesures avec les conseils d’administration de ces régiments, qui sont à Paris, pour acheter 200 nouveaux chevaux par régiment. Vous leur ferez les fonds nécessaires au fur et à mesure. Il est convenable que ces 1,000 chevaux puissent être disponibles avant la fin d’octobre.

Vous donnerez ordre au 4e régiment de dragons de se former à trois escadrons de 200 hommes chacun et de laisser son 4e escadron et son dépôt avec le major  Moulins; et vous les ferez partir pour Strasbourg, où ils recevront des ordres du prince de Neufchâtel, pour leur destination ultérieure. Vous ordonnerez à ce régiment d’acheter 200 chevaux de plus qu’il n’a aujourd’hui pour monter son 4e escadron.

Faites-vous mettre sous les yeux les états de situation des dépôts de cavalerie dans la 15e division militaire; faites-en partir tout ce qui est disponible, ainsi que tout ce qui l’est en infanterie dans cette division, en le dirigeant sur Mayence.

Donnez ordre au 14e de ligne de quitter ses travaux à Saint-Quentin et de se compléter avec son dépôt et son 3e bataillon de manière à avoir 1,150 hommes par bataillon de guerre, et dirigez les sur Mayence, où ils recevront de nouveaux ordres.

Donnez ordre au 22e de ligne, qui est à Wesel, de tenir prêts deux premiers bataillons, renforcés de tout ce que peut avoir de disponible le 3e, pour entrer en campagne et faire partie de la Grande Armée.

Vous donnerez ordre au 7e de ligne, qui est à Grenoble se rendre à Turin, et au 37e, qui est à Turin, de se rendre à Alexandrie.

Vous donnerez l’ordre au 28e d’infanterie légère, qui est au camp de Boulogne, de se rendre à Mayence, où il recevra de nouveaux ordres.

Vous donnerez le même ordre au bataillon d’élite qui est à Neuchâtel.

Chargez le directeur et l’inspecteur d’artillerie de la division où se trouve Wesel de faire ensemble l’inspection de cette place et de la mettre en situation de soutenir un siège.

Faites-moi connaître l’état de mes approvisionnements à Strasbourg, Mayence et dans les autres places sur le Rhin. Tenez la main  à ce que l’approvisionnement que M. Vanlerberghe doit mettre à Wesel soit prêt au plus tard en octobre. Faites-moi connaître s’il y aurait économie à faire verser sur Wesel une partie de l’approvisionnement de biscuit que j’ai dans les places du nord. Il faut que cette place soit approvisionnée pendant deux on trois mois; mais ce qui me arait nécessaire d’y mettre, c’est du blé, de la farine, des moyens de les convertir en pain, de l’eau-de-vie.

Le commandant du département de la Roër y ferait bien vite en cas d’événements, verser la viande nécessaire.

Il faut que le génie prenne ses mesures pour qu’il y ait quantité suffisante de palissades et de blindages.

Il est nécessaire qu’avant le 18 septembre j’aie un rapport qui me fasse connaître si Wesel peut soutenir un siège, sous le point de vue de l’artillerie et du génie.