Correspondance de Napoléon – Septembre 1804
Mayence, 28 septembre 1804
A M. Cretet
Monsieur Cretet, la ville de Mayence ne me paraît pas avoir suffisamment de places ni de débouchés. Son quai est obstrué et embarrassé de petits magasins adossés à la muraille; il devrait, tant pour la défense de la place que pour la commodité du commerce, être tenu entièrement débarrassé. Faites-vous remettre un projet des officiers des ponts et chaussées de la ville sur ces deux objets. Faites-vous remettre également par l’enregistrement l’état des maisons vendues, ainsi que la somme à laquelle s’est montée l’adjudication. Faites-vous remettre aussi l’état des couvents et autres établissements publics qui sont entre les mains des différentes administrations, ou qui seraient aliénés. Enfin faites-moi connaître comment on a donné un couvent des Bénédictines pour temple aux protestants, couvent qui serait propre à caserner 900 hommes. Nous avons la coutume de donner au culte des églises et non des couvents. Conférez sur cet objet avec les plus instruits de la ville, et faites-vous remettre un rapport sur les mesures à prendre pour assurer un bon casernement. Vous verrez, par l’état des casernes, qu’il y en a un tas de petites et en ruines. Enfin faites faire, de concert avec Collin, un projet pour l’établissement d’un entrepôt dans la ville de Mayence, et faites tracer la ligne qui servirait de limites au dernier entrepôt.
Mayence, 28 septembre 1804
A M. Fouché
Monsieur Fouché, Ministre de la police, je pense que l’idée que vous avez de faire quelques brochures pour le couronnement est très-bonne.
Mayence, 28 septembre 1804
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, Ministre de la marine, j’approuve que vous fassiez vendre le Bélier et le Berceau, en en exceptant toutefois le canon et les armes, qui ne doivent jamais être vendus. J’imagine que les cordages et tout ce qui pourra être bon à l’escadre y sera embarqué. Les matelots augmenteront les équipages de notre escadre du Ferrol.
Mayence, 29 septembre 1804
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je pense que, tant que M. d’Oubril n’aura pas d’autres insinuations à faire, vous ne devez pas lui répondre. Il n’est point de votre dignité de le voir, puisqu’il a ses passe-ports. S’il a quelque chose à dire, faites-le voir par des intermédiaires. Du reste, puisqu’il a tant fait que de rester si longtemps sur les frontières de France, mon intention est qu’il en parte lorsque M. Rayneval sera sur les frontières de Russie.
Mayence, 29 septembre 1804
Au maréchal Berthier
Je désire que le fort Hauptstein de Mayence porte le nom de fort Meunier. En général, faites-vous faire par le génie un rapport de tous les forts qui auraient des noms étrangers ou difficiles à retenir pour y substituer des noms français.
Mayence est une bonne place; elle est peut-être une des plus importantes sous le point de vue de l’offensive comme de la défensive. On doit la tenir constamment en bon état. Les deux côtés les plus faibles sont les marais de Monbach et du fort Charles : en constituant, vis-à-vis de l’embouchure du Mein et devant le fort Charles un fort servant de réduit à l’espèce de camp retranché qui y existe, on renforcerait le fort et on obligerait de ce côté comme de tous les autres l’ennemi à prendre deux forts avant d’arriver à la place. Le côté de Monbach est, dans l’état actuel, le plus faible : convertir la redoute 103 en un bon fort, construire un fort permanent dans les îles Saint-Pierre et Saint-Jean, me paraissent les opérations les plus importantes et auxquelles je désire qu’on travaille sans délai. Avec le secours de ces forts, les marais de Monbach contribueraient réellement à la défense de la place. Mais il ne faut pas faire de forts casemates et se jeter dans des dépenses folles; aucun trésor ne saurait suffire à ce système de fortifications. Un petit tracé revêtu avec une contrescarpe mettra les îles Saint-Pierre et Saint-Jean à l’abri de toute attaque. L’ennemi ne s’amusera jamais à ouvrir la tranchée dans un terrain aussi étroit.
Le fort Hauptstein ou Meunier doit toujours être tenu en bon état; il s’en faut de beaucoup qu’il le soit. Ses galeries de mine sont écroulées : il faut les faire rétablir. Il y a à Mayence un grand nombre de maisons et d’églises démolies : on en mettra les matériaux à la disposition du génie. Les travaux des trois forts, le rétablissement du fort Hauptstein, le nettoiement des fossés de la place, voilà ce qui me paraît ne devoir souffrir aucun retardement.
La place de Mayence doit être approvisionnée d’une quantité immense de bois. Mis dans l’eau, ils durent cent ans. Il faut s’y prendre pour cela en temps de paix. Le Rhin est praticable. Faites faire l’état des palissades et blindages nécessaires à la place de Mayence, on les fera couper dans les forêts de Porentruy, et on les fera descendre sur le Rhin jusqu’à Mayence; car il ne faut pas attendre au dernier moment pour ce genre d’approvisionnement.
Le revêtement des fronts de Monbach est une bonne opération; mais ils sont tellement dominés par les coteaux et le fort Hauptstein, que je ne considère cette opération que comme secondaire. Les fossés doivent être entretenus pleins d’eau, soit par les eaux du Zahlbach, soit en y faisant couler les eaux qui vont aux égouts de la ville.
Mayence est très-malsain; les marais de Monbach, les fossés de la place et les égouts en sont cause. Quant aux marais de Monbach, donnez ordre qu’ils soient desséchés en en faisant écouler l’eau, opération à faire sur-le-champ, pour que l’hiver passe dessus et ne fasse pas de tort à la ville. Faites acheter tout le terrain de Monbach, et chargez le génie de veiller à ce qu’il n’y soit fait aucune espèce de travaux. Vous accorderez un fonds extraordinaire et 50 à 60,000 francs tout de suite pour nettoyer les fossés de la place avant le 15 vendémiaire. Avant le ler frimaire, faites faire le revêtement de la redoute 104 et du fort 103. Vous ferez acheter par le génie le terrain qui va de l’extrémité de l’inondation de Monbach à la rivière, entre les redoutes 103 et 105, de manière que ce terrain et la redoute 103 soient de tous côtés environnés d’eau.
Mayence, 29 septembre 1804
Au maréchal Berthier
Je désire que vous me fassiez remettre l’état des dépenses que fera le génie en l’an XIII, pour que je l’approuve, en distinguant 1es fortifications des bâtiments militaires. J’ai été fâché de voir qu’à Mayence il n’y avait pas de fusils, tandis que la salle d’armes peut en contenir 50,000. Je désire aussi que l’approvisionnement en bois, pour les jantes et les affûts pour l’artillerie, soit complété. Une place comme Mayence doit être abondamment pourvue. Faites-en faire l’état, et, si l’approvisionnement complet coûte trop, on fera par tiers en trois ans. Il y a à Mayence dix pièces de canon de 24 extrêmement courtes; donnez ordre qu’elles soient envoyées à Boulogne.
Mayence, 29 septembre 1804
Au maréchal Berthier
Vous donnerez ordre qu’il soit réuni deux colonnes de troupes à Toulon, l’une de 5 à 6,000 hommes, destinée à s’embarquer sur la grande escadre de Toulon; l’autre de 15 à 1800 hommes, destinée à s’embarquer sur la petite division de la même escadre, commandées l’une et l’autre par l’amiral Villeneuve.
Pour la première, vous ordonnerez la formation d’un parc quatre pièces de 12, de quatre de 8, de six de 4, de quatre obusiers de 6 pouces, auxquels vous joindrez 300 coups à tirer par pièce, 800,000 cartouches, deux mortiers à la Gomer de 12 pouce, deux de 8 pouces, et 300 bombes et coups à tirer par mortier, avec doubles crapauds, et 4,000 fusils. La 4e et la 19e compagnie du 4e régiment d’artillerie à pied, complétées chacune à 80 homme; 80 hommes d’un des bataillons de sapeurs qui sont à Alexandrie, en Piémont, et qui se rendront à cet effet en toute diligence à Toulon; l’escouade d’ouvriers qui fait partie du camp de Toulon, et dans laquelle seront incorporés 50 ouvriers conscrits de la marine; une compagnie du train du 4e bataillon, qui se rendra à Toulon, feront partie de la première colonne, qui s’embarquera sur la grande escadre. Le 16e régiment de ligne, qui est à Alexandrie,, recevra ordre de se rendre par le col de Tende à Toulon. Le 67e, qui est à Gênes, recevra ordre également de se rendre en toute diligence à Toulon. Arrivés à Toulon, ces deux corps fourniront chacun deux bataillons de 800 hommes chaque, qui feront partie de la première colonne. Le 23e de ligne fournira également à la première colonne deux bataillons de 800 hommes chaque, et, à cet effet, la moitié du bataillon d’élite qui appartient aux 3e et 4e bataillons rentrera au corps; de sorte que ce régiment aura 1,600 hommes embarqués et deux bataillons à terre. Ces six bataillons, joints à l’artillerie ci-dessus désignée et à un escadron de 160 hommes du 19e de chasseurs, feront partie de la première colonne et s’embarqueront sur la grande escadre de l’amiral Villeneuve.
Pour la seconde colonne, destinée à s’embarquer sur la petite escadre commandée par l’amiral Villeneuve, vous ordonnerez la formation d’un parc de deux pièces de 12, de quatre pièces de 4 et de deux obusiers de 6 pouces, auxquels vous joindrez 200,000 cartouches et 1,000 fusils. Une compagnie du 4e régiment d’artillerie partira de Grenoble pour s’embarquer sur la petite escadre, ainsi que 20 hommes d’un des bataillons de sapeurs qui sont à Alexandrie, en Piémont, et qui se rendront à Toulon en toute diligence. Le 2e régiment de ligne fournira à la seconde colonne deux bataillons faisant ensemble 1,600 hommes, y compris son bataillon d’élite, lesquels seront embarqués sur la petite escadre.
Il est indispensable que ces troupes soient prêtes, pour le 25 vendémiaire, à être embarquées. Transmettez vos ordres sur-le-champ par un courrier extraordinaire, et prenez des mesures pour que les corps envoient aux bataillons tout ce qui est nécessaire. Faites donner une paire de souliers à chaque homme en gratification; vous les ferez confectionner sur-le-champ à Marseille et à Toulon. Les colonels des trois régiments à trois bataillons s’embarqueront avec leurs corps, et les majors resteront à terre. Les colonels des corps à quatre bataillons resteront à terre, et le major s’embarquera avec les deux bataillons de guerre.
Je vous ferai connaître par un prochain courrier les généraux et officiers d’artillerie et du génie qui commanderont les deux colonnes.
Mon intention est que les corps, à mesure de leur arrivée à Toulon, soient sur-le-champ formés et embarqués. La marine leur fournira les sarraux et pantalons. La guerre leur fera donner une paire de souliers en gratification, ce qui fera 4 à 5,000 paires de soulier qu’il faut faire sur-le-champ confectionner, ou que la marine pourrait fournir si elle les a disponibles. Le décompte de chaque bataillon sera fait. Il n’embarquera que ses masses de linge et chaussure. Il sera pourvu à ce que leur habillement soit aussi complet que possible.
Vous ordonnerez au général Lagrange de se tenir prêt à s’embarquer à bord de l’escadre de l’île d’Aix, avec un général de brigade, un adjudant commandant, deux capitaines, deux bataillons du 26e de ligne complétés à 1,600 hommes, deux bataillons d’infanterie légère piémontais formant 1,200 hommes, une compagnie du 4e régiment de chasseurs à pied de 60 hommes, les 16e et 17e compagnies du 3e d’artillerie à pied, une escouade de la 2e compagnie d’ouvriers qu’il complétera avec 50 conscrits ouvriers de la marine, une demi compagnie du train du 7e bataillon, et le 3e bataillon colonial, qui est à l’île de Ré, qu’il complétera avec les conscrits qu’il pour trouver dans les différents dépôts des îles de Ré et d’Oléron. Vous ferez embarquer sur cette escadre quatre pièces de 12, deux pièces de 8, six de 4, quatre obusiers de 6 pouces, 300 coups à tirer par pièces et 5,000 fusils.
Mayence, 29 septembre 1804
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, nous avons trois expéditions à faire.
Première expédition : 1° Mettre la Martinique, la Guadeloupe et Sainte-Lucie à l’abri de tout événement. Pour cet effet, il faut 1,500 hommes de renfort, 4,000 fusils et un millier de poudre. 2° S’emparer de la Dominique et de Sainte-Lucie, ce qui contribuera merveilleusement à mettre la Guadeloupe et la Martinique à l’abri de tout événement. Il faut, pour la garnison de ces îles, 2,000 hommes. Total pour cette première expédition, 3,500 hommes. L’escadre de Rochefort sera destinée à cette expédition, qui sera commandée par le général de division Lagrange.
Deuxième expédition : 1° Prendre Surinam et les autres colonies hollandaises; je ne pense pas qu’on puisse y destiner d’Europe moins de 4,000 hommes; ce qui, raisonnablement, n’en fera plus que 3,600 lorsqu’on en aura fait la conquête. 2° Porter du secours à Santa-Domingo. Pour cela, il faut 1,200 hommes, 2,000 fusils et 25 milliers de poudre. S’il arrivait que les colonies hollandaises résistassent, et que nous y perdissions plus de monde qu’on ne peut s’y attendre, les secours à porter à Santo-Domingo seraient moindres. Total de cette seconde expédition, 5,200 à 5,600 hommes.
Troisième expédition : Prendre Sainte-Hélène et y établir une croisière pendant plusieurs mois. Il faut pour cet objet 12 à 1500 hommes. L’expédition de Sainte-Hélène porterait 200 hommes de secours au Sénégal, reprendrait Gorée, suivrait tous les établissements anglais, le long de la côte d’Afrique, qu’elle mettrait à contribution et brûlerait.
A cet effet, l’escadre de Toulon, composée de 11 ou 12 vaisseaux, y compris le vaisseau qui est à Cadix, partirait la première. Arrivée dans l’Océan, elle détacherait 2 vaisseaux, 4 frégates et 9 bricks, les meilleurs marcheurs, pour l’expédition de Sainte-Hélène (ces 2 vaisseaux, 4 frégates et 2 bricks, porteraient 1,800 hommes; 200 seraient laissés à Gorée et au Sénégal) ; et, au nombre de 9 à 10 vaisseaux et de 3 frégates, portant 5 à 6,000 hommes, elle marcherait droit sur la Guyane, où elle prendrait Victor Hugues (Commissaire du Gouvernement à la Guyane française), et se rendrait à Surinam.
Du moment qu’on aurait avis que l’escadre de Toulon aurait mis à la voile, l’escadre de Rochefort recevrait ordre de partir. Elle irait droit à la Martinique, s’emparerait de Sainte-Lucie et de la Dominique, et se mettrait sous les ordres de l’amiral commandant l’escadre destinée à l’expédition de Surinam. Cette escadre, ainsi forte de 14 ou 15 vaisseaux et de 7 à 8 frégates, mettrait à contribution toutes les îles anglaises, ferait toutes les prises qu’elle pourrait, se présenterait devant toutes les rades, arriverait devant Santo-Domingo, y jetterait 1,000 à 1,200 hommes, des armes et de la poudre selon les événements, ferait tout le mal qu’elle pourrait à la Jamaïque, opérerait son retour sur le Ferrol, débloquerait nos 5 vaisseaux, et, au nombre de 20 vaisseaux, irait à Rochefort.
Il me semble que tout est prêt pour ces expéditions. A l’escadre de Toulon, à l’expédition de Surinam et à l’escadre de Rochefort, on pourrait joindre un certain nombre de bricks et de petits bâtiments, tant pour servir à l’expédition que pour pouvoir les laisser à la Martinique et à Surinam. Ainsi, en supposant que ces expéditions pussent partir dans le courant de brumaire, on pourrait espérer qu’avant germinal notre escadre pût opérer son retour sur Rochefort.
Quant à l’expédition de Surinam, Victor Hugues serait fait colonel et commanderait en second. Il est inutile de le prévenir; il y a plus de dangers que d’avantages. Comme on emportera des fusils, il pourra probablement fournir pour l’expédition de Surinam 3 à 400 hommes de sa colonie. Les Anglais n’ont pas aujourd’hui 1,500 hommes dans les colonies hollandaises. Je pense que rien ne sera plus facile que la prise de cette colonie.
Quant à l’expédition de Sainte-Hélène, je vous ai remis un mémoire à Boulogne. Faites venir l’auteur de ce mémoire, qui est à Givet. Les Anglais ne s’attendent à rien moins qu’à cette expédition; il sera très-facile de les surprendre. La croisière, comme elle est déterminée ci-dessus, fera, dans le court de trois ou quatre mois, un mal immense aux Anglais. Elle se fera renforcer par tous les bâtiments que nous avons à l’île de France; et, lorsqu’elle jugera à propos de cesser sa croisière, elle laissera la colonie approvisionnée pour huit ou neuf mois de vivres. Elle opérera alors son retour sur un port d’Espagne ou de France.
L’amiral Villeneuve commandera l’expédition de Surinam; le contre-amiral Missiessy commandera celle de la Martinique. Choisissez un bon contre-amiral pour commander celle de Sainte-Hélène.
Les Anglais se trouveront en même temps attaqués en Asie, en Afrique et en Amérique; et, accoutumés comme ils le sont depuis longtemps à ne pas se ressentir de la guerre, ces secousses successives sur les points de leur commerce leur feront sentir l’évidence de leur faiblesse.
La Martinique et Sainte-Lucie seront sous les ordres de l’amiral Villaret. Les deux généraux de brigade qui sont sous les ordres du général Lagrange resteront pour commander l’une et l’autre de ces deux colonies.
Victor Hugues restera commandant général de Surinam et de Cayenne. Un général de brigade commandera à Demerari, un à Berbice et un à Cayenne. Vous désignerez les frégates et bricks qui doivent rester à Surinam; il n’y restera point de vaisseaux.
Le général Lagrange ne connaîtra que la partie de l’expédition qui est relative à la Dominique et à Sainte-Lucie. Avant tout, il se concertera avec les capitaines généraux Ernouf et Villaret. Ces capitaine généraux l’aideront chacun de leur côté pour la prise de ces îles. Si l’on ne peut prendre les deux, on préférera la Dominique à Sainte-Lucie. Si la Dominique était prise promptement, et qu’on pût tenter quelque chose sur d’autres îles anglaises, on le fera, ne fût-ce que pour les ravager, les mettre à contribution et brûler les bâtiments qui seraient dans les rades.
L’amiral Villeneuve ne restera pas plus de vingt-quatre heures devant Cayenne. Les hommes de Victor Hugues, qui connaissent les localités, débarqueront les premiers à Surinam, comme les plus acclimatés. On attaquera à la fois Surinam et Demerari, et comme, lorsque l’escadre s’en ira, on sera encore maître de la mer, les frégates et les bricks laissés à Victor Hugues, sous un bon capitaine de vaisseau, pourront être par suite employés à toute croisière qu’on pourrait entreprendre sur la Trinité, sans cependant compromettre en rien les possessions principales. Il faut donc que vous joigniez aux escadres de Toulon et de Rochefort le plus de petits bâtiments possible.
Je donne aujourd’hui les ordres au ministre de la guerre, et tout sera prêt au 18 vendémiaire. J’imagine que le général Villeneuve est déjà à Toulon; s’il n’y est pas, qu’il s’y rende sur-le-champ.
Si l’on pouvait embarquer deux chevaux par vaisseau de guerre pour l’expédition de Surinam, ils auraient la destination suivante : la moitié ferait un attelage d’artillerie et l’autre moitié fournirait un cheval à chacun des généraux. Il doit y avoir des mulets de trait à Cayenne; et, pour la petite traversée de Cayenne à Surinam, il sera facile d’en charger une cinquantaine; mais, pour une expédition de cette nature, huit chevaux de trait sont déjà d’un grand secours, puisqu’ils peuvent faire remuer quatre pièces de 4.
Quant à l’expédition de l’île d’Aix, il n’y a pas besoin de chevaux. Cependant, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, on pourrait en embarquer dix, deux sur chaque vaisseau; mais j’imagine que la Martinique et la Guadeloupe en ont suffisamment.
L’homme qui est à Givet sera retenu près de vous jusqu’au dernier moment. Il partira en poste de Paris, se rendra à Toulon, et s’embarquera immédiatement à bord du vaisseau de l’amiral qui doit aller à Sainte-Hélène.
Vous pouvez appeler près de vous le capitaine de vaisseau qui est à Boulogne, qui connaît bien la mer de la Guyane. Vous ne devez rien lui dire. Au dernier moment, il partira pour Toulon, se rendra auprès du général Villeneuve, et fera tout pour qu’on ne sache pas qu’il est embarqué, ou vous prendrez tout autre moyen plus simple. Vous lui donnerez le commandement d’une frégate, ou autre chose.
Il sera nécessaire que vous destiniez cinquante ouvriers de la marine pour être embarqués à bord des escadres qui partiront des deux ports. Ces détachements compléteront les compagnies des ouvriers de terre où ils seront incorporés.
Vous verrez par le tableau ci-joint l’ensemble des trois expéditions.
Mayence, 29 septembre 1804
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, Ministre de la marine, le général Lauriston commandera l’expédition de Surinam; le général de brigade Reille commandera celle de Sainte-Hélène; le général de division Lagrange commandera celle de la Martinique. Mon intention est que la mission du général Lauriston reste ignorée. Vous lui donnerez tous les documents qui lui seront nécessaires, et il se rendra à Toulon comme pour y remplir une mission ordinaire. Il se rend à Paris auprès de vous.
Mayence, 29 septembre 1804
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, Ministre de la marine, je vous ai fait connaître mes intentions sur la manière dont j’envisage mes trois expéditions: Surinam, Demerari, Essequibo, Sainte-Hélène et la Dominique.
Dans cette dépêche, je vous fais connaître mes vues sur l’Irlande. Il faudrait supprimer un des six transports, et le remplacer par la Penséeou par la Romaine armée en flûte; achever l’Océan, et pour cela travailler, s’il est nécessaire, aux flambeaux. Je pense que c’est le seul moyen de pouvoir porter 18,000 hommes, dont 3,000 de cavalerie, artillerie, génie et non combattants, et 15,000 hommes d’infanterie; 500 chevaux, dont 200 de cavalerie, 200 d’artillerie et 100 d’état-major; moins que cela ne ferait pas un corps d’armée.
Le point de débarquement que vous me désignez me paraît le plus convenable. Le nord et la baie Lough Swilly est, à mon sens, le point le plus avantageux. On doit sortir de Brest, doubler l’Irlande hors de vue de toute côte, et l’aborder comme l’aborderait un vaisseau venant de Terre-Neuve. En parlant ainsi je ne parle que politiquement et point nautiquement, car les courants doivent décider du point où l’on doit attaquer la terre. Politiquement, il vaudrait mieux s’exposer à attaquer l’Écosse qu’à attaquer plus bas. Cette manœuvre déconcertera l’ennemi. Trente-six heures après avoir mouillé, on doit reprendre le large, laissant les bricks et tous les transports. La Volontaire aura ses canons à fond de cale, dont l’armée se servira, soit pour batteries de côte, soit pour tout autre événement imprévu. Sur tout ceci, je suis d’accord avec vous. Mais le débarquement en Irlande ne peut être qu’un premier acte; si seul il devait former une opération, nous courrions de grandes chances. L’escadre doit donc, après s’être renforcée de tous les bons matelots des six transports, entrer dans la Manche, se porter sur Cherbourg, y recevoir là des nouvelles de la situation de l’armée devant Boulogne, et favoriser le passage de la flottille. Si, arrivée devant Boulogne, les vents étaient plusieurs jours contraires et l’obligeaient à passer le détroit, elle devrait se porter au Texel; elle y trouverait sept vaisseaux hollandais et 25,000 hommes embarqués, les prendrait sous son escorte et les conduirait en Irlande.
Une des deux opérations doit réussir; et alors, soit, que j’aie 30 ou 40,000 hommes en Irlande, soit que je sois en Angleterre et en Irlande, le gain de la guerre est à nous.
Lorsque l’escadre sera sortie de Brest, lord Cornwallis ira l’attendre en Irlande. Lorsqu’il saura quelle est débarquée dans le nord, il reviendra l’attendre à Brest; il ne faut donc pas y retourner. Si même, en partant d’Irlande, notre escadre trouvait les vents favorables, elle pourrait doubler l’Écosse et se présenter au Texel. Lorsqu’elle partira de Brest, les 120,000 hommes seront embarqués à Boulogne, et les 95,000 au Texel. Ils doivent rester embarqués tout le temps que durera l’expédition d’Irlande.
C’est ainsi que je conçois l’expédition d’Irlande. Ainsi, toute la première partie du projet jusqu’au débarquement en Irlande, je l’approuve. J’attendrai le rapport que je vous ai demandé pour statuer sur le désarmement des divisions armées de la flottille.
La seconde partie du projet doit être l’objet de vos méditations et de celles de l’amiral.
Je pense que le départ de l’expédition de Toulon et de l’expédition de Rochefort doit précéder le départ de celle d’Irlande, car la sortie de ces 20 vaisseaux les obligera à en expédier plus de 30. Le départ des 10 ou 12,000 hommes, qu’ils sauront très-bien être partis, les obligera à faire partir des troupes pour les points les plus importants. Si les choses pouvaient se faire à souhait, je désirerais que l’escadre de Toulon pût partir le 20 vendémiaire, celle de Rochefort avant le 10 brumaire, et celle de Brest avant le ler frimaire.
Mayence, 29 septembre 1804
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, Ministre de la marine, j’approuve que les chaloupes canonnières 171, 173, 177, 169, 174, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 175, 176, 91, 92, 165, 166, 167, 168, 170, 172, 178, 181, en tout vingt- neuf, soient désarmées de leurs équipages, qui seront employés sur l’escadre de Brest. Les chaloupes canonnières qui se trouvent à Lorient y seront placées dans l’endroit le plus sain et le plus à l’abri du port, et s’il se peut sous des hangars; on pourra en destiner trois ou quatre pour les communications avec Belle-Île; les garnisons en seront fournies par les vétérans de cette île. Toutes les autres chaloupes canonnières seront à Brest. Il n’y en aura point, sous quelque prétexte que ce soit, dans les petits ports; elles doivent toutes être à Lorient et à Brest. Les garnisons de ces trente-huit bâtiments, composées du bataillon d’élite suisse et des 63e et 44e régiments de ligne, se rendront à Brest et feront partie du camp.
Les n° 93, 281, 282, 69, 71, 72, 83, 87, 88, 89, 196, continueront leur route pour Boulogne.
Vous retirerez également les équipages des quarante bateaux dont les numéros suivent, pour les employer à l’escadre de Brest, savoir : les n° 278, 279, 280, 281, 282, 283, 284, 285, 289, 290, 291, 302, 303, 304, 277, 286, 287, 288, 308, 311, 321, 322, 305, 309, 310, 3l2, 315, 316, 294, 295, 296, 297, 298, 300, 301, 325, 326, 306, 307, 270.
Vous ferez la même chose pour les péniches n° 386, 387, 395, 398, 345, 349, 360, 361, 362, 363, 368, 369, 370, 371, 377, 378, 383, 384, 388, 394, en tout vingt péniches. Vous aurez soin que toutes les autres chaloupes, bateaux et péniches filent sur leur destination, et réitérez l’ordre pour accélérer autant que possible leur arrivée. Si l’idée d’en embarquer une sur chaque vaisseau de guerre peut se réaliser, j’autoriserai le désarmement d’un plus grand nombre, afin de favoriser d’autant le débarquement. Faites-vous rendre compte de la situation des chaloupes de l’Escaut qui sont venues par le Rhin et par la Meuse, afin que nous trouvions une compensation du sacrifice qu’éprouve la flottille par le désarmement que je viens d’ordonner. J’éprouve beaucoup de répugnance à ordonner le désarmement de quarante bateaux neufs, parce que mon projet était de désarmer les vieux qui sont à Boulogne au nombre d’une centaine et qui coûtent des réparations infinies. J’aurais voulu supprimer les corvettes de pêche, puisque ces bâtiments sont moins propres que ceux que nous avons. Voyez donc s’il est possible de laisser filer ces quarante bateaux canonniers.
Il faudra ordonner au Havre qu’à mesure que des détachements, faisant garnison, du bataillon d’élite suisse ou des 63e et 44e régiments, arriveront, ils soient renvoyés à Brest. Les garnisons seront fournies par d’autres troupes que désignera le ministre de la guerre.
Mayence, 29 septembre 1804
Au vice-amiral Decrès
Je ne puis entrer dans des détails. Je vous ai envoyé les ordres pour les expéditions. Faites ce que vous voudrez pour les détachements qui doivent être envoyés au couronnement. Qu’il y ait des individus de la marine, voilà le principal; le plus ou moins grand nombre n’y fait rien.
J’ai lu avec attention votre lettre du 3; je ne pense pas vous avoir jamais écrit que l’administration du matériel de la flottille serait dans les mains de la terre; elle devrait être confiée aux officiers de marine qui commandent les divisions, et par les ingénieurs de la marine. Par ce moyen, on aurait peu de commissaires à Boulogne et l’on ne dépenserait pas, pour l’administration, autant qu’à Brest.
Quant aux vivres et aux hôpitaux, je reste convaincu que de l’Escaut à la Somme la marine ne doit point avoir d’hôpitaux, et que la terre doit avoir tous les hôpitaux et vivres de la flottille. La réduction de 252 agents à 118 est un commencement. Il y a à Boulogne une nuée de commis qui n’aboutissent à rien qu’à voler. Sont-ils utiles à Toulon et à Brest ? Mes idées ne sont pas assez fixées sur ces grands ports; mais ils sont inutiles à Boulogne. La guerre serait chargée du service des vivres de campagne comme des vivres journaliers. Ainsi organisée, la flottille coûtera peu de chose; autrement, elle ruine toujours le trésor public. Le projet de décret économise quelque chose à la flottille, mais il est encore loin du but où je veux atteindre. Ainsi, comme trois mois pourront se passer avant que ces changements puissent s’exécuter, envoyez-moi un projet définitif, pour qu’à dater du 1er nivôse le service de la bureaucratie soit supprimé, que les ingénieurs, les officiers de marine et un très-petit nombre
de commissaires soient chargés du service du matériel. Cet essai peut nous conduire à bien des améliorations pour Brest, Toulon, etc.