Correspondance de Napoléon – Octobre 1813

Octobre 1813

 

Dresde, 1er octobre 1813, quatre heures du matin.

Au maréchal Marmont, duc de Raguse, commandant le 6e corps de la Grande Armée, à Hanau.

Je reçois votre lettre du 29 à onze heures du soir.

La brigade que vous avez laissée à Meissen a été remplacée par le 3e corps. Laissez du monde à Wurzen et faites travailler à la double tête de pont, et surtout à l’établissement d’un pont sur pilotis : la Mulde déborde; il est nécessaire que nous soyons maîtres de ce pas­sage.

Le 30, le prince Poniatowski a eu son quartier général à Rochlitz ; aujourd’hui, 1er octobre, il est à Frohburg et à Altenburg. Le comte de Valmy a dû coucher le 30 à Frohburg, et a dû envoyer un fort détachement sur Borna. Le général Uminski a dû occuper Rœtha. Le prince Sulkowski a été sur Penig. Le 5e corps était, hier 30, à Nossen et à Waldheim. Les troupes du duc de Castiglione ne devaient pas tarder à paraître du côté d’Iéna.

Jusqu’à cette heure, il paraîtrait que le général Platof, fils de l’hetman,  et que Thielmann, tous deux soutenus d’une division légère, se portent sur la Saale. Il paraîtrait que cette division légère serait commandée par le général Baumgarten. Klenau paraîtrait se trouver à Kommotau. Il paraîtrait que Platof avait sous ses ordres 1,000 à 1,200 Cosaques, le régiment palatin Ferdinand (autrichien) et le régiment de Hesse-Hombourg (autrichien). Il paraît qu’avec ces forces le général Platof se serait porté sur Penig et de là sur Altenburg, laissant le général Baumgarten à Chemnitz. Dans la journée, tout ceci va parfaitement s’éclaircir.

 

Dresde, 1er octobre 1813, quatre heures et demie du matin.

Au prince Poniatowski, commandant le 8e corps de la Grande Armée, à Frohburg

J’ai reçu votre lettre du 30 à quatre heures après midi. Je ne puis pas comprendre comment votre officier a mis quatorze heures pour arriver à Waldheim; un homme à pied n’en aurait pas tant mis. Le duc de Raguse était arrivé le 29 à Leipzig; il se proposait de mar­cher sur la Saale. Un habitant, parti le 29 d’Altenburg et qui est arrivé à Leipzig, a déclaré n’avoir laissé aucun ennemi dans cette ville. Un capitaine badois, qui a été pris dans le combat du général Lefebvre-Desnoëttes, vers neuf heures du matin, s’est échappé d’Altenburg à trois heures après midi, et n’a vu que 4,000 hommes de cavalerie et 3,000 hommes d’infanterie hongroise.

Le bruit courait à Leipzig que le prince de la Moskova avait enlevé la tête de pont de Dessau, après que les Suédois eurent échoué dans l’attaque de la ville de Dessau, où leur garde a perdu beaucoup de monde. L’homme qui a déserté le 29 de Kommotau prétend y avoir laissé le général Klenau.

 

Dresde, 1er octobre 1813.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Dresde.

Mon Cousin,  faites connaître au duc de Tarente et au général Durosnel que les huit redoutes du camp retranché, à compter de demain à quatre heures du soir, seront gardées par les troupes du duc de Tarente, et que la garnison de Dresde n’aura plus à y fournir de troupes, hormis les canonniers, qu’elle continuera d’y fournir. Je désire que le gouverneur, avec le commandant de l’artillerie de la place, fasse un projet pour retirer une partie de l’artillerie de la rive gauche, afin de doubler l’armement des redoutes de la rive droite, toute l’artillerie du duc de Tarente devant rester attelée pour se porter partout où il serait nécessaire.

Donnez ordre que la garnison des blockhaus de Pirna à Dresde soit i fournie par le corps du maréchal Saint-Cyr, qui sera aussi chargé de bien surveiller toute la rive gauche. Donnez également ordre que ^tous les blockhaus de Meissen à Dresde soient gardés par le 3e corps. Le général Durosnel et le commandant du génie donneront ordre de faire construire un blockhaus sur la rive gauche de l’Elbe, vis-à-vis l’ouverture de la vallée sur laquelle est le pont de bois. On y placera une pièce de canon, de sorte que cette pièce et la mousqueterie des 150 hommes qui garderont ce blockhaus empêchent la cavalerie et les tirailleurs de l’ennemi de filer sur la rive droite, le long du fleuve. Le général commandant le génie ordonnera aussi de faire des abatis sur la rive droite de ce ravin, afin qu’on ne puisse le franchir. Il fau­dra également établir un blockhaus à une lieue de Dresde, du côté de Meissen.

Donnez ordre au général Souham de placer deux ou trois pièces de canon, en remontant de Meissen sur Dresde, pour battre le coude que fait la route de Dresde sur la rive droite au débouché de la mon­tagne qui va de Dresde à Meissen, et canonner tout ce qui passerait, afin d’intercepter cette route à l’ennemi.

La colonne de cavalerie chargée de la garde de la rive de Meissen à Dresde, qui doit avoir trois pièces d’artillerie à cheval, les placera sur les points les plus convenables pour battre la route sur la rive droite, de manière à l’intercepter à l’ennemi.

Donnez ordre au général Souham de faire travailler avec la plus grande activité, 1° à mettre on bon état le chemin qui de Meissen conduit à la grande roule de Leipzig, sans passer sous le feu de la rive droite; 2° à construire un ouvrage au coude de la route battue par l’artillerie ennemie, afin que les pièces placées dans les embra­sures de cet ouvrage puissent contrebattre les pièces ennemies.

 

Dresde, 1e octobre 1813, midi.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Dresde.

Mon Cousin, faites connaître au maréchal Saint-Cyr que tout porte à penser que l’ennemi opère sur sa gauche, et qu’il est dégoûté de s’engager dans les défilés de Berggiesshübel, de Borna et de Pirna; qu’en conséquence j’ordonne les dispositions suivantes: que son commandement s’étendra jusqu’au pont de Pillnitz et jusqu’à Dippoldiswalde; qu’il fera partir demain douze pièces de canon pour le pont de Pillnitz, avec trois bataillons et 50 chevaux (ces troupes garderont le pont de Pillnitz); qu’il fera partir 150 chevaux et trois pièces de canon pour Dippoldiswalde, où cette colonne trouvera les deux bataillons qu’il y a précédemment envoyés; ces troupes garderont désormais sous ses ordres ce point, que le général Ornano va recevoir l’ordre de quitter.

Vous ferez connaître au maréchal Saint-Cyr qu’il aura sous ses ordres une compagnie de pontonniers pour le pont de Pirna et une pour le pont de Pillnitz. Vous donnerez ordre au général Ornano de laisser 100 chevaux à Dippoldiswalde, lesquels devront venir le rejoindre aussitôt qu’ils auront été relevés par les 150 chevaux de la division Pajol. Il se portera demain, à la pointe du jour, à Sohra, éclairant la vallée de la Bobritzsch et ayant ses communications avec Freyberg. Il sera sous les ordres du duc de Trévise.

Donnez ordre au duc de Trévise de partir demain, avec les deux divisions de la jeune Garde qui sont sous ses ordres et avec le géné­ral Walther, pour aller prendre une bonne position en avant de Tharandt, au débouché de la route de Freyberg à Dresde par Tharandt. Il placera ses divisions en échelons, de manière qu’une division soit à trois lieues de Dresde et l’autre à cinq lieues. La cavalerie du géné­ral Walther sera placée dans les endroits de la vallée de Tharandt où il y a le plus de fourrages à portée. Le duc de Trévise fournira au général Ornano, qui sera sous ses ordres à Sohra, de l’infanterie pour le soutenir et éclairer toute la vallée. Il laissera une brigade de la jeune Garde au pont de Pillnitz, jusqu’à ce que la tête de pont soit finie. Les bataillons du train de la Garde et les batteries de ré­serve seront sous les ordres du duc de Trévise, qui les placera dans la vallée de Tharandt, dans les lieux qui offriront le plus de res­sources en fourrages.

Vous donnerez ordre au général Lhéritier de partir demain de Wilsdruf, à la pointe du jour, de manière à arriver de bonne heure à Freyberg, et à pouvoir dès demain prendre les ordres que lui donnera le duc de Bellune.

Vous donnerez ordre à la division Delmas de passer demain le pont, à six heures du matin, et de se diriger sur Meissen pour rejoindre son corps.

Même ordre à la division Ricard.

Donnez ordre au duc de Tarente de placer une division sur le chemin de Meissen et de Grossenhayn, et une sur le chemin de Kœnigsbrück et de Radeberg, avec une division de cavalerie du général Sébastiani; de garder deux divisions et sa cavalerie légère dans la position actuelle, et de faire passer le général Sébastiani, au pont de Pillnitz, sur la rive gauche.

 

Dresde, ler octobre 1813.

Au maréchal Victor, duc de Bellune, commandant le 2 corps de la Grande Armée, à Floethe.

Mon Cousin, j’ai reçu votre lettre de ce matin à neuf heures.

Comme les renseignements que je reçois de tous côtés portent que l’ennemi fait effectivement quelque chose sur sa gauche, j’ai ordonné au général Ornano de se porter à Sohra, et au duc de Trévise, avec ses deux divisions de la jeune Garde, de se porter sur la route de Tharandt à Freyberg, de manière qu’une de ses divisions soit à cinq lieues et l’autre à trois lieues de Dresde. Il mène avec lui le parc de réserve de la Garde et la cavalerie de la vieille Garde, commandée par le général Walther. Il fournira au général Ornano, à Sohra, l’infanterie dont il aura besoin. Le duc de Trévise a ordre de marcher sur Freyberg si vous étiez attaqué, ou de rester dans sa position et de bien se lier avec Freyberg, si vous ne l’étiez point. Le 5e corps de cavalerie couche aujourd’hui à Wilsdruf; envoyez-lui l’ordre d’accélérer sa marche de manière à vous arriver demain de bonne heure, et envoyez-le tout entier à voire avant-garde.

J’ai des lettres du prince du la Moskova, en date d’hier; il était à Dessau et avait repoussé avec perte les Suédois, qui avaient voulu reprendre cette ville. Il se préparait à s’emparer de leur tête de pont; mais il était obligé de marcher avec précaution, cette tête de pont étant fortifiée et couverte par les batteries de la rive droite. Le 3e corps est à Meissen; nous y avons un pont que l’ennemi a voulut brûler. Il a voulu ensuite attaquer de vive force la tête de pont. Deux ou trois bataillons russes ont clé écrasés.

Le général Lauriston a également ordre de vous soutenir. Je vous ai’ déjà mandé qu’il se portait demain de Nossen sur Mittweida. Si vous étiez attaqué et que vous eussiez affaire à une armée, vous pourrez lui donner les ordres que comporteront les circonstances; mais, si vous n’êtes pas attaqué, sa position à Mittweida, avec une avant-garde sur Chemnitz, me paraît très-convenable.

Quant au prince Poniatowski, il a dû se porter du côté d’Altenburg; il est probable qu’il s’est porté sur Penig, s’il a été instruit que l’ennemi méditait quelque chose de sérieux.

Assurez-vous que les ponts sur lesquels on doit passer de Sohra à Freyberg sont en bon état.

 

Dresde, 1er octobre 1813.

Au maréchal Victor, duc de Bellune, commandant le 2 corps de la Grande Armée, à Floethe.

Mon Cousin, je fais donner ordre au général Lauriston de se porter à Mittweida, et de pousser par Ebersdorf une avant-garde du côté de Chemnitz. Vous vous trouverez ainsi en communication avec lui, puisque votre avant-garde est à Flœhe. Le 5e corps de cavalerie sera arrivé demain tout entier à Freyberg. Je fais donner ordre au général Ornano de se porter à Sohra, sur la vallée de la Bobritzsch. Je le fais relever à Dippoldiswalde par le corps du maréchal Saint-Cyr. Je suis prêt avec 60,000 hommes à marcher sur Freyberg, aussitôt que le mouvement de l’ennemi sera confirmé.

Voici le dernier état des choses : il paraît que 3 ou 4,000 hommes d’infanterie, 3 ou 4,000 hommes de cavalerie et la cavalerie de Thielmann se sont portés le 28 sur Altenberg, ont poussé le général Lefebvre-Desnoëttes et lui ont pris 3 à 400 Badois.   Le général

Lefebvre s’est retiré sur Weissenfels ; mais le corps ennemi n’a pas passé outre, et depuis on ne sait pas ce qu’il est devenu. D’un autre côté, il paraît que Klenau, avec 14,000 hommes d’infanterie et 6,000 hommes de cavalerie, serait arrivé hier ou avant-hier à Marienberg. Le prince Poniatowski était hier 30 à Rochlitz, ayant une forte avant-garde sur Penig. Il sera aujourd’hui sur Altenberg ou Penig, selon les nouvelles qu’on aura de l’ennemi. Le général Lauriston, qui est à Nossen, sera à Mittweida. Ainsi les généraux Lauriston et Poniatowski sont en mesure de vous joindre et d’agir ensemble. Le duc de Raguse est à Leipzig, Wurzen et Grimma. Il serait fort heureux qu’une armée de 100,000 hommes s’enfournât de Marienberg, soit sur Dresde, soit sur Leipzig, et que nous pus­sions enfin les joindre et nous battre.

 

Dresde, 1er octobre 1813.

Au maréchal Macdonald, duc de Tarente, commandant le 11e corps de la Grande Armée, à Dresde.

Le général Sacken s’est porté vis-à-vis Meissen. Il a attaqué hier la tête de pont. Ses colonnes d’attaque ont été obligées de prêter le flanc à dix-huit pièces d’artillerie que le duc de Raguse y avait laissées et qui leur ont tué ou blessé 5 à 600 hommes.  Il a été repoussé avec beaucoup de perte, et nous lui avons fait 200 pri­sonniers, parmi lesquels se trouvent plusieurs officiers. C’est par eux qu’on a appris qu’au lieu des  Prussiens qu’on croyait avoir à Meissen, c’était Sacken avec trois divisions russes,  dont une est la 27e. J’ai d’abord pensé à déboucher à la pointe du jour par Dresde, avec 30 à 40,000 hommes; mais je préfère leur laisser encore prendre de la confiance.  Le major général vous instruira de mes intentions.

Le général Delmas et le général Ricard, avec tout ce qui appar­tient au 3e corps, doivent passer sur Ja rive gauche et se rendre à Meissen, où tout le 3e corps se réunira.

De vos quatre divisions vous en destinerez une à garder les routes de Meissen et de Grossenhayn, et une à garder la route de Kœnigsbrück. Vous emploierez une division de cavalerie légère du général Sébastiani pour soutenir ces deux divisions, en plaçant prin­cipalement cette cavalerie dans la plaine, entre la route de Grossenhayn  et celle de Meissen. Vos deux autres divisions, avec votre cavalerie légère, resteront dans les positions où elles se trouvent. Faites travailler aux redoutes et aux abatis. Portez votre quartier général dans une maison de campagne dans le camp retranché, afin d’avoir l’œil sur tout. Donnez ordre à l’autre division du général Sébastiani de passer demain au pont de Pillnitz, avec son artillerie, et de rester cantonnée dans les villages sur la rive gauche. Je donne ordre au duc de Reggio qu’aussitôt que vos postes seront placés évacue le camp de la jeune Garde, que vous ferez occuper par vos troupes. Il n’y aura donc plus sur la rive droite que vos quatre divi­sions, voire brigade de cavalerie légère, et une division de cavalerie légère du 2e corps de cavalerie.

Le duc de Trévise est aujourd’hui à Pillnitz; il en part demain pour se porter sur Freyberg. Trois bataillons et douze pièces d’artillerie du maréchal Saint-Cyr seront chargés de la garde de ce pont. Le 3e corps se réunit à Meissen et envoie des partis de cavalerie jus-j qu’aux portes de Dresde.

Sans doute l’ennemi ne pense pas dans ce moment à attaquer; cependant le moment peut venir où cela lui conviendra. Je ne saurais donc trop vous recommander de faire couper des arbres par vol troupes, pour qu’elles se couvrent d’abatis de tous les côtés. A daté de demain, à quatre heures après midi, la garnison de Dresde ne fournira plus de troupes pour la garde des redoutes du camp retranché, et ce sera à vous à y fournir. La garnison ne fournira plus que les canonniers, qui continueront à faire le service. Il convient que votre artillerie reste mobile, et ne soit point placée dans les redoutes, si ça n’est dans les nouvelles redoutes en avant du camp retranché, sur la route de Grossenhayn et du côté de Weissig. Mais, dans les redoutes du camp retranché, il faudra y laisser l’artillerie qui s’y trouve, et que la vôtre reste mobile, pour pouvoir la porter sur le point qui serait attaqué. Quand le commandant de l’artillerie de votre corps aura vu l’armement de ces redoutes, je désire qu’il fasse un projet pour le doubler; on tirera à cet effet des pièces des ouvrages de la rive gauche, pour les porter sur la rive droite.

Tous les renseignements s’accordent à dire que l’ennemi fait un mouvement par la route de Kommotau sur Marienberg. Le duc de Bellune est à moitié chemin de Freyberg â Chemnitz. Le général Lauriston se porte sur Mittweida. Le prince Poniatowski est sur Penig. Le duc de Raguse est à Leipzig. Si ce mouvement de l’armée ennemie se confirme, elle se trouvera forcée à recevoir bataille.

Le prince de la Moskova est près de Dessau; son avant-garde occupe celle ville; elle y a été attaquée par la garde suédoise, qui a été repoussée et a perdu beaucoup de monde. Le prince de la Moskova a ouvert la sape devant la tête de pont de l’ennemi, et espère l’obliger à reployer son pont.

Le maréchal Saint-Cyr, ayant sous ses ordres le comte de Lobau, occupe les positions de Pirna, Berggiesshübel, Borna et Dippoldiswalde. Mais il paraît que cette fois l’ennemi, sachant que ces posi­tions sont fortifiées et occupées en force, a renoncé à déboucher de ce côté, et veut tenter d’opérer par Marienberg ; cependant tout cela est encore incertain.

 

Dresde, 1er octobre 1813.

Au maréchal Ney, prince de la Moskova, commandant les 4e et 7e corps de la Grande Armée, à Poetnitz.

Je reçois votre lettre du 29 à trois heures après midi. Le duc de Padoue est un peu alarmiste. Je suppose que vous aurez eu des nou­velles positives; vous aurez fait revenir à vous le général Dombrowski.

La grande armée de Bohême paraît vouloir faire un mouvement par Marienberg : je la guette, et, si elle s’avance, il y aura de secondes affaires de Dresde. Le duc de Bellune est entre Freyberg et Chemnitz, le prince Poniatowski est sur Penig; le général Lauriston est à Nossen ; le duc de Trévise est entre Tharandt et Freyberg. Le 3e corps se réunit à Meissen. Le 11e corps garde le camp retranché de Dresde, sur la rive droite, et les débouchés de la forêt. La Garde lest à Dresde et aux environs. Le 14e corps, ainsi que le 1er, occupe |les positions de Borna, Pirna et Berggiesshübel. Le duc de Raguse forme une réserve qui, selon les circonstances, peut appuyer sur vous ou sur la Bohême.

 

Dresde, ler octobre 1813.

À M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Dresde

Monsieur le Duc de Bassano, témoignez mon mécontentement au baron de Saint-Aignan de l’alarme qu’il a jetée sur mes derrières Vous lui ferez sentir qu’il ne peut pas rendre de plus grands ser­vices aux partisans que d’accréditer par son nom les faux bruits qu’ils font courir; que les partisans qui n’ont que 2 à 300 chevaux s’annoncent toujours pour en avoir 12 à 15,000, certains qu’ils ne peuvent avoir quelque succès qu’autant qu’ils se feront- précéder d’une vaine terreur. M. de Saint-Aignan a donc montré autant d’inep­tie que d’ignorance en écrivant partout des circulaires pour annoncer que 10,000 chevaux marchaient sur Gotha. Qui le leur a dit ? Il prétend que c’est un paysan; mais, si ce paysan a vu une colonne, M. de Saint-Aignan devait avoir assez de sens pour penser que 10,000 hommes ne marchaient pas sur une colonne. C’était tout au plus un indice pour y envoyer des agents et des officiers saxons s’assurer de l’état des choses et pour prévenir les généraux qu’il y avait quelques partisans. Cet agent montre peu de discernement et en même temps rend peu de services. Dans un pays comme Gotha, il devrait avoir des agents de tous côtés et savoir tout ce qui se passe. Donnez-lui des ordres sévères pour qu’il ne se mêle pas de ce qui ne le regarde pas et, si des renseignements lui parviennent, de se contenter d’en envoyer copie, ce qui mettra à même de les appré­cier. Il n’y a pas un sous-lieutenant qui ne se serait moqué de mon ministre s’il avait su qu’il ajoutait foi à l’existence de 10,000 chevaux ennemis, sur la simple assertion d’un paysan qui dit les avoir vus.

 

Dresde, 2 octobre 1813.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Dresde.

Mon Cousin, faites connaître au général d’Alton mon étonnement de sa lettre du 29 septembre. Il faut qu’ils aient tous perdu la tête à Erfurt et à Eisenach. S’ils croient tous les on dit du pays et tous les bruits que répandent les partisans ennemis, ils ne peuvent faire que des sottises. Le général d’Alton a eu tort de donner l’alarme au duc de Valmy et de la répandre sur tous les derrières. Mon chargé d’af­faires à Gotha a agi dans tout cela sans jugement. Il n’y a jamais eu que 1,500  hommes à Brunswick.  On ne saurait rendre de plus grands services aux partisans que d’accréditer les bruits qu’ils ont intérêt à faire circuler.  Il faut avoir bien peu d’expérience pour croire qu’une armée veuille ainsi s’affaiblir de 10,000 chevaux. On disait aussi qu’il y avait à Halle 6,000 hommes d’infanterie; une reconnaissance y a été envoyée et en a chassé 50 à 60 Cosaques qui y étaient depuis trois jours et terrorisaient le pays.

On ne doit pas jeter légèrement l’alarme; il ne faut pas se laisser épouvanter par des chimères, et l’on doit avoir plus de fermeté et de discernement.

Écrivez au duc de Padoue qu’il s’alarme trop aisément, et qu’il est trop prompt à accueillir tous les faux bruits semés par l’ennemi. Ce n’est pas ainsi que doit agir un homme d’expérience : il faut plus de caractère que cela. Écrivez au général d’Alton qu’il a rêvé qu’il y avait 4,000 hommes à Mühlhausen : il n’y a jamais eu plus de 1,200 hommes. Le duc de Padoue a dû voir dans la lettre du général d’Alton, du. 20, combien la nouvelle que l’ennemi avait passé à Dessau, occupait Halle et marchait sur Cassel, avait troublé la tête de ce général. Tout cela se trouve faux. Ils doivent avoir furieuse­ment perdu la tête à Erfurt et à Eisenach, puisqu’ils croient avoir l’ennemi sur les talons en même temps qu’ils disent qu’il se dirige sur Brunswick et sur Hanovre.

Faites connaître au duc de Valmy que j’ai vu avec plaisir sa lettre du 27 septembre au général Noirot; c’est ce qu’il fallait faire, au lieu de renvoyer ces dépôts derrière les montagnes de Thuringe. Dites au duc de Valmy  de ne point ajouter foi à tout ce qu’on débite du nombre des partisans sur les derrières : ce sont des partis d’une cinquantaine d’hommes qui font tout ce bruit, et nos jeunes généraux donnent de la réalité à ces chimères par leur empressement à colporter tous ces faux bruits.

Écrivez au duc de Padoue de vous faire connaître l’infanterie qu’a perdue le général Lefebvre-Desnoëttes dans l’affaire d’Altenburg.

Écrivez au général d’Alton de faire mettre, en batterie, sur les remparts de la ville et de la citadelle d’Erfurt, toutes les pièces de campagne qui étaient destinées pour Magdeburg et pour Dresde, et qui sont à Erfurt sans attelages.

 

Dresde, 2 octobre-1813.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Dresde.

Mon Cousin, donnez ordre au roi de Naples de se rendre dans la nuit à Freyberg, où il prendra le commandement du 5e corps de cavalerie, de la division du 1er corps de cavalerie que commande le général Berkheim, du 2e corps d’infanterie, du 5e corps et du 8e. Il correspondra avec le duc de Trévise, qui commande deux divisions de la Garde, et avec le général Ornano, qui commande une division de cavalerie de la Garde.

Donnez avis au roi de Naples que le duc de Bellune doit être entre Freyberg et OEderan, et que la division Dufour est à Flœhe ; que le général Lauriston est à Mitveida, ayant son avant-garde sur Ebersdorf;  que le prince Poniatowski était hier soir à Frohburg, ayant son avant-garde sur Penig; qu’il a dû marcher aujourd’hui sur Altenburg; que la présence du Roi à Freyberg me paraît néces­saire pour coordonner les mouvements de ces différents corps et me tenir instruit de ce qu’il y a à Chemnitz ; que le prince Poniatowski a mandé qu’hier, 1e octobre, il n’y avait à Chemnitz qu’un ‘ régiment  d’infanterie et un régiment de cavalerie, mais qu’il est constant que l’hetman Platof était dans les environs d’Altenburg avec ses Cosaques;  que le général Lefebvre-Desnoëttes est à Freyberg, entre Weissenfels et Naumburg; que le duc de Raguse est à Leipzig; que le général Sébastiani est sur le chemin de Freyberg; que le duc de Trévise est à Tharandt; qu’enfin le général Ornano est à Sohra ; que tous les indices sont que l’ennemi fait un mouvement, et qu’on devra savoir positivement à Chemnitz ce que fait l’ennemi.

 

Dresde, 2 octobre 1813.

Au maréchal Macdonald, duc de Tarente, commandant le 11e corps de la Grande Armée, à Dresde

Je vous envoie la copie de deux ordres que je donne, l’un au commandant de l’artillerie, l’autre au commandant du génie; portez toute votre attention à les faire exécuter. Il parait que les corps de Langeron, de Sacken et de Blücher ont fait tous un mouvement sur Elsterwerda et Grossenhayn. Il est possible que ce soit pour attaquer le camp retranché du côté de la plaine, par les chemins de Berlin et de Meissen. Comme ils évitent par-là la forêt, c’est effectivement le point le plus attaquable. Assurez-vous, par des reconnaissances, que l’ennemi s’est réellement aussi fortement dégarni sur le chemin de Bautzen, pour pouvoir également, de votre côté, en retirer des troupes ! Je fais demain venir l’infanterie de la jeune Garde sur la rive gauche, afin que vous puissiez faire occuper le camp de la jeune Garde par votre réserve. J’ordonne que soixante pièces de canon soient mises en batterie dans les redoutes de la rive droite; les soixante pièces qui appartiennent à votre corps doivent rester attelées pour se porter sur le point d’attaque. Il faut qu’on donne le dernier degré de perfec­tion à toutes les redoutes, en plaçant les sacs à terre et les gabions, en organisant les magasins à poudre et en préparant enfin tout ce qui est nécessaire pour la défense. Il faut que les redoutes de Weissig soient liées au camp retranché par des abatis ; qu’on abatte tous les bois qui sont dans le ravin sur lequel il y a un pont de bois sur le chemin de Bautzen, et que tous les bois soient placés en forme d’abatis, de manière que tous les sentiers soient obstrués par des abatis. On ne saurait trop prendre les précautions de l’art pour avoir le plus de troupes disponibles et pouvoir se porter sur les points d’attaque. Chaque général que vous avez chargé d’une partie de camp retranché à défendre doit fournir les hommes pour les travaux et s’occuper avec activité à augmenter ses moyens de défense.

 

Dresde, 2 octobre 1813.

Au maréchal Gouvion Saint-Cyr, commandant le 14e corps de la Grande Armée, à Pirna.

Il paraît que tout le corps de Langeron, Sacken et Blücher a quitté les environs de Stolpen et le chemin de Bautzen, et qu’il s’est porté entièrement sur Grossenhayn et Elsterwerda. Avez-vous quel­ques renseignements là-dessus ?

Le prince Poniatowski est arrivé hier à Frohburg, près d’Altenburg. Il paraît que l’ennemi n’a fait déboucher de Bohême que l’hetman Platof et le général Thielmann avec 7 ou 8,000 hommes de cava­lerie, huit ou dix pièces de canon et deux bataillons d’infanterie.

Je suppose que vous avez envoyé un officier intelligent pour com­mander à Dippoldiswalde.

Le général Ornano est à Sohra; le duc de Trévise à Tharandt ; le duc de Bellune entre Freyberg et Chemnitz; le général Lauriston sur Mittweida.

Organisez bien le service et la surveillance de la rive gauche. Qui est-ce qui commande au pont de Pillnitz ? Vous devez fournir 14 ba­taillons aux 3e et 11e corps; vous recevrez en échange 14 autres bataillons. Cela a pour but de réunir les bataillons d’un même régiment.

Le comte de Lobau tient trop de chevaux de cavalerie, d’artil­lerie et d’équipages au bivouac; il pourrait éloigner tout-cela, en les envoyant dans les villages sur ses derrières, pour ferrer les chevaux et se rétablir.

 

Dresde, 2 octobre 1813.

Au général comte Lefebvre-Desnoëttes, commandant la 1e division de cavalerie de la Garde, à Freyberg.

Monsieur le Comte Lefebvre-Desnoëttes, je reçois vos lettres du 1e octobre. Ces lettres sont pleines de folies. Le quartier général du prince da Suède n’est pas à Könnern, puisque le prince de la Moskova est à Dessau. 5 ou 600 partisans se sont en effet portés sur Cassel, mais Czernitchef n’a pas 12,000 hommes. Vous prenez pour argent comptant tous les bruits que les partisans font courir. Il serait assurément fort heureux qu’effectivement l’ennemi s’enfournât avec de l’infanterie entre l’Elbe et le Rhin, la guerre serait alors bientôt ter­minée; mais il ne met en avant que des partisans, qui ont pour instruc­tion d’exagérer leurs forces. Soyez donc plus prudent, et n’accréditez pas ces exagérations en y ajoutant foi.

Le prince Poniatowski a dû être aujourd’hui à Altenburg. Si vous aviez- manœuvré avec la sagesse convenable, vous ne seriez pas resté trois jours à Altenburg, et, après en avoir chassé Thielmann, vous auriez changé de résidence tous les soirs pour ne pas être surpris. Que cela vous serve pour l’avenir; cette négligence me coûte assez cher. Je vous avais fait donner par Nansouty cette instruction de vous déplacer sans cesse pour que l’ennemi ne sache jamais où vous êtes.

Je n’ai pas encore reçu le rapport de vos affaires. Rendez-m’en compte en détail, affaire par affaire, charge par charge, et donnez-moi un état exact de vos pertes. Je suis obligé, pour avoir de vos nouvelles, d’en recueillir de l’officier polonais qui était porteur de votre dernière lettre.

 

Dresde, 2 octobre 1813.

Au général baron Rogniat, commandant le génie de la Grande Armée, à Dresde.

Monsieur le Général Rogniat, il faut s’occuper avec la plus grande activité du camp retranché de la rive droite.

Il est nécessaire d’établir une batterie de six pièces, protégée par une palissade, sur la rive gauche, en descendant le fleuve, au point qui flanque la redoute n° 1 et qui bat tout le coude que fait la rive droite jusqu’au village de Briessnitz. Je suppose que les maisons de la redoute n° 1 sont démolies, et que les travaux que j’ai ordonnés sont terminés ou se poursuivent avec activité.

J’ai ordonné qu’on établît une petite redoute en palissades sur la rive gauche, à une lieue de Dresde, sur le chemin de Pillnitz, vis-à-vis le ravin sur lequel se trouve un pont de bois, sur la route de Bautzen. II est nécessaire qu’il y ait sur ce point deux pièces de canon pour battre la rive droite et empêcher que rien ne se glisse le long du fleuve. Un abatis ou une palissade depuis la petite maison sur fa hauteur, sur la rive droite, jusqu’en bas, serait fort utile. On placerait dans cette maison, qui serait environnée de palissades, un poste de 50 hommes qui communiquerait avec le poste du pont de bois.

Tout porte à penser que ce camp retranché sera tâté sous peu de jours. Il est donc nécessaire que les gabions et les sacs à terre soient placés, et que tout ce qui est nécessaire pour mettre la dernière main aux moyens de défense des redoutes soit fait. Il faut couper le bois de manière qu’il soit hors de la portée du mousquet.

J’ai vu avec peine que les redoutes sur les hauteurs n’ont pas avancé, faute d’outils. Faites-y travailler avec la plus grande acti­vité, ainsi qu’à couper les bois hors de la portée du fusil. Pour garder la redoute sur la hauteur du pont de bois, il faut couper tous les bois dans le ravin jusqu’à l’Elbe, et depuis le pont de bois, fort loin, le long de l’a route, de manière qu’aucun homme ne puisse se glisser dans ces sentiers, et que, depuis l’Elbe jusqu’à la redoute sur la hauteur du pont de bois, aucun homme, même à pied, ne puisse pénétrer, fous les chemins étant obstrués par des abatis.

lion intention est que l’a redoute n° 1 soit armée de huit pièces de [canon; les redoutes n° 2, 3 et 4, chacune de six;  les redoutes n° 5, 6 et 7, chacune de quatre, et la redoute n° 8, de six; ce qui fait en tout quarante-quatre bouches à feu.

Entre les redoutes n° 7 et 8, il y a un ruisseau; il faut y faire un abatis, de manière à obstruer le passage.

Donnez des instructions au commandant du génie du corps du duc de Tarente. Les bras ne lui manqueront pas dans ce moment, puis­que, tout le corps du duc de Tarente étant chargé de la défense du camp retranché, les soldats feront les abatis et fourniront les tra­vailleurs nécessaires.

 

Dresde, 2 octobre 1813.

Au général comte Sorbier, commandant l’artillerie de la Grande Armée, à Dresde.

Il sera établi une batterie de six pièces sur la rive gauche, en des­cendant le fleuve, de manière à flanquer la redoute n° 1 du camp retranché de la rive droite, et à battre tout l’enfoncement que fait la rivière jusqu’au village de Briessnitz. La redoute n° 1 sur la rive droite sera armée de huit pièces ; les redoutes n° 1, 2 , 3 et 4, chacune de six; les redoutes n° 5, 6 et 7, chacune de quatre, et la redoute n° 8 de six : ce qui fait quarante-quatre bouches à feu.

L’enceinte de la nouvelle ville (Neustadt) sera bien armée; on pourra, en conséquence, y affecter une partie de l’armement de la rive gauche, de sorte cependant qu’il y reste au moins trois pièces dans chaque redoute.

Il sera pris des mesures pour établir des merlons en sacs à terre et gabions, afin de former des magasins à poudre dans toutes les redoutes, ainsi que pour donner à ce camp retranché le dernier degré de force pour recevoir une attaque.

Les soixante bouches à feu du duc de Tarente doivent rester atte­lées, pour se porter partout où il serait nécessaire et sur le point précis que l’ennemi attaquerait. Le service de l’artillerie sera établi de manière qu’il y ait non-seulement dans les redoutes, au moment de l’attaque, les hommes nécessaires pour le service des pièces, ainsi que pour celles de l’enceinte de la Neustadt, mais encore une réserve pour remplacer les tués et les blessés.

Vous chargerez le général Pernety du commandement de l’artil­lerie de toute la place et sur les deux rives, et vous mettrez à sa disposition le personnel nécessaire pour qu’il établisse bien le service.

Il faut tout préparer comme si l’on devait être attaqué le 4 ou le 5.

On placera deux pièces de canon dans chacune des redoutes, sur la route de Weissig et sur celle de Grossenhayn, en avant du camp retranché. Comme cette artillerie serait insuffisante, le surplus nécessaire sera fourni par le 11e corps sur ses pièces attelées.

En cas qu’on dût évacuer ces positions, l’artillerie du 11e corps serait chargée d’avoir des attelages prêts pour enlever ces pièces.

 

Dresde, 2 octobre 1813 , dix heures du soir.

Au maréchal Victor, duc de Bellune, commandant le 2e corps de la Grande Armée, à Klein-Schirma.

Mon Cousin, je reçois votre lettre. Le prince Poniatowski est arrivé à Altenburg. Le général Lauriston est à Mittweida. Il est important que vous poussiez l’ennemi sur Chemnitz. Une des deux choses suivantes arrivera : ou l’ennemi a peu de monde à Chemnitz, et les renseignements du prince Poniatowski sont qu’il n’y a que deux régiments, dans ce cas vous le culbuterez, vous entrerez à Chemnitz, vous vous lierez avec Lauriston et vous aurez des nou­velles; ou l’ennemi y a une armée, et dans ce cas il est important que vous dirigiez en conséquence le général Lauriston ainsi que le prince Poniatowski, pour qu’ils ne soient pas compromis et que vous m’en teniez instruit. Je regarderais comme une nouvelle bien heu­reuse la certitude que l’ennemi s’enfournât avec une armée de 80,000 hommes sur Leipzig;  la guerre serait alors bientôt finie : mais je pense qu’il connaît trop ma manière de faire pour s’exposer à pareille aventure. Sachez donc ce que l’ennemi a à Chemnitz, et marchez-y vous-même.

 

Dresde, 3 octobre 1813.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Dresde.

Mon Cousin, écrivez au duc de Raguse que je désapprouve qu’il ait envoyé une partie de son corps à Merseburg; que son corps ne doit faire aucun service et se tenir prêt à partir, deux heures après qu’il en recevra l’ordre et sans perdre de temps, sur l’une ou l’autre direction.

Écrivez au duc de Padoue que la nouvelle de l’arrivée de 20,000 ennemis à Altenburg est fausse.

Écrivez au général Souham que ses troupes se comportent mal; qu’il est convenable qu’il établisse une bonne discipline, parce que déjà les paysans désertent et que cela nous affame.

Donnez ordre au général Souham d’avoir son quartier général et une division à Meissen, d’envoyer une de ses divisions à Strehla et l’autre à Riesa; que la division de Strehla se mette en communication avec Torgau; que ses troupes, soumises à une bonne discipline, sur­veillent les bords de l’Elbe et vivent là dans le pays.

Écrivez au duc de Bellune qu’il est nécessaire qu’il occupe Flœhe, puisque le général Lauriston est à Mittweida.

Écrivez au prince de la Moskova que tous les bruits qui courent sont faux ; que la Bavière n’a pas changé de système, au contraire; que l’ennemi n’a pas encore débouché du côté de Chemnitz; que du côté de Cassel il n’a que des partisans; qu’en général l’ennemi fait courir des bruits de toute espèce contre lesquels il faut se tenir en garde, mais qu’il paraît que l’ennemi est en mouvement et qu’on attend que ce mouvement se décide pour agir.

Donnez ordre au général Sorbier d’envoyer une bonne compagnie d’artillerie et un bon officier supérieur à Wittenberg ; cette mesure est très-urgente.

Écrivez au duc de Tarente que, d’après tous les renseignements des espions, l’ennemi a quitté absolument tous ses environs et s’est porté dans la direction d’Elsterwerda; qu’il serait donc convenable qu’il fît de fortes reconnaissances sur les trois grandes routes pour avoir des nouvelles.

Donnez ordre au duc de Castiglione de faire venir par Fulde et Eisenach tout ce qui reste à Würzburg, indépendamment de la garnison.

 

Dresde, 3 octobre 1813.

Au maréchal Marmont, duc de Raguse, commandant le 6e corps de la Grande Armée, à Leipzig.

Tous les bruits que l’on fait courir sont controuvés : il n’y a point de corps d’armée ennemi sur Gera; il n’y en a pas sur Altenburg, il n’y a de ce côté que les corps de l’hetman Platof et de Thielmann. Il faut mettre une grande circonspection dans vos mouvements. Avant tout, il faut soutenir le prince de la Moskova. Le roi de Naples, avec le 2e, le 5e et le 8e corps, qui sont entre Freyberg, Chemnitz et Altenburg, se trouve, dans l’ordre naturel, opposé à tout ce qui arri­verait de Bohême. D’ailleurs, un officier que vous m’enverriez en poste pourrait en moins de vingt heures vous rapporter ma réponse.

Je vous le répète : couvrir Leipzig, puisque vous y êtes; empêcher le passage de l’Elbe, de Wittenberg à Torgau ; secourir Torgau ; appuyer le prince de la Moskova, voilà le premier but que vous devez -vous proposer. Le reste viendra après.

J’attends aujourd’hui des nouvelles du prince Poniatowski et de l’arrivée de mes troupes à Chemnitz, ce qui me mettra à même de prendre un parti.

 

Dresde, 3 octobre 1813.

Au maréchal Macdonald, duc de Tarente, commandant le 11e corps de la Grande Armée, à Dresde.

Il paraît que Sacken, qui était vis-à-vis Meissen, en est parti hier à deux heures après midi et s’est éloigné de plusieurs lieues. Il est donc important que vous envoyiez des reconnaissances dans les directions de Kœnigsbrück, de Grossenhayn et de Kamenz, pour avoir des nouvelles de l’ennemi.

 

Dresde, 3 octobre 1813.

Au prince Poniatowski, commandant le 8e corps de la Grande Armée, à Altenburg.

Le roi de Naples s’est rendu la nuit dernière à Freyberg. Il doit avoir marché aujourd’hui sur Chemnitz.

Le général Lauriston enverra une forte avant-garde sur Penig. Envoyez vos rapports au roi de Naples.

Le général Lefebvre-Desnoëttes étant toujours entre Naumburg et Weissenfels, communiquez avec lui.

Le duc de Castiglione, avec un corps de 20,000 hommes, arrive aujourd’hui à Iéna; mettez-vous aussi en correspondance avec lui.

Aussitôt que j’aurai des nouvelles de ce qui se sera passé à Chemnitz, je vous enverrai des ordres ultérieurs. Le corps du général Klenau n’est que de 6,000 hommes de cavalerie et au plus de 15,000 hommes d’infanterie.

 

Dresde, 3 octobre 1813.

Au général comte Drouot,, aide-major de la Garde impériale, à Dresde.

Monsieur le Comte Drouot, mandez au duc de Trévise qu’il est fort douteux qu’on ait besoin de lui à Freyberg; qu’en conséquence je désire que mes troupes soient bien cantonnées dans les villages, et puissent là bien vivre, à l’abri des mauvais temps ; qu’il envoie des officiers voir ce qui se passe sur la route de Chemnitz, afin de ne pas marcher légèrement; que d’ailleurs, pendant le temps qu’il préparera sa troupe à se mettre en marche, à moins d’urgence, il aura le temps de recevoir mes ordres, puisqu’en deux heures il peut avoir ma réponse. Mais, s’il y avait urgence, il devrait marcher.

 

Dresde, 3 octobre 1813.

Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police général, à Paris.

Monsieur le Duc de Rovigo, je reçois votre lettre chiffrée du 27. Vous êtes bien bon de vous occuper de la Bourse; que vous importe la baisse ? Ceux qui auront vendu la rente à 60 la rachèteront à 80. Moins vous vous mêlerez de ces affaires, mieux cela vaudra. Il est naturel que dans les circonstances actuelles il y ait plus ou moins de baisse; laissez-les donc faire ce qu’ils veulent.  A qui cela fait-il tort ? A ceux qui ont la bonté de vendre. Comme ils ne sont pas obligés de vendre, le tort qu’ils se font est donc volontaire. C’est mal à propos faire sentir l’influence de la police que de s’immiscer dans ces sortes d’affaires. La rente descendrait-elle à 6 francs, qu’importe, si les intérêts sont toujours bien payés ? Le seul moyen d’aggraver le mal, c’est que vous vous en mêliez et que vous ayez l’air d’y attacher de l’importance. Pour moi, je n’y en attache aucune. Comme je ne fais pas d’emprunt et que je n’ai pas besoin d’en faire, tous ces détails d’agiotage n’attaquent en rien l’administration.