Correspondance de Napoléon – Octobre 1803

Octobre 1803

 

Paris, 1 octobre 1803

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. Il sera élevé à Paris, au centre de la place Vendôme, une colonne à l’instar de celle érigée à Rome en l’honneur de Trajan.
ART. 2. – Cette colonne aura 2 mètres 73 centimètres de diamètre sur 20 mètres 78 centimètres de hauteur. Son fût sera orné, dans son contour ou spirale, de 108 figures allégoriques en bronze, ayant chacune 97 centimètres de proportion, et représentant les départements de la République.
ART. 3. – La colonne sera surmontée d’un piédestal terminé en demi-cercle, orné de feuilles d’olivier et supportant la statue pédestre de Charlemagne.
ART. 4. – Le ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté.

 

Paris , 1er octobre 1803

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. – Une écharpe d’honneur sera décernée au citoyen Letourneur, Maire de Granville, pour la bonne conduite qu’il a tenue pendant le bombardement.
ART. 2. – Les citoyens Boissel-Dubuisson, tous deux adjoints du maire, dont le premier s’est retiré à la campagne et le second a offert sa démission pendant que l’ennemi était encore en présence sont destitués, des lâches ne pouvant rester à la tête d’une commune telle que Granville.
ART. 3. – Le Ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté.

 

Paris, 1 octobre 1803

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. – Il sera fait, dans les domaines publics du duché de Parme, une réserve d’une valeur de deux millions de francs, pour être répartie entre les militaires et les autres personnes qui, ayant souffert dans leur fortune par l’effet des lois portées pendant la révolution, seront jugés susceptibles de participer à ces indemnités. ART. 2. – Le montant de cette réserve sera mis à la disposition du ministère des Finances.
ART. 3. – Il sera envoyé dans le duché de Parme un administrateur de l’enregistrement et des domaines, lequel procédera, d’ici au 1er frimaire, à la formation de cette réserve, ainsi qu’à l’estimation de chacun des biens qui y seront compris.
ART. 4. – La valeur en capital de chaque domaine se composera de vingt années du produit annuel, d’après les baux, s’il en existe, ou d’après l’estimation qui en sera faite par experts, à défaut de baux existants.
ART. 5. – Les personnes qui, en vertu dit présent arrêté, auront obtenu des indemnités, recevront un acte passé par-devant notaire, par lequel le ministre des finances leur cédera et transportera, au nom de la République, la propriété d’une quantité de biens représentant le capital de l’indemnité qui aura été accordée à chacun d’eux.
ART. 6. – Le ministre de la guerre et le ministre des finances sont chargés de l’exécution du présent arrêté.

 

Paris, 1er octobre 1803

DÉCISION

Rapport sur des emprunts de guerre faits en Égypte, et dont le payement est réclamé par des capitaines grecs.Le ministre de la guerre leur fera donner à chacun 3,000 fr., en leur faisant connaître qu’ils n’ont aucun droit à une liquidation, et qu’ils aient à quitter sur-le-champ Paris.

DÉCISION

Le ministre directeur de l’administration de la guerre soumet au Premier Consul un projet d’arrêté portant organisation des hôpitaux militaires et du service de santé.Cela est l’inverse de ce que j’avais désiré ; car le grand défaut de notre organisation est de ne voir l’armée qu’en temps de paix, taudis que c’est toujours en temps de guerre qu’il la faut voir. Il me parait donc convenable d’attacher les officiers de santé aux corps, en décidant que, partout où seraient les corps, les officiers de santé les soigneraient à l’hôpital.

 

Paris, 1er octobre 1803

A l’amiral Bruix, commandant la flottille de Boulogne

Citoyen Amiral Bruix, je vous fais mon compliment sur le bon résultat de votre voyage. Ces deux petits engagements et leur issue sont un véritable succès. Votre lettre de Dunkerque, du 5 messidor, m’a prouvé que vous aviez tout prévu, que tout était le résultat de vos combinaisons, et vous voyez que tout a réussi. Il doit y avoir à Dunkerque encore deux divisions prêtes à partir ; faites-nous-les arriver de même.

Dans ce moment, on ne pourrait point vous donner de canons de 24 pour la prame qui est à Calais. Faites-la armer de canons de 18, car je préfère conserver les pièces de 24 pour les bateaux canonniers.

La division qui est en relâche à Fécamp, celles du Havre, de Granville, de Saint-Malo et de Brest, qui sont en mouvement, ne devront pas tarder à vous arriver.

On a établi à Ostende un payeur, comme vous le désiriez.

J’ai été fort surpris d’apprendre que la solde de la flottille était arriérée. J’ai donné des ordres pour qu’elle fût acquittée sans délai.

 

Paris, 3 octobre 1803

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Je désire que vous fassiez arrêter, Citoyen Ministre, les nommés Lapommeraye et Montfort, anciens militaires, demeurant près de l’Odéon. Lapommeraye est un chouan amnistié qui a servi dans l’armée de Condé. Faites saisir en même temps leurs papiers. Faites-les interroger séparément, au secret, sur ce qu’ils vont faire et sur les personnes qu’ils voient chez une dame Grolier, demeurant rue Saint-Honoré, vis-à-vis la caserne de la Garde, et chez une dame Marcorelle.

 

Paris, 3 octobre 1803

Au citoyen Régnier

Je suis instruit, Citoyen Ministre, que madame de Staël est arrivée à Maffliers, près Beaumont-sur-Oise. Faites-lui connaître, par le moyen d’un de ses habitués et sans causer d’éclat, que si, le 15 vendémiaire, elle se trouve là, elle sera reconduite à la frontière par la gendarmerie. L’arrivée de cette femme, comme celle d’un oiseau de mauvais augure, a toujours été le signal de quelque trouble. Mon intention n’est pas qu’elle reste en France.

 

Paris, 3 octobre 1803

Au citoyen Cretet, conseiller d’État, chargé des ponts et chaussées

Je vous envoie une lettre confidentielle du citoyen Forfait, et dont vous prendrez seul connaissance. Son objet me parait d’une telle importance que je désire que vous en confériez avec le citoyen Cachin, sans lui laisser soupçonner d’où viennent ces observations. S’il reste des doutes, vous vous rendrez vous-même sur les lieux, afin d’être bien sûr que la direction qu’on donne aux travaux de Cherbourg est celle qu’ils doivent avoir.

 

Paris, 3 octobre 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire connaître au général Chasseloup que je n’ai pas approuvé l’idée de transférer à Casal le lycée d’Alexandrie. Des raisons de politique, faciles à saisir, me font désirer de voir ce lycée dans une place de guerre. Il faut d’ailleurs s’attacher les habitants d’Alexandrie et en franciser le plus possible la population. Du reste , je conçois facilement qu’il est bon d’avoir à Casal et à Valence des casernes pour y loger les troupes, et même y tenir en campement une espèce d’armée; mais je me refuse au système des petites places sur le Pô.

J’approuve donc qu’on dispose des casernes à Casal et à Valence pour le logement des troupes; mais c’est à Alexandrie qu’il faut tout faire, tout à Alexandrie. On n’y travaille pas assez; les travaux n’avanceront pas cet hiver; cependant 1’hiver est la saison la plus favorable dans le climat du Piémont.

 

Saint-Cloud, 3 octobre 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Je désire, Citoyen Ministre,

l° Que vous fassiez mâter à Paris une chaloupe canonnière, comme le sont les corvettes de pêche d’Ostende;
2° Que vous fassiez installer un bateau canonnier pour servir d’écurie, et de manière à pouvoir porter seize à vingt chevaux;
3° Que vous fassiez finir une caïque en dix jours;
4° Que vous fassiez mâter quatre péniches de quatre manières différentes, en se servant des différentes mâtures et voilures en usage sur les différents points des côtes de l’Océan;
5° Que vous fassiez faire, dans le plus court délai, un modèle d’affût à coulisse et châssis pour pièces de 4 de campagne en bronze;
6° Que vous en fassiez faire pour des obusiers de 6 pouces, pour des obusiers de 8 pouces et pour des pièces de 8 de campagne; des affûts à châssis et coulisse;
7° Que l’on installe les deux péniches qui sont à Paris, une avec deux pièces de 4 et une avec un obusier de 6 pouces et un petit obusier de 4 pouces 6 lignes (que vous appelez de 12) ;
8° Que l’on installe une chaloupe canonnière avec deux obusiers de 8 pouces sur le travers; une avec deux pièces de 8, et une troisième avec deux caronades anglaises de 36.

Il faudrait que toutes ces installations fussent faites dans le plus court délai, afin de savoir à quoi nous en tenir, et pouvoir mettre sur-le-champ en construction un grand nombre d’affûts à coulisse de pièces de 4, de pièces de 8 et d’obusiers de 8 pouces, et d’être sûrs enfin de pouvoir armer toutes nos péniches.

La flottille doit avoir 700 péniches, ce qui suppose 1,400 pièces ou obusiers; nous devons avoir plus de 300 chaloupes canonnières, ce qui suppose plus de 600 caronades ou pièces : ce qui fait 2,000 caronades ou pièces. Il nous sera facile d’y pourvoir, si nous nous servons indistinctement de pièces de 4, de pièces de 8, des caronades de 4 pouces 6 lignes (que vous connaissez sous le nom de caronades de 12), et d’obusiers de 6 pouces et de 8 pouces, que nous avons en grande quantité; mais il devient urgent d’arrêter les modèles, pour mettre en construction cette grande quantité d’affûts.

Nous devons avoir dans la flottille 3 à 400 demi-péniches. On pourrait placer sur chacune, ou un obusier de 4 pouces 6 lignes, ou une pièce de 3. La terre pourra aisément vous procurer 300 de ces pièces de 3 en bronze, de montagne ou autrichiennes, qui ne pèseront que 2 où 300 livres, c’est-à-dire moitié du poids des pièces de 4, et très-courtes.

 

Saint-Cloud, 4 octobre 1803

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Je vous envoie, Citoyen Ministre, une lettre qui donne des renseignements conformes à d’autres que j’ai déjà reçus sur Lyon, où il paraît qu’il y a un grand nombre de fous tenant encore à la secte des convulsionnaires et des flagellants. Je désire que, sans nommer l’individu qui m’écrit cette lettre, vous ordonniez au commissaire de police de faire suivre les individus dont il est question, et de se concerter avec le commandant de la gendarmerie pour faire arrêter ces prêtres et sectaires un jour qu’ils seront rassemblés, et leur faire subir un interrogatoire séparément, afin de parvenir à découvrir et à déraciner ce brigandage.

 

 Saint-Cloud, 4 octobre 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Vous donnerez l’ordre, Citoyen Ministre, au général de brigade Sebastiani de se rendre dans le département du Morbihan, pour y prendre le commandement des côtes depuis Brest jusqu’à l’embouchure de la Vilaine. Il sera sans cesse sur les côtes, faisant faire l’exercice chaque jour à deux ou trois batteries, et exerçant les canonniers garde-côtes. Il aura tout le ler régiment de hussards, savoir : trois escadrons à 200 hommes à cheval, qu’il répartira sur les points les plus importants de cette côte. Le 4e escadron et le dépôt de ce régiment resteront à Pontivy. Il aura de plus trois compagnies du 7e régiment de chasseurs, avec lesquelles il garnira la partie des côtes du Finistère qui est sous son inspection. Sa mission aura là un double but : le premier, de surveiller les côtes et de tendre des piéges aux Anglais qui voudraient les piller; de surveiller tous les hommes suspects qui rôdent sur ces côtes et correspondent avec les Anglais; le second, de protéger le passage de la flottille, de se rendre en personne et de réunir sur-le-champ une grande force de cavalerie sur tous les points où des bâtiments de la flottille relâcheraient. Il aura à sa disposition deux pièces de 4, deux pièces de 8, deux pièces de 12 et deux obusiers attelés, avec approvisionnement, et servis par une compagnie du régiment d’artillerie qui est à Rennes.

Ce général correspondra avec le général qui est à Rennes, les préfets maritimes de Brest, de Lorient, de Rochefort, pour être instruit des mouvements des flottilles. Il rendra compte, tous les jours, au ministre de la guerre du lieu où il se trouve et de ce qu’il a fait. Son séjour habituel sera Lorient. Pour lui donner les moyens de faire parvenir ses lettres et subvenir aux frais de sa mission du Havre, vous lui ferez donner une gratification de 5,000 francs.

Vous donnerez l’ordre au général de brigade Lemarois, que je mets à cet effet à votre disposition, de se rendre sur les côtes pour y prendre le commandement et l’inspection, depuis la pointe de Brest jusqu’à Cancale, limite de la 13e division militaire. Il aura sous ses ordres le 20e régiment de chasseurs, dont trois escadrons, forts de 500 hommes, seront répartis sur les côtes, et le 4e escadron et le dépôt seront à Rennes, et trois compagnies du 7e régiment de chasseurs pour garnir les côtes du Finistère qui sont sous son commandement. Il résidera habituellement à Saint-Malo. Il sera continuellement sur les côtes, et fera exercer par jour au moins trois batteries, et les compagnies de canonniers garde-côtes. Sa cavalerie sera répartie sur la côte en petits détachements, qui feront des patrouilles de nuit, pour surprendre les péniches ennemies qui débarquent et se répandent dans l’intérieur. Il protégera la marche de la flottille et réunira promptement une grande force de cavalerie sur les anses où des divisions de la flottille seraient forcées de relâcher, et où elles n’auraient pas une protection assurée. Il correspondra directement avec vous, avec le général commandant la division , avec le préfet maritime de Brest, le commandant de la marine à Saint-Malo, le chef de brigade Laboussaye et le général de brigade Sebastiani, pour être instruit de tous les mouvements de la flottille et pouvoir se porter sur son passage. Il aura également deux pièces de 4, deux pièces de 12, deux pièces de 8 et deux obusiers, attelés, qu’il distribuera sur la côte et réunira lorsqu’il sera nécessaire pour protéger le passage de la flottille. Ces pièces seront servies par une compagnie du régiment d’artillerie qui est à Rennes.

Vous donnerez les ordres nécessaires au directeur d’artillerie à Rennes, pour organiser ces deux divisions et les faire atteler de chevaux achetés dans le pays. Les sommes pour l’achat et le harnachement des chevaux seront payées sur des ordonnances d’urgence.

En conséquence des dispositions ci-dessus, le 20e régiment de chasseurs se rendra d’abord à Saint-Malo, où le général Lemarois lui donnera ses ordres pour les mouvements.

Vous donnerez l’ordre au 16e régiment de chasseurs, qui est à Rouen , de se rendre à Caen, pour y remplacer le 20e. Le 16e régiment fournira trois escadrons, forts de 450 hommes au moins, qui, sous les ordres du chef de brigade Lahoussaye, garniront la côte depuis Cancale jusqu’à Honfleur. ,

Les escadrons du 3e régiment de hussards qui sont dans la 14e division militaire se rendront en conséquence à Rouen.

Le général de brigade Dupas se rendra au Havre; vous lui donnerez une instruction semblable à celle du général Sebastiani, qu’il remplace.

Vous donnerez ordre au général de brigade Paulet, commandant le département de la Vendée, d’établir son quartier général aux Sables-d’Olonne, et d’être perpétuellement sur les côtes de son département. Le 4e régiment de chasseurs fournira deux escadrons, forts au moins de 300 hommes, pour garnir la côte, depuis Bourgneuf exclusivement jusqu’auprès de Marans.

Vous lui ferez comprendre qu’en qualité d’inspecteur des côtes il doit correspondre avec le général de la division, et aussi, tous les jours, avec vous. Il doit, tous les jours, faire faire l’exercice du canon et inspecter trois on quatre batteries. Sa mission a le double but d’empêcher les péniches anglaises de correspondre avec les côtes, de leur tendre des embûches et de les surprendre; d’inspecter les compagnies garde-côtes, et de veiller à ce que les postes soient complets et les batteries approvisionnées.

Il doit y avoir des détachements sur tous les points abordables de la côte, et surtout à Notre-Dame-de-Mot, à Saint-Jean-de-Mont, à Beauvoir, à Bouin et à Noirmoutier. Il doit correspondre avec le préfet maritime de Rochefort et le général Lacoste, inspecteur des côtes du département de la Loire-inférieure, pour protéger le passage de la flottille, afin que dans tous les lieux il réunisse des détachements de cavalerie et s’y rende en personne.

Vous donnerez ordre à deux escadrons du 7e bis de hussards, qui est à Saumur, complétés à 300 hommes, de se rendre à Machecoul, où le général Lacoste leur donnera des ordres pour être répartis depuis Bourgneuf jusqu’à l’embouchure de la Vilaine. Vous donnerez à ce général des instructions pareilles et pour le même but.

Le général chargé de l’inspection des côtes de la Vendée et celui des côtes de la Loire-Inférieure auront chacun deux pièces de 4 et deux pièces de 8. Ces huit pièces seront servies par une seule compagnie d’artillerie et attelées de cent chevaux. Elles s’organiseront à Nantes. Vous chargerez le directeur de l’artillerie de Nantes d’acheter ces chevaux et de les harnacher.

Ces cinq officiers généraux et supérieurs auront chacun un capitaine d’artillerie qui sera fourni par le directeur d’artillerie de la résidence de Rennes et de Nantes. Ce capitaine les accompagnera partout et sera chargé de montrer la manœuvre aux batteries et de les faire exécuter en présence du général.

Les sous-officiers et soldats des ler, 3e et 7e bis de hussards, des 4e, 7e, 16e et 9e de chasseurs, employés sur les côtes, seront exercés à la manœuvre du canon. Il leur sera accordé une gratification de 20 centimes par jour, qui sera payée, tous les dix jours, sur des feuilles visées par l’officier général et sur les fonds que le ministre de la guerre mettra à cet effet à sa disposition.

Dites à ces officiers généraux que mon intention est que, tous les dix jours , ils voient toutes leurs batteries; qu’il faut par conséquent qu’ils soient continuellement sur les côtes; qu’ils doivent vous rendre compte , au moins tous les deux jours , tant de ce qui se passe à la côte que de ce qu’ils apprendront, soit de la mer, soit par les vigies, et user de la plus grande et de la plus active surveillance.

 

Saint-Cloud, 4 octobre 1803

Au général Berthier

Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner ordre à deux bataillons de la 6e demi-brigade d’infanterie légère, complétés à 750 hommes, officiers non compris, de se rendre à Montreuil-sur-Mer (département du Pas-de-Calais); le 3e bataillon et le dépôt continueront à rester à Givet.

A la 69e demi-brigade, de compléter ses deux premiers bataillons à 650 hommes chacun, officiers non compris, pour se rendre à Montreuil (département du Pas-de-Calais).

Donnez ordre au général Partouneaux de porter son quartier général à Étaples, et de reconnaître le campement qu’il doit faire occuper à ces deux demi-brigades, du moment qu’elles arriveront. Il restera provisoirement sous les ordres du général Soult. Vous donnerez ordre que ces deux demi-brigades partent avec leurs capotes.

Donnez ordre au chef d’état-major du général Ney de se rendre à Montreuil avec le commissaire ordonnateur et les généraux commandant l’artillerie et le génie.

Donnez ordre à la 9e demi-brigade de ligne de se tenir prête à faire partie de l’expédition et de faire faire en conséquence des capotes.

 

Saint-Cloud, 4 octobre 1803

Au général Soult, commandant le camp de Saint-Omer

Citoyen Général Soult, vous devez avoir en ce moment deux bâtiments de grande espèce ou prames à Boulogne. Chacun de ces bâtiments doit porter 50 chevaux. Voyez le général Bruix pour les y faire placer, afin de voir comment ils tiendront. Il est aussi indispensable que chaque bateau canonnier porte deux chevaux; on peut, s’il le faut, au lieu de vingt-sept fusils de rechange n’en porter que dix, au lieu de deux cents boulets de 24 n’en mettre que cent, au lieu de deux cents coups à tirer par pièce de campagne n’en mettre que cent; on peut même diminuer de quelque chose les rations de biscuit et les cartouches; mais nécessairement ils doivent porter deux chevaux.

Sur les péniches, il doit y avoir quelque coffre ou caisse ferrée pour pouvoir contenir des cartouches; au moins cinq paquets par homme.

Le général Marmont doit, à l’heure qu’il est, être arrivé à Boulogne. Il vous fournira toute l’artillerie dont vous aurez besoin.

 

Saint-Cloud, 4 octobre 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Par l’état de la situation de notre flottille, il résulte que nous avons 29 prames, 300 chaloupes canonnières, 475 bateaux canonniers, 536 péniches et 27 caïques; dans ce nombre sont compris les 185 bateaux de l’ancienne flottille. Il n’y a pas assez de prames en construction, et surtout point assez de péniches; dans les 536 sont comprises les 100 qui se construisent à Lille, qui ne se commencent pas. Il serait de la plus grande nécessité de faire activer ces péniches.

Faites-moi connaître si ces résultats sont conformes aux vôtres, et les mesures que l’on pourrait prendre pour faire mettre promptement en construction les prames, péniches et caïques qui nous manquent.

Il me semble que vous m’aviez rendu compte qu’il y avait à Brest et en d’autres lieux 10 prames de nouvelle construction; cependant il n’y en a d’armées qu’à Dunkerque. Il serait cependant assez important de faire armer les autres.

Il paraît qu’il manque à Boulogne beaucoup de choses nécessaires. Il faudra surtout beaucoup de rames, car la division de la flottille qui arrive de Dunkerque en a beaucoup perdu.

Il faut aussi que vous donniez l’ordre au citoyen Forfait de se rendre à Boulogne, après avoir fait sa visite à Nantes. Il devra y être rendu pour le 25 du mois au plus tard.

 

Saint-Cloud, 4 octobre 1803

A l’amiral Bruix, commandant la flottille de Boulogne

Citoyen Amiral Bruix, vous devez avoir, à l’heure qu’il est, une prame à Boulogne et une à Calais. Faites embarquer 50 chevaux sur chacune de ces prames, et faites-les aménager comme elles doivent l’être.

Il est nécessaire que chaque bateau canonnier porte deux chevaux; mais l’on peut très-bien, au lieu de deux cents coups à tirer, n’en mettre que cent, et diminuer ainsi sur plusieurs autres objets. Le citoyen Forfait prétend que les nouveaux bateaux présenteront plus de facilités que les anciens. Comme l’équipage d’artillerie de campagne n’est composé que de 160 pièces, il n’y aura besoin que de 160 bâtiments portant ces pièces. Si donc elles ne pouvaient être placées sur les anciens, les nouveaux pourraient les porter, vu que le citoyen Forfait assure qu’ils ont été arrangés pour cela.

Faites-moi connaître votre situation. Faites sortir, tous les jours, toute la portion de la flottille que vous avez à Boulogne; je n’ajoute pas lorsque le temps le permet, parce qu’en fait de marine c’est toujours entendu.

Je désirerais aussi que toutes les fois que la flottille sort, vous fassiez tirer sur un tonneau placé sur le bord de la mer, afin d’exercer l’équipage et les soldats à cette manœuvre.

Le général Marmont doit être rendu de vos côtés.

Les longues nuits arrivent. Choisissez deux ou trois capitaines de corsaires hardis et entreprenants, qui puissent, avec des péniches, se porter de nuit sur la côte d’Angleterre, saisir quelques bateaux de la côte et même quelques paysans qui puissent donner des renseignements sur ce qui se fait dans les différents points.

On doit à Boulogne connaître parfaitement les côtes opposées. Faites rédiger un mémoire des renseignements que vous obtiendrez depuis la Tamise jusqu’à Portsmouth, dans lequel on fera connaître, lieue par lieue, la nature de la plage, les lieux où l’on pourrait effectuer le débarquement la mer étant stable, les villages et points qui sont sur la côte, leur position, les moyens qu’ils peuvent présenter. Envoyez-moi le plus tôt possible ce mémoire.

 

Saint-Cloud, 4 octobre 1803

DÉCISION

Brizard, ex-sergent, demande une place dans les douanes d’Anvers.Je recommande au citoyen Collin de faire placer ce citoyen aussi avantageusement que ses facultés morales peuvent le permettre. C’est un brave homme.

 

Saint-Cloud, 5 octobre 1803

Au citoyen Barbé-Marbois, ministre du trésor public

Vous devez avoir un million en réserve. Les camps de Saint-Omer, de Bruges, ont des besoins pressants. Les ministres de la guerre et de l’administration de la guerre ont pourvu à leurs besoins par des ordonnances délivrées dans les quinze premiers jours de vendémiaire; mais ces ordonnances, en suivant la marche de la trésorerie, ne peuvent être soldées que dans l’espace d’un mois à dater de la signature; il est cependant indispensable qu’elles le soient sur-le-champ. Je désire donc que toutes les ordonnances que ces ministres auraient délivrées et délivreront pour le service de ces trois camps, dans les quinze premiers jours de vendémiaire, soient soldées sur-le-champ; en conséquence, que vous fassiez partir dans la journée de demain 500,000 francs du million de réserve, ce qui couvrira sur-le-champ toutes ces dépenses. Ces 500,000 francs seront restitués au million en réserve aux époques où les ordonnances des ministres auraient dû être soldées, c’est-à-dire dans les derniers quinze jours de vendémiaire et la première quinzaine de brumaire, de manière qu’au 15 brumaire il y ait en réserve les mêmes sommes destinées par le projet de service.

 

Saint-Cloud, 5 octobre 1803

DÉCISION

Le ministre du trésor public demande des ordres pour le payement des hautes et doubles payes attribuées aux brevets d’honneur. Il pense que, d’après une
première décision, elles ne doivent plus être payées sur les fonds de la solde, d’après de simples revues.
Les soldats qui ont reçu des fusils, baguettes , grenades et trompettes d’honneur, cesseront de  toucher la haute paye à dater du ler vendémiaire . On la leur payera cependant jusqu’au 1er brumaire, mais comme avance à retenir sur les 250 francs qu’ils recevront comme légionnaires. Quant aux sabres d’honneur, les militaires qui en sont décorés continueront à recevoir le double traitement jusqu’au ler nivôse. Le ministre donnera avis de cette décision au grand chancelier.

 

Saint-Cloud, 5 octobre 1803

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. – Il sera formé une compagnie de guides-interprètes qui sera employée à l’armée d’Angleterre.
ART. 2. – Cette compagnie sera composée ainsi qu’il suit : 1 capitaine, 2 lieutenants, 2 sous-lieutenants, 1 maréchal des logis en chef, 4 maréchaux des logis, 1 fourrier, 8 brigadiers, 96 guides, 2 tambours; total : 117.
ART. 3. – Le recrutement de cette compagnie se fera par la voie des enrôlements volontaires à Paris, et dans les ports de mer, depuis Ostende jusqu’à Saint-Malo.
Pour y être admis, il faudra n’avoir pas plus de trente-cinq ans, être bien constitué, savoir parler et traduire l’anglais, avoir habité l’Angleterre et en connaître la topographie, et produire des certificats d’anciens services et de bonne conduite.

Les Irlandais qui sont en France et les jeunes gens de la conscription qui ne font pas partie de l’armée pourront être admis dans cette compagnie, s’ils réunissent d’ailleurs les conditions ci-dessus.

Les officiers de cette compagnie seront nommés par le Premier Consul, sur la proposition du ministre de la guerre. Les sous-officiers le seront par le ministre de la guerre.
ART. 5. – L’uniforme sera composé ainsi qu’il suit : habit-veste de couleur vert-dragon, doublure rouge, revers, parements et retroussis écarlates, boutons blancs à la hussarde, veste de drap blanc, boutons blancs, culotte de peau blanche, bottes à l’américaine, éperons noirs bronzés.

L’équipement sera en buffleterie blanche , à l’exception de la giberne.

L’armement sera composé de mousquetons garnis de leurs baïonnettes et de sabres du modèle de ceux des dragons.
ART. 6. – La solde de cette compagnie sera payée conformément à l’arrêté du 22 ventôse an VIII. Les masses le seront sur le pied de celles fixées pour les dragons.
Il y aura un lieutenant de première classe et un de deuxième.
ART. 7. – Le conseil d’administration sera composé ainsi qu’il est prescrit par l’arrêté du 15 germinal dernier pour les compagnies isolées.
ART. 8. – Les ministres de la guerre et du trésor public, et le ministre directeur de l’administration de la guerre, seront chargés, chacun en ce qui. le concerne, de l’exécution de cet arrêté.

 

Saint-Cloud, 5 octobre 1803

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Je vous envoie, Citoyen Ministre, un rapport du général Moncey, dont il vous aura sans doute envoyé la copie. Prenez toutes les mesures pour qu’on poursuive et parvienne à connaître l’auteur de la lettre et tous les hommes qui correspondent avec l’ennemi.

Desol, un des principaux agents de Georges, se trouve à Paris. Je vous envoie un rapport que m’a remis Nogaret. Ce qu’il y a de plus clair, c’est que Desol se trouve à Paris. Faites tout pour le faire arrêter.

 

Saint-Cloud , 5 octobre 1803

Au général Moncey

La capture faite est extrêmement importante. Donnez des ordres que ces individus soient mis au secret interrogés avec sévérité, afin de parvenir à découvrir l’auteur de la lettre. J’attendrai le rapport ultérieur que vous me ferez pour récompenser le gendarme et les officiers.

 

Saint-Cloud, 5 octobre 1803

Au général Davout, commandant le camp de Bruges

Citoyen Général Davout, j’ai reçu votre lettre du 7 vendémiaire. Je vous prie de vous concerter avec le contre-amiral Émériau , pour que la portion de la flottille qui est déjà armée à Ostende reste en rade tant que le temps le permettra. Vous ferez mettre sur chaque bâtiment la garnison qu’il doit avoir, et vous veillerez à ce que les soldats s’amarinent et s’exercent au tir du canon. Il serait étonnant que vous n’ayez pas une division de corvettes de pêche capable de tenir la mer.

Je ne pense pas que les plates-formes de la laisse de basse mer puissent résister au mauvais temps. Prenez toutes les mesures convenables pour activer rétablissement des batteries qui doivent être placées à l’extrémité de l’estacade. Vous devez, à l’heure qu’il est, avoir reçu un mortier, et avoir des pièces sur l’angle de 45 degrés.

Le ministre de la guerre a dû vous envoyer l’état de la flottille. Chaque corvette de pêche doit porter deux chevaux. Faites-les embarquer sur plusieurs bâtiments, et faites-les aménager comme ils doivent l’être, d’après les états que vous avez reçus, afin de voir comment tout cela se comporte.

 

Saint-Cloud, 5 octobre 1803

DÉCISION

Le grand juge, ministre de la justice, propose de faire demander, par le ministre des relations extérieures, au
Gouvernement helvétique, de consentir à la mise en jugement, devant le tribunal spécial du département du Bas-Rhin, un nommé Martin Wetzel, domicile à  Bâle, prévenu de complicité dans la fabrication de faux billets de la banque de Vienne.
Le faire juger à Strasbourg.

MOTIFS

Un délit contre la banque de Vienne a été commis en France. Le Gouvernement est le maître de le faire poursuivre ou de ne point s’en occuper; mais, lorsqu’il en ordonne la poursuite, c’est comme si le délit avait été commis contre le Gouvernement français. Il est, en effet, impossible de concevoir qu’un Gouvernement puisse faire condamner ses sujets pour un délit commis contre un gouvernement étranger, à moins qu’il ne le considère comme commis à son égard, soit pour raisons politiques, soit parce que, dans l’état de l’Europe, contrefaire des billets de la banque de Vienne ou de celle de France serait attenter également à l’un ou à l’autre gouvernement. Le Suisse arrêté en France comme complice du délit commis en France doit être poursuivi et jugé en France, quoique sa coopération dans le délit ait été exécutée en Suisse, parce qu’il est de principe que le délit est indivisible.

 

Saint-Cloud, 5 octobre 1803

DÉCISION

Rapport sur l’acquittement, par le tribunal criminel de Loir-et-Cher, de dix-sept accusés que le commissaire du Gouvernement a fait réintégrer dans la maison d’arrêt, jusqu’à décision ultérieure de l’autorité suprême.Demander l’opinion du président et faire venir la procédure. En attendant, les condamnés seront retenus en prison comme y ayant contre eux de nouvelles charges. On avisera ensuite aux moyens de porter l’affaire devant un autre tribunal.