Correspondance de Napoléon – Mars 1814

Jouarre, 1er mars 1814.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je suis arrivé aujourd’hui, à deux heures après midi, à Jouarre. L’ennemi a repassé la rive droite de la Marne, mais je suis arrivé à temps pour faire canonner son arrière-garde et lui enlever 3 ou 400 hommes et quelques voitures de bagages. Je verrai ce qu’on pourra faire demain. Je ne sais pas encore la direc­tion que l’ennemi a prise.

Faites-moi passer l’état détaillé de ce que la Garde, ainsi que la ligne, a envoyé au duc de Trévise en infanterie, cavalerie et artillerie.

Vous avez reçu le décret par lequel je lève des gardes nationaux, à compte sur la levée en masse. J’en ai demandé 3,000 dans l’Aube, 3,000 dans l’Yonne et autant dans Seine-et-Marne : c’est donc dix-huit cadres de bataillon qu’il faut que vous envoyiez.

Faites-en lever autant dans le Loiret, à Chartres et dans les autres départements où l’ennemi a été. Dans ces départements, on est prêt à tout; on demanderait le double d’hommes qu’on les aurait sur-le-champ.

Vous aurez donc besoin de beaucoup de cadres ; ce qui me porte à désirer que vous ordonniez au duc de Raguse d’incorporer dans ses anciens cadres tous les nouveaux bataillons que vous lui avez envoyés, en vous renvoyant les cadres des bataillons. Il en sera ainsi de tout ce que vous aurez envoyé à Lagny et à Saint-Maur. Vous me rendrez compte de cette opération. Cela vous donnera quelques bataillons disponibles. Le duc de Raguse peut aussi fournir six cadres pour la levée de Meaux, et le duc de Tarente six pour la levée de Troyes. Pour l’Orléanais et Chartres, il faudrait y envoyer six cadres de Paris. Faites-moi connaître vos ressources là-dessus.

Ces gardes nationaux de la levée en masse sont une chose très-importante et qui n’offrira aucune difficulté; car, je vous le répète, on aurait 50,000 hommes dans le département de l’Aube, si on les voulait.

Concertez-vous avec le ministre de l’intérieur pour, outre cela, organiser des gardes nationales sédentaires.

Étendez la mesure de la levée en masse aux départements de l’Yonne, de la 7e division et de la Bourgogne, au fur et à mesure que l’ennemi en est chassé. Vous sentez qu’il vous suffit d’abord d’avoir deux ou trois cadres par chaque département, et successi­vement on les complétera.

Je ne doute pas que la même mesure ne puisse s’opérer dans l’Aisne, le Nord et le Pas-de-Calais; car, partout où l’ennemi a été, on peut faire ce qu’on veut. Les gardes nationales ne sont bonnes que lorsque les cadres sont de troupes de ligne et sont pleins ; quand ils n’en sont pas, c’est pitié que les gardes nationaux, car sans offi­ciers et sans cadres on n’a réellement rien de bon.

Si les gardes nationaux de Meaux voulaient s’incorporer, aux mêmes conditions, dans le corps du duc de Raguse, il faudrait les y incorporer.

Écrivez la même chose au duc de Reggio et au duc de Tarente, que tous les gardes nationaux qui voudraient s’incorporer dans leurs corps, ils les y incorporent, avec la condition qu’ils seront licenciés   le jour où notre territoire sera affranchi.

Quant aux fusils, il y en a en Piémont; j’ai ordonné au prince Borghèse d’en envoyer 10,000. Je lui ai aussi ordonné d’envoyer une division de 7 ou 8,000 hommes à Chambéry. Le prince de Lucques a amené 3,000 hommes à Gênes. Le prince Borghèse a mal compris mon ordre; il a cru qu’il devait envoyer la division au vice-roi ; faites-lui connaître mes intentions : c’est sur Chambéry qu’il faut envoyer ces forces; le vice-roi a suffisamment de troupes. Après les succès que j’ai obtenus, le roi de Naples ne bougera pas.

Ordonnez qu’on traite pour la garnison de Rome.

II faut faire venir toutes ces garnisons à Chambéry.

Quant à la Catalogne, écrivez au duc d’Albufera qu’il traite avec les Espagnols pour rendre toutes les places, à condition qu’ils rendront toutes les troupes. Il ne traitera pas cependant pour Figuières. Cette opération est très-importante, car elle nous donnera beaucoup de vieilles troupes.

Je suppose que vous avez réitéré les ordres pour que le duc d’Albufera envoie encore une division à Lyon.

Réitérez l’ordre au général Maison d’agir avec plus d’activité et de résolution, d’avoir un corps volant de 4 ou 5,000 hommes, de réunir successivement toutes les garnisons et de tomber sur les der­rières de l’ennemi.

Envoyez l’ordre au commandant de Metz de sortir, de réunir toutes les garnisons et de tomber sur les derrières de l’ennemi.

Envoyez le même ordre à Mayence : les paysans y entrent comme ils veulent.

Concertez-vous avec le ministre de la police pour envoyer, par duplicata et triplicata, ces ordres aux différents commandants de place. Il faut que toutes les garnisons se réunissent car laisse très-peu de monde devant les places.

 

Jouarre, 1er mars 1814, huit heures du soir.

Au roi Joseph, lieutenant général de l’Empereur, à Paris

Mon Frère, je reçois vos trois lettres du 28 à neuf heures du matin, à midi et à une heure.

Je n’ai pas encore communiqué avec le duc de Raguse et ne sais rien de ce qui s’est passé hier.

Je suis arrivé à Jouarre et me suis emparé de la Ferté-sous-Jouarre, en même temps que j’ai fait lever les ponts que l’ennemi avait sur la Seine. J’ai pris quelques bagages et fait 3 ou 400 prisonniers. Toute l’armée ennemie s’est jetée sur la rive droite de la Marne.

D’après un rapport de Préval, je vois que les Polonais partent demain 2 ; dirigez-les sur la Ferté-sous-Jouarre.

Faites donner ordre que toute la cavalerie qui a été dirigée sur le duc de Raguse et qui n’appartient pas à son commandement, c’est-à-dire au 1er corps de cavalerie, soit dirigée sar Meaux, De là, je les dirigerai sur leurs corps ; car la grande affaire est de réunir tous les détachements de cavalerie.

Envoyez-moi l’État des troupes que vous avez à Saint-Maure et à Lagny.

Indépendamment des 600 Polonais, qui Mtia&aà,. ei y a PelonAts qui doiveal être prêts, ce settt les Cosaques; je désire qu’ils partent promptement. Le général Pac m’a fait signer un décret peec q>ue150,000e francs, qui étaient dans U cause du général Dombrowski, fussent mis à la. dispositiôD de ce uégimeat. Ëcewea au général Préval pour (|e’ii awrtretlle cette eféraàMm^ et que cee lwmwesHt’arFraeBt sans retard.

J’ai laissé le duc de Tarente, le duc de Reggio et le général Gérard sur l’Aube, entre Bar-sur-Aube et Vendeuvre. J’ai laissé également le général Sébastian i cotiMne gouverneur à Troyes. Envoyez un officier s’informer de ce qui se passe de ce côté.

 

Il me semble que le général Onana ne met pas l’activité conve­nable pour réorganiser la cavalerie de ma Garde. Il a 2,200 hommes non disponibles et 1,400 chevaux. Pourquoi n’a-t-il pas 2,200 che­vaux ? Pourquoi a-t-il un aussi grand nombre dTiommes non dispo­nibles? 0e’el se donne plus de mouvement, car je porte un grand intérêt à tenir à un complet très-élevé la cavalerie de ma Garde, qui, par les marches forcées, perd beaucoup de monde.

Toutes les conversations qui me reviennent des officiers de l’armée de Blücher blâmaient son opération et le traitaient de fou.

L’estafette qui a dû partir hier matin de Paris avec mes journaux ne m’est pas encore arrivée.

 

Jouarre, 1er mars 1814, au soir.

ORDRES.

Le major générai nommera un commandant pour la Ferté-sous-Jouarre. Le genre, les sapeurs et les marins de la Garde s’y rendront dans la nuit. Le général Lery s’y rendra également et fera rétablir te pont.

Le major général enverra un officier d’état-major au village de Bots-Baudry, pour ordonner que rien ne vienne sous Jouarre, mais que toutes les voitures et toutes les troupes se rendent sur Moras, en suivant la chaussée; le major général donnera spécialement cet ordre au génie et à f artillerie, afin que tout ce qui n’est pas engagé ne prenne pas la traverse et se dirige sur h Ferté-sous-Jouarre par Rfforas. Cet officier donnera ordre que personne ne se presse et qu’on prenne position partout où on se trouve, pour arriver tous demain par Bfforas. Cet officier, indépendamment des ordres qui seront envoyés aux commandants des corps, sera autorisé à dire aux troupes qu’il rencontrera en route que chacun prendra position.

 

Jouarre, 2 mars 1814, huit heures du matin.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général, à Jouarre.

Mon Cousis, donnez ordre aux troupes du prince de la Moskowa et du duc de Padoue de se réunir à la Ferté-sous-Jouarre. Ordonnez à la batterie de réserve de la Garde et à tous les équipages de filer sur la Ferté-sous-Jouarre. Envoyez à Meaux pour qu’on fasse du pain, et à Paris pour qu’on dirige des convois sur Meaux.

 

Jouarre, 2 mars 1814.

Au général Caulaincourt, duc de Vicence, ministre plénipotentiaire de l’Empereur, au Congrès de Chatillon.

Monsieur le Duc de Vicence, je reçois votre lettre du 27. Vous trouverez ci-jointe l’esquisse de la déclaration que vous devez faire. Vous pouvez l’adoucir, en changer les termes, mais conservez le fond.

PROJET DE NOTE.

Le soussigné a reçu de son gouvernement l’ordre de déclarer que la Note qui a été remise par les plénipotentiaires des alliés, n’étant pas une proposition, mais une capitulation, et contenant des choses contre la dignité et l’honneur de la France, ne pouvait pas servir de base à la négociation ; que la vraie base de toute discussion était dans les propositions remises à Francfort par M. de Metternich, lord Aberdeen, M. de Nesselrode et au nom du chancelier Hardenberg, et qui, par l’acceptation de la France, se trouvent avoir la force d’une affaire conclue. Le soussigné a reçu ordre de joindre ici copie de ces propositions. Il est toutefois chargé de renouveler la déclara­tion que, dans aucun cas, la France ne renoncera à ses limites naturelles, comprises, comme l’ont très-bien établi le prince de Met­ternich, le comte Nesselrode et lord Aberdeen, entre le Rhin, l’Océan, les Alpes et les Pyrénées, les alliés convenant que la France doit conserver le rang qu’elle avait parmi les puissances avant la Révolu­tion; les accroissements qu’elle a obtenus depuis sont beaucoup moins que l’équivalent de ce que la Russie, l’Autriche et la Prusse ont acquis par le partage de la Pologne, la sécularisation des évêchés d’Allemagne et la réunion de Venise à l’Autriche, et les acqui­sitions faites par l’Angleterre de l’île de Malte, d’une portion des colonies hollandaises et de toute l’immense presqu’île de l’Inde.

L’Angleterre ne fait à la France aucune cession en lui donnant Pondichéry et les comptoirs des Indes, sans lui donner l’île de France et la Réunion. Sans elles, la France ne retirerait aucun avantage de ces comptoirs, et elle y renoncerait. L’Angleterre conservant la possession des Saintes, celle de la Guadeloupe serait onéreuse pour la France. L’Angleterre garde Tabago. Ainsi, au lieu de ces restitutions que l’Angleterre a annoncé avec tant d’éclat vouloir faire à la paix générale, elle devait dire qu’elle ne restituera que la Martinique, petite île d’une importance secondaire pour la France, sur­tout depuis que le sucre est devenu pour elle une production indi­gène. Ce ne sont pas là les restitutions qu’elle a faites à la paix d’Amiens.

Toutes les puissances d’Europe devant être indépendantes, toutes, savoir l’Espagne, la Suède, le Danemark, la Bavière, la Saie, le Wurtemberg, la Suisse, etc., doivent être représentées au congrès, à moins que ces puissances ne préfèrent, pour éviter des délais, donner leurs pleins pouvoirs aux ministres d’Autriche, de Russie, de Prusse on d’Angleterre. Mais la France ne saurait reconnaître l’es­pèce de suprématie qui résulterait de toute autre manière de procé­der, au profit des quatre puissances alliées sur les autres puissances de l’Europe, et qui exclurait la France du système européen. Ce ne serait donc que comme leurs délégués que les plénipotentiaires des quatre puissances pourraient représenter des puissances indépen­dantes, ce qui est conforme au principe des bases de Francfort, auquel la France a adhéré : qu’aucune puissance ne s’arrogera de suprématie directe ou indirecte sur les autres.

Personne ne veut plus la paix que la France, puisque personne, par la réunion de toutes les puissances contre elle, n’en a plus besoin. Mais le soussigné est chargé de déclarer que, quels que soient les maux qui pèsent sur la nation française et l’urgence des circonstances, rien ne la portera à faire quelque chose qui dégrade son caractère national et puisse la faire déchoir du rang qu’elle a occupé dans le monde depuis tant de siècles.

Lorsque l’Europe, après avoir vu les bases de Francfort, d’abord énoncées dans la Note des ministres des puissances alliées , puis dans la déclaration que les cours alliées ont publiée à Francfort, enfin dans les proclamations du prince de Schwarzenberg, et, de plus, acceptées par la France, connaîtra la capitulation déshonorante que les plénipotentiaires ont ensuite offerte à la nation française, elle jugera que ce n’est pas pour établir l’équilibre européen et donner une paix solide au monde que les puissances se sont coalisées, mais pour déshonorer ou détruire une nation de trente millions d’habitants.

 

Jouarre, 2 mars 1814, mi oiatia.

Au roi Joseph, lieutenant général de l’Empereur, à Paris

Mon Frère, je désire qu’au reçu de la présente vous réunissiez, sous la présidence de la Régente, les grands dignitaires, mes ministres, mes ministres d’État et le président de mon conseil d’État, et que vous leur fassiez donner lecture de la Note des alliés contenant leurs propositions, de la lettre que j’ai écrite à l’empereur d’Autriche, de la lettre du prince de Schwarzenberg au major général, de la réponse du major générai au prince de Schwarzenberg et de l’autre lettre du prince de Schwarzenberg et du projet de Note que je viens de dicter pour que le duc de Vicence la remette au congrès, enfin des différentes pièces qui font connaître l’état de la négociation de l’armistice, afin que les conseillers naturels de mon gouvernement connaissent l’état de la question. Le duc de Cadore tiendra procès-verbal de tout ce que dira chacun. Je ne demande pas un avis de forme, mais je suis bien aise de connaître les différentes sensations des individus.

 

Jouarre, 2 mars 1814.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Vous me dites qu’il y a 12,000 gardes nationaux à Lyon, lesquels ne sont pas équipés ; mais sont-ils armés ? C’est l’important, car alors on pourrait s’en servir. Qu’on y mette des officiers des troupes de ligne, et une masse comme celle-là sera bien respectable. On en formera autant de brigades qu’il y a de fois 2,000 hommes, et autant de divisions qu’il y a de fois 4,000 hommes; ce qui ferait trois divisions ayant chacune une batterie de canons. Ayez soin qu’il y ait des majors et des généraux de brigade pour les commander. Faites connaître que je me bats avec des gardes nationaux de la Bre­tagne qui sont en sabots.

Écrivez au prince d’Essling que nous sommes dans des circon­stances extraordinaires; qu’il ne faut pas se faire des peurs sans motifs ; que, si l’ennemi fait une expédition, c’est à Gènes qu’il dé­barquera et non à Toulon.  Consultez-vous avec les ministres de la marine, de l’intérieur et de la police pour voir s’il ne serait pas mieux de rappeler Ganteaume.

 

Jouarre, 2 mars 1814.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, envoyez plusieurs agents, par le Dane­mark et l’Allemagne, au prince d’Eckmühl, pour lui faire connaître combien il est malheureux qu’avec une armée comme la sienne il se laisse bloquer par des forces intérieures et ne fasse rien pour la patrie. Qu’importe Hambourg quand la guerre est aux portes de Paris et que les armées qu’il devrait tenir autour de lui viennent augmenter ici le nombre de nos ennemis ? Donnez-lui ordre de sortir de la place, de tomber sur les détachements ennemis, de les détruire entièrement, car ils ne sont pas la moitié de ce qu’il a, et qu’il oblige ainsi l’ennemi de reporter des forces considérables contre lui.

Envoyez jusqu’à trente agents. Le Danemark offre beaucoup de facilités pour cela, et une place de commerce comme Hambourg a beaucoup d’aboutissants à Paris.

Écrivez la même chose au général Lemarois ; qu’il tâche de faire sa jonction avec le prince d’Eckmühl, et oblige l’ennemi à tenir des forces considérables contre lui.

 

Jouarre, 2 mars 1814.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Écrivez au duc de Dalmatie qu’avec des troupes comme les siennes il doit battre l’ennemi, pour peu qu’il montre de l’audace et qu’il marche lui-même à la tête de ses troupes. Qu’il sache bien que nous sommes dans un temps où il faut plus de résolution et de vigueur que dans les temps ordinaires. S’il manœuvre avec activité et donne l’exemple d’être le premier au lieu du péril, il doit, avec les troupes qu’il a, battre le double des troupes de l’ennemi.

 

Jouarre, 2 mars 1814.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Envoyez ordre à Borghèse de faire partir pour Chambéry autant d’artillerie attelée qu’il pourra et une division d’infanterie, en se con­tentant de conserver 7 à 8,000 hommes pour garder Alexandrie et la citadelle de Turin, y compris ce qui revient de l’armée de Flo­rence. Calculez ce qu’il peut envoyer. 11 est bien important que cela arrive promptement à Chambéry. Indépendamment de l’estafette et du télégraphe dont vous vous servirez pour transmettre ces ordres, envoyez un officier pour veiller à leur exécution. Aussitôt que Borghèse aura réuni 2,000 hommes au bas du mont Cenis, qu’il les fasse passer et qu’ils se rendent à Chambéry, où ils prendront les ordres des généraux Marchand et Dessaix. Prévenez le duc de Castiglione de ces dispositions.

Réitérez l’ordre au général Maison, et donnez-en avis à Carnot, de réunir les forces des garnisons y compris celles d’Anvers, et de tenir la campagne. L’ennemi néglige mes forces mortes et mes places pour Paris.

Écrivez par tous les moyens à Mayence pour que le général Mo­rand sorte, batte la canaille qui est devant lui, se joigne à la garni­son de Landau, et tienne la campagne sur les derrières de l’ennemi.

Donnez le même ordre au général de Strasbourg.

Ordonnez également au gouverneur de Metz de prendre les deux tiers des garnisons de Metz, de Verdun, de Thionville, de Longwy, etc. En tombant successivement sur les corps chargés du blocus, on fera voir à l’ennemi que ses communications sont mena­cées, et il sera obligé de songer aux places.

Envoyez aux gouverneurs un grand nombre de bulletins qui fassent connaître partout les succès obtenus.

 

Jouarre, 2 mars 1814.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je suppose que votre équipage de pont partira cette nuit de Paris, et arrivera demain 3 à Meaux. Que de choses j’aurais faites si j’avais eu cet équipage! Me voilà arrêté ici depuis bien des beures par la difficulté de réparer le pont de la Ferté-sous-Jouarre.

 

Jouarre, 2 mars 1814.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Duc Decrès, j’ai reçu votre lettre du 27 février. J’ai vu avec plaisir la belle conduite des trois vaisseaux. Mon intention est de donner à ces trois équipages quarante décorations de la Légion, dont vingt-cinq pour le Romulus. Témoignez ma satisfaction aux offi­ciers qui les commandaient.

Les journaux anglais parlent de très-riches prises faites par nos frégates sorties de Nantes ; il paraît qu’une de ces prises a été reprise à son arrivée en France.

 

La Ferté-sous-Jouarre, 2 mars 18U.

AU GÉNÉRAL COMTE HULIN,

COMMANDANT   LA   1e   DIVISION   MII.ITAIRR,   A   PARIS.

Monsieur le Général Hulin, je reçois votre bulletin du 1er mars. Je vois que vous avez 17,000 hommes; vous en portez vous-même 6,400 comme disponibles. Vous avez beaucoup de cadres de batail­lon : complétez-les donc pour former la 2e division de réserve. Ces 6,400 hommes disponibles seraient bien mieux placés, encadrés dans cette division, que sur vos états à Paris. Les circonstances veulent plus d’activité. Faites-moi connaître quand j’aurai douze bataillons et deux batteries sous les ordres d’un bon général de division et de deux généraux de brigade, pour la 2e division de réserve.

Je vois que vous avez 1,100 chevaux prêts à partir : pourquoi ne partent-ils pas? On dirait que vous dormez à Paris.

1 Les vaisseaux le Romulus, le Sceptre, le Trident, les frégates tAdvienne, la Médée, la Dryade, formant une division sous les ordres du contre-amiral Cosmao, furent attaqués, le 13 février 1814, près du cap Benat, par une escadre anglaise forte de quinze vaisseaux, dont neuf à trois ponts. La division française eut 180 hommes tués ou blessés, mais elle ne fut pas entamée et réussit à ren­trer dans la rade de Toulon.

 

La Ferté-sous-Jouarre, 2 mars 1814.

Au maréchal Mortier, duc de Trévise, commandant la garde impériale à Uzy-sur-Ourcq.

L’officier des gardes d’honneur que vous m’avez envoyé m’a rendu compte de votre ‘dernière affaire. Je désire en avoir une relation détaillée.

Il y a ici un millier d’bommes appartenant à votre division d’in­fanterie; mon intention est qu’ils vous rejoignent. lEnvayoe-rmoi la situation de itou lese evos troupes, infanterie, cavalerie,, artillerie, et de tout cp qu’on vous a envoyé de la Garde,<et qui-est parti deeParis depuis cematin; on mVagsure qu’on vous a envoyé 6ià <7,000 (hommes. Je suppose donc que vous avez actuellement 4 à -5^000 hommes de cavalerie, dix-sept à vingt canons fit 8;à 9,000.homraes.diinfanierie; ce qui vous fera un corps de il5,000 hommes.

Je désire également que le duc de Raguse tm’envoie.l’étatiexact de ce qu’il a.

Le pont de la Ferté-sous-‘Jouarre sera terminé aujourd’hui, dans deux heures d’ici. Je ferai passer beaucoup de troupes toute la nuit. Je ne déciderai ‘mon jmouvement.que d’après lesinouvelles que je recevrai. Je suppose qu’ils filent sur laiFerté-Milon.

Communiquez cetle lettre au duc de Raguse.

Entre vous et le duc de Raguse, vous devez avoir près de 25,4)00 hommes, toutes armes comprises, dont .quatre-vingts pièces de canon.

Aussitôt que je serai rassuré sur le mouvement offensif contre vous, mon intention est de pousser sur mes places, en marchant dans la direction de Chàlons (car ils ne bloquent aucune place, de sorte que la garnison de Melz fait des sorties jusque ,près de Nancy), et tous ces renforts grossiraient singulièrement mon armée.

 

La’PeeM<rain4jeaenv/2 maraWlK, iix%etire tin torr.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général, à La Ferté-sous-Jouarre.

Mon Cousin, donnez ordre au duc de Bel lu ne de partir demain matin, à la petite pointe du, jour, pour se porter par Vieux-Maisons à Château-Thierry. Prévenez-le que nous nous y portons par l’autre rive.  Recommandez-lui, s’il arrive avant nous,  de faire sur-le-champ travailler à réparer le pont. Il laissera à la Ferté-Gaucher une arrière-garde, qui, avec les habitants, défendra la ville contre les Cosaques de Tettenborn, qui sont les seuls qui l’ont suivi.

Donnez ordre au général Grouchy de faire passer la cavalerie légère du général Wattier ce soir à huit heures, et avant, si le pont est terminé avant. Ce général se mettra à la suite de l’ennemi dans la direction de Crouy, de la Ferté-Milon et de Jaignes. Vous lui ferez connaître que des marches de nuit sont surtout avantageuses quand on a le pays pour soi; qu’on doit donc en profiter pour tenter d’en­lever les postes de l’ennemi, puisque nous pouvons avoir des intelli­gences avec les habitants, qui lui diront le nombre d’hommes que l’ennemi a, et le conduiront sur ses derrières, où il a beaucoup de bagages et des pièces embourbées.

Donnez ordre que le général Houssel reploie tous ses postes ce soir à huit heures et passe sur-le-champ pour porter ce soir son quar­tier général à Montreuil; ses batteries d’artillerie légère passeront avec lui.

Tout le corps du prince de la Moskova passera à deux heures du matin et prendra position deTautre côté dans la ville, de manière à pouvoir se mettre en marche au jour, n’ayant plus de défilé de pont à passer.

Vous ferez passer, immédiatement après, toutes les batteries de la Garde qui sont ici, et qui parqueront de Pautre côté du pont.

Le duc de Padoue se mettra en marche de manière à pouvoir passer le pont à cinq heures du matin.

La Garde à pied et à cheval partira au jour de Jouarre, pour passer ïes -ponte eà sept heures edo matin.

Prévenez le 4oc ée ftaguœ <& le duc 4è Trévise que cette nuit nous paasMM la Manie. Qa’éls tâchent de correspondre avec le général Wattier, qui conMBenée la cavalerie légère^ en earohant dans la direction As Crouy et de la Ferté-Milon. Mandee-lear qu’ils doivent à la pointe du jour passer l’Ourcq pour pousser l’ennemi ; que demain je serai de ma personne à Mie treuil pour ne diriger à 4a eaitede l’enreaû, au povr prendre lotit ée suite ea direction wir Clièteira-Thicrry et Cfcàlons, selon les nouvelles que je rooevrai d’eux et j’apprendrai.

 

La Ferté sous-Jouarre. 2 mars 1814, sept heures du soir,

Au maréchal Mortier, duc de Trévise, commandant la garde impériale à

AU MARÉCHAL MORTIER, DUC DE TRÉVISE,

COMMANDANT LA VIEILLE GARDE, A LIZY-SUR-OURCQ.

Je vous ai écrit, il y a deux heures, par un officier des gardes d’honneur que vous m’aviez envoyé. J’ai reçu les détails de votre combat du 28; je vous en témoigne ma satisfaction.

Notre pont sera 6ni à neuf heures du soir. A minuit, 6,000 hom­mes de cavalerie auront passé et seront aux trousses de l’ennemi. Les gens du pays me disent que tous leurs bagages sont embarrassés dans les marécages de Cocherel et de Cocherel à Crouy ; que l’armée ennemie est dans un tel état que les hommes pleurent et jettent leurs armes de désespoir.

Vous pouvez compter qu’à la pointe du jour vous entendrez le bruit de leurs pièces. Quand même vous ne seriez pas aux prises, aussitôt que vous entendrez le canon, faites-nous entendre le vôtre pour signal. Aussitôt que vous verrez le moment arrivé, marchez ferme. Je serai en tête avec toute la vieille Garde. Je suppose qu’on vous a assuré les moyens de passer l’Ourcq, s’il le faut, pour aller plus vite. J’espère que nous aurons demain une belle journée.

Communiquez ma lettre au duc de Raguse. Le général Bordesoulle a dû le rejoindre ; il est parti ce matin de Coulommiers pour Meaux. Que le duc de Raguse lui envoie des ordres, si jamais il était resté à Meaux.

 

La Ferté-sous-Jouarre, 2 mars 1814.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général, à La Ferté-sous-Jouarre

Mon Cousin, envoyez ordre au duc de Reggio de se concerter avec le duc de Tarente, pour se préparer à exécuter les dispositions suivantes.

Le duc de Reggio, avec tout le quartier général, le parc et les batteries de réserve, partira de Troyes douze heures après en avoir reçu l’ordre, et se portera sur Arcis. S’il le juge plus prudent ou con­venable , il pourra faire cette marche de nuit, afin de la dérober à la connaissance de l’ennemi.

Le duc de Tarente occupera la Guillotière et Troyes, mettra de l’infanterie, de la cavalerie et de l’artillerie à la Maison-Blanche , et observera la Seine. On évacuera de suite tous les malades et les blessés de Troyes sur Nogent et de là sur Paris.

L’un et l’autre maréchal seront prévenus que je me déciderai demain pour me porter sur Châlons et me mettre en communication avec Verdun et Metz, en menaçant les derrières de l’armée autri­chienne et en la séparant de l’armée de Blùcher, qui se dirige en ce moment sur Soissons et Reims.

On ne fera que les manœuvres préparatoires, telles que l’évacuation des malades, le transport des parcs et le transport du pont sur Arcis pour le duc de Reggio, et sur la Guillotière pour le duc de Tarente.

Selon les circonstances de la journée de demain, je déciderai à donner l’ordre pour être arrivé le 5 ou la nuit du 5 au 6.

 

La Ferté-sous-Jouarre, 2 mars 1814, au soir.

Au roi Joseph, lieutenant général de l’Empereur, à Paris

Mon Frère, je n’ai encore rien reçu de Paris à la Ferté, par Meaux. Je vous avais cependant expédié hier au soir un courrier par la route directe. Recommandez à Lavallette de bien faire réorganiser les postes. Le pont de la Ferté sera rétabli ce soir. A minuit, je serai à la poursuite de l’ennemi. On le dit très-embarrassé dans les boues. H est possible que nous en ayons un très-bon résultat.

J’ai fait donner l’ordre par le ministre de la guerre au prince Borghese d’envoyer 6 à 8,000 hommes avec de l’artillerie attelée sur Chambéry : réitérez-lui mon ordre; voyez un peu les ministres de la guerre et de l’intérieur.

Je pense qu’il faut rappeler Ganteaume; il est trop pessimiste. La garde nationale de Toulon seule rendrait ce qu’il craint impro­bable; à plus forte raison 8 à 10,000 hommes de l’escadre qui s’y réuniraient.

Faites réitérer les ordres pour que tout ce qui est disponible dans les 7e et 8e divisions se rende à Lyon. C’est là que les troupes sont nécessaires.

J’ai demandé qu’on m’envoyât jour et nuit l’équipage de pont qu’on m’annonce être parti de Paris aujourd’hui; c’est mon plus grand besoin, car l’année de Schwarzenberg eût été détruite, si j’avais eu un équipage de pont à Méry, et ce matin j’aurais détruit Blucher, si j’en avais eu un.

Je nie prépare à porter la guerre en Lorraine, où je rallierai toutes les troupes qui sont dans mes places de la Meuse et du Rhin.

11 y a beaucoup d’hommes à Parie; je voise dans- L’état de Hulin qu’il y en a 6,400 de disponibles. Oa ne les faifc pas- partir ; il fout plus, d’activité. 11 est nécessaire de former au plue tôt la 4P division provisoire de la Garde, de remonter 2,000 chevaux et de former la 4e division de ligne, afin que vous ayez toujours de& troupes dans la. maia à Paris.

 

La Ferté-sous-Jouarre, 2 mars 1814.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, grâce à l’adresse et à l’activité des marins de ma Garde, le pont de la Ferté sera fini dans une heure. Si j’avais eu un équipage de peut; àe Méry, Farinée de Schwarzenberg eût été détruite. Si j’en avais eu un ce matin, l’armée de Blücher eût été perdue.

 

La Ferté-sous-Jouarre, 3 mars 1814.

Au roi Joseph, lieutenant général de l’Empereur, à Paris

Mod Frère, depuis dis heures du matin, la caualerie passe. Notre cavalerie doit être maintenant sur les panes; moi-même je me porte à Montreuil. Une de nos colotuues s’est postée sur CbAteao^Thierry pour y réparer le pont.

Je n’ai pas. eu cette- nuit de nouvelles du due de Raguse. Je pense que nous ne tarderons pas à communiquer. 11 était hier au soir du côté de Gesvres efcde Crouy.

L’ennemie était hier au soir vise-à~vis de Maneuil.

 

La Ferté-sous-Jouarre, 3 mars 1814.

Au prince Cambacérès, archichancelier de l’empire, à Paris

Mon Cousin, je vois qu’à Paris vous avez de leesprit’Unit plein pour avoir des sujets de peur. 11 n’y a pas de remède- à1 cela. 11 suffît de penser qu’aujourd’hui lk capitule n’est plus réellement compromise: Cela est beaucoup avec le mauvais esprit de tout ce qui tiente à’ Had^-ministration, depuis le prince de Bénéventjpsqu’àje ne sais- qui •; ce sont eux qui ont propagé depuis novembre un si mauvais esprit dans l’opinion.

Vous verrez, par les communications que.fera lo. Roi, combien ces messieurs sont modérés; tout comme leurs soldats qui pillent, égorgpntei brûlent tout!.

 

La Ferté-sous-Jouarre, 3 mars 1814.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, faites connaître au général Maison qu’un mouvement hardi, par lequel il se porterait sur Anvers avec tout ce qu’il a de disponible et réunirait toutes les troupes de la gar­nison d’Anvers, hormis 3,000 marins qu’il laisserait dans lk ville, dégagerait Bruxelles et inquiéterait fortement l’ennemi sur ses com­munications. Les troupes auxquelles il a affaire ne sont que de la canaille. Qu’il se mette en campagne, puisque l’ennemi, dédaignant toutes les places et les? garnisons, prend sa ligpe d’opération par Avesnes sur Paris : il n’est donc pas question de rester dans les places, mais d’agir sur sa ligne d’opération.

Donnez ordre que tout ce que l’on placarde à Paris, sur les horreurs que l’ennemi commet, soit placardé de même à Lille, à Valenciennes et dans les places de Flandre, afin qu’on sache à qui l’on a affaire.

Envoyez un officier au général Maison pour lui faire comprendre combien je trouve ridicules son inertie et son1 peu d’activité dans un moment aussi important

Puisque l’ennemie se dissémine et ne voit que Paris, le général Maison pourrait même dégager Gorcum , et en réunir la garnison à ses troupes en abandonnant la place.

L’ennemi est partout, mais il nfest en force nulle part. 11 ne faut pas croire à des bruits qui sont pleins d’exagération.

 

  1. S. Je vois avec peine que le général Maison dissémine ses troupes, lui d’un côté, Castex de l’autre, etc. Qu’est-ce que tout cela? Qu’il réunisse ses troupes et tombe successivement sur tous les partis de l’ennemi.