Correspondance de Napoléon – Mars 1806

Paris 14 mars 1806

DÉCRET

Sire, j’ai arrêté, après avoir consulté M. Denon, et d’après l’avis de la classe des beaux-arts de l’Institut national, les dispositions préliminaires pour préparer l’exécution des ordres de Votre Majesté à l’égard de la colonne qu’elle a décidé d’élever à la place Vendôme.

Mais il reste, Sire, une intention à donner à ce monument; les vœux de la nation française l’ont désignée. Votre Majesté l’avait d’abord destinée à recevoir la statue de Charlemagne; mais elle a, depuis, rendu cette statue à la ville d’Aix-la-Chapelle.

Que Votre Majesté daigne me permettre de lui dire qu’elle se rendrait aux sentiments unanimes de ses sujets si elle consentait à ce que cette colonne, formée avec le bronze des canons enlevés à l’ennemi, servît à consacrer les souvenirs d’une campagne qui vient de marquer une époque si glorieuse à l’histoire de la France; à ce que cette colonne, exécutée sur les proportions de la colonne Trajane, fût surmontée de la statue du prince qu’elle chérit.

Quelle autre statue pourrait occuper la place que celle de Charlemagne laisse vacante ?

Quoi de plus naturel que de retracer les événements de cette guerre, les noms des compagnons de vos victoires, sur le même bronze qui en compose les trophées !

Notre ministre de la guerre mettra à la disposition de notre ministre de l’intérieur, pour être employée à la construction de la colonne d’Austerlitz, la quantité de cent cinquante mille livres pesant de bronze en pièces de canon prises tant sur les Russes que sur les Autrichiens. Ces pièces seront choisies parmi les moins propres au service.

 

Paris, 14 mars 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je vous ai fait connaître que je désirais que vous fissiez passer une convention pour régler de quelle manière je dois communiquer avec la Dalmatie, et fixer le nombre des journées d’étapes. La république de Venise jouissait de cette communication; d’ailleurs me donner la Dalmatie sans les moyens d’y communiquer, c’est ne me rien donner et exposer mes troupes à être coupées et perdues.

Tant que cette convention ne sera pas faite, je n’évacuerai pas Braunau, car c’est me refuser l’exécution du traité que de me refuser une chose si évidemment juste. J’ai fait tenir le même langage à M. de Vincent. Mon intention est que mon armée ne bouge pas de ses positions que cette convention n’ait été faite.

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Prévenez que toutes mes troupes ne bougeront de l’Allemagne que cette mauvaise difficulté qu’on me fait ne soit levée. Écrivez au maréchal Soult de se mettre en mesure de soutenir Braunau, et donnez des ordres positifs pour qu’il ne soit pas évacué.

 

Paris, 14 mars 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, mon intention est que mon armée reste en Allemagne jusqu’à ce que j’aie des réponses positives de la cour de Vienne relativement aux affaires de Dalmatie.

Cependant je sens qu’il est urgent de soulager les Etats du roi de Bavière, et, en même temps, de rapprocher mon armée de chez moi; car je ne puis douter que la cour de Vienne cesse e refuser une chose qui est si juste. Vous ordonnerez en conséquence les dispositions suivantes : le corps du maréchal Ney partira d’Augsbourg, emmenant avec lui la division de dragons de Walther, et se rendra à petites journées, de manière à fatiguer le moins possible mes soldats, par Memmingen à Engen. Il se cantonnera dans toute l’étendue de la principauté de Forstenberg, et vivra aux dépens de cette principauté, sans faire supporter aucune charge au pays de Bade ni à la Bavière. Le maréchal Ney attendra là de nouveaux ordres. Infanterie, cavalerie, artillerie, tout doit être en état.

Le maréchal Davout se rendra, avec son corps d’armée, à Oettingen, et cantonnera ses troupes dans toute cette principauté, qui est très-étendue, puisqu’elle fait 70,000 âmes , sans être à charge d’aucune manière à la Bavière. Il enverra une de ses divisions occuper entièrement la seigneurie de Limburg, et une autre occuper toute la principauté de Hohenlohe; si son séjour se prolongeait plus longtemps que je ne le pense, elle pourrait même s’étendre dans le Mergentheim. Les principautés d’Oettingen , Limburg et Hohenlohe forment plus de 100,000 âmes; son armée doit vivre là à son aise, sans fatiguer aucun de mes alliés. Par ce moyen la Bavière se trouvera déchargée de nourrir deux corps d’armée, et cela me donnera le temps de faire toutes mes dispositions générales, puisque ces corps d’armée ne seront pas rendus avant le 25 dans leurs cantonnements.

Le maréchal Soult se trouve avoir une grande quantité de cavalerie; je ne vois pas d’inconvénient qu’elle se déploie et prenne plus d’espace, et même qu’une de ses deux divisions de cavalerie se prolonge sur le Lech, du côté d’Ingolstadt et de Neuburg.

Vous pouvez renvoyer le quartier général et tous les bagages à Ulm. Je désire cependant que, de votre personne , vous restiez encore quelques jours à Munich.

Le payeur général de l’armée, qui est à Strasbourg , a de l’argent en caisse. Donnez ordre que tous les corps d’armée envoient leurs payeurs à Strasbourg, pour toucher la solde pour janvier et avril. J’imagine qu’aucun corps n’a encore reçu la solde de janvier. Vous aurez soin de vérifier à combien se monte la solde de l’armée, pour qu’il ne soit pas payé plus qu’il ne faut. Vous en enverrez l’état général au payeur général à Strasbourg. Les payeurs particuliers attendront des ordres à Strasbourg et seront toujours prêts à partir pour se rendre dans les villes où leurs corps d’armée doivent passer le Rhin , et y verser dans les caisses des corps la solde de janvier et avril, de manière que, du moment que les corps seront en France, on puisse faire à tous les soldats de l’armée un double prêt, jusqu’à ce que les quatre premiers mois de l’année soient payés.

Comme les régiments de cavalerie de la réserve sont aujourd’hui dispersés dans les corps d’armée, vous donnerez ordre au payeur du prince Murat de se rendre à Strasbourg. Donnez ordre aux quartiers maîtres de ces régiments de s’y rendre aussi, afin qu’ils reçoivent des mains du payeur du prince Murat leur solde, et la payent à leur corps du moment qu’ils passeront le Rhin.

Vous aurez reçu mon décret pour les fourrages. Il faut donc aussi que les quartiers-maîtres reçoivent, à Strasbourg, leur masse de fourrages, que le ministre Dejean leur fera fournir de là même caisse du payeur général, pour que les corps, à leur passage du Rhin, aient des fourrages et puissent se rendre à leur destination. Chaque corps sera prévenu, huit jours d’avance, de l’endroit où passer le Rhin et de la route qu’il doit tenir.

 

Paris, 15 mars 1806

A M. Fouché

Je vous envoie l’état des personnes âgées de plus de soixante quinze ans sur les têtes desquelles reposent des rentes. Je suis fondé à penser qu’il y en a un grand nombre qui sont mortes, mais qui vivent pour toucher leurs rentes. Si on pouvait en découvrir quel-unes et en faire un exemple sévère, ce serait d’un très-bon résultât pour le trésor. Faites faire des enquêtes par les commissaires de police et la gendarmerie, pour porter un terme à cet abus.

 

Paris, 15 mars 1806

Au prince Murat

Vous trouverez ci-joint la proclamation que vous ferez deux jours après que vous aurez pris possession des duchés de Clèves et de Berg, c’est-à-dire le 23 ou le 24 du mois. Le titre que vous prendrez dans tous vos actes sera : Joachim, Prince et Amiral de France, duc de Berg et de Clèves. Vous commencerez par faire ôter les armes de Bavière et de Prusse, et vous les ferez remplacer provisoirement par celles de Berg dans la duché de le duché de Berg, par celles de Clèves dans le duché de Clèves. Je vous ferai passer incessamment les armes que vous devez prendre. Vous ne ferez mettre nulle part les armes françaises. Vous ne devez pas non plus, dans aucun de vos actes, prendre le nom de Murat.

 

Paris, 15 mars 1806

DÉCISION

Sire, les duchés de Clèves et de Berg étant les fiefs de la couronne impériale d’Allemagne, le prince qui les possède est vassal de cette couronne, et, comme tel, ne peut se dispenser de la prestation de foi et hommage.

Votre Majesté garantit au prince la possession et la souveraineté de ces duchés, mais sans le soustraire aux obligations qui naissent de sa qualité d’État d’Empire et du lien féodal.

Au reste, cette prestation de foi et hommage n’est, dans l’état présent des choses, qu’une pure formalité.

M. Talleyrand dit là justement ce que je veux laisser en discussion. Mon intention est de laisser cela dans la plus grande obscurité. Je déciderai avec le temps si ces duchés seront fiefs de l’empire germanique ou fiefs de mon empire. Il faut donc gagner du temps. En attendant, j’espère que la chambre impériale de Wezlar voudra bien m’en laisser prendre possession en liberté.

 

Paris, 15 mars 1806

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, je lis la proclamation que vous a remise M. de Haugwitz. Je ne perds pas un moment pour déclarer que je la trouve extrêmement mauvaise; elle blesse la vérité et ma dignité. Je suis surpris que vous ne m’ayez pas communiqué cette proclamation, et que vous ne l’ayez pas empêchée de partir. Je ne sais si j’ai bien lu, mais il me semble que votre billet dit qu’elle est partie. Je ne puis que vous témoigner mon extrême mécontentement d’avoir pris sur vous d’approuver une proclamation aussi étrange. Si je comprends bien, l’intention de la Prusse en l’envoyant, c’était qu’elle me fût soumise; elle ne devait donc pas partir sans que j’en aie eu connaissance. Déclarez qu’elle est contraire à ma dignité et aux engagements que j’ai pris. Je n’ai point forcé la Prusse à prendre le Hanovre, puisque je lui ai laissé l’alternative de laisser les choses comme elles étaient avant la guerre. En vérité, je ne puis concevoir votre manière de faire les affaires; vous voulez faire de votre chef et ne vous donnez pas la peine de lire les pièces et de peser les mots. Je serais vraiment très-fâché, la Prusse ayant des égards pour moi en me communiquant cette proclamation , de me trouver obligé d’avoir de grandes discussions avec elle pour cela. Apportez-moi ce soir des explications sur cette affaire.

 

Paris, 15 mars 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, que vous gardiez un ou deux officiers napolitain qui vous sont nécessaires pour la carte géographique, je n’y vois pas d’inconvénient; que vous regrettiez la masse de ceux que vous envoyez à Naples, vous avez tort. Si c’étaient des officiers qui eussent eu une grande expérience de la guerre, ce serait tout simple; mais la plupart seront remplacés par des hommes de familles riches du royaume. Nommez donc à leur place des jeunes gens des différentes provinces, surtout des Brescians. Je vous autorise à prendre des Vénitiens. Mais il faut que ce soit des gens qui possèdent. Que jour et nuit ils travaillent à leurs manœuvres, et ne perdent leur temps; ils deviendront dans peu des officiers aussi bons que ceux que vous laissez là.

J’aurai égard à la demande des manufacturiers de crêpes de Bologne.

 

Paris, 15 mars 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je suis bien aise que la grande décoration de l’ordre de la Couronne de fer que je vous ai envoyée vous ait fait plaisir. Je suis heureux des circonstances que je puis trouver de vous témoigner mon amitié. Rien ne saurait ajouter aux sentiments que je porte; mon cœur ne connaît rien qui lui soit plus cher que vous; ces sentiments sont inaltérables. Toutes les fois que je vous vois déployer du talent, ou que j’apprends du bien de vous, mon cœur en éprouve une satisfaction bien douce.

 

 

Paris, 16 mars 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, je désire que vous vous assuriez, sans délai et sans recourir à l’intermédiaire de votre bureau des vivres, ni à celui  des commissaires des guerres, si les magasins des vivres du munitionnaire général de l’armée de terre contiennent réellement les froments et les seigles portés sur les états e certifiés par les commissaires des guerres.

Vous ferez faire cette vérification dans cinq ou six divisions à votre choix, et vous m’en ferez un rapport.

 

Paris, 16 mars 1806

Au vie-amiral Decrès

Deux frégates anglaises croisent entre Venise et la Dalmatie, et ne laissent pas, surtout dans ces premiers moments, de me nuire. Je désirerais que le Borée et l’Annibal, trois frégates et deux on trois bricks partissent de Toulon, reconnussent l’île d’Elbe, se présentassent devant Naples et servissent à l’expédition de Sicile, si cela est possible. Si des forces supérieures étaient dans ces parages, elles continueraient leur route en doublant le cap Bon, entreraient dans l’Adriatique, s’empareraient des deux frégates anglaises, laisseraient en Dalmatie les trois bricks et deux frégates, et, à leur volonté, opéreraient leur retour. Tous les bâtiments siciliens, russes et suédois seraient de bonne prise. Il faudrait un homme intelligent pour commander cette division. Il me semble que surtout il faudrait avoir des bâtiments bons marcheurs. Je suppose que l’Annibal, qui sort du bassin, marche bien. Si l’on s’apercevait, à la hauteur de l’île d’Elbe, qu’il marchât mal, on le renverrait. Présentez-moi, demain à une heure après midi, une note sur cette expédition.

 

Paris, 16 mars 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois votre lettre du 10 mars. J’approuve beaucoup la mesure d’envoyer une partie des approvisionnements de siège en Istrie et en Dalmatie ; mais il faut prendre des précautions pour n’être point volé ; je m’en remets là-dessus à votre activité et à votre amour de l’ordre. Il faut des états en règle. Le commissaire ordonnateur Joubert a une bonne réputation; cependant portez-y toute votre attention.

Ne croyez point que ce soit une chose facile de donner vingt-deux pieds d’eau à chacune des passes de Venise. Les travaux dans l’eau sont extrêmement coûteux et d’une réussite ordinairement très-incertaine. Toutefois, ces travaux seraient très-utiles; mais, avant de les entreprendre, il faut y bien penser. On a ainsi jeté à Gènes plusieurs centaines de mille écus dans l’eau , sans rien faire.

Je ne puis avoir aucun égard aux réclamations des gouvernements provisoires autorisés par le maréchal Masséna, car il est évident qu’ils ont dilapidé tous ces fonds.

Comme les lettres de change que tirera le prince Joseph, pour la solde arriérée, sur les 2,700,000 francs qui sont à Milan provenant du maréchal Masséna, seront d’une longue échéance, vous pouvez vous aider d’une partie de cette somme. Toutefois, le général Solignac a promis de se rendre à Naples et de faire rentrer cinq millions; ce sera une nouvelle ressource.

 

Paris, 16 mars 1806

Au prince Murat

Je vous ai fait connaître que vous devez prendre possession tout le duché de Clèves. Je ne sais si je vous ai parlé aussi de la place d’Emerich. Aussitôt que vous aurez pris possession de cette place et de celle de Wesel, écrivez au directeur de Mayence de vous envoyer un officier du génie pour les visiter, et envoyez-moi un mémoire avec des observations sur ces deux places.

Il serait possible que la Prusse se réservât, dans le duché de Clèves, les impositions arriérées. Écrivez au général Beaumont que, dans le procès-verbal de prise de possession, il n’admette cette clause qu’en compensation avec les revenus arriérés du Hanovre.

 

Paris, 17 mars 1806

DÉCISIONS DICTÉES FN CONSEIL D’ADMINISTRATION.

Le Ministre de l’intérieur fait un rapport sur les différentes mesures ordonnées pour la construction de la ville Napoléon, sur les fonds affectés à la dépense et sur l’état actuel des travaux et des approvisionnements.

Le ministre directeur de l’administration de la guerre fait un rapport sur les mêmes objets, pour tout ce qui concerne le casernement et les divers établissements militaires.

Sa Majesté, après avoir entendu ces rapports, prescrit les dispositions suivantes :

Il sera nommé un ingénieur des ponts et chaussées, chargé de toutes les constructions à faire à Napoléon , soit pour les établissements militaires, soit pour les établissements civils de tous genres. Ces travaux seront faits au moyen des fonds spéciaux, sous la direction de M. Cretet et sous la surveillance du préfet. M. Cretet fera, dans la huitaine, des rapports, et présentera des projets de décrets, 1° pour mettre à la disposition de l’ingénieur les bois nécessaires, soit à la construction en bois, soit à la fabrication des briques; il fera, sous le rapport de la dépense et du temps, la comparaison de la construction en pierre, de la construction en bois, de la construction en brique, ou de tout autre moyen mixte; 2° pour que, cette année, l’auberge, la préfecture et la caserne soient bâties; on n’entend pas que l’on suive, pour la construction de la caserne, les vues du génie militaire, et l’on désire qu’il ne soit pas travaillé à l’établissement définitif, si l’on juge qu’il soit praticable, comme on ne peut guère en douter, de construire en bois un îlot de maisons pour loger provisoirement deux ou trois bataillons.

En général, on doit avoir pour règle de sacrifier tout à la célérité, même dans la construction permanente de la préfecture. On a de la peine à penser que la pierre de taille soit d’une nécessité absolue dans un pays où l’abondance du moellon est avouée.

Sa Majesté, en terminant ce qui concerne la ville Napoléon, invite le ministre de l’intérieur à lui présenter, mercredi prochain , un rapport sur l’état actuel des constructions de Pontivy.

 

Paris, 17 mars 1806

DÉCISIONS DICTÉES EN CONSEIL D’ADMINISTRATION

Ce conseil a pour objet l’examen des mesures à prendre pour améliorer la navigation de la Seine dans l’intérieur de Paris.

La première question mise en discussion est celle de la destruction ou de la conservation de la pompe Notre-Dame et de celle de la Samaritaine, considérées, la première, comme rendant difficile la navigation descendante et faisant obstacle à la navigation ascendante; la seconde, comme présentant des inconvénients qui sont moindres, et auxquels on ne devrait s’arrêter que si on reconnaissait que cette machine est inutile au service de la ville de Paris.

Sa Majesté, avant d’arrêter son opinion à cet égard, charge le ministre de lui faire un rapport sur les questions suivantes :

1° Quelle est la quantité d’eau que fournissent les pompes à vapeur, qui sont annoncées comme pouvant satisfaire en même temps au service dont elles sont actuellement chargées et à celui que font les machines établies sur la rivière ? Quel est le maximum de la quantité d’eau que ces pompes peuvent fournir, et quelle sera la dépense calculée d’après les prix de l’an XIII ?
2° Quelle est la quantité d’eau produite par la pompe du pont Notre-Dame et par la Samaritaine ? Quelle est la dépense d’entretien, réparations, canaux, garde, etc. ?
3° Si ces usines embarrassent la navigation, quelle est la perte qui en résulte, en temps ou en argent, pour la remonte d’un bateau chargé et pour celle d’un bateau vide ?
4° Quel est le produit en argent de rétablissement des eaux de Chaillot ou des pompes à vapeur, en distinguant ce que valent les abonnements ou les services d’eau aliénés, et ce qu’on retire du droit payé aux fontaines publiques par les porteurs d’eau qui s’y approvisionnent dans des tonneaux ?
5° Quel est le produit des machines du pont Notre-Dame et de la Samaritaine, en distinguant les intérêts des capitaux versés par les particuliers pour avoir des eaux dans leurs maisons et la rétribution qui se paye aux fontaines publiques ?
6° Combien y a-t-il de fontaines alimentées par la machine du pont Notre-Dame et de la Samaritaine, par les pompes à vapeur, par les eaux d’Arcueil et par les autres moyens qui peuvent exister, dans Paris ?
7° Quels sont les obstacles qui s’opposent à ce que toutes les fontaines alimentées, soit par le pont Notre-Dame, soit par la Samaritaine, soit par les pompes à vapeur, soit par les eaux d’Arcueil, etc.,  coulent sans interruption jour et nuit ?
8° Que faut-il faire pour parvenir à ce but, et quelles seraient les pertes qui en résulteraient pour la commune? Et ne pourrait-on en trouver le dédommagement dans la conservation des abonnements particuliers et dans la rétribution à laquelle les porteurs d’eau en tonneau peuvent être justement réunis, puisqu’ils profitent des dépenses faites pour rapprocher d’eux les eaux qu’ils distribuent aux consommateurs ?
9° Enfin, en supposant que toutes les eaux actuelles soient conservées, et que les pompes à vapeur produisent leur maximum, quel serait le nombre de fontaines versant de l’eau jour et nuit que l’on pourrait répartir dans les différents quartiers de Paris ?

Ce n’est qu’après avoir réuni toutes ces données qu’on pourra décider s’il est prudent et convenable de supprimer un des agents quelconques qui fournissent de l’eau à Paris, en quelque quantité que ce soit.

Le ministre de l’intérieur est invité à présenter son rapport dans la huitaine.

Le ministre de l’intérieur présente à Sa Majesté les renseignements qu’il a recueillis sur la valeur des maisons qui couvrent le pont Saint-Michel et les bords de la rivière, aux rues Saint-Louis, de Hurepoix et de la Huchette.

Sa Majesté désire qu’on recueille, comme élément indispensable d’une juste appréciation, des renseignements sur les titres originaires de propriété des possesseurs actuels de ces maisons.

 

Paris, 17 mars 1806

A M. Berlier, conseiller d’État, président du conseil des prises

Monsieur Berlier, je suis instruit qu’il y a un grand nombre d’individus arrêtés, dans les prisons de Bruxelles, et qu’ils y manquent des choses nécessaires. Mon intention est que vous partiez sans délai pour vous rendre dans cette ville, que vous confériez avec mon procureur impérial et le président de la cour criminelle, et avec le préfet, que vous interrogiez chaque individu arrêté l’un après l’autre, et que vous me fassiez connaître quelle est la cause d’un si grand nombre de prisonniers et pourquoi la justice ne les juge pas. Vous connaissez toute ma sollicitude pour que les criminels soient sévèrement punis, mais aussi pour qu’aucun innocent ne souffre. Vous réglerez votre conduite selon ces principes.

 

Paris, 17 mars 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je vous envoie des lettres par lesquelles il paraît qu’il serait possible de saisir l’argent des Russes à Venise; ces fonds étaient destinés à solder les dépenses de Corfou. Faites en sorte de mettre la main dessus. Le moindre indice doit suffire pour prendre des mesures extraordinaires.

 

Paris, le 17 mars 1806

A M. Bigot de Préameneu

Monsieur Bigot Préameneu, M. Locré vous remettra quinze mille francs en forme de gratification. Je désire que vous y voyiez un témoignage de ma satisfaction pour les services que vous avez rendus à l’État dans le courant de l’année dernière.

Sur ce je prie Dieu qu’il vous ait en Sa Sainte garde.

(Publié sur www.napoleonica.org)

 

Paris, 18 mars 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je vous envoie une lettre du général  Solignac. Faites-moi connaître ce que vous en pensez.

je vous ai demandé un rapport sur les mines d’Idria.

(Mémoires du prince Eugène)

 

Paris, 18 mars 1806

A M. Talleyrand

Monsieur de Talleyrand , vous ferez venir dans la journée M. de Vincent, et vous lui porterez plainte sur ce que l’on a refusé le passage au 8e régiment d’infanterie légère pour aller prendre possession de la Dalmatie, avec des formes extrêmement malhonnêtes, quoique ce corps fait partie de la division qui doit occuper la Dalmatie et qu’aucun article du traité ne me restreigne à n’y envoyer qu’un tel ou tel nombre de troupes. Vous lui déclarerez que nos troupes n’évacueront pas Braunau ni l’Allemagne, 1° avant que je sache si les bouches de Cattaro ont été remises à mes troupes, 2° si l’on ne convient pas que je puis avoir une communication libre par terre avec la Dalmatie. Il est ridicule de croire que, pour le blocus de trois ou quatre frégates anglaises, je laisserai égorger en Dalmatie un corps de 10,000 hommes par les Russes ou les Monténégrins. Je préfère la guerre et je la ferai, si l’on me continue cette misérable querelle. En un mot, je veux, et c’est le mot que vous emploierez, une route d’étapes pour mes troupes pour aller et venir, sans quoi je n’ai point de troupes en Dalmatie et elles sont exposées à y être égorgées. Je ne sais si je dois reconnaître dans cette affaire l’influence du retour de M. de Thugut. Vous direz à M. de Vincent que je ne le recevrai que lorsque je saurai si la cour de Vienne veut ou non discuter le traité. Envoyez un courrier à M. de la Rochefoucault pour porter les mêmes plaintes à Vienne; qu’il fasse connaître que je ne veux point recevoir M. de Vincent, et que, si l’on me refuse le passage en Dalmatie par journées d’étapes, il quittera Vienne et que je ferai la guerre, parce que c’est ne point exécuter le traité et ne me point donner la Dalmatie que de m’empêcher d’y communiquer; que ce n’est point que je veuille y envoyer une armée, mais je veux pouvoir y faire passer mes conscrits, mais semestriers, les hommes isolés des corps, enfin tout ce qui est relatif au mouvement d’une armée, par journées d’étapes. Je consentirai, comme cela avait été fait pour Venise, à ne faire passer qu’un certain nombre de troupes à la fois et à prévenir d’avance.

 

Paris, 18 mars 1806

Au prince Eugène

Mon fils, la cour de Vienne ne peut me refuser le passage de mes troupes à travers son territoire pour communiquer avec la Dalmatie. Soutenez que la République de Venise l’avait, et faites prévenir le général autrichien qui commande dans cette partie du passage de cinq cents hommes, en disant que ce sont des conscrits et des hommes isolés des corps qui sont en Dalmatie, qui vont les rejoindre. Vous attendrez sa réponse; je ne doute point qu’il ne défère sur-le-champ à votre demande. Du moment qu’il vous aura répondu, faites suivre vos premiers cinq cents hommes par cinq cents autres. Tout ce que vous ne pourrez pas envoyer par terre, envoyez-le par mer.

Chargez le généra1 Marmont de régler les journées d’étapes, mais ayez soin de pourvoir à leur subsistance.

  1. S. Faites également passer la 8e légère par terre.

(Mémoire du prince Eugène)

 

Paris, 18 mars 1806

Au prince Eugène

Mon fils, je vous envoie le budget de ma maison d’Italie, arrêté comme vous l’avez désiré. Renvoyez-moi celui que j’avais signé, et qui se trouve annulé par celui-ci.

(Mémoires du prince Eugène)

 

Paris, 18 mars 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur de Talleyrand, j’ai lu avec la plus grande attention la réclamation du ministre de Bade, relative à l’abbaye de Saint-Blaise et aux autres possessions qui, par le recès de l’empire, avaient été accordées à l’ordre de Malte. Il est tout simple que les choses restent comme elles sont. L’Autriche s’est toujours refusée à mettre l’ordre de Malte en possession de l’abbaye de Saint-Blaise et des autres abbayes. La Maison de Bade lui a succédé dans le Brisgau; elle peut donc, de plein droit, prendre possession de ces abbayes. Mon intention est que vous passiez la note ci-jointe à M. de Reizenstein. « Le soussigné, ministre des relations extérieures, a mis sous les yeux de S. M. l’Empereur et Roi la note de M. de Reizenstein. Sa Majesté reconnaît que S. A. S. l’électeur de Bade a succédé aux droits du prince Ferdinand en Brisgau. Les abbayes de Saint-Blaise et autres étant entre les mains de l’Autriche au moment de la guerre, Sa Majesté trouve juste et conforme au traité fait avec l’électeur de Bade que sa Maison entre en possession de ces abbayes et domaines, et en jouisse avec la même plénitude de droits que la Maison d’Autriche. Sa Majesté ne voit donc aucun inconvénient à ce que S. A. S. l’électeur de Bade entre en jouissance de cesdits biens; et elle a ordonné à son ministre en Bavière, M. Otto, de comprendre ces biens dans le travail qu’il fait à Munich, spécialement parmi ceux dont la France garantit la possession à Son Altesse Sérénissime. »

Quant à la prise de possession du roi de Wurtemberg, il faut la renvoyer à M. Otto, et expédier à ce ministre un courrier extraordinaire pour que, vingt-quatre heures après la réception de votre lettre, il m’envoie ce travail, afin que je décide avant que mes armées sortent d’Allemagne; sans quoi je verrai l’électeur de Bade vexé par tous ses voisins.

 

Paris, 18 mars 1806

DÉCISION

M. Collin propose de réduire à 3 francs le droit de 9 francs par pièce de dix aunes que les crêpes de Bologne payent à leur entrée en France.Renvoyé à M. Collin pour présenter un projet de décret conformément à ces conclusions. Cela fera un bon effet pour mon royaume d’Italie.

 

Paris, 19 mars 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur de Talleyrand, faites mettre un article sur les dépêches d’Égypte, dans le Moniteur. Demandez au commissaire des relations extérieures à Trieste des renseignements plus positifs sur les abus commis à Trieste par les commandants de mes troupes; qu’il ne ménage personne, afin que je sois instruit de tout et que je connaisse la vérité. Faites mettre dans le Moniteur un article relatif au péage du Weser et aux bâtiments qui ont été obligés de revenir à Hambourg.

Faites connaître à M. Otto que j’ai ordonné au maréchal Berthier de faire chasser tous les recruteurs prussiens qui sont, soit dans les possessions de la noblesse immédiate, soit dans les pays soumis à la Bavière.

 

Paris, 20 mars 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES

  1. Laforest ne doit point conférer avec M. de Hardenberg ni chez lui, ni en société; s’il lui indique un repas, le décliner sous prétexte de maladie.

Dire à M. de Haugwitz qu’on a toujours supposé que M. de Harenberg se retirerait. Dans toutes les suppositions, il a insulté la France, que ce fût en guerre ou en paix. Le droit d’être en guerre appartient à chaque couronne. On n’est point insulté par la guerre, mais il y a de la lâcheté à refuser des audiences à un ministre d’un grand prince. Ni Laforest, ni aucun homme de la légation, ni aucun Français ne doit avoir de communications avec M. de Hardenberg comme ennemi de la France.

 

Paris, 20 mars 1806

A l’électeur de Hesse

Mon Cousin, je veux remercier Votre Altesse Sérénissime de sa lettre du 29 janvier. Les circonstances qui avaient interrompu nos relations avaient été pénibles à mon cœur. Comment en effet n’aurais-je pas été affecté de voir qu’elle donnait refuge dans ses États à des personnes envoyées, sous le titre de ministres, pour ourdir des trames et des complots contre la France, et autorisées publiquement dans ces coupables intrigues par la déclaration de leur gouverne- ment ? Mais Votre Altesse m’oblige à oublier le passé, lorsqu’elle me montre des sentiments aussi aimables que ceux exprimés dans sa lettre; je me flatte de les mériter par les sentiments que je lui porte. Désormais je ne me souviendrai plus que des assurances qu’elle se plaît à me donner, et, en tant qu’ils seront la base de sa conduite, ils seront la règle de la mienne. Que Votre Altesse croie à mes sentiments d’estime et d’amitié.

 

Paris, 20 mars 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 14 mars. Vous trouverez ci-joint copie de la lettre que j’ai écrite au maréchal Bernadotte; elle vous mettra au fait. Vous la communiquerez au roi de Bavière. Je crois vous avoir déjà écrit de demander à ce prince la note de ce qu’il désire, pour la faire passer à Anspach au maréchal Bernadotte ; sans quoi la Bavière se verra dupée par la Prusse. Faites chasser les recruteurs prussiens qui se trouvent dans les pays soumis à la Bavière. Le sort de ces pays ayant changé, les anciens droits n’existent plus. Si les recruteurs prussiens ne se retirent point de plein gré, vous devez les y contraindre par la force. Du reste , dans tous vos propos, dites du bien , jusqu’à l’affectation, du roi de Prusse et de l’armée prussienne; assurez que l’on n’a jamais ajouté foi aux bruits qui ont couru; mais, en revanche, dites beaucoup de mal de M. de Hardenberg, et que c’est lui qui est cause du froid qui a régné momentanément entre les deux couronnes.

 

Paris, 20 mars 1806

Au maréchal Bernadotte

Mon Cousin, le maréchal Berthier m’envoie l’acte que vous avez fait avec le ministre prussien. Je ne puis que vous en témoigner mon mécontentement. Vous ne pouvez signer aucun acte diplomatique, puisque vous ignorez l’état des affaires. Vous ne devez rien signer ni avec la Bavière ni avec la Prusse. Vous devez vous borner à occuper Anspach, à bien entretenir vos troupes, à toucher les revenus du pays depuis votre entrée et même l’arriéré, à ne laisser rien sortir pour la Prusse, à déclarer sur chaque événement que vous n’avez point d’ordre, et m’instruire de tout. Mon intention est que la remise d’Anspach à la Bavière soit faite sans réserve. Il n’est pas juste que, si je donne à la Bavière d’une main, la Prusse lui enlève de l’autre; ou lui fasse supporter tant de charges que c’est comme si elle n’avait rien. Quant aux impositions arriérées, vous déclarerez verbalement aux habitants du pays qu’elles sont en compte de l’arriéré que je dois toucher en Hanovre, car je n’ai pas non plus cessé de posséder le Hanovre que cinq jours après la ratification du traité.