Correspondance de Napoléon – Mars 1805

Saint-Cloud, 27 mars 1805

A M. Regnier

Témoignez ma satisfaction à M. Évrard, juge instructeur de la cour criminelle de Bruxelles, pour le zèle qu’il met dans l’affaire des chauffeurs. Envoyez une somme de 4,000 francs prise sur les dépenses diverses de votre ministère, qui seront à sa disposition pour subvenir aux faux frais et autres dépenses que nécessiterait la recherche de cette affaire.

 

Saint-Cloud, 27 mars 1805

DÉCISION

Vaugrigneuse, chef de bataillon d’artillerie, désirerait être à même de communiquer à l’Empereur des détails sur les pays qu’il a parcourus et de lui tonner les preuves de son dévouement.Renvoyé à M. le maréchal Duroc, pour le voir. Je l’ai connu très-honnête homme. Je désire savoir ce qu’il a fait pendant la révolution; ce qu’il a acquis en talents et en expérience, et ce qu’il faut faire pour le rendre utile.

DÉCISION

Le ministre de l’intérieur propose de nommer M. Ferregeau au grade d’inspecteur général des ponts et chaussées.Je lui accorderai ce grade lorsqu’il aura réussi à faire un projet ,pour l’Escaut, dont il est chargé.
Je jugerai par là de ses talents.

DÉCISION

Olivier, de l’Institut, chargé de parcourir l’empire ottoman ainsi que la Perse, demande le payement de 15,000 francs d’arriéré de traitement.On accordera cette somme lorsqu’on verra le troisième volume de son voyage en Perse, la seule chose qui intéresse.

DÉCISION

Les habitants du quartier des Petits-Pères demandent que l’église de ce nom soit rendue au culte.Renvoyé au ministre des finances. Je désire que cette église soit rendue au culte et que la Bourse soit placée dans une salle de spectacle. Il y en a plusieurs vacantes; tout le monde y gagnera.

DÉCISION

M. Thomas, ex-inspecteur des droits réunis, réclame contre sa destitution.J’ai vu avec peine que le sieur Thomas, qui a arrêté Georges, fût déplacé. Je désire qu’on le place de nouveau, s’il n’y a rien à lui reprocher.

 

Saint-Cloud, 27 mars 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR

Le ministre de l’intérieur présentera un projet pour la convocation des assemblées de cantons, afin de compléter les colléges électoraux.

Les premières réunions n’ont complété aucun collége, parce que la majorité absolue était nécessaire.

Il faut persister dans ce principe : tous ceux qui sortiront avec la majorité seront membres des colléges.

Le ministre proposera la convocation de manière que les assemblées de deux départements qui se touchent ne soient pas convoquées en même temps.

Il choisira l’époque où la campagne demande le moins de travaux. Il s’assurera près du ministre des finances du moment où les listes des plus imposés seront définitivement arrêtées.

Il sera vraisemblablement impossible de compléter les colléges de la série qui opère cette année.

Dans le cas où le ministre verrait des inconvénients à la convocation des assemblées de toutes les séries, il faut, du moins, compléter de préférence les colléges qui s’assembleront l’année prochaine.

Le ministre fera un rapport sur l’esprit qui a animé l’année dernière les colléges qui viennent d’être convoqués, afin que l’on puisse, en usant de la prérogative qui appartient à l’Empereur , rétablir l’équilibre.

 

Saint-Cloud, 27 mars 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, vous ferez réunir, du ler au 10 floréal, dans la plaine de Marengo, les corps dont l’état est ci-joint :

Les quatre bataillons du 23e de ligne, les quatre du 56e léger, quatre du 60e; trois bataillons du 14e léger, quatre du 5e de ligne, trois du 102e.

Ils seront partagés en deux divisions; une tiendra garnison à Alexandrie, l’autre à Tortone et environs.

Vous réunirez sur le même champ de bataille les quatre régiments de chasseurs ou dragons qui se trouvent dans la 27e division militaire (Turin), le régiment d’artillerie légère avec le bataillon du train et vingt-quatre pièces de canon de campagne bien attelées.

Le maréchal Lannes se rendra à Alexandrie, où il sera rendu le 25 germinal (15 avril) pour y exercer les troupes avant mon arrivée.

Mon intention n’est point que ces troupes soient campées; elle seront baraquées dans les villages.

Comme les troupes du Piémont ont un traitement particulier, vous me ferez un rapport sur les gratifications qu’il faudra leur donner également.

Je passerai en revue dans les dix premiers jours de prairial, dans la plaine de Lonato , les 22e et 23e légers , les ler, 10e, 106e, 52e, 62e, 101e, 53e de ligne, et les trois régiments italiens. Le général Jourdan formera quatre divisions, chacune de trois régiments; on les cantonnera sur la Chiese et le Mincio. Je passerai en revue le 3e, 14e, 15e chasseurs, 24e et 29e régiments de dragons; ce qui formera une 5e division.

Les régiments de cuirassiers formeront une 6e division.

Vous me ferez connaître également ce qu’il sera nécessaire donner aux troupes pendant le temps qu’elles seront cantonnées.

Les trois régiments de cavalerie italiens formeront une division. Chacune aura six pièces de canon attelées, et sera commandée par un général de division et un ou deux généraux de brigade.

On aura cependant soin de laisser à Porto-Legnago le bataillon nécessaire pour sa garnison. On laissera aussi ce qui sera strictement nécessaire à la garde de Mantoue.

Vous recommanderez bien au maréchal Jourdan que ces mouvements n’aient point l’air de mouvements de guerre. Il ne dégarnira Vérone, Peschiera et Mantoue qu’au moment de la revue. Il donnera seulement l’ordre de se mettre en marche au 62e qui est à Livourne, au 53e qui est à Rimini , au 22e qui est à Novare, au 23e qui est à Parme, et aux autres corps qui ont besoin de se rapprocher. Le bataillon du 20e de ligne tiendra garnison à Livourne.

 

Saint-Cloud, 27 mars 1805

Au maréchal Moncey

Mon Cousin, faites-moi un rapport sur le lieutenant de gendarmerie qui commande à Bruxelles; c’est une tête trop jeune; les habitants s’en plaignent comme ayant donné une fausse direction à une chose toute simple. Je ne puis approuver le séjour du colonel à Paris, n’y ayant pas de capitaine`a Bruxelles, tandis qu’un simple lieutenant dirige des affaires de cette importance. Je désire savoir aussi pourquoi ce lieutenant de gendarmerie est parti de Bruxelles sans l’ordre du préfet.

(voir la lettre à Moncey, du 31 mars)

 

Saint-Cloud, 28 mars 1805

NOTE POUR LE SECRÉTAIRE D’ÉTAT

  1. Haret fera faire autant de copies de ces instructions qu’il y a de sénatoreries. Comme c’est moi qui les signerai, il fera mettre, an lieu de Sa Majesté, Nous. Il me les présentera à signer.

INSTRUCTIONS POUR LES SÉNATEURS

Monsieur . . . . . . . . .Sa Majesté désire que vous vous rendiez dans votre sénatorerie avant le 1er prairial, que vous y résidiez pendant trois mois consécutifs, et que vous parcouriez tous les départements qui en forment l’arrondissement.

L’objet apparent de votre voyage et de votre séjour sera de connaître la situation, la nature, l’état et la valeur des biens dont votre sénatorerie a été dotée.

L’objet le plus important sera de nous fournir des renseignements sûrs et positifs sur tout ce qui peut intéresser le Gouvernement; et, à cet effet, vous nous adresserez directement un mémoire, tous les huit jours, de chaque chef-lieu de votre département.

Vous sentez que sur cette mission particulière le secret doit être inviolable. Si elle était connue, toutes les lumières vous fuiraient; les hommes honnêtes s’interdiraient toute communication avec vous, et vous ne rapporteriez que les dénonciations de l’intrigue et de la malveillance.

D’un autre côté, les fonctionnaires publics, qui sont généralement dignes de notre confiance, seraient avilis et découragés, et ces missions extraordinaires, qui doivent éclairer le Gouvernement, ne seraient plus que des inquisitions odieuses et des moyens de désorganisation.

1° Vous reconnaîtrez quels sont le caractère, la conduite, les talents des fonctionnaires publics, soit dans l’ordre administratif, soit dans l’ordre judiciaire.
2° Quels sont les principes et l’influence des ecclésiastiques.
3° Quels sont, dans toutes les parties de votre arrondissement, les hommes qui marquent par leur caractère, par leur fortune, par leurs opinions, par leur ascendant sur le peuple, à quel ordre de gens ils appartiennent.

Vous dresserez des états circonstanciés de toutes les informations relatives aux personnes; vous appuierez votre jugement sur des faits réels et bien constatés, et vous nous enverrez ces états.

4° Vous rechercherez quelles sont les dispositions des citoyens dans les différentes classes et dans les différents cantons, relativement, 1° au gouvernement, 2° à la religion, 3° à la conscription, 4° à la taxe d’entretien des routes, 5° à la perception des impôts indirects.
5° Vous observerez s’il y a des conscrits fugitifs ; quel peut en être le nombre; s’il y a quelque mouvement à en craindre;
Quel est le service de la gendarmerie; quels sujets s’y distinguent par leur zèle ou se font remarquer par leur négligence;
Quelle est la quantité et la nature des délits; si ce sont des délits isolés ou le résultat d’attroupements;
Quelle est l’opinion générale sur l’institution des jurés; quels sont ses effets sur les jugements criminels.
6° Vous examinerez quel est l’état de l’instruction publique, soit dans les écoles primaires, soit. dans les écoles secondaires, soit dans les lycées; à quelle cause tiennent ou les succès ou la langueur de ces établissements. Vous dresserez un état des hommes qui s’y distinguent par leurs talents, et de ceux qui n’ont point mérité la confiance publique.
7° Vous étudierez l’état de l’agriculture, du commerce et des fabriques; quels sont les hommes qui se distinguent par des lumières ou des succès dans ces différentes branches.
8° Quel est l’état des subsistances et quelle est l’espérance de la récolte prochaine.
9° Vous observerez l’état des routes; quelles sont les causes générales ou particulières de leur dégradation.
10° Où on en est pour l’éducation des chevaux, des bêtes à laine, des bestiaux de toute espèce; quels sont les encouragements, ou les mesures nécessaires pour les étendre et les faire prospérer.

Vous nous enverrez successivement, sur tous ces objets, des mémoires séparés et fondés sur des connaissances positives.

 

Saint-Cloud, 28 mars 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, tous les ouvrages neufs faits dans les ports, sur les rivières, les constructions des ponts, ne doivent être faits que sur mon approbation. Tous les travaux relatifs aux réparations d’ouvrages existants doivent être faits sur votre approbation seulement. On m’instruit cependant que plusieurs ouvrages neufs sont faits dans les ports sans que le projet m’en ait été soumis. Je vous prie d’y porter une attention scrupuleuse. Pour ma satisfaction personnelle, je désire, d’ailleurs, connaître les nouveaux travaux qui se font.

 

Saint-Cloud, 28 mars 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR

SAINT-CYR. COMPTABILITÉ. L’Empereur désire que le ministre charge M. Malus de se rendre à Saint-Cyr, pour examiner la comptabilité, de cet établissement et les revenus de l’an XI et de l’an XII.

LYCÉES. GRATIFICATIONS. Le ministre de l’intérieur présentera un projet de décret pour l’autoriser à accorder des gratifications à chaque lycée pour l’an XII, à raison des besoins de chacun d’eux, mais seulement jusqu’à concurrence de la portion de la pension destinée dans chaque lycée à couvrir la dépense commune, multipliée par la différence qui s’est trouvée pendant l’an XII entre le nombre de 150 élèves, non compris les pensionnaires, et le nombre effectif.

Le ministre sera également autorisé à accorder des gratifications pour les six premiers mois de l’an XIII, en les réglant sur les mêmes bases.

Le même projet de décret établira pour les lycées des masses à l’instar de celles des troupes. Il y aura, en conséquence, masse de fourniture, masse d’entretien, masse d’habillement, masse commune et masse de menues dépenses. Le montant de la pension, divisée en cinq parties égales, formerait ces masses. Si, à la fin de l’année, une masse avait un excédant disponible, cet excédant ne pourrait être appliqué à une autre masse qu’avec l’autorisation du ministre de l’intérieur.

Enfin le même décret doit déterminer le nombre des places gratuites, et pour les autres les proportions dans lesquelles les parents contribueront à la dépense. On déterminerait, dans les places gratuites, le nombre de celles qui seraient conservées pour l’encouragement des écoles secondaires.

On pourrait faire une combinaison telle qu’en conservant pour élément nécessaire 50 places gratuites, il y eût 150 élèves, et que le trésor public ne payât réellement que le montant de cent pensions.

On pourrait peut-être aussi établir 75 places gratuites et 75 demi-bourses, en mettant à toutes les nominations aux places gratuites la condition que, si les parents jouissent d’un traitement de 3,000 francs ou sont portés au rôle des contributions pour une cote de 400 francs et au-dessus, ils payeront 150 francs pour l’habillement et les menues dépenses de leur élève.

Dans la situation actuelle des lycées, il convient de prendre immédiatement cette mesure. Elle sera annoncée par une circulaire des proviseurs aux parents de tous les élèves qui occupent des places gratuites ; ils ne pourront en être dispensés que sur un certificat du préfet, constatant qu’ils ne reçoivent point un traitement du trésor public montant à 3,000 francs et qu’ils ne payent pas 400 francs de contributions.

L’exécution de cette mesure datera du ler germinal. On verra en vendémiaire et en brumaire ce qu’elle aura produit.

MAISON DES MINIMES. Le prix de la maison des Minimes sera payé provisoirement sur les fonds du ministre et acquitté définitivement sur le produit des ventes des biens du Prytanée.

INSPECTION DE M. FOURCROY. Il paraît convenable que, dans l’inspection que M. Fourcroy va faire, il se fasse accompagner par un sous-inspecteur aux revues et un adjudant-major. Le capitaine donnera des instructions sur l’exercice, la tenue, etc. Le sous-inspecteur donnera des renseignements sur l’ordre à prescrire pour la tenue des registres et la comptabilité.

 

Saint-Cloud, 28 mars 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, il faut que les frégates partent pour le golfe de Perse. Je vous renvoie vos instructions nautiques; je vous enverrai incessamment les instructions politiques. Préparez tout pour que les frégates puissent partir sur-le-champ.

 

Saint-Cloud, 28 mars 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, il n’y a à Anvers que 500,000 pieds cubes de bois; il aurait dû y en avoir un plus grand nombre, si l’on avait suivi ce que j’avais prescrit l’année passée. On m’assure qu’on laisse pourrir dans les canaux les coupes qui ont été faites. S’il existait à Anvers les deux millions de coupes extraordinaires que j’avais ordonnées, il y aurait plus de courbes. Toutefois, il faut que vous vous occupiez de faire rechercher des courbes sur le Rhin, ou même en Allemagne, aux débouchés du Mein et du Neckar.

Il y a à Anvers 6 vaisseaux sur les chantiers, et neuf cales; ne perdez point de vue qu’avant la fin de l’année il faut qu’il y ait 8 vaisseaux. Il paraît que les magasins de la citadelle d’Anvers sont nécessaires à la marine, ainsi que la concession du terrain de l’esplanade pour y mettre du bois; je désire que vous me fassiez un rapport sur cet objet. Si l’on est obligé de n’élever sur l’esplanade aucun bâtiment qui puisse offusquer ni gêner les fortifications, on peut le céder à la marine pour y construire des hangars. On peut lui céder aussi une portion des bâtiments de la citadelle.

Il y a à Anvers 8 chaloupes sans commandants ni équipages; organisez-les.

 

Saint-Cloud, 28 mars 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA MARINE

L’Empereur a lu avec attention le procès-verbal de la séance du 30 ventôse. Les questions lui ont paru bien posées. Il ne peut donc, pour la solution, que s’en rapporter à l’opinion des gens de l’art.

Il autorise, en conséquence, le projet tel qu’il a été imaginé, c’est-à-dire l’avant-port et le premier bassin. Son intention est que, sous aucun prétexte, il ne soit rien fait à l’arrière-bassin. Cependant il ne sera fait, sur le terrain destiné à l’arrière-bassin, aucun bâti-ment, aucun remblai de nature à gêner la construction. Ce local restera, en attendant, comme une sorte d’esplanade.

Si M. Cachin tient la parole qu’il a donnée, et si l’on a pour sept millions l’avant-port, le premier bassin et les trois formes, on sera arrivé à un résultat immense. Si l’on n’emploie pas l’argent en bâtiments, mais en déblais et en digues, avant la fin de l’an XV, on aura le plaisir de voir Cherbourg dans un état satisfaisant.

Mais, comme l’Empereur tient à ce que les fonds ne soient pas distraits par d’autres constructions, il désire qu’un rapport présente et fixe les détails du devis, de manière que, sous aucun prétexte, l’ingénieur ne puisse employer l’argent à autre-chose qu’au projet arrêté.

Et, s’il arrivait que cette année on ne pût dépenser tous les fonds, parce que tout le projet est basé sur la construction du batardeau et de la digue qui doivent permettre de travailler à sec, le surplus pourrait être employé à la rade. Il serait funeste de travailler l’avant-port et le premier bassin dans l’eau; il vaut mieux éprouver un retard de six mois et dépenser un million de moins. Si l’on a conservé un souvenir exact, M. Cachin a dit qu’il ne pouvait avancer la jetée parce qu’il fallait donner aux enrochements le temps de s’asseoir.

Au reste, l’affaire est en bonne position; il ne faut plus maintenant qu’exiger de M. Cachin un état positif et détaillé de l’emploi des fonds.

 

Saint-Cloud, 28 mars 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA MARINE

La rade de Cherbourg ne peut contenir, au plus, que 24 vaisseaux de guerre, et, quelques travaux qu’on y fasse, elle ne pourra être mise en comparaison avec Brest, Toulon et l’Escaut. Cette considération porte à abandonner entièrement et absolument le projet du second bassin; il faut s’en tenir, 1° à l’avant-port; 2° au bassin latéral à droite, prolongé jusqu’à l’endroit où on devait établir des cales.

Il y aura, à l’avant-port, une forme qui sera faite l’année prochaine, en même temps que l’avant-port.

On construira quatre cales de vaisseau, une de frégate, une de brick sur le côté ouest.

L’enceinte des fortifications sera sur la ligne C D, éloignée au maximum de 50 toises de la ligne de quai de l’avant-port. M. Cachin sera maître de se rapprocher jusqu’à cette ligne, mais il ne pourra la dépasser.

On a besoin de 50 toises pour l’épaisseur des fortifications et de 400 toises pour l’esplanade.

Du point A on prendra 400 toises de longueur sur ‘200 toises de largeur, et on construira dans l’espace A B E D, ayant 200 toises sur 200 toises, tous les bâtiments nécessaires pour la construction des vaisseaux, le magasin général, forges, etc.

Dans l’autre carré B 0 H E, qui aura également 200 toises sut 200 toises, on construira autour du bassin des magasins particuliers pour 18 vaisseaux.

Derrière ces magasins, on construira le magasin général, les logements des administrations et tous les établissements nécessaires à la marine.

On tâchera d’avoir un filet d’eau qui circulera tout autour des établissements et donnera de l’eau dans les fossés de la place; alors tous les établissements de Cherbourg, savoir : une forme, quatre cales de vaisseau, une cale de frégate, une cale de brick, tous les établissements nécessaires pour alimenter un arsenal de construction de 4 vaisseaux, une frégate et un brick, et tous les établissements nécessaires à l’armement de 18 vaisseaux, seront placés dans un espace de 400 toises sur 200 toises.

Le filet d’eau ou petit canal pourrait sortir à côté des chantiers, à droite on à gauche, à peu près dans l’emplacement 1 1.

La manutention et l’arsenal de terre seront également sur le canal; au delà de la ligne C D H S, tout serait cédé à la terre pour établir ses casernes, son arsenal d’artillerie, ses ateliers du génie et sa manutention.

50 toises seraient prises sur la ligne D H pour la guerre, ce qui ferait un rectangle de 400 toises sur 50 toises; casernes, établissements, tout peut se trouver là, y compris deux places qu’on pourra y établir.

Il sera nécessaire que le général Bertrand et M. Cachin se voient, afin que l’arsenal et la manutention de terre puissent profiter du canal, et pour que ce canal puisse aller dans les fossés et les remplir d’eau, et qu’il y ait deux places, chacune de 50 toises carrées, ce qui est indispensable dans une place de guerre.

Les fortifications seraient serrées à la place, de manière qu’elles n’eussent pas plus de 50 toises d’épaisseur, et que l’extrémité ne fût pas rapprochée de la ville de plus de 400 toises.

Sur l’autre côté, on serrera les fortifications, de manière qu’il n’y ait que 450 toises du quai à la crête intérieure des fortifications.

Par ce moyen on aura un carré de 8 à 900 toises de développement, qu’on doit pouvoir fermer avec cinq fronts.

Quand on aura tracé cette fortification sur le plan , on verra ce qui reste à faire pour mettre la ville et les établissements à l’abri d’un bombardement.

 

Saint-Cloud, 30 mars 1805

ORDRE DE SERVICE PENDANT L’ABSENCE DE LEMPEREUR

Les ministres de la justice, des finances, du trésor public, de la marine, de l’administration de la guerre et des cultes, se réuniront, le mercredi de chaque semaine, chez M. l’archichancelier de l’Empire (Cambacérès). Le travail de leurs départements respectifs sera transmis à l’Empereur, et, à cet effet, porté au secrétaire d’État par un auditeur, qui sera désigné par M. l’archichancelier, se rendra chez les princes et les ministres pour prendre leurs ordres, et partira dans la nuit du jeudi au vendredi suivant.

  1. l’archichancelier fera une courte analyse de ce qu’il y aura de plus pressant à expédier dans le travail des ministres, ainsi que des observations sur les événements imprévus. Il signera les renvois des affaires qui seront de nature à être délibérées en Conseil d’État.

Le grand juge est autorisé à accorder des sursis sur les recours en grâce qu’il jugera de nature à être portés au conseil privé.

Les rapports journaliers de la police, ceux du colonel général de la Garde ou de l’officier en faisant les fonctions, et de l’officier général faisant les fonctions de premier inspecteur de la gendarmerie, seront remis chaque jour au grand amiral (le maréchal Murat), qui les fera parvenir à l’Empereur.

En cas de débarquement, de tout autre événement important et de circonstances imprévues, les ministres de la guerre et de la police se concerteront avec le grand amiral pour prendre les mesures qui seront jugées convenables.

Le directeur général des postes expédiera, tous les jours, à neuf heures du matin, un courrier qui sera chargé des dépêches des grands dignitaires et des ministres. Ces dépêches seront, à cet effet, remises à l’hôtel des postes avant huit heures.

 

Saint-Cloud, 30 mars 1805

DÉCISION

Hoffmann fait connaître qu’il a introduit en France la culture de la garance, et prie l’Empereur de lui accorder une pension réversible sur la tête de sa
femme.
Renvoyé au ministre de l’intérieur, pour savoir s’il est vrai qu’il ait apporté en France le secret de  la teinture rouge.

 

Paris, 30 mars 1805

Au roi de Perse

(La lettre expédiée porte en tête : Bonaparte, Empereur des Français, à Feth Ali, Chàh des Persans, salut !)

Je dois croire que les génies qui président à la destinée des États veulent que je seconde les efforts que tu fais pour assurer la puissance de ton empire, car, dans le même temps, nos esprits ont été frappés de la même pensée. Les agents porteurs de nos lettres se sont rencontrés à Constantinople; et, pendant que ton gouverneur de Tauris liait une correspondance avec mon commissaire d’Alep, celui-ci recevait de moi l’ordre d’établir des communications avec les vizirs des frontières de la Turquie.

Il faut se laisser aller aux inspirations du ciel, car il a établi les princes pour rendre les peuples heureux; et lorsque, de siècle en siècle, il fait apparaître quelques grands hommes, il leur impose la loi de s’entendre, pour que le bon accord de leurs desseins donne plus d’éclat à leur gloire et plus de force à la volonté qu’ils ont de bien faire.

Quelle autre vue pourrions-nous avoir ? La Perse est la plus noble contrée de l’Asie; la France est le premier empire de l’Occident. Régner sur des peuples et des pays que la nature se plaît à embellir, à enrichir des plus abondantes productions, commander aux hommes industrieux, spirituels et braves qui les habitent, West-ce pas la plus belle de toutes les destinées ?

Mais il y a sur la terre des empires où la nature ingrate et stérile ne produit qu’à regret ce qui est nécessaire à la subsistance des peuples. Dans ces pays les hommes naissent inquiets, avides, envieux; et malheur aux contrées que le ciel favorise, si, en les comblant de biens, il ne leur donne pas aussi des princes vigilants et courageux, qui puissent les défendre contre les entreprises de l’ambition, de la rapacité et de la misère !

Les Russes, ennuyés de leurs déserts, empiètent sur les plus belles parties de l’empire ottoman; les Anglais, relégués dans une île qui ne vaut pas la plus petite province de ton empire, excités par la soif des richesses, établissent dans l’Inde un pouvoir qui devient tous les jours plus redoutable. Voilà des États qu’il faut surveiller et craindre, non pas parce qu’ils sont puissants, mais parce qu’ils ont un besoin et une passion extrêmes de le devenir.

Un de mes serviteurs a dû te porter les premiers témoignages de mon amitié. Celui que je t’envoie aujourd’hui est particulièrement chargé de s’informer de tout ce qui intéresse ta gloire, ta puissance, tes besoins, tes intérêts, tes dangers. C’est un homme de courage et de jugement. Il verra ce qui manque à tes peuples, pour que leur intrépidité naturelle soit secondée par le secours de ces arts mal connus en Orient et dont l’état des nations du Nord et de l’Occident rend la connaissance indispensable à tous les peuples du monde.

Je connais le caractère des Persans, et je sais qu’ils apprendront avec joie et facilement tout ce qu’il importe à leur gloire et à leur sûreté qu’ils apprennent. Aujourd’hui une armée de 25,000 étrangers ravagerait et peut-être subjuguerait la Perse. Mais, quand tes sujets sauront fabriquer des armes, quand tes soldats seront formés à se diviser et se réunir dans un ensemble de mouvements rapides et bien ordonnés, quand ils auront appris à seconder une vigoureuse attaque par les foudres d’une artillerie mobile, quand enfin tes frontières seront garanties par des forteresses nombreuses, et que la mer Caspienne verra flotter sur ses vagues les pavillons d’une flottille persane, tu auras un empire inattaquable et des sujets invincibles.

Je désire toujours entretenir avec toi des liaisons utiles. Je te prie de bien accueillir le serviteur que je t’envoie. Je recevrai avec bienveillance ceux que tu enverras à ma cour impériale, et je te souhaite de nouveau les bénédictions du ciel, un règne long et prospère et une fin heureuse.

Écrit en mon palais des Tuileries, à Paris, le neuvième germinal an XIII (30 mars 1805), de mon règne le premier.

 

Saint-Cloud, 30 mars 1805

DÉCISION

Le général Ferrino sollicite de l’Empereur le traitement de demi-activité.Renvoyé au ministre de la 8uerre pour lui donner le traite- ment de retraite. Les services rendus à l’État par cet officier peuvent le dispenser du nombre strict d’années de service.

 

Saint-Cloud, 30 mars 1805

Au vice-amiral Decrès

Une lettre de l’amiral Ver Huell m’assure que le port d’Ambleteuse ne peut pas contenir de chaloupes canonnières, parce qu’il prétend que, dans les mortes eaux, il n’y a que cinq pieds d’eau. Faites-moi un rapport là-dessus. Il y aurait donc eu un furieux ensablement cet hiver. Mon intention est qu’on travaille à creuser ce port. Faites- moi connaître de combien est cet ensablement. Il me semble qu’il y avait beaucoup plus d’eau que cela il y a six mois.

 

Saint-Cloud, 31 mars 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR

Il y a déjà dans les lycées plus de 3,000 élèves nationaux. Il est convenable de classer ceux qui sont proposés dans le travail en suspens, de manière que les uns payent une demi-pension et que les autres soient assujettis à acquitter la somme de 150 francs. On conservera cependant des places gratuites pour ceux de ces élèves pris par encouragement dans les écoles secondaires, et pour ceux dont les parents seraient absolument hors d’état de payer une somme quelconque. L’Empereur désire que les renseignements soient recueillis assez promptement pour que le travail puisse être représenté dans les premiers jours de messidor.

 

Saint-Cloud, 31 mars 1805

A M. Barbé-Marbois

Monsieur Barbé-Marbois, l’article 2 du projet de soumission des banquiers du trésor public porte qu’on ne pourra négocier au delà des cent vingt millions. Cette clause est tout à fait impraticable; il faut rétablir que la compagnie sera tenue de négocier tout ce que le trésor public voudra escompter. Je ne veux point de la rédaction des trois pour cent; je préfère celle de l’année passée. Je ne veux point de l’article 5. L’obligation de recevoir des bons de munitionnaires généraux de terre et de mer est contre la dignité du trésor public : ils doivent verser de l’argent pour l’escompte de leurs obligations. S’ils ont des arrangements de détail, le trésor n’y entre point. Je ne veux point voir à l’article 9 le mot trois quarts. A l’article 10, je ne vois pas pourquoi le trésor public engagerait à ne faire escompter par la banque que des obligations d’un mois; il peut être dans le cas d’en faire escompter de deux mois, et la banque ne peut les discréditer. C’est une obligation qu’on ne peut point s’imposer. Je ne veux point de recouvrement de bons à vue; cette versatilité dans l’administration, sans de profondes et mûres discussions, nous remet, après vingt ans, en doute sur les premiers éléments. Je ne veux point payer un pour cent pour frais de courtage sur les cent vingt millions. Je ne reconnais pas cette clause-là. J’ai vu l’année passée avec peine le service entre les mains d’hommes peu bien famés; je vois aujourd’hui avec autant de peine que, sans raison, on le leur ôte. Honorés de la confiance du trésor public, si le trésor public continuait à en être content, je leur aurais donné, dans quelques années, des preuves d’illustration qui auraient produit, de bons résultats. Cela vaudrait mieux que de se jeter à la tête d’hommes nouveaux qui, dans des circonstances difficiles, n’offrent point les mêmes garanties. Cependant je vous laisse le maître de faire là-dessus ce que vous jugerez à propos; mais je désirerais plus de fixité et une marche constante.

 

Saint-Cloud, 31 mars 1805

Au maréchal Moncey

Mon Cousin, je n’ai vu qu’avec peine votre ordre du jour du 5 germinal. Je suis fâché que vous n’ayez pas été satisfait de ce que j’ai fait et dit dans cette circonstance et que vous ayez voulu vous donner des torts à votre tour. Les soldats ne doivent jamais être témoins des discussions des chefs. Je ne puis que désavouer formellement votre ordre du jour.

La gendarmerie doit obéir à quelqu’un; si elle est à la fois dans la dépendance de l’armée et de l’administration, elle forme donc un État particulier. Elle doit être à la disposition des préfets, comme supérieurement chargés de la police des départements. Je ne saurais reconnaître dans la gendarmerie une autorité dans l’État. Si elle était immédiatement sous les ordres des militaires, tous les chefs de bataillon pourraient donc punir et disposer de la gendarmerie des départements.

Je n’ai pu être content de la conduite du lieutenant Rapin à Bruxelles. Il a convoqué 50 gendarmes dans la ville sans la permission du préfet ni du général commandant la division. Je n’entends pas que la gendarmerie prenne cette direction d’indépendance. Il est extraordinaire qu’un simple lieutenant puisse désorganiser le service d’un département, et réunir, sans l’autorisation du préfet ou du général commandant la division, 50 gendarmes dans une place. Si la gendarmerie reçoit ainsi une direction d’indépendance de l’autorité civile qui a la police, loin de la rendre avantageuse, on la rendra nuisible à l’État. Le général commandant la division s’est plaint qu’ayant défendu plusieurs fois au lieutenant Rapin de faire des éclats inutiles dans l’affaire des chauffeurs, et de faire monter ses 50 gendarmes à cheval, cet officier ait persisté et fait faire des patrouilles inutiles. Il est également étonnant qu’il ait quitté Bruxelles sans l’ordre du préfet. Il est plus avantageux pour le bien du service, même pour la considération de la gendarmerie, qu’elle soit sous l’autorité civile plutôt que sous l’autorité militaire, chez laquelle un capitaine est soumis aux chefs de bataillon, qui sont très-nombreux; au lieu qu’elle est d’un ordre qui conserve bien plus l’indépendance avec l’autorité civile.