Correspondance de Napoléon – Mars 1804
Malmaison, 18 mars 1804
Au général Berthier
Je n’ai pu voir qu’avec peine, Citoyen Ministre, la prise de la patache de l’Écluse par deux péniches. Comment, à l’entrée d’un fleuve comme l’Escaut, n’y a-t-il pas quelques batteries pour la protéger, et comment cette patache n’est-elle pas elle-même sous la protection d’une batterie ?
Je vous prie de me faire connaître depuis quel temps le sous-inspecteur aux revues Garrau sert en cette qualité, et si le comité central des revues en est content.
Paris, 18 mars 1804
Au général Davout, commandant le camp de Bruges
Citoyen Général Davout, j’ai appris avec plaisir l’arrivée du contre-amiral Ver Huell et la bonne manœuvre qu’il a faite.
J’aurais préféré que les bateaux canonniers vinssent par mer; mais, puisque le trajet était à demi fait, vous avez en raison de le faire continuer.
J’ai vu avec peine vos discussions avec le général Magon. Il ne faut point oublier que la marine ne fait point partie de l’armée, que c’est, dans l’État, une organisation et un ministère à part, et qu’il y faut une manière d’être tout à fait différente ; car, dans tous les pays du monde et dans tous les siècles, les marins et les soldats de terre ont été enclins à être mal ensemble. D’ailleurs, si les marins croyaient être commandés par des officiers de terre, ils perdraient confiance et finiraient par se dégoûter. Quand je me suis adressé à vous, c’a toujours été dans la pensée que vous y influassiez par l’ascendant naturel que vous devez avoir sur Magon.
J’ai vu avec peine que deux péniches de Sidney Smith aient enlevé la patache de L’Écluse. Il n’y a donc pas un poste d’infanterie ou de cavalerie pour protéger cette patache ? Faites-moi un rapport détaillé là-dessus. C’est un petit échec que nous n’aurions pas dû éprouver. Ies officiers d’état-major chargés de l’inspection de la côte ne sont donc pas toujours à cheval ? Si cette patache a été prise hors de la portée du canon de terre, ce n’est point leur faute; mais, si elle a été prise près de terre, la faute en est certainement à eux.
Il ne faut pas s’embarrasser si la flottille batave ne peut sortir d’Ostende qu’en deux marées ; je ne vois cependant pas d’inconvénient, si la marine le juge nécessaire, à jeter un ou deux corps morts. Mais Ostende, et cela pour vous seul, n’est pas un point d’où je veuille partir pour aller en Angleterre ; et, comme la flottille partira de là pour aller mouiller dans un des ports de France, il m’importe moins qu’elle puisse sortir dans une marée ou dans deux.
Paris, 18 mars 1804
Au contre-amiral Decrès
Donnez l’ordre, Citoyen Ministre, que la seconde division de bateaux canonniers, qui est dans le port de Boulogne, se rende à Ambleteuse pour rester en station dans ce port.
Donnez ordre à la 4e division de bateaux canonniers, qui est à Boulogne, de se rendre à Wimereux pour y rester également en station.
Vous ferez connaître au général Lacrosse que mon intention est que, dans toutes les marées, il y ait constamment en rade une cinquantaine de bâtiments, à Wimereux huit ou dix, et à Ambleteuse un égal nombre, afin d’exercer les troupes et les équipages et accoutumer les commandants à bien étudier les courants des rades. Je désirerais qu’il y eût une section, qui se relèverait, des bateaux canonniers d’Étaples qui se rendraient au mouillage d’appareillage.
Je désire que le général Lacrosse fasse exercer, dans la baie d’Étaples, les chaloupes et bateaux canonniers, et qu’il soit tenu note de la vitesse qu’on peut avoir avec le jusant, avec le flot, et au moment de la marée.
Malmaison, 18 mars 1804
Au citoyen Barbé-Marbois
Citoyen Ministre du trésor public, c’est par votre lettre que j’ai appris les entrevues qu’on supposait avoir eu lieu entre Pichegru et vous. Si je j’eusse appris par toute autre voie, je vous en eusse fait part sur-le-champ. J’ai la consolation, dans cette malheureuse affaire, de ne pas trouver un seul homme de ceux que j’avais placés dans les autorités, que j’avais le moindrement approchés de moi, directement ou indirectement même prévenu. Bien plus, ma maison se compose de plus de 600 domestiques ; plusieurs ont servi à Versailles ; on a voulu en tenter quelques-uns, mais leur contenance a toujours été telle que directement ni indirectement aucun ne se trouve prévenu.
Quant à vous, ministre de la République, allié d’un Consul, et en qui je me plais à avoir autant de confiance, c’eût été le comble du délire et de la folie de la part des agents de l’étranger de vous laisser rien pénétrer de leurs projets.
Quant aux bruits qu’on peut répandre, ils ne prouvent qu’une chose, qu’il est fort heureux pour une nation d’être gouvernée. Ces bruits sont l’aliment du reste des factions, qui les convertiraient en listes de proscriptions si elles parvenaient à le pouvoir.
Au reste on a poussé la bêtise jusqu’à compromettre tous les ambassadeurs et même celui de Vienne, dont on connaît la prudence et la circonspection, qui a été portée par sa cour au point de n’avoir voulu jamais qu’aucun prince restât dans ses États.
Je puis dire aujourd’hui ce que le grand juge a dit avec mon approbation, il y en a de moins marquants que ceux dont les noms sont dans le Moniteur.
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Barthélemy, il est vrai, a été compromis, mais c’est encore sur le compte de banque.
Malmaison, 18 mars 1804
Au citoyen Talleyrand
Je vous envoie, Citoyen Ministre, le rapport de l’officier de gendarmerie qui a été envoyé à Carlsruhe. Il y a dans ce rapport des choses qui me font penser que le baron d’Edelsheim n’est pas notre ami. Proposez-moi l’envoi à Bade d’un agent sur lequel nous puissions compter, et rappelez celui qui y est.
Par les lettres du duc d’Enghien, je vois que Champagny se trouve, dans des maisons de Vienne, à dîner avec le comte Esterhazy, lequel est habillé en uniforme de général français, et revêtu du cordon bleu. Écrivez-lui-en, et, si ce fait est vrai, témoignez-lui-en mon mécontentement.
Écrivez à Francfort et à Hambourg qu’on dresse l’état des émigrés résidant dans ces villes, leur âge, leur qualité, prénoms, et, s’il se peut, le département dont ils sont ; et qu’on vous envoie, sous quinzaine, ledit état. Il faudrait peut-être demander à Munich l’arrestation de l’évêque de Châlons.
Malmaison, 19 mars 1804
Au citoyen Réal
Citoyen Réal, Conseiller d’État, je vous envoie les papiers du duc d’Enghien. J’ai gardé le paquet de sa correspondance avec le comte de Lille, qui ne contient rien d’important que deux lettres de bonne année, et une relative aux prétendues propositions qui leur ont été faites par la Prusse pour qu’ils renoncent à leurs droits au trône.
Il est question, dans le procès-verbal, d’un portefeuille rouge où il y aurait des lettres de la duchesse de Bourbon sa mère. Ce porte- feuille ne m’a pas été envoyé.
Je vous transmets aussi un rapport de Fribourg, que Caulaincourt m’envoie.
Je désire deux choses : la première, que vous fassiez mettre dans tous les journaux un article qui fasse connaître que l’Angleterre, au moment où elle envoyait Georges sur nos côtes, prenait à solde tous les émigrés qui se trouvaient en Allemagne; la deuxième, que vous envoyiez deux agents adroits, l’un à Munich, l’autre à Fribourg, qui prendraient les noms de tous les émigrés qui s’y trouvent, avec leur âge et le département dont ils sont, afin que ces notes puissent nous servir à arrêter enfin notre liste d’émigrés.
Je vous envoie aussi une note relative à un employé de la poste qui a été arrêté, et une autre relative à un passage d’un journal qui s’imprime, à Wissembourg et qu’il faut faire supprimer.
Il faut donner la consigne aux frontières de ne laisser rentrer aucun Français, même avec des passe-ports de nos ministres en pays étrangers. Ils ne pourront passer qu’avec des passe-ports du ministre des relations extérieures et du grand juge; et ceux qui seraient soupçonnés d’avoir émigré seront mis en dépôt jusqu’à ce qu’on en ait rendu compte au grand juge.
Caulaincourt me mande que le général Desnoyers, qui assurait n’avoir pas quitté Strasbourg depuis dix mois, arrivait de Leipzig depuis peu avec une grande quantité d’argent.
Enfin je vous prie de consulter Méhée sur notre agent près l’électeur Bade, nommé Massias, pour savoir s’il est ou non marié, et quelles sont les preuves de suspicion contre lui..
Il paraît que le citoyen Boell, président du tribunal de Wissembourg, et Meyer, juge, sont les rédacteurs de la gazette de cette ville. Caulaincourt me mande qu’il n’y a qu’un cri contre eux dans le département; que le préfet en a déjà écrit plusieurs fois au grand juge; que le général de la division et la gendarmerie en sont mécontents. Expédiez, par un courrier, l’ordre de les faire arrêter. Comme ils sont juges, faites signer le mandat d’arrêt par le grand juge, en le motivant sur l’article de la constitution. Faites en même temps saisir leurs papiers, et faites-les conduire dans la citadelle de Strasbourg.
Le sous-préfet de Wissembourg parait aussi très-mauvais. Faites prendre des renseignements sur son compte.
Caulaincourt me mande qu’il faut éloigner au plus tôt les prisonniers de Strasbourg, surtout l’abbé Wemborn, qui a du crédit parmi le clergé. On peut sans inconvénient les faire filer sur Paris.
Je vous recommande de prendre en secret avec Desmarêts connaissance de ces papiers. Il faut empêcher qu’il ne soit tenu aucun propos sur le plus ou moins de charges que portent ces papiers.
Si Desmarêts croit pouvoir présenter les noms de cinq ou six cents personnes qui seraient aujourd’hui à l’étranger, pour maintenir sur la liste, il faudrait me la présenter; mais il faudrait savoir ce qu’ils ont de biens et mettre bien leurs prénoms.
Malmaison, 19 mars 1804
Au général Murat, gouverneur de Paris
Citoyen Général Murat, j’ai reçu votre lettre. Si le duc de Berry était à Paris logé chez M. de Cobenzl, et M. d’Orléans logé chez le marquis de Gallo, non-seulement je les ferais arrêter cette nuit et fusiller, mais je ferais aussi arrêter les ambassadeurs et leur ferais subir le même sort, et le droit des gens ne serait en rien compromis. Mais, comme il est de toute impossibilité que ces ministres, sous peine de risquer leur tête, se fussent portés à une démarche aussi insensée, et comme, bien loin d’autoriser cette conduite, le cabinet de Vienne ne veut autoriser le séjour d’aucun prince français à Vienne, je ne veux faire aucune perquisition chez eux. Vous ferez bien de faire arrêter celui qui vous a donné cet avis, et qui ne peut être qu’un misérable. Tout le monde sait, hormis les badauds, que les maisons des ambassadeurs ne sont point des asiles pour les crimes d’État. Ne vous laissez donc pas amuser par de pareilles folies. Rejetez cela bien loin, et ne souffrez pas que devant vous on dise cela. Quant à la seconde partie, le prince Charles, vous sentez vous-même combien cela est horriblement absurde. Le prince Charles est un homme brave et loyal auquel je suis particulièrement attaché, et Cobenzl et Gallo sont des hommes qui, bien loin de cacher des individus qui conspireraient contre moi, seraient les premiers à m’en donner avis.
Mon intention n’est pas même qu’il y ait aucune surveillance extraordinaire autour de leurs maisons.
Il n’y a pas d’autre prince à Paris que le duc d’Enghien, qui arrivera demain à Vincennes. Soyez certain de cela, et ne souffrez même pas qu’on vous dise le contraire.
Malmaison, 19 mars 1804
Au Ministre des Relations extérieures
Je vous envoie, Citoyen Ministre, le rapport d’un officier de gendarmerie qui a été envoyé à Karlsruhe. Il y a dans ce rapport une chose que j’entends répéter depuis quinze jours, que le baron Edelsheim n’est pas notre ami. Proposez moi l’envoi d’un agent à Bade sur lequel nous puissions compter et le rappel de celui qui y est.
Lettres à Talleyrand
Malmaison, 20 mars 1804
Au citoyen Talleyrand
Je vous envoie, Citoyen Ministre, l’extrait d’un journal qui s’imprime en Hollande. Demandez sur-le-champ la suppression de ce journal.
Malmaison, 20 mars 1804
Au général Soult, commandant le camp de Saint-Omer
Citoyen Général Soult, par l’état du premier inspecteur d’artillerie, vous devez avoir treize mortiers à semelle à Boulogne et quatre à Étaples. Quoique le nombre de treize mortiers à grande portée pour Boulogne soit déjà raisonnable, je croyais cependant que vous en aviez davantage. Je désire savoir combien vous avez de mortiers à la Gomer; de ces derniers, une quarantaine ne serait point de trop.
Le fort Rouge doit être armé de douze pièces de 36; faites-moi connaître combien il en existe à Boulogne et si les affûts sont prêts. Je ne sais pas si Sganzin a persisté dans son projet de placer à ce fort deux mortiers. Si l’on pouvait y mettre deux mortiers à grande portée, ils tiendraient l’ennemi éloigné de plus de 2,500 toises port.
J’avais désiré que l’on plaçât aussi deux mortiers à plaque sur le musoir; faites-moi connaître s’ils existent.
Je vous prie de me faire également connaître si l’on a placé sur l’est de la jetée de Boulogne les deux mortiers pour compléter la défense de la rade.
J’ai donné ordre au ministre de la marine de faire passer la 4e division de bateaux canonniers à Wimereux, et la 2e à Ambleteuse. J’ai choisi exprès ces deux divisions, parce que ce sont des bateaux d’ancienne construction.
Je désire savoir si l’on a changé la plate-forme des pièces sur les bateaux canonniers, de manière qu’on puisse les diriger dans tous les sens.
Je n’aurais voulu rien décider sur les cinquante-deux bâtiments destinés à l’embarquement de la cavalerie d’Étaples; cependant, si cela était indispensablement nécessaire pour exécuter le barrage et l’écluse de chasse, votre bassin , avec les nouvelles dimensions, devrait contenir bien des bâtiments. Je ne voudrais pas non plus trop embarrasser Ambleteuse, parce qu’il serait possible que j’y fisse venir une partie de la flottille batave. Faites-moi connaître le nombre des bâtiments qui sont au delà du pont.
Quant aux péniches, j’attendrai, pour en disposer, qu’il y ait quatre divisions bien formées à Boulogne.
Cinq jours d’eau sont suffisants pour les écuries; mais bien entendu que, tous les jours, tant que la flottille restera dans le port, on remplacera l’eau qui aura été consommée.
Le ministre donnera des ordres pour la disposition des citernes. Si les embarcations ne peuvent pas suffire, on verra à se servir des bateaux de Terre-Neuve, dans lesquels on mettra des barriques pleines d’eau.
La pensée que les Anglais aient tâché d’empester le continent, en jetant sur les côtes des balles de coton venant du Levant, fait horreur.
Malmaison, 20 mars 1804
Au général Ney, commandant le camp de Montreuil
Citoyen Général Ney, je suis instruit que les Anglais ont vomi des ballots de coton sur nos côtes. On a pensé que ces ballots pouvaient être empoisonnés. Donnez-moi sur ce fait tous les détails qu’on pourrait avoir. Il sera triste de penser qu’ils aient poussé si loin l’oubli de tous les principes.
Paris, 20 mars 1804
ARRÊTÉ
ARTICLE 1er. – Le ci-devant duc d’Enghien, prévenu d’avoir porté les armes contre la République, d’avoir été et d’être encore à la solde de l’Angleterre, de faire partie des complots tramés par cette dernière puissance contre la sûreté intérieure et extérieure de la République, sera traduit à une commission militaire, composée de sept membres nommés par le général gouverneur de Paris et qui se réunira à Vincennes.
ART. 2. – Le grand juge, le ministre de la guerre et le général gouverneur de Paris sont chargés de l’exécution du présent arrêté.
Malmaison, 20 mars 1804, 4 heures du soir.
Au général Murat, gouverneur de Paris
Général, d’après les ordres du Premier Consul, le duc d’Enghien doit être conduit au château de Vincennes, où les dispositions sont faites pour le recevoir. Il arrivera probablement cette nuit à cette destination. Je vous prie de faire les dispositions qu’exige la sûreté de ce détenu, tant à Vincennes que sur la route de Meaux par laquelle il vient. Le Premier Consul a ordonné que le nom de ce détenu et tout ce qui lui serait relatif fût tenu très-secret. En conséquence, l’officier chargé de sa garde ne doit le faire connaître à qui que ce soit; il voyage sous le nom de Plessis. Je vous invite à donner, de votre côté, les instructions nécessaires pour que les intentions du Premier Consul soient remplies.
Malmaison, 20 mars 1804, 4 heures et demie
Au citoyen Harel, commandant du château de Vincennes
Un individu dont le nom ne doit pas être connu, Citoyen Commandant, doit être conduit dans le château dont le commandement vous est confié; vous le placerez dans l’endroit qui est vacant, prenant les précautions convenables pour sa sûreté. L’intention du Gouvernement est que tout ce qui lui sera relatif soit tenu très-secret, et qu’il ne lui soit fait aucune question sur ce qu’il est et sur les motifs de sa détention. Vous-même devrez ignorer qui il est. Vous seul devrez communiquer avec lui, et vous ne le laisserez voir à qui que ce soit, jusqu’à nouvel ordre de ma part. Il est probable qu’il
arrivera cette nuit. Le Premier Consul compte, Citoyen commandant, sur votre discrétion et votre exactitude à remplir ces différentes dispositions.
Malmaison, 20 mars 1804 (date présumée)
Au citoyen Réal, conseiller d’État
Je vous envoie la lettre de Caulaincourt. Il paraît que le duc d’Enghien est parti le 26 à minuit. Ainsi il ne peut pas tarder à arriver. Je viens de prendre l’arrêté dont vous trouverez ci-joint copie. Rendez-vous sur-le-champ à Vincennes pour faire interroger le prisonnier.
Voici l’interrogatoire que vous ferez :
1° Avez-vous porté les armes contre votre patrie ?
2° Avez-vous été à la solde de l’Angleterre ?
3° Avez-vous voulu offrir vos services à l’Angleterre pour combattre contre l’armée qui marchait sous les ordres du général Mortier pour conquérir le Hanovre ?
4° N’avez-vous pas eu des correspondances avec les Anglais et ne vous êtes-vous pas mis à leur disposition, depuis la présente guerre, pour toutes les expéditions qu’on voudrait faire contre la France, à l’extérieur ou à l’intérieur, et n’avez-vous pas oublié tous les sentiments de la nature jusqu’à appeler le peuple français votre plus crue[ ennemi ?
5° N’avez-vous pas proposé de lever une légion et de faire déserter les troupes de la République, en disant que votre séjour pendant deux ans près des frontières vous avait mis à même d’avoir des intelligences parmi les troupes qui sont sur le Rhin ?
6° Est-il à votre connaissance que les Anglais ont repris à leur solde et donneront encore des traitements aux émigrés cantonnés à Fribourg, à Offenbach, à Offenburg et sur la rive droite du Rhin ?
7° N’aviez-vous pas des correspondances avec les individus composant ces rassemblements, et n’êtes-vous pas à leur tête ?
8° Quelles sont les correspondances que vous avez en Alsace ? Quelles sont celles que vous avez à Paris ? Quelles sont celles que vous avez à Breda et dans l’armée de Hollande ?
9° Avez-vous connaissance du complot tramé par l’Angleterre et tendant au renversement du gouvernement de la République, et, le complot ayant réussi, ne deviez-vous pas entrer en Alsace et même vous porter à Paris, suivant les circonstances ?
10° Connaissez-vous un nommé Vaudrecourt, qui a été commissaire des guerres et a fait la guerre contre la République ?
11° Connaissez-vous un nommé La Rochefoucauld, tous deux arrêtés par suite d’une conspiration contre l’État ?
Il sera nécessaire que vous conduisiez l’accusateur public, qui doit être le major de la gendarmerie d’élite, et que vous l’instruisiez de la suite rapide à donner à la procédure.
Malmaison, 21 mars 1804
Au général Davout, commandant le camp de Bruges
Citoyen Général Davout, suivant le rapport du premier inspecteur général de l’artillerie, vous auriez à Ostende quatorze mortiers à grande portée. Ce nombre est trop considérable; il faudrait pouvoir en céder six à Dunkerque; huit doivent vous suffire pour Ostende, sauf à avoir un grand nombre de mortiers à la Gomer, qui portent à 1,400 toises.
Depuis le commencement de la guerre, nous n’avons rien fait pour le port de Dunkerque. Mon intention est de faire construire deux forts en bois sur la laisse de basse mer; mais il faudra tout l’été pour faire ces constructions. En attendant, je désire qu’on place au fort Risban et au fort Blanc douze à quinze mortiers, dont six à grande portée et huit ou neuf à la Gomer. Cet armement protégerait la rade, puisque le banc qui borde cette rade n’est éloigné du fort Risban que de 1,200 toises. Faites-vous rendre compte de l’armement de ces deux forts, lorsque vous irez à Dunkerque, et faites-y placer autant de pièces de 36 et de 24 qui sera possible d’en placer.
Malmaison, 22 mars 1804
DÉCISION
Le citoyen Dumolard demande une préfecture. | Je prie le citoyen Lebrun de voir le citoyen Dumolard. Je désirerais l’employer, et je saisirai avec plaisir ce moment-ci pour que tout le monde reste persuadé que, dans les affaires, je mets, autant qu’il m’est possible, de côté toute prévention passée, et que je ne me défie point des citoyens contre lesquels je n’ai aucune preuve positive. (Joseph Vincent Dumolard, 1766-1819. Proscrit après le 18 Fructidor, il fut libéré sous le Consulat. Il sera nommé, le 5 juin 1804, sous-préfet de Cambrai) |
Paris, 22 mars 1804
LE SECRÉTAIRE D’ÉTAT AU CITOYEN TALLEYRAND
Le Premier Consul me charge, Citoyen Ministre, de vous faire connaître les dispositions suivantes :
Le grand juge donnera connaissance au Sénat, demain samedi, des pièces de la correspondance de M. Drake. Les originaux de ces pièces seront vraisemblablement envoyés à une commission qui fera lundi son rapport.
Aussitôt que ce rapport aura été fait, le ministre des relations extérieures enverra un exemplaire des pièces imprimées à chaque ambassadeur, ministre ou agent diplomatique. A cet envoi sera jointe une note dans laquelle on fera connaître que les originaux ont été adressés à l’électeur de Bavière, et où l’on exprimera que le corps diplomatique verra sans doute avec douleur que l’on profane le caractère sacré d’ambassadeur pour en faire un ministère d’embauchage, de complots et de corruption.
Le ministre des relations extérieures enverra, par un courrier, au citoyen Otto, une centaine d’exemplaires de la correspondance, et une note pour M. de Montgelas, dans laquelle on fera connaître que, le Premier Consul ne pouvant considérer M. Drake comme revêtu du caractère de ministre, il demande qu’il soit sur-le-champ chassé de Munich.
Le ministre fera connaître en même temps au citoyen Otto, ainsi qu’à M. Cetto, que le Premier Consul, dans une circonstance aussi importante, attend de l’amitié qui existe entre les deux puissances que l’Électeur fera saisir les papiers de M. Drake.
Le Premier Consul, Citoyen Ministre, en achevant de dicter ces dispositions, m’a chargé d’y ajouter la demande de l’arrestation de l’évêque de Châlons, ainsi que des deux individus sous l’adresse desquels passait la correspondance.
Malmaison, 22 mars 1804
Au contre-amiral Decrès
Par la lettre ci-jointe de Lafond, il me paraît qu’on va désorganiser la flottille, à Boulogne; tout doit rester à Boulogne, hormis les bateaux canonniers dont le départ a été ordonné pour Ambleteuse et Wimereux. Il est surtout nécessaire que les chaloupes canonnières restent à Boulogne, ainsi que toutes les péniches.