Correspondance de Napoléon – Mars 1803

Paris, 26 mars 1803

Au général Berthier

Voulant admettre, Citoyen Ministre, des hommes de tous les points de la République à compléter la garde du Gouvernement, je désire que chaque arrondissement communal fournisse deux hommes pour les grenadiers à pied et deux hommes pour les chasseurs à pied; les grenadiers devront avoir la taille nécessaire.

Ils devront avoir fait la guerre, avoir leur congé en bonne forme être âgés de moins de trente ans et être bien famés dans leur département.

Les préfets se feront présenter les candidats par les sous-préfets, et les généraux de division, par les généraux commandant les départements. Les listes devront vous être adressées, avec des notes, avant le 15 floréal. Ce sera sur cette double présentation qu’on choisira.

Invitez aussi le général Moncey à écrire aux commandants de gendarmerie d’envoyer des notes sur les individus qui seraient présentés par les préfets et les généraux, sans les communiquer à ces derniers.

 

Paris, 27 mars 1803

DÉCISION

Richelieu, rayé de la liste des émigrés, sollicite la permission de reste, au service de la Russie.Renvoyé au grand juge, pour lui faire expédier ses lettres de  permission de rester au service de la Russie, et de faire expédier le séquestre sur tous ses biens.

 

Paris, 29 mars 1803

NOTE POUR LE MINISTRE DES FINANCES

Le compte du ministre de l’intérieur me paraît renfermer une erreur.

Il y est dit que son crédit pour le service ordinaire est de 14 millions de francs, pour le service extraordinaire de 16 millions, et pour les dépenses imprévues de 10 millions. Ce n’est pas 10 millions qui lui sont accordés pour les dépenses imprévues, mais 7,570,000 fr., et alors il faudrait effacer la somme de 2,782,985 francs qui est au résumé.

Il faudrait ajouter une note qui fit connaître combien a coûté l’opération des blés, afin qu’on ne trouve pas qu’il y a des dépenses qu’on ait voulu déguiser.

Dans le compte du ministre des relations extérieures, de l’an VII, le chapitre de 2,953 francs, pour secours à des Cisalpins réfugiés, est à supprimer comme faux. Les Italiens réfugiés ont coûté plusieurs millions.

 

Paris, 30 mars 1803

Au citoyen Lacuée, aide de camp du Premier Consul

Vous vous rendrez à Breda, de là à Berg-op-Zoom, de Berg-op-Zoom à Flessingue, de Flessingue à Helvoet-sluys.

Vous vous arrêterez à Rotterdam, à Amsterdam, au Texel. Vous irez à Emden à l’embouchure de l’Ems, à Bremen à l’embouchure du Weser.

Vous irez à Hanovre, Osnabrück, Nimègue. Vous continuerez voir les autres places de la Hollande bordant nos frontières, et vous vous en reviendrez à Paris.

Vous aurez soin, à Breda et à Berg-op-Zoom, d’observer tout ce qui a rapport à l’artillerie, aux munitions de guerre, à la garnison hollandaise, au nombre et à l’esprit de la population, à la garnison française et aux officiers qui y commandent.

Vous verrez si le corps qui se réunit à Breda, sous les ordres du général Montrichard, est habillé et équipé convenablement. Vous écrirez de Breda et de Berk-op-Zoom ce qui aura été l’objet de vos observations.

Vous devez trouver la 95e réunie à Flessingue; vous observer son esprit, l’état de son armement et de son équipement; quel est l’officier qui commande dans cette place; quelles sont les troupes bataves qui s’y trouvent; quel est l’esprit de la population; le siège qu’on pourrait y soutenir, et en général ce qui peut intéresser sur le point de vue des forces de terre et d’utilité maritime; ce qu’il faudrait faire pour, sans secousse, la mettre entièrement à la disposition de la France.

Vous m’enverrez également votre rapport de Flessingue, et parcourrez les différents points importants de l’île de Walcheren. Les différents points où les Anglais pourraient débarquer, la position l’île, l’esprit des habitants, et les moyens de la reprendre si jamais les ennemis s’en emparaient, fixeront également votre attention..

De là vous irez à Helvoet-sluiys; vous verrez la situation de notre expédition, la force des corps embarqués, enfin sa situation sous tous les points de vue. Vous n’oublierez pas tout ce qui peut intéresser sous le rapport de la défense de terre, de la garnison hollandaise et des moyens maritimes qu’on pourrait trouver dans ces ports. Vous porterez la même attention sur tous les objets, de manière que l’ensemble de votre rapport me donne des notions précises sur l’approvisionnement des arsenaux et le nombre des bâtiments de toute espèce armés ou capables d’être armés, y compris les chaloupes et bateaux canonniers.

Prenez des renseignements sur la force positive actuelle de l’armée hollandaise et sur son esprit. Vous verrez en Hanovre le nombre de troupes qui y est, les obstacles qu’on pourrait opposer à une invasion.

Vous établirez également le nombre de journées de marche qu’il faudrait pour se rendre à Breda, Osnabrück et Hanovre, et prendrez la note des Petits princes d’Empire sur les terres desquels il faudrait passer. Vous porterez avec vous le résultat de vos observations en Hanovre. Les rapports de Breda, Flessingue, Berg-op-Zoom, seront envoyés à la première poste française par un de vos gens.

Vous remettrez les rapports des autres points à l’ambassadeur de la République, pour les faire passer par les courriers qui s’envoient fréquemment, mais de manière qu’ils ne soient point interceptés par les Hollandais, qui ont l’habitude de lire tout ce qui passe aux postes.

Vous ne vous arrêterez que le temps nécessaire pour faire vos observations.

 

Paris, 31mars 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner ordre au général de brigade Monnet de se rendre à Flessingue, pour y prendre le commandement de cette ville et de l’île de Walcheren. Il aura sous ses ordres toute la 95e, deux compagnies d’artillerie que vous lui enverrez, et trois escadrons du 19e dragons, ainsi que les deux premiers bataillons, au complet de paix, de la 8e demi-brigade de ligne.

Vous donnerez à un chef de bataillon du génie et à deux lieutenants, à un chef de bataillon d’artillerie et à un officier en résidence, l’ordre de se rendre dans cette place, que mon intention est d’armer et de mettre en état de guerre.

Donnez ordre que deux escadrons du 19e dragons se rendent, au reçu de votre ordre, à marches forcées, à Flessingue; l’autre s’y rendra à marche ordinaire. Donnez ordre à la 8e, qui est à Ostende et à Bruges, de compléter ses deux premiers bataillons au grand pied de paix, et de les faire partir pour Flessingue.

Donnez ordre au général Belliard de faire armer la batterie vis-à-vis de Flessingue et qui défend l’entrée de l’Escaut, et d’y placer un détachement d’infanterie et un du 13e dragons.

Le général Monnet partira dans la journée pour Flessingue. Il attendra l’arrivée des deux bataillons de la 8e de ligne, et fera immédiatement publier l’arrêté qui met cette place en état de siége.

Il fera procéder au réarmement de la place en artillerie de terre et de mer. Ses instructions seront de s’emparer de toute l’autorité et de ne souffrir que ni le commandant hollandais, ni toute autre autorité s’y immisce en rien, devant se fonder sur la mise en état de siège.

Il correspondra, tous les jours, avec vous, pour vous rendre compte de ce qu’il aura fait dans la journée pour l’armement de cette place et des obstacles qu’il rencontrerait.

Cette place étant commune à la France et à la Hollande, l’intention du Gouvernement est que tout s’y fasse spécialement au nom de le France. Il ne doit y laisser, en troupes bataves, que tout au plus 5 ou 600 hommes; du reste, traiter les habitants et les troupes bataves avec les plus grands égards; s’étudier à faire des honnêtetés aux officiers, afin qu’ils marchent dans notre sens ; leur parler fréquemment de la conduite des Anglais au Cap.

Il lui sera accordé un traitement extraordinaire de 6,000 frs par mois, pour qu’il soit dans le cas de traiter les principaux habitants et les officiers des troupes des deux nations.

Il doit prendre toutes les mesures pour l’approvisionnement de la place.

En cas d’événement extraordinaire, il correspondra avec le général Montrichard, à Breda, avec le citoyen Semonville, ambassadeur à la Haye, et avec le général commandant la 24e division militaire; mais, pour l’objet principal de sa mission, il ne doit prendre ordres que de vous. Il doit répondre de la place spécialement de l’île de Walcheren.

Assurez-vous que les officiers d’artillerie et du génie sont partis dans la journée.

 

Paris, 31 mars 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Il paraît, Citoyen Ministre, que nos besoins les plus pressants et les plus difficiles à satisfaire sont des avirons et des mâts pour la flottille. On m’assure que la forêt de pins de Rouvray, près Rouen pourrait nous en fournir. On l’exploite en ce moment. il faut prendre des mesures pour se procurer ces bois, avant qu’on sût besoin qu’on pourrait en avoir.

Il paraît que des étuves et machines à plier les bois d’orme seront nécessaires pour la construction des chaloupes et des bateaux canonniers. On m’assure que le citoyen Danet, d’Anvers, pourrait en procurer cinq ou six, pour envoyer dans les ports de la Manche, et par la suite dans nos grands ports.

1° Je désire que vous fassiez faire, avec le moins de frais possible, l’armement des dogres, heux, spricks, bélandres de la Belgique, que mon intention est de réunir sur l’Escaut.
On pourrait prendre des renseignements sur le nombre que la Batavie pourrait fournir.
2° Il faudrait voir quel est le nombre de corvettes de pêche de Dunkerque et autres bateaux de même genre, qu’on pourrait réunir dans ce port; ce qui formerait un second rassemblement;
3° Le nombre de chaloupes canonnières, de bateaux canonniers, de petits bateaux de pêche et de cutters, qu’on pourrait se procurer pour réunir à Boulogne ;
4° Le nombre de bateaux destinés à la pêche de Granville, Saint-Malo et autres ports de la Manche, qu’on pourrait réunir à Cherbourg;
5° Le nombre de gros bateaux, de tous les ports, qu’on pourrait se procurer à Brest, capables de naviguer avec nos vaisseaux;
6° Le nombre de bâtiments qu’on pourrait se procurer à Bordeaux, pour Rochefort, et capables de naviguer avec nos vaisseaux.

Ces six-expéditions seraient destinées à concourir au même but. Le rassemblement, qui serait fait dans l’Escaut pourrait être protégé par une escadre hollandaise qu’on pourrait réunir dans l’Escaut.

Les rassemblements qui seraient faits à Boulogne et à Cherbourg pourraient être protégés par une escadre de trois ou quatre vaisseaux de ligne français.

Je vous prie de me faire un rapport sur ces projets. Vous pouvez consulter le citoyen Forfait, qui a déjà fait un travail sur cet objet. Présentez-moi également la nomination des officiers qui pourraient être chargés de ces six armements.

J’imagine que vous avez déjà donné des ordres pour réparer les flottilles à Dunkerque, au Havre et dans tous les ports où il y a de ces chaloupes.

 

Paris, 31 mars 1803

Au contre-amiral Decrès

Faites-moi connaître, Citoyen Ministre, le temps qu’il faut pour armer et envoyer à Flessingue quatre chaloupes canonnières, une petite corvette, de manière qu’on pût exercer une police sur l’entrée de l’Escaut et le port de Flessingue. Faites-moi connaître si vous avez des officiers et des commissaires de marine pour commander le port de Flessingue. Ces renseignements me sont nécessaires dans la journée.

 

Paris, 31 mars 1803

Au contre-amiral Decrès

Il faut faire armer sur-le-champ, Citoyen Ministre, les quatre canonnières qui sont à Brest, les trois canonnières qui sont à Rochefort, les six chaloupes canonnières qui sont à Lorient, les cinq canonnières et bateaux canonniers qui sont au Havre.