Correspondance de Napoléon – Mars 1803
Paris, 11 mars 1803
Au roi de Prusse
N’ayant pas, en ce moment, d’ambassadeur auprès de Votre Majesté, j’envoie auprès d’elle, pour une mission momentanée, le général Duroc. Je le charge de lui faire connaître les événement survenus avec l’Angleterre relativement à l’Italie.
La France devait évacuer les États de Naples, et spécialement le port de Tarente, trois mois après la signature du traité d’Amiens. J’ai ponctuellement rempli les conditions du traité. L’Angleterre devait, dans le même temps, évacuer Malte. Les trois mois s’étant écoulés, le cabinet de Londres me fit dire qu’il fallait d’abord que le grand maître de Malte fût nommé. Le grand maître a été nommé. Alors il objecta qu’il fallait que la Russie eût garanti l’indépendance de l’ordre de Malte. La garantie de la Russie est arrivée. Pour ne faire aucune difficulté, j’y ai adhéré. Mais aujourd’hui l’Angleterre lève le masque et me déclare quelle désire garder Malte pendant sept ans. Cette violation manifeste et sans exemple d’un traité ne saurait être soufferte par la France. Cependant la guerre est un malheur que je ne saurais trop déplorer, et je désirerais que Votre Majesté, comme ayant été si vivement sollicitée par l’Angleterre de garantir l’ordre de Malte, voulût prendre quelque intérêt à ce que l’article du traité fût exécuté.
Dans le cas, ce que je ne saurais encore me persuader, où le roi d’Angleterre voulût manquer à sa foi d’une manière aussi honteuse et où la guerre dût s’ensuivre, j’ai le droit de l’attaquer partout où flotte sa bannière et où il me sera possible de l’atteindre. C’est donc spécialement sur cet objet que j’ai chargé le général Duroc de s’entretenir avec Votre Majesté. Elle sait combien je désire, dans toutes les circonstances, lui être agréable.
Paris, 11 mars 1803
Au roi d’Espagne
Je prends le parti d’adresser directement à Votre Majesté les plaintes que j’ai à porter sur la conduite tenue envers la France dans ses Etats. Les assurances, que Votre Majesté a bien voulu me réitérer souvent, du désir de maintenir une étroite union entre les deux nations, me font espérer qu’elle daignera s’occuper un moment de ces objets, qui intéressent tant l’honneur et le commerce de la France; en leur donnant un instant d’attention, elle fera disparaître toutes les difficultés et acquerra de nouveaux droits à l’amitié de la France.
1° J’ai fait souvent demander la permission d’extraire des piastres pour le service de Saint-Domingue et des Antilles : les ministres de Votre Majesté l’ont constamment refusée, de manière que la frégate la Badine, ayant à bord le capitaine général de Tabago, a été obligée de rester vingt jours sans en obtenir, et n’est parvenue à s’en emparer que par contrebande. Je sais que les Anglais s’en procurent une grande quantité par cette voie dans les États de Votre Majesté; mais ces moyens me répugnent comme contraires à la saine morale.
2° Le gouverneur d’Alicante n’a pas cessé, depuis plusieurs années de montrer sa haine pour les Français. Il s’est permis dernièrement dans l’affaire du sloop le Favori, des vexations inouïes dont je mande satisfaction à Votre Majesté. Ce gouverneur ne partage pas les sentiments qui unissent les deux nations.
3° Votre Majesté avait voulu promettre plusieurs fois la levée du séquestre mis par le Gouvernement espagnol sur les prises ou les produits des prises conduites par des bâtiments français dans les différents ports d’Espagne dans les deux mondes : cependant ce séquestre dure depuis plusieurs années. Je prie Votre Majesté d’ordonner qu’il soit levé.
4° Il y a huit ans, un certain nombre de soldats français, prisonniers de guerre, ont été arrêtés à Valence et condamnés aux aux travaux dans les presidios. Je prie Votre Majesté de les faire remettre entre mes mains.
5° Des propriétés ont été confisquées au Mexique sur des Français qui en ont été chassés.
6° Toutes les affaires pendantes devant les tribunaux commerciaux ou militaires, ou devant des administrations, en Espagne, lorsqu’elles concernent des Français, ne finissent jamais.
Enfin je prie Votre Majesté d’ordonner que les Français jouiront dans ses Etats, de tous les droits et privilèges, tant politiques que commerciaux, que les traités assurent, et de ne pas permettre qu’on visite les maisons et magasins sans l’intervention des agents commerciaux.
Après ces plaintes particulières, que Votre Majesté fera cesser d’un mot, et qui cependant m’affectent vivement, je prie Votre Majesté, pour la gloire de son règne et l’intérêt de l’alliance des deux nations, d’ordonner qu’il soit pris des mesures pour l’armement de Minorque. On a mis en place tous les partisans des Anglais, qui ne parvinrent à s’en emparer, dans la dernière guerre, que par trahison. 0n n’a fait aucune poursuite contre les traîtres, qui jouissent aujourd’hui de la confiance, comme s’ils s’étaient bien comportés. Ce port est toujours l’objet de la convoitise des Anglais, et, si Votre Majesté n’ordonne des mesures politiques et militaires pour le mettre hors de l’atteinte de ses ennemis, ils s’en empareront au moment où on y pensera le moins.
La marine espagnole, qui a souvent acquis tant de gloire, est un dépérissement alarmant, et cependant aucun souverain n’a plus d’intérêt que Votre Majesté à avoir une marine qui protége ses immenses établissements, objet de la convoitise de l’Angleterre et de l’Amérique.
Je prie Votre Majesté de pardonner si je prends un si vif intérêt à un objet qui paraît la regarder spécialement; mais l’Angleterre ne s’endort pas; elle veille toujours, et n’aura de repos qu’elle ne se soit emparée des colonies et du commerce du monde. L’Espagne et la France peuvent seules s’y opposer. J’ai, de mon côté, vingt vaisseaux en construction; mais les arsenaux de l’Espagne sont sans approvisionnements, et ses ateliers sans ouvriers. Votre Majesté a cependant le bonheur de posséder dans ses États un homme de la plus haute distinction , l’amiral Gravina; il est propre, par son zèle et par son attachement à votre personne et par son amour de la gloire, à faire exécuter fidèlement tous les ordres qu’elle voudra lui donner pour le rétablissement de sa marine.
J’ai fait connaître à Votre Majesté les plaintes de la France; si l’Espagne en avait à faire, je prie Votre Majesté d’être assurée d’avance que je m’empresserais d’y faire droit, désirant toujours trouver les occasions de lui être agréable.
Paris, 11 mars 1803
ARRÊTÉ
ARTICLE 1er. – Il sera créé, d’ici au vendémiaire an XV, deux flottilles nationales.
La première, réunie à Dunkerque au 1er vendémiaire an XIV, sera composée de 100 chaloupes canonnières et 320 bateaux canonniers, munis de leur armement en agrès, ancres, mâtures et artillerie.
La deuxième, réunie à Cherbourg au 1er vendémiaire an XV, sera composée de 90 canonnières et de 80 bateaux canonniers, également munis du même armement et équipement.
ART. 2. – Outre la flottille construite, qui doit être réunie à Dunkerque au 1er vendémiaire au XIV, il y aura dans le même port, et à la même époque, un approvisionnement en matières suffisante pour la construction, gréement et armement de 100 canonnières et 500 bateaux canonniers.
ART. 3. – Pour l’exécution du présent arrêté, les dispositions qui suivent seront observées.
CHAPITRE 1er
FLOTTILLE DE DUNKERQUE.
ARTICLE 1er. – Le ministre de la marine ordonnera, sans délai, la revue de toutes les canonnières et bateaux canonniers existants dans les différents ports du Ponant. Il sera fait un rapport sur situation de chacun d’eux, de manière à faire connaître le degré de réparation dont chacun a besoin, les frais que cette réparation nécessitera pour remettre lesdits bâtiments dans le meilleur état.
On désignera, dans un état particulier, ceux desdits bâtiments qui, par leur situation actuelle, ne sont susceptibles que d’être réformés.
Sur ce rapport, la réforme des bâtiments pour qui elle sera jugée nécessaire sera ordonnée par le ministre; mais il n’y fera procéder qu’au fur et à mesure que des bateaux canonniers on des canonnières nouvellement construites pourront remplacer ceux dont il aura ordonné la réforme.
ART. 2. – Il sera choisi, parmi ceux existant dans les ports, 30 bateaux canonniers, des meilleurs, et 15 chaloupes canonnières qui seront réunis à Dunkerque, pour faire partie de la flottille, après avoir été pleinement radoubés et mis dans le meilleur état.
ART. 3, – Il sera, sans délai, pris des mesures pour la construction, dans ce port, de hangars qui seront établis sur la rive nord canal de Mardick, et placés de manière que l’espace total des bords du canal puisse successivement contenir les hangars nécessaires pour 100 canonnières et 500 bateaux canonniers.
ART. 4. – Les travaux de la construction des hangars seront suivis et exécutés successivement, dans la proportion de l’exécution des constructions des canonnières et bateaux canonniers de la flottille, en sorte que chaque canonnière ou bateau construit soit, aussi à son arrivée à Dunkerque, mis à sec sous un hangar.
ART. 5. – Il sera pris toutes les mesures nécessaires pour que dans vingt ports différents de la Manche, il soit construit, d’ici au 1er vendémiaire an XII, 17 chaloupes canonnières et 58 bateaux canonniers, qui devront être, pour cette époque, réunis, désarmés et mis sous les hangars du port de Dunkerque.
La construction des 75 bâtiments mentionnés dans cet article devra s’ordonner sans publicité, et par six volontés successives, qui s’exprimeront à des intervalles de sept jours chacune.
ART. 6. – Aussitôt qu’un bâtiment de la flottille sera sous les hangars, son gréement, sa mâture et son artillerie seront mis dans des magasins d’où ils ne pourront être extraits sans ordre du ministre.
ART. 7. Avant la fin de messidor prochain , il sera donné de nouveaux ordres, de la manière indiquée à l’article 5, pour la construction, dans vingt ports différents, de 17 nouvelles chaloupes canonnières et 58 bateaux canonniers, qui devront être construits et réunis au port de Dunkerque dans les six premiers mois de l’an XII, et désarmés, pour être mis sous les hangars, ainsi que ceux dont il a été parlé.
ART. 8. – Avant la fin de nivôse an XII, mêmes ordres seront donnés, de la même manière, pour la construction, dans différents ports, réunion et désarmement, à Dunkerque, du même nombre de bâtiments de la même espèce. L’exécution des ordres donnés à la fin de nivôse devra être terminée au 1er vendémiaire an XIII.
ART. 9. – Avant la fin de messidor an XII, les dispositions prescrites à l’article 7 seront de nouveau ordonnées, de manière que, dans les six premiers mois de l’an XIII, on ait créé et réuni au port de Dunkerque 75 nouveaux bâtiments de la flottille.
ART. 10. -Avant la fin de nivôse an XIII, les mêmes dispositions seront renouvelées pour la cinquième fois, et devront être exécutées dans les six derniers mois de l’an XIII.
De sorte que, par l’effet des cinq dispositions successivement prises de six mois en six mois, à dater de ce jour, il se trouvera réuni à Dunkerque, et mis sous les hangars, an 1er vendémiaire an XIV, 85 chaloupes canonnières et 290 bateaux canonniers, qui, avec les 30 bateaux canonniers et les 15 chaloupes canonnières dont le radoub est ordonné à l’article 2, feront un total de 420 bâtiments de la flottille, réunis à Dunkerque.
CHAPITRE II
FLOTTILLE DE CHERBOURG.
ARTICLE ler – Les chaloupes canonnières et les 80 bateaux canonniers de la flottille de Cherbourg seront construits dans le cours de l’an XIII et de l’an XIV.
ART. 2. – Il sera pris, pour la formation des hangars de la flottille de Cherbourg, et pour la conservation de son gréement, mâture et artillerie, les mêmes dispositions qui sont prescrites par les articles 3 et 6 du chapitre 1er.
CHAPITRE III
APPROVISIONNEMENTS À RÉUNIR AU PORT DE DUNKERQUE POUR LA CONSTRUCTION DE CENT CHALOUPES CANONNIÈRES ET CINQ CENTS BATEAUX CANONNIERS.
ARTICLE 1er – Il sera réuni dans le port de Dunkerque, dans le courant des années XI, XII et XIII, tous les objets portés dans l’état général joint au présent arrêté.
ART. 2. – L’état général se divise dans les trois états A, B, C proposés, ainsi que le premier, par le ministre de la marine, E approuvés par le Premier Consul.
ART. 3. – La réunion des objets portés dans l’état A devra se faire au port de Dunkerque d’ici au 1er vendémiaire an XII.
La réunion des objets portés dans l’état B devra se faire, dans le même port, dans tout le cours de l’an XII.
La réunion des objets portés dans l’état C devra se faire, dans cours de l’an XIII, au même port de Dunkerque.
De sorte qu’au 1er vendémiaire an XIV la réunion des objets portés dans l’état général joint au présent arrêté se trouvera complétée emmagasinée à Dunkerque.
ART. 4. – Au fur et à mesure que chacun des objets portés dans chacun des états arrivera au port de Dunkerque, il sera déposé dans un local ou magasin particulier, suivant sa nature. Il ne pourra en être distrait que sur l’autorisation spéciale du ministre, qui, préalablement, en rendra compte au Premier Consul, en lui présentant les moyens et l’époque présumés du remplacement des objets distraits.
ART. 5. – Le ministre de la marine et des colonies est chargé l’exécution du présent arrêté.
Paris, 12 mars 1803
INSTRUCTIONS.
Le général Duroc se rendra en toute diligence à Berlin, et sans laisser soupçonner à qui que ce soit où il va. Il remettra la lettre ci-jointe au roi de Prusse.
Si le roi de Prusse n’avait pas encore reçu le message du roi d’Angleterre à la chambre des communes, il le lui montrera. Il dira que le cabinet m’a fait prévenir, quarante-huit heures d’avance de ce message. Mais, comme il est évidemment faux qu’il y ait aucun armement sur les côtes de France, et comme cela est prouvé, ce sont des faits que des paroles et des commentaires ne peuvent pas effacer.
Par le traité d’Amiens, l’Angleterre devait évacuer Malte dans trois mois, et, comme l’on avait prévu que dans ces trois mois l’Ordre ne serait pas organisé, il avait été convenu que le roi de Naples y enverrait 2,000 hommes pour occuper cette place.
Par le même traité, la France devait évacuer Tarente. Plus de cent pièces de canon avaient déjà été placées dans cette place plus importante que Flatte, en la considérant comme centre des opérations dans le Levant. Plus de quarante vaisseaux de guerre et un convoi peuvent se trouver, dans cette rade, à l’abri des tempêtes et d’un ennemi supérieur. Il était entré dans les calculs du Premier Consul de ne pas évacuer cette place, qui, étant continentale, ne pouvait pas être enlevée comme une île. Des officiers du génie du premier mérite y avaient travaillé; des remuements de terre y avaient eu lieu; la France y avait dépensé 100,000 écus. Mais, par le traite de paix, le Premier Consul s’engagea à évacuer Tarente dans trois mois, ainsi que la place d’Ancône. La place fut évacuée, et, des opérations militaires et de détail ayant manqué, le Premier Consul témoigna son mécontentement au général Soult qui commandait cette colonne, ne s’informant point si Malte était évacuée on non. Comment penser que, dans le siècle où nous vivons, deux nations civilisées puissent avoir besoin de ce moyen d’otage pour exécuter des conventions stipulées ? Cependant, un brick français revenant dans la Méditerranée apprit que, quatre mois après le traité, Malte n’était pas évacuée.
Le Premier Consul en fit parler, par manière de conversation, au ministère anglais; on lui répondit que, le roi de Naples n’ayant pas pu y envoyer ses troupes, on n’avait pas pu abandonner l’île. Cette raison parut fort bonne. Des convois partirent ; les 2,000 hommes du roi de Naples partirent. Un ministre français, le général Vial, s’y rendit. Malte va être sans doute évacuée.
Les troupes napolitaines furent reçues à Malte, mais hors des forts, ayant l’air, non d’une troupe qui va prendre possession d’une place, mais d’une troupe surveillée. De vaines explications furent demandées à Londres ; l’on répondit qu’il était difficile au roi d’Angleterre d’évacuer Malte tant que le grand maître ne serait pas nommé. Cette condition commença à donner de l’ombrage. Le cas avait été prévu, dans le traité d’Amiens, que ces nominations entraîneraient des longueurs; c’est pourquoi les troupes de Naples devaient l’occuper provisoirement. Néanmoins on attendit, et l’on se contenta de presser, à Rome, la nomination du grand maître. Le grand maître fut nommé. L’on crut alors que l’Angleterre évacuerait Malte. Le cabinet britannique allégua d’autres raisons ; il déclara que la Russie n’avait pas garanti l’indépendance de l’ordre, et que l’on ne pouvait évacuer que la Russie n’eût donné son accession au traité. La Russie adhéra avec quelques modifications, auxquelles le Premier Consul s’empressa de souscrire ; la notification en fut faite au cabinet de Londres ; plus de délai, plus de prétexte pour ne plus évacuer. Le cabinet de Londres, alors, jette le masque et déclare désirer garder garnison dans Malte pour sept ans. L’indignation pour une proposition aussi étrange est égale à la volonté de s’exposer même aux horreurs d’une guerre plutôt que de la souffrir.
C’est dans ces entrefaites que le roi d’Angleterre prétend obtenir par des menaces et des armements, ce qu’il ne peut obtenir par la justice et les traités. Est-ce un prétexte pour recommencer la guerre. C’est ce qu’on ne peut savoir; mais tant il est vrai que le Premier Consul est décidé à ne pas souffrir ce déshonneur.
Si la guerre a lieu, il a pour lui le témoignage de Dieu et des hommes, et rien ne peut l’empêcher de poursuivre le cabinet britannique partout où son étendard est arboré. Il faut trancher le mot : son projet, si le cabinet britannique persévère, est d’envahir sur-le-champ le Hanovre.
C’est là le but et la mission du général Duroc. Ne rien écrire, rien signer ; ne rien dire qu’au roi seul, ou à son premier ministre et par son ordre.
Il doit remettre au roi la lettre, et, après qu’il l’aura lue lui exposer ce qui vient d’être dit, et lui dire que je n’ai pas même voulu menacer le Hanovre, sans que je me sois franchement expliqué avec lui.
Après cet objet, dire au roi que je désire qu’il intervienne pour sa part dans cette discussion ; qu’il fasse connaître , comme grande puissance de l’Europe, l’indignation que lui doit causer une semblable conduite.
Le roi de Prusse a dû garantir l’indépendance de Malte : il ne l’a point fait, par des raisons connues au Gouvernement français. Il a le droit de dire que, puisqu’il a garanti l’indépendance de Malte, il a le droit aussi d’exiger l’exécution du traité. C’est donc une mission d’égards envers la Prusse ; et lui faire connaître que, si l’Angleterre arme, je dois aussi armer; et lui faire connaître que je veux envahir son voisin.
Le deuxième objet, que, n’ayant point d’ambassadeur à Berlin, je l’ai chargé de remplir cette mission, et l’engager à faire connaître au ministre d’Angleterre, et au ministère britannique par son ministre à Londres, l’inconvenance de sa conduite, et que, pour une île qui appartient à celui qui occupe la mer, il va s’exposer au commencement d’une deuxième guerre dont le résultat est incalculable. Dire aussi que les expéditions, qui des ports de Hollande allaient partir, ne partiront pas; que la Hollande, qui allait être évacuée, ne le sera pas; que 30,000 hommes s’y rendront au premier armement de l’Angleterre, et qu’enfin le résultat de tout ceci sera que toute la population de l’Angleterre sera obligée de se mettre sous les armes pour défendre son pays.
Le général Duroc, étant nécessaire à Paris, restera le moins possible et pour maximum une semaine.
Si, ce qu’on ne prévoit pas, le roi de Prusse, ou son premier ministre, faisait des objections pour l’occupation du Hanovre, dire : « Si vous êtes bon pour protéger le Hanovre, Vous pouvez exiger aussi l’évacuation de Malte ».
Si le roi, ou son ministre, demande si le Gouvernement français voit avec peine qu’il communique un peu de tout ceci au Gouvernement anglais, on dira qu’on s’en rapporte à Sa Majesté pour faire ce qu’elle jugera convenable, ou faire ce qu’elle voudra.
On aura soin de dire que la paix est le premier désir du Gouvernement français, mais qu’il préfère recommencer la guerre plutôt que de rien souffrir qui soit déshonorant. Ajouter cependant toujours qu’il est impossible que le Gouvernement britannique veuille, mais qu’il est tiraillé par différents partis; qu’en France il n’y a qu’un seul parti et une seule volonté.
Paris, 13 mars 1803
Au général Andreossy, ambassadeur de la république près de sa Majesté britannique
Le Premier Consul, Citoyen,, m’ordonne de vous faire connaître qu’il est nécessaire que vous expédiiez fréquemment des courriers, et que vous teniez le cabinet informé de tout ce qui se passe dans le pays où vous êtes, surtout de ce qui est relatif à la presse et au crédit public.
Votre langage doit être modéré, mais ferme. Nous n’avons point provoqué la guerre. Aux termes du traité, Malte doit être évacuée. Le Premier Consul n’a fait aucune communication à la nation et n’a pris aucune mesure militaire, parce qu’il attend demain le retour du courrier qui vous a été expédié vendredi. Si le cabinet britannique persiste dans ce système de menaces et d’armements, il faudra bien avoir recours au même système.
Le Premier Consul étant à la présentation des étrangers qui a eu lieu aujourd’hui chez madame Bonaparte, et ayant trouvé M. Withworth et M. de Markof, l’un à côté de l’autre, leur a dit ces propres paroles : « Nous nous sommes battus quinze ans; il paraît qu’il se forme un orage à Londres et qu’on veut se battre quinze autres années. Le roi d’Angleterre a dit dans son message que la France préparait des armements offensifs. Il a été trompé ; il n’y a dans les ports de France aucun armement considérable, étant tous partis pour Saint-Domingue. Il a dit qu’il existait des différents entre les deux cabinets; je n’en connais aucun. Il est vrai que l’Angleterre doit évacuer Malte; Sa Majesté s’y est engagée par les traités. »
On peut tuer le peuple français, mais non l’intimider.
Dans la suite du cercle, s’étant trouvé seul près de M. de Markof, il lui a dit à demi-voix que la discussion était relative à Malte; que le ministère britannique veut la garder sept ans; qu’il ne faut pas signer des traités quand on ne peut point les exécuter.
A la fin du cercle, le ministre anglais s’étant trouvé près de la porte, il lui a dit : « Madame Dorset a passé la mauvaise saison à Paris; je fais des vœux bien ardents pour qu’elle y passe la bonne. Mais, si tant il est vrai que nous dussions faire la guerre, la responsabilité en sera tout entière, aux yeux de Dieu et des hommes à ceux qui nient leur propre signature et refusent d’exécuter traités. »
J’ai pensé qu’il était important que vous fussiez instruit de cette conversation, afin de pouvoir la communiquer, si jamais lord Withworth, dont il paraît que la correspondance n’est rien moins que sûre, l’eût rendue différemment.
Je vous prie de garder mon courrier moins de vingt-quatre heures et de le réexpédier avec la plus grande célérité.
Paris, 13 mars 1803
Au citoyen Barbé-Marbois, ministre du trésor public
J’ai vu, Citoyen Ministre, dans plusieurs états que vous m’avez envoyés, relatifs à l’exécution de la loi du 30 ventôse, qu’il n’est accordé que 4 millions de cinq pour cent, pour dépenses de l’an à la marine. Je vous avais demandé 6 millions pour cet exercice. Mais vous avez un crédit de 2,934,068 francs, qui n’est pas encore soldé, restant du crédit ouvert par des arrêtés de l’an X et de celui ouvert par l’arrêté du 5 brumaire au XI; vous ne devez donc demander du crédit que pour 3,075,932 francs, et il resterait à ce ministre un crédit de 2,924,168 francs.
J’ai demandé que 6,359,139 francs soient payés en cinq pour cent au ministre de la guerre ; mais le ministre de la guerre avait des crédits ouverts par les arrêtés des 19 messidor an IX, 3 brumaire, 9-6 frimaire et 17 nivôse an X, pour 2,101,294 francs, qui n’étaient pas consommés. Il faut commencer par consommer ces crédits. Il ne restera donc plus à le porter en crédit que pour 4,257,845 francs.
Avant d’arrêter ces dispositions, faites-moi connaître si elles sont exactes. Moyennant cela, il resterait disponible, pour le ministre de la guerre, 4,741,155 francs.
Quant aux rentes des années V, VI et VII, il me paraît qu’il n’y a rien à accorder, parce que la guerre et la marine ont des crédits bien plus considérables qu’il ne leur en faut. Au reste, il est nécessaire de bien s’entendre une fois pour toutes sur ces objets.
Paris, 13 mars 1803
Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies
Je vous prie, Citoyen Ministre, de me remettre une note sur cette question: Quel est le moyen, dans la position actuelle et le cas d’une guerre maritime, de faire le plus de mai possible au commerce anglais ?
Paris, 15 mars 1803
DÉCISION
Rapport sur le projet de rétablir la fête de Jeanne d’Arc. | Renvoyé an ministre de l’intérieur, pour faire arrêter le règlement pour cette fête, et faire composer tous les hymnes. |
Paris, 15 mars 1803
Au général Berthier, ministre de la guerre
Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner ordre au général commandant la 14e division militaires de se rendre aux îles Marcouf, d’y placer une bonne garnison, d’y faire mettre les batteries dans le meilleur état de défense, d’y disposer des grils à boulets rouges, d’approvisionner pour deux mois la garnison de ces îles, de nommer un bon officier d’artillerie pour y commander, et de laisser un bon officier du génie pour les travaux à faire.
Donnez ordre que Belle-Île reste palissadée; que le général commandant la 13e division militaire s’y rende pour en faire l’inspection et s’assurer que les magasins d’artillerie et de vivres soient approvisionnés, et que le fort est entre les mains d’un commandant brave ferme: s’il n’y a pas de vivres au moins pour trois mois, il prendra les mesures nécessaires pour l’approvisionner.
Paris, 15 mars 1803
Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies
Je Vous prie, Citoyen Ministre, d’envoyer un courrier extraordinaire porter l’ordre de suspendre le départ des deux bataillons de la 23e légère qui doivent s’embarquer à Saint-Florent. Ils continueront à former garnison dans la 23e division militaire.
Donnez ordre à Toulon d’armer avec la plus grande activité tous nos vaisseaux et frégates, et au général commandant la 23e division militaire de faire connaître exactement, et sur-le-champ, l’état des approvisionnements et armements de Porto-Ferrajo et de Porto Longone, soit en approvisionnements de bouche, soit de guerre; ordonnez qu ‘ils soient mis dans le meilleur état de défense, et qu’il y tienne garnison. Faites-vous rendre compte si les bataillons de le 90e et de la 107e sont partis de Rochefort. Dans le cas opposé, donner l’ordre de faire partir les 600 hommes de la 90e pour la Martinique et un bataillon de la 107e de rester en garnison à l’île d’Aix. La saison étant trop avancée, ces bataillons n’arriveraient à Saint-Domingue qu’au mois de floréal, c’est-à-dire au milieu de la mauvaise saison au lieu qu’ils pourront s’acclimater à la Martinique.
Employez les moyens de transport destinés à embarquer la 93e légère et le bataillon de Rochefort et tout ce qui est à Marseille, Toulon, Gênes, etc., pour les dépôts coloniaux. Je désire que, jusqu’à nouvel ordre, vous ne vous serviez, pour les expéditions d’Amérique, d’aucun vaisseau de guerre ni frégate.