Correspondance de Napoléon – Mars 1800
Mars 1800
Paris, 1er mars 1800
Au général Moreau, commandant en chef l’armée du Rhin
Le ministre de la guerre vous aura instruit, Citoyen Général, de l’organisation que je souhaite que vous donniez à votre armée, pour qu’elle se trouve à même de remplir tous les objets que je désire obtenir dans la campagne prochaine.
Votre e chef d’état-major, ou le général Lecourbe, que le ministre de la guerre vous demande à Paris, vous reportera les idées précises de ce que je désire faire. Il n’est pas impossible, si les affaires continuent à bien marcher ici, que je ne sois des vôtres pour quelques jours.
La Vendée continue à bien aller. Les Anglais font toujours, aux îles, des dispositions qui nous obligent de laisser une grande partie des forces de ce coté.
D’ailleurs, quoique la Vendée soit pacifiée, et que j’attende demain Georges, que le désarmement soit presque terminé, il ne m’est pas possible, cependant, d’ôter davantage que 12 ou 15,000 hommes.
Je prépare une bonne division de demi-brigades qui n’ont point fait la guerre l’année dernière, et qui pourront donner un bon coup de collier.
Je désire que Lemarois aille dans les parties où n’a pas été Duroc, et spécialement au Saint-Gothard.
Paris, 1er mars 1800
Au général Lefebvre, commandant supérieur des 14e, 15e et 17e divisions militaires, à Paris
Je vous prie, Citoyen Général, de donner les ordres nécessaires pour réunir le plus promptement possible, tous les détachements de la 43e et de la 96e demi-brigade, du 8e et du 9e de dragons, et du 19e de hussards. Faites-moi connaître ce qui manque à ces divers corps pour entrer bientôt en campagne, mon intention étant d’en former la première division de l’armée de réserve, et de les faire partir le plus tôt possible. Incorporez des conscrits dans les deux demi-brigades désignées ci-dessus, afin de les porter à 3,000 hommes.
Je vous invite également à faire préparer une batterie d’artillerie légère et une division d’artillerie à pied, composée de quatre pièces de 8 et de deux obusiers, avec les attelages nécessaires.
Paris, 2 mars 1800
Au citoyen Lucien Bonaparte, ministre de l’Intérieur
Le ministre de la guerre me rend compte, Citoyen Ministre, que les départements de la Charente et de la Corrèze sont les seuls qui n’aient point commencé la levée des chevaux qui est déjà presque terminée dans un grand nombre de départements. Je vous prie de faire connaître aux administrateurs de ces deux départements que je suis mécontent de cette négligence, et de m’envoyer leur nom et celui des commissaires près ces administrations.
Paris, 2 mars 1800
ARRÊTÉ
Les Consuls de la République, voulant prononcer sur le sort des Français qui, les premiers, reconnurent et proclamèrent, à l’Assemblée constituante, les principes de l’égalité, arrêtent ce qui suit:
ARTICLE ler – Les membres de l’Assemblée constituante inscrits sur la liste des émigrés présenteront au ministre de la police générale des attestations authentiques qui constatent qu’ils ont voté pour l’établissement de l’égalité et l’abolition de la noblesse, et qu’ils n’ont, depuis, fait aucune protestation ou aucun acte qui ait démenti ces principes.
ART. 2. – Le ministre de la police générale enverra au ministre de la justice, avant le 1er germinal prochain, l’état des réclamations et les titres de chacun des individus qui croiront avoir droit à l’application de cet arrêté; ces réclamations seront soumises à l’examen de la commission créée par l’arrêté du 7 de ce mois, et ensuite présentées à la décision définitive des Consuls, conformément au même arrêté.
ART. 3. – Les membres de l’Assemblée constituante qui obtiendront leur radiation, en exécution du présent, rentreront dans la jouissance de ceux de leurs biens qui n’auraient pas été vendus; mais ils ne pourront prétendre à aucune indemnité pour ceux qui se trouveraient aliénés.
ART. 4. – Les ministres de la justice et de la police générale sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté, qui sera inséré au Bulletin des lois.
Paris, 2 mars 1800Au général Brune, commandant en chef l’armée de l’Ouest
J’ai reçu, Citoyen Général, votre lettre du 7. Ni votre aide de camp ni Georges ne sont encore arrivés. Vous avez 7,000 fusils; j’espère qu’en cet instant vous aurez complété le nombre que je vous ai demandé.
Les Russes sont, au moment actuel, en Pologne. Il sera décidé dans quinze jours si la campagne s’ouvrira ou non; et, en cas que nous devions la faire, j’ai de très-vastes projets. Une armée de réserve, que je vais former et dont je me réserverai le commandement et dans laquelle vous serez employé, doit être composée des 40e, 58e, 6e légère, 60e, 22e demi-brigades. Ces cinq demi-brigades sont à votre armée. Si les événements le permettent, faites-les partir dans la décade prochaine, en en formant deux divisions. Fournissez à chaque division six pièces d’artillerie. A l’une vous attacherez le 22e de chasseurs, et à l’autre le 2e de chasseurs. Dirigez-les sur Dijon. Faites-les marcher par division; c’est le meilleur moyen pour qu’il n’y ait pas de désertion. Passez-en la revue et faîtes-moi connaître l’état de leurs besoins et leur nombre. Mettez leur solde à jour. Nantes doit pouvoir vous offrir quelques ressources en capotes, souliers, etc.
Faites commander les divisions ci-dessus par un très-bon général de brigade et un bon adjudant général.
Je fais partir de la 17e ou 14e division militaire la 24e légère, la 43e et la 96e, ainsi qu’une douzaine d’escadrons. Cette division part également primidi pour former l’armée de réserve.
Envoyez au ministre de la guerre l’ordre de route que vous donnerez à vos divisions, afin de savoir où les prendre pour les diriger
sur les points précis quelles devront occuper.
Faîtes-moi connaître si vous croyez qu’il y ait possibilité d’ôter d’autres troupes de l’Ouest, et dans ce cas, quels seront les corps les plus propres à faire la grande guerre.
Ce mouvement doit vous faire sentir combien il est nécessaire d’activer toutes les mesures. L’herbe va bientôt commencer à croître, et
l’heure de l’ouverture de la campagne va sonner.
Quand vous aurez fait votre tournée et pris une partie des mesures qui vous paraîtront nécessaires, je vous ferai connaître la ville sur laquelle vous pourrez diriger vos équipages, et de votre personne vous pourrez venir passer une dizaine de jours à Paris. Voici, à ce que je pense, ce qu’il vous reste à faire:
1° Avancer davantage le désarmement, surtout dans les Côtes-du-Nord et l’Ille-et-Vilaine.
2° Envoyer en surveillance, dans différentes communes de France, une soixantaine de chefs les plus dangereux parmi les chouans. Je ne me refuserai pas à faire passer les secours que vous devez accordez à ceux qui n’auraient pas de moyens d’exister.
3° Donner un mouvement pour faire rejoindre la masse de conscrits.
4° Commencer l’organisation des trois bataillons francs. Il faudrait qu’ils pussent sortir le plus tôt possible de l’Ouest, et achever soit à Dijon, soit à Troyes, etc., leur entière formation.
5° Commencer l’organisation de la gendarmerie à pied, que j’ai ordonnée pour ces départements. Je donne l’ordre au général Wirion de se rendre à votre quartier général pour cette organisation et 1a réorganisation de la gendarmerie à cheval.
Paris, 2 mars 1800
Au général Berthier, ministre de la guerre
Vous voudrez bien, Citoyen Ministre, donner l’ordre au général brigade Wirion de se rendre sur-le-champ au quartier général du général en chef Brune, afin de se concerter avec lui, tant pour la réorganisation de la gendarmerie à cheval des départements de l’Ouest, que pour l’organisation de la gendarmerie à pied, que j’ai ordonné qu’on y établit. Il sera utile que, dans l#instruction que vous remettrez au général Wirion, il puisse trouver assez de latitude pour écarter tous les obstacles de détail. La marche qu’il a suivie pour la gendarmerie des quatre départements réunis me paraît devoir être adoptée, sauf les modifications que vous jugerez convenables et que fait naître la nouvelle organisation civile.
Paris, 2 mars 1800
Au général Hédouville
J’ai lu avec intérêt, Citoyen Général, l’ordre que vous avez donné pour le désarmement; suivez-le avec la plus grande activité, car c’est sur cela, et sur cela seul, que nous pouvons compter. Le moment va arriver où je serai obligé d’extraire un corps considérable de l’armée de l’Ouest. D’un autre côté, la saison des débarquements s’avance. Il faut profiter du temps actuel pour consolider la tranquillité. Faites-moi connaître si vous vous occupez de la levée du bataillon franc, afin de débarrasser la division des vagabonds qui peuvent s’y trouver.
Tâchez de faire arrêter les nommés Chandelier et Charles. Ce sont deux scélérats couverts de tous les crimes.
Paris, 3 mars 1800
Au citoyen Lucien Bonaparte, ministre de l’Intérieur
Je désirerais, Citoyen Ministre, que vous engagiez les citoyens Lebrun et Rouget de l’Isle à faire un Hymne aux combats sur un air connu, tel que celui de la Marseillaise ou du Chant du départ. Il faudrait que cet hymne contint des choses qui pourraient s’appliquer à toutes les circonstances de la guerre, et y mettre l’idée que, chez les grands peuples, la paix vient après la victoire.
Au général Berthier, 3 mars 1800
Vous trouverez ci-joint, Citoyen Ministre, un arrêté pour la formation de l’armée de réserve. Vous tiendrez la totalité de cet arrêté secret, en prévenant cependant tous les individus qui y sont nommés de se préparer à partir, et en prenant toutes les mesures nécessaires pour réunir à Dijon, les subsistances indispensables pour l’approvisionnement de cette armée. Son quartier général sera à Dijon, et le parc d’artillerie à Auxonne.
Vous regarderez sans doute comme nécessaire de diriger le plus tôt possible sur Dijon 100,000 paires de souliers, 40,000 habits ou
capotes et autres effets d’habillement.
Faites réunir chez vous ordonnateur et les différents commandants d’armes, pour que chacun vous présente l’organisation de son
arme.
Vous pourrez faire faire à Auxonne les traîneaux que je vous avais demandé de faire à Grenoble.
Paris, 4 mars 1800
À l’amiral Mazarredo, général en chef de la flotte de Sa Majesté Catholique, à Brest
J’ai reçu la lettre du 10 ventôse an VIII que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, et la note qui y était jointe. Une réflexion me frappe en lisant le plan qui y est développé, celle du danger de laisser aller jusqu’à Malte douze vaisseaux français seuls. Cette force ne vous parait-elle pas insuffisante? En effet, les Russes et les Anglais combinés peuvent réunir environ vingt-quatre vaisseaux et les rassembler devant Malte. Ils seraient évidemment en mesure d’exécuter ce mouvement, puisqu#ils seraient sur-le-champ avertis par des courriers extraordinaires, expédiés par terre, de la sortie de la flotte de Brest, et qu’ils auraient conséquemment le temps de se disposer à s’opposer à ses succès.
Quant à la réunion de la division du Ferrol, ne pensez-vous pas, Monsieur, que les fausses routes ou les heures perdues décident, à la mer, des succès des campagnes, et qu’il est préférable de ne pas perdre une heure à attendre la division du Ferrol pour accomplir, dès l’abord, l’objet qu’on a en vue?
Dès l’instant que l’escadre combinée aura dépassé la hauteur du Ferrol, vous pourrez faire filer les vaisseaux qui sont dans ce port, pour se rendre à Cadix.
Le Premier Consul persiste à désirer que les deux escadres parties de Brest arrivent devant Malte, fassent lever le blocus de cette place, y fassent entrer les approvisionnements que les escadres peuvent avoir; et, l’instant après cette opération, il les laisse toutes les deux à la disposition de Sa Majesté Catholique le roi d’Espagne, soit pour Mahon, soit pour tout autre objet. Soit que vous pensiez qu’il faille aller aux îles d’Hyères, ou se diriger sur Minorque, ou bien sur Carthagène, le Premier Consul fera à cet égard tout ce qui pourra convenir à Sa Majesté Catholique.
Le Premier Consul regrette la perte du temps et celle de chaque jour qui s’écoule sans utilité pour la cause commune.
(Par ordre du Premier Consul
Paris, 4 mars 1800
NOTE POUR LE MINISTRE DE LA MARINE.
On fera publier à Marseille et en Espagne que tous les comestibles, comme blé, vins, eau-de-vie, viande salée et autres vivres qui arriveront à Malte, seront payés par le Gouvernement au double de la valeur, à l’époque et au port de départ, suivant les mercuriales. Il faudra un récépissé des commissaires, visé par le commandant.
Paris, 5 mars 1800
AU SÉNAT CONSERVATEUR
Sénateurs, le Premier Consul, pensant que les places au Sénat doivent être occupées par des citoyens qui ont rendu des services éminents à la République, ou que distinguent des talents supérieurs, vous propose, en conformité de l’article 16 de la Constitution, pour candidat à la place vacante de sénateur, le citoyen d’Arçon (Jean-Claude-Éléonore Le Michaud, chevalier d’Arçon, 1733-1800), l’officier le plus estimé du corps du génie, un des corps militaires les plus considérés de l’Europe.
Paris, 5 mars 1800
Au général Brune, commandant en chef de l’armée de l’Ouest
Je reçois, Citoyen Général, avec votre lettre du 11 ventôse (2 mars), votre arrêté relatif au citoyen Cossin. (Tâchez qu’il vous paye dans le mois de ventôse; pour le mois de germinal, c’est bien.) Je viens de l’envoyer an ministre des finances, pour qu’il me propose l’arrêté à
rendre à ce sujet.
J’ai vu ce matin Georges; il m’a paru un gros Breton dont peut-être il sera possible de tirer parti pour les intérêts mêmes de la patrie.
Les Russes sont aujourd’hui à douze marches de Prague; les voilà en Pologne. Leur départ et l’affaire de la Vendée déconcertent furieusement le cabinet de Saint-James. La première bataille le déconcertera bien davantage.
J’ai vu aussi Chatillon, qui a dîné aujourd’hui avec moi; j’ai été fort content de lui; mais je crois que toujours le meilleur parti à prendre, c’est de désarmer le plus que l’on peut. Je prendrai en considération votre demande pour le général Houdetot: il sera placé comme il le désire.
Tout ici va de mieux en mieux. Les préfets se rendent à leur poste, et j’espère que dans un mois la France sera enfin un État organisé.
Aurons-nous la paix? Aurons-nous la guerre? Cela est encore très-problématique. Quoi qu’il en soit, l’Empereur traite avec nous avec la plus grande gentillesse; les formes sont en sa faveur autant qu’elles étaient contre notre ami Georges.
Il serait possible que vers le 10 germinal (31 mars), je me portasse au Rhin. Faîtes-moi connaître si, indépendamment des cinq demi-brigades que je vous ai demandées par mon dernier courrier, vous pouvez encore disposer d’une ou deux demi-brigades des meilleures, et les diriger sur Dijon, sauf à les faire revenir dans trois mois. Il faut nous résoudre à arpenter la France comme la vallée de l’Adige; ce n’est jamais que le rapport des décades aux jours.
Paris, 5 mars 1800
ARRÊTÉ
Les Consuls de la République arrêtent ce qui suit:
ARTICLE 1. – Il sera établi sur les hauteurs de Saint-Côme une citadelle capable d’être défendue par 4 ou 500 hommes de garnison et de conserver la communication entre la presqu’île du Cotentin et l’intérieur de la République, en se rendant maître d’un des passages de la rivière de la Douve.
ART. 2. Les travaux seront conduits de manière que, vers le commencement de prairial, ce fort se trouve armé, approvisionné et à l’abri d’un coup de main; qu’au commencement de fructidor la contrescarpe se trouve entièrement revêtue, et que l’on puisse successivement, les autres campagnes, le fortifier par des ouvrages avancés, casemates et tout ce qui peut augmenter sa résistance.
ART. 3. Le ministre de la guerre est chargé de l’exécution du présent arrêté.
Paris, 10 mars 1800
À Talleyrand, (Ministre des relations extérieures)
… Le citoyen Otto (Louis-Guillaume Otto, comte de Mosloy, 1754-1817, diplomate, il rempli alors une mission à Londres) fera sentir … combien est peu digne de la nation anglaise la menace d’appesantir le joug des prisonniers français en Angleterre. Serait-il possible que la nation de Newton et de Locke s’oubliât à ce point-là? En effet, les prisonniers ne peuvent ni ne doivent répondre de la conduite de leur gouvernement. Ils sont tout entiers à la générosité de celui qui les a pris. Ces principes étant ceux du Gouvernement français, il n’imitera jamais le droit odieux de représailles.
Paris, 5 mars 1800
Au général Augereau
Commandant en chef l’armée française en Batavie
Je reçois, Citoyen Général, votre, lettre du 7 de ce mois. Schimmelpenninck (Roger Jean Schimmelpenninck, 1761-1825, ambassadeur à paris de la république batave) , qui sort de chez moi, m’assure que l’affaire du commandement est terminée, et que le Gouvernement batave a mis sous vos ordres les troupes bataves, avec quelques exceptions pour la ville de la Haye.
Vous savez combien les gouvernements sont entourés d’intrigues, et combien de gens écrivent ce qu’ils ne savent pas. Restez persuadé que ma confiance en vous est entière, et que c’est avec une bien vive satisfaction que je vois que tout le monde est content de votre conduite en Batavie.
Tout ce que vous ferez pour donner un peu d’impulsion au Gouvernement batave et pour activer ses moyens de défense aura toujours mon approbation.
Schimmelpenninck doit m’envoyer demain un courrier pour réitérer ma demande des deux demi-brigades bataves. Ayez soin qu’elles soient complètes, qu’elles partent dans le mois. Dirigez-les sur Coblentz.
Indépendamment des demi-brigades déjà annoncées, dès l’instant que j’apprendrai le départ des deux demi-brigades bataves, j’en dirigerai deux nouvelles dans la Belgique, où elles seront à même de vous seconder, si vous en avez besoin.
Paris, 5 mars 1800
Au général Masséna, commandant en chef l’armée d’Italie
J’ai reçu, Citoyen Général, vos lettres du 5 ventôse (24 février). Toutes les décades l’on fait partir 800,000 francs pour votre armée; cette décade, il en partira 1,300,000.
Je réunis à Dijon, une armée de réserve, dont je me réserve le commandement directement. Je vous enverrai d’ici à huit ou dix jours un de mes aides de camp avec le plan de toutes les opérations pour la campagne prochaine, où vous verrez que votre rôle sera beau et ne dépassera pas les moyens qui sont à votre disposition.
Cependant, si vous craigniez que l’ennemi n’ouvrît la camp avant nous, je ne vois pas d’inconvénients que vous rappeliez 2,000 hommes des 6,000 qui sont aux Alpes. Les neiges couvrent le Dauphiné, et d’ailleurs l’armée que je vais rassembler à Dijon sera toujours à même d’y accourir.
Si l’ennemi réunit des forces du côté de la Spezzia, pour attaquer en même temps de ce côté-là, par Novi et par Montenotte ne laissez qu’un corps très-léger au col de Tende: pour deux mois les neiges le défendent suffisamment, et d’ailleurs l’ennemi ne peut rien entreprendre sur Nice.
A votre place, pendant ventôse et tout le mois de germinal, j’aurais à Gènes les quatre cinquièmes de mes forces. Ainsi, si la totalité se monte à 50,000 hommes, j’en aurais 40,000 dans les positions qui ont pour appui Gênes; 2,500 dans toutes les Alpes; 1,500 dans Sospello et le col de Tende; 2,500 pour garnison d’Antibes, château de de Nice, château de Vintimille, garnison de Savone; 1500 pour le Tanaro, Ormea, et le reste sur les points de la circonférence, à deux journées de Gênes. Dans cette situation, je ne craindrais pas que l’ennemi m’enlevât Gênes.
Quant aux mois de floréal et de prairial, ce serait une autre chose; nous aurions pris l’initiative de la campagne, et les instructions que je vous enverrai dans dix jours vous traceront votre conduite.
Le fort de Savone doit être bien approvisionné, et tous vos dépôts doivent pouvoir se replier dedans.
L’armée du Rhin est magnifique, elle a beaucoup gagné depuis votre départ; elle a actuellement 120 000 combattants sous les armes, que l’on réunira sur le même champ de bataille. Ainsi, quand vous aurez 40,000, hommes à Gênes, nous, occupant le Saint-Gothard et le Saint-Bernard, si l’ennemi peut tenter une expédition sur les Alpes.
Si l’ennemi fait la gaucherie de réunir 12,000 hommes dans la Rivière, entre la Spezzia et Gênes, tombez-lui dessus avec toutes vos forces et massacrez-le.
Enfin, je vous le répète, en votre place je trouve votre position belle; tirez-en parti. Ne vous effrayez pas si l’ennemi tend à se mettre sur vos derrières. Abandonnez de suite toutes les positions qu’il veut attaquer, pour vous trouver vous-même avec toutes vos forces sur une de ses ailes.
La Vendée est parfaitement pacifiée.
Souwarov et les Russes sont déjà à quinze marches de Prague. Dieu merci, les voilà en Pologne.
Quels que soient les événements, mettez une bonne garnison dans Gavi, des approvisionnements, un brave homme; recommandez-lui de ne pas se décourager; car, dans tous les cas, nous le dégagerons, fût-ce même par Trente.
Dans les positions que nous occupons, on n’est jamais battu lorsqu’on veut fortement vaincre. Souvenez-vous de nos belles journées! Tombez sur l’ennemi avec toutes vos forces dès qu’il fera quelque mouvement.
Si vous avez bien battu ce qui se présentera par la Rivière du Levant, ce qui viendra ensuite par Montenotte sur Savone le sera également.
L’ennemi, à la manière autrichienne, fera trois attaques; par le Levant, par Novi et par Montenotte: refusez-lui deux de ces attaques, et trouvez-vous avec toutes vos forces sur la troisième.
J’imagine que les forts de Vintimille et de San Remo sont approvisionnés et armés de manière à pouvoir tenir contre de l’artillerie de campagne et des troupes légères. Au reste, je ne verrais pas de grands inconvénients à ce que vous fissiez sauter le fort de Vintimille.
Paris, 6 mars 1800
Au citoyen Lucien Bonaparte, ministre de l’intérieur
Vous trouverez ci-joint, Citoyen Ministre, copie de la proclamation qui va paraître. Il est nécessaire que vous fassiez une proclamation pour développer l’article 3. Vous ferez sentir que voilà le moment arrivé de prouver que l’on est digne d’être Français, non par des phrases insignifiantes, mais par des faits.
Aux yeux du Gouvernement, le meilleur patriote, c’est le plus brave. Le plus zélé pour la République est celui qui montre le plus d’empressement à la faire triompher de ses ennemis.
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Je vous prie de tenir secrète la proclamation que je vous adresse
Paris, 6 mars 1800
Au général Berthier, ministre de la guerre
Vous trouverez ci-joint, citoyen Ministre, copie d’une proclamation qui paraîtra demain ou après.
Il est nécessaire que vous prépariez:
1°une proclamation
2°une instruction, pour les préfets et commandants des places, sur la manière dont ils doivent diriger les conscrits sur Dijon;
3° sur la manière dont doivent se former les compagnies de volontaires, surtout les compagnies à cheval.
En entrant dans ces détails, vous y mettrez:
1° Qu’ils formeront des corps particuliers et qu’ils auront des officiers particuliers; que, dans aucun cas, ils ne seront encadrés dans les autres corps;
2° Que, lorsque le Premier Consul quittera l’armée, ils rentreront aussi en France;
3° Que les extraits d’enrôlement dans un corps de volontaires donnés par les conseils d’administration, seront les meilleures preuves de civisme qu’eux et leurs familles puissent fournir;
4° L’état de ce que doit avoir un citoyen qui voudrait faire partie d’un escadron volontaire: cheval, habillement à la hussarde, sabre, portemanteau, harnachement à la hussarde, etc.
Il sera donné à tous la subsistance, et la solde à ceux qui, par l état de leur fortune, en auraient besoin.
Vous direz que, pour ceux compris dans l’article 2, auxquels préfets et généraux ne pourraient pas procurer d’habillement et équipement dans le pays, il leur en sera fourni à Dijon.
Vous arrêterez pour les hussards un uniforme qui soit très-beau
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Dans les endroits où les sous-préfets ne seraient pas encore nommés, les citoyens qui voudront s’inscrire le feront aux administrations militaires. Vous engagerez les généraux à seconder, autant que possible, l’inscription de ces citoyens. Je vous prie de tenir la proclamation secrète.
Tous les soldats qui auraient déserté à l’intérieur par une raison de mécontentement quelconque, et qui voudront prouver qu’ils ne l’on font pas fait par lâcheté, devront déclarer, dans les cinq jours de la publication, aux préfets, leur intention de rejoindre, et ils prendront leur route pour Dijon
Paris, 6 mars 1800
Au général Berthier, ministre de la guerre
La 30e demi-brigade a douze officiers piémontais. Mon intention n’est point de faire tort à ces braves gens, qui se sont bien montrés pour la France; mais je désire que vous en placiez une partie dans la légion italique, et que vous répartissiez l’autre partie dans les demi-brigades de la République, un par an