Correspondance de Napoléon – Mai 1813

Gœrlitz, 24 mai 1813.

BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE.

L’empereur Alexandre et le roi de Prusse attribuaient la perte de la bataille de Lützen à des fautes que leurs généraux avaient com­mises dans la direction des forces combinées, et surtout aux difficultés attachées à un mouvement offensif de 150 à 180,000 hommes. Ils résolurent de prendre la position de Bautzen et de Hochkirch, déjà célèbre dans l’histoire de la guerre de Sept Ans, d’y réunir tous les renforts qu’ils attendaient de la Vistule et d’autres points en ar­rière, d’ajouter à cette position tout ce que l’art pourrait fournir de moyens, et là de courir les chances d’une nouvelle bataille, dont toutes les probabilités leur paraissaient être en leur faveur.

Le duc de Tarente, commandant le 11e corps, était parti de Bischofswerda le 15, et se trouvait le 15 au soir à une portée de canon de Bautzen, où il reconnut toute l’armée ennemie. Il prit position.

Dès ce moment, les corps de l’armée française furent dirigés sur le camp de Bautzen.

L’Empereur partit de Dresde le 18; il coucha à Hartau, et le 19 il arriva, à dix heures du matin, devant Bautzen. Il employa toute la journée à reconnaître les positions de l’ennemi.

On apprit que les corps russes de Barclay de Tolly, de Langeron et de Sass, et le corps prussien de Kleist, avaient rejoint l’armée com­binée, et que sa force pouvait être évaluée de 150 à 160,000 hommes.

Le 19 au soir, la position de l’ennemi était la suivante : sa gauche était appuyée à des montagnes couvertes de bois et perpendiculaires au cours de la Spree, à peu près à une lieue de Bautzen. Bautzen soutenait son centre. Cette ville avait été crénelée, retranchée et cou­verte par des redoutes. La droite de l’ennemi s’appuyait sur des ma­melons fortifiés qui défendaient les débouchés de la Spree, du côté du village de Nimmschütz : tout son front était couvert sur la Spree. Cette position très-forte n’était qu’une première position.

On apercevait distinctement, à 3,000 toises en arrière, de la terre fraîchement remuée, et des travaux qui marquaient leur seconde position. La gauche était encore appuyée aux mêmes montagnes, à 2,000 toises en arrière de celles de la première position et fort en avant du village de Hochkirch. Le centre était appuyé à trois villages retranchés, où Ton avait fait tant de travaux, qu’on pouvait les con­sidérer comme des places fortes. Un terrain marécageux et difficile couvrait les trois quarts du centre. Enfin leur droite s’appuyait, en arrière de la première position, à des villages et à des mamelons également retranchés.

Le front de l’armée ennemie, soit dans la première, soit dans la seconde position, pouvait avoir une lieue et demie.

D’après cette reconnaissance, il était facile de concevoir comment, malgré une bataille perdue comme celle de Lützen, et huit jours de retraite, l’ennemi pouvait encore avoir des espérances dans les chances de la fortune. Selon l’expression d’un officier russe à qui on deman­dait ce qu’ils voulaient faire : « Nous ne voulons, disait-il, ni avancer ni reculer. — Vous êtes maîtres du premier point, répondit un offi­cier français; dans peu de jours, l’événement prouvera si vous êtes maîtres de l’autre. » Le quartier général des deux souverains était au village de Nechern.

Au 19, la position de l’armée française était la suivante :

Sur la droite était le duc de Reggio, s’appuyant aux montagnes sur la rive gauche de la Spree, et séparé de la gauche de l’ennemi par cette vallée. Le duc de Tarente était devant Bautzen, à cheval sur la route de Dresde. Le duc de Raguse était sur la gauche de Bautzen, vis-à-vis le village de Nimmschütz. Le général Bertrand était sur la gauche du duc de Raguse, appuyé à un moulin à vent et à un bois, et faisant mine de déboucher de Jeschütz sur la droite de l’ennemi.

Le prince de la Moskova, le général Lauriston et le général Reynier étaient à Hoyerswerda, sur la route de Berlin, hors de ligne et en arrière de notre gauche.

L’ennemi ayant appris qu’un corps considérable arrivait par Hoyerswerda, se douta que les projets de l’Empereur étaient de tourner la position par la droite, de changer le champ de bataille, de faire tomber tous ces retranchements élevés avec tant de peine, et l’objet de tant d’espérances. N’étant encore instruit que de l’arrivée du général Lauriston, il ne supposait pas que cette colonne fût de plus de 18 à 20,000 hommes. Il détacha donc contre elle, le 19 à quatre heures du matin, le général York, avec 12,000 Prussiens, et le général Barclay de Tolly, avec 18,000 Russes. Les Russes se pla­cèrent au village de Klix, et les Prussiens au village de Weissig.

Cependant le comte Bertrand avait envoyé le général Peyri, avec la division italienne, à Königswartha, pour maintenir notre commu­nication avec les corps détachés. Arrivé à midi, le général Peyri fit de mauvaises dispositions; il ne fit pas fouiller la forêt voisine; il plaça mal ses postes, et à quatre heures il fut assailli par un hourra qui mit du désordre dans quelques bataillons. Il perdit 600 hommes, parmi lesquels se trouve le général de brigade italien Balathier, blessé, deux canons et trois caissons; mais la division ayant pris les armes s’appuya au bois, et fit face à l’ennemi.

Le comte de Valmy étant arrivé avec de la cavalerie se mit à la tête de la division italienne, et reprit le village de Königswartha.

Dans ce même moment, le corps du comte Lauriston, qui marchait en tête du prince de la Moskova pour tourner la position de l’ennemi, parti de Hoyerswerda, arriva sur Weissig. Le combat s’engagea, et le corps d’York aurait été écrasé, sans la circonstance d’un défilé à passer, qui fit que nos troupes ne purent arriver que successivement. Après trois heures de combat, le village de Weissig fut emporté, et le corps d’York, culbuté, fut rejeté de l’autre côté de la Spree.

Le combat de Weissig serait seul un événement important. Un rapport détaillé en fera connaître les circonstances.

Le 19, le comte Lauriston coucha donc sur la position de Weissig, le prince de la Moskova à Maukendorf, et le comte Reynier à une lieue en arrière. La droite de la position de l’ennemi se trouvait évi­demment débordée.

Le 20, à huit heures du matin, l’Empereur se porta sur la hauteur en arrière de Bautzen. Il donna ordre : au duc de Reggio de passer la Spree et d’attaquer les montagnes qui appuyaient la gauche de l’ennemi; au duc de Tarente de jeter un pont sur chevalets sur la Spree, entre Bautzen et les montagnes; au duc de Raguse de jeter un autre pont sur chevalets sur la Spree, dans l’enfoncement que forme cette rivière sur la gauche, à une demi-lieue de Bautzen; au duc de Dalmatie, auquel Sa Majesté avait donné le commandement supérieur du centre, de passer la Spree pour inquiéter la droite de l’ennemi; enfin au prince de la Moskova, sous les ordres duquel étaient le 3e corps, le comte Lauriston et le général Reynier, de se rapprocher sur Klix, de passer la Spree, de tourner la droite de l’en­nemi, et de se porter sur son quartier général de Wurschen, et de là sur Weissenberg.

A midi, la canonnade s’engagea. Le duc de Tarente n’eut pas besoin de jeter son pont sur chevalets : il trouva devant lui un pont de pierre, dont il força le passage. Le duc de Raguse jeta son pont; tout son corps d’armée passa sur l’autre rive de la Spree. Après six heures d’une vive canonnade et plusieurs charges que l’ennemi fit sans succès, le général Compans fit occuper Bautzen; le général Bonet fit occuper le village de Nieder-Kayna, et enleva au pas de charge un plateau qui le rendit maître de tout le centre de la position de l’ennemi; le duc de Reggio s’empara des hauteurs, et à sept heures du soir l’ennemi fut rejeté sur sa seconde position. Le général Bertrand passa un des bras de la Spree; mais l’ennemi conserva les hauteurs qui appuyaient sa droite, et par ce moyen -se maintint entre le corps du prince de la Moskova et notre armée.

L’Empereur entra à huit heures du soir à Bautzen, et fut accueilli par les habitants et par les autorités avec les sentiments que devaient avoir des alliés heureux de se voir délivrés des Stein, des Kotzebue et des Cosaques. Cette journée, qu’on pourrait appeler, si elle était isolée, la bataille de Bautzen, n’était que le prélude de la bataille de Wurschen.   .

Cependant l’ennemi commençait à comprendre la possibilité d’être forcé dans sa position. Ses espérances n’étaient plus les mêmes, et il devait avoir dès ce moment le présage de sa défaite. Déjà toutes ses dispositions étaient changées : le destin de la bataille ne devait plus se décider derrière ses retranchements; ses immenses travaux et 300 redoutes devenaient inutiles; la droite de sa position, qui était opposée au 4e corps, devenait son centre, et il était obligé de jeter sa droite, qui formait une bonne partie de son armée, pour l’opposer au prince de la Moskova, dans un lieu qu’il n’avait pas étudié et qu’il croyait hors de sa position.

Le 21, à cinq heures du matin, l’Empereur se porta sur les hauteurs, à trois quarts de lieue en avant de Bautzen.

Le duc de Reggio soutenait une vive fusillade sur les hauteurs que défendait la gauche de l’ennemi. Les Russes, qui sentaient l’importance de cette position, avaient placé là une forte partie de leur armée, afin que leur gauche ne fût pas tournée. L’Empereur ordonna aux ducs de Reggio et de Tarente d’entretenir ce combat, afin d’em­pêcher la gauche de l’ennemi de se dégarnir et de lui masquer la véritable attaque, dont le résultat ne pouvait pas se faire sentir avant midi ou une heure.

A onze heures, le duc de Raguse marcha à 1,000 toises en avant de sa position, et engagea une épouvantable canonnade devant les redoutes et tous les retranchements ennemis.

La Garde et la réserve de l’armée, infanterie et cavalerie, masquées par un rideau, avaient des débouchés faciles pour se porter en avant par la gauche ou par la droite, selon les vicissitudes que présenterait la journée. L’ennemi fut tenu ainsi incertain sur le véritable point d’attaque.

Pendant ce temps, le prince de la Moskova culbutait l’ennemi au village de Klix, passait la Spree et menait battant tout ce qu’il avait devant lui jusqu’au village de Preititz. A dix heures, il enleva le vil­lage; mais les réserves de l’ennemi s’étant avancées pour couvrir le quartier général, le prince de la Moskova fut ramené et perdit le vil­lage de Preititz. Le duc de Dalmatie commença à déboucher à une heure après midi. L’ennemi, qui avait compris tout le danger dont il était menacé par la direction qu’avait prise la bataille, sentit que le seul moyen de soutenir avec avantage le combat contre le prince de la Moskova était de nous empêcher de déboucher. Il voulut s’op­poser à l’attaque du duc de Dalmatie. Le moment de décider la bataille se trouvait dès lors bien indiqué. L’Empereur, par un mouve­ment à gauche, se porta, en vingt minutes, avec la Garde, tes quatre divisions du général Latour-Maubourg et une grande quantité d’artillerie, sur le flanc de la droite de la position de l’ennemi, qui était devenue le centre de l’armée russe.

La division Morand et la division wurtembergeoise enlevèrent le mamelon dont l’ennemi avait fait son point d’appui.

Le général Desvaux établit une batterie dont il dirigea le feu sur les niasses qui voulaient reprendre la position. Les généraux Dulauloy et Drouot, avec 60 pièces de batteries de réserve, se portèrent en avant. Enfin le duc de Trévise, avec les divisions Dumoustier et Barrois de la jeune Garde, se dirigea sur l’auberge de Klein-Baschütz, coupant le chemin de Wurschen à Bautzen.

L’ennemi fut obligé de dégarnir sa droite pour parer à cette nouvelle attaque. Le prince de la Moskova en profita et marcha en avant. Il prit, le village de Preititz, et s’avança, ayant débordé l’armée en­nemie, sur Wurschen. Il était trois heures après midi, et, lorsque l’armée était dans la plus grande incertitude du succès, et qu’un feu épouvantable se faisait entendre sur une ligne de trois lieues, l’Empe­reur annonça que la bataille était gagnée.

L’ennemi voyant sa droite tournée se mit en retraite, et bientôt sa retraite devint une fuite.

A sept heures du soir, le prince de la Moskova et le général Lauriston arrivèrent à Wurschen. Le duc de Raguse reçut alors l’ordre de faire un mouvement inverse de celui que venait de faire la Garde; il occupa tous les villages retranchés, et toutes les redoutes que l’en­nemi était obligé d’évacuer, s’avança dans la direction d’Hochkirch, et prit ainsi en flanc toute la gauche de l’ennemi, qui se mit alors dans une épouvantable déroute. Le duc de Tarente, de son côté, poussa vivement cette gauche et lui fit beaucoup de mal.

L’Empereur coucha sur la route au milieu de sa Garde, à l’auberge de Klein-Baschütz. Ainsi l’ennemi, forcé dans toutes ses positions, laissa en notre pouvoir le champ de bataille couvert de ses morts et de ses blessés, et plusieurs milliers de prisonniers.

Le 22, à quatre heures du matin, l’armée française se mit en mouvement. L’ennemi avait fui toute la nuit par tous les chemins et par toutes les directions. On ne trouva ses premiers postes qu’au-delà de Weissenberg, et il n’opposa de la résistance que sur les hauteurs en arrière de Reichenbach. L’ennemi n’avait pas encore vu notre cavalerie.

Le général Lefebvre-Desnouettes, à la tête de 1,500 chevaux des lanciers polonais et des lanciers rouges de la Garde, chargea, dans la plaine de Reichenbach, la cavalerie ennemie et la culbuta. L’ennemi, croyant qu’ils étaient seuls, fit avancer une division de cava­lerie, et plusieurs divisions s’engagèrent successivement. Le général Latour-Maubourg, avec ses 14,000 chevaux et les cuirassiers français et saxons, arriva à leur secours, et plusieurs charges de cavalerie eurent lieu. L’ennemi, tout surpris de trouver devant lui 15 à 16,000 hommes de cavalerie, quand il nous en croyait dépourvus, se retira en désordre. Les lanciers rouges de la Garde se composent en grande partie des volontaires de Paris et des environs ; le général Lefebvre-Desnouettes et le général Colbert, leur colonel, en font le plus grand éloge. Dans cette affaire de cavalerie, le général Bruyère, général de cavalerie légère, delà plus haute distinction, a eu la jambe emportée par un boulet.

Le général Reynier se porta avec le corps saxon sur les hauteurs an delà de Reichenbach, et poursuivit l’ennemi jusqu’au village de Holtendorf. La nuit nous prit à une lieue de Gœrlitz. Quoique la journée eût été extrêmement longue, puisque nous nous trouvions à huit lieues du champ de bataille, et que les troupes eussent éprouvé tant de fatigues, l’armée française aurait couché à Gœrlitz; mais l’ennemi avait placé un corps d’arrière-garde sur la hauteur en avant de cette ville, et il aurait fallu une demi-heure de jour de plus pour la tourner par la gauche. L’Empereur ordonna donc qu’on prît position.

Dans les batailles du 20 et du 21, le général wurtembergeois Franquemont et le général Lorencez ont été blessés. Notre perte dans ces journées peut s’évaluer à 11 ou 12,000 hommes tués ou blessés. Le soir de la journée du 22, à sept heures, le grand maréchal duc de Frioul étant sur une petite éminence à causer avec le duc de Trévise et le général Kirgener, tous les trois pied à terre et assez éloignés du feu, un des derniers boulets de l’ennemi rasa de près le duc de Trévise, ouvrit le bas-ventre au grand maréchal et jeta raide mort le général Kirgener. Le duc de Frioul se sentit aussitôt frappé à mort; il expira douze heures après.

Dès que les postes furent placés et que l’armée eut pris ses bivouacs, l’Empereur alla voir le duc de Frioul. Il le trouva avec toute sa connaissance et montrant le plus grand sang-froid. Le duc serra la main de l’Empereur, qu’il porta sur ses lèvres. « Toute ma vie, lui dit-il, a été consacrée à votre service, et je ne la regrette que par l’utilité dont elle pouvait vous être encore. — Duroc, dit l’Empereur, il est une autre vie ! C’est là que vous irez m’attendre, et que nous nous retrouverons un jour. — Oui, Sire; mais ce sera dans trente ans, quand vous aurez triomphé de vos ennemis et réalisé toutes les espérances de notre patrie… J’ai vécu en honnête homme; je ne me reproche rien. Je laisse une fille : Votre Majesté lui servira de père »

L’Empereur, serrant de sa main droite le grand maréchal, reste un quart d’heure la tête appuyée sur sa main gauche dans le plus profond silence. Le grand maréchal rompit le premier ce silence, « Ah ! Sire, allez-vous-en; ce spectacle vous peine ! » L’Empereur, s’appuyant sur le duc de Dalmatie et sur le grand écuyer, quitta le duc de Frioul sans pouvoir lui dire autre chose que ces mots : « Adieu donc, mon ami ! » Sa Majesté rentra dans sa tente, et ne reçut per­sonne pendant toute la nuit.

Le 23, à neuf heures du matin, le général Reynier entra dans Gœrlitz. Des ponts furent jetés sur la Neisse, et l’armée se porta au-delà de cette rivière.

Le 23, au soir, le duc de Bellune était sur Rothenburg; le comte Lauriston avait son quartier général à Hochkirch, le comte Reynier en avant de Trotschendorf sur le chemin de Lauban, et le comte Bertrand en arrière du même village; le duc de Tarente était sur Schönberg; l’Empereur était à Goerlitz.

Un parlementaire envoyé par l’ennemi portait plusieurs lettres où l’on croit qu’il est question de négocier un armistice.

L’armée ennemie s’est retirée, par Bunzlau et Lauban, en Silésie. Toute la Saxe est délivrée de ses ennemis, et dès demain 24 l’armée française sera en Silésie.

L’ennemi a brûlé beaucoup de bagages, fait sauter beaucoup de parcs, disséminé dans les villages une grande quantité de blessés. Ceux qu’il a pu emmener sur des charrettes n’étaient pas pansés; les habitants en portent le nombre à plus de 18,000. Il en est resté plus de 10,000 en notre pouvoir.

La ville de Gœrlitz, qui compte 8 à 10,000 habitants, a reçu les Français comme des libérateurs.

La ville de Dresde et le ministère saxon ont mis la plus grande activité à approvisionner l’armée, qui n’a jamais été dans une plus grande abondance.

Quoiqu’une grande quantité de munitions ait été consommée, les ateliers de Torgau et de Dresde, et les convois qui arrivent par les soins du général Sorbier, tiennent notre artillerie bien approvisionnée.

On a des nouvelles de Glogau, Küstrin et Stettin. Toutes ces places étaient en bon état.

Ce récit de la bataille de Wurschen ne peut être considéré que comme une esquisse. L’état-major général recueillera les rapports, qui feront connaître les officiers, soldats et les corps qui se sont dis­tingués.

Dans le petit combat du 22, à Reichenbach, nous avons acquis la certitude que notre jeune cavalerie est, à nombre égal, supérieure à celle de l’ennemi.

Nous n’avons pu prendre de drapeaux; l’ennemi les retire toujours du champ de bataille. Nous n’avons pris que 19 canons, l’ennemi ayant fait sauter ses parcs et ses caissons. D’ailleurs l’Empereur tient sa cavalerie en réserve, et, jusqu’à ce qu’elle soit assez nombreuse, il la veut ménager.

 

Gœrlitz, 25 mai 1813.

Au général comte Durosnel, gouverneur de Dresde.

Vos lettres au major général me font voir que l’on avait quelques inquiétudes à Dresde. Je suppose qu’elles sont maintenant dissipées. Le duc de Reggio doit être aujourd’hui à Hoyerswerda, marchant sur Berlin. Je marche moi-même sur Bunzlau, où le quartier général sera aujourd’hui, et de là sur Glogau et Francfort; et Berlin se trou­vera ainsi tourné. J’ai donné ordre que le général Beaumont joigne le duc de Reggio. Si cependant, contre mon attente, les inquiétudes continuaient et étaient fondées, vous pourriez garder à Dresde l’in­fanterie, la cavalerie et l’artillerie qui y arrivent. Le général Delaborde ne doit pas tarder à arriver avec les 49 et 5e de voltigeurs et un régi­ment de flanqueurs, ce qui, avec les deux bataillons de flanqueurs qui sont déjà à Dresde, fera huit bataillons. Les 9e, 10e, 11e et 12e les suivront bientôt.

Le duc d’Otrante arrivera bientôt à Dresde, où il attendra mes ordres. Mon ministre peut sans inconvénient le présenter au roi et à la cour.

Ne recevez rien des Saxons, ni comme frais de table, ni pour aucun autre objet. Mettez-vous cependant sur un pied décent, et ayez une table convenable. Je couvrirai les dépenses extraordinaires que vous seriez obligé de faire.

La poste de Bohème continue sans doute à arriver. Entendez-vous avec les ministres pour en retirer les lettres qui pourraient donner des renseignements sur l’armée et sur tout ce que fait l’Autriche. Faites travailler avec la plus grande activité aux ouvrages de la ville neuve, de manière qu’au 1er juin tous les bastions soient armés de pièces de 12 ou de 6. L’artillerie nécessaire sera tirée de Torgau et de Königsberg. Veillez sur les dépôts de cavalerie de Dresde et de Leipzig ; ayez l’œil sur Torgau et Wittenberg. Donnez un peu d’éner­gie au ministre de l’intérieur, pour qu’il arme une garde de police afin d’arrêter les partisans, en leur courant sus au son du tocsin, surtout sur la rive gauche de l’Elbe et sur les points si éloignés que l’armée ennemie ne doit pas y être.

Indépendamment de votre correspondance avec le major général, je désire que vous m’écriviez tous les jours. Les postes doivent être bien assurées; il doit y avoir partout des gendarmes saxons qui arrê­teront les traîneurs. Bautzen et Gœrlitz et les stations intermédiaires sont mises à l’abri d’un coup de main.

Enfin prenez toutes les mesures nécessaires pour avoir 10 à 15,000 quintaux de farine à Dresde, afin de pouvoir, dans tous les cas, subvenir aux besoins de l’armée. Faites achever la manutention de douze fours.

J’ai ordonné qu’on travaillât avec activité à Wittenberg et qu’on envoyât des fonds au commandant du génie. Écrivez-en au général Lapoype. Il faut qu’il y ait au moins 4,000 ouvriers tous les jours. Mon intention est d’occuper cette place d’une manière permanente.

Correspondez avec le commandant d’Erfurt pour connaître ce qui vous vient, et écrivez que tous les détachements marchent en ordre, puisqu’on m’assure que des partisans m’ont pris 30 cuirassiers, qu’ils ont surpris dans un village du côté d’Iéna.

Concertez-vous avec l’aide de camp Gersdorf pour qu’on reforme le contingent saxon et qu’on recomplète la cavalerie et l’artillerie.

 

Gœrlitz, 25 mai 1813.

A Frédéric-Auguste, roi de Saxe, à Dresde.

J’ai reçu la lettre que Votre Majesté m’a écrite relativement aux batailles des 20 et 21. J’attendais pour lui répondre d’avoir un moment de liberté, et d’avoir délivré ses États des armées russes et prussiennes. Mon armée a occupé hier Lauban, et dans ce moment nous sommes à Bunzlau. Le duc de Reggio sera ce soir à Hoyerswerda, marchant sur Berlin. Il sera nécessaire que Votre Majesté ordonne des mesures pour qu’on réprime les patrouilles de Cosaques et de partisans qui pillent le pays et inquiètent les derrières de l’ar­mée. Il faudrait organiser des brigades de cavalerie et des gardes de police qui pussent prêter main-forte à la gendarmerie, et y placer quelques officiers pour assurer la tranquillité du pays.

Le général Thielmann ayant pris du service à l’étranger sans la permission de Votre Majesté est coupable ; il est criminel, puisque ce service étranger est ennemi, et qu’il a porté chez l’ennemi ses connaissances locales. Je désirerais que Votre Majesté le fît saisir dans ses biens, et, par un grand acte de vigueur, fit connaître à ses sujets son mécontentement et son indignation contre feux de ses ser­viteurs qui prennent du service chez ses ennemis.

Je vais partir pour me rendre à Bunzlau. Quoique le pays ait beaucoup souffert, je pense qu’il est indispensable que Votre Majesté forme de nouveau son armée, afin de protéger ses États et de m’aider dans la guerre.

Le roi de Danemark vient de m’écrire que le comte Bernstorff a échoué dans sa négociation, ce que je savais déjà par les journaux anglais. Les Anglais ont voulu, au préalable, imposer au Danemark l’obligation de renoncer à la Norvège en faveur de la Suède. En con­séquence, l’animosité est plus forte que jamais, et le Danemark rentre dans tous les liens de l’alliance, qui n’avaient été un moment relâchés que d’après mon consentement, donné en considération de la situation critique de ce pays.

 

Bunzlau, 25 mai 1813, au soir

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Dresde

Monsieur le Duc de Bassano, écrivez au baron Saint-Aignan pour qu’il passe une note dans les termes les plus forts aux différents princes près lesquels il est accrédité, pour leur témoigner mon mé­contentement de ce que quelques partisans qui commettent des bri­gandages sur les derrières de l’armée sont favorisés dans leurs États ; que je les en rends responsables; qu’il faut qu’ils fassent une battue générale pour purger le pays ; que tout ce qui me sera pris me sera remboursé par une contribution que je mettrai sur le pays; qu’enfin, si cela continue, je finirai par voir dans les gouvernements de la mau­vaise, volonté.

 

Bunzlau, 26 mai 1813, six heures du matin.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Bunzlau.

Le prince de la Moskova se portera avec les 5e et 7e corps sur Haynau et poussera une avant-garde sur Liegnitz et une sur Glogau.

Le général Latour-Maubourg se portera sur la droite, dans la direction de Goldberg. Il sera joint par le duc de Raguse, sous les ordres duquel il sera.

Le duc de Raguse, avec le corps du général Latour-Maubourg, manœuvrera pour couper l’arrière-garde ennemie et tomber sur son flanc droit, communiquera avec le duc de Tarente et le comte Ber­trand, et poussera vivement l’ennemi.

Le 3e corps prendra position à une lieue en avant de Bunzlau et sera là aux ordres du prince de la Moskova.

La division Chastel restera avec le 5e corps.

 

Bunzlau, 26 mai 1813.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Bunzlau.

Mon Cousin, vous enverrez Tordre au duc de Bellune de se porter sur Sprottau, et de tâcher d’y arriver aujourd’hui, et si là il apprend que quelque chose s’est dirigé dans la direction de Berlin, il se diri­gera à sa suite.

Napoléon.

  1. S. Il enverra des partis dans les différentes directions pour avoir des nouvelles du corps de Bülow, et savoir si celui-ci s’est rapproché de l’Oder et de Berlin ou a continué son mouvement sur Luckau. Enfin, s’il apprend que le siège de Glogau soit levé, il tachera de communiquer avec cette place ; mais son principal but doit être de se tenir prêt à se porter sur Berlin, pour seconder le duc de Reggio, qui marche sur cette ville, et tomber sur les derrières de Bülow.

 

Bunzlau, 26 mai 1813.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Bunzlau.

Mon Cousin, faites comprendre mes intentions au due de Raguse.

L’ennemi, ne s’attendant pas à avoir sur ses flancs une aussi grande quantité de cavalerie, pourrait éprouver beaucoup de mal. Le prince de la Moskova se rend aujourd’hui à Haynau. Le général Ber­trand et le duc de Tarente doivent être arrivés aujourd’hui à Goldberg. Si le duc de Raguse pouvait prendre une position intermédiaire pour se rendre sur Liegnitz, on pourrait demain déboucher sur Liegnitz, en trois colonnes; toutefois il doit s’appuyer à celle des deux routes où, d’après les renseignements qu’il recueillera, la plus forte partie de l’armée ennemie aura passé.

Mandez au duc de Bellune que je vois avec peine qu’il ait été un jour sans correspondre ; qu’il pouvait envoyer un homme du pays qui, sous la promesse d’une forte récompense, aurait traversé les postes ennemis, s’il en avait rencontré ; qu’il ait soin de recueillir à Sprottau des renseignements et de m’en faire part à Bunzlau ; car, s’il n’était rien passé sur la route de Berlin et que Bülow se fût rapproché de Berlin et de l’Oder, le duc de Bellune pourrait recevoir l’ordre de se porter demain sur Glogau, afin de débloquer entière­ment cette place.

Vous êtes-vous assuré que le duc de Reggio ait reçu votre ordre ? Je suis surpris que vous n’en ayez reçu aucune nouvelle. Il devrait être aujourd’hui du côté de Luckau. Réitérez-lui vos ordres.

 

Bunzlau, 26 mai 1813.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Bunzlau.

Donnez ordre au duc de Trévise de partir demain à quatre heures du matin pour se rendre sur Liegnitz. Donnez ordre à la vieille Garde et à la Garde à cheval de partir à cinq heures pour se rendre égale­ment sur Liegnitz. Donnez ordre aux troupes du génie de partir à quatre heures du matin pour se rendre à Liegnitz. Il est donc néces­saire que le régiment du 3e corps qui doit prendre le service de Bunzlau soit rendu à quatre heures du matin dans la ville. Le 3e corps partira également de sa position actuelle, pour se rendre à Liegnitz, demain à six heures du matin. Le quartier général partira à quatre heures du matin.

 

Bunzlau, 26 mai 1813.

Au comte Daru, directeur de l’administration de l’armée, à Bunzlau.

Monsieur le Comte Daru, présentez-moi un projet de décret pour former un bataillon d’équipages militaires d’ambulance. Ce bataillon sera composé de douze compagnies ; chaque compagnie sera de 50 voitures et une forge; chaque voiture sera organisée comme les ambulances de la Garde : 1 homme, 2 chevaux et une voiture ; ce qui fera par compagnie 60 hommes, 120 chevaux, compris les haut-le-pied, 50 voitures et une forge; et pour les douze compagnies, 720 hommes, 1,440 chevaux, 600 voitures, 12 forges. Ces voi­tures seront destinées principalement à retirer les blessés du champ de bataille. Il y aura cependant sur chaque voiture un petit coffret contenant du linge à pansement, un peu de charpie, un choix d’in­struments, un peu d’eau-de-vie, enfin l’équivalent de l’ambulance à dos de mulet que j’accorde à un bataillon. Chacune de ces voitures pouvant porter quatre hommes, j’aurai donc de quoi porter 2,400 blessés ; mais, pour ne pas augmenter les cadres et ne pas m’induire dans de nouvelles dépenses, on pourrait convertir un des bataillons qui s’organisent en France, tel par exemple que le 14% qui n’a pas encore ses voitures, en un bataillon de cette espèce. Il faudrait que ce bataillon fût sous les ordres des chirurgiens de l’armée. En accordant une compagnie à chaque corps d’armée, il en resterait encore six; pour le quartier général. Des infirmiers à pied seraient attachés à ce bataillon, de sorte qu’aussitôt qu’un homme se trou­verait blessé à ne pouvoir pas marcher on le mettrait dans une de ces voitures. Faites-moi un projet là-dessus. Il me semble qu’on se trouve bien de ces petites voitures qu’a la Garde, et qu’elles ont rendu de grands services. En accordant 50 de ces voitures à un corps d’ar­mée, on pourrait donc en accorder 12 à chaque division, ce qui ferait l’équivalent des moyens de pansement portés par les 12 che­vaux de peloton ; ce qui, avec cette ambulance des chevaux de pelo­ton, deviendrait tellement considérable qu’on pourrait diminuer les ambulances.

Dans les marches, ces voitures pourraient aussi servir à porter les hommes éclopés et fatigués jusqu’au lieu où l’on forme des dépôts pour les hommes éclopés et fatigués. Faites-moi le devis de ce que cette nouvelle organisation coûtera.

 

Bunzlau, 26 mai 1813.

Au prince Cambacérès, archichancelier de l’empire, à Paris.

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 20. Nous sommes enfin en pleine Silésie; nous poursuivons l’ennemi vivement. On prend à Paris beaucoup trop sérieusement l’alarme sur l’Autriche. Les choses n’en sont pas à ce point ; mais il est tout simple que je sois en mesure partout. Les affaires ici vont bien.

 

Bunzlau, 26 mai 1813.

INSTRUCTIONS POUR LE DUC DE VICENCE, RELATIVEMENT A L’ARMISTICE.

Le duc de Vicence se rendra, à onze heures, au village de Neudorf. Il aura une copie certifiée par lui de la lettre close du 18 mai, et il la remettra aux plénipotentiaires de l’ennemi. Il sera en même temps muni de la copie des pleins pouvoirs donnés par le général Barclay de Tolly.

Le duc de Vicence remarquera que nous ne sommes pas d’accord sur la question principale, qu’ils ne veulent pas de congrès et qu’ils veulent continuer la guerre, dans l’espérance d’entraîner l’Autriche en la chargeant de prononcer une sentence, chose inconvenante et absurde.

Ce n’est pas le cas de faire sentir cette inconvenance et cette absur­dité, et de contester; il faut, avant tout, que le duc de Vicence reinette une copie de la lettre close qui renferme ses pouvoirs, et que les plénipotentiaires de l’ennemi la prennent.

L’armistice doit être motivé par un préambule sur la réunion du congrès, à peu près en ces termes : « Leurs Majestés, etc., voulant entamer des négociations pour parvenir à une paix définitive, ont résolu de réunir à cet effet leurs plénipotentiaires en un congrès, et, en attendant, de faire cesser le plus tôt possible les hostilités entre les armées respectives, etc. »

Les plénipotentiaires doivent être prévenus contre ce préambule. Ils en présenteront probablement un dans le sens de leurs pleins pouvoirs. Le duc de Vicence s’y opposera, en faisant entendre que la paix est un problème indéterminé qui ne peut être décidé par personne, et qui doit être négocié. Il proposera alors un autre préam­bule dans ces termes :

« Leurs Majestés, etc., voulant aviser au moyen de faire cesser la guerre malheureusement allumée entre elles, sont convenues à cet effet d’une suspension d’armes, etc. »

Par cette rédaction, la question du congrès est éludée.

Il est important qu’avant d’entamer la discussion d’aucune condition le préambule soit arrêté, afin que, si l’on rompait sur les con­ditions de l’armistice, on sache si les plénipotentiaires étaient pré­parés sur la question du préambule, ainsi qu’on peut le prévoir d’après les pleins pouvoirs qui leur ont été remis par le général Barclay de Tolly.

Le duc de Vicence pourra dire que l’Autriche a consenti au congrès.

Cette matière épuisée, on en viendra aux conditions de l’armistice.

1° Nous prendrons pour limites la rive gauche de l’Oder, que nous avons déjà, et la ligne de démarcation que nous avions en Silésie pendant la campagne dernière, que nous avons dépassée et sur laquelle nous ne ferons pas difficulté de revenir.

2° Quant à Danzig, Modlin et Zamość, aucune de ces places ne sera assiégée; aucun ouvrage ne sera fait à portée du canon, et les armées ennemies se chargeront de fournir aux garnisons les vivres à raison de leur consommation, et ce, tous les cinq jours.

3° Un courrier pourra partir tous les huit jours pour porter des nouvelles aux garnisons et en rapporter.

4° Quant à la durée de l’armistice, une condition essentielle est qu’elle soit étendue à tout le temps des négociations.

Si les plénipotentiaires ennemis n’y consentent pas, on pourra borner la durée de l’armistice à trois mois, c’est-à-dire jusqu’au 1er septembre.

Enfin, après avoir insisté fortement, on pourra consentir à réduire l’armistice à deux mois, à condition que l’on se préviendra quinze jours d’avance; c’est-à-dire que si, à l’expiration de l’armistice, il n’est pas prorogé, on aura quinze jours avant la reprise des hostilités. Un armistice qui pourrait être rompu au bout de quinze jours serait tout à l’avantage de l’ennemi, à qui quinze jours suffiraient pour remettre son armée en ligne; tandis qu’un armistice qui serait moindre de deux mois et demi ne servirait en rien à l’Empereur, qui n’aurait pas le temps de rétablir sa cavalerie.

Le ministre des relations extérieures, Duc de Bassano.

 

NOTE SUR LA DÉMARCATION DE LA LIGNE D’ARMISTICE.

En juillet 1807, la ligne de neutralité partait de Rawicz, passait près de Leubel, Wersingawa, Seifersdorf ; joignait l’Oder près Pogarell, le quittait près Maltsch; suivait la frontière de Breslau jusque vers Zobten, de là celle de Brieg jusqu’au comté de Glatz, celle de Glatz jusqu’à la frontière de Bohême.

Je renonce à la rive droite de l’Oder, hormis une lieue autour de Glogau, autour de Küstrin, autour de Stettin.

Je renonce, s’il le faut, mais après avoir longtemps disputé, au duché de Schweidnitz ; alors la ligne passerait près de Striegau, Graeben, Kupferberg, et se rattacherait à la frontière de Bohême.

 

Liegnitz, 29 mai 1813, deux heures après midi.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Liegnitz.

Mon Cousin, donnez ordre au duc de Raguse de se porter, avec le 6e corps et la cavalerie du général Latour-Maubourg, de Jauer, en avant d’Eisendorf, route de Neumarkt. Faites-lui connaître que le prince de la Moskova se porte à Neumarkt avec le 5e et le 7e corps, et que le quartier général y sera probablement ce soir avec la Garde; que le 3e corps reste en avant de Liegnitz ; que le duc de Tarente et le 4e corps resteront à Jauer.

Donnez ordre au duc de Tarente et au 4e corps de se porter sur Jauer. Le duc de Tarente poussera une avant-garde sur Striegau, en choisissant une bonne position. Vous lui ferez connaître également la situation de l’armée, et que je marche sur Breslau.

 

Rosnig, 30 mai 1813.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Rosnig.

Mon Cousin, donnez ordre que le pain qu’on nous envoie de Dresde soit désormais biscuité, sans quoi il nous arriverait moisi.

 

Rosnig, 30 mai 1813.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Rosnig.

Mon Cousin, écrivez en Westphalie pour demander que le Roi envoie à Dresde le reste de son contingent.

Donnez ordre que le général Dombrowski, avec son infanterie, sa cavalerie et son artillerie, se dirige sur Dresde en passant par Leipzig, où le général Durosnel l’emploiera, s’il est nécessaire, à soutenir le duc de Padoue; mais, à cela près, cette division n’éprouvera aucun retard dans sa marche sur Dresde. Je n’approuve pas la disposition qu’a prise le duc de Valmy de faire marcher cette colonne détache­ment par détachement. Donnez ordre au général Dombrowski de réunir toutes ses troupes et de marcher en masse; 4 à 5,000 hom­mes peuvent marcher en une seule colonne. Je n’approuve pas que le dépôt de cette division soit placé à Trêves ; il faut le mettre à Düsseldorf, où il sera plus près et mieux.

J’avais donné ordre, et je ne sais qui a pu prendre sur lui d’en disposer autrement, que la route d’Augsburg se dirigeât sur Würzburg, et de Würzburg sur Fulde; réitérez cet ordre de la manière la plus positive; je ne veux avoir qu’une seule route pour l’année. J’autorise toutefois qu’un corps qui serait fort de plus de 3,000 hom­mes puisse venir d’Augsburg sur Bayreuth ; mais cette direction ne serait pas considérée comme route de l’armée, et seulement comme un mouvement d’une colonne particulière. La route de l’armée, pour ce qui vient d’Italie, doit passer par Augsburg, Würzburg et Fulde. Il est nécessaire d’écrire cela non-seulement aux commandants mili­taires et aux gouverneurs, mais aussi à mes différents ministres plé­nipotentiaires, qui se permettent; sur la demande des gouvernements, de changer la roule de l’armée, ce qui est d’un inconvénient majeur. Ce n’est pas à eux de se mêler de savoir si une route est plus courte et plus commode. La direction des routes militaires est une des opérations les plus importantes. Faites une enquête pour savoir qui a changé cette route.

Il serait nécessaire d’avoir à Augsburg un adjudant commandant pour diriger tout ce qui arrive d’Italie. Le vice-roi pourrait l’envoyer d’Italie. Les colonnes de plus de 3,000 hommes qui passeront par Bayreuth marcheront militairement. Leurs commandants seront tenus de s’informer auprès des autorités bavaroises, saxonnes et françaises, de tout ce qui pourrait se passer sur leur droite et sur leur gauche, afin, à la moindre incertitude ou doute, d’appuyer toujours sur la gauche. Enfin il est nécessaire de réitérer les ordres sur la route pour que les escadrons du 19e de chasseurs, les escadrons italiens et les escadrons des 13e et 14e de hussards, qui viennent d’Italie, ne mar­chent pas isolément. Je n’ai aucune confiance dans ces troupes. Qu’ils se groupent à Augsburg et se réunissent en une colonne, vu qu’un escadron de 200 hommes de ces troupes pourrait être maltraité par 100 partisans. Faites faire le relevé sur vos états de mouvements, et faites-moi connaître où l’on pourrait arrêter ces escadrons pour qu’ils se réunissent en une colonne.

Faites connaître au général Durosnel que, nous éloignant de Dresde, il est nécessaire que les convois soient plus forts; qu’il est absurde de compter dans l’escorte les soldats du train et des équipages et les employés ; qu’il ne faut compter que les baïonnettes et les sabres ; que je ne pense pas qu’une escorte doive être moindre d’un millier d’hommes.

Donnez ordre au général Saint-Germain, qui est à Bautzen, de se réunir à la colonne de la Garde, ou à toute autre si celle-là était pas­sée. Le général Durosnel pourra le charger du commandement d’un convoi, mais de manière que cette cavalerie fasse partie d’un convoi où il y aurait au moins 3,000 hommes.

 

Rosnig, 30 mai 1813.

Au général comte Durosnel, gouverneur de Dresde.

Donnez l’assurance aux ministres du roi de Saxe que toutes les munitions de guerre fournies par la Saxe à l’armée seront remplacées de France, soit la poudre, soit les boulets; et ainsi cela ne doit être considéré que comme un prêt.

 

Rosnig, 30 mai 1813, midi.

Au général Caulaincourt, duc de Vicence, ministre plénipotentiaire, à Neudorf.

Monsieur le Duc de Vicence, il me paraît par votre lettre que ces messieurs prétendraient que j’évacuasse toute la haute Silésie, et même mes communications avec Glogau ; il y a tant d’absurdité dans ce dire que ce n’est pas concevable. Cependant je suppose que vous vous êtes mal expliqué ; car tous dites dans votre lettre que « les ar­mées reprendraient leurs positions si la paix ne se faisait point, » ce qui suppose que de leur côté ils auraient reculé aussi.

Vous pouvez donner pour nouvelle aux plénipotentiaires que le général Bülow a été battu le 28, en avant de Hoyerswerda, que la veille un corps de 100 Cosaques et douze officiers avait été surpris, et que cette armée était poursuivie vivement ; que, quant à Hambourg, nous avons dû y entrer le 24; que les Danois font cause commune avec nous, et que 18,000 hommes de leurs troupes se sont réunis au prince d’Eckmühl.

J’en reviens à ce que vous m’écrivez : le principe de toute négociation de suspension d’armes est que chacun reste dans la position où il se trouve ; les lignes de démarcation sont ensuite l’application de ce principe. Au reste, s’ils tiennent à des conditions aussi absurdes que celles que vous expliquez dans votre lettre, il n’y a pas lieu à s’arranger, et il est inutile de continuer davantage les conférences. Dans ce cas, revenez le plus tôt possible ici.

 

Rosnig, 30 mai 1813.

Au prince Cambacérès, archichancelier de l’empire, à Paris.

Mon Cousin, je suis fâché que vous n’ayez pas conseillé à l’Impé­ratrice de faire grâce, le 23 au matin, à l’homme condamné à mort. Vous avez été trop magistrat dans cette affaire. Il n’aurait pas fallu que cette grâce vînt du droit de l’individu, mais du propre mouvement de l’Impératrice, à cause du jour. Saisissez la première occasion de lui faire faire un ou deux actes de son propre mouvement; ce qui est sans inconvénient pour la justice, et qui serait d’un bon effet sur l’opinion publique.