Correspondance de Napoléon – Mai 1806

Mai 1806

 

Saint-Cloud, 1er mai l806

Au vice-amiral Decrès

Écrivez au contre-amiral Allemand que j’ai donné ordre que 1,800 hommes restassent en garnison à l’île d’Aix, avec un général pour les commander; qu’il y en a 1,100 à Oléron, et qu’à la première apparence d’attaque de l’île d’Aix il pourrait faire passer une partie de ses troupes de l’île d’Oléron au secours de l’île d’Aix.

Écrivez également au préfet maritime qu’à la moindre attaque des Anglais, indépendamment des 1,000 hommes de l’île d’Oléron qui seraient envoyés à l’île d’Aix, il doit y faire passer des canonniers et tout ce qui serait disponible à Rochefort.

 

Saint-Cloud, 2 mai 1806

DÉCISION

Le ministre de la guerre rend compte à l’Empereur de la gêne où se trouve
le 8e régiment de ligne, à qui il est du 333,876 francs 34 centimes; il propose de lui donner un à-compte avant sa rentrée en France.
Le Hanovre a dû payer la solde de l’an XII et de l’an XIII. Quant à la proposition de faire verser des fonds pour le petit équipement cette mesure doit être générale pour toute l’armée. Je désire que M. Dejean m’apporte dimanche un rapport sur cet objet. En ne faisant point payer la solde à la Grande Armée, je n’ai pas l’intention de porter aucun retard dans la confection de ses habillements mon seul but est d’empêcher que le soldat ne dépense son argent en pays étranger.

 

Saint-Cloud, 2 mai 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 27 avril. Les événements ne dépendent pas de moi. Il est impossible que mes troupes rentrent en France avant de savoir si l’on veut me rendre les bouches de Cattaro, moins encore pour le fait que pour l’insulte. Le maréchal Ney peut fort bien évacuer le territoire bavarois et se porter sur le Furstenberg et le Wurtemberg; deux marches de plus ou de moins ne feront rien à l’affaire. Le maréchal Davout n’est plus sur le territoire bavarois, le maréchal Bernadotte non plus; il n’y a donc que le maréchal Soult. Vous pouvez étendre ses cantonnements, et faire rétrograder, s’il le faut, une division de cavalerie. Enfin écrivez au général Andréossy, et pressez à Vienne pour qu’on fasse enfin connaître le parti qu’on veut prendre.

Si vous avez de l’argent à votre disposition, faites solder aux officiers le mois de janvier. Si vous n’en avez pas, donnez l’ordre au payeur général, qui est à Strasbourg, de faire verser dans la caisse des quartiers-maîtres et payeurs les fonds nécessaires pour payer le mois de janvier aux officiers. Je pense que les soldats n’ont besoin de rien; si vous en jugez autrement, faites aussi payer un mois aux soldats.

Il ne faut pas faire passer les prisonniers autrichiens; vous pouvez très-bien lès réunir dans les États de Stuttgart et autres pays.

Je me plains que, dans les nominations à la Légion d’honneur que vous m’avez présentées, il y a beaucoup de jeunes gens qui n’ont qu’un an de service.

Envoyez le général Heudelet pour commander la division qu’a laissée vacante le général Mathieu, au 7e corps d’armée.

Enfin, tout argent que vous voudrez donner aux officiers, je ne m’y oppose pas; mais je désirerais, si cela n’est pas prouvé nécessaire, que vous ne donniez rien au soldat, parce qu’il sera beaucoup plus doux pour lui de recevoir double paye pendant un an. Mais, encore une fois, tout l’argent de la solde est à Strasbourg; faites-le payer comme vous l’entendrez. Cependant les corps ont des fonds en caisse; je ne conçois pas comment ils peuvent se plaindre qu’il leur manque quelque chose; ils ont reçu beaucoup d’argent pour leurs masse d’entretien. Pourquoi voulez-vous leur donner 30 ou 40,000 francs par corps ? Est-ce à compte sur la solde ? Je vous prie de me donner des explications là-dessus.

J’ai nommé major le sieur Juillet, chef de bataillon du 50e régiment.

 

Saint-Cloud, 2 mai 1806

DÉCISION

Le maréchal Berthier rend compte à l’Empereur qu’if a fait délivrer vingt et une pièces de canon prises sur les Russes, à l’hôtel des Monnaies de Strasbourg, pour être employées au renouvellement des balanciers. Renvoyé au Ministre Dejean au lieu de pièces russes, il faut donner toutes les pièces autrichiennes les moins propres au service. Il faudrait, au contraire, garder toutes les pièces russes pour parade.

 

Saint-Cloud, 3 mai 1806

A M. Mollien

Monsieur Mollien, les troupes qui sont en Istrie et en Dalmatie doivent être soldées comme les troupes qui sont dans le royaume d’Italie. Je ne sais pourquoi vous supposez que le service n’y sera pas fait par le trésor. Il n’y a que les armées de Naples et de Hollande qui soient dans le cas de n’être pas soldées par le trésor. Mais il est bien nécessaire de distinguer la solde proprement dite de la solde des traitements de réforme, de retraite et des services qui se payent en même temps que la solde, puisque cela devient tellement considérable que les accessoires surpassent déjà le réel de la solde. Ainsi donc, il faut, lorsqu’il y a ordre de payer la solde à un corps, ne payer que la solde proprement dite; pour le reste, il faut autant d’ordres du ministre aux payeurs qu’il y a de masses différentes. En effet, pour s’entendre facilement, cela est très-important; car il est dû, par exemple, à la Grande Armée quatre ou cinq mois de solde, c’est-à-dire quatre ou cinq fois 2,863,000 francs ; mais il ne lui est point dû de masse d’ordinaire, de masse de chauffage ni de masse de fourrages; tandis que, si l’on comprenait comme solde tout ce que l’on comprend aujourd’hui sous le nom général de solde, il lui serait dû quatre ou cinq fois cinq millions.

Je trouve que, pour la seconde portion de la masse générale, il ne serait dû que 2,000 francs à la Grande Armée; je ne sais pas trop comprendre comment cela s’entend.

Je pense que vous devez écrire au ministre de l’administration de la guerre d’ordonnancer ce qu’il doit à la Grande Armée pour la deuxième portion de la masse générale, comme il l’a fait pour les fourrages. Si j’ai jugé à propos de suspendre la solde jusqu’au moment où la Grande Armée rentrera en France, mon intention est de faire payer aux conseils d’administration des corps ce qui leur revient pour masse d’habillement, pour qu’ils puissent pourvoir à leur service et trouver leur habillement à leur rentrée en France.

 

Saint-Cloud, 3 mai 1806

DÉCISION

Le général Harty sollicite l’indulgence de l’Empereur en faveur des officiers de la légion irlandaise qui ont déposé leurs épées chez le chef de bataillon Petrezzoli, mécontents de n’avoir pas été désignés pour marcher contre un débarquement d’Anglais à Douélan. Je ne trouve jamais mauvais que les officiers veuillent servir.

 

Saint-Cloud, 3 mai 1806

Au général Lacuée

Je vous envoie un projet de décret que je vous prie de me remettre demain. Il me semble que, moyennant cela, sans rien changer, j’aurai deux bons régiments, qui me coûteront beaucoup moins qu’ils ne me coûtent aujourd’hui. Il me semble qu’il y en a un dont l’uniforme est bien ; il conviendrait que l’autre fût blanc, d’autant plus qu’il est bon de mettre de l’émulation dans ces corps.

Mon intention est de n’admettre que très-peu de vieux soldats. La jeunesse de Paris, avec de vieux sergents et caporaux sortant de l’armée, sera suffisante. Il faudra déterminer l’époque où le changement d’uniforme devra avoir lieu.

Si vous croyez que, sans une grande augmentation de dépense, on puisse porter chaque bataillon à six compagnies au lieu de cinq, proposez-moi ce changement car un chef de bataillon pour compagnies est un peu trop cher.

Je désire que ces troupes soient organisées comme les autres, parce qu’en cas de guerre un peu considérable, on les ferait marcher à l’armée. La gendarmerie, les dépôts, et, au pis aller, la bourgeoisie elle-même, pourvoiraient très-bien momentanément au service. Il faudrait que la municipalité de Paris n’eût pas, tout compris, plus de 1,500,000 francs à payer, qu’elle verserait par douzièmes, raison de 125,000 francs par mois, dans la caisse des corps.

Je vous envoie également un projet du ministre pour les semestres. Mon projet serait de tenir l’armée à peu près au complet de guerre, car 100 hommes par compagnie ne sont pas trop, et de donner des semestres pendant onze mois à la moitié des officiers et sous-officiers et même à la moitié des soldats. Cela me devrait faire une économie tout aussi forte que de donner des semestres de six mois et de n’en donner qu’au huitième, comme nous avons fait les années passées. Cette méthode, d’ailleurs, est celle de nos ennemis, et en cela elle nous oblige : il est vrai de dire que les Autrichiens et les Prussiens donnant des semestres d’un an , rappellent les semestriers bien plus vite que nous ne pouvons faire une nouvelle levée de conscrits et gagnent deux mois sur nous pour se trouver en état. L’appel ensuite des conscrits, qui ne peut se faire qu’en trois mois de temps, servirait à entretenir les dépôts et à compléter la différence des semestriers qui ne joindront pas, et à entretenir le corps au pied de guerre au premier événement. Par ce principe, l’effectif d’une compagnie, en temps de guerre, devrait être au moins de 120 à 130 hommes; l’effectif en temps de paix, de 100 hommes, dont la moitié chez eux et l’autre moitié au corps. Au lieu de 100 hommes, on pourrait mettre 90 hommes, afin que cela coûtât un peu moins.

 

Saint-Cloud

4 mai 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, je vous envoie ma répartition de la conscription, que je désire que vous me rapportiez mercredi, en y mettant les noms. On n’y avait pas compris le recrutement de l’artillerie, parce que les 4,000 hommes des bataillons du train qu’on devait supprimer auraient été plus que suffisants pour compléter l’artillerie; mais comme les événements qui sont survenus portent du retard dans la suppression de ces bataillons, et que d’ailleurs il est convenable de prendre les plus beaux hommes pour l’artillerie, mon intention est que vous ôtiez un homme sur 30 au total de la conscription, et que vous mettiez dans le décret que le trentième de ce que fournissent les départements, en choisissant les plus beaux hommes, sera mis à la disposition de l’artillerie. Ces 1,300 hommes seront distribués, 100 hommes au 2e régiment, 400 au 4e et le reste aux régiments les plus faibles.

 

Saint-Cloud, 4 mai 1806

Au vice-amiral Decrès

Je vous renvoie les papiers du vice-amiral Villeneuve. Je ne les ai point lus. S’il y a quelque chose d’important, vous me les remettrez sous les yeux.

 

Saint-Cloud , 4 mai 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, voilà une grande quantité d’argent que je vous accorde, et les services de votre armée ne s’améliorent pas. Le corps du général Marmont est très-arriéré dans sa solde; on ne lui paye rien. faites-moi un rapport qui me fasse connaître, corps par corps, la situation de la solde de cette armée; il faut lui payer double solde, c’est-à-dire le mois de janvier avec le mois courant, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’arriéré soit éteint. Il faut aussi, pendant tout le temps que le général Marmont gardera ses troupes dans le Frioul, les traiter sur le pied de guerre, et, si elles ont été payées sur le pied de paix, il faut leur accorder une indemnité; car il est impossible que, tant que les troupes seront ainsi réunies et prêtes à marcher, elles ne soient pas payées sur le pied de guerre. C’est la solde qu’il faut aligner avant tout; et encore une fois, pour l’arriéré, il faut payer double jusqu’à ce que l’arriéré soit épuisé.

Toutes les raisons de MM. Bignani sont ridicules. Faites-leur verser sur-le-champ les 800,000 francs et envoyez-les au général Marmont, afin qu’il paye l’arriéré qui est dû à son corps d’armée. Lorsque les Bignani auront une réquisition en règle et qu’ils seront couverts par des bons du payeur, tout sera dit.

Je désire avoir un compte général des recettes et dépenses pour le service de l’armée au 1err mai; pour la dépense, on la classera par services, selon l’ordre de l’administration de la guerre, en faisant connaître combien on a dépensé par chaque masse.

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Je vois dans les états de dépense de votre payeur que, le 5 mars, on a envoyé 5, 000 francs en Étrurie.

 

Saint-Cloud, 4 mai 1806

Au roi de Naples

Mon Frère, je reçois vos lettres du 18 et du 19 avril. Je vois avec plaisir que vous vous occupez de l’expédition de Sicile. Je vais vous envoyer une compagnie d’une centaine de gardes du corps de l’ancien roi. Ce sont des hommes qui n’ont point émigré; la plupart ont été employés et m’ont donné des preuves de zèle pendant plusieurs années. Ils désiraient être attachés à ma personne, mais cela ne m’a point paru convenable; au lieu que je n’ai pas vu d’inconvénient à les mettre près de vous. Ce sont des gens d’honneur qui vous serviront avec zèle. En les mêlant avec quelques officiers et des Napolitains des premières familles, vous pourrez vous former quelques compagnies de gardes de 100 hommes à cheval; cela aura l’avantage de vous attacher de grands propriétaires, qui n’entreraient point volontiers dans les troupes de ligne. Dans cet avantage d’avoir près de vous cent Français de bonne famille, à qui vous donnerez de l’emploi et du pain, et qui seront un exemple pour les Napolitains de famille, j’en rencontre plusieurs.

Soyez certain que, lorsque vous aurez débarqué en Sicile, vous deviendrez bientôt maître de l’île sans faire de siège. La Cour n’aura que deux partis à prendre : de s’en aller ou de rester. Rester est un parti trop dangereux; s’en aller, c’est ce qu’elle fera; et, une fois qu’elle sera partie, vous aurez bon marché du reste. Les Siciliens sont comme tous les insulaires, ils aiment la nouveauté, et la prise de Naples est un coup de grande importance qui a beaucoup d’influence sur eux.

Faites faire de petits pamphlets qui leur fassent sentir l’avantage d’appartenir à un prince français, qui les garantira des insultes des Barbaresques, leur assurera la tranquillité pour toujours et le commerce dans la Méditerranée.

Attachez à votre service les généraux, officiers et soldats que vous jugerez convenables pour votre garde; mais ne perdez point de vue, je vous prie, les 100 gardes du corps que je vais réunir à Chambéry et vous envoyer.

 

Saint-Cloud, 5 mai 1806

Au général Clarke, secrétaire du cabinet de l’Empereur

Je vous envoie l’état de la compagnie des gardes du corps. Mon intention est d’en former deux compagnies de 70 hommes chacune, pour faire le service près le roi de Naples. Elles se réuniraient à Chambéry. Proposez-moi la nomination des commandants, l’uniforme, les traitements, etc. Faites-vous remettre les différents mémoires que m’a présentés à ce sujet M. Dagout, et la pétition qu’il m’a remise hier. En prenant ce parti, j’ai plusieurs buts : d’abord de donner du pain à des individus qui n’en ont pas, ensuite de réunir des familles que des circonstances ont éloignées, et de donner de l’occupation à des personnes auxquelles il est convenable, sous tous les points de vue, d’en donner.

 

Saint-Cloud, 5 mai 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, pour que je puisse lever la suspension de payement des ordonnances pour le mois d’avril, il faut me demander un conseil que je suis prêt à vous accorder, pour me remettre les réponses à différentes observations que j’ai faites, et me bien faire connaître la situation de ces affaires. Il serait ridicule que je laissasse payer une ordonnance des 700,000 francs pour les fourrages, lorsque tout me prouve qu’on a payé plusieurs millions de trop pour ce service. Vous me dites qu’on a payé la masse d’habillement des corps de la Grande Armée à leurs dépôts, lorsque les corps y étaient. Il faut être certain que ce que vous avancez là est sûr, ou si l’on n’a payé la masse d’habillement et les autres masses qu’aux hommes présents aux dépôts, et non aux bataillons et escadrons de la Grande Armée. Vous devez le savoir positivement, puisque c’est vous qui les avez ordonnancées. Je ne vois pas comment le 8e régiment a plus de besoins que les autres; sa solde a dû lui être payée, au courant, des fonds du Hanovre. Si les dépôts avaient reçu la masse d’habillement pour tous les corps, je ne fais point de doute qu’ils ne leur eussent envoyé ce qui était nécessaire. Pour le conseil à tenir pour fixer mes idées sur la situation de l’administration de la guerre, vous n’avez qu’à adresser un mot à M. Maret; je désire le tenir demain, si vous êtes en mesure, ou au plus tard jeudi.

 

Saint-Cloud , 6 mai 1806

DÉCISION

Le ministre du trésor publie présente un état de l’exécution du décret impérial du 6 février 1806, concernant un versement de quatre-vingt-sept millions de francs par les sieurs Vanlerberghe, Ouvrard, Michel et Desprez Renvoyé à M. Mollien, Celui qui a fait le dernier état  pour résumer toute l’affaire est un grand sot ou un fripon.

 

Saint-Cloud, 6 mai 1806

A M. Fouché

Je vois dans votre bulletin que le chef de la bande Maino, Cangiano, montre la plus grande audace, qu’on fait circuler un sonnet en l’honneur de Maino; cela n’est pas extraordinaire, et si l’on a la sottise de continuer à donner de la célébrité dans les journaux et par des proclamations à ces brigands, on en fera des espèces de fanatiques qui se succéderont. L’instinct du crime n’a pas besoin d’être remué encore par l’amour de la célébrité. Recommandez donc à la gendarmerie de tendre des embûches à ces assassins, de tâcher de les surprendre, mais de ne pas chanter ces succès comme de grandes victoires.

 

Saint-Cloud, 6 mai 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j’ai reçu vos lettres du 30 avril. Je reconnais bien, dans la lenteur avec laquelle marchent les convois, l’esprit marin de cette célèbre marine vénitienne; s’ils étaient à Cherso, il doivent être arrivés à l’heure qu’il est.

Instruisez-moi si les 220 hommes du 8le qui ont été perdus à Curzola sont du bataillon d’élite. J’éprouverais une grande peine que de si braves soldats aient été exposés dans cette île éloignée.

 

Saint-Cloud, 6 mai 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, l’empereur d’Autriche est convenu que, le 12 mai an plus tard, les ports de Trieste et de Fiume et tout le littoral autrichien seraient interdits aux pavillons russe et anglais. S’ils ne l’étaient pas à cette époque, vous écrirez an général Marmont de demander des explications pourquoi cela n’est pas fait; car, sans cela, mon intention est de faire occuper Fiume et Trieste. Vous en menacerez, mais vous ne ferez rien sans mon ordre. Vous pouvez faire mettre dans tous les journaux du royaume d’Italie et dans celui de Venise la nouvelle que les ports de Fiume et de Trieste seront fermés aux Russes et aux Anglais jusqu’à ce que les Russes aient restitué les bouches de Cattaro.

 

Saint-Cloud, 6 mai 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, vous trouverez ci-joint mon ordre pour l’expédition de Raguse. Vous l’expédierez sur-le-champ par deux aides de camp et par duplicata; l’un ira par mer, et l’autre par terre. Recommandez bien à l’un et à l’autre, s’ils étaient arrêtés par l’ennemi, d’anéantir leurs dépêches. Établissez un chiffre avec le général Molitor. Vous enverrez au général Lauriston copie de la lettre que je vous écris pour l’expédition de Raguse, avec la dépêche ci-jointe.

 

Saint-Cloud, 6 mai 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, mon intention étant de prendre possession de tout le territoire de la république de Raguse,, vous voudrez bien ordonner au général Lauriston de partir avec le 5e et le 23e d’infanterie de ligne, une compagnie d’artillerie française et une compagnie d’artillerie italienne, et la quantité d’artillerie qu’on pourra lui fournir, et de prendre possession de la ville et du territoire de Raguse. Il pourra laisser subsister le gouvernement qui existe, en désarmant les habitants et en prenant toutes les mesures de sûreté. J’ai des pièces qui constatent la manière dont s’est conduite à l’égard de nos ennemis cette république, qui, ayant violé la neutralité, ne peut être considérée désormais que comme étant en état de guerre. Le général Lauriston pourra disposer de la portion d’artillerie qui est à Zara et dans les autres places de la Dalmatie, qui lui serait nécessaire et lèvera des contributions pour solder, nourrir et armer mon armée et la tenir dans le meilleur état. Enfin je l’investis de tous mes pouvoirs. Il déclarera toutefois que, dès l’instant que les troupes russes évacueront l’Albanie , les îles de Corfou , et que l’escadre russe laissera libres les côtes de la Dalmatie, mon intention est de reconnaître l’indépendance et la neutralité de la république de Raguse. Je n’ai pas besoin de vous faire connaître que du secret dépend le succès de cette expédition; qu’il est nécessaire que mes troupes partent de Macarsca et de Spalatro avec la plus grande rapidité, et prennent possession de l’île de Sabioncello avant que l’ennemi puisse s’en douter. Vous mettrez sous les ordres du général Lauriston les généraux de brigade Delegorgue et Guillet; vous lui enverrez plusieurs officiers d’état-major pour faire le service près de lui, vu qu’il serait possible qu’il n’eût pas d’aide de camp. Vous lui enverrez aussi un adjudant commandant. Il prendra en Dalmatie un chef de bataillon et deux capitaines du génie, et un colonel ou chef de bataillon d’artillerie et trois officiers d’artillerie. Il prendra un commissaire des guerres en Dalmatie , et vous lui en enverrez un autre. Vous recommanderez au général Lauriston de se mettre en marche pour être sous les murs de Raguse pendant le temps qu’on négociera. Il sera censé marcher vers les bouches de Cattaro; mais il entrera dans Raguse, fera son manifeste, et prendra possession de tout le territoire de la république. Je m’en remets du reste à votre zèle pour prendre toutes les mesures supplémentaires qui n’auraient pas été prévues dans la présente instruction.

 

Saint-Cloud, 6 mai 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois les plans de Zara, de Spalatro, de Knin et de Clissa; j’aurais désiré un mémoire qui me fit connaître dans quelle situation sont les enceintes de ces places; mais je n’y vois rien.

J’apprends qu’à Palmanova le pain est mauvais et qu’il est mal confectionné. Le commissaire des guerres qui se trouve là paraît de moitié avec le fournisseur; changez-le et portez là un regard sévère.

Les approvisionnements de siège ne sont pas encore formés à Palmanova, et il paraît que le 20 avril cette place n’était pas encore armée, que l’on n’avait pas encore commencé les travaux des fortifications, et que l’on n’avait travaillé qu’aux bâtiments. Que fait-on donc, je vous prie ? Veut-on perdre la campagne ?

 

Saint-Cloud, 6 mai 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, il y a dans la Dalmatie une quantité de places beaucoup trop considérable; dans une guerre contre les Turcs, les habitants se défendraient eux-mêmes, parce que les Turcs sont leurs ennemis naturels, et les places seraient occupées par les milices du pays; mais dans une guerre européenne, on ne saurait fournir tant d’armements et d’approvisionnements. Les trois seules places auxquelles je désire qu’on travaille et que je veux armer sont Zara, Knin et Sebenico. Faites-moi connaître le maximum des garnisons que contiennent ces places et le minimum d’hommes nécessaires pour leur défense. Donnez des ordres au général Molitor et au commandant du génie pour que ces trois places soient constamment armées et approvisionnées, et en état de défense, au cas que la division de Dalmatie fût obligée de se porter, soit en avant au secours de Raguse, soit en arrière au secours de l’Istrie.

 

Saint-Cloud, 6 mai 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois l’état de situation des dépôts de l’armée de Naples; je l’ai parcouru avec attention. Je vois qu’il y a 600 hommes proposés pour la réforme et la retraite. Débarrassez-en promptement les cadres, et mettez-les en route pour chez eux. Prenez des mesures pour qu’on ne laisse pas les conscrits nus et pour qu’ils soient habillés. C’est un grand tort qu’ont les corps de ne pas habiller leurs conscrits; cela les dégoûte et les fait déserter. Je vois avec plaisir ce premier résultat des revues du général Charpentier; j’espère qu’avec le temps elles s’amélioreront.

Vous ne devez pas vous dissimuler que c’est un corps d’armée que j’ai le dessein de former avec ces quatorze dépôts, et une réserve intérieure entre le royaume d’Italie et le royaume de Naples. Dans le courant de la semaine, je vous en enverrai la distribution. Vous recevrez 23,000 conscrits, qui seront tous arrivés avant le mois de septembre; j’ai donné des ordres pour leur habillement. Je vois  que les régiments qui sont en Istrie et en Dalmatie ont avec eux leurs dépôts. Cela est convenable, puisqu’il y a des places fortes pour les contenir; mais il faut prendre des précautions pour prévenir la désertion des conscrits. Il faudrait établir à Novellara un dépôt général pour tous les corps qui sont en Dalmatie. Ils y seraient habillés et armés, et on les ferait reposer un mois et partir ensuite par détachements de 4 à 500 hommes pour se rendre à leurs corps. Je préfère les placer à Novellara, parce que je crois qu’ils seront plus près de leur habillement, et que le Frioul est encombré de troupes; présentez-moi un décret sur les mesures à prendre.

Vous recevrez environ 3,000 hommes pour les cinq régiments qui sont en Dalmatie, qu’on fera partir de Novellara en six ou sept convois et qui arriveront peu à peu.

Dans votre état de situation des dépôts de l’armée de Naples du 16 avril, il n’est point question des divisions de dragons et de et chasseurs; j’imagine que vous m’en parlerez dans la première revue.

Il faut arrêter aux bataillons de dépôt tout l’habillement qui arrivera pour les régiments de l’armée de Naples. Il faut également que la partie de la masse que je paye comme solde soit payée seulement aux bataillons de dépôt. Aux bataillons de guerre tout doit être fourni aux frais du trésor de Naples.

Je vois que la solde est due au 3e bataillon du le régiment d’infanterie légère depuis le 15 mars; le 62e n’a point de solde depuis le 1er mars. Il faut tâcher d’aligner la solde, c’est le premier devoir. Envoyez un inspecteur aux revues jeter les yeux sur le 23e d’infanterie légère, qui paraît chercher des prétextes pour ne point rendre de comptes.

 

Saint-Cloud, 6 mai 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j’ai fait connaître au roi de Naples que je désirais qu’il envoyât un général avec deux régiments, l’un de cavalerie, l’autre d’infanterie, prendre possession de Cività-Vecchia et commander toute la côte, depuis Piombino jusqu’aux frontières de Naples. Dès que cette division sera arrivée, elle sera sous vos ordres; elle est destinée à intercepter toute correspondance avec la Sicile, à empêcher tout ce qui tendrait à alimenter les escadres russes et anglaises, et à arrêter toutes les marchandises anglaises.

A tenir très-secret.

 

Saint-Cloud, 6 mai 1806

Au roi de Naples

Mon Frère, je reçois votre lettre de Gerace, du 22 avril. Vous ne devez vous gêner en rien; vous pouvez renvoyer tous les officiers que vous ne voudrez point garder. Tous ceux que vous voudrez prendre pour votre garde, vous pouvez les prendre. Vous pouvez fermer quelques régiments napolitains. Si vous voulez en former un selon l’organisation française et le compléter à 3,000 hommes, envoyez-le-moi; je le placerai du côté des Pyrénées, mais il faut qu’il soit complet en soldats.

 

Saint-Cloud, 6 mai 1806

Au roi de Naples

Mon Frère, j’ai donné au général Lemarois, mon aide de camp, le commandement d’Ancône et des côtes de l’Adriatique, depuis Rimini jusqu’aux frontières du royaume de Naples, pour intercepter toute communication avec les escadres anglaises et russes et les îles de Corfou. Il correspondra avec vous et sera toujours prêt à faire tout ce que le bien du service exige. Je le mets sous les ordres du vice-roi d’Italie, parce que ce canal est plus naturel pour recevoir rapidement vos ordres.

La cour de Rome se conduit assez mal; au pis aller, mon intention est de garder Ancône et Cività-Vecchia; mais il est inutile de s’expliquer là-dessus.

Il doit y avoir à Ancône environ 1, 200 hommes. Le le bataillon du régiment de la Tour d’Auvergne doit y être. Je n’ai point de cavalerie à y envoyer; vous en avez trop : envoyez-y un régiment de dragons, qui est nécessaire pour la surveillance de cette côte, cela déchargera d’autant vos finances. Je désire également occuper Cività-Vecchia. Il y a là une grande quantité d’artillerie; vous pouvez en prendre pour le siège de Gaète. J’y aurais envoyé un général pour y commander; mais, comme vous vous plaignez d’en avoir trop, envoyez un général avec un régiment d’infanterie et un de cavalerie, pour en prendre possession. Ces régiments marcheront comme pour retourner en Étrurie, et, à la hauteur de Cività-Vecchia, ils entreront dans la place et en prendront possession pour intercepter toute communication avec la mer. Le général qui commande ces régiments s’adressera au vice-roi commandant mon armée d’Italie qui lui expédiera des instructions. Mon intention est qu’il commande toute la côte de la Méditerranée, depuis les frontières de Naples jusqu’à Piombino. Si cependant vous ne voulez pas vous dégarnir de troupes françaises, envoyez à Cività-Vecchia un régiment italien. Le général Duhesme serait très-propre à cette opération. Cette mesure gênera les Anglais et me mettra dans une position convenable vis-à-vis de la cour de Rome. Je n’ai pas besoin de vous dire que tout cela doit être tenu secret. Il ne faut faire aucune proclamation en entrant à Cività-Vecchia; tout doit être de fait. Les régiments que vous y enverrez pourraient très-bien faire le service de moitié avec le peu de troupes du Pape qui y sont, qui obéiront volontiers à un général francais.

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Si, en conséquence de mes lettres précédentes, vous aviez déjà renvoyé des régiments d’infanterie et de cavalerie, vous pourrez prendre sur ces régiments ceux que vous devez envoyer à Ancône et Cività-Vecchia.

 

Saint-Cloud, 6 mai 1806

A M. Gaudin

Je vous envoie le compte général des contributions de la Grande Armée, que m’a remis M. Bérenger; il n’est pas assez clair pour moi. Vous savez comme j’aime les états. Faites-moi traduire celui-ci d’une manière simple et qui me le fasse comprendre au premier coup d’œil.

Premier état : à combien se sont montées les contributions générales en Allemagne; avec autant de colonnes qu’il y’a de valeurs différentes, c’est-à-dire : argent, billets de banque, obligations de la Banque, lettres de change.

Deuxième état : quelle est la partie qui était rentrée au ler mai à la caisse d’amortissement, et en quelle espèce de valeurs; en mettant, pour les lettres de change, autant de colonnes qu’il y a de trimestres dans l’année.

Troisième état : combien a-t-on dépensé en Allemagne; quel est le comptable qui en a fait la recette, et en quelle espèce de valeurs.

Quatrième état : quelle est la situation, au 1er mai, de la caisse d’amortissement; en mettant dans une colonne l’argent comptant, dans une autre, les lettres de change, avec un renvoi qui fasse connaître leur échéance par mois, enfin , dans d’autres colonnes, les espèces de valeurs , telles que obligations de la cour de Vienne et toutes autres espèces d’effets contentieux.

En résumé, faire un petit discours qui fasse connaître ce qu’en réalité tout cela met d’argent à la disposition de la Grande Armée, combien il a été dépensé pour le service public, les sommes qui ont été détournées par des particuliers, et quels sont ceux qui en sont responsables.