Correspondance de Napoléon – Mai 1803

Mai 1803

 

Saint-Cloud, 1er mai 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

J’ai reçu votre lettre, qui m’a été remise à la Malmaison. Je désire que la conférence ne se tourne pas en partage. Montrez-vous-y froid, altier et même un peu fier.

Si la note contient le mot ultimatum, faites-lui sentir que ce mot renferme celui de guerre, que cette manière de négocier est d’un supérieur à un inférieur; si la note ne contient pas ce mot, faites qu’il le mette, en lui observant qu’il faut enfin savoir à quoi s’en tenir, que nous sommes las de cet état d’anxiété; que jamais on n’obtiendra de nous ce que l’on a obtenu des dernières années des Bourbons; que nous ne sommes plus ce peuple qui recevait un commissaire à Dunkerque; que, l’ultimatum remis, tout deviendra rompu.

Effrayez-le sur les suites de cette remise; s’il est inébranlable, accompagnez-le dans votre salon; au point de vous quitter, dites-lui :

Mais le cap et l’île de Gorée sont-ils évacués ? Radoucissez un peu la fin de la conférence, et invitez-le à revenir avant d’écrire à sa cour, afin que vous puissiez lui dire l’impression qu’elle a faite sur moi, qu’elle pouvait être diminuée par l’assurance de l’évacuation du Cap et de l’île de Gorée.

 

Saint-Cloud, 1er mai 1803

Au citoyen Talleyrand

Je vous envoie, Citoyen Ministre, les notes et votre discours. Je vous prie de les mettre en ordre le plus tôt possible. Lord Withworth a présenté deux notes différentes, l’une relative à la suzeraineté de l’Angleterre sur Malte, l’autre pour garder cette île pendant dix ans; les jours où ces deux notes ont été présentées ne sont pas spécifiés.

J’y joins quelques notes qui vous feront connaître dans quel sens je désirerais que le commencement fût traité.

 

Paris, 2 mai 1803

DÉCISION

Ritter, ancien membre du conseil des Cinq-Cents, demande une place de juge près le tribunal criminel de la Seine. ,Renvoyé au citoyen Cambacérès pour me proposer quelque chose qui pût lui convenir. Je crois que les membres du tribunal criminel sont nommés ; mais, comme il parle bien l’allemand et qu’il est dévoué, on pourrait l’employer dans les départements réunis.

 

Paris, 2 mai 1803

Au Ministre des Relations extérieures

Je vous renvoie, Citoyen Ministre, les lettres du général Brune. Je vous prie de transmettre aux différents Ministres des extraits de celles qui peuvent les concerner, surtout de celles sur le commerce des Départements.

Lettres à Talleyrand

 

Saint-Cloud, 2 mai 1803)

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Des hommes instruits pensent qu’il serait praticable de construire un bassin au pied de la côte d’Ingouville, dans l’anse appelée Sainte-Adresse, près du Havre, dont on pourrait alimenter les chasses par les eaux du bassin actuel; que les eaux sortant de ce bassin trouveraient une passe très-saine sous l’abri du banc de l’Éclat. Ce ne serait jamais qu’un port de construction pour profiter de l’embouchure de la Seine. Si un projet de cette nature pouvait être praticable, il suffirait de construire un bassin capable de contenir deux ou trois vaisseaux.

 

Saint-Cloud, 3 Mai 1803

Au landammann et au conseil d’Unterwald

Citoyens Landammann et Membres du conseil du canton d’Unterwald, je vous remercie des sentiments que vous m’exprimez au nom de votre canton par votre lettre du 3 avril. Le titre de restaurateur de la liberté des enfants de Tell m’est plus précieux que la plus belle victoire. Je n’ai eu en vue, dans l’acte de médiation, que vos intérêts; quand je l’ai discuté avec vos députés, j’ai été par la pensée un de vos concitoyens.

Assurez le peuple de votre canton que, dans toutes les circonstances, il peut compter qu’il me trouvera toujours dans les mêmes sentiments. Oubliez toutes vos anciennes querelles, et comptez sur le désir que j’ai de vous donner des preuves de l’intérêt que je vous porte.

 

Paris, 4 mai 1803

NOTE POUR L’AMBASSADEUR D’ANGLETERRE

Après la dernière, communication qui a été adressée à Son Excellence, on conçoit moins que jamais comment une nation grande, puissante, sensée, pourrait vouloir entreprendre de déclarer une guerre dont les résultats entraîneraient des malheurs si grands, et dont la cause serait si petite, puisqu’il s’agit d’un misérable rocher.

Son Excellence a dû comprendre que la double nécessité de s’entendre avec les puissances garantes du traité d’Amiens et de ne pas violer un pacte dont l’exécution intéresse aussi essentiellement l’honneur de la France, la sûreté de l’avenir et la loyauté des relations diplomatiques entre les nations européennes, avait fait une loi au Gouvernement français d’éloigner toute proposition diamétralement contraire au traité d’Amiens.

Cependant le Premier Consul, accoutumé depuis deux mois à faire des sacrifices de toute espèce pour le maintien de la pacification, ne repousserait pas un terme moyen qui serait de nature à concilier les intérêts et la dignité des deux pays.
Sa Majesté Britannique a paru croire que la garnison napolitaine qui devait être établie à Malte ne présenterait pas une force suffisante pour assurer véritablement l’indépendance de cette île.

Ce motif étant le seul qui puisse au moins expliquer le refus qu’elle fait d’évacuer l’île, le Premier Consul est prêt à consentir que l’île de Malte soit remise aux mains d’une des trois principales puissances qui ont garanti son indépendance, soit l’Autriche, la Russie ou la Prusse; bien entendu qu’aussitôt que la France et l’Angleterre seront d’accord sur cet article, elles réuniront leurs demandes pour y porter pareillement les différentes puissances, soit contractantes, soit adhérentes au traité d’Amiens.

S’il était possible que cette proposition ne fût pas adoptée, il serait manifeste que non-seulement l’Angleterre n’a jamais voulu exécuter le traité d’Amiens, mais qu’elle n’a même été de bonne foi dans aucune des demandes qu’elle a faites, et qu’à mesure que la France eût cédé sur un point, les prétentions du Gouvernement britannique se fussent portées sur un autre; et, si une pareille démonstration devait être acquise, le Premier Consul aura du moins donné encore un gage de la sincérité de son application à méditer sur les moyens d’éviter la guerre, de son empressement à les saisir, et du
prix qu’il mettait à les faire prévaloir.

 

Saint-Cloud, 6 mai 1802

Au landammann et au conseil de Schwitz

Citoyens Landammann et Membres du conseil du canton de Schwitz, j’ai éprouvé une vive satisfaction d’apprendre par votre lettre du 14 avril que vous étiez heureux par l’acte de médiation. L’oubli des querelles passées et l’union entre vous, voilà le premier de vos besoins.

Je serai toujours votre ami, et l’esprit qui m’a dicté l’acte de médiation ne cessera jamais de m’aimer.

Quelles que soient les sollicitudes et les occupations que je puisse avoir, je regarderai toujours pour moi comme un devoir et une douce jouissance de faire tout ce qui pourra consolider votre liberté et votre bonheur.

 

Paris, 6 mai 1803

DÉCISION

Rapport sur la question de savoir si l’on peut accepter des biens-fonds pour l’entretien des desservants des succursales.Il est possible de recevoir des biens-fonds, non pour le clergé, parce que la loi s’y oppose, mais pour les communes, qui en emploieront le produit aux payement des succursaux.
Écrire, en conséquence, aux évêques qu’ils peuvent accepter si l’on insère dans la donation la clause que les dons sont faits aux communes, pour les aider à entretenir les succursaux.

 

Saint-Cloud, 6 mai 1803

Au Bourgmestre et sénateurs de la ville libre et hanséatique de Brême

Le sénateur Groening, votre député, m’a remis la lettre par laquelle vous lui avez accordé la permission de revenir dans sa patrie, après avoir rempli les différents objets de la mission dont vous l’aviez chargé auprès du Gouvernement de la République française C’est avec plaisir que je reçois les témoignages que vous me donnez, à cette occasion, de votre reconnaissance pour la protection que vous avez éprouvée de ma part, quand il s’est agi de l’intérêt des villes hanséatiques en général et de la vôtre en particulier. Je ne puis que vous témoigner ma satisfaction de la conduite de votre député dans l’accomplissement des divers points de sa mission, et je le charge de vous renouveler, à son retour auprès de tous, les assurances de l’intérêt que je prends à tout ce qui concerne la prospérité de votre ville, et de mon désir de trouver des occasions de multiplier, à son égard, les preuves de ma bienveillance et de ma protection.

 

Saint-Cloud, 9 mai 1803

Au citoyen Marescalchi, ministre des relations extérieures de la République Italienne

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire connaître au vice-président que mon intention est qu’il y ait en Romagne, indépendamment des bataillons italiens et polonais qui ont ordre de s’y rendre, deux autres bataillons italiens, de manière que les forces italiennes, infanterie, cavalerie et artillerie, y compris les Polonais, soient au moins de 6,000 hommes.

 

Paris, 11 mai 1803

ARRÊTÉ

Le Gouvernement de la République, sur le rapport fait par le grand juge et ministre de la justice, de la demande de Joseph-Marie de Maistre, à l’effet d’obtenir la permission de rester au service de Sa Majesté le roi de l’île de Sardaigne, arrête :

ARTICLE 1er. – Il est permis à Joseph-Marie de Maistre, régent de la chancellerie et chef du tribunal suprême de l’audience royale en Sardaigne, de rester au service de Sa Majesté le roi de l’île de Sardaigne.
En conséquence il conservera, pendant tout le temps de la durée de la présente permission, sa qualité de Français, ainsi que les droits qui y sont attachés, conformément aux dispositions de la loi du 17 ventôse an XI; toutefois sous la condition expresse de ne point porter les armes contre la France.
ART. 2. – La présente permission, scellée du sceau de la République, sera déposée aux archives du grand juge et ministre de la justice, et expédition en sera délivrée à l’impétrant, qui jouira de son contenu tant qui’il ne sera point révoqué.

 

Saint-Cloud, 12 mai 1803

DÉCISION

Le citoyen Dubois, préfet du département de la Gironde, rend compte des difficultés qu’il a éprouvées à Bordeaux dans l’exécution de la loi sur la conscription.Le ministre de l’intérieur fera connaître au préfet que, quelque chose qu’il puisse dire, il est de fait que les conscrits ne sont pas partis; que je serais extrêmement peiné que l’insouciance apporté dans l’exécution d’une loi aussi importante me forçât de mettre cette grande et belle cité sous l’autorité militaire; qu’il doit rassembler les maires et les principale autorités, donner des ordres à la gendarmerie et se concerter avec les commandants d’armes, car, quelque prix que ce soit, il faut que les conscrits de Bordeaux marchent et rejoignent leurs corps.

 

 

Saint-Cloud, 12 mai 1803

NOTE POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR

Je prie le ministre de l’intérieur de me faire connaître le temps où il sera possible de faire placer le corps du général Desaix dan l’église de Saint-Bernard, dans le monument qui y a été commandé Mon intention n’est point de faire construire une nouvelle église mais de le placer dans l’église actuelle, dans l’endroit le plus visible. Cette église est grande et vaste. Je désirerais savoir s’il est possible de faire cette cérémonie, cette année, à l’anniversaire de la bataille de Marengo.

 

Saint-Cloud, 12 mai 1803

Au citoyen Cretet, conseiller d’État chargé des ponts et chaussées

Il y a, Citoyen Cretet, quatre lieues de chemin de Valognes aux îles Marcouf. Deux lieues sont faites, deux restent à faire. Je désir que vous preniez des mesures pour les terminer avant fructidor.

Une portion de la digue qui conduit au fort de Querqueville, rade de Cherbourg, a été enlevée par la mer. On évalue son rétablissement à 30,000 francs. Prenez des mesures pour qu’il soit fait avant fructidor.

 

Saint-Cloud, 12 mai 1803

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE

Saint-Constant et les environs d’Auray.

Dans le département de la Vendée, Saint-Jean-de-Mont est la commune par laquelle on a toujours communiqué avec l’Angleterre. Il faut y faire mettre une petite garnison et y faire exercer une surveillance particulière.

S’il convient de réarmer le fort de l’île d’Houat et d’Hoedik.

Donner ordre qu’on réarme l’île Dumet.

Faire connaître l’officier qui commande à Groix; si les soldats sont enrégimentés; quelle est leur discipline; quel esprit il y a dans cette île.

Mêmes renseignements pour Belle-Île.

Se faire rendre compte si on a approvisionne le fort de l’île des Signes (peut-être l’île de Sein).

L’île de Batz et le fort des Sept-Îles.

 

Saint-Cloud, 12 mai 1803

Au général Menou

Citoyen Général Menou, administrateur général de la 27e division militaire, j’ai reçu votre lettre du 13 floréal (3 mai). On m’a fait le rapport sur la route du mont Cenis; mais ne serait-il pas convenable de terminer la route du mont Genèvre avant de faire cette nouvelle route ? Car, en entreprenant trop, on met nécessairement beaucoup de lenteur à finir, et il est cependant indispensable d’avoir le plus promptement possible, entre la France et le Piémont, une communication telle qu’il ne faille point dételer. On m’assure qu’il serait possible de l’achever dans la campagne et à peu de frais. Il ne faudrait pas perdre un instant.

Faites-moi connaître la situation des troupes.

J’approuverai toujours fort tout ce que vous ferez pour activer les travaux des fortifications d’Alexandrie. Ayez l’œil à ce qu’on ne fasse aucun établissement militaire à Turin; mon intention secrète est de concentrer toute l’administration des approvisionnements, de l’artillerie, du génie, etc., à Alexandrie. S’il se faisait quelque disposition contre cette pensée secrète, prévenez-m’en, afin que, sans en faire connaître le motif, je puisse la faire suspendre.

J’apprends avec grand plaisir ce que vous me dites du départ de 3,000 conscrits. Les états qui m’ont été remis ne les portent qu’à 1,300.

J’ai fait quelque chose pour vos manufactures de draps. Visitez-les, encouragez-les de tous vos moyens, tant pour le bien du pays que pour nous éviter les frais de transport pour l’habillement de nos troupes en Italie.

J’appellerai volontiers aux places d’auditeur au Conseil d’État deux jeunes gens de familles accréditées dans le pays, de l’âge de vingt à vingt-cinq ans, et qui auraient des dispositions. Il serait nécessaire qu’ils eussent de l’aisance, puisque les appointements de cette place ne sont que de 2,000 francs.

Je désirerais plus de détails sur ce que vous me dites de la diminution des droits d’entrée dans le port de Gênes, et que vous me fissiez connaître comment cela peut détourner le commerce du Piémont avec Nice.

Je viens de créer un nouveau dépôt colonial à Villefranche.

Il faut qu’il y ait en Piémont une ou plusieurs maisons de réclusion, pour y enfermer et y faire travailler les mendiants et les hommes dangereux, car on ne doit point envoyer cette canaille au dépôt colonial.

Je ne saurais trop vous dire, ce que vous savez parfaitement, qu’il n’y a rien de pire que la réaction. Il ne peut y avoir de bien que ce qui s’opère insensiblement.

 

Saint-Cloud, 13 mai 1803

Le Secrétaire d’État au Ministre des Relations extérieures

Le Premier Consul désire, Citoyen Ministre, que vous fassiez continuer par l’imprimerie de la République l’impression de la négociation avec l’Angleterre jusqu’a la note de ce jour inclusivement. Je pense qu’il convient de joindre à ce recueil les ratifications des Empereurs d’Allemagne et de Russie relatives aux arrangements de Malte.

Agréez, Citoyen Ministre, mes sentiments inviolables

Maret

Voulez-vous, Citoyen Ministre, que je vous envoie la copie de la dernière note, ou que je la transmette directement à l’imprimerie ?

Lettres à Talleyrand

 

Paris, 14 mai 1803

Le Secrétaire d’État au Ministre des relations extérieures

Le Premier Consul désire, Citoyen Ministre, que vous donniez sur le champ l’ordre au général Vial de se retirer de Malte si déjà cet ordre n’a pas été donne par vous.

Lettres à Talleyrand