Correspondance de Napoléon – Juin 1815

Juin 1815

 

Champ-de-Mars, 1er juin 1815.

Discours de l’empereur aux députés des collèges électoraux.

Messieurs les Électeurs des Collèges de département et d’arrondis­sement, Messieurs les députés des armées de terre et dé mer an Champ de Mai,

Empereur, consul, soldat, je tiens tout du peuple. Dans la pro­spérité, dans l’adversité; sur le champ de bataillé; au conseil, sur le trône, dans l’exil, la France a été l’objet unique et constant de mes pensées et de mes actions.

Comme ce roi d’Athènes, je me suis sacrifié pour mon peuple, dans l’espoir de voir se réaliser la promesse donnée de conserver à la France son intégrité naturelle, ses honneurs et ses droits.

L’indignation de voir ces droits sacrés, acquis par vingt-cinq années de victoires, méconnus et perdus à jamais, le cri de l’hon­neur français flétri, les vœux de la nation m’ont ramené sur ce trône, qui m’est cher parce qu’il est le palladium de l’indépendance, de l’honneur et des droits du peuple.

Français, en traversant, au milieu de l’allégresse publique, les diverses provinces de l’Empire, pour arriver dans ma capitale, j’ai dû compter sur une longue paix : les nations sont liées par les traités conclus par leurs gouvernements, quels qu’ils soient.

Ma pensée se portait alors tout entière sur les moyens de fonder notre liberté par une constitution conforme à la volonté et à l’intérêt du peuple. J’ai convoqué le Champ de Mai.

Je ne tarderai pas à apprendre que les princes qui ont méconnu tous les principes, froissé l’opinion et les plus chers intérêts de tant de peuples, veulent nous faire la guerre. Ils méditent d’accroître le royaume des Pays-Bas et de lui donner pour barrière toutes nos places frontières du Nord, et de concilier les différends qui les divi­sent encore en se partageant la Lorraine et l’Alsace.

Il a fallu se préparer à la guerre.

Cependant, devant courir personnellement les hasards des com­bats, ma première sollicitude a dû être de constituer sans retard la nation.

Le peuple a accepté l’Acte que je lui ai présenté.

Français, lorsque nous aurons repoussé ces injustes agressions; et que l’Europe sera convaincue de ce qu’on doit aux droits et à l’indé­pendance de vingt-huit millions de Français, une loi solennelle; faite dans les formes voulues par l’Acte constitutionnel, réunira les diffé­rentes dispositions de nos constitutions, aujourd’hui éparses.

Français, vous allez retourner dans vos départements. Dîtes aux citoyens que les circonstances sont grandes ; qu’avec de l’union, de l’énergie et de la persévérance, nous sortirons victorieux de cette lutte d’un grand peuple contre ses oppresseurs, que les générations à venir scruteront sévèrement notre conduite; qu’une nation a tout perdu quand elle a perdu l’indépendance. Dites-leur que les rois étrangers que j’ai élevés sur le trône, ou qui me doivent la conservation de leur couronne, qui tous, au temps de ma prospérité, ont brigué mon alliance et la protection du peuple français, dirigent au­jourd’hui tous leurs coups contre ma personne. Si je ne voyais que c’est à la patrie qu’ils en veulent, je mettrais à leur merci cette existence contre laquelle ils se montrent si acharnés. Mais-dites aussi aux citoyens que, tant que les Français me conserveront les sentiments d’amour dont ils me donnent tant de preuves, cette rage de nos ennemis sera impuissante.

Français, ma volonté est celle du peuple, mes droits sont les siens ; mon honneur, ma gloire, mon bonheur, ne peuvent être autres que l’honneur, la gloire et le bonheur de la France !

Alors l’archevêque de Bourges, premier aumônier, faisant les fonctions de grand aumônier, s’est approché du trône, a présenté à genoux les saints Évangiles à l’Empereur, qui a prêté serment en ces termes :

« Je jure d’observer et de faire observer les constitutions de l’Empire. »

Le prince archichancelier, s’avançant au pied du trône, a prononcé, le premier, le serment d’obéissance aux constitutions et de fidélité à l’Em­pereur.

L’assemblée a répété d’une voix unanime : Nous le jurons !

L’Empereur, ayant quitté le manteau impérial, s’est levé de son trône, s’est avancé sur les premières marches ; les tambours ont battu un ban, et Sa Majesté a parlé en ces termes :

Soldats de la Garde nationale de l’Empire, soldats des troupes de terre et de mer, je vous confie l’aigle impériale aux couleurs natio­nales; vous jurez de la défendre au prix de votre sang contre les ennemis de la patrie et de ce trône ! Vous jurez qu’elle sera toujours votre signe de ralliement! Vous le jurez !

Les cris universellement prolongés : Nous le jurons ! ont retenti dans l’enceinte

Les troupes ont marché par bataillons et par escadrons et ont environné le trône. L’Empereur a dit :

Soldats de la Garde nationale de Paris, soldats de la Garde impériale, je vous confie l’aigle impériale aux couleurs nationales. Vous jurez de périr, s’il le faut, pour la défendre contre les ennemis de la patrie et du trône ! (Nous le jurons !) Vous jurez de ne jamais reconnaître d’autre signe de ralliement ! (Nous le jurons !)

Vous, soldats de la Garde nationale de Paris, vous jurez de ne jamais souffrir que l’étranger souille de nouveau la capitale de la grande nation. C’est à votre bravoure que je la confierai ! (Mous le jurons !)

Et vous, soldats de la Garde impériale, vous jurez de vous sur­passer vous-mêmes dans la campagne qui va s’ouvrir, et de mourir tous plutôt que de souffrir que les étrangers viennent dicter la loi à la patrie ! » (Nous le jurons !)

 

Paris, 2 juin 1815.

Au prince Joseph.

Mon Frère, ayant résolu de réunir la chambre des Pairs samedi prochain à trois heures, dans le lieu que nous avons désigné pour ses séances, notre intention est que vous vous y trouviez, en qualité de prince français, et que vous y preniez séance, pour contribuer de votre influence à tout ce qui peut être utile au bien de l’État et à la consolidation de notre autorité impériale.

Napoléon.

 

Paris, 3 juin 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, donnez ordre que tous les régiments de cuirassiers envoient tout ce qu’ils ont de disponible à l’armée, quand même ils n’auraient pas de cuirasses. Les cuirasses ne sont pas indispensables pour faire la guerre, et, quand ils seront à l’armée, ils recevront des cuirasses de Paris.

 

Paris, 3 juin 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, donnez ordre au duc d’Albufera d’envoyer 3,000 gardes nationaux du Dauphiné à Marseille. Écrivez-lui de pousser les fédérés du Dauphiné et de Lyon à se fédérer avec Marseille, et au maréchal Brune de pousser les patriotes de Marseille à se fédérer avec Toulon, Grenoble, Lyon, Tarascon, Arles et le Var.

 

Paris, 3 juin 1815

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, je vois par l’état de la marine qu’il y a déjà d’ar­rivé cent cinquante pièces de canon à Rouen, et que soixante et dix pièces sont parties le 29 de Rouen pour Paris; parmi celles-là, il y en a trente de 8. Ceci me porterait à penser qu’il ne faudrait avoir aucun caisson de 8 et employer les pièces de 8, quoique sur affûts de campagne, comme pièces de siège, et avoir les boulets et les gargousses en magasin, comme cela se ferait pour des pièces de siège ; il faudrait employer de même les pièces de 4; de manière qu’on n’aurait de pièces roulantes dans Paris que du 6, du 12 et des obusiers. Les autres calibres employés dans une position fixe auraient leurs munitions dans les magasins, et, dès lors, il ne pourrait y avoir de confusion.

Je désire que des mesures soient prises pour que, le jour même de l’arrivée de ces soixante et dix pièces, elles soient portées aux batteries qui seront établies. On les placera d’abord sur affûts marins et successivement sur affûts de place et de côte, aussitôt qu’on en aura.

Je désire que vous me remettiez, avant le 6, l’état de l’armement de Paris sur les deux rives, en distinguant l’artillerie de fer, l’artillerie de campagne, avec l’emplacement et un état de la réserve.

Il faudrait aussi commencer bientôt le tracé des ouvrages sur la rive gauche.

 

Paris, 3 juin 1815

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, le prince Jérôme sera employé à l’armée comme lieutenant général. Donnez-lui ordre de partir de Paris pour aller prendre le commandement de la 6e division, sous les ordres du général Reille. Il doit s’y rendre de suite.

Donnez ordre au baron Girard de prendre le commandement de la 7e division. Il est nécessaire qu’il y soit rendu le 7. Il remplacera le général Lamarque, qui a reçu une autre destination.

Donnez ordre au général Duhesme d’aller prendre le comman­dement de la 11e division, en place du général Lemoine, que vous emploierez dans le commandement d’une division militaire ou d’une place.

Donnez ordre au général Guilleminot dé se rendre au quartier général, où il sera employé auprès du major général. Donnez ordre au général Revest de se rendre au 3e corps, pour y remplir les fonc­tions de chef, d’état-major.

Donnez ordre aux généraux Mouton-Duvernet et Berthezène de se rendre au quartier général de l’armée du Nord. Envoyez-y également les généraux. Gruyer, qui commande dans la Haute-Saône; Baille de Saint-Pol, qui commande, dans la Lozère; Veiland, Jeannet, Raymond et Deschamps. Envoyez de mettre au quartier général de l’armée de la Moselle et à celui de l’armée du Rhin, deux maréchaux de camp de plus que n’en comporte l’organisation; qu’ils s’y rendent le plus tôt possible.

 

Paris, 3 juin 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, vous trouverez ci-jointe la copie des ordres que je donne pour la cavalerie de l’armée. Le maréchal Grouchy la com­mandera en chef. Donnez-lui un chef d’état-major et un général d’artillerie. Tous les généraux à la suite seront à sa disposition. Donnez ordre au maréchal Grouchy d’être le 5 à Laon, d’y passer la revue de ses régiments, de pourvoir à. leur organisation et de faire distribuer des cartouches, afin que, le 10, on puisse entrer en campagne.

 

Paris, 3 juin 1815.

Au maréchal Soult, duc de Dalmatie, major général, à Paris

Mon Cousin, la cavalerie de l’armée sera commandée conformé­ment à l’état ci-joint. Expédiez en conséquence tous les ordres. In­dépendamment de ce, vous mettrez à la suite des différents corps d’armée les généraux Curely, Girardin, Gautherin, Lion et d’Aigre­ment; ils seront sous les ordres des généraux commandant les corps de cavalerie; et le maréchal Grouchy, commandant en chef de la cavalerie, les emploiera selon les circonstances.

Les généraux Bron, Bessières, d’Haugéranville, Montbrun, Delapointe, Wolff, Letellier, seront à la disposition du ministre de la guerre pour commander des dépôts et faire des inspections, ainsi que les généraux Fresia, Pully, Lahoussaye et Lagrange.

Il est nécessaire qu’il soit attaché un commissaire des guerres et un officier supérieur d’artillerie à chacun des corps de cavalerie, et qu’indépendamment de ce il y ait un général d’artillerie attaché au maréchal Grouchy pour commander l’artillerie de la cavalerie.

Donnez ordre au maréchal Grouchy de partir au plus tard le 5, pour se rendre à Laon, y organiser et passer la revue de tous ses ré­giments, les mettre en état d’entrer en campagne ; écrire aux dépôts pour qu’ils se hâtent d’accroître les escadrons de guerre. S’assurer que tous, les hommes sont armés et leur faire distribuer des cartouches.

 

Paris, 3 juin 1815.

Au maréchal Soult, duc de Dalmatie, major général, à Paris

Remettez-moi un projet de mouvement pour le corps du général Gérard ou de la Moselle, en le masquant le plus possible à l’ennemi, pour que ce corps se porte sur Philippeville. Il faudrait qu’il y fût rendu le 12, en marchant le plus vite possible. Vous me ferez con­naître qui commandera alors à Metz et à Nancy. Vous donnerez sur-le-champ l’ordre d’interrompre les communications, et l’on renforcera tous les postes, Thionville, Longwy, Metz, etc.

Faites-moi connaître la situation de la garde nationale de Nancy, et si cette division est dans le cas de marcher pour couvrir Metz et remplacer, la division de la Moselle. L’ennemi nous menaçant sérieu­sement du côté de Metz, cette division s’appuierait sur les Vosges, qui appuieraient la gauche du général Rapp.

Ma Garde sera toute rendue à Soissons le 10, et peut-être le 13 à Avesnes; il faut donc que le 6e corps parte le 9 pour se porter sur Avesnes. Remettez-moi un croquis où la marche des colonnes soit tracée, et qui marque les jours où le 1er, le 2e, le 3e, le 6e corps et celui de la Moselle se mettront en mouvement, et les positions que, le 13, ces corps, ainsi que la Garde et la réserve de cavalerie, de­vront occuper, et la force que j’aurai alors en infanterie, cavalerie et artillerie.

Remettez-moi un état général de la situation des corps d’armée du Nord, de la Moselle, du Rhin et du Jura, ainsi que l’organisation de toutes les divisions de réserve de la garde nationale, et la compo­sition de toutes les garnisons.

 

Paris, 3 juin 1815.

Au général comte Drouot, aide-major de la Garde impériale, à Paris

Vous ferez partir demain 4, et au plus tard, pour tout délai, après-demain 5 au matin, les quatre batteries de la vieille Garde, les batteries de la jeune Garde, tout ce qui reste des équipages mili­taires, les administrations de la Garde, la compagnie des sapeurs, la compagnie des marins, les quatre compagnies d’ouvriers de la marine, la compagnie des boulangers et les autres ouvriers de la Garde, lesquels se rendront à Soissons par Dammartin.

Vous donnerez ordre à tout ce qu’il y a de la Garde à Compiègne, jeune Garde, artillerie, cavalerie, de se rendre également à Soissons.

Vous ferez partir aussi, lundi 5, pour se rendre à Soissons : le 1er régiment de lanciers, fort de quatre escadrons et faisant au moins 400 chevaux; le 1er et le 2e régiment de chasseurs, chacun fort de 400 chevaux, ce qui fera le fond de la 1e division; le 1er régiment de dragons et le 1er régiment de grenadiers à cheval, chacun de quatre escadrons; total de cette première colonne, cinq régiments ou 2,000 chevaux.

Vous ferez partir aussi 60 gendarmes, de manière à compléter, avec les 40 qui sont à l’armée, le nombre de 100.

Vous ferez partir, mardi 6, le 2e régiment de lanciers rouges, le 3e de chasseurs, le 2e de dragons et le 2e de grenadiers, ce qui fera 1.600 chevaux qui se rendront également à Soissons. Ces colonnes iront à Soissons en trois jours, de manière à y être le 8 ou le 9.

Vous donnerez ordre également que les trois régiments de lanciers et les 1er et 2e de chasseurs, chacun fort de 400 hommes, partent le plus tôt possible; et vous vous assurerez que des mesures sont prises pour que cela ne puisse pas tarder.

Tous ces détachements de la Garde prendront la route de Dammartin.

Vous ferez partir, également lundi, les 3e et 4e de chasseurs à pied ; mardi, les 3e et 4e de grenadiers à pied; mercredi, les deux 4e ré­giments de grenadiers et chasseurs avec les deux 3e régiments de voltigeurs et tirailleurs, et vous prendrez mes ordres mercredi pour le départ, jeudi, des deux 1er régiments de grenadiers et de chasseurs, de sorte que, le 10, toute la Garde, artillerie, infanterie, cavalerie, équipages militaires, génie et administrations, se trouve réunie à Soissons.

Vous donnerez des ordres pour que, le 10, toute la Garde ait quatre jours de pain biscuité, et que ses caissons ordinaires et auxi­liaires soient chargés de pain ; enfin qu’à cette époque elle présente un corps formé de trois divisions d’infanterie, de deux divisions de cavalerie et d’une réserve d’artillerie. Toutes les ambulances, toute l’artillerie et les différents détachements seront à leurs postes.

Vous demanderez à l’artillerie une compagnie de pontonniers pour l’attacher aux marins et aux sapeurs de la Garde. Ayez un bon officier de pontonniers.

 

Paris, 8 juin 1815.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Il est nécessaire que vous fassiez un rapport sur toutes les insultes que les Anglais ont faites du côté de la mer depuis mon débarque­ment, il faut que vous fassiez un très-grand détail de toute l’affaire de la Melpomène ! (La frégate la Melpomène, envoyée en Italie pour y prendre Madame Mère, avait été attaquée, le 29 avril 1815, par les Anglais, sans qu’il y eût eu décla­ration de guerre. La mission confiée à cette frégate fut remplie par la Dryade. – Voir le Moniteur du 17 juin 1815)

 

Paris, 3 juin 1815.

Au comte Carnot, ministre de l’intérieur, à Paris.

Monsieur le Comte Carnot, je vous envoie un rapport que le duc de Padoue m’adresse directement. .Vous devez lui mander que je ne puis comprendre comment les dépenses de la Corse, doivent monter à 400,000 francs par mois, aujourd’hui qu’il n’y a plus de troupes de ligne en Corse et que les dépenses de la guerre se réduisent à la gen­darmerie et aux bataillons du pays qu’il lèvera, mais qui ne sont pas encore levés; qu’il faut faire un budget et avoir pour règle de diminuer la dépense en renvoyant sur le continent tous les officiers d’état-major et autres qui seraient inutiles; qu’il doit aussi réduire la gendarmerie à ce qu’elle a toujours été, en renvoyant en France la plus grande partie de ce qui s’y trouve de natifs du continent; que je crois qu’on en a envoyé beaucoup de France dont on se méfiait alors; que je désirerais qu’il en formât des compagnies de 100 hommes qu’on dirigerait sur Marseille, où ces mêmes hommes seront utiles; qu’il peut ainsi diminuer de beaucoup ses dépenses; qu’il doit bien penser que, dans la situation actuelle des affaires de l’Empire, le service de la Corse devra se suffire à lui-même ; qu’il doit régler les dépenses sur ce principe.

 

Paris, 5 juin 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, je pense qu’il faut envoyer le général Dulauloy à Lyon, comme gouverneur et pour avoir la haute main et présider à tous les préparatifs de défense.

Donnez-lui les instructions suivantes :

1° Activer les travaux des fortifications et leur armement, de ma­nière à avoir cent pièces de canon en batterie et une cinquantaine de pièces en réserve ;

2° Armer et organiser la garde nationale, de manière à avoir 10.000 hommes avec les faubourgs; la composer d’hommes sûrs; y nommer des lieutenants généraux, des maréchaux de camp, et assez d’officiers ayant fait la guerre et capables de bien commander;

3° Avoir un dépôt de munitions suffisant pour un long siège;

4° Diriger les fortifications de manière à fortifier d’abord la tête de pont des Brotteaux, les barrières et pont-levis de la Guillotière, le pont de Perrache, les hauteurs entre Saône et Rhône et les hauteurs de la rive droite de la Saône; prolonger ensuite la défense en cou­vrant la Guillotière par des ouvrages avancés, de manière que, si on était forcé d’abandonner le faubourg, on fût couvert par le Rhône.

 

Paris, 5 juin 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, indépendamment de 3,200 canonniers qui se trouvent à Paris, conformément à votre lettre du 4 juin, il faudrait tirer 3 ou 400 hommes des différents lycées de Paris, en choisissant les jeunes gens d’un âge supérieur à dix-sept ans.

Je ne pense pas qu’il faille faire des compagnies de canonniers de fédérés, ni de gardes nationales.

Il faudrait écrire au ministre de l’intérieur pour voir si l’on ne pourrait pas faire six compagnies de canonniers de 100 hommes chacune, composées déjeunes gens de l’École de médecine; ce qui ferait 600 hommes de l’École de médecine, 400 hommes des lycées, total 1,080 hommes, et porterait l’artillerie à 4,200 hommes, ce qui est suffisant. Les écoles pourraient donner aussi quelques canon­niers à Lyon.

Le calcul que vous faites de 5 hommes par batterie est trop fort. On fera à Paris comme dans toutes les places, où on détache une partie de l’infanterie pour aider aux pièces.

 

Paris, 5 juin 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, j’ai pris un décret pour fixer les aides de camp du prince Jérôme. Vous verrez que mon intention est qu’il ne garde avec lui aucun des officiers westphaliens qui l’ont accompagné. Il n’aura qu’un Allemand, qui fera auprès de lui les fonctions d’écuyer. Aus­sitôt que vous aurez les états de service de ces officiers, vous pourrez les employer dans leurs grades.

 

Paris, 6 juin 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, il est arrivé ou il arrivera 300 officiers du royaume d’Italie. Il faut avant tout leur donner du pain et les traiter comme étant en activité. Vous pourrez en mettre à la disposition du maré­chal Brune, dans le Midi, et du général Dulauloy, à Lyon; vous pourrez aussi en faire venir à Paris. Ce sont tous hommes sûrs et condamnés à mort par l’Autriche.

 

Paris, 6 juin 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, donnez des ordres sur-le-champ, par le télégraphe et par estafette, au bataillon des Volontaires lyonnais qui était destiné pour la jeune Garde, et qui demande à grands cris qu’on lui tienne cette promesse, de se rendre sur-le-champ à Paris; il brûlera toutes les étapes. Autorisez le commandant à admettre les jeunes gens qui voudront y entrer. Ce bataillon a 250 hommes qui ont été dans le Puy-de-Dôme ; ils doivent rejoindre sur-le-champ leur bataillon et le suivre à Paris.

 

Paris, 6 juin 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, donnez des ordres et prenez des mesures pour qu’au 12 juin il y ait à Paris, eu position aux différents ouvrages et aux différentes barrières, au moins deux cents pièces de canon. Faites-moi connaître quand le premier convoi des pièces de la marine arrivera.

 

Paris, 6 juin 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, j’apprends qu’il y a à Lyon 5,000 fusils à réparer : faites-les remettre à la garde nationale de Lyon. Ordonnez qu’on éta­blisse auprès de cette garde un atelier de réparation ; on prendra les frais sur le produit de la vente de ces fusils.

Il n’y avait le 1er juin à Lyon que cinquante bouches à feu sur affûts : ordonnez qu’on mette en construction dans cette ville des af­fûts de côte et de place.

Il n’y avait que 10,000 kilogrammes de poudre et 300,000 car­touches : faites augmenter cet approvisionnement.

J’ai déjà autorisé qu’on travaillât à fortifier le faubourg de la Guillotière; bien entendu que la chute de ce faubourg n’influera en rien sur la défense de la place. Faites faire à Lyon de nouveaux fonds pour les travaux des fortifications, afin qu’on ne manque pas d’argent.

 

Paris, 6 juin 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, il est important que le général Gazan parte demain pour son commandement de la Somme; qu’il visite toutes ses places, reconnaisse tous les ponts, et mette tout en bon état de défense, afin qu’Abbeville, Amiens, Péronne, Ham et Saint-Quentin se trouvent à l’abri, et que tous les passages soient gardés et à l’abri de la cavalerie légère.

 

Paris, 6 juin 1815

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, donnez ordre au duc d’Albufera qu’au 10 juin il ait commencé la formation de son camp entre Genève et Lyon, pour couvrir cette grande ville du côté de la Suisse; ce qui a pour but aussi de menacer la Suisse. Ce camp appuiera la droite du corps du Jura. Il sera composé des bataillons d’élite de la 19e division. Le maréchal duc d’Albufera n’a pas encore fait connaître la position qu’il a choisie.

Il faut qu’on fasse sortir les bataillons de Lyon et qu’on les dirige sur la position ; qu’au 20 juin la batterie d’artillerie s’y trouve. Faites-moi connaître le lieutenant général qui doit commander cette divi­sion; qu’il y soit rendu le 10 avec les maréchaux de camp; qu’il ait une avant-garde tout à fait sur la frontière de lu Suisse, et que la présence de ce camp fasse déjà diversion pour la défense de toute la frontière du Jura.

Il est également nécessaire que, du 10 au 15, le duc d’Albufera ait ses troupes réunies en avant de Chambéry, fasse retrancher la position de Montmélian, que je crois la plus avantageuse, et qu’il fasse connaître la position des deux divisions de gardes nationales du Dauphiné et de ses deux divisions de ligne. En occupant une position couverte de retranchements et bien appuyée sur ses flancs, dans laquelle il pourrait appeler la division de Lyon, dans le cas où il n’y aurait rien à craindre de la Suisse, il doit pouvoir braver l’effort des Autrichiens, dont l’infanterie est si médiocre. Une colonne de gardes nationaux et de troupes des garnisons pourrait de Briançon, par les montagnes, inquiéter toutes les vallées jusqu’au mont Cenis.

 

Paris, 6 juin 18815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, donnez ordre qu’au 10 juin les travaux sur la rive droite de la Saône et sur les hauteurs de Lyon soient tracés, et que le 25 juin il y ait déjà des pièces en batterie sur les hauteurs. Ordonnez que toute l’artillerie de Lyon soit en batterie, du 15 au 20 juin, et que les batteries soient approvisionnées.

 

Paris, 6 juin 18815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, prenez des mesures pour qu’au 15 juin il y ait des canons à tous les ponts de la Saône et qu’on ait retranché et mis en état et à l’abri de la cavalerie ennemie les ponts de la Saône.

 

Paris, 6 juin 18815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin donnez les ordres les plus précis pour qu’au 10 juin il y ait à Château-Thierry, à Langres, à Vitry, à Laon, à Soissons, sur les remparts, au moins la moitié de l’artillerie qui est destinée à l’armement  de ces places et que les batteries soient approvisionnées. Assurez-vous que des mesures soient prises pour que, au plus tard le 20 juin, toute l’artillerie destinée à ces places soit en batterie.

On n’a pas encore  commencé la défense de Meaux, de Nogent-sur-Seine, d’Arcis-sur-Aube, de Montereau, de Sens. Faîtes-moi connaître où en sont les projets.

 

Paris, 6 juin 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, j’approuve que le maréchal de camp Henry, ancien colonel du 24e de ligne, se rende en toute diligence à Lille, pour commander la garde nationale de cette place. Mais je voudrais pour lieutenant général un homme actif, entreprenant et connu pour la sûreté de ses principes, cette ville étant le but de toutes les intrigues de l’ennemi.

 

Paris, 6 juin 1815.

Au général comte Drouot, aide-major de la Garde impériale, à Paris

Monsieur le Général Drouot, la Garde a fait partir hier matin cin­quante bouches à feu, c’est-à-dire six batteries. Ces six batteries avaient 400 chevaux de réquisition. Elles arriveront demain 7 à Soissons. Faites-moi connaître si, dans la journée du 9, les 400 chevaux du train qui vont relever les chevaux de réquisition seront arrivés. S’ils ne sont pas arrivés à cette époque, il faut que les 400 chevaux de réquisition soient donnés aux équipages militaires de la Garde, et que les chevaux des équipages de la Garde soient donnés à l’artil­lerie, de sorte que toute mon artillerie soit parfaitement attelée, sauf à relever les chevaux de réquisition par les chevaux du train quand ils arriveront.

Vous avez sans doute donné des ordres à Compiègne pour que tout en parte pour Soissons. Ainsi toute l’artillerie va se trouver demain 7 à Soissons; mon intention est de l’y laisser jusqu’au 9, pour s’y réor­ganiser. Elle partira le 9 au soir, ou le 10 au matin, pour se rendre à grandes marches sur l’armée. Faites-moi connaître quelle sera sa situation au 9, et quand elle aura rejoint.

 

Palais des Représentant, 7 juin 1815.

DISCOURS DE L’EMPEREUR A LA SÉANCE D’OUVERTURE DES CHAMBRES.

Messieurs de la chambre des Pairs et Messieurs de la chambre des Représentants, depuis trois mois, les circonstances et la confiance du peuple m’ont revêtu d’un pouvoir illimité. Aujourd’hui s’accomplit le désir le plus pressant de mon cœur : je viens commencer la mo­narchie constitutionnelle.

Les hommes sont impuissants pour assurer l’avenir; les institutions seules fixent les destinées des nations. La monarchie est nécessaire en France pour garantir la liberté, l’indépendance et les droits du peuple.

Nos constitutions sont éparses : une de nos plus importantes oc­cupations sera de les réunir dans un seul cadre et de les coordonner dans une seule pensée. Ce travail recommandera l’époque actuelle aux générations futures.

J’ambitionne de voir la France jouir de toute la liberté possible; je dis possible, parce que l’anarchie ramène toujours au gouverne­ment absolu.

Une coalition formidable de rois en veut à notre indépendance; ses armées arrivent sur nos frontières.

La frégate la Melpomène a été attaquée et prise dans la Méditerranée, après un combat sanglant contre un vaisseau anglais de 74. Le sang a coulé pendant la paix !

Nos ennemis comptent sur nos divisions intestines. Ils excitent et fomentent la guerre civile. Des rassemblements ont lieu. On com­munique avec Gand, comme en 1792 avec Coblentz. Des mesures législatives sont indispensables : c’est à votre patriotisme, à vos lu­mières et à votre attachement à ma personne, que je me confie sans réserve.

La liberté de la presse est inhérente à la Constitution actuelle; on n’y peut rien changer sans altérer tout notre système politique; mais il faut des lois répressives, surtout dans l’état actuel de la nation. Je recommande à vos méditations cet objet important.

Mes ministres vous feront successivement connaître la situation de nos affaires.

Les finances seraient dans un état satisfaisant sans le surcroît de dépenses que les circonstances actuelles ont exigé.

Cependant on pourrait faire face à tout, si les recettes comprises dans le budget étaient toutes réalisables dans l’année ; et c’est sur les moyens d’arriver à ce résultat que mon ministre des finances fixera votre attention.

Il est possible que le premier devoir du prince m’appelle bientôt à la tête des enfants de la nation pour combattre pour la patrie. L’armée et moi nous ferons notre devoir.

Vous, Pairs et Représentants, donnez à la nation l’exemple de la confiance, de l’énergie et du patriotisme, et, comme le sénat du grand peuple de l’antiquité, soyez décidés à mourir plutôt que de survivre au déshonneur et à la dégradation de la France. La cause sainte de la patrie triomphera ?

 

Paris, 6 juin 18815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, l’armement de Paris ne me parait pas bien détaillé ; la ligne de défense ne doit pas s’appuyer à Clichy, mais à Saint-Denis. La ligne de Saint-Denis a l’avantage d’être appuyée par la ville de Saint-Denis, qui, étant susceptible d’inondation, est un poste de la plus grande force. Ce poste, qui appuie la gauche, se lie aux hauteurs de Paris par un long canal plein d’eau, ayant derrière un rempart et en avant des flèches. Rien ne peut avoir ce degré de force entre Clichy et Montmartre : Clichy ne peut pas être inondé ; le canal qui existe sur Saint-Denis, ne peut pas exister là, et enfin la ligne de Saint-Denis met en seconde ligne tout Montmartre, les quatre moulins, etc. Je vous renvoie donc cet état, pour que le général d’artillerie rectifie son armement en conséquence, numérote toutes les flèches en avant du canal et les arme toutes.

Avant de travailler à la seconde ligne entre Clichy et Montmartre, il faut que la rive gauche soit fortifiée.

Jamais armée ne s’engagera entre Montmartre et Saint-Denis, quand même le canal et les redoutes qui doivent le couvrir n’existe­raient pas. Une deuxième ligne sur Clichy sera cependant nécessaire, mais elle est d’un ordre inférieur, et, avant, il faut travaillera la rive gauche.

Il faut, dans ces changements, placer à chaque barrière de Paris d’eux pièces de canon. Ces pièces flanqueront les promenades autour des murailles, battront les principales avenues de Paris, et d’ailleurs seront là à portée pour aller en avant sur les positions qui appuient les ouvrages avancés.

 

Paris, 7 juin 1813.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, je suppose que le prince Jérôme el les généraux Gi­rard el Berthezène sont partis pour l’armée du Nord; assurez-vous-en. Je suppose que le général Pajol, le comte de Valmy et le maréchal Grouchy sont partis pour commander la cavalerie; s’ils ne le sont pas, il est indispensable qu’ils partent demain, dans la journée.

Donnez ordre au maréchal Mortier d’être rendu à Soissons le 9 à midi, où il prendra le commandement général de toute la cavalerie de ta Garde. Mon intention est de lui confier plus spécialement le commandement des trois divisions de la jeune Garde, aussitôt qu’elles seront formées.

Donnez ordre au général Duhesme de se rendre à Soissons; il prendra le commandement de la 1e division de la jeune Garde. Le général Barrois sera sous ses ordres ; il aura le commandement de la 2e division lorsqu’elle sera formée; mais, en attendant, il suivra la 1ere division.

Ordonnez au général Bonet de partir demain pour Metz; il prendra le commandement des 3e et 4e divisions militaires, et il manœuvrera, avec toutes les troupes qu’il pourra réunir et les gardes nationales de Nancy, pour appuyer le général Rapp. Cette mission est délicate et de la plus haute importance.

Je suppose que le général Gazan est parti pour se rendre sur la Somme.

Tenez la main à ce que le général Dulauloy parte demain pour Lyon.

 

Paris, 7 juin 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, donnez ordre que, à dater de demain 8, on travaille aux quatre points principaux sur la rive gauche de la Seine, car il est indispensable de se mettre un peu en équilibre. Faites-moi connaître quand ces ouvrages seront tracés, parce qu’alors je les parcourrai à cheval.

Réitérez les ordres pour que, tous les jours, on mette des pièces en batterie à Paris, afin qu’il n’y ait pas de secousse et qu’insensible­ment tous les ouvrages soient garnis. D’ailleurs, cette vue donnera confiance au peuple.

Il serait à souhaiter qu’avant le 25 il puisse y avoir quarante pièces en batterie sur les ouvrages de la rive gauche, et qu’à cet effet les ouvrages soient assez avancés.

 

Paris, 7 juin 1815.

Au maréchal Soult, duc de Dalmatie, major général, à Paris.

Donnez les ordres les plus positifs pour que, sur toute la ligne du Nord, du Rhin et de la Moselle, toutes communications soient fer­mées, et qu’on ne laisse passer aucune voiture ni diligence.

Recommandez qu’on exerce la plus grande surveillance pour qu’au­cune lettre ne puisse passer, si cela est possible. Voyez le ministre de la police et des finances pour qu’ils écrivent à leurs agents, pour in­tercepter absolument toutes communications.

 

Paris, 7 juin 1815.

Au maréchal Soult, duc de Dalmatie, major général, à Paris

Je pense qu’il serait convenable que vous partissiez demain soir. Vous vous rendrez droit à Lille et le plus incognito possible, afin de faire toutes les dispositions pour que les places de première ligne soient assurées, et faire sortir ce qui reste encore de troupes de ligne à Calais. Vous pourrez faire faire les versements qu’exigent les cir­constances, soit en hommes, soit en armes, et vous verrez à donner une destination aux bataillons qui doivent arriver d’ici au 13. Il sera convenable que vous preniez bien au bureau de la guerre tous les départs des bataillons pour le Nord. Assurez-vous bien surtout de leur habillement et armement. Cela vous prendra le 10. Voyez s’il y a suffisamment de commandants généraux et s’il y a un bon comman­dant de citadelle. Enfin prescrivez au général Lapoype tout ce qui est nécessaire.

Le 11 vous pourrez vous rendre à Maubeuge et à Avesnes.

Vous viendrez à ma rencontre sur la route de Laon, où il est pro­bable que je serai le 12. Vous prendrez tous les derniers renseigne­ments sur la position de l’ennemi; vous tâcherez de monter un bureau d’espionnage à Lille, et une compagnie d’hommes qui connaissent bien les chemins de la Belgique. Il y a des gardes forestiers des Ardennes qui communiquent par les forêts jusque derrière Bruxelles. Procurez-vous un officier intelligent qui nous procure des hommes qui puissent nous servir.

 

Paris, 7 juin 1815.

Au maréchal Soult, duc de Dalmatie, major général, à Paris

Donnez ordre au comte Lobau de porter, le 9, son quartier géné­ral à Marie ou à Vervins, et d’évacuer entièrement Laon et les envi­rons, parce que, le 9 et le 10, toute la Garde arrive à Laon.

 

Paris, 7 juin 1815.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais, à Paris.

Donnez ordre que toute ma Maison qui se trouve à Compiègne se rende demain à Soissons, où sera mon quartier général.

Concertez-vous avec le grand écuyer et le maître de ma garde-robe, afin que, s’il me manque quelque chose, on le fasse partir. Comme je camperai souvent, il est important que j’aie mes lits de fer et mes tentes. Veillez à ce que mes lunettes soient en état.

Il est nécessaire que le grand écuyer me fasse connaître quel est l’écuyer qui sera de service auprès de moi lorsqu’il sera absent comme ministre des relations extérieures. Il est nécessaire aussi que les voitures de voyage soient prêtes sans qu’on le sache, afin que je puisse partir deux heures après en avoir donné l’ordre. Il est pro­bable que je me rendrai en droite ligne à Soissons.

Donnez ordre que tous mes aides de camp, mes officiers d’ordon­nance, les aides de camp de mes aides de camp fassent partir leurs chevaux pour Soissons. Il est indispensable qu’ils soient partis demain.

 

Paris, 7 juin 1815.

Au général comte Drouot, aide-major de la Garde impériale, à Paris

Faites partir demain à la pointe du jour, de manière à arriver le 10 de bonne heure à Soissons, les deux régiments de la Garde. S’ils peuvent aller en deux jours à Soissons, qu’ils y aillent; ils y seraient le 9 ; sans quoi, qu’ils approchent de manière à aller le 10, s’ils en reçoivent l’ordre, entre Soissons et Laon. Toute la Garde doit être arrivée le 9 au soir à Soissons, hormis les deux régiments qui partent demain. Remettez-moi demain matin un petit état à colonnes qui me fasse connaître le jour du départ de chaque colonne et de son arrivée à Soissons, et proposez-moi de faire partir le 9 au matin tout ce qui serait en séjour à Soissons, pour se rendre à Laon, et le 10 au matin tout ce qui serait arrivé le 9; de manière que le 10 au soir toute ma Garde serait entre Laon et Avesnes, hormis les deux régiments qui partent demain, qui auront dépassé Soissons. En faisant partir les 1er bataillons de chasseurs et de grenadiers demain, retenez 100 hommes par bataillon (ce qui fera 400 hommes ici, à Paris ; cela fera 25 hommes par compagnie), en prenant les plus jeunes et les plus dispos pour former un bataillon provisoire, qui sera chargé de fournir ma Garde.

Vous donnerez ordre que, le 12, les deux 4e de voltigeurs et tirailleurs, avec le général de brigade qui doit les commander, partent pour Laon, où ils arriveront le 15 au soir. Cette brigade appartiendra à la 2e division, que le général Barrois commandera.

J’ai vu avec peine que les deux régiments qui étaient partis ce matin n’avaient qu’une paire de souliers; il y en a en magasin; il faut leur en procurer deux dans le sac et une aux pieds.

 

Paris, 7 juin 1815.

Au général baron Dejean, aide de camp de l’empereur, à Paris.

Partez cette nuit pour vous rendre à Amiens, à Doulens, à Aire, à Saint-Omer, à Dunkerque. Restez quelques heures dans chaque place pour m’en faire connaître la situation, et écrivez-moi en détail de Dunkerque. Faites-moi connaître qui commande, combien il y a de pièces en batterie, l’état des approvisionnements et enfin tout ce que vous croirez nécessaire que je sache. Donnez-moi également des renseignements sur Calais et sur Bergues. Revenez ensuite par Lille, Douai, Condé, Valenciennes et toutes nos places de première ligne, et venez m’attendre à Avesnes. Ayez soin de m’écrire tous les jours.

 

Paris, 7 juin 1815.

L’officier d’ordonnance (le nom est resté en blanc)….. se rendra à Saint-Valéry-sur-Somme et de là à Abbeville, à Amiens et dans toutes les places de la Somme jusqu’à Saint-Quentin. Il marquera tous les endroits où il y a des ponts en pierre ou en bois, les travaux qu’il faudrait y faire, quel parti on pourrait tirer de postes sur la Somme, tels que Corbie, etc.. et enfin tout ce qu’il serait nécessaire de faire pour défendre la Somme. De Saint-Quentin il se rendra à Guise et de là à  où il  attendra de nouveaux ordres. Il écrira tous les jours ce qu’il apprendra de la situation des corps et des places, combien il y a de pièces en batterie, qui est-ce qui y commande, combien il y de gardes nationales, combien on en attend, etc.

 

Paris, 8 juin 1815.

Au comte Carnot, ministre de l’intérieur, à Paris.

Monsieur le Comte Carnot, témoignez mon mécontentement au préfet de Laval. Il n’a rien fait dans ces circonstances pour se mettre en défense. C’est le peuple qui a été obligé de tout faire. Le préfet a même été sur le point de tout abandonner, si on ne l’avait retenu. Il parait que le maréchal de camp qui est à Laval est faible et nul.

 

Paris, 8 juin 1815.

Note dictée au duc de Vicence, en conseil des ministres.

Le ministre des affaires étrangères communiquera aux ministres d’État son rapport et les pièces jointes. Ce rapport portera pour intitulé : Extrait du procès-verbal du conseil des ministres du 8 juin. On indiquera, à la suite de ce rapport, que le conseil a été d’avis qu’il ne devait être rendu public que le jour où l’armée, repoussant la force par la force, se mettrait en mouvement, afin de ne pas donner l’éveil à l’ennemi par une publicité anticipée.

Les ministres d’État proposeront à l’empereur un projet de mes­sage aux deux Chambres, de dix à douze lignes.

Le ministre des affaires étrangères rédigera, indépendamment à son rapport, un véritable manifeste, où il se bornera à présenter l’enchaînement des faits.

L’Empereur juge convenable que l’article du rapport du ministre des affaires étrangères qui concerne l’Espagne soit réduit à très-peu de mots, dans lesquels on évitera tout ce qui pourrait agir sur cette nation et la tirer de son apathie.

En terminant son rapport, il est bon que le ministre fasse en­tendre, par des phrases de prévoyance, que, quelles que puissent être les chances probables de la guerre, comme dans toute circon­stance on ne doit négliger aucun de ses avantages, il parait conve­nable de prévenir et de ne pas laisser arriver les Russes qui sont en pleine marche et qui se trouvaient à telle époque dans tels et tels endroits; que, si le désir de conserver la paix et la nécessité d’at­tendre l’Assemblée du Champ de Mai et l’ouverture des Chambres ont fait différer jusqu’à présent de marcher à l’ennemi, aujourd’hui que les moyens de l’Empereur sont réunis, il importe de ne plus différer et d’ouvrir immédiatement la lutte qui décidera de l’indépen­dance de la nation, et pour laquelle elle fera tous les sacrifices nécessaires, etc.

 

Paris, 9 juin 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, je crois que les ordres pour le départ des dépôts d’infanterie des places fortes ne sont pas encore donnés, qu’on a dit seulement de les faire partir aussitôt que les hostilités commence­raient. Mon intention est que vous les fassiez partir le 12, chacun pour se rendre dans les directions qui sont déjà désignées. Il est important de refaire un état général de tous les dépôts, afin de mettre du système dans cette opération et de retirer les dépôts des endroits qui n’offrent pas assez de ressources. Le principe doit toujours être, en les étendant, de les rapprocher de Paris.

 

Paris, 9 juin 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, envoyez-moi l’état des partisans qu’on a formés dans les différents départements, parce qu’il faudrait donner l’ordre à tous ceux qui auraient été formés dans les 15e, 14e 1″, 16e, 10e et 2e divisions militaires, de se mettre en mouvement pour se rendre sur les frontières du Nord. Il serait surtout important, s’il y en a dans les Ardennes, que j’en fusse instruit, afin qu’ils se glissassent par les forêts jusqu’au cœur de la Belgique. Il faudrait également des partisans dans le pays Messin et la Sarre, pour se glisser par les montagnes dans l’intérieur du pays.

Il est bien important qu’au 13 juin, pour tout délai, toutes les gardes nationales des places de première ligne du Nord, du Rhin, du Jura, soient parfaitement armées, surtout celles du Nord et de la Meuse.

Il est important aussi que vous me fassiez connaître si, au 13 juin, il se trouvera des convois de poudre, armes, canons, etc., à portée des frontières du Nord, et qui soient exposés à être enlevés par des partis ennemis.