Correspondance de Napoléon – Avril 1815

Paris, 22 avril 1815.

Au comte Carnot, ministre de l’intérieur, à Paris.

Monsieur le Comte Carnot, vous recevrez un décret par lequel j’ordonne la formation de deux régiments de lanciers de gardes nationales dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin. Écrivez à Metz, à Nancy, à Épinal, dans les 3e, 2e 4e, 6e 7e et 19e divi­sions, pour savoir s’il serait possible de former dans chacune un régiment de 600 lanciers. On réunirait plusieurs divisions militaires, s’il le fallait, pour former un régiment. Les hommes devraient s’équiper et se monter à leurs frais. Écrivez aussi dans l’Aisne, dans la Somme, dans le Nord, dans les départements des 15e et 14e divi­sions. Si cette mesure pouvait se généraliser, elle nous offrirait de grands avantages, puisqu’elle fournirait une masse de cavalerie suf­fisante pour mettre les départements à l’abri des troupes légères.

 

Paris, 22 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, à l’assemblée du mois de mai qui aura lieu vers le 25 mai, mon intention est de donner des aigles à tous les régiments. Voyez à faire faire ces aigles sans délai. Il faudra faire inscrire sur chaque aigle les batailles où s’est trouvé le régiment. Faites-moi con­naître s’il serait possible de rendre à chaque régiment son numéro. Je ne tiens pas à suivre exactement une série de numéros, mais je trouve que c’est un grand malheur que d’avoir ôté aux régiments le numéro sous lequel ils ont été cités dans les bulletins de la Grande Armée. Remettez-moi un état qui me fasse voir si cela peut être rétabli sans inconvénient.

 

Paris, 22 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, Château-Thierry, Vitry et la Fère seront promptement mis à l’abri d’un coup de main. Il est donc urgent que vous y envoyiez sur-le-champ un commandant d’armes, un officier du génie et un officier d’artillerie, et que vous donniez ordre d’armer ces places, afin qu’elles soient à l’abri d’un coup de main au 15 mai.

 

Paris, 22 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, je reçois votre lettre sur le parc de Sampigny. Je vois que nous avons 900 voitures et 3,000 harnais. Je pense que ce parc est très-mal placé à Sampigny. L’inconvénient que cet empla­cement nous offre aujourd’hui, il nous l’offrira toujours. Il faudrait choisir sur la Loire un point au milieu d’une grande forêt, et dans cette hypothèse faites-moi connaître si Orléans conviendrait, ou sur la Seine, entre Saint-Germain et Rouen, un point situé au milieu des bois. Faites faire des recherches dans l’une et l’autre direction. Je vous autorise à faire évacuer tout ce qui ne peut pas être réparé et mis en état pour le 15 mai, et à laisser tout ce qui pourra servir à cette époque.

Je vois que nous avons quatre régiments du train des équipages militaires, chacun de huit compagnies, chaque compagnie de 40 voi­tures, ce qui ferait 1,300 voitures. Il sera difficile de pouvoir orga­niser à Sampigny, d’ici au 15 mai, ce nombre de voitures. Je pense qu’il faudrait d’abord organiser quatre régiments à quatre compa­gnies, ce qui ferait seize compagnies ou 640 voitures.

II faut près de 2,000 hommes pour ces seize compagnies; il en existe 1,000; c’est donc 1,000 hommes à avoir, et il est à espérer qu’on pourra les avoir d’ici au 15 mai.

Il faudra à peu près 3,000 chevaux; il en existe 300; 1,800 doi­vent être fournis ; c’est donc 900 chevaux à acheter. Je vous auto­rise à faire cet achat.

Il faut 640 voitures; il y en a 240 à Strasbourg et à Paris, et il est probable que, sur les 900 voitures qui sont à Sampigny, 400 se­ront en état d’ici au 15 mai.

Il faut 3,000 harnais; ils existent.

Ainsi faites organiser à Sampigny seize compagnies, 640 voitures, 3,000 chevaux, 3,000 harnais, et dirigez tout le reste, voitures, matériel, harnais, sur le point que vous me proposerez sur la Loire ou sur.la Seine.

640 voitures peuvent être suffisantes pour le premier moment. Il n’est donc question que d’acheter 900 chevaux; faites-les acheter autour de Sampigny. Faites-moi connaître quand on pourra faire partir une compagnie pour le 1er, pour le 2e, pour le 3e, pour le 4e’ et le 5e corps. Il serait urgent que ces compagnies partissent. Les voitures qui sont à Strasbourg peuvent être destinées au 5e et au 6e corps. Celles qui sont à Paris pourront être données au 6e.

 

Paris, 22 avril 1815.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Duc Decrès, j’ai reçu votre rapport du 15. Il me semble que d’ici au mois de septembre on ne peut penser à rien faire pour la marine. Je crois même que les ordres que j’ai donnés pour mes cinq vaisseaux à Toulon, s’ils doivent exiger beaucoup d’argent, pourraient être considérés comme non avenus.

Je croyais que vous étiez porté pour 70 millions au budget, mais il parait que vous n’y êtes que pour 50. Je désirerais que ces 50 mil­lions fussent employés au profit de l’armée de terre et de la défense de l’État. Tant que la crise ne sera pas passée, il est de peu d’im­portance de n’avoir pas de vaisseaux armés; mais je ne puis pas laisser sans emploi une si grande quantité de braves officiers. Mon projet est donc de lever 60 à 80,000 hommes sur mes côtes et d’y employer tous les officiers de marine et tous les officiers du génie maritime comme officiers, tous les ouvriers qui se présenteront et tous les anciens matelots comme soldats. Voilà donc une organisa­tion de forces qui ne me coûterait que pour les soldats, mais qui ne me coûterait rien pour les officiers. Tous ces hommes enrégimentés seraient bien d’une autre importance que les gardes nationales.

Présentez-moi donc un projet de décret pour réduire vos dépenses sur les 50 millions au moins qu’il est possible, d’ici au mois de sep­tembre, et pour lever :

1° 4 ou 5,000 ouvriers, qui seront formés en bataillons séparés, consacrés à la défense des ports, à l’exception de ceux qui viendraient aider à l’armée et qu’on placerait à la suite des parcs ;

2° Pour compléter le corps d’artillerie au moins à 10 ou 12,000 hommes, de manière qu’on puisse le faire marcher à la défense des frontières ;

3° Pour lever quarante à soixante bataillons d’équipages, chaque bataillon de six compagnies et chaque compagnie de 120 hommes, ayant pour officiers et sous-officiers des officiers et sous-officiers de marine. Deux bataillons d’équipages formeraient un régiment; un régiment serait commandé par un capitaine de vaisseau ou par un contre-amiral.

J’aurais ainsi vingt à vingt-cinq régiments dont la moitié pourrait être appelée à une armée de réserve, ce qui m’offrirait d’immenses avantages.

60,000 hommes ne doivent pas coûter plus de 30 millions; et comme la moitié (la dépense des officiers) est déjà comprise dans la dépense actuelle, cela ne ferait pas une dépense extraordinaire de plus de 12 à 20 millions.

Présentez-moi donc demain un projet pour former de bons batail­lons d’ouvriers, de bons bataillons de canonniers et de bons batail­lons d’équipages, en rappelant tout ce qui est au service de la marine. Cela sera d’autant plus avantageux que, la grande crise passée, nous aurons tous ces hommes sous la main- pour leur faire monter nos vaisseaux.

Dans vos états de la marine, je ne vois pas le nombre d’hommes que vous soldez, soit comme canonniers, soit comme ouvriers, soit comme équipages. Remettez-moi cet état comparé avec ce que vous aviez au mois de mars 1814, en déduisant ce que nous avons perdu, avec la Hollande, la Belgique et Gênes.

Faites-moi connaître la solde qu’il faudra donner à ces soldats pour être équitable; mais il me semble qu’y compris l’habillement cela ne s’éloigne guère du taux de l’armée de terre.

 

Paris, 22 avril 1815.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Duc Decrès, prenez les mesures nécessaires pour la Guadeloupe, la Martinique et Saint-Domingue, conformément aux ordres que je vous ai donnés.

Il ne s’agit pas de m’écrire, il s’agit de faire partir. Marchez de l’avant; tout cela devrait être fait.

 

Paris, 22 avril 1815.

Au prince Joseph, à Paris.

Mon Frère, je vous envoie un projet de constitution, pour vous seul. Si vous avez quelques observations à me faire, vous me les apporterez ce soir.

 

ACTE ADDITIONNEL AUX CONSTITUTIONS DE L’EMPIRE.

Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions, Empereur des Français, à tous présents et à venir, salut.

Depuis que nous avons été appelé, il y a quinze années, par le vœu de la France, au gouvernement de l’État, nous avons cherché à perfectionner, à diverses époques, les formes constitutionnelles, suivant les besoins et les désirs de la nation, et en profitant des leçons de l’expérience.

Les constitutions de l’Empire se sont ainsi formées d’une série d’actes qui ont été revêtus de l’acceptation du peuple.

Nous avions alors pour but d’organiser un grand système fédératif européen, que nous avions adopté comme conforme à l’esprit da siècle et favorable au progrès de la civilisation. Pour parvenir à le compléter et à lui donner toute l’étendue et toute la stabilité dont il était susceptible, nous avions ajourné l’établissement de plusieurs institutions intérieures plus spécialement destinées à protéger la liberté des citoyens. Notre but n’est plus désormais que d’accroître la prospérité de la France par l’affermissement de la liberté publique. De là résulte la nécessité de plusieurs modifications importantes dans les constitutions, sénatus-consultes et autres actes qui régissent cet Empire.

A ces causes, voulant, d’un côté, conserver du passé ce qu’il y a de bon et de salutaire, et, de l’autre, rendre les constitutions de notre Empire conformes en tout aux vœux et aux besoins nationaux, ainsi qu’à l’état de paix que nous désirons maintenir avec l’Europe, nous avons résolu de proposer au peuple une suite de dispositions tendant à modifier et perfectionner ces actes constitutionnels, à entourer les droits des citoyens de toutes leurs garanties, à donner au système représentatif toute son extension, à investir les corps intermédiaires de la considération et du pouvoir désirables; en un mot, à combiner le plus haut point de liberté politique et de sûreté individuelle avec la force et la centralisation nécessaires pour faire respecter par l’étranger l’indépendance du peuple français et la dignité de notre couronne.

En conséquence, les articles suivants, formant un acte supplé­mentaire aux constitutions de l’Empire, seront soumis à l’acceptation libre et solennelle de tous les citoyens dans toute l’étendue de la France.

 

TITRE Ier.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

TITRE PREMIER – Dispositions générales

 

Article 1. – Les constitutions de l’Empire, nommément l’acte constitutionnel du 22 frimaire an VIII, les sénatus-consultes des 14 et 16 thermidor an X, et celui du 28 floréal an XII, seront modifiés par les dispositions qui suivent. Toutes leurs autres dispositions sont confirmées et maintenues.

Article 2. – Le Pouvoir législatif est exercé par l’Empereur et par deux Chambres.

Article 3. – La première Chambre, nommée Chambre des pairs, est héréditaire.

Article 4. – L’Empereur en nomme les membres, qui sont irrévocables, eux et leurs descendants mâles, d’aîné en aîné en ligne directe. Le nombre des pairs est illimité. L’adoption ne transmet point la dignité de pair à celui qui en est l’objet. – Les pairs prennent séance à vingt et un ans, mais n’ont voix délibérative qu’à vingt-cinq.

Article 5. – La Chambre des pairs est présidée par l’archichancelier de l’Empire, ou, dans le cas prévu par l’article 51 du sénatus-consulte du 28 floréal an XII, par un des membres de cette Chambre désigné spécialement par l’Empereur.

Article 6. – Les membres de la famille impériale, dans l’ordre de l’hérédité, sont pairs, de droit. Ils siègent après le président. Ils prennent séance à dix-huit ans, mais n’ont voix délibérative qu’à vingt et un.

Article 7. – La seconde Chambre, nommée Chambre des représentants est élue par le peuple.

Article 8. – Les membres de cette Chambre sont au nombre de six cent vingt-neuf. Ils doivent être âgés de vingt-cinq ans au moins.

Article 9. – Le président de la Chambre des représentants est nommé par la Chambre à l’ouverture de la première session. Il reste en fonctions jusqu’au renouvellement de la Chambre. Sa nomination est soumise à l’approbation de l’Empereur.

Article 10. – La Chambre des représentants vérifie les pouvoirs de ses membres, et prononce sur la validité des élections contestées.

Article 11. – Les membres de la Chambre des représentants reçoivent pour frais de voyage, et durant la session, l’indemnité décrétée par l’Assemblée constituante.

Article 12. – Ils sont indéfiniment rééligibles.

Article 13. – La Chambre des représentants est renouvelée de droit en entier tous les cinq ans.

Article 14. – Aucun membre de l’une ou de l’autre Chambre ne peut être arrêté, sauf le cas de flagrant délit, ni poursuivi en matière criminelle et correctionnelle, pendant les sessions, qu’en vertu d’une résolution de la Chambre dont il fait partie.

Article 15. – Aucun ne peut être arrêté ni détenu pour dettes, à partir de la convocation, ni quarante jours après la session.

Article 16. – Les pairs sont jugés par leur Chambre, en matière criminelle et correctionnelle, dans les formes qui seront réglées par la loi.

Article 17. – La qualité de pair et de représentant est compatible avec toute fonction publique, hors celles de comptables. – Toutefois les préfets et sous-préfets ne sont pas éligibles par le collège électoral du département ou de l’arrondissement qu’ils administrent.

Article 18. – L’Empereur envoie dans les Chambres des ministres d’Etat et des conseillers d’Etat, qui y siègent et prennent part aux discussions, mais qui n’ont voix délibérative que dans le cas où ils sont membres de la Chambre comme pairs ou élus du peuple.

Article 19. – Les ministres qui sont membres de la Chambre des pairs ou de celle des représentants, ou qui siègent par mission du gouvernement, donnent aux Chambres les éclaircissements qui sont jugés nécessaires, quand leur publicité ne compromet pas l’intérêt de l’Etat.

Article 20. – Les séances des deux Chambres sont publiques. Elles peuvent néanmoins se former en comité secret, la Chambre des pairs sur la demande de dix membres, celle des représentants sur la demande de vingt-cinq. Le gouvernement peut également requérir des comités secrets pour des communications à faire. Dans tous les cas, les délibérations et les votes ne peuvent avoir lieu qu’en séance publique.

Article 21. – L’Empereur peut proroger, ajourner et dissoudre la Chambre des représentants. La proclamation qui prononce la dissolution, convoque les collèges électoraux pour une élection nouvelle, et indique la réunion des représentants, dans six mois au plus tard.

Article 22. – Durant l’intervalle des sessions de la Chambre des représentants, ou en cas de dissolution de cette Chambre, la Chambre des pairs ne peut s’assembler.

Article 23. – Le gouvernement a la proposition de la loi ; les Chambres peuvent proposer des amendements : si ces amendements ne sont pas adoptés par le gouvernement, les Chambres sont tenues de voter sur la loi, telle qu’elle a été proposée.

Article 24. – Les Chambres ont la faculté d’inviter le gouvernement à proposer une loi sur un objet déterminé, et de rédiger ce qui leur paraît convenable d’insérer dans la loi. Cette demande peut être faite par chacune des deux Chambres.

Article 25. – Lorsqu’une rédaction est adoptée dans l’une des deux Chambres, elle est portée à l’autre ; et si elle y est approuvée, elle est portée à l’Empereur.

Article 26. – Aucun discours écrit, excepté les rapports des commissions, les rapports des ministres sur les lois qui sont présentées, et les comptes qui sont rendus, ne peut être lu dans l’une ou l’autre des Chambres.

 

TITRE II – Des collèges électoraux et du mode d’élection

 

Article 27. – Les collèges électoraux de département et d’arrondissement sont maintenus, conformément au sénatus-consulte du 16 thermidor an X, sauf les modifications qui suivent.

Article 28. – Les assemblées de canton rempliront chaque année, par des élections annuelles, toutes les vacances dans les collèges électoraux.

Article 29. – A dater de l’an 1816, un membre de la Chambre des pairs, désigné par l’Empereur, sera président à vie et inamovible de chaque collège électoral de département.

Article 30. – A dater de la même époque, le collège électoral de chaque département nommera, parmi les membres de chaque collège d’arrondissement, le président et deux vice-présidents. A cet effet, l’assemblée du collège de département précédera de quinze jours celle du collège d’arrondissement.

Article 31. – Les collèges de département et d’arrondissement nommeront le nombre de représentants établi pour chacun par l’acte et le tableau ci-annexé, n° 1.

Article 32. – Les représentants peuvent être choisis indifféremment dans toute l’étendue de la France. – Chaque collège de département ou d’arrondissement qui choisira un représentant hors du département ou de l’arrondissement, nommera un suppléant qui sera pris nécessairement dans le département ou l’arrondissement.

Article 33. – L’industrie et la propriété manufacturière et commerciale auront une représentation spéciale. – L’élection des représentants commerciaux et manufacturiers sera faite par le collège électoral de département, sur une liste d’éligibles dressée par les chambres de commerce et les chambres consultatives réunies, suivant l’acte et le tableau ci-annexé, n° 2.

 

TITRE III – De la loi de l’impôt

 

Article 34. – L’impôt général direct, soit foncier, soit mobilier, n’est voté que pour un an ; les impôts indirects peuvent être votés pour plusieurs années. – Dans le cas de la dissolution de la Chambre des représentants, les impositions votées dans la session précédente sont continuées jusqu’à la nouvelle réunion de la Chambre.

Article 35. – Aucun impôt direct ou indirect en argent ou en nature ne peut être perçu, aucun emprunt ne peut avoir lieu, aucune inscription de créances au grand-livre de la dette publique ne peut être faite, aucun domaine ne peut être aliéné ni échangé, aucune levée d’hommes pour l’armée ne peut être ordonnée, aucune portion du territoire ne peut être changée qu’en vertu d’une loi.

Article 36. – Toute proposition d’impôt, d’emprunt, ou de levée d’hommes, ne peut être faite qu’à la Chambre des représentants.

Article 37. – C’est aussi à la Chambre des représentants qu’est porté d’abord, 1° le budget général de l’Etat, contenant l’aperçu des recettes et la proposition des fonds assignés pour l’année à chaque département du ministère ; 2° le compte des recettes et dépenses de l’année ou des années précédentes.

 

TITRE IV – Des ministres, et de la responsabilité

 

Article 38. – Tous les actes du gouvernement doivent être contresignés par un ministre ayant département.

Article 39. – Les ministres sont responsables des actes du gouvernement signés par eux, ainsi que de l’exécution des lois.

Article 40. – Ils peuvent être accusés par la Chambre des représentants, et sont jugés par celle des pairs.

Article 41. – Tout ministre, tout commandant d’armée de terre ou de mer, peut être accusé par la Chambre des représentants et jugé par la Chambre des pairs, pour avoir compromis la sûreté ou l’honneur de la nation.

Article 42. – La Chambre des pairs, en ce cas, exerce, soit pour caractériser le délit, soit pour infliger la peine, un pouvoir discrétionnaire.

Article 43. – Avant de prononcer la mise en accusation d’un ministre, la Chambre des représentants doit déclarer qu’il y a lieu à examiner la proposition d’accusation.

Article 44. – Cette déclaration ne peut se faire qu’après le rapport d’une commission de soixante membres tirés au sort. Cette commission ne fait son rapport que dix jours au plus tôt après sa nomination.

Article 45. – Quand la Chambre a déclaré qu’il y a lieu à examen, elle peut appeler le ministre dans son sein pour lui demander des explications. Cet appel ne peut avoir lieu que dix jours après le rapport de la commission.

Article 46. – Dans tout autre cas, les ministres ayant département ne peuvent être appelés ni mandés par les Chambres.

Article 47. – Lorsque la Chambre des représentants a déclaré qu’il y a lieu à examen contre un ministre, il est formé une nouvelle commission de soixante membres tirés au sort, comme la première ; et il est fait, par cette commission, un nouveau rapport sur la mise en accusation. Cette commission ne fait son rapport que dix jours après sa nomination.

Article 48. – La mise en accusation ne peut être prononcée que dix jours après la lecture et la distribution du rapport.

Article 49. – L’accusation étant prononcée, la Chambre des représentants nomme cinq commissaires pris dans son sein, pour poursuivre l’accusation devant la Chambre des pairs.

Article 50. – L’article 75 du titre VIII de 1’acte constitutionnel du 22 frimaire an VIII, portant que les agents du gouvernement ne peuvent être poursuivis qu’en vertu d’une décision du Conseil d’Etat, sera modifié par une loi.

 

TITRE V – Du pouvoir Judiciaire

 

Article 51. – L’Empereur nomme tous les juges. Ils sont inamovibles et à vie dès l’instant de leur nomination, sauf la nomination des juges de paix et des juges de commerce, qui aura lieu comme par le passé. Les juges actuels nommés par l’Empereur, aux termes du sénatus-consulte du 12 octobre 1807, et qu’il jugera convenable de conserver, recevront des provisions à vie avant le 1er janvier prochain.

Article 52. – L’institution des jurés est maintenue.

Article 53. – Les débats en matière criminelle sont publics.

Article 54. – Les délits militaires seuls sont du ressort des tribunaux militaires.

Article 55. – Tous les autres délits, même commis par les militaires, sont de la compétence des tribunaux civils.

Article 56. – Tous les crimes et délits qui étaient attribués à la Haute Cour impériale et dont le jugement n’est pas réservé par le présent acte à la Chambre des pairs, seront portés devant les tribunaux ordinaires.

Article 57. – L’Empereur a le droit de faire grâce, même en matière correctionnelle, et d’accorder des amnisties.

Article 58. – Les interprétations des lois, demandées par la Cour de cassation, seront données dans la forme d’une loi.

 

TITRE VI – Droits des citoyens

 

Article 59. – Les Français sont égaux devant la loi, soit pour la contribution aux impôts et charges publiques, soit pour l’admission aux emplois civils et militaires.

Article 60. – Nul ne peut, sous aucun prétexte, être distrait des juges qui lui sont assignés par la loi.

Article 61. – Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ni exilé, que dans les cas prévus par la loi et suivant les formes prescrites.

Article 62. – La liberté des cultes est garantie à tous.

Article 63. – Toutes les propriétés possédées ou acquises en vertu des lois et toutes les créances sur l’Etat, sont inviolables.

Article 64. – Tout citoyen a le droit d’imprimer et de publier ses pensées, en les signant, sans aucune censure préalable, sauf la responsabilité légale, après la publication, par jugement par jurés, quand même il n’y aurait lieu qu’à l’application d’une peine correctionnelle.

Article 65. – Le droit de pétition est assuré à tous les citoyens. Toute pétition est individuelle. Ces pétitions peuvent être adressées, soit au gouvernement, soit aux deux Chambres : néanmoins ces dernières même doivent porter l’intitulé : A Sa Majesté l’Empereur. Elles seront présentées aux Chambres sous la garantie d’un membre qui recommande la pétition. Elles sont lues publiquement, et si la Chambre les prend en considération, elles sont portées à l’Empereur par le président.

Article 66. – Aucune place, aucune partie du territoire, ne peut être déclarée en état de siège, que dans le cas d’invasion de la part d’une force étrangère, ou de troubles civils. – Dans le premier cas, la déclaration est faite par un acte du gouvernement. – Dans le second cas, elle ne peut l’être que par la loi. Toutefois, si, le cas arrivant, les Chambres ne sont pas assemblées, l’acte du gouvernement déclarant l’état de siège doit être converti en une proposition de loi dans les quinze premiers jours de la réunion des Chambres.

Article 67. – Le peuple français déclare que, dans la délégation qu’il a faite et qu’il fait de ses pouvoirs, il n’a pas entendu et n’entend pas donner le droit de proposer le rétablissement des Bourbons ou d’aucun prince de cette famille sur le trône, même en cas d’extinction de la dynastie impériale, ni le droit de rétablir soit l’ancienne noblesse féodale, soit les droits féodaux et seigneuriaux, soit les dîmes, soit aucun culte privilégié et dominant, ni la faculté de porter aucune atteinte à l’irrévocabilité de la vente des domaines nationaux ; il interdit formellement au gouvernement, aux Chambres et aux citoyens toute proposition à cet égard

Donné à Paris le 22 avril 1815.

Napoléon.

 

Paris, 22 avril 1815.

Au comte Carnot, ministre de l’intérieur, à Paris.

Monsieur le Comte Carnot, il serait convenable d’ordonner, dans chaque département, que l’on fabrique une certaine quantité de piques. Faites-en arrêter le modèle. Cela servirait à défaut de fusils et de faux.

 

Paris. 24 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, réitérez l’ordre de faire partir le 73e de Cherbourg, le 74e de Brest, le 65e le 45e le 11e de dragons, le 9e et le 3e de dra­gons, le 71e et le 67e; supprimez les séjours, et, quand les étapes seront petites et qu’ils pourront les doubler, autorisez-les à le faire. Le 67e, qui est à Vannes, n’arriverait que le 21 mai; c’est bien tard; il faut accélérer le mouvement de ces troupes et défendre que, sous quelque prétexte que ce soit, on le retarde.

Réitérez les ordres pour que le 6e de ligne, le 48e le 58e et le 83e accélèrent leur mouvement sur Belfort, et que, sous aucun prétexte, personne ne les retienne.

Réitérez également les ordres au 5e léger, au 88e au 10e au 44e qui doivent former la 20e division, pour qu’ils accélèrent leur mou­vement sur Paris. Faites-moi connaître quand la 21e division, c’est-à-dire le 8e léger, le 15e de ligne, le 26e le 61e seront arrivés sur la Loire ; quand la 6e division de réserve sera complétée.

J’ai vu hier le 1er de hussards; pour quel corps est-il destiné ? Il pourrait partir demain pour s’y rendre.

Je vous prie de me faire faire un rapport général sur la composi­tion des neuf corps : que cet état, en forme de livret, comprenne la situation des différents corps au 15 avril, indique les généraux qui commandent toutes les divisions, le nom de tous les régiments et leur force, l’endroit où ils se trouvaient au 15 avril, le jour où ils seront tous rendus aux corps, l’artillerie et le génie des corps, le matériel de l’artillerie, ce qu’il doit y avoir et ce qui manque, quel arsenal doit le fournir et quand cela sera arrivé, la composition des administrations, quand chaque corps d’armée aura une compagnie d’équipages. J’attends cet état pour donner des ordres militaires et commencer à établir un plan de campagne.

Il faut avoir à Paris 300 pièces de canon pour l’artillerie, avoir un double approvisionnement et plusieurs millions de cartouches. Ces 300 pièces de canon seront destinées, à tous événements, à la défense de Paris, et indépendamment du parc de Vincennes, qui est destiné à augmenter l’artillerie de l’armée.

Je pense qu’il faudrait donner des ordres pour faire recruter pour les équipages du train.

 

Paris, 24 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, j’ai signé hier un décret sur les corps francs. Je vous prie de me faire savoir si vous avez quelques observations à y faire. Mon intention est de le faire insérer au Moniteur, si vous ne le croyez susceptible d’aucune correction.

 

Paris. 24 avril 1815.

Au général baron Dejean, aide de camp de l’empereur, à Paris.

Rendez-vous à Beauvais. Vous y verrez le préfet et vous me ferez connaître la situation du département. A-t-on commencé à organiser la garde nationale ? Combien a-t-on de fusils ? A-t-on changé les au­torités municipales ? Combien de vieux soldats dans le département ? Les dépôts de cavalerie se remontent-ils ? Vous me ferez un rapport de cette ville.

De là vous irez à Abbeville. Vous verrez la situation de cette place, où en est l’armement. Vous me ferez connaître l’esprit de la ville et de la garnison, et également si on a organisé la garde nationale.

De même à Amiens. Vous verrez quelle est la situation de la cita­delle.

Vous irez ensuite à Montreuil, à Boulogne, à Calais et à Dunkerque, et vous m’enverrez un rapport pareil de chacune de ces places. Vous verrez dans les places maritimes la situation de la marine, soit en bâtiments de guerre, soit en bâtiments de commerce, et en détail le matériel de la marine.

Vous me parlerez des commandants de place et des officiers qui sont à la tête de l’artillerie et du génie. Dites-moi si on travaille avec activité à mettre ces places en état.

Vous parcourrez de là toute la frontière jusqu’à Landau.

Vous me ferez connaître dans quelle situation est le corps du gé­néral d’Erlon, la force des divisions, les généraux qui commandent, la composition de l’artillerie, du génie, de l’administration et des ambulances, enfin tout ce qui constitue l’armée. Faites-moi connaître aussi comment sont placés le corps du général d’Erlon et celui du général Reille.

À Douai, faites-moi connaître quand toute l’artillerie nécessaire à ces corps sera formée et ce ‘qu’il y a actuellement.

Enfin je vous prie de me faire connaître l’état des ateliers d’armes qui doivent être dans toutes les places fortes pour réparer les fusils et les mettre en état.

Partout où vous trouverez des dépôts, vous me ferez connaître la situation des cadres des 3e, 4e et 5e bataillons, le nombre des vieux soldats qui ont rejoint, et quand on espère pouvoir envoyer de nouveaux renforts à l’armée.

On m’a beaucoup parlé de désertions. Vous prendrez l’état exact de toutes les désertions à l’ennemi, corps par corps, que vous m’enverrez.

Prenez aussi des renseignements sur la force des armées étran­gères qui sont vis-à-vis, et sur les positions qu’elles occupent. Vous m’écrirez de toutes les places.

Engagez d’Erlon et Reille à presser de tous leurs efforts la forma­tion de l’artillerie.

 

Paris, 26 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, faites connaître au maréchal duc d’Albufera, s’il est encore à Lyon, qu’il faut qu’il y reste. S’il en est parti, expédiez-lui une estafette pour l’y rappeler. Je donne définitivement à ce maréchal le commandement de l’armée des Alpes, qui comprendra les 7e et 19e divisions militaires. Il portera son quartier général à Chambéry.

Faites connaître au maréchal Grouchy qu’aussitôt qu’il sera rem­placé par le duc d’Albufera il revienne à Paris.

Pressez la levée des gardes nationales du Dauphiné et de la 6e division militaire.

 

Paris. 27 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, donnez Tordre au général Reille de porter son quar­tier général à Avesnes, de placer une division à Maubeuge et en avant de la ville dans les villages, de bien reconnaître toutes les positions de Maubeuge et de la frontière, de faire mettre dans le meilleur état de défense la place de Maubeuge, de s’assurer de deux ponts sur la Sambre, de bien visiter toute la frontière jusqu’à Philippeville afin de la connaître parfaitement, de faire fournir les travailleurs qui seront nécessaires pour Maubeuge, Bavay, Beaumont, et pour les têtes de pont sur la Sambre. Il réunira ses cinq divisions derrière la Sambre, à l’exception de la division qui, comme je viens de le dire, sera cantonnée à Maubeuge et en avant.

.Donnez ordre au général Drouet, comte d’Erlon, de porter son quartier général à Valenciennes, de reconnaître le camp de Maùlde et le camp de Famars, et de réunir toutes ses troupes entre Condé et Valenciennes, dans les cantonnements à portée de ces deux places. Il laissera une division à Lille, jusqu’à ce que les gardes nationales soient levées pour occuper cette place. Il retirera ses troupes de Ca­lais, de Dunkerque et de Boulogne aussitôt que cela sera possible.

Vous donnerez ordre à la 19e division de partir le 1er mai avec sa batterie d’artillerie, avec ses généraux de division et de brigade, et de se rendre à Laon, où cette division se cantonnera dans la ville et dans les villages environnants. Donnez cette division au général Sim-mer. Donnez le même ordre à la 6e division de réserve de cavalerie, qui partira également avec sa batterie. Vous aurez soin d’ordonner que chaque soldat ait ses cartouches, ses deux paires de souliers dans le sac, et que les cavaliers aient des fers de rechange. Le général Pire commandera ces deux divisions, qui se cantonneront aux environs, de Laon. Je verrai ces deux divisions avec leur artillerie, les sapeurs, le génie de ces divisions, le 1er mai, à huit heures, aux Champs-Élysées. Ils auront leur pain et partiront de là pour faire leur étape.

Pressez l’arrivée de la 20e division ; que sous aucun prétexte on ne retarde aucun des régiments qui la composent ; qu’ils ne fassent pas de séjours et qu’ils doublent l’étape quand l’étape est petite.

Faites-moi connaître quand la 21e division arrivera à Orléans.

Donnez ordre au 1er de hussards de faire halte à Laon, où il se joindra à la 6′ division de cavalerie et sera sous les ordres du gé­néral Pire.

Donnez ordre au général Vandamme de réunir son corps entre Rocroy et Mézières. La 10e division se réunira à Rocroy, la 11e divi­sion se réunira entre Mézières et Rocroy; le parc, entre Mézières et Rocroy. La 6e division de cavalerie se réunira également entre Mé­zières et Rocroy.

Vous donnerez ordre au comte d’Erlon et au général Reille, en cas d’événements imprévus, de prendre position derrière la Sambre.

Le général Vandamme, sur le premier avis qu’il recevra du commencement des hostilités, s’approcherait de la même position pour appuyer la droite dn camp établi derrière la Sambre, et, par ce mou­vement, ces trois corps se trouveraient réunis. Le général Pire, sur l’avis d’une attaque, marcherait sur Guise, ce qui compléterait la réunion des quatre corps d’armée.

Donnez ordre qu’on forme des magasins à Avesnes pour 100,000 hommes et pour 20,000 chevaux pendant dix jours. Proposez-moi un ordonnateur qui se rendra sur-le-champ à Avesnes pour y diriger en chef l’administration de ces années. Il prendra des mesures pour que Maubeuge, Avesnes, Capelle, Cambrai, Bavay et tous les points environnants fournissent l’approvisionnement dont je viens de vous indiquer les bases. Il faut établir des magasins par échelons, qui viennent sur Guise, Laon, Soissons, etc. Je n’ai pas besoin de dire qu’il faut des farines et réunir des moyens puissants.

Assurez-vous que les trois corps aient chacun leur ambulance. Faites partir pour Laon six compagnies d’équipages militaires pour faire le service des vivres.

Le général Ruty commandera l’artillerie; faites-le partir.

Qu’il y ait à Avesnes, Guise, Soissons, Maubeuge, Landrecies, Valenciennes, Condé, Philippeville, toutes les cartouches et muni­tions nécessaires pour f approvisionnement de ces places.

Pressez l’organisation des gardes nationales de la 2e division, qui doivent tenir garnison dans les places de la Meuse, afin que toutes les troupes deviennent sur-le-champ disponibles. Ces gardes natio­nales s’habilleront et s’arrangeront successivement dans les places.