Correspondance de Napoléon – Avril 1815

Paris, 14 avril 1815.

À M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris

Lundi prochain, à deux heures, je tiendrai un conseil des finances qui achèvera de me faire connaître notre situation. Voyez Mollien pour réunir tous les renseignements. Nous aviserons aux moyens d’arriver au budget. Vous devez avoir demandé aux ministres l’état de leur arriéré. Demandez-leur leur budget de 1814 et celui de 1815.

 

Paris, 14 avril 1815.

À M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris

Vous avez parlé hier de notes sur Mme d’Orléans et Mme de Bourbon. Je vous ai chargé d’un travail, pour mercredi prochain, sur ces prin­cesses. Mais je crois que, sans parler de leurs dettes, on peut d’abord régler leur pension et désigner leur résidence.

 

Paris, 14 avril 1815.

À M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris

Usez de tous vos moyens pour remettre en grande activité la vente des biens des communes. Il paraît qu’il y en a encore pour 52 mil­lions.

 

Paris, 14 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, il faut avoir trois équipages de ponts : en Flandre, pour les rivières de la Flandre ; à Metz, pour les rivières de la Mo­selle, de la Meuse et de la Meurthe; à Strasbourg, pour le Rhin. Faîtes-moi connaître ce que vous avez en équipages de ponts, en personnel de pontonniers, et pressez l’organisation de ce service.

 

Paris, 14 avril 1815.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Duc Decrès, votre budget a été réglé pour 1815, je crois, à 70 millions. Faites-moi connaître ce que vous pouvez faire avec cette somme. Si nous avions la guerre, il serait nécessaire d’ar­mer une partie quelconque de nos escadres, tant pour conserver les traditions de la mer que pour en imposer un peu à l’ennemi et donner du pain à nos matelots. Faites-moi connaître la portion de nos escadres à Toulon, à Brest, etc., que vous pouvez armer avec les ressources de votre budget. Faites-moi connaître également le parti que vous pouvez tirer des hommes de la marine pour la défense de Cherbourg, de Brest, de Dunkerque, de Lorient, de Rochefort et de Toulon. Il est nécessaire que vous adoptiez un système où tous les officiers de vaisseau, et ceux d’artillerie qu’on ne pourrait pas em­barquer et que la marine paye, fussent employés pour la défense de nos côtes et de nos établissements de mer.

 

Paris. 15 avril 1815.

NOTE POUR LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

L’Empereur demande sur le roi de Naples un rapport qui embrasse tous les événements de la dernière campagne (de 1814), le mal qu’il a fait alors à la France.

L’Empereur n’a reçu de lui aucune marque d’intérêt et pas même de souvenir à l’île d’Elbe. Il n’était pas de la dignité de l’Empereur malheureux d’aller au-devant de lui.

Le palais de Naples était meublé des effets les plus précieux que l’Empereur avait placés dans son palais de Rome.

La seule communication que l’Empereur ait eue avec le roi de Naples a été en partant de l’île d’Elbe, pour le prier de recevoir Ma­dame Mère.

Parler du congrès, en favorisant le roi de Naples autant que possible.

Faire sentir qu’il voulait s’emparer de l’Italie ; qu’il a attaqué le 22 les Autrichiens, quand il ignorait absolument la position de l’Em­pereur. Cela prouve plus que toute chose qu’il n’y avait aucun accord entre eux.

Ses proclamations au nom de Joachim ont fait demander à Bologne et à l’Italie si leur roi légitime était mort. Cette conduite impolitique a paralysé le mouvement national de l’Italie, dont les principaux ha­bitants, fidèles au fond du cœur à l’Empereur, n’ont pu voir qu’avec regret cette levée de boucliers. Le roi de Naples n’ayant pu donner aucune explication satisfaisante, ayant même montré de la haine aux Italiens qui avaient résisté à ses séductions en 1814, l’opinion de l’Italie ne l’a point secondé, et il s’est perdu.

Les agents de l’Autriche se sont emparés de l’incertitude des es­prits, du peu de disposition qu’on montrait pour le roi de Naples, et s’en sont fait des moyens contre lui.

Ce rapport doit être fait dans toute la vérité. Il doit contenir quel­ques rapprochements sur la conduite injuste de l’Angleterre et de l’Autriche envers le roi de Naples.

Si ce rapport, fait pour le conseil des ministres, était dans le cas d’être imprimé, on en retrancherait les choses personnelles qu’il conviendrait de retrancher par égard pour le roi.

 

Paris, 15 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, les quatorze régiments de cuirassiers et de carabiniers doivent avoir 7,000 chevaux. Ils en ont 3,900; ils doivent en rece­voir, par l’effet des marchés, 1,100 : il leur en manque donc 2,000. Mon intention est qu’ils soient fournis par la gendarmerie. Les quinze régiments de dragons doivent avoir 7,500 chevaux. Ils en ont 5,800; ils doivent en recevoir, par les marchés, 950 : il leur en manque donc 750. Je veux qu’on porte ces régiments à 600 chevaux, au lieu de 500; il faudrait donc alors, pour les quinze régiments, 9,000 chevaux, et il leur en manquerait 2,250, qui leur seraient éga­lement fournis par la gendarmerie. Ainsi la gendarmerie livrerait en tout 4,250 chevaux. Les gendarmes seront tenus d’être remontés dans l’espace de quinze jours.

Cette opération se ferait de la manière suivante. Vous répartiriez ces 4,250 chevaux entre toutes les légions. La première légion, par exemple, qui est forte de 660 chevaux, serait taxée à 260 ; 130 de ces chevaux seraient envoyés au 4e de cuirassiers, qui est à Évreux, et l’on aurait ainsi 130 hommes montés, qui pourraient se rendre aux escadrons de guerre; les autres 130 chevaux seraient donnés au 1er de dragons, qui est à Laon, et 130 hommes se trouveraient égale­ment montés sur-le-champ. La 15e légion, du département du Nord, est forte de 480 chevaux : elle pourrait être taxée à 200, dont 100 pour le 10e de cuirassiers, à Lille, et 100 pour le 15e de dragons, à Arras, et ainsi de suite. Les colonels et majors qui doivent tirer des chevaux de la gendarmerie iraient les choisir en en passant la revue. Les grands seraient pour les cuirassiers; les autres pour les dragons. Cette mesure nous procurerait, en peu de jours, plus de 4,000 chevaux, et porterait la grosse cavalerie à 15,000 chevaux.

La cavalerie légère, moyennant les 5,800 chevaux qui doivent être réunis au dépôt de Versailles, serait de 16,800 chevaux, les régiments étant de 600 chevaux ; mais je pense qu’il faut les mettre à 800, ce qui porterait la cavalerie légère à 22,000 chevaux. La plupart des régiments ont les hommes et les selles. Ce serait donc environ 6,000 chevaux à répartir sur tous les départements où se trouve la cavalerie légère. Il faudrait les payer sur-le-champ.

L’effectif de la grosse cavalerie serait donc de 15,000 chevaux, celui de la cavalerie légère de 22,000; total, 37,000. La grosse cavalerie serait complétée par les chevaux pour lesquels on a des marchés et par ceux qui doivent être livrés par la gendarmerie. La cavalerie légère serait complétée par les chevaux pour lesquels il y a des marchés, par les 5,800 chevaux qui doivent être réunis au dépôt de Versailles, en6n par les 6,000 chevaux qui seraient fournis par les départements. Ce n’est que par l’ensemble de tous ces moyens qu’on pourrait avoir de la cavalerie, et il faut s’en occuper sans perdre de temps.

 

Paris, 15 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, voilà quinze jours de perdus : les ateliers d’armes ne vont pas; il faut faire travailler à domicile. Il y a, à Paris, autant d’appareilleurs et d’ébénistes qu’il en faut ; donnez-leur les canons, baïonnettes, baguettes et platines, et faites un prix avec eux pour qu’ils montent chez eux les fusils.

La proposition que vous faites en premier n’a pas besoin de mon consentement : il serait ridicule de penser qu’un pauvre colonel d’artillerie puisse seul mener une machine comme celle-ci; ce n’est pas un major, c’est vingt officiers qu’il faut lui donner pour le seconder. J’avais cru que votre bureau d’artillerie avait commencé par là. Que le colonel Cotty reste à la tête de cette opération ; donnez-lui quatre majors, quatre chefs de bataillon, huit capitaines, seize lieutenants; que ces officiers d’artillerie, dont vous ne manquez pas, soient sans cesse à organiser les ateliers, à recevoir, à vérifier, à préparer des locaux, à requérir les ouvriers, les machines, les matériaux, tout ce qui est nécessaire. Encore une fois, on n’a encore rien fait. Tous ces officiers d’artillerie que vous attacherez ainsi à l’atelier de Paris et à celui de Versailles seront sous votre main pour être envoyés en mis­sion partout où il sera nécessaire, pour activer le mouvement des armes portatives, faire marcher les convois, et, si l’ennemi s’avan­çait, faire évacuer les ateliers de Maubeuge et de Charleville sur Paris ; enfin pour faire des inspections tous les huit jours dans toutes les manufactures, afin qu’on expédie sur Paris aussitôt qu’il y aura 500 fusils de prêts. Je suis cependant instruit qu’il y en a en ce mo­ment un plus grand nombre à Maubeuge; la guerre pourrait éclater, et ces fusils, renfermés dans des places frontières, ne seraient d’au­cune utilité. Ne m’écrivez plus; prenez toutes les mesures qui sont nécessaires, et rendez-moi compte seulement deux fois par semaine de ce que vous aurez ainsi ordonné. Vous sentez bien que vous n’avez pas besoin de mon autorisation pour employer 20 ou 30 offi­ciers. Si le choix des locaux était un obstacle, prenez les casernes; on pourra cantonner les troupes ou les loger plus loin; prenez les abattoirs, prenez des églises, les anciennes salles de spectacle, etc. Mais pour tout cela il faut de l’activité et du monde. Chargez un bon quartier-maître d’artillerie ou un bon commissaire des guerres de la comptabilité des ateliers. Il est fâcheux que tout cela n’ait pas été fait il y a vingt jours. Le salut de l’État est attaché aux fusils, puisqu’avec les dispositions actuelles de la nation, si nous avions un million de fusils, nous les emploierions sur-le-champ. Il faut nous monter, par jour, plusieurs milliers de fusils; vous avez près de 100,000 canons; cela ferait donc, dans cinquante jours, 100,000 fusils de plus que vous auriez.

Si les locaux de Versailles ne vous sont pas nécessaires, faites-les préparer pour recevoir les ouvriers de Maubeuge. Écrivez à l’entre­preneur, au général d’artillerie, au commandant de la place, au com­mandant de la division, qu’aux premières hostilités toute la manu­facture de Maubeuge ait à s’en venir à Versailles. Ordonnez à l’entrepreneur de tenir en arrière, dans les places, ses magasins et matériaux précieux, el de préparer toutes ses mesures pour pouvoir les transporter.

 

Paris, 15 avril 1815.

Au comte Carnot, ministre de l’intérieur, à Paris.

Monsieur le Comte Carnot, dans le travail d’aujourd’hui, j’ai ordonné que M. le baron de Lameth partit sans délai pour Toulouse. Il vient de me représenter que c’est lui qui, en 1790, a fait la mo­tion pour la suppression des parlements, et il désire en consé­quence, n’être pas envoyé dans une ville parlementaire. Cette raison, me parait bonne. Je désire donc que vous envoyiez dès demain le baron Lameth à Amiens, où il a à s’occuper de l’organisation des gardes nationales. Le baron Himbert-Flégpy n’est pas assez fort pour Toulouse; proposez-moi, sans délais un mouvement dans les préfets pour remplir le poste de Toulouse et pour placer le baron Himbert.

 

Paris, 15 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, je vous envoie une dépêche télégraphique qui an­nonce que le drapeau tricolore flotte à Marseille. Donnez l’ordre qu’à midi il soit tiré cent coups de canon aux Invalides. Vous ferez impri­mer la dépêche télégraphique sur-le-champ, et vous la ferez répandre avec profusion. Vous enverrez l’ordre à Lille et à Strasbourg qu’on fasse tirer cent coups de canon dans ces deux villes et sur toutes les places de nos frontières. Vous donnerez le même ordre à Brest pour cette ville et pour toutes les places de la côte.

 

Palais des Tuileries, 16 avril 1815.

ALLOCUTION A LA GARDE NATIONALE DE PARIS.

Soldats de la garde nationale de Paris, je suis bien aise de vous voir. Je vous ai formés, il y a quinze mois, pour le maintien de la tranquillité publique dans la capitale et pour sa sûreté. Vous avez rempli mon attente. Vous avez versé votre sang pour la défense de Paris; et, si des troupes ennemies sent entrées dans vos murs, la faute n’en est pas à vous, mais à la trahison, et surtout à la fatalité qui s’est attachée à nos affaires dans ces malheureuses circonstances.

Le trône royal ne convenait pas à la France : il ne donnait aucune sûreté au peuple sur ses intérêts les plus précieux ; il nous avait été imposé par l’étranger. S’il eût existé, il eût été un monument de honte et de malheur. Je suis arrivé, armé de toute la force du peuple et de l’armée, pour faire disparaître cette tache et rendre tout leur éclat à l’honneur et à la gloire de la France.

Soldats de la garde nationale, ce matin même le télégraphe de Lyon m’a appris que le drapeau tricolore flotte à Antibes et à Mar­seille. Cent coups de canon, tirés sur toutes nos frontières, appren­dront à l’étranger que nos dissensions civiles sont terminées; je dis les étrangers, parce que nous ne connaissons pas encore d’ennemis. S’ils rassemblent leurs troupes, nous rassemblons les nôtres. Nos armées sont toutes composées de braves qui se sont signalés dans plusieurs batailles et qui présenteront à l’étranger une frontière de fer, tandis que de nombreux bataillons de grenadiers et de chasseurs de gardes nationales garantiront nos frontières. Je ne me mêlerai point des affaires des autres nations : malheur aux gouvernements qui se mêleraient des nôtres ! Des revers ont retrempé le caractère du peuple français; il a repris cette jeunesse, cette vigueur qui, il y a vingt ans, étonnaient l’Europe.

Soldats, vous avez été forcés d’arborer des couleurs proscrites par la nation; mais les couleurs nationales étaient dans vos cœurs. Vous jurez de les prendre toujours pour signe de ralliement et de défendre ce trône impérial, seule et naturelle garantie de nos droits ! Vous jurez de ne jamais souffrir que des étrangers, chez lesquels nous avons paru plusieurs fois en maîtres, se mêlent de nos consti­tutions et de notre gouvernement ! Vous jurez enfin de tout sacrifier à l’honneur et à l’indépendance de la France !

Nous jurons ! Tel a été le cri unanime de toute la garde nationale.

 

Paris, 16 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, donnez ordre au général Lecourbe de se rendre à Belfort pour y prendre le commandement des m divisions d’infanterie qui se réunissent là. La cavalerie sera sous ses ordres. Pressez la marche des troupes qui doivent se rendre à Belfort.

Donnez ordre au général Dessaix de se rendre à Chambéry, pour prendre le commandement de la division qui se réunit sur ce point. Donnez de nouveaux ordres pour les trois divisions qui doivent com­poser le corps des Alpes; qu’une se réunisse à Chambéry, une à Grenoble et l’autre en Provence. Donnez ordre que la division de cavalerie se porte sur la ligne, à Chambéry. Donnez ordre, à Gre­noble, qu’on prépare toute l’artillerie du corps d’armée. Donnez ordre, par une estafette extraordinaire, au général qui commande à Lyon de diriger la division Girard sur Chambéry ou Grenoble, si elle est encore à Lyon. La division Dessaix se réunira à Chambéry, et les troupes qui doivent sortir de Provence pour cette division se mettront en grande marche.

Les troupes qui viennent de Corse resteront en Provence et for­meront la division de Provence.

Le général Grouchy portera, aussitôt qu’il pourra, son quartier général à Chambéry. Le général Brayer prendra le commandement des gardes nationales de Lyon et de la 19e division.

Enfin donnez l’ordre au maréchal Brune de se rendre à Marseille et dans la 8e division : il aura le gouvernement de la Provence.

La réunion à Chambéry de forces composées d’infanterie, de cava­lerie et d’artillerie est indispensable, ainsi, que la présence d’un corps de troupes à Belfort, tant pour agir moralement sur la Suisse que pour aider à ce qui se passe en Italie.

 

Paris, 16 avril 1815.

À M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris

Monsieur le Duc de Gaète, j’ai consenti avec peine à remettre le travail à jeudi. Je pense qu’il faudrait toujours avoir un travail de­main pour voir où nous en sommes. Tous les services de la guerre ne marchent pas, parce que l’arriéré arrête tout. Nous prendrons tou­jours quelque détermination. Venez donc demain à trois heures avec Mollien.

  1. S. L’affaire de la garde nationale est très-importante.

 

Paris, 17 avril 1815.

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris.

Monsieur le Comte Bigot de Préameneu, puisque l’évêque de Vannes a donné sa démission, quel inconvénient y aurait-il à l’ac­cepter ? Cet homme était mauvais, il suffirait de veiller à ce que le chapitre donnât ses pouvoirs à un homme bien intentionné.

 

Paris, 17 avril 1815.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Duc Decrès, je vous renvoie la lettre du contre-amiral Lhermitte ; faites-en faire des extraits pour le Moniteur. Je pense qu’il est nécessaire que vous mettiez en commission une escadre de cinq vaisseaux de guerre et trois frégates, en faisant cependant le moins de frais possible. Vous devez ôter l’amiral Dumanoir de Toulon. Faites-moi connaître à qui on pourrait confier le commandement de cette escadre.

Il serait important de demander des dépêches au ministre des rela­tions extérieures et de faire partir un aviso pour Constantinople, afin d’apprendre à Ruffin ce qui se passe. Cet aviso passerait par Naples, et porterait à la reine des lettres du prince Joseph, de la princesse Hortense et des numéros du Moniteur depuis le 20 mars. Envoyez à la Reine un capitaine de frégate jeune et de distinction, qui lui por­terait des nouvelles et reviendrait sur un autre bâtiment. L’aviso continuera sa route. Envoyez également un brick à Alger, Tunis et Maroc, afin de donner des nouvelles de ce qui se passe. Prévenez-en le ministre des relations extérieures pour qu’il écrive. Prévenez-le également que dans huit jours vous ferez partir un autre bâtiment pour porter des nouvelles aux agents en Afrique.

 

Paris, 17 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, donnez ordre que les 24e et 20e régiments se rendent à Chambéry avec le général Girard, c’est-à-dire le V et le 14e; qu’on prenne des mesures pour cantonner ces troupes au 1er mai; qu’on leur fournisse douze pièces d’artillerie de Grenoble et une compagnie de sapeurs; que le général Girard se tienne ainsi en avant de Chambéry; que le 4e de hussards, le 13e de dragons et le 10e de chasseurs rejoignent cette armée sous les ordres d’un général de divi­sion de cavalerie et de deux généraux de brigade; que le général Dessaix réunisse sa division à Grenoble, de manière qu’au 1er mai elle puisse venir camper ou se cantonner en avant de Chambéry; on donnera deux autres batteries d’artillerie au général Dessaix ; que le général Grouchy porte son quartier général à Chambéry ; il aura là sous ses ordres trois régiments d’infanterie et trois de cavalerie ; que les huit régiments qui composeront ces deux divisions soient portés chacun à quatre bataillons, ce qui fera trente-deux bataillons, ou seize bataillons par division; qu’on complète d’abord les bataillons à 600 hommes et ensuite à 840 ; qu’une compagnie d’artillerie légère du régiment qui est à Valence soit attachée à ce corps d’armée. Le corps du général Grouchy ou le 7e d’observation sera donc ainsi com­posé de deux divisions d’infanterie, formant trente-deux bataillons ou 25,000 hommes, de trois régiments de cavalerie, qui seront portés chacun à 600 chevaux, ce qui fera 1,800 chevaux, de trente pièces de canon et de deux compagnies de sapeurs, avec leurs outils.

Ce corps de ligne sera augmenté de seize bataillons de grenadiers ou chasseurs, à prendre sur les quarante-deux du Dauphiné, lesquels seize bataillons seront cantonnés autour du fort Barreaux, comman­dés par le lieutenant général Chabert et deux maréchaux de camp, et ayant douze pièces de canon. Ils pourront être employés active­ment jusqu’à la limite des montagnes, c’est-à-dire jusqu’au mont Cenis. Les vingt-six autres bataillons seront distribués de la manière suivante : un bataillon au fort Barreaux, huit bataillons à Briançon, six bataillons à Mont-Lyon, quatre bataillons à Colmar, sept batail­lons à Grenoble; total, vingt-six. Les bataillons de Briançon, de Mont-Lyon et de Colmar seront dans chaque place sous les ordres d’un maréchal de camp. Aussitôt que ces trois divisions seront for­mées, elles occuperont les crêtes qui dominent les Alpes et les cols que notre comité de défense désignera, afin d’obliger l’ennemi à nous opposer un pareil nombre de forces.

Il sera formé, en Provence, un 9e corps, qui sera composé de trois divisions; chaque division sera forte de trois régiments. À cet effet, vous ordonnerez que deux régiments de ceux qui étaient destinés au corps des Pyrénées, où il parait que nous n’avons rien à craindre, se portent dans la 8e division. La 3e division sera compo­sée de douze bataillons de grenadiers de gardes nationales. On atta­chera à ce corps un régiment de cavalerie qui sera également retiré du corps des Pyrénées. Le maréchal Brune commandera le 9e corps, en même temps qu’il sera gouverneur de la Provence. On lui orga­nisera, à Antibes ou à Toulon, le matériel de quatre batteries à pied, c’est-à-dire trente-deux pièces de canon, et il y sera attaché le per­sonnel convenable.

Le général Grouchy, que je viens de faire maréchal de France, prendra des mesures pour faire déserter les Piémontais, et il mena­cera de se porter sur le mont Cenis, cette diversion devenant utile au roi de Naples, qui paraît décidément être aux mains avec l’Autriche.

 

Paris, 18 avril 1815

Au prince Cambacérès, chargé du portefeuille de la justice, à Paris.

Mon Cousin, je désire que vous m’apportiez demain, au conseil, un rapport avec votre opinion sur les objets suivants :

1° Un grand nombre d’individus refusent le serment; par exemple, le sieur Dambray. Que faut-il faire à l’égard de leurs personnes et de leurs biens ?

2° Un grand nombre de Français ont suivi le comte de Lille; par exemple, le maréchal Bellune, les généraux Bordesoulle et Maison. On leur a fait des insinuations pour rentrer; ils ont répondu qu’ils ne reviendraient qu’à la tête de 500,000 hommes. Des agents civils sont dans le même cas ; par exempte, le comte de Scey, ancien pré­fet du Doubs, qui donne des ordres dans ce département en se qua­lifiant de commandant pour le roi. D’autres individus sont en Espagne. Comment doit-on agir sur leurs personnes et sur leurs biens ?

3° Des agents employés à l’étranger, rappelés par le duc de Vicence, ont déclaré vouloir continuer à porter la cocarde blanche et à servir le comte de Lille : comment agira-t-on sur leurs personnes et sur leurs biens ?

Après avoir discuté ces questions, proposez-moi des mesures effec­tives et conformes à ce qu’exigent la loi de l’État et les circonstances.

 

Paris, 18 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 17 avril. Donnez des ordres sur-le-champ à tous les généraux commandant les divisions militaires pour qu’ils fassent passer, par les maréchaux de camp commandant leurs départements, des revues des 3e, 4e, et 5e bataillons des corps qui sont dans la division, et qu’ils fassent sur-le-champ partir, avec le 3e bataillon, tout ce qui sera disponible, savoir : s’il y a plus de 400 hommes, on fera partir tout le 3e bataillon, en ayant soin que le cadre soit bien complet ; s’il n’y a que 200 hommes, on fera par­tir trois compagnies, et, aussitôt qu’on aura les 200 autres, on fera partir les trois dernières compagnies. Ces bataillons ou demi-batail­lons se mettront en marche pour se diriger sur le lieu où sont leurs bataillons de guerre. Vous comprenez que mon but est de grossir le plus tôt possible l’armée active. Vous donnerez ordre également que ces maréchaux de camp passent la revue des dépôts de cavalerie et fassent partir tous les hommes qu’il y aurait aux dépôts, montés et en bon état, jusqu’à la concurrence de ce qui est nécessaire pour com­pléter les escadrons de guerre à 150 chevaux ou le régiment à 450 cavaliers. Ainsi il n’y aurait que 10 hommes, il faut qu’ils les envoient. Si, au contraire, les trois escadrons de guerre sont à 450 hommes, les maréchaux de camp ne feront partir du 4e esca­dron que des compagnies fortes au moins de 60 hommes; ils atten­dront, s’il le faut, qu’une compagnie ait atteint ce nombre pour la faire partir; mais je pense qu’il y a bien peu de régiments qui aient ce nombre de 450 hommes à l’armée, et qu’ainsi tout ce qui est disponible dans les dépôts pourra partir; ce qui augmentera de 12 à 1500 chevaux notre cavalerie active. Vous ordonnerez aux généraux de .division et maréchaux de camp de renouveler cette opération tous les huit jours, afin de faire partir chaque semaine des détachements pour renforcer l’armée active.

 

Paris, 18 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, donnez ordre à Lemarois de faire partir sur-le-champ les deux régiments qui sont au Havre et ceux de Cherbourg.

Les dépôts, les bons citoyens de la Normandie et les troupes de marine suffiront d’abord pour garder ces places, et d’ailleurs ils vont recevoir le décret sur les gardes nationales; mais il est important que nos troupes soient sur les frontières. Actuellement que le Midi est pacifié, donnez l’ordre positif que tous les régiments qui se trou­vent de ce côté se rendent à la destination que je leur ai donnée. Tous les régiments qui, sans se détourner de plus de trente lieues, peuvent passer par Paris, vous les ferez passer par cette ville. Don­nez des ordres pour que, aussitôt que les 3e bataillons des régiments seront complétés à plus de 400 hommes, on les mette en marche pour rejoindre les deux premiers; faites-moi connaître à quels batail­lons vous donnerez ces ordres. Toutes les nouvelles d’Espagne sont telles, qu’il n’y a absolument rien à craindre sur cette frontière et je pense que les 3e ou 4e bataillons seront suffisants. Faites-moi con­naître où se trouvent actuellement les régiments qui sont sur la fron­tière des Pyrénées, infanterie et cavalerie. Je pense qu’un régiment de cavalerie à Toulouse et un à Bordeaux sont suffisants, d’autant plus que les 4e et 5e escadrons des six régiments dont les dépôts sont dans le Midi seront bientôt en état de rendre des services. Je pense également que six régiments d’infanterie suffiront, d’autant plus que nous les renforcerons des 3e et 4e bataillons des douze régi­ments dont les dépôts sont de ce côté; il restera donc six régiments disponibles. J’en ai déjà envoyé deux en Provence. Je pense qu’il est convenable que vous me proposiez de réunir provisoirement les qua­tre autres à Avignon, ainsi que le régiment de cavalerie qui devien­dra disponible. Cette division sera là en réserve, et j’attendrai que les circonstances se décident pour lui donner une destination. Il fau­drait qu’à Toulouse on préparât pour cette division douze pièces de canon.

En résumé, les douze régiments des Pyrénées seront employés de la manière suivante : deux se rendront en Provence, au 9e corps, ainsi qu’un régiment de cavalerie; trois seront placés à Bordeaux, Bayonne, Saint-Jean-Pied-de-Port, Pau, etc., avec un régiment de cavalerie et douze pièces de canon. Ces régiments formeront des garnisons et surveilleront les frontières. On pourra y joindre les 3e et 4e bataillons de tous les régiments qui sont dans le Midi. Cela fera une première division. Une autre division sera formée de trois régi­ments placés à Montpellier, Toulouse, Bellegarde, etc., avec un régiment de cavalerie et douze pièces de canon. La 3e division se réunira à Avignon; elle sera composée de quatre régiments, d’un régiment de cavalerie et de douze pièces de canon. Toutes ces troupes, même la division d’Avignon, feront toujours partie du corps des Pyrénées ; mais cette division d’Avignon sera toute prête à se porter sur les Alpes, si les circonstances le rendaient nécessaire. Il n’y a que ce que vous enverrez en Provence qui ne comptent plus dans le corps des Pyrénées.

 

Paris, 18 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, j’ai reçu votre rapport du 16 ; il était inutile de four­nir aucuns fonds pour acheter des selles aux six régiments qui sont au-delà de la Loire; il n’est aucun régiment de cavalerie qui n’ait en magasin 2 ou 300 selles. Je sais qu’il existe à Metz, et dans plu­sieurs autres places, de grands magasins d’effets d’équipement pro­venant des régiments supprimés. Je vois avec peine que le ministère de la guerre n’a aucun renseignement là-dessus. Il faut que les chefs de division fassent faire des recherches à cet égard, et vous verrez que nous avons, en habillements de cavalerie, plus de ressources que vous ne pensez.

L’état des selles que vous m’avez remis n’est pas exact; les régi­ments ont beaucoup plus de selles qu’ils n’ont d’hommes et de chevaux.

Quant à la remonte, vous ne m’avez pas compris. Dans la lettre détaillée que je vous ai écrite à cet égard, je vous disais que les colo­nels devaient s’adresser aux préfets pour avoir des chevaux, s’ils n’en peuvent trouver par des marchés, en leur donnant l’argent qu’ils avaient en caisse pour cela. Cette opération devrait être faite en huit jours. Le général Bourcier passant des marchés avec les fournisseurs pour 6,000, 4,000 étant fournis par la gendarmerie, voilà 13,000 chevaux par ces trois moyens. Indépendamment de cela, on s’en procurera 8,000 dans les départements; nous aurons alors 20 à 21,000 chevaux.

Je désire que tous les régiments de dragons soient complétés à 600 chevaux. II faut aussi augmenter la cavalerie légère. Il est hors de doute que les régiments de cavalerie vont recevoir beaucoup d’hommes, puisqu’il y a bien 10,000 hommes de cavalerie en congé. Il est donc probable que chaque régiment recevra 2 ou 300 hommes. Il faut pourvoir à leur habillement. À cet effet, mon intention est d’utiliser tous les habits qui sont en magasin, provenant des régi­ments qui ont été supprimés; on choisira ceux qui approcheront le plus de l’uniforme des régiments.

Vous n’avez pas besoin de faire faire des selles ; je suis instruit qu’il y en a, à Paris, un grand nombre chez les marchands. Mettez à la disposition des régiments de cavalerie de la Garde les fonds qu’ils doivent avoir pour leur remonte.

Il résulte de l’état d’effectif que vous m’avez remis que les régi­ments de cavalerie doivent avoir 40,600 hommes, qu’ils n’en ont que 37,700, qu’il manque 3,932 et qu’il y en aura 1,000 de trop, excé­dant le complet. Je pense que vous devez laisser les régiments dans l’état où ils se trouvent, parce que ceux qui n’ont pas leur complet ne tarderont pas à l’avoir, au moyen des anciens soldats qui rentre­ront, et, si plus tard il se trouvait des régiments qui ne l’aient pas, vous y pourvoiriez. Mon intention est d’avoir 30,000 chevaux de cavalerie légère. Aussitôt que vous aurez les situations au 1er avril, je désire que vous me les remettiez, afin que je parte de là pour porter quelques régiments au-delà de leur complet. Il n’est pas stric­tement nécessaire que tous les régiments soient égaux ; il faut profiter des circonstances, et l’espèce de passion qu’on a en général pour les hussards en rendra le recrutement très-facile. Pour augmenter les chevaux : par exemple, le 4e hussards a 960 hommes; ordonnez qu’il se procure, au lieu de 600 chevaux, 300 de plus; le 15e de chasseurs a 830 hommes; accordez-lui 200 chevaux de plus. Suc­cessivement, je veux porter ma cavalerie légère à 1,000 chevaux par régiment.

 

Paris, 18 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, j’ai destitué les généraux Souham, Dupont, Dessoles, Maison, Edmond Périgord, d’Aultanne, Monnier, Loverdo, Curto, Briche, Leclerc, etc. Mon intention est que ces généraux soient effacés des contrôles, des pensions de retraite, ou de réforme, ou même d’activité qu’ils auraient obtenues.

 

Paris, 18 avril 1815.

Au maréchal Masséna, prince d’Essling, à Marseille.

J’ai reçu votre lettre du 13 et celle du 14 avril. J’ai vu votre pro­clamation avec plaisir.

Je vous remercie d’avoir conservé Toulon et Antibes, et surtout Toulon. J’ai frémi à l’article de votre lettre où j’ai vu l’ordre que vous aviez reçu du duc d’Angoulême de livrer ce dépôt précieux aux An­glais. Dans le premier moment, j’ai envoyé le maréchal Brune commander dans la 8e division.

Je désire beaucoup vous voir. Si l’état de votre santé ne vous rend pas propre à autre chose qu’à retourner dans le Midi, je vous y renverrai de Paris.

 

Paris, 19 avril 1815.

NOTE POUR LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

  1. Baudus doit partir sur-le-champ pour se rendre au golfe Juan.

Il dira au roi de Naples que Sa Majesté désire qu’il choisisse une campagne agréable entre Grenoble et Sisteron pour y habiter jusqu’à l’arrivée de la reine et jusqu’à ce que les nouvelles de Naples soient arrêtées.

Il lui témoignera en termes honnêtes et réservés les regrets que l’Empereur éprouve de ce que le roi a attaqué sans aucun concert, sans traité, sans aucune mesure prise pour pouvoir instruire les fidèles sujets d’Italie de ce qu’ils devaient faire, ni les diriger dans le sens de l’intérêt commun.

Le roi a décidé l’année dernière du sort de la France en paraly­sant l’armée d’Italie, puisqu’il en est résulté une différence de 60,000 hommes à notre désavantage.

Il est peu convenable que le roi vienne à Paris.

La reine doit y venir avant lui, afin que le public s’accoutume à sa disgrâce.

  1. Baudus le consolera et l’assurera que l’Empereur oublie tous ses torts, quelque graves qu’ils soient, pour ne voir que ses mal­heurs. Mais il désire ne le voir venir à Paris que lorsque tout ce qui le concerne sera arrêté.
  1. Baudus est chargé de cette mission de confiance, parce qu’on sait qu’il est très-agréable au roi. Il correspondra directement avec le ministre. Il peut tout dire sur la conduite privée et politique du roi.
  2. Baudus, agent de l’Empereur, doit lui faire sentir :

Que, si l’Empereur avait voulu qu’il entrât en Italie; il lui aurait fait connaître ses intelligences;

Que des proclamations datées de Paris auraient produit un tout autre effet ;

Qu’il a perdu la France en 1814;  en 1815 il l’a compromise et s’est perdu lui-même ;

Que sa conduite en 1814 l’a perdu dans l’esprit des Italiens, parce qu’ils ont vu qu’il abandonnait la cause de l’Empereur.

 

Paris, 20 avril 1815.

Au comte Carnot, ministre de l’intérieur, à Paris.

Monsieur le Comte Carnot, je désire que vous m’apportiez ce soir, avec votre opinion, la rédaction définitive d’un projet de décret qui contiendrait les dispositions suivantes :

Tous les maires, adjoints et membres des conseils des communes cesseront leurs fonctions au 1er mai.

Les préfets présenteront sur-le-champ, en remplacement, des maires, adjoints et conseillers des communes, qui aient la confiance du peuple. Ces présentations seront faites par les préfets à des com­missaires extraordinaires qui seront envoyés dans chaque division militaire.

Les commissaires extraordinaires se présenteront ensuite dans chaque chef-lieu de département, et nommeront tous les maires, adjoints et conseillers de commune, d’arrondissement et de dépar­tement.

Il y a, je crois, vingt-deux divisions militaires; déjà plusieurs commissaires extraordinaires s’y trouvent. Présentez-moi, pour com­pléter la liste de ces commissaires extraordinaires, des conseillers d’État, quelques anciens sénateurs, comme Pontécoulant, Boissy d’Anglas ; quelques membres de l’ancienne chambre, comme Bedoch. Par ce moyen, chaque division aura un commissaire.

Il faut que ces commissaires puissent partir demain, car ce renou­vellement de tous les maires est de la plus haute importance,

Dans un autre projet de décret, je désire que vous me proposiez les dispositions suivantes :

Tous les officiers et commandants des gardes nationales cesseront leurs fonctions au 1er mai. Les préfets présenteront sur-le-champ à nos commissaires extraordinaires les nominations à faire en rempla­cement.

Voyez s’il faudrait prendre la même mesure pour les juges de paix. Il peut y avoir des plaintes contre les juges de paix, mais je ne pense pas qu’en général cette classe soit dans le sens du parti royaliste.

Je crois qu’à la prompte exécution de ces mesures est attaché le salut public.

Préparez-moi les instructions pour les commissaires.

Même opération sur les sous-préfets. Vous me proposerez un troi­sième projet de décret pour que les commissaires les renouvellent tous.

Mes commissaires ne s’arrêteront pas là. Ils feront une enquête sur les administrations et régies, sur les payeurs, percepteurs, offi­ciers forestiers, employés de l’enregistrement, enfin sur tous ceux qui occupent des places à ma nomination. Ils relèveront sur-le-champ tous ceux qui ont des dispositions opposées et dont le salut public commande le remplacement.

Les commissaires feront prêter serment aux nouvelles municipa­lités et au nouveau corps d’officiers des gardes nationales, et revien­dront sur-le-champ à Paris, où ils vous rapporteront toutes les no­minations qu’ils auront faites. Vous ferez ensuite régulariser par ma signature tout ce qui en aura besoin.

 

Paris, 20 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, ne composez le comité de défense que des généraux Dejean, Marescot, Rogniat et du colonel Bernard, Ces quatre offi­ciers suffisent : à eux quatre, ils doivent connaître toute la France. Ils appelleront tous les officiers du génie qui connaissent plus particulièrement des localités. Le travail que je demande est entièrement du ressort du génie. Je désigne Bernard, parce que, étant dans mon cabinet topographique, il sera plus à même de demander ce dont j’aurai besoin. Je désire qu’on me fasse une description des frontières, des places fortes, des inondations. On s’occupera d’abord de la frontière du Nord et de tous les ouvrages de campagne à faire au Nord et sur le Rhin ; en seconde ligne, sur la Somme et dans les Vosges; enfin sur le Jura et les Alpes.

 

Paris, 20 avril 1815.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.

Mon Cousin, donnez ordre qu’on arme, qu’on fortifie, qu’on ap­provisionne, enfin qu’on mette à l’abri d’un coup de main Langres. Faites-moi connaître la situation de Laon.

 

Paris, 21 avril 1815.

NOTE.

Le décret proposé (projet de décret, présenté par le prince Cambacérès, ministre de la justice, relatif aux mesures à prendre à l’égard des généraux qui ont suivi Louis XVIII et des personnes qui prétendent exercer son autorité) parait bien conçu, mais il est inutile, puisqu’il n’ajoute rien à la législation existante; il n’est, en réalité, qu’un ordre du ministre de la justice.

L’Empereur juge convenable que les ministres de l’intérieur, des affaires étrangères, de la police, de la guerre et de la marine envoient au ministre de la justice la note des individus qui sont dans le cas d’être poursuivis, avec les rapports, pièces ou renseignements qui autorisent cette disposition à leur égard. Ainsi le ministre de la guerre enverra les pièces relatives aux généraux Maison, Bordesoulle et de Bellune ; le ministre de l’intérieur, celles qui concernent le sieur Scey (ex-préfet du Doubs) ; et le ministre des affaires étrangères, la déclaration faite par le sieur de Talleyrand, ministre en Suisse, de rester dans cette qualité au service de Louis XVIIL

Le ministre de la justice, en conséquence de ces communications, ordonnera aux procureurs généraux de faire poursuivre.

II est important de mettre en mouvement quelques affaires de ce genre, afin de fixer le vague qui existe encore dans les idées sur cette sorte de délit. On aura soin de faire faire mention dans les papiers publics du commencement des procédures.

 

Palais de l’Élysée, 22 avril 1815.

DÉCRET.

Article premier. Il sera organisé un ou plusieurs corps francs dans chacun des départements frontières de l’Empire.

Ces corps francs porteront le nom de leur département, et, dans les départements où il y en aura plusieurs, ils se distingueront par le numéro d’ordre de leur formation.

Art. 2. Les individus qui auront les qualités nécessaires pour lever un corps franc s’adresseront au ministre de la guerre ou au préfet. Le préfet, après s’être concerté avec le commandant du dé­partement et le commandant de la gendarmerie, enverra au ministre de la guerre son rapport sur les services, l’expérience et la capacité de l’officier qui aura demandé à lever un corps franc, ainsi que sur l’influence dont il jouit dans le département.

Art. 3. Les officiers admis à lever un corps franc seront brevetés par nous. L’officier breveté par nous pour lever un corps franc pourra donner des commissions de capitaines, lieutenants, sous-lieu­tenants et sous-officiers. Il enrôlera des hommes de bonne volonté, soit parmi les gardes nationales qui ne font pas partie des compa­gnies actives, soit parmi les soldats en retraite, soit parmi les gardes forestiers et autres employés, sous quelque titre que ce soit; bien entendu que ceux-ci ne pourront être distraits de leurs fonctions qu’au moment où le département serait envahi.

Art. 4. L’infanterie et la cavalerie de ces corps seront organisées comme l’infanterie et la cavalerie des troupes légères.

Ces corps ne seront tenus à aucun uniforme régulier.

Le maximum de leur formation sera de 1.000 hommes pour l’in­fanterie et de 300 pour la cavalerie.

L’infanterie sera armée indifféremment de fusils de guerre et de fusils de chasse. La cavalerie, étant de l’arme des lanciers, aura une lance sans banderole.

Art. 5. Les corps francs s’armeront, s’équiperont et se monteront à leurs frais. Ils ne recevront aucune solde ni de guerre ni de paix ; ils auront droit aux vivres de campagne, mais seulement au moment de la guerre.

Art. 6. Les corps francs pourront avoir deux pièces de canon de 3 ou de 4, et dans ce cas le matériel leur sera fourni de nos arse­naux.

Ils seront toujours tenus d’avoir avec eux de la poudre et des balles pour 600 coups.

Art. 7. Si l’ennemi venait à entrer dans un de nos départements, les corps francs se placeraient sur ses derrières pour intercepter ses convois, ses courriers, ses officiers d’ordonnance et aides de camp, et tous ses hommes isolés. Ils bivouaqueront toujours dans les bois, dans les lieux escarpés ou sous la protection des places fortes.

Art. 8. Tout ce que les corps francs prendront sur l’ennemi sera de bonne prise et à leur profit. Les canons, caissons et effets mili­taires seront achetés par l’État au prix des trois quarts de la valeur. Chaque prisonnier fait à l’ennemi, qu’ils remettront à la gendarmerie ou au dépôt dans les places fortes, leur sera payé 30 francs.

Il leur sera payé : 100 francs pour chaque lieutenant ou sous-lieutenant qu’ils prendront; 200 francs pour un capitaine; 500 francs pour un chef de bataillon ou major; 1,000 francs pour un colonel; 2,000 francs pour un général ou maréchal de camp; 4,000 francs pour un lieutenant général.

Les prisonniers qu’ils feront sur les officiers civils à la suite de l’armée ennemie leur seront payés suivant l’assimilation du grade.

Tous trésors, bagages, qu’ils prendront leur appartiendront.

Tout aide de camp, officier d’ordonnance, courrier ou porteur d’ordres de l’armée ennemie, qu’ils prendront leur seront payés à raison de 2,000 francs.

La répartition de ces sommes et profits sera faite d’après un règle­ment que dressera notre ministre de la guerre sur les principes de partage adoptés pour les armements en course dans la guerre ma­ritime.

Art. 9. Il pourra être également formé des corps francs dans les départements de l’intérieur.

Ils ne sortiront de leurs départements qu’au moment où les hos­tilités éclateraient, et ils pourront se diriger sur la frontière de leur choix, en prenant les ordres du ministre de la guerre.

Art. 10. Nos ministres de la guerre et de l’intérieur sont chargés de l’exécution du présent décret.