Correspondance de Napoléon – Avril 1815
Paris, 4 avril 1815.
LETTRE CIRCULAIRE AUX SOUVERAINS.
Monsieur mon Frère, vous aurez appris, dans le cours du mois dernier, mon retour sur les côtes de France, mon entrée à Paris et le départ de la famille des Bourbons. La véritable nature de ces événements doit maintenant être connue de Votre Majesté. Ils sont l’ouvrage d’une irrésistible puissance, l’ouvrage de la volonté unanime d’une grande nation qui connaît ses devoirs et ses droits. La dynastie que la force avait rendue au peuple français n’était plus faite pour lui : les Bourbons n’ont voulu s’associer ni à ses sentiments ni à ses mœurs; la France a dû se séparer d’eux. Sa voix appelait un libérateur. L’attente, qui m’avait décidé au plus grand des sacrifices, avait été trompée. Je suis venu, et du point où j’ai touché le rivage l’amour de mes peuples m’a porté jusqu’au sein de ma capitale.
Le premier besoin de mon cœur est de payer tant d’affection par le maintien d’une honorable tranquillité. Le rétablissement du trône impérial était nécessaire au bonheur des Français. Ma plus douce pensée est de le rendre en même temps utile à l’affermissement du repos de l’Europe. Assez de gloire a illustré tour à tour les drapeaux des diverses nations ; les vicissitudes du sort ont assez fait succéder de grands revers à de grands succès. Une plus belle arène est aujourd’hui ouverte aux souverains, et je suis le premier à y descendre. Après avoir présenté au monde le spectacle de grands combats, il sera plus doux de ne connaître désormais d’autre rivalité que celle des avantages de la paix, d’autre lutte que la lutte sainte de la félicité des peuples. La France se plaît à proclamer avec franchise ce noble but de tous ses vœux. Jalouse de son indépendance, le principe invariable de sa politique sera le respect le plus absolu de l’indépendance des autres nations.
Si tels sont, comme j’en ai l’heureuse confiance, les sentiments personnels de Votre Majesté, le calme général est assuré pour longtemps, et la justice, assise aux confins des divers États, suffira seule pour en garder les frontières.
Je saisis avec empressement cette occasion pour vous renouveler les sentiments de la sincère estime et de la parfaite amitié avec lesquels je suis,
Monsieur mon Frère,
Votre bon Frère,
Napoléon.
Paris, 5 avril 1815.
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Duc Decrès, je vous envoie un rapport sur les colonies; examinez-le. Proposez-moi de nouvelles nominations pour la Guadeloupe et la Martinique. On assure que les troupes sont très-bonnes. Je désirerais que vous fissiez ouvrir des négociations avec Saint-Domingue sur les principes que j’ai développés au conseil. Il n’y a pas un moment à perdre pour me proposer le renouvellement des agents des colonies, dans la double hypothèse de la paix ou de la guerre.
Paris, 5 avril I815.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.
Mon Cousin, l’occupation de Bordeaux va influer sur celle de Toulouse. Ordonnez à Morand de se diriger en avant sur cette ville pour y installer le général Maurice Mathieu, auquel vous avez donné le commandement de la 10e division. Ordonnez-lui de se porter également sur la 9e division pour y installer le général qui doit la commander, et enfin sur Pont-Saint-Esprit pour seconder l’opération sur Marseille. Chargez-le de donner un régiment de cavalerie au général Clause!, qui paraît en avoir besoin. Commandez au général Clausel de faire des mouvements de petites colonnes pour favoriser la soumission de Toulouse.
Paris, 5 avril 1815.
À M. Maret, duc de Bassano, ministre secrétaire d’état, à Paris.
Faites savoir à Lyon, par le télégraphe, que nous sommes entrés à Bordeaux, qui a arboré le pavillon tricolore, ainsi que toute la Dordogne jusqu’aux Pyrénées. La duchesse d’Angoulême s’est embarquée le 1er avril, à huit heures du soir.
Paris, 6 avril 1815.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.
Mon Cousin, je vous renvoie tout le dossier relatif aux places de la Fère, de Soissons et de Château-Thierry. J’ai tant d’occupations, que je n’ai pas le temps d’entrer dans ces détails, et je ne puis que m’en rapporter au génie.
Paris, 6 avril 1815.
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Duc Decrès, faites-moi connaître dans quelle situation sont les îles Saint-Marcouf, et envoyez des ordres à la marine, à Cherbourg, pour qu’on les mette en bon état. Vous savez quels embarras ces îles nous ont donnés avant la paix d’Amiens.
Paris, 6 avril 1815.
Au comte Carnot, ministre de l’intérieur, à Paris.
Monsieur le Comte Carnot, le ministre de la police m’a communiqué une lettre du préfet de Lyon, qui m’indique la nécessité de faire des changements dans la municipalité et dans l’état-major de la garde nationale de cette ville, si les insurgés approchaient davantage. Quoique je reçoive des nouvelles que la marche des troupes de Grenoble et de celles de Lyon les ait forcés de se retirer, il est cependant nécessaire d’y faire les changements indiqués, afin que les autorités municipales et la garde nationale soient à la hauteur de l’opinion du peuple. Donnez-en l’ordre positif à Rœderer. Ôtez le maire, si cela est nécessaire. Bien que le danger paraisse passé, comme, par la suite, d’autres circonstances pourraient se présenter, il faut que Lyon nous offre toute la force de sa population. Vous ordonnerez au préfet d’augmenter la garde nationale et de la porter au moins à 10,000 hommes. Recommandez-lui spécialement d’organiser la garde nationale du faubourg de la Guillotière et des autres faubourgs. Qu’il organise aussi deux compagnies de canonniers. Il est convenable de tenir à la tête de cette garde nationale un général en activité. J’y ai envoyé le général Brayer ; mais, s’il me devenait nécessaire, je le remplacerais par un autre. La même opération doit être faite dans toutes les villes de la 19e division militaire. Écrivez dans ce sens à Thibaudeau et à Marchant pour Dijon. Qu’ils utilisent leur mission en purgeant les municipalités et en organisant les gardes nationales sur le principe du dixième de la population.
Paris, 6 avril 1815.
Au comte Defermon, président de la section des finances au Conseil d’État, à Paris.
Monsieur le Comte Defermon, je vous ai nommé directeur de la caisse de l’extraordinaire, dont le décret que je viens de rendre vous fera connaître l’objet. Les fonds de cette caisse se composent de la recette des jeux et de toutes les recettes éventuelles qui n’ont pas été comprises dans le budget, telles que journaux, etc.
Le titre deuxième de mon décret vous fait connaître la manière de procéder pour secourir les habitants des départements de la Champagne, de la Lorraine et de l’Alsace, dont les maisons ont été détruites par les événements de la guerre. Je désire que vous placiez en premier ordre les villes de Nogent, de Méry, d’Arcis-sur-Aube, comme celles à qui les secours sont plus nécessaires.
Le titre troisième est relatif aux donataires des trois dernières classes, au secours desquels il est pressant de venir.
Vous voudrez bien me rendre compte tous les mois des opérations de la caisse de l’extraordinaire, de ses recettes et des distributions à faire entre les donataires.
Paris, 7 avril 1815.
Au général Caulaincourt, duc de Vicence, ministre des affaires étrangères, à Paris.
Monsieur le Duc de Vicence, je désire que vous me fassiez un rapport qui sera lu au conseil des ministres samedi et imprimé dimanche dans le Moniteur. Ce rapport fera connaître les relations que nous avons eues avec l’Angleterre et ses réponses ; les relations que nous avons eues avec la Suisse et ses réponses ; ce que nous savons sur les projets des alliés ; nos relations avec le roi de Naples, les avantages qui doivent en résulter, et ce que nous savons sur ses opérations. Ce rapport doit être clair et vrai. Il doit être rédigé dans deux buts :
Le premier, de mettre la nation an fait de la situation des choses en insinuant ce que nous avons appris des dispositions de l’ennemi et du projet qu’il avait de partager et d’affaiblir la France. Vous ne manquerez pas de faire observer que nous avons imprimé tous leurs actes, tandis qu’ils n’ont imprimé aucun des nôtres; que les puissances qui veulent nous faire la guerre ne peuvent y parvenir qu’en trompant les peuples sur notre véritable situation ; que nous ne voulons tromper personne, et que nous voulons faire connaître toute la vérité.
Le second but sera de faire connaître qu’on se plaît à nous représenter, comme les hommes de 93, dans l’anarchie la plus complète ; que ce n’a pas été une des moindres raisons qui nous ont engagé à fonder, par un quatrième plébiscite, une véritable liberté sans anarchie, telle qu’il la faut pour le bonheur intérieur de la nation et sans alarmer aucune puissance.
Vous sentez l’importance de ce rapport dans ce double but ; travaillez-y de manière qu’il puisse paraître dimanche dans le Moniteur. (Ce rapport a été publié dans le Moniteur du 14 avril 1815.)
Paris, 8 avril 1815.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.
Mon Cousin, j’approuve que les deux bataillons du 73e partent pour Lille; que les deux bataillons du 65e qui sont avec le général Morand, partent pour Mézières, pour faire partie de la 10e division d’infanterie; que le 74e parte sur-le-champ de Brest pour se rendre à la 11e division; que les deux bataillons du 45e, qui sont avec le général Morand, partent sur-le-champ pour se rendre à Metz ; que les 41e et £(>’ régiments partent lundi prochain pour se diriger sur Metz; que les deux bataillons du 35e parlent lundi pour se rendre en Alsace. Au lieu des deux bataillons du 6e léger qui devaient se rendre en Alsace pour faire partie de la 17e division au 5e corps, vous prendrez deux bataillons des régiments qui étaient en Provence. J’approuve que le 61e régiment fasse partie de la 9e division, et le 72e de la 12e et qu’ils partent sur-le-champ.
Les quatre régiments qui sont en marche pour Lyon formeront un corps d’observation des Alpes, en Provence. Ils seront remplacés par quatre régiments de ceux qui sont dans le Midi, excepté le 10e régiment de ligne, qui paraît avoir besoin de revenir dans le Nord. Il sera nécessaire que ces régiments composant la 18e division viennent se réunir à Belfort.
Le général Morand réunira la 21e division dans l’endroit qu’il jugera le plus convenable.
Le général Grouchy aura le commandement du 7e corps et du corps d’observation des Alpes. Deux divisions actives se réuniront à Chambéry et à Grenoble, et l’autre en Provence.
Le général Clausel commandera le corps d’observation des Pyrénées. Une division sera réunie du côté de Toulouse, une du côté de Bayonne, et la troisième dans l’intervalle.
Le 4e de hussards et le 13e de dragons feront partie du corps du général Grouchy, avec un des quatre régiments de cavalerie légère qui sont dans le Languedoc, celui qui a le plus besoin de changer de pays. Les trois autres régiments resteront au corps d’observation du général Clausel.
J’approuve que le 6e de dragons parte lundi pour Metz, et que le 11e fasse partie de la 5e division. J’approuve que le 9e de dragons vienne joindre le 6e à Paris.
J’approuve que les trois régiments qui forment la 9e division de cavalerie partent lundi pour se rendre à Belfort; que le Ier de hussards parte pour la 7e division ; qu’on envoie le 3e de dragons à la 5e division et le 3e de hussards à la 2e division. Je désire avoir, le plus tôt possible, l’état de tous les officiers généraux, des généraux d’artillerie, des officiers d’état-major, etc., qui seront employés à ces différentes divisions.
Paris, 9 avril 1815.
ALLOCUTION À L’ARMÉE.
(Cette allocution fut prononcée par l’Empereur dans une revue au Carrousel.)
Soldats ! Je viens d’avoir la nouvelle que le pavillon tricolore est arboré à Toulouse, à Montpellier et dans tout le Midi. Les commandants et les garnisons de Perpignan et de Bayonne avaient annoncé formellement qu’ils n’obéiraient point aux ordres donnés par le duc d’Angoulême, de livrer ces places aux Espagnols, qui d’ailleurs ont fait connaître, depuis, qu’ils ne voulaient pas se mêler de nos affaires. Le drapeau blanc ne flotte plus que dans la seule ville de Marseille. Mais, avant la fin de cette semaine, le peuple de cette grande cité, opprimé par les violences du parti royaliste, aura repris tous ses droits. De si grands et de si prompts résultats sont dus au patriotisme qui anime toute la nation et aux souvenirs que vous avez conservés de moi. Si, pendant une année, de malheureuses circonstances nous ont obligés de quitter la cocarde tricolore, elle était toujours dans nos cœurs. Elle redevient aujourd’hui notre signe de ralliement : nous ne la quitterons qu’avec la vie.
L’Empereur a été interrompu par ces mots répétés par toutes les bouches : Oui, nous le jurons !
Soldats ! Nous ne voulons pas nous mêler des affaires des autres nations; mais malheur à ceux qui voudraient se mêler des nôtres, nous traiter comme Gènes ou comme Genève, et nous imposer des lois autres que celles que la nation veut ! Ils trouveraient sur nos frontières les héros de Marengo, d’Austerlitz, d’Iéna; ils y trouveraient le peuple entier, et, s’ils ont 600,000 hommes, nous leur en opposerons deux militons.
J’approuve que pour vous rallier vous ayez fait des drapeaux tricolores. Ce ne sera qu’au Champ-de-Mai, et en présence de la nation assemblée, que je vous rendrai ces aigles qui si souvent furent illustrées par votre valeur et virent fuir les ennemis de la France.
Soldats! le peuple français et moi nous comptons sur vous; comptez aussi sur le peuple et sur moi.
Paris, 9 avril 1815.
Au comte de Montalivet, intendant de la couronne, à Paris.
Témoignez ma satisfaction à Vernet pour son beau tableau de la bataille de Marengo. Je crois que ce tableau a été commandé par moi et qu’il m’appartient. Faites donner à Vernet une gratification de 6,000 francs.
Paris, 9 avril 1815, huit heures du soir.
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Duc Decrès, faites sortir sur-le-champ de Brest le préfet maritime. Remplacez-le par un homme sûr, qui commandera la marine et les marins. En général, dans la crise actuelle, il ne faut envoyer ou conserver que des hommes sur lesquels on puisse entièrement compter, tels que Cosmao, Violette, Troude, et qui aient de la réputation et de l’ascendant sur les gens de mer. Faites-en partir un aussi pour commander Dunkerque, où les marins sont mauvais. Qu’il parte dans la nuit. Faites sortir de Brest le commandant de place.
Paris. 9 avril 1815, huit heures du soir.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.
Mon Cousin, faites partir cette nuit un lieutenant général ou un maréchal de camp, capable et ferme, pour commander Dunkerque. Écrivez au comte d’Erlon et recommandez-lui de veiller sans cesse sur Dunkerque : tous les efforts des émigrés et de l’ennemi se portent sur cette ville, où ils voudraient opérer un mouvement pour s’en emparer. Faites partir aussi 50 gendarmes à pied de Paris, bien connus et bien choisis. Ils se rendront par les voitures publiques à Dunkerque. Si vous avez un bon inspecteur ou colonel, faites-le partir également.
Paris, 10 avril 1815.
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Duc Decrès, je vois par les nouvelles que je reçois que Marseille arborera aujourd’hui ou demain la cocarde tricolore.
Je désire que vous envoyiez à Porto-Ferrajo une frégate pour y prendre Madame. Elle s’informera des nouvelles de la princesse Pauline, qui doit être à Viareggio, près de Lucques, et l’embarquera si elle y est.
Expédiez un aviso pour Naples, avec les copies de toutes les lettres qu’a écrites le ministre des relations extérieures. Vous pouvez vous-même taire une collection de tous les numéros du Moniteur depuis le 20 mars jusqu’à cette époque, et les envoyer, avec une lettre, au roi de Naples, pour lui faire connaître l’heureux état des affaires en France.
Paris, 10 avril 1815.
Au général Caulaincourt, duc de Vicence, ministre des affaires étrangères, à Paris.
Monsieur le Duc de Vicence, Marseille est soumise; il est donc nécessaire que vous fassiez partir sur-le-champ un chargé d’affaires pour Constantinople., et un ministre pour Naples. Si cela convenait au général Belliard, il serait très-propre à cette mission.
Paris, 10 avril 1815.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.
Mon Cousin, je viens d’appeler près de 100,000 gardes nationaux, grenadiers et chasseurs, pour garnir nos frontières. Une partie viendront armés, et vous devez donner ordre aux préfets de leur procurer toutes les armes dont on pourra disposer dans le pays. Il serait nécessaire de disposer, en faveur de l’autre partie, des armes qui sont à réparer. On finirait de les réparer dans les places fortes, pendant même que les places seraient bloquées, si la guerre avait lieu avant que ces réparations fussent terminées.
Paris, 10 avril 1815.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.
Mon Cousin, donnez ordre au général Dalesme de partir pour se rendre à Toulon et de là à l’île d’Elbe, dont il sera gouverneur. Il aura sous ses ordres le général de brigade Lapi. Envoyez à ce dernier ses lettres de service, et témoignez-lui ma satisfaction pour la conduite qu’il a tenue, lui et les habitants de l’île, dans les dernières circonstances. Le général Dalesme aura tous les pouvoirs civils et militaires dans l’île. Il recevra de la Corse un bataillon de 5 à 600 hommes. Il embarquera à Toulon une compagnie d’artillerie, complétée à 120 hommes, et un bataillon de 600 hommes des troupes qui sont à Toulon ; de sorte qu’il aura pour la défense de l’île un bataillon des troupes qui sont à Toulon, 500 hommes; un bataillon corse, 500 hommes ; une compagnie d’artillerie, 120 hommes ; le bataillon franc de l’île, 500 hommes ; les gardes nationales, 200 hommes; total, 1,820 hommes.
Donnez ordre au général Dalesme de vous désigner un chef de bataillon d’artillerie et un capitaine du génie, qu’on pourrait envoyer à Porto-Ferrajo. Donnez-lui ordre également de désarmer entièrement Porto-Longone et de le mettre hors de service. Laisser seulement six pièces de canon au fort Focardo et six autres pièces sur affûts marins, pour la défense de la côte.
Vous direz au général Dalesme qu’il vienne me parler avant son départ.
Paris, 10 avril 1815.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.
Mon Cousin, je désire qu’il soit établi sur-le-champ trois comités de défense pour les frontières du Nord, depuis Dunkerque jusqu’à l’Alsace : en première ligne, pour la défense de Landau à Huningue ; en deuxième ligne, pour la défense des Vosges, et en troisième ligne, pour celle des montagnes du Jura et des frontières des Alpes. Les généraux Dejean, Marescot et un autre général présideront ces comités. Ils indiqueront aussi les points et les débouchés des frontières qu’il faudrait faire occuper par les grenadiers et chasseurs de la garde nationale. Tout cela est de la plus grande urgence; il faut s’en occuper sans délai.
Paris, 10 avril 1815.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.
Mon Cousin, donnez ordre au prince d’Essling de se rendre à Paris. Donnez le même ordre au général Corsin. Il faut un général pour commander à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône; il en faut un pour Toulon et le Var; il en faut un pour les Basses-Alpes; ce qui fait trois maréchaux de camp. Il faut, en outre, un lieutenant général pour commander la division, indépendamment du général Grouchy, qui commandera supérieurement. Il est nécessaire de changer tous les officiers qui sont à Antibes ; de mettre de bons commandants d’armes à Marseille, à Antibes et à Toulon et autres postes, en envoyant des officiers de Paris, qui portent dans ces places un nouvel esprit.
Paris, 10 avril 1815.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.
Mon Cousin, je pense que le lieutenant général que vous avez à envoyer dans le Nord, pour y organiser les gardes nationales de la 16e division, y compris celles des départements de l’Aisne et de la Somme, pourrait être le général Sébastiani. Donnez-lui l’ordre de s’y rendre avec le nombre de maréchaux de camp nécessaire pour qu’il y en ait un dans chaque arrondissement. Voilà plus de 200 chefs de bataillon, plus de 200 capitaines, un grand nombre de lieutenants généraux, de maréchaux de camp, de colonels et de majors qui vont être employés dans cette organisation des gardes nationales. Prenez de préférence tout ce qui est à Paris; et que tout cela, parti avant le 12, soit rendu avant le 15. Que les bataillons de gardes nationales soient sur pied avant le 25. Désignez les places fortes de chaque division où doivent se réunir les bataillons de grenadiers et chasseurs, en réunissant tous ceux d’une même légion, district ou sous-préfecture, dans un même lieu. Par ce moyen, avant le 1er mai, toutes nos places fortes du Nord, de la Meuse, de l’Alsace, de la Franche-Comté et des Alpes auront une grande quantité de troupes ; et un grand nombre de généraux et d’officiers se trouveront là, dans les sous-préfectures, pour réunir les basses compagnies de la garde nationale au moment d’une invasion, et les placer où il sera nécessaire. Ainsi nos troupes deviendront entièrement disponibles.
Paris, 10 avril 1815.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.
Mon Cousin, vous effacerez de la liste des maréchaux le prince de Neuchâtel, le duc de Raguse, le duc de Bellune, le maréchal Pérignon, le duc de Castiglione, le duc de Valmy. En conséquence, faites connaître au maréchal Pérignon qu’il peut rester à sa campagne et qu’il est inutile qu’il vienne à Paris. Vous me présenterez un travail pour accorder une pension, en forme de retraite, à ceux de ces maréchaux qui n’ont pas de fortune. Vous me ferez connaître ce qu’ils ont et ce qu’ils tiennent du domaine extraordinaire.
Paris, 10 avril 1815.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.
Mon Cousin, vous devez envoyer à la police le nom de tous les officiers de la Maison du roi qui prêtent le serment. Tous ceux qui ont servi avec nous et qui n’ont manqué par aucun acte extérieur, tous ceux enfin qui ont le cœur pour moi resteront à Paris, et même vous les emploierez sans faire attention s’ils sortent de la Maison du roi ou non.
Paris, 10 avril 1815.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.
Mon Cousin, faites publier sur nos frontières, depuis Lille jusqu’à Landau, que tous les anciens soldats de la rive gauche du Rhin et de la Belgique qui ont servi sous nos aigles seront admis de nouveau à servir et dirigés sur les régiments qu’on forme pour les recevoir. On pourrait répandre cet avis par des petits billets imprimés, et l’on aurait bientôt 8 ou 10,000 anciens soldats. Il faut faire la même chose sur la frontière des Alpes pour nos anciens soldats de Piémont et d’Italie.
Paris. 10 avril 1815.
Au comte Carnot, ministre de l’intérieur, à Paris.
Monsieur le Comte Carnot, il parait que toute la Provence arborera aujourd’hui ou demain la cocarde tricolore ; ainsi on peut regarder l’insurrection du Midi comme terminée.
Envoyez un auditeur qui s’embarquera à Toulon pour la Corse et portera des pouvoirs au préfet. Ordonnez la dissolution de la junte extraordinaire que j’avais organisée. Faites connaître, par une proclamation, qu’ayant ordonné que toutes les troupes reviennent en France je compte sur le patriotisme des habitants pour défendre la Corse. Donnez l’autorisation au général de Launay et au préfet d’organiser les gardes nationales selon les habitudes et les coutumes du pays, de manière que dans chaque circonstance elles puissent se porter sur tous les points qui seraient menacés.
Vous annoncerez que le duc de Padoue va se rendre en Corse chargé de pouvoirs extraordinaires. Faites-le venir pour lui faire part de mes intentions. Il devra être prêt à partir dans trois ou quatre jours. Vous lui ferez ses instructions : il organisera la garde nationale et destituera tous les employés nommés par le roi, qu’il renverra sur-le-champ en France; il formera un bataillon de 500 hommes, tous Corses, qui sera envoyé à Porto-Ferrajo pour la défense de l’île d’Elbe, sous les ordres du général Dalesme, gouverneur. Enfin je lui donne l’autorisation de distribuer six croix d’officier de la Légion d’honneur et trente croix de légionnaire à ceux des habitants qui se seraient le plus distinguée lorsque le pavillon tricolore a été arboré. Il ne sera conservé dans les emplois que les Français que j’avais nommés avant le 1er avril 1814. Il pourra cependant laisser quelques-uns des habitants de la Corse nommés par le roi. Il renverra en France tous les employés français qui se seraient mal comportés.
Paris, 11 avril 1815.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.
Mon Cousin, je désire que vous me présentiez demain le nombre de places que nous avons sur la frontière du Nord, le nombre d’hommes que donnera la garde nationale sédentaire de ces places et la distribution à faire, entre ces places, des bataillons de grenadiers que j’ai organisés pour le Nord par mon décret d’hier. Faites-moi connaître aussi les positions importantes à garder sur cette frontière, soit passages de rivières, soit lignes de canaux, soit débouchés de forêts, et quel accroissement il serait nécessaire de donner aux bataillons de grenadiers des villes voisines pour occuper tous ces postes. Il y a aussi dans le Nord un système d’inondation qu’il faut me faire connaître.
Je vous prie aussi de me faire le même rapport pour la 2e division ou la frontière de la Meuse : quelles places avons-nous à occuper ? Quelle force présente leur garde nationale sédentaire ? Quelle est la distribution qu’il convient de faire entre ces places des bataillons de grenadiers et de chasseurs que je viens de lever? Quels sont les ponts, les passages de rivières et autres postes qu’il convient d’occuper ?
Je vous fais la même demande pour les 3e et 4e divisions. J’y forme quarante-deux bataillons de grenadiers et de chasseurs ; une partie doit être pour la frontière, l’autre doit prendre position dans les défilés des Vosges qu’on doit retrancher.
Quelle sera la distribution des trente-cinq bataillons de la 5e division ?
Les seize bataillons de la 6e doivent fournir des garnisons aux places fortes, et le reste doit occuper les défilés du Jura.
Enfin comment emploiera-t-on les quarante-deux bataillons de la 7e division qui doivent occuper les places des Alpes et les cols ou défilés des montagnes ?
Je désire d’abord avoir un rapport général pour savoir si toutes ces gardes nationales sont nécessaires sur la partie de la frontière qui leur est affectée.
Vous me présenterez également demain la formation des trois commissions de défense. Il est nécessaire qu’elles s’occupent, avec la plus grande activité, à reconnaître toutes les positions et à prescrire toutes les fortifications de campagne qu’il est nécessaire d’élever. Il doit y avoir beaucoup de travaux de cette espèce à faire sur le Rhin ; il doit y en avoir beaucoup à faire sur les Alpes, sur les Vosges et sur le Jura.
Présentez-moi demain, dans le conseil des ministres, l’état de tous les lieutenants généraux, maréchaux de camp, chefs de bataillons et capitaines qui vont aller organiser ces bataillons, afin que le 1er mai toutes ces gardes nationales soient rendues dans les places fortes où elles doivent se réunir.
Faites-moi connaître si vous avez suffisamment d’armes pour armer toutes ces gardes nationales.
Paris, 11 avril 1815.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.
Mon Cousin, je vous envoie les observations du général Drouot sur le rapport de votre bureau d’artillerie. Les fusils n° 1 doivent être spécialement pour les gardes nationaux. Les fusils trop courts peuvent cependant rendre beaucoup de services. Il faut avoir égard à ces observations, car, dans les circonstances où nous nous trouvons, la fabrication des armes est le premier moyen de salut de l’État. Vous ne m’avez pas encore remis un état de situation des travaux ; il me semble que cela va bien lentement. Il faut calculer comme si l’ennemi devait nous déclarer la guerre à peu près du 1er au 15 mai. A-t-on établi dans toutes les places fortes des ateliers pour réparer les armes des gardes nationaux ?
Paris, 11 avril 1815.
Au général comte Grouchy, commandant le 7e corps, à Pont-Saint-Esprit.
Monsieur le Comte Grouchy, l’ordonnance du roi en date du 6 mars et la déclaration signée le 13 à Vienne par ses ministres pouvaient m’autoriser à traiter le duc d’Angoulême comme cette ordonnance et cette déclaration voulaient qu’on traitât moi et ma famille. Mais, constant dans les dispositions qui m’avaient porté à ordonner que les membres de la famille des Bourbons pussent sortir librement de France, mon intention est que vous donniez des ordres pour que le duc d’Angoulême soit conduit à Cette, où il sera embarqué, et que vous veilliez à sa sûreté et à écarter de lui tout mauvais traitement.
Vous aurez soin seulement de retirer les fonds qui ont été enlevés des caisses publiques et de demander au duc d’Angoulême qu’il s’oblige à la restitution des diamants de la Couronne, qui sont la propriété de la nation. Vous lui ferez connaître en même temps les dispositions des lois des assemblées nationales, qui ont été renouvelées et qui s’appliquent aux membres de la famille des Bourbons qui entreraient sur le territoire français.
Vous remercierez en mon nom les gardes nationales du patriotisme et du zèle qu’elles ont fait éclater, et de rattachement qu’elles m’ont montré dans ces circonstances importantes.
Paris, 12 avril 1815.
NOTE DICTÉE EN CONSEIL DES MINISTRES.
Le ministre de l’intérieur réunira le comte de Sussy, le comte Chaptal et M. Ferrier, directeur général des douanes, pour examiner la question des entrepôts et des ports francs.
II faudra d’abord bien établir les différences qui se trouvent entre les ports francs de Marseille et de Gênes, et les entrepôts réels, tels qu’ils existent dans plusieurs de nos ports.
Ces différences bien constatées, on traitera la question de savoir s’il est convenable de convertir la plupart de nos entrepôts réels en ports francs semblables à celui qui existait à Gênes.
Si cette question était décidée par l’affirmative, le port franc de Marseille, tel qu’il a été rétabli par l’ordonnance du roi, se trouverait détruit; il serait constitué comme celui de Gênes, et nous aurions trois ou quatre ports francs en France.
Il convient de s’appliquer dans l’organisation des ports francs à simplifier les formalités, à éviter les lenteurs, afin que les versements des caboteurs ou de tous autres bâtiments puissent se faire avec le plus de célérité et le moins de formalités possible. Le but qu’il importe d’atteindre est que toutes les espèces d’expédition n’éprouvent
pas plus de retard qu’elles n’en éprouvaient, soit sous le régime antérieur à la Révolution, soit sous le régime de la dernière ordonnance du roi. .
Si la discussion conduit à ce résultat, qui est en ce moment considéré comme hypothétique, il faudra, dans un rapport d’apparat, exposer les inconvénients qui résulteraient du système ancien ou du système récent pour les fabriques de France, pour celles même de Marseille, et spécialement pour la ville qui, placée pour ainsi dire hors de France, éprouverait des gênes sensibles dans son commerce avec l’intérieur. Le danger pour nos manufactures, en général, est d’une évidence palpable, puisqu’il résulte de l’impossibilité de repousser la contrebande des marchandises, étrangères du même genre que les nôtres.
L’entrepôt réel, dans le temps où il fut accordé à un grand nombre de ports de France, fui considéré comme un bienfait. Marseille n’en jugea pas ainsi, parce qu’elle compara les avantages de son entrepôt réel avec ceux du port franc de Gènes, et il faut reconnaître aujourd’hui que le régime du port franc de Gènes est beaucoup plus favorable au commerce. Dans le port franc de Gènes, les négociants avaient la faculté de manipuler à leur gré leurs marchandises; dans l’entrepôt réel, on ne pouvait pas toucher à un ballot sans le concours des agents des douanes. Les douaniers n’entraient pas dans le port franc de Gènes; ils surveillaient, ils agissaient à toute heure dans l’entrepôt réel de Marseille. Dans l’un, ils ne gardaient que les portes extérieures; dans l’autre, ils exerçaient la surveillance sur les marchandises dans quelque lieu qu’elles fussent placées. Les différences sont essentielles.
On aura donc, en résultat, à examiner si le port franc tel qu’il existait à Gênes, et qui semble devoir satisfaire tous les intérêts, répondra aux vœux de la ville de Marseille. On pourrait établir des ports francs organisés de la même manière à Bayonne, à Bordeaux, à Nantes , à Dunkerque, etc.
Paris, 13 avril 1815.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, ministre de la guerre, à Paris.
Mon Cousin, j’ai reçu votre lettre du 12 de ce mois, dans laquelle vous me faites connaître que vous manquez d’armuriers. Cependant le préfet de police m’a rendu compte qu’un grand nombre d’ouvriers s’est rendu aux ateliers et y a été refusé. Il faudrait, dans ces circonstances, aider un peu et commander un grand nombre de bois de fusils dans le faubourg Saint-Antoine. Les ouvriers se procureraient le noyer, et, dans le cas où ce bois manquerait; on pourrait en employer un autre. On m’assure également que beaucoup de pièces de rechange pourraient être faites par des ouvriers chez eux. Il faudrait donner le plus d’extension possible à ces ateliers.
Voici nos besoins d’armes : la Garde va être augmentée de 20,000 hommes; la ligne va être augmentée de 100,000 vieux soldats qui arrivent; enfin les 200 bataillons de gardes nationales, ou 120,000 hommes; ce serait donc 240,000 fusils qu’il nous faudrait avant le 15 mai. Je suppose que toute l’infanterie actuelle est armée:
Si vous avez contremandé les pistolets et les carabines, et si les réparations vont avec une activité convenable, les ateliers doivent pouvoir nous fournir cette quantité d’armes vers la mi-mai. Il y aura aussi quelques gardes nationales à former.
Paris, 14 avril 1815.
Au prince Cambacérès, chargé du portefeuille de la justice, à Paris.
Mon Cousin, je désire que vous fassiez, pour le prochain conseil des ministres, un rapport sur la situation des émigrés. J’apprends qu’il s’en forme des rassemblements en différents endroits. Beaucoup de ces individus jouissent encore de leurs biens en France. II est nécessaire de prendre des mesures pour les réprimer, car, s’ils s’aperçoivent qu’on ne fait rien pour empêcher leurs rassemblements, ils augmenteront, et déjà ils ont plutôt augmenté que diminué.
Paris, 14 avril 1815.
Au comte Carnot, ministre de l’intérieur, à Paris.
Monsieur le Comte Carnot, je vous renvoie un rapport du ministre de la guerre, du 13. Je ne veux point de régiment provincial en Corse, mais quatre bataillons de chasseurs organisés comme l’infanterie légère. Le ministre de la guerre enverra des instructions pour leur habillement, pour cette année; et, jusqu’à ce qu’on y ait envoyé des draps du continent, ils seront habillés avec des draps du pays. Les officiers à demi-solde seront, la plupart, employés en France, dans le royaume de Naples ou en Italie.
Il est sans exemple que j’aie autorisé un général à donner autant de décorations de la Légion d’honneur qu’il le voudrait. Il est également inconvenant, quant à la comptabilité, qu’aucun individu n’ait le droit illimité de tirer sur le trésor national. Recommandez au gouverneur d’agir avec modération; qu’il laisse marcher l’administration selon la forme accoutumée; qu’il ne fasse rien d’extraordinaire, à moins que ce ne soit indispensable; qu’il ne change même personne de place, que dans le cas où la sûreté du pays l’exigerait; qu’il ne change également rien au séjour actuel des autorités. Il est nécessaire qu’il corresponde fréquemment avec le général Dalesme, gouverneur de l’île d’Elbe, afin de se porter mutuellement les secours que les circonstances exigeraient.
Paris, 14 avril 1815.
Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris
Monsieur le Comte Mollien, les rentes en 5 pour 100 consolidés sont dues à la princesse Borghèse, à la princesse Élisa et aux princes de ma Maison comme à tous les autres particuliers : elles doivent leur être payées; cela ne peut faire une question.
Les 500,000 francs de rente du prince Louis-Napoléon lui ont été donnés contre des biens de la Hollande, cédés à la caisse d’amortissement. Il faut vous faire remettre le compte de cette caisse. Si elle a vendu tous les biens, il n’y a aucun doute que les 500,000 francs n’appartiennent au prince Louis-Napoléon et ne doivent lui être payés. Si, au contraire, elle n’a vendu qu’une partie de ces biens, on doit compter de clerc à maître, et restituer à la caisse d’amortissement ce qui lui revient et réduire la rente selon le montant des biens vendus.
Quant aux apanages, il n’est rien dû aux princes depuis le 1er avril 1814 jusqu’au 20 mars 1815, si ce n’est ce qui leur a été alloué par le traité de Fontainebleau ; vous devrez en faire faire le décompte. Depuis le 20 mars jusqu’à la fin de 1815, je réglerai l’apanage des princes de ma Maison. Enfin, pour l’arriéré jusqu’au 1er avril 1815, on doit payer ce qui leur est dû. Dressez-en des états, et vous me les soumettrez.
Paris, 14 avril 1815.
Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris
Monsieur le Comte Mollien, indépendamment des pensions pour la maison d’Espagne, il y en avait encore pour la maison de Carignan, pour le roi de Piémont et pour plusieurs princes de la rive gauche du Rhin; il y en avait, je crois, pour la duchesse d’Orléans. Il faudrait me faire un rapport sur tout cela.
Paris, 14 avril 1815.
Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris
Monsieur le Comte Mollien, je vous renvoie votre rapport sur les biens des communes. Je vois qu’il vous reste à recouvrer 31 millions. Il faudrait les faire figurer dans votre encaisse, ou au moins pour mémoire, comme effets de commerce, en indiquant à quelles époques ils seront disponibles. Il faudrait aussi que le relevé en fut fait par département. Ainsi nos ressources se composent de 80 millions de ventes de domaines des communes, de 300 millions du crédit donné sur les ventes des bois, et enfin des centimes extraordinaires de guerre. Je désirerais avoir une idée de ces centimes. Vous les évaluez à 60 millions; nos ressources extraordinaires s’élèveraient donc à 440 millions pour solder l’arriéré.
Cet arriéré se composerait, 1° de l’arriéré de tous les ministères dans lequel se trouveraient comprises toutes les fournitures faites pour le compte de la guerre, pour l’approvisionnement des places ou autres, et dont les bons doivent être soldés par compensation; 2° de toutes les dettes qu’ont contractées les villes pour faire face aux charges qui leur ont été imposées par l’ennemi. Le ministre des finances doit déjà avoir demandé aux différents ministres l’état de leur arriéré pour l’examiner. Le ministre de l’intérieur doit avoir l’état de tout ce qui est dû à chaque département pour fournitures faites au gouvernement, avec l’indication de ce qui a déjà été compensé et de ce qui reste à solder. Enfin il doit avoir également l’état des réclamations que font les villes pour fournitures faites à l’ennemi, et l’on doit connaître la partie qui a été compensée avec les recettes des impositions de guerre, et ce qui reste à solder. Pour savoir le parti qu’il y a à prendre, il faut avoir tous ces états. Il est nécessaire de bien établir, par département, à combien se montent les centimes de guerre; combien il a été recouvré en argent, combien en bons; combien il reste à recouvrer, et combien il reste de bons de compensation à solder. Il est nécessaire aussi de connaître, département par département, la quantité de bois mis en vente; ce qui est déjà rentré au trésor en argent, et ce qui doit rentrer, année par année. Nous aurons alors tous les éléments pour arriver promptement à une liquidation; car mon intention serait, par un seul décret, de solder tout ce que je dois aux départements et de terminer ainsi cette affaire. Nous pourrons finir cette opération au conseil qui aura lieu lundi à deux heures après midi.