Correspondance de Napoléon – Juin 1814

Juin 1814

 

Porto-Ferrajo, 3 juin 1814.

Au général comte Drouot, gouverneur de l’île d’Elbe

Monsieur le Général Drouot, j’ai vu le rapport par lequel vous m’annoncez que vous avez fait vendre trois cents sacs de farine de l’approvisionnement de Porto-Longone à divers prix, depuis 1,100 francs jusqu’à 1,580 francs, ce qui est très-inférieur à leur valeur. J’ai donc une perte notable pour mes finances. La valeur intrinsèque, dans ce moment-ci, d’un sac de farine est au moins de 26 francs. J’y perds donc près de 30 à 40 pour cent. Ceci n’aurait pas eu lieu si le garde-magasin, qui a une prime de conservation, avait eu soin de mettre en consommation les farines avariées et de les remplacer par de bonnes farines. La prime de conservation n’est accordée qu’à ce titre. Faites-moi un rapport et dites-moi pourquoi je donne une prime de conservation, et s’il n’y a pas lieu à une reprise sur le garde-magasin ou le commissaire des guerres pour la perte que j’ai éprouvée.

Vous me demandez l’autorisation de vendre des farines qui mena­cent de s’avarier à Porto-Ferrajo. Notre consommation étant de près de trois cents sacs par mois, il faudrait tâcher de consommer celles qui courent le plus de danger. En juin, juillet et août, on consom­mera neuf cents sacs de farine. Ce n’est donc que dans le cas où il serait impossible qu’elles arrivassent à ce terme qu’il faudrait les mettre en vente, puisqu’il est prouvé que cela occasionne toujours une perte de 30 à 40 pour 100.

La consommation de la mine étant de quatre cents sacs par mois, s’il était des farines qui fussent en état de se conserver jusqu’à la fin de juin, je désire que vous les cédiez à la mine, qui les prendrait au prix où elle les compte aux ouvriers, c’est-à-dire à 22 francs le sac.

Je vois qu’une partie de la viande salée doit être jetée à l’eau. C’est la faute du conservateur, qui aurait dû la charger de sel. Mon intention est de ne plus avoir dorénavant de viande salée. Il faut donc me présenter les moyens les plus avantageux de s’en défaire, soit en la fournissant à la troupe, soit en la vendant.

Faites-moi connaître la valeur des eaux-de-vie que j’ai en magasin. Je n’attache aucune importance à avoir de l’eau-de-vie en magasin, ou du moins je veux n’en avoir qu’une très-petite quantité. Quelle est la quantité que j’en ai ? Perd-elle, se conserve-t-elle ? Mon inten­tion est que ma maison se fournisse d’eau-de-vie et d’huile sur mes magasins; mais, à cet effet, vous devez en faire fournir, sur la de­mande du grand maréchal, la quantité qu’il faut pour six mois.

Enfin faites-moi un rapport général des magasins au l*r juin, et dites-moi quelle est la quantité de farine comparée à notre consom­mation présumée, et jusqu’où cela peut nous conduire. Faites-moi connaître également quelle est la quantité de blé qui se trouve dans les magasins de la régie, autre que l’approvisionnement de siège; enfin la quantité de blé ou de farine qui se trouve dans les maga­sins de la Comédie.

Mon intention est d’avoir des approvisionnements de siège en blé, farine, biscuit, riz et huile. Quant à l’approvisionnement de siège pour la viande, je désire l’avoir en bestiaux sur pied, qui seraient nourris dans l’île. On commencerait les salaisons en cas de siège, et on ne manquerait pas ici de sel. Je n’ai pas besoin non plus d’un approvisionnement de siège en vin et eau-de-vie. On pourrait, en vingt-quatre heures, trouver ici autant de vin qu’on en voudrait. Le bois et l’huile doivent être conservés.

 

Porto-Ferrajo, 5 juin 1814.

NOTES POUR LE GÉNÉRAL COMTE DROUOT, GOUVERNEUR DE L’ÎLE d’ELBE.

Comment se sont fournis les vivres de la marine pendant le mois de mai ? Est-il dû quelque chose pour ce service ? Comment convient-il de les fournir désormais ?

Il y a trois manières de les fournir :

1° Un marché avec un entrepreneur qui fournirait tout, moyen­nant un prix fixe pour la ration journalière et les rations de campagne.

2° Accorder tant par ration à chaque capitaine et les laisser se procurer les vivres, comme cela se fait en Hollande; comme la plu­part sont de petits paysans, ils font faire cela avec économie par leurs femmes, et l’administration n’a qu’à constater qu’ils ont les vivres pour un mois à leur bord, et le nombre des parties prenantes qu’il y a eu tous les jours.

3° Le troisième parti est d’opérer par régie. Dans ce cas, il ne faut pas en charger la marine, mais le directeur des vivres de terre, afin de n’avoir pas plusieurs administrations. Le pain serait fourni à Porto-Ferrajo et à Porto-Longone par les soins du commissaire des guerres ; et pour tout ce qui leur revient, le commissaire des guerres en pas­serait un marché pour les choses qu’il n’a pas.

Un conseil de marine, composé du commandant, du- commissaire de marine, du commissaire des guerres et du capitaine du port, don­nera son avis sur la meilleure manière.

C’est un mauvais principe ici de recourir aux mercuriales ; il ne peut y en avoir ici, puisqu’on se fournit de beaucoup de choses chez l’étranger. Le vin ne peut valoir cinq sous la bouteille, si on fait les achats en temps opportun. Le pain ne peut valoir cinq sous la livre, etc.

Nous avons beaucoup de biscuit, de pain, de viande salée dont nous avons besoin de nous défaire.

Faire connaître, dans le procès-verbal de cette séance, la quan­tité de vivres qui existe à bord.

Le marché avec Carnavali ne paraît pas clair. Doit-il fournir les canons, les boulets, les munitions de guerre, les câbles et combien les voiles et combien les ancres, les rechanges pour les manœuvres ?

II faut que tout cela soit expliqué.

Je pense qu’il faut présenter un projet d’après les bases suivantes :

II y aura un directoire d’habillement composé d’un capitaine de la Garde, d’un capitaine au bataillon franc, d’un capitaine du bataillon de chasseurs. Ce directoire sera chargé d’administrer la masse d’ha­billement; elle sera de tant pour la Garde, tant pour le bataillon franc, tant pour le bataillon de chasseurs.

Il y aura un maître tailleur et un maître cordonnier.

Les magasins seront communs. Le capitaine de la Garde présidera le conseil. Le commissaire des guerres aura la surveillance sur toutes les dépenses.

Je veux avoir des effets de casernement pour 1.500 hommes. J’ai déjà des matelas, des couvertures, des draps pour ce nombre. J’ai des paillasses, des lits, des tréteaux pour une partie de ce nombre. Faire dresser l’état de ce qui existe et de ce qu’il faut, avec le prix de ce que cela coûtera.

J’accorderai à l’hôpital le pain, la viande, le riz, l’huile des maga­sins, et je mettrai à la disposition du conseil d’administration de l’hôpital 10 sous pour l’achat des œufs, des pruneaux et autres menus détails, ainsi que pour l’achat du vin et pour le blanchissage. Les médicaments seront fournis de la pharmacie. Dans trois mois, on me rendra compte si ces 10 sous suffisent ou sont de trop.

1.000 quintaux métriques de farine font 1.666 sacs ou de quoi approvisionner la mine de Rio pour quatre mois. Cette farine sera mise demain à la disposition du directeur de la mine, qui la fera embarquer et conduire à la mine, la manipulera et la vendra aux ouvriers; ce qui, ajouté aux 800 sacs qu’il a, assurera l’approvisionnement de la mine pour six mois.

Les 3 ou 400 autres quintaux qui existeront ici et à Porto-Longone seront donnés en conservation au garde-magasin, qui sera terra et les rendre toujours en bon état : 1° en les renouvelant successive­ment, et d’abord en mettant en consommation les farines plus anciennes; 2° en vendant successivement les farines qui sont dans le cas de s’avarier, et en les remplaçant par de nouvelles.

Toutefois il ne pourra jamais y avoir hors des magasins pour être vendu que le cinquième de ce qu’il y a en magasin. Ce cinquième devra être remplacé par des blés ou de la farine avant qu’on puisse l’enlever.

L’entretien du riz entrera dans le même système.

Établir également une prime de conservation pour l’huile et le vinaigre.

Faire mettre sur-le-champ en vente la viande salée.

Le général Drouot peut autoriser le commissaire des guerres à faire, dans tout état de cause, la dépense pour les besoins des magasins.

 

Porto-Ferrajo, 6 juin 1814.

ORDRES POUR LA PRISE DE POSSESSION DE LA PIANOSA.

Le général Drouot donnera l’ordre à la Caroline de partir aujour­d’hui pour se rendre à Porto-Longone avec mes deux canots. Il don­nera le même ordre à une des deux felouques de Rio, la Mouche on l’Abeille.

Il donnera l’ordre que demain quatre pièces de 12 ou de 18 avec leurs affûts, une chèvre, cent boulets, des gargousses, de la poudre soient embarqués sur la Caroline et sur l’Abeille; que le commandant de la Pianosa s’embarque dessus avec les 10 canonniers qui sont à Porto-Longone, qui seront aidés dans les manœuvres par les marins.

Quand ils passeront à la hauteur de Campo, le lieutenant Pisani partira avec 20 hommes de sa compagnie; le député de la Santé par­tira avec Pisani. Arrivés à la Pianosa, le commandant fera placer deux pièces de canon de 18 sur l’îlot, et deux autres sur la pointe où le député de la Santé arborait son pavillon. Les matelots, les canonniers et l’infanterie aideront à cette importante opération.

Le lieutenant du génie partira demain matin de Porto-Longone. Il se procurera là un maître-ouvrier et quelques maçons. Il lui sera remis une somme de 1.500 francs pour pourvoir aux dépenses. Il prendra dans les papiers du génie le plan de la Pianosa, et viendra me l’apporter pour que je voie s’il comprend bien les lieux où doivent être placées les batteries.

Les batteries placées, il restera un sous-officier, trois canonniers du détachement de Porto-Longone, et Pisani avec 20 hommes de sa compagnie ; il restera de plus un lieutenant et 10 hommes du bataillon de chasseurs, ce qui fait 33 hommes de garnison. Il sera embarqué quatre tentes avec des couvertures pour 30 ou 40 hommes.

Aussitôt que le commandant sera arrivé dans l’île, l’Abeille et la Caroline resteront jusqu’à nouvel ordre. L’Abeille sera tirée à terre et servira de logement au commandant. La Caroline servira pour les communications avec l’île.

Il faut que dans quarante-huit heures les quatre pièces soient pla­cées et en état de protéger les bâtiments. On tiendra sur l’îlot seule­ment un canonnier et 4 hommes, qui se relayeront toutes les vingt-quatre heures. Le reste de la garnison sera placé dans un corps de garde casematé qui sera établi à l’isthme, à la batterie où le garde de Santé établira son pavillon. On commencera d’abord à creuser les fossés et à faire la contrescarpe de cet isthme, de manière qu’elle aura 7 ou 8 pieds de hauteur. Cette contrescarpe une fois faite, ce qui doit être l’objet de quelques jours, la petite île doit être en état de défense. On portera aussi de Porto-Longone une pièce de 3 ou de 6 pour placer à cet isthme.

La contrescarpe faite, on fera l’escarpe, qui servira d’un des murs de la caserne, qui doit contenir au moins 30 ou 40 hommes ; on aura soin que cela puisse être couvert par un chemin couvert et un glacis qu’on établira devant.

Comme il y a des grottes qui peuvent servir à la garnison, le com­mandant aura soin d’en faire nettoyer une ou deux, en commençant par y faire faire du feu pour brûler les insectes.

L’officier du génie payera tous les travailleurs. Les hommes qui seront là, n’ayant rien à faire, pourront travailler.

Le prêtre de Campo qui a été avec moi à la Pianosa sera nommé curé de la paroisse. Il emportera avec lui ses instruments d’église pour pouvoir dire la messe en plein champ jusqu’à ce qu’on ait établi une église.

Le député de la Santé sera tenu d’y faire construire une petite maison pour lui et sa famille. Le village sera établi, sur les dessins qui seront faits et envoyés à mon approbation, sur l’emplacement de l’ancienne tour, en laissant la place nécessaire pour les quais.

Le commandant aura les ordres suivants : 1° faire tuer toutes les chèvres qui seront dans l’île ; 2° prohiber la chasse dans l’île ; 3° em­pêcher de couper aucun bois ; il fera recueillir pour les besoins de la garnison tous les bois morts et secs qui y sont en grande quantité; 4° diriger et surveiller tous les travaux.

On nettoiera les puits qui fournissent de l’eau, et on creusera dans les lieux les plus humides pour savoir à quelle distance on trouvera de l’eau et de quelle nature elle est.

Quant aux vivres, il sera donné aux 30 ou 40 hommes qui com­poseront la garnison les vivres de marine par l’agent comptable de la Caroline, et ce pendant le premier mois et jusqu’à ce qu’on soit établi.

I1 sera en outre embarqué à Porto-Longone 10 quintaux de biscuit, 1,000 rations de viande salée, de la meilleure, 1,000 rations d’eau-de-vie, 1,000 rations de riz; ce qui sera comme approvisionnement de siège. La garde en sera confiée au sous-officier d’artillerie, et on ne pourra y toucher que dans le cas où on serait bloqué.

L’officier du génie aura soin de faire embarquer une centaine d’outils.

 

Porto-Ferrajo, 10 juin 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, mon intention est de nommer le maire de Porto-Longone commandant de mon palais à Porto-Longone. Il fera les fonctions de commandant, de concierge, de conservateur du garde-meuble et de surveillant des jardins. Il lui sera accordé un traitement de 600 francs. Il sera placé un portier pour la garde du palais et de tout ce qui m’appartient. Ce portier sera choisi dans le pays. Il lui sera donné 200 francs. Il sera également placé un jar­dinier.

Envoyez un architecte avec une instruction sur tous les travaux à faire à Porto-Longone.

 

Porto-Ferrajo, 10 juin 1814.

NOTES POUR LE GÉNÉRAL COMTE BERTRAND, GRAND MARÉCHAL DU PALAIS.

Le directeur du génie tiendra un chapitre particulier des dépenses de la Pianosa, savoir : les dépenses de construction et les dépenses de transport de matériaux du génie. J’ai déjà accordé au comman­dant du génie 1.500 francs; on mettra également à sa disposition 500 francs ; ce qui portera le crédit pour la Pianosa à 2.000 francs.

Ce commandant payera le transport des tuiles, des briques et du bois, que j’ai ordonné, de Porto-Longone à la Pianosa.

Il y aura au budget un chapitre pour les dépenses de Porto-Ferrajo. Le génie sera chargé des dépenses qui pourraient être nécessaires à l’entretien des fortifications. Je n’ai pas connaissance qu’il y ait au­cune dépense pour cet objet.

Il y aura un chapitre pour les dépenses de Porto-Longone. C’est sur ce chapitre que seront portées les dépenses de démolition des trois bâtiments qui sont à Porto-Longone, et dont on aura soin de conserver les matériaux. Enfin c’est sur ce chapitre que sera faite la dépense pour le chemin de Porto-Longone à la Marine et le chemin du côté de Barbe rousse. Mon intention est que dès demain ce chemin soit tracé. Le général Drouot connaît mes intentions à cet égard. Que ce chemin soit fait la semaine prochaine. Vous mettrez sur le chapitre de Porto-Longone 600 francs à la disposition du génie pour com­mencer les travaux, jusqu’à ce que le devis soit fait.

Faites connaître au commandant du génie que mon intention est de planter au mois de novembre, autant que possible, des arbres à Porto-Longone et à Porto-Ferrajo. À cet effet, les mûriers seront fournis par mon jardinier; mais les fossés et la manipulation seront faits au compte du génie. Il sera nécessaire de commencer les fossés au mois de juillet, époque à laquelle les paysans sont sans occupation.

Mon intention est d’en planter, 1° le long de l’Allée du gouverneur depuis ma maison jusqu’à l’hôpital ; 2° autour de la place de l’hôpi­tal ; 3° une double allée autour de la place Ponticelli ; 4° une double allée en dehors de Ponticelli jusqu’à la Marine; 5° une double allée au bastion de Saint-Joseph; 6° autour de la place de Porto-Ferrajo, et sur tout le terrain qui appartient aux fortifications.

À Porto-Longone, mon intention est d’en placer sur tous les em­placements de fortifications qui appartiennent au génie.

La route de Porto-Ferrajo jusqu’à la limite du territoire de Porto-Longone sera élargie et perfectionnée. Écrivez au maire qu’il ait à commencer les travaux, et qu’il y mette un atelier de 25 hommes par jour. La journée de ces hommes sert fixée par le maire, et l’avance en sera faite par la caisse municipale.

Comme il est possible que j’aille mercredi ou jeudi à Porto-Longone, je désire que mes voitures y passent facilement et sans risque.

Il sera ouvert un crédit pour les ponts et chaussées. Les fonds seront à la disposition du sieur Lombardi. J’ai déjà accordé 1.500 francs pour la route de Marriana.

Recommander de faire le devis et de tracer la route de la Marine de Campo. Je désire que mes voitures puissent y passer dans une quinzaine de jours.

Les travaux de mes bâtiments, des casernes et des citernes seront sous la direction de mon architecte. Le génie ne sera chargé des ré­parations que pour les fortifications proprement dites.

Présenter un projet de règlement pour établir la comptabilité, soit de mes palais, soit des casernes.

Je désire qu’on débarrasse les rues de la ville de tous les débris qui les encombrent. L’architecte sera chargé de cela. Il fera un marché pour réparer le pavé des rues, enlever tous les décombres, piquer tous les pavés, en sorte que les rues que je parcours pour aller soit à la porte de Terre, soit à la porte de Mer, à l’église ou à la muni­cipalité, ne soient pas glissantes et qu’il n’y ait pas de danger.

 

Porto-Ferrajo, 16 juin 1814.

Au général comte Drouot, gouverneur de l’île d’Elbe

Je vous envoie plusieurs lettres de la Pianosa. Je ne conçois pas d’où viennent toutes ces plaintes. J’ai ordonné que la garnison aurait des vivres de marine; elle doit donc avoir de la viande, du biscuit, du riz et de l’eau-de-vie ou du vin. J’ai ordonné de faire partir sur la Caroline les vivres nécessaires pour approvisionner le bâtiment pour quinze jours et pour que la garnison ait un approvisionnement de réserve pour vingt jours. Faites-moi connaître si mes ordres ont été exécutés à Porto-Longone. Il paraît que les plaintes ont principa­lement pour objet le défaut de vin : répondez au commandant Gottmann qu’il a dû le faire remplacer par de l’eau-de-vie ou du vinaigre; que toutefois j’ai donné l’ordre d’embarquer le vin nécessaire pour compléter la ration jusqu’au 1er juillet, et qu’il vous rende compte de l’eau-de-vie qui lui a été donnée. Les plaintes ont aussi pour objet le défaut de viande fraîche, et, dans cette saison, ces plaintes sont fondées. Donnez l’ordre à l’entrepreneur de faire embarquer dans la journée, sur la Mouche, 1.600 rations de vin et une vingtaine de moutons sur pied; avec cela on donnera les vivres de marine en viande fraîche et en vin à la garnison et aux équipages qui ont dû souffrir.

Vous donnerez l’ordre que cinq jours par semaine la garnison de la Pianosa ait de la viande fraîche, et seulement deux jours de la viande salée. Il est nécessaire que, pendant le mois de juillet, les vivres de marine soient fournis à la garnison par la terre. Le commissaire des guerres pourvoira à cela ; il fera un marché et correspondra avec le commandant. Vous ferez connaître ces dispositions au commandant de la Pianosa, au commissaire des guerres et au commandant de la marine.

Vous donnerez l’ordre qu’on embarque pour la Pianosa deux vaches, qui seront achetées à Campo et embarquées sur un des petits bâtiments de Campo; qu’on y envoie également une trentaine de poules avec des coqs, et quelques truies. Donnez l’ordre au commis­saire des guerres d’envoyer un officier de santé, avec une petite phar­macie des objets les plus nécessaires ; il sera embarqué sur la Mouche. Qu’on embarque également quatre portes avec leurs serrures, de celles qui sont en magasin et qui proviennent des démolitions. La Mouche a oublié d’emporter le sablier pour mesurer les heures ; qu’on en fasse partir un. L’officier du génie qui est à la Pianosa demande quatre pistolets, quatre masses en fer et quatre pics à tête; donnez des ordres pour qu’on lui envoie cela avec 10 quintaux de poudre. Faites également embarquer deux seaux, une marmite et une corde de 80 pieds.

Réitérez les ordres pour qu’aussitôt que les pièces seront en bat­terie il ne reste que trois canonniers, auxquels on donnera l’assurance d’être relevés tous les dix ou quinze jours.

J’avais donné ordre qu’on envoyât de Porto-Longone des briques et des tuiles provenant de démolition. Réitérez cet ordre, et demandez qu’on vous rende compte si cela est parti. Donnez l’ordre qu’on em­barque demain trois tentes, dix couvertures, vingt paires de draps et vingt paillasses remplies, et qu’on retienne au bâtiment de Porto-Longone la valeur des objets qu’il a perdus en route. Il sera néces­saire que le commissaire des guerres envoie à la Pianosa un garde-magasin, qui sera chargé des approvisionnements de siège et des effets du génie et de l’artillerie, et des vaches et autres animaux qu’on pourrait y envoyer.

Écrivez à l’officier du génie que j’attends le plan du village, pour savoir où doit être l’église, la maison du commandant, le magasin, une petite manutention et autres logements.

 

Porto-Ferrajo, 17 juin 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, la salle de spectacle devant être dé­molie un jour, mon intention est de n’y rien faire qui puisse beau­coup augmenter les dépenses. Cette salle ne peut être détruite que lorsqu’on augmentera la maison, ce qui n’aura pas lieu cette année ; je veux alors en profiter en y faisant le moins de dépense possible. À cet effet, vous ordonnerez qu’on y établisse un plafond de toile ; qu’on y fasse six fenêtres, de manière que les jalousies venues de Piombino puissent servir; que de la porte de la galerie on aille, par une allée d’orangers, à la porte actuelle de la salle, en descendant insensiblement ; qu’on abatte le tambour qui est à la porte ; qu’à l’ex­trémité de la salle qui touche à mon jardin on fasse une salle de bains, comme l’avait proposé d’abord l’architecte; cela couvrira l’irrégularité de l’angle obtus. Il restera 13 toises de longueur à la salle : 5 toises seront occupées par le théâtre, qui sera élevé sur des chevalets à 3 pieds de hauteur, de manière à être de niveau avec le jardin. J’y entrerai par une porte-fenêtre ; ce sera ma salle à manger; les huit autres toises serviront de salle à manger pour la maison. On y pla­cera un billard. La salle à manger sera séparée par une cloison qui pourra se reployer.

Cette salle, dans l’état habituel, servira donc de salle de spec­tacle, de salle de bains, de salle à manger pour moi et pour la mai­son; elle pourvoira ainsi à tous mes besoins, sans exiger une dépense de plus de 15 à 1600 francs. Elle sera peinte toute semblable, pour le cas où l’on en ferait une salle pour une fête. L’important, ce se­raient les lustres pour l’éclairer, et quelques tables de marbre pou­vant servir de buffets. Le corridor, qui offre plusieurs chambres de 8 pieds de large, servirait pour contenir tout ce qui est nécessaire au service des tables, et éviterait le transport des effets de la cuisine à la salle à manger.

Tout cela pouvant être fait promptement, donnez l’ordre à l’archi­tecte qu’elle soit prête à la fin de la semaine prochaine.

 

Porto-Ferrajo, 20 juin 1814.

Au général comte Drouot, gouverneur de l’île d’Elbe

Je ne vois point d’impossibilité à fournir du pain à la Pianosa jus­qu’à ce qu’elle puisse en faire. Donnez l’ordre au commandant du génie de faire un petit four dans l’intérieur du mamelon où sont les pièces de 10. Aussitôt que ce four sera fait, on enverra la farine né­cessaire; on y enverra de la farine blutée, parce qu’ils n’auraient pas les moyens de la bluter. Elle sera fournie pour dix jours, des maga­sins de Porto-Longone. Il est impossible de donner les quinze cen­times et les vivres de campagne, cela est contre toutes tes règles. Si la garnison travaille, il n’y a pas d’inconvénient à la payer. Je ne vois pas non plus de difficulté à ce que la garde du magasin soit confiée au député de la Santé. Quant au sieur Redon, c’est un homme qu’on ne connaît pas, et je ne pense pas qu’on puisse lui confier aucun travail de comptabilité. J’accorde au député de la Santé une ration de vivres telle qu’on la donne à la garnison. Recommandez au com­mandant Gottmann de distribuer le lait, et tout ce qu’il pourra se procurer de sa basse-cour, aux officiers et soldats. Donnez l’ordre qu’on ne renvoie ici aucuns effets d’artillerie, qu’on les garde dans les magasins, et qu’on n’en dispose pas sans ordre. Recommandez de former un corps de garde dans l’îlot, et qu’il y ait des vivres pour sept ou huit jours.

J’attache beaucoup d’importance à savoir si l’assertion du lieutenant Pisani est vraie. Il est donc indispensable qu’on fasse creuser deux ou trois puits dans les lieux où l’on croit qu’il y a de l’eau, mais à quelque distance les uns des autres; aussitôt que l’expérience prouvera qu’il y a de l’eau, on donnera les ordres nécessaires pour creuser de beaux puits.

Recommandez au commandant qu’aucun pêcheur napolitain ou autre ne pêche le corail sans une permission de lui et de M. Richou ; on interdira de pêcher à ceux qui ne l’auraient pas. Les pécheurs ne devront pas relâcher au cap Saint-André, mais prendre station à la Pianosa. Leur permission sera renouvelée tous les mois et le commandant est autorisé à prendre, pour chacune, trois francs, qui seront versés dans la caisse des travaux de l’île. La Caroline et l’Abeille croiseront et s’assureront que les pêcheurs ont des per­missions. Ils devront venir après la pêche arranger leur corail à Porto-Ferrajo et le vendre là.

Annoncez au commandant que d’un moment à l’autre je me rendrai avec le brick à la Pianosa. Il est nécessaire que je trouve tous les dessins faits et l’ile reconnue. Je porterai mes tentes ; me faire connaître les lieux où elles pourront être placées.

Je suppose que tous les dimanches le curé dit la messe, soit dans une grotte, en plein air ou sur l’Abeille.

Le commandant est autorisé à établir pour lui un potager de quelques saccates de terre.

 

Porto-Ferrajo, 21 juin 1814.

NOTE POUR LE GRAND MARÉCHAL.

Il faudra nommer des commissaires pour désigner ce qui convient à mon service dans la prise anglaise. Ces marchandises seront ache­tées sur estimation, conformément à l’usage.

J’ai besoin, pour ma toilette, de toile de coton pour me faire des vestes, des culottes et des pantalons.

Pour la maison, il faut de quoi faire des rideaux de percale et de mousseline pour appartements et lits, et du drap vert pour faire plusieurs tapis pour mon bureau et les appartements, et pour la livrée des valets de pied et des gens de l’écurie.

Pour l’habillement de la Garde, du drap bleu s’il y en a, et du drap vert pour le bataillon de chasseurs et le bataillon franc de l’île.

Du coton blanc pour le compte de la Garde, pour leur faire des pantalons blancs, ou du nankin.

Aux marins, de quoi leur faire des vestes légères en coutil ou en nankin.

Voilà ce qui me paraît nécessaire. S’il y avait d’autres objets qui paraissent convenir à la maison, vous les feriez comprendre dans la distribution.

Un des membres du directoire de l’habillement peut être chargé de tout cela avec le commissaire des guerres.

 

Porto-Ferrajo, 24 juin 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Je vous envoie le budget des domaines, qui se monte à 338,000 francs. J’ai supposé la mine à 30,000 francs de déficit, parce qu’il y a un mois qui n’a pas été relevé. J’ai porté les approvisionnements de de siège à 60,000 francs. Il a été fait une vente à Porto-Ferrajo et une autre à Porto-Longone; il y a d’ailleurs d’autres ventes à faire encore. Les farines qui ont été cédées à la Mine doivent être portées comme vendues, puisqu’elle doit les rembourser. La madrague est portée pour 28,000 francs, dont le quart est 7,000 francs. Le compte est juste ; mais les salines sont portées pour une recette de 6,160 francs avant le 11 avril : il me semble que cela est trop considérable et n’est pas dans une juste proportion.

Il ne reste donc plus, pour compléter les comptes, que le budget de la guerre, que le général Drouot doit remettre demain.

 

BUDGET DES RECETTES DES DOMAINES DE L’ILE D’ELBE POUR L’ANNÉE 1814.

Porto-Ferrajo, 24 juin 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Je vous envoie le budget des recettes et des dépenses de l’île.

Le budget des recettes s’élève à 121.000 francs, parce que j’ai compris, comme de raison, le solde de 1813 et ce qui a été trouvé dans les caisses, et que j’ai porté le chapitre vi à 30.000 francs. Les dépenses se montent à 110.000 francs. Il y a donc un excédant de recette de 11.000francs.

J’ai supposé qu’il pourrait y avoir du déficit sur plusieurs cha­pitres de recette.

Vous verrez que, dans la dépense, j’ai porté le secrétaire de l’intendance à 1.800 francs, les routes pour 10.000 francs et le lazaret pour 10.000 francs.

J’ai déjà accordé 1.500 francs pour la route de Marciana. J’ai fait des dépenses pour la route de Porto-Longone jusqu’à la Marine.

Les travaux de la Marine à la citadelle doivent être faits sur les fonds du génie.

J’ai ordonné qu’on fit la route de Procchio à Campo; la moitié de la dépense sera supportée par moi, et l’autre moitié par la commune. Les dépenses de la route de Porto-Longone seront liquidées et réduites à un prix raisonnable, et j’en ferai la moitié.

Donnez des ordres pour qu’on fasse la route de Procchio à Mar­ciana par Poggio, et sans passer par la Marine; le projet de cette route doit exister dans les papiers de l’intendance. Je ferai la moitié de la dépense, et les communes de Marciana et de Poggio feront l’autre moitié. Je voudrais que l’on y travaillât avec activité, pour que les voitures pussent y passer dans la première quinzaine de juillet. Vous verrez que j’ai mis une somme de 2.000 francs pour cette route.

Donnez des ordres pour qu’on travaille aussi à la route de Porto-Longone à Rio; le projet doit en exister dans les bureaux de l’inten­dance. Je ferai la moitié de la dépense, et les communes l’autre.

Quant au lazaret, j’ai désigné le magasin des salines, et vous avez dû donner des ordres pour que le sel soit transporté dans la Linguella. Faites commencer les travaux pour le logement des gardes, les magasins, et une bonne fermeture. Il faut quelque chose qui parle à l’œil. On devra pratiquer un escalier pour arriver au haut du plateau où seront les magasins pour purger les marchandises. Il est important qu’une commission d’employés de la Santé soit nommée, et qu’on n’épargne rien pour que ce lazaret ait un air qui impose. Une haute muraille qui forme l’enceinte et se voie de très-loin ferait un très-bon effet. Il sera probablement nécessaire de prendre le magasin de M. Senno. Il faut que la commune traite avec lui et lui donne quelque propriété en échange. Cela est pressant; s’en occuper sans délai.

Arrêté le présent budget de recettes à opérer dans l’île d’Elbe, du 12 avril au 31 décembre 1814, à la somme de 114.431 fr. 39 cent.

 

Porto-Ferrajo, 24 juin 1814

Au général comte Drouot, gouverneur de l’île d’Elbe

Je vous envoie le projet de la route de Porto-Longone par le bastion de Zunica; je l’ai approuvé; cela formera pour les voitures une deuxième sortie de Porto-Longone dans la campagne. J’ai déjà approuvé le premier projet de la route de la Marine à Porto-Longone. Faites-moi connaître les fonds qui seront nécessaires pour ces deux dépenses et quand il y aura une route de faite. Il faudrait faire l’une après l’autre, de manière que de dimanche en huit les voitures puissent aller, par une autre route, de la Marine à la citadelle.

 

Porto-Ferrajo, 30 juin 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, je vous renvoie le plan de la maison de Porto-Longone; j’ai fait la distribution autant qu’on peut le faire sur un plan. Il n’y a place au premier étage que pour trois apparte­ments : un grand appartement de huit pièces, un de six pièces pour l’impératrice et l’autre de trois pièces. Je pense qu’au rez-de-chaussée on peut en faire quatre. Il faut faire une autre distribution et qu’on y puisse faire au moins huit ou dix appartements qui logent toute la maison, en conservant un bel appartement pour le grand maréchal, un salon et une salle de billard pour la maison. Il y a un emplacement pour les cuisines, offices et magasins. Je désire que vous me * présentiez la distribution définitive. Il sera nécessaire pour cela que vous alliez avec le plan à Porto-Longone. Vous y verrez, en même temps, les dépenses qui ont été faites, et vous arrêterez le budget pour la mise en état avec celui qui en est chargé.