Correspondance de Napoléon – Juin 1806

Saint-Cloud, 28 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, les deux bataillons de ma garde royale qui ont été à Vienne forment un assez beau corps; mais, à la Grande Armée, ils n’ont pas eu l’occasion de tirer un coup de fusil. Il serait peut-être convenable de profiter de la guerre des Monténégrins pour les aguerrir. Je vous laisse donc le maître, si vous n’y voyez point d’objections, de faire partir un de ces bataillons, complété à 800 hommes, pour l’Albanie. Vous aurez soin qu’il y ait autant de jeunes gens que de vieux soldats. Ce serait un renfort que je prévois pouvoir être utile en Albanie, où il y aurait alors 22,400 Italiens, sans comprendre les canonniers et les sapeurs. Ce devra être votre affaire d’expédier, au moins tous les quinze jours, un détachement d’une centaine d’hommes pour les recruter, de manière à les tenir toujours au complet. Envoyez un général italien pour commander ces deux bataillons sous les ordres du général Lauriston. Si le général Pino ne peut pas marcher avec cette colonne italienne, envoyez-y le général Lechi, que le roi de Naples a renvoyé, et qui est plus accoutumé à la guerre que les autres généraux italiens. Je suis obligé de garnir beaucoup de postes; il faut donc augmenter mon armée italienne pour que je puisse employer quelques bataillons italiens dans la Dalmatie et dans l’Albanie. Ils s’aguerriront dans les affaires journalières qu’ils auront avec les Monténégrins. Dans tout le pays de Venise, il doit être facile de lever des bataillons, car je prévois que je vais faire revenir en Italie les quatre corps italiens que j’ai à l’armée de Naples, afin de les compléter; et, avec eux et les nouvelles troupes que vous lèverez, je veux soutenir la Dalmatie et l’Albanie, et faire la guerre aux Monténégrins.

 

Saint-Cloud, 28 juin 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, donnez ordre au sous-lieutenant Choiseul de se rendre en Dalmatie. Cet officier, quoique très-jeune, ayant obtenu la décoration de la Légion d’honneur, il faut qu’il la gagne en servant où l’on se bat. S’il se trouve dans l’armée de jeunes officiers qui aient obtenu dernièrement cette distinction, envoyez-les également en Dalmatie et en Albanie.

 

Saint-Cloud, 29 juin 1806

Au roi de Naples

  1. Celerier débauche les acteurs et actrices de Paris pour Naples. Déjà une ou deux artistes de l’Opéra ont fait connaître qu’elles voulaient se rendre à Naples. Vous sentez tout ce que cette conduite a de ridicule. Si vous voulez des acteurs de l’Opéra, pardieu, je vous en enverrai tant que vous voudrez; mais il n’est pas convenable de les débaucher. C’est ainsi qu’en a agi la Russie, et je fus tellement choqué dans le temps de cette conduite, que je fis écrire à l’empereur de Russie que je lui enverrais toutes les danseuses de l’Opéra, s’il voulait, hormis cependant Mlle Gardel.

J’aurais fait arrêter Celerier s’il n’était pas connu pour vous être attaché comme architecte.

 

Saint-Cloud, 29 juin 1806

A la reine de Hollande

Ma Fille, j’ai reçu votre lettre de jeudi. Je vois avec plaisir que vous êtes contente des Hollandais. Il aurait fallu m’envoyer la demande du directeur des postes d’Anvers. Dès que vous me l’aurez envoyée, je m’en ferai rendre compte, et je tâcherai, pour l’amour de vous, d’accorder à son frère une commutation de peine.

 

 Saint-Cloud, 30 juin 1806

Au roi de Hollande

Je reçois votre lettre. Je vois avec plaisir que vous êtes content des Hollandais. Les prétentions que votre ministre des finances fait sur mon trésor sont surannées. Mes dépenses sont fortes, et je ne suis point en mesure de vous aider comme je le voudrais. Tant que la guerre durera, il faut bien que je garde mes corps de troupes. Il serait cependant possible de les diminuer. Il est possible de conclure un traité de commerce; mais il faut que les intérêts des peuples s’y trouvent réunis. Je crois qu’il est nécessaire de mettre une imposition sur vos rentes; il y aurait peu d’inconvénient à imiter ce que fait l’Angleterre; ce serait un petit revenu, mais c’en serait un,

 

Saint-Cloud, 30 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, les places de Peschiera, Legnago, Mantoue, etc., doivent rester armées pendant tout le temps que mes armées seront en Allemagne.

 

Saint-Cloud, 30 juin 1806

Au maréchal Berthier

On a fait demander au grand maître des forêts du roi de Wurtemberg, par les généraux Trelliard et Suchet, des cerfs pour moi. Je désapprouve tout à fait cela; je ne veux point de ces cerfs. Si cela était vrai, il faudrait sur-le-champ les contremander.