Correspondance de Napoléon – Juin 1806
Saint-Cloud, 21 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, le 7e régiment de dragons français, les dragons de Reine, la légion hanovrienne, le 4e régiment de ligne italien, les uhlans polonais, les chasseurs royaux et le 30e régiment de dragons français, ont quitté l’armée de Naples pour entrer dans le royaume d’Italie. Voici quelles sont mes intentions à l’égard de ces régiment : Vous laisserez la légion hanovrienne à cheval, le 4e régiment de ligne italien et les uhlans polonais, sous les ordres du général Duhesme pour occuper la côte d’Ostie et de Cività-Vecchia; s’il n’a point d’artillerie; vous lui enverrez une compagnie de canonniers italiens, que vous compléterez à 100 hommes; vous laisserez les 7e et 30e régiments de dragons à Ancône, et vous ferez revenir dans le royaume d’Italie les dragons de la Reine et les chasseurs royaux. Vous placerez ces régiments dans un lieu où ils puissent se réorganiser, et où vous puissiez veiller à leur instruction. Le roi de Naples a gardé les dragons Napoléon, probablement parce qu’il les a jugés les plus instruit.
Je ne réponds point à votre lettre du 14 juin relative aux prévenus dans l’affaire de Bologne; on doit poursuivre tous ceux qu’il y a poursuivre.
Saint-Cloud, 21 juin 1806
Au roi de Naples
Je reçois votre lettre du 12 juin. Je ne puis accorder aucun avancement aux officiers du génie que Gaète ne soit prise. Le général Campredon n’aurait pas dû faire cette demande.
Saint-Cloud, 21 juin 1806
Au roi de Naples
Les affaires du continent paraissent arrangées. Mes troupes ne vont pas tarder à entrer dans les bouches de Cattaro. Deux ou trois affaires ont eu lieu avec les Russes, et ils ont été culbutés. L’empereur de Russie veut faire sa paix. Il a envoyé des agents chargés de ses pouvoirs. Elle serait même faite avec l’Angleterre si vous étiez maître de la Sicile. Il ne doit pas y avoir plus de 2,000 toises de trajet à faire pour passer le détroit, et vous devez avoir une grande quantité de spéronares et de bateaux de toute espèce. Avec cela, vous devriez bientôt être maître de cette île.
Saint-Cloud, 21 juin 1806
Au roi de Naples
Lord Yarmouth est arrivé à Paris avec les pouvoirs du roi d’Angleterre pour signer la paix. Nous serions assez d’accord sans la Sicile. Les Anglais vous reconnaîtraient roi de Naples; mais, n’ayant pas la Sicile, ils ne peuvent vous reconnaître. De mon côté, il ne me convient pas de rien conclure que vous ne soyez en possession des deux parties de votre royaume. Ils ont laissé entrevoir dans les négociations que, prévoyant que la Sicile serait une difficulté, ils avaient laissé passer six semaines sans la secourir, pensant que vous vous en empareriez dans cet intervalle; mais qu’enfin il avait bien fallu, par pudeur, finir par y envoyer du monde.
Saint-Cloud, 22 juin 1806
Au roi de Naples
Je reçois vos lettres du 13 juin. Je suis fâché que vous vous soyez privé des talents du capitaine Jacob. Vous avez confiance en M. de Lostanges, qui n’est pas brave, qui intriguera tant que vous voudrez et qui vous servira mal. Jacob, au contraire, est brave; il a prouvé du talent sur la côte de la Manche. Après cela je vous laisse maître de faire ce que vous voudrez. En donnant des ordres positifs au capitaine Jacob, il fera tout ce que vous voudrez. Mais, tant que vous n’aurez pas une armée nationale, et cela ne pourra être avant dix ans, attendez-vous à quelque répugnance de la part des Français à reconnaître la suprématie napolitaine. Le Français s’est distingué dans tous les temps par cet esprit d’opposition, qui est devenu plus prononcé aujourd’hui que la guerre et la révolution ont exalté le caractère.
Saint-Cloud, 21 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je vous ai écrit l’année passée de faire placer sur les champs de bataille de Rivoli et d’Arcole de petits monuments. Faites-en mettre de pareils au Tagliamento, à Lodi, à Castiglione et près Saint-Georges.
Saint-Cloud, 22 juin 1806
Au roi de Naples
La cour de Rome est tout à fait devenue folle. Elle refuse de vous reconnaître, et je ne sais quelle espèce de traité elle veut faire avec moi. Elle croit que je ne peux pas allier un grand respect pour l’autorité spirituelle du Pape et réprimer ses prétentions temporelles. Elle oublie que saint Louis, dont la piété est connue, a été presque toujours en guerre avec le Pape, et que Charles-Quint, qui était un prince très-chrétien, tint Rome assiégée pendant longtemps et s’en empara, ainsi que de tout l’État romain.
Saint-Cloud, 22 juin 1806
Au roi de Naples
Il y a dans le Journal de Paris beaucoup d’articles ridicules sur Naples. Par exemple, il est déplacé de dire que l’impôt du sel a été aboli dans le royaume de Naples, quand je l’établis en France. Dites donc à Roederer de ne se mêler de rien; il n’y a rien de plus gauche et de plus maladroit que ses articles. Sans doute qu’il faut ménager le royaume de Naples, mais il y a une manière moins gauche de le faire; ne faites point sentir aux Français que le royaume de Naples ne leur est d’aucun avantage. De quoi se mêle Roederer de parler du royaume de Naples dans les journaux ? Si vous avez aboli l’impôt du sel, vous avez mal fait. Avec ces ménagements vous perdrez votre royaume; avec ces ménagements, vous ne prenez ni la Sicile ni Gaète, et vous manquez des choses les plus nécessaires. Comment aurez-vous une armée, une marine, si vous accoutumez vos peuples à ne rien payer ? Il faut qu’ils payent autant qu’en France, où il y a gabelle, enregistrement, timbre, sel, etc. J’ai peine à croire que vous ayez fait la sottise d’abolir l’impôt du sel; seulement, vous aurez apporté quelques modifications à la gabelle. Mais à quoi cela était-il bon à mettre dans le Journal de Paris ?
Saint-Cloud, 22 juin 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, je vous envoie un état de tous les jeunes gens que vous m’avez fait mettre dans la Légion d’honneur; il y en a beaucoup qui sont trop jeunes. Je vous envoie copie de l’ordre que je donne au ministre Dejean. Vous pouvez expédier cet ordre et faire partir ces jeunes gens. Il est nécessaire de les employer, afin qu’ils gagnent véritablement la distinction qu’ils ont, obtenue.
Saint-Cloud, 22 juin 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, je vous envoie un travail sur l’emplacement que doit occuper la Grande Armée au moment de sa rentrée en France. Vous me proposerez une meilleure répartition, à peu près dans les mêmes divisions, si vous y entrevoyez quelque économie pour le service, soit pour les lits, soit pour le fourrage, soit pour le casernement. Le premier corps qui passera le Rhin sera celui du maréchal Davout : il le passera à Mayence. Le second corps sera celui du maréchal Mortier : il passera également le Rhin à Mayence. Le troisième sera celui du maréchal Bernadotte : il passera le Rhin aussi à Mayence. Le quatrième corps sera celui du maréchal Ney : il passera le Rhin à Huningue, le même jour que le corps du maréchal Davout passera le Rhin à Mayence. Le corps du maréchal Ney sera suivi par celui du maréchal Soult, qui passera le Rhin à Strasbourg. Le corps du maréchal Lefebvre passera le Rhin le premier de tous. Après leur passage, tous les régiments se dirigeront sur les garnisons qu’ils doivent occuper. Tous les 3e, et 4e bataillons et les dépôts qui sont dans l’Est se mettront en marche pour les lieux où se rendent leurs corps, hormis les bataillons et dépôts qui sont à Boulogne, Anvers, Ostende, et en général sur les côtes de l’Océan. Ces bataillons et dépôts ne quitteront les lieux où ils se trouvent que quand ils en recevront ordre.
Remettez-moi le plus tôt possible l’ordre de route de chaque dépôt et de chaque détachement du corps du maréchal Lefebvre, afin que je voie s’il n’y a aucun faux mouvement contraire à mes intention et que j’indique les dates précises auxquelles devra commencer chaque mouvement.
Vous me soumettrez aussi l’ordre de mouvement de chaque régiment d’artillerie et de chaque bataillon du train, selon le travail qu’en feront les bureaux. Je pense qu’ils font réunir les bataillons du train et leurs dépôts à Strasbourg et à Metz, afin d’en faire le dédoublement et de les mettre sur le pied de paix.
J’ai donné l’ordre au 15e d’infanterie légère et au 58e de ligne de se rendre à Spire. Envoyez-leur l’ordre de se rendre à Paris.
Saint-Cloud, 23 juin 1806
A M. Lavalette
Vous ne faites pas faire le service des estafettes comme il devra être fait. Vous devriez avoir le nom du principal postillon de chaque relais et le breveter pour ce service. Vous lui feriez faire son décompte de trente sous par course, de manière que le maître de poste ne pût lui en rien retenir.
Saint-Cloud, 23 juin 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, je pense que vous devez répondre à peu près dans ces termes à M. de Wintzingerode :
« Monsieur, j’ai mis sous les yeux de Sa Majesté la note relative à la protection spéciale que le général Gauthier a accordée à la principauté de Hohenlohe. Sa Majesté a vu avec peine la marche qu’ont prise depuis quelque temps les affaires en Allemagne. Des discussions et des voies de fait ont eu lieu entre les agents du roi de Wurtemberg et ceux du roi de Bavière et de l’électeur de Bade; des contestations ont eu lieu entre les agents du roi de Wurtemberg et des officiers français, entre les officiers du roi de Wurtemberg et ceux de Fürstenberg et de Hohenlohe. Avec une marche plus lente et plus légale, ces inconvénients eussent été évités. Le traité de Presbourg donne au roi de Wurtemberg une portion des possessions de la Maison d’Autriche en Souabe; mais ces possessions étant entre les mains des Français, c’était aux agents francais à les remettre à la Maison de Wurtemberg. Si l’on avait attendu cela, il n’y aurait eu aucun sujet de difficulté et aucune voie de fait.
Le traité de Presbourg et les différentes conventions qui ont eu lieu entre S. M. l’empereur Napoléon et le roi de Wurtemberg ont donné à celui-ci l’occupation d’une partie des biens de la Noblesse immédiate et de l’Ordre teutonique, mais non ceux de Fürstenberg et de Hohenlohe ni de tout autre prince souverain. Dans cet état de choses, si la cour de Wurtemberg a donné des ordres pour la prise de possession de ces biens, les princes de Fürstenberg et de Hohenlohe étaient autorisés à s’y opposer, et les généraux français, pour éviter toute voie de fait, ont dû maintenir le statu quo jusqu’à ce qu’ils aient reçu des ordres de leur cour. Il y a dans cette marche un peu trop de précipitation, pas assez de maturité, et un peu trop de promptitude à finir les arrangements relatifs à ces affaires. Les mêmes discussions n’ont pas eu lieu entre la Bavière et Bade, qui ont gardé plus de ménagement et marché avec plus de précaution à l’exécution de leur convention. Quoi qu’il en soit de ces petits inconvénients, que la cour de Stuttgart doit s’attribuer à elle-même, les sentiments de Sa Majesté pour le roi de Wurtemberg sont toujours les mêmes, et elle me charge spécialement de vous en transmettre l’assurance.
Sur ce, je prie Dieu qu’il vous ait en sa sainte et digne garde. »
Saint-Cloud, 24 juin 1806
DÉCISION
Picard, directeur du théâtre de l’Impératrice, demande à l’Empereur à s’établir provisoirement dans la salle de la rue Favart, en attendant que l’Odéon soit reconstruit. | Renvoyé à M. de Lucay, pour arranger cette affaire à la satisfaction de Picard. |
Saint-Cloud, 23 juin 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, j’ai lu avec attention les notes de M. de Masserano sur les affaires de Miranda. Il me semble qu’il faut lui répondre que j’ai vu avec peine la conduite des États-Unis, mais qu’il paraît qu’ils ont donné des satisfactions; que l’objet le plus pressant est de s’occuper de faire passer des renforts aux possessions espagnoles; que, quelque supérieur que soit l’ennemi sur la mer, il n’est cependant pas impossible de faire parvenir dans ces possessions quelques régiments; qu’il faudrait choisir, pour y diriger ces régiments, les possessions espagnoles où il est probable qu’ils ne trouveront pas l’ennemi; que la cour d’Espagne n’a donc pas un moment à perdre pour expédier quelques frégates d’abord, avec de bons officiers porteurs d’ordres du roi, pour encourager à une bonne et vigoureuse défense, et préparer pour l’équinoxe des expéditions plus considérables.
Saint-Cloud, 24 juin 1806
A M. Fouché
Ceux des jeunes gens qui ont fait tapage au spectacle de Rouen qui ne sont pas mariés et ont moins de vingt-cinq ans, seront envoyés au 5e régiment de ligne qui est en Italie. Faites-les mettre sur-le-champ en marche. En vivant avec les militaires, ils apprendront à les connaître et verront que ce ne sont pas des sbires. Faites-moi un rapport sur Lemoine, employé de l’octroi. Je le destituerai s’il est vrai qu’il ait tenu des propos contre la troupe.
Saint-Cloud, 24 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, continuez à m’envoyer les lettres de l’archevêque de Séleucie, envoyé de Rome à Dresde; on en a trouvé ici le chiffre, de manière qu’on les lit ici comme une écriture courante; mais il faudrait les laisser continuer leur route en les copiant exactement.
Saint-Cloud, 24 juin 1806
Au roi de Naples
J’ai reçu votre lettre du 15 juin. Je vous prie de bien croire que, toutes les fois que je critique ce que vous faites, je n’en apprécie pas moins tout ce que vous avez déjà fait.
Je vois avec un grand plaisir la confiance que vous avez inspirée à toute la saine partie de la nation.
Je ne sais s’il y a beaucoup de poudre à Ancône et à Cività-Vecchia, mais j’ai ordonné que, s’il y en avait, on vous en envoyât sur-le-champ.
Le roi de Hollande est arrivé à la Haye; il a été accueilli avec un grand enthousiasme.
Je vous ai déjà écrit, pour l’expédition de Sicile, qu’il fallait débarquer la première fois en force.
Je vous prie de mettre l’heure du départ de vos lettres, afin que je voie si l’estafette fait son devoir.
La prise de Gaète vous coûtera moins de 300,000 livres de poudre, si toutefois les officiers d’artillerie veillent à ce qu’on ne tire pas inutilement, à ce qu’on place les batteries très-près de la place, à ce qu’on ne mette que demi-charge lorsque cela peut faire autant d’effet que la charge entière.
Saint-Cloud, 24 juin 1806
Au roi de Naples
Cette mauvaise tête de Roederer fait des siennes de toutes les manières; il veut enlever à mes ministres les employés de leurs bureaux. Voici la lettre qu’il écrit au chef de la Liquidation de la guerre. Cette démarche ne m’étonne pas de Roederer, qui n’a aucun sentiment des convenances, mais elle m’étonne de la part de Dumas; je charge Dejean de le tancer. Roederer veut aussi nous enlever nos comédiens; et qui croyez-vous qu’il veuille nous enlever ? Ce n’est rien moins que Fleury, Talma. Je ne vous en parle que parce qu ont déclaré qu’ils n’écouteraient aucune insinuation sans y être autorisés. M. Roederer ne sait donc pas qu’aucun de mes sujets sortira de France que par mon ordre, et ce n’est pas en les débauchant qu’on les résoudra à venir.
Saint-Cloud, 25 juin 1806
NOTE POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR (Une lettre analogue concernant la cour d’appel de Turin a été adressée grand juge)
Sa Majesté désire que le ministre, de l’intérieur témoigne son mécontentement au préfet du département du Pô de ce qu’il n’est point allé à la procession de la Fête-Dieu.
Le général Menou, qui a arrêté le programme et fixé les places, en avait le droit comme exerçant les fonctions de gouverneur général et étant investi de la haute police.
Il résulte de l’organisation particulière aux départements au-delà des Alpes qu’un préfet a, dans ce pays, moins d’autorité qu’en France. C’est d’ailleurs une chose fâcheuse que de laisser apercevoir au public des discussions entre les chefs des autorités. On doit toujours obéir à l’autorité supérieure, sauf à faire parvenir au Gouvernement les réclamations qu’on jugerait à propos de former.
Ainsi, quand bien même le commandant général, dans l’exercice de ses fonctions de gouverneur, aurait arrêté des mesures encore plus irrégulières, le préfet aurait dû y adhérer provisoirement, sauf à faire ensuite les représentations convenables. Si, comme on dit, le préfet est protestant, il est nécessaire de lui faire connaître que c’est une raison pour se montrer plus facile en matières qui touchent la religion.
Saint-Cloud, 25 juin 1806
DÉCRET
NAPOLÉON, Empereur des Français, Roi d’Italie,
Vu la délibération, en date du 11 juin, du conseil d’administration du Corps législatif, assemblé en la forme prescrite par le sénatus-consulte organique du 28 frimaire au XII, et contenant le vœu qu’il soit élevé, du côté de la Seine, une façade au palais du Corps législatif, destinée à rappeler les campagnes d’Austerlitz et les sentiments que nous a exprimés à notre retour le Corps législatif, et que la dépense en soit faite sur les réserves provenant des vacances de ce Corps,
Sur le rapport de notre ministre de l’intérieur,
Avons décrété et décrétons ce qui suit :
ARTICLE ler. – Conformément au vœu exprimé dans la délibération du 11 juin du conseil d’administration du Corps législatif, il sera élevé au palais du Corps législatif, du côté du pont de la Concorde, une façade correspondante et parallèle à celle de la Madeleine, et en harmonie avec elle. Les ornements auront le caractère énoncé dans cette délibération.
ART. 2. – Les fonds nécessaires à cette reconstruction seront pris sur les réserves provenant des vacances du Corps législatif et restées au trésor public.
ART. 3. – Les plans et devis de cette reconstruction seront soumis à l’examen de notre ministre de l’intérieur et par lui arrêtés.
ART. 4. – Nos ministres de l’intérieur des finances, et du trésor public, sont chargés de l’exécution du présent décret.
Saint-Cloud, 25 juin 1806
A M. Gaudin
Faites demander à M. Fravega le vase précieux d’émeraude qu’il a pris au trésor de Gènes en 1798, et dont il est encore en possession.
Saint-Cloud, 25 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, j’ai lu votre longue lettre relative aux bons de M. Bignami. Toutes les raisons que donne M. Bignami sont mauvaises. Il sait bien qu’Ardant est un fripon et que les bons ont été volés. Le trésor auquel ils appartiennent en réclame le payement, la justice les annule; ils sont couverts par des contre-bons du trésor : il n’y a pas de doute que M. Bignami doit payer. Quant à la raison que M. Ardant est un fripon et qu’il conserve les bons qu’on devrait lui faire rendre, M. Ardant est en fuite et on ne le trouve pas. Je suis fâché que mes ministres et les négociants soient assez peu éclairés pour croire que M. Bignami a raison; quand il perdrait son crédit, il l’a mérité; un bon négociant ne fait jamais d’affaires suspectes. Le grand-juge doit dire que M. Ardant est en fuite, et qu’il est poursuivi; que, quand même les bons arriveraient, si M. Bignami les payait, il me répondrait de la somme. Ne croyez pas que M. Bignami soit innocent de tout cela; il savait bien ce qu’il faisait. En un mot la question se réduit à ceci : un nommé Ardant, homme sans crédit sur la place, aventurier, a volé 800,000 francs au trésor; il les a portés chez un négociant quelconque; il est en fuite; on le cherche sans pouvoir le trouver; ses billets sont nuls, et le trésor prend son argent où il le trouve.