Correspondance de Napoléon – Juillet 1813

Dresde, 24 juillet 1813.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Dresde.

Mon Cousin, je croyais avoir donné l’ordre depuis longtemps qu’on levât l’état de siège de la ville de Leipzig. Donnez ordre au duc de Padoue de faire connaître au cercle de cette ville qu’il a été exempté des différentes fournitures qui lui avaient été demandées ; que si le cercle avait fait des préparatifs ou des achats pour cette fourniture, on les lui prendrait moyennant payement.

 

Dresde, 24 juillet 1813.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 13e corps de la Grande Armée, à Hambourg

Mon Cousin, les hostilités ne pourront recommencer que le 16 août. Je suppose donc que dès le 1er août toutes vos portes seront orga­nisées, vos remparts garnis d’artillerie et la place en parfait état de défense. Je suppose que le gouverneur, les commandants d’artillerie et du génie, le commandant en second de la place, le contre-amiral, les chaloupes canonnières, que tout le monde enfin sera à son poste, et qu’on aura désarmé les habitants, établi une sévère police, orga­nisé le service des pompes, et que je serai sans inquiétude sur le sort de cette place importante.

La 50e division sera au 10 août forte de 12,000 hommes; vous pourrez donc la diviser en deux, laisser 4 à 5,000 hommes pour la garde de Hambourg (et vous faire du reste une bonne division de 6 à 7,000 hommes), ce qui, joint aux hommes du dépôt de cavalerie et de l’artillerie, aux matelots, à la gendarmerie, aux douanes, assu­rera toujours une garnison de 8,000 Français à Hambourg. Vous sentez qu’il serait ridicule de tenir toute la 50e division à ne rien faire dans Hambourg, tant que la position que vous prendrez couvrira cette place.

Ainsi vous pourrez réunir dans cette position la 3e division forte de 8,000 hommes; la 40% de 9,000 hommes; la partie active de la 50e, de 6,000 hommes; infanterie française, 23,000 hommes; infanterie danoise, 10,000 hommes; total de l’infanterie, 33,000 hommes; cavalerie française, 3,000 hommes; cavalerie danoise, 2,000 hommes; total de la cavalerie, 5,000 hommes; total général, 38,000 hommes. Vos quatre divisions auront leur artillerie, quatre compagnies d’équipages militaires, leurs ambulances, etc., ce qui fera une armée de plus de 40,000 hommes. Je désire qu’au 5 août ces 40,000 hommes soient campés en avant de Hambourg, dans une belle position, ayant des postes d’infanterie et de cavalerie sur le cordon; que, par celte position offensive, vous puissiez contenir l’armée suédoise et tout ce que l’ennemi a dans le Mecklenburg, et l’empêcher de se porter sur Berlin à la rencontre d’une armée de 60,000 hommes que j’y enverrai; qu’enfin vous soyez prêt à suivre le mouvement de l’ennemi, ou à l’attaquer s’il était en force inférieure. Vous pouvez avoir quelques détachements d’infanterie et de cavalerie le long de l’Elbe, mais de manière que vous puissiez les reployer promptement au moment de la reprise des hostilités, afin que vos troupes soient toutes réunies et que vous n’ayez à avoir aucune crainte ni aucune échauffourée.

Le ministre de la guerre doit vous avoir annoncé les différents détachements de la 50e division qui arrivent ; ainsi vous devez bien savoir à quoi vous en tenir. Pressez l’arrivée de tous vos détache­ments et de toutes vos remontes de cavalerie. Faites-moi connaître la position où vous voulez camper vos quatre divisions. Je suppose que vous aurez assuré vos vivres en farine et biscuit pour un mois. Je suppose aussi que vous aurez pris connaissance du corps danois, attendez pas au dernier moment pour concentrer toutes les troupes françaises; ce qui ne vous empêchera pas d’occuper Lübeck par un commandant français, par de la gendarmerie et quelques postes de cavalerie légère et de voltigeurs français. Faites-moi connaître posi­tivement ce que vous croyez que vous pourrez avoir d’hommes de cavalerie le 15 août, soit à pied, soit à cheval. Vous savez toutes les dispositions qui ont été faites à cet égard.

 

Dresde, 24 juillet 1813.

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, vous verrez les mesures que j’ai prises pour que les vingt et un régiments de cavalerie de l’armée d’Espagne aient soixante et treize escadrons formant environ 15,000 hommes. À vue de pays, c’est 3 à 4,000 chevaux qu’il faudra se procurer. Proposez-moi un marché ou une répartition entre les diffé­rents départements. Vous remarquerez que je n’ai porté qu’à 180 hom­mes les escadrons de dragons. Je pense que cette cavalerie pour l’armée d’Espagne sera suffisante. Avec un effectif de 15 à 16,000 hommes, on pourra toujours avoir 12,000 hommes présents sous les armes. Si ce n’était pas suffisant, on verrait à organiser en France, ou aux escadrons de guerre, un autre escadron. D’ailleurs, si les hostilités recommençaient ici, on réorganiserait le 4e escadron de chaque régiment, de sorte qu’au lieu de soixante et treize esca­drons, il y en aurait quatre-vingt-quatorze.

 

Dresde, 24 juillet 1813.

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, vous verrez par mon décret qu’au lieu d’un bataillon d’équipages militaires pour l’armée d’Espagne j’en veux deux. Pour compléter ces bataillons, prenez toutes les voitures qui sont à Sampigny. Présentez-moi un projet de décret pour régler le nombre de chevaux qu’il faut lever pour compléter les attelages de ces deux bataillons. Je vous ai déjà accordé les mulets. Faites passer ce service avant celui des 7e compagniesdes bataillons de la Grande Armée. Pour marcher plus rapidement, faites aller de front l’orga­nisation de ces deux bataillons, en organisant d’abord trois compa­gnies de l’un et de l’autre. Vous trouverez des voitures à Bayonne, à Bordeaux et dans tout le Midi. Les voitures n° 1 et n° 2 sont éga­lement bonnes.

 

Dresde, 24 juillet 1813.

Au baron de La Bouillerie, trésorier général de la couronne et du domaine extraordinaire, à Paris.

Mon intention est d’avoir toujours 4 millions en réserve dans la caisse du sieur Peyrusse ; ces 4 millions sont pour les besoins de l’armée et ne doivent avoir rien de commun avec le service de la Maison. Sur ces 4 millions de réserve, il ne doit être fait aucun payement qu’en vertu d’un ordre de moi. Dans ce moment, le payeur n’a que 3,480,000 francs; je laisse de côté les 480,000 francs pour le service de la Maison, et je ne trouve que 3 millions pour la réserve : c’est donc un million que vous devez envoyer pour porter cette réserve à 4 millions. Mais je dispose de 600,000 francs, que je charge le sieur Peyrusse de verser à Mayence dans la caisse du payeur général de l’armée, contre des traites du trésor impérial; ainsi ce payeur n’aura plus que 2,400,000 francs en caisse : c’est donc 1,600,000 francs que vous aurez à lui envoyer. Je désire que vous preniez toutes vos dispositions de manière que ces 1,600,000 francs soient arrivés à Mayence avant le 10 août.

Quant aux fonds pour le service de la Maison, vous devez y pour­voir conformément au budget de chaque chef de service et selon les besoins, sans que j’entre pour rien dans cette comptabilité.

 

Mayence, 27 juillet 1813.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Dresde

Monsieur le Duc de Bassano, je vous renvoie des discussions avec les Polonais. Donnez tous les ordres que vous jugerez convenables. Je m’en suis rapporté à vous dès le commencement, et je m’en rap­porte encore à vous : je ne veux rien changer qui diminue votre res­ponsabilité. Si, au 10 août, les Polonais sont bien habillés, équipés et armés, vous aurez rempli mes intentions ; s’ils ne sont ni habillés, ni équipés, ni armés, vous m’aurez mal servi.

 

Mayence, 27 juillet 1813.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Dresde

Monsieur le Duc de Bassano, je reçois votre lettre du 25 juillet. J’étais instruit depuis longtemps de la nouvelle position qu’avait prise l’armée russe. Cela doit vous servir dans vos conversations avec le comte de Bubna et dans vos lettres au comte de Narbonne, pour faire connaître combien était critique la position de l’ennemi au moment où j’ai conclu l’armistice ; que la position qu’ils ont prise depuis est une position naturelle; que l’armistice n’a été d’une véritable utilité que pour l’ennemi; que, quant à moi, je n’y ai consenti que dans l’espérance d’arriver à la paix.

Je suis arrivé ici en quarante-deux heures. J’ai trouvé l’Impératrice bien portante.

 

Mayence, 27 juillet 1813.

Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur le Comte Mollien, mon intention est que sur le budget des relations extérieures, exercice 1813, un million soit prélevé pour des secours à accorder aux Espagnols réfugiés. J’ai chargé le mi­nistre d’État Otto de la distribution de ce secours, qui devra être payé à raison de 200,000 francs par mois, depuis le 1er juillet. Pré­venez-en le comte Otto; qu’il écrive au duc de Bassano pour les or­donnances de juillet et d’août; qu’il fasse sur-le-champ l’état des secours à accorder pour juillet, et qu’il fasse payer. Il fera faire pour août un autre état qui sera envoyé au duc de Bassano, pour être soumis à mon approbation.

 

Mayence, 27 juillet 1813.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je reçois votre lettre du 20 juillet. Au 1er juillet, il y avait 290,000 fusils, soit neufs, soit de dragons, soit étrangers; pendant juillet, août, septembre, octobre, novembre et décembre, on fera 110,000 fusils : au 1er janvier 1814, j’aurai donc 400,000 fusils. Pour les fusils à réparer, vous en réparerez 60,000 d’ici au 1er janvier : il faudrait activer ces réparations, de manière que tout fût réparé d’ici au 1er janvier prochain. Actuellement, de ces 400,000 fusils il faut ôter les consommations, les fusils qui restaient à distribuer au 1er juil­let aux troupes et gardes nationales, et enfin ce que l’on consommera dans le reste de l’année. Comme les 30,000 d’Erfurt sont portés dans l’existant, il faut les considérer comme consommés, et, en portant à tout hasard 120,000 autres pour la consommation du reste de l’année, la consommation se monterait donc à 150,000 fusils, en supposant qu’il n’y ait aucune nouvelle conscription. Et comme l’existant est de 400,000, que la consommation est supposée de 150,000, il resterait donc 250,000 armes. Ainsi, en supposant la levée de la conscription de 1814, cela emploierait 120,000 fusils.

En n’évaluant qu’à 60,000 le nombre nécessaire avant le 1er jan­vier, cela réduirait notre existant en France à 190,000. Je suppose qu’en janvier, février et mars vous en ferez 55,000, qui armeraient le reste de la conscription, de sorte que nous arriverions au 1er avril 1814, ayant armé toute la conscription et ayant 190,000 fusils. Il faut donc activer partout nos moyens de réparation et de construction.

Je vois sur l’état n° 2 qu’il n’y a à Brest que 1,400 fusils; il y en faut au moins 12,000 pour armer les ouvriers et les équipages. Voyez si la marine en a; si elle n’en a pas, tâchez de compléter ce nombre de fusils sur ce point important.

Je vois qu’il y a 12,000 fusils à Toulon; ce nombre ne serait pas suffisant non plus ; il y en faut au moins 20,000. Je suppose que la marine en a plus de 8,000.

Je crois convenable que vous ayez à Anvers, Cherbourg, Brest, la Rochelle et Toulon, de quoi armer 1° tous les ouvriers des arsenaux, 2° tous les équipages, puisque en cas d’événement ils défendraient les places.

 

Mayence, 27 juillet 1813.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je ne vois pas de difficulté pour l’inscription que vous voulez mettre au fond du bassin de Cherbourg. Mettez-y des médailles de toute espèce : Denon pourra vous en donner en cuivre.

 

Mayence, 27 juillet 1813.

Au comte Daru, directeur de l’administration de la Grande Armée, à Dresde.

Monsieur le Comte Daru, les hôpitaux à Erfurt sont très-mal ; il faut que vous y envoyiez des fournitures pour pouvoir y bien établir les 4,000 malades. Il faut aussi que la garnison soit nourrie des magasins, car ce pays est écrasé et bien misérable. J’attends, demain trois des principaux habitants, avec lesquels je compte arranger les affaires d’Erfurt.

J’ai ordonné que 3,000 convalescents qui sont à Erfurt fussent di­rigés en cinq ou six bataillons de marche sur Magdeburg, où ils seront armés et habillés. Les magasins d’habillement ne contiennent encore rien à Erfurt. Quand donc commencera-t-on à former des magasins d’habillement dans ce pays ?

 

Mayence, 27 juillet 1813.

Au général comte Sorbier, commandant l’artillerie de la Grande Armée, à Dresde.

J’ai ordonné qu’on mette Luckau à l’abri d’un coup de main : voyez le général du génie pour en concerter l’armement. J’ai ordonné qu’on mette aussi Bunzlau à l’abri d’un coup de main : concertez-vous également avec le génie pour connaître le nombre de pièces qu’il y faut. J’ai ordonné que Stolpen fût mis en état : voyez également l’armement qui y sera nécessaire. Soumettez tout cela à mon approbation. Il est indispensable que du 10 au 15 août ces points soient armés.

Pour les dépôts de cartouches, il est préférable de les avoir à Luckau pour le corps du duc de Reggio, et à Bunzlau pour les autres corps, puisque ces places seront mises à l’abri d’un coup de main.

 

Mayence, 28 juillet 1813, au matin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Monza.

Mon Fils, je reçois votre lettre du 20. Je vous ai mandé hier que j’étais venu passer quelques jours à Mayence et que je serais de retour à Dresde dans les premiers jours d’août.

Le corps d’observation de Bavière, qui est aujourd’hui à Bayreuth, à Bamberg et à Würzburg, devient très-beau.

Vous ne devez pas compter sur les bataillons qui étaient destinés à votre armée et qui étaient en Bretagne. Vous pouvez compter sur ceux qui étaient en Provence ; ils ont ordre de partir.

Il est probable que les hostilités ne commenceront que le 16 ou le 17 août. Il est donc indispensable qu’au 10 août vous ayez votre quartier général à Udine, que toutes vos troupes y soient réunies, et que vous puissiez, le 11, vous mettre en marche pour Graz. Le 1er de hussards et le 31e de chasseurs, qui reviennent d’Espagne, se complètent chacun à 1,200 hommes à Vienne en Dauphiné. Jusqu’à cette heure, je ne sache pas qu’il y ait une armée autrichienne à Graz et Klagenfurt. Le passage du duc d’Otrante et celui du général Fresia doivent vous avoir donné des renseignements bien positifs là-dessus. Je désire que vous m’envoyiez le plus tôt possible un rapport qui me fasse connaître quelle est la position de votre armée au 1er août, infanterie, cavalerie et artillerie, et quelle en sera la situa­tion au 10 août, ainsi que le lieu que chaque division et bataillon occupera à cette dernière époque.

J’ai contremandé le mouvement des deux régiments étrangers. Ce­pendant, vous pourriez tirer de chaque régiment un bataillon que vous tiendriez en observation sur les derrières, ne serait-ce que pour garantir les côtes et réprimer les insurrections, sans toutefois faire avancer ces bataillons dans la direction de l’Allemagne.

 

Mayence, 28 juillet 1813.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Mayence.

Mon Cousin, ai-je donné ordre que la 32e division, commandée par le général Teste, quitte Magdeburg pour se rapprocher de Dessau, en prenant position à Kœthen ? Avez-vous prévenu le général Vandamme qu’il débouchera par Wittenberg, et qu’il faut que toutes ses divisions soient prêtes ; qu’on dirige sur Wittenberg tout ce qu’il aura en arrière de lui, et que je désire qu’il puisse s’assurer de trente jours de vivres. Si vous n’avez pas donné ces ordres, donnez-les sur-le-champ, et ordonnez au général Vandamme de m’envoyer à Dresde un officier, le 3 août, pour me faire connaître sa situation au 2 août.

Prévenez le duc de Padoue qu’au 10 août il recevra l’ordre de se mettre en marche; qu’il fasse connaître quelle sera la situation de son corps d’armée à cette époque; qu’il faut que toute sa cavalerie soit en état. Demandez-lui les forces qu’il a; s’il a son ambulance; si les régiments ont leur ambulance régimentaire; si chaque soldat a ses quatre fers pendus à sa selle, ce qui est d’une haute nécessité. Écrivez-lui de faire aussi en sorte d’avoir pour dix jours de vivres ; qu’il- est probable qu’il passera l’Elbe à Wittenberg; qu’il ne doit laisser personne à Leipzig ; que tout ce qui serait du dépôt et ne serait pas encore monté, il doit l’envoyer à Magdeburg; que tout ce qu’il y aurait de bagages et autres effets doit être dirigé sur Magdeburg ou Wittenberg; qu’enfin ses mesures doivent être telles que, si l’en­nemi venait à Leipzig, il n’y prît rien aux corps, hormis les hôpitaux qu’on est obligé de laisser, et qu’il est probable d’ailleurs que l’en­nemi n’y viendra pas ; qu’il est nécessaire qu’il visite les hôpitaux pour en faire partir au fur et à mesure les convalescents, habillés ou non, et les diriger sur Wittenberg, où on les placera dans le dépôt de leur corps, où ils seront habillés et armés; qu’il est nécessaire également qu’il fasse évacuer sur France tous les homme qui seraient hors de service, et qu’il engage tous les officiers malades ou blessés à se faire évacuer sur France, s’ils ne peuvent plus servir, ou du moins à se renfermer dans les places fortes. Enfin recommandez au duc de Pa­doue de prendre toutes ses mesures pour entrer en campagne. Dites-lui que je suppose qu’au 10 août son corps sera de 9,000 combat­tants, officiers compris.

 

Mayence, 28 juillet 1813.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Notre frontière du Rhin est incomplète, et il est nécessaire de la compléter. Pour cela, il faudrait remplir le vide qui existe entre Mayence et Wesel, en faisant des places à Cologne et à Coblentz. Ce ne seraient point des places de dépôt, Mayence et Wesel nous suffisent sous ce rapport, ce seraient des points définitifs qui serviraient de ralliement et qui inquiéteraient l’ennemi s’il voulait passer de ce côté.

J’ai, dans le temps, visité l’enceinte de Cologne. On pourrait seu­lement la mettre à l’abri d’un coup de main, et 4,000 sommes, ayant pour eux les habitants, défendraient cette ville contre toute entreprise de troupes légères, jusqu’à l’arrivée de l’équipage de siège. Les dépenses à faire pour cela, ne sont pas considérables; elles se feraient d’ailleurs successivement. Tout consisterait à établir sur ce point une belle citadelle, un pentagone par exemple, on un hexagone capable de toute la défense dont ce genre d’ouvrage est susceptible. Ce pen­tagone ou hexagone aurait deux ou trois de ses côtés du côté du Rhin; il n’aurait alors réellement que trois fronts d’attaque. Il devrait défendre la navigation du fleuve, dominer sur la ville  et l’abriter, et protéger une tête de pont qui serait sur la droite.

Ainsi, avec une dépense de quelques millions on serait suffisamment maître de la grande ville de Cologne, on l’occuperait pendant toute la guerre, on serait maitre du pont, et ce ne serait qu’à l’arrivée d’une artillerie de siège considérable que, la brèche se trouvant faite à l’enceinte, les 4 ou 5 ,000 nommes de garnison se retireraient dans la citadelle, et là se défendraient pendant tout le temps de résistance que comporte ce genre d’ouvrage. C’est le seul moyen d’occuper une grande ville avec peu d’hommes et en dépensant peu d’agent.

Le second point est lui de Coblentz. Je crois que cela doit se réduire à la position d’Ehrenbreitstein. Peut-on, avec quelques mil­lions, se mettre en état de réoccuper Ehrenbreitstein, placer vis-à-vis un ouvrage qui assure le pont et le passage du fleuve, permette de déboucher sur la rive droite et interdise absolument la navigation ?

S’il était vrai qu’en dépensant quelques millions pour ces deux, ou­vrages on fût assuré, avec le seul emploi de 8 à 10,000 hommes, d’occuper ces deux postes importants, il serait difficile de mieux utiliser son argent et de mieux compléter la ligne militante.

Le temps est arrivé où je désire m’occuper sérieusement de l’établissement de ces places. J’ai souvent agité lg question, et c’est à ce que je viens de vous dire que je me suis depuis longtemps arrêté. C’est au corps du génie à me soumettre les projets qui peuvent rem­plir mes intentions.

J’occupe Coblentz, parce que c’est un des grands débouchés de l’Allemagne et de la France, parce qu’il est à l’embouchure de la Moselle, qui est une grande voie de communication avec Metz, parce que c’est une des plus belles positions connues, et que là je peux ob­tenir un grand résultat avec peu d’argent.

On a longtemps balancé entre Cologne et Bonn; mais, occupant Coblentz, l’on serait trop rapproché, et d’ailleurs Cologne doit être occupé comme grande ville. C’est une belle tête de pont sur le Rhin. Mais, dans la situation actuelle, une armée qui y arriverait et s’en emparerait aurait là un point d’appui pour de vastes opérations, une belle place de dépôt et de grandes ressources. Il faut donc l’occuper. Cologne et Coblentz occupés, l’ennemi ne peut tirer aucun parti de Bonn, et il ne reste plus de places jusqu’à Wesel ; il n’y a plus sur la rive gauche que des bourgades sans importance et qui n’offrent au­cune ressource à une armée..

Je désire donc que les officiers du génie et le premier inspecteur me présentent le plus tôt possible un projet pour Ehrenbreitstein et pour l’établissement à Cologne d’une citadelle qui ait les propriétés ci-dessus indiquées. Il faut toujours que le terrain soit bien nivelé, de manière que cet hiver je puisse prendre un parti, commencer les travaux au printemps et les pousser avec une grande activité.

Ce système une fois adopté, il faudra entièrement raser les forti­fications de Bonn, pour qu’il n’y ait aucune espèce de position qui puisse servir de tête de pont à l’ennemi.

il faut aussi qu’on s’étudie à établir les ouvrages de manière qu’on arrive en peu d’années à un résultat : c’est un art que les ingénieurs négligent trop dans la conduite de leurs travaux.

 

Mayence, 29 juillet 1813.

Au prince Cambacérès, archichancelier de l’empire, à Paris

Mon Cousin, je vous envoie directement un décret que je viens de prendre. Il y a, sans doute, parmi les membres de la commission que j’ai désignés des individus qui ne sont pas en ce moment à Paris, et qu’il faudra faire venir; mais on peut procéder sans eux. J’ai pensé que dans cette conjoncture les noms étaient pour beaucoup.

Le comte Otto remplira les fonctions de ministère public, ainsi que le comte Mole.

Vous ferez bien sentir à la commission que mon intention est d’o­bliger, à quelque prix que ce soit, les Anglais à renoncer aux pon­tons. Le marin, même le plus exercé, répugne à habiter sur la mer; il y contracte des maladies d’une espèce particulière. Il ne peut pas être mis en doute que si les pontons sont favorables aux Anglais, leur usage n’en est pas moins un acte de barbarie. Il faut qu’on en­tende beaucoup de témoins, et publiquement, pour constater de quelle manière nos prisonniers sont traités.

Le travail doit être fait dans ce sens, qu’il soit établi que les pri­sonniers doivent avoir la faculté de se promener et de respirer l’air de la terre.

Le résultat de l’enquête sera envoyé au Transport-Office, et on déclarera que si les pontons ne sont pas supprimés, et si l’on ne place les prisonniers dans les villes et sur terre, selon l’usage de tous les pays, il sera usé de représailles et établi en France des pon­tons de même forme, de même nature, sur lesquels on placera le même nombre d’individus qui sont renfermés sur les pontons anglais.

C’est dans ce sens que l’enquête doit être faite, et on doit lui donner beaucoup de publicité. C’est aux marins à déclarer combien l’air de la mer est contraire aux gens même bien portants, dange­reux, etc.

 

Mayence, 29 juillet 1813.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Dresde.

Mon Cousin, donnez ordre à la 42e division de partir demain 30, de Bayreuth, pour se rendre à Hof, où elle sera arrivée le 1er.

Faites connaître au duc de Castiglione que je partirai d’ici le 1er au soir; que je serai le 2 au matin à Würzburg; que j’y verrai les deux divisions, tout ce qu’il y a de son corps à Würzburg, ainsi que la citadelle, et que je continuerai ensuite ma route pour Bamberg, où je verrai, le 2 au soir, les deux autres divisions ; que, le 3, je verrai la division qui est à Bayreuth, celle qui est à Hof et la cava­lerie du général Milhaud ; qu’ainsi je serai, dans la nuit du 3 au 4, de retour à Dresde.

Prévenez aussi le général Pajol pour qu’il y ait des escortes par­tout; mais recommandez qu’on garde le secret. Ce sera le prince de Neuchâtel qui sera censé devoir passer. Je veux arriver à Würzburg, à Bamberg et à Bayreuth, dans le plus parfait incognito; qu’on ignore même que j’arrive. Il faut que le duc de Castiglione et le général Pajol soient seuls dans le secret, et leur dire que le secret est d’au­tant plus nécessaire qu’il serait possible que cela changeât.

 

Mayence, 29 juillet 1813.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Dresde.

Mon Cousin, donnez ordre au général Nansouty de prendre le commandement de la cavalerie de la Garde. Il jouira du traitement dont il jouissait dans la campagne passée comme commandant d’un corps de cavalerie. Vous lui ferez connaître qu’il ait à être rendu à Dresde le 1er ou au plus tard le 2 août. Il prendra et recevra mes ordres par le canal du comte de Lobau. Ce dernier prendra le titre d’aide-major de la Garde. Vous prescrirez que ces deux nominations soient mises à l’ordre de la Garde.

Donnez ordre également que le général Friant commande la divi­sion de la vieille Garde, dont le général Curial commandera la bri­gade de chasseurs et le général Michel la brigade de grenadiers.

Conférez avec le comte Lobau, et présentez-moi L’organisation des bureaux qui lui sont nécessaires pour pouvoir convenablement rem­plir les fonctions d’aide-major d’un corps aussi considérable que l’a Garde, en infanterie, cavalerie, artillerie et administration.

 

Mayence, 29 juillet 1813.

Au général Caulaincourt, duc de Vicence, ministre plénipotentiaire, au Congrès de Prague.

Monsieur le Duc de Vicence, le duc de Bassano me mande que vous êtes arrivé le 27 à Prague. Je vous expédie un officier d’ordon­nance pour vous donner de mes nouvelles. Je compte être le 3 à Dresde, et probablement le 2 à Bayreuth.

Le duc de Dalmatie est entré en Espagne le 24, à la tête de son armée, qui est de près de 100,000 hommes et pourvue d’une nombreuse artillerie. Il marchait sur Pampelune pour débloquer cette place. Les Anglais se retiraient et étaient surpris de ce prompt mou­vement, auquel ils étaient loin de s’attendre. J’attends la nouvelle qu’il a forcé les Anglais à lever le siège de Pampelune, ou qu’il y a eu une bataille. Ceci est pour votre gouverne.

Du 15 au 30 août, 12,000hommes arrivent à Mayence. Ce sont de vieux soldats, les ayant tirés de l’armée d’Espagne où je les ai remplacés par un égal nombre de nouveaux cavaliers. Ces hommes de vieille cavalerie ne peuvent être en ligne que vers le milieu de septembre. Je les regarde comme un renfort réel.

Comme le temps approche de la dénonciation de l’armistice, puis que vous ne recevrez vraisemblablement cette lettre que le 2 août, votre langage doit être simple. Si l’on veut continuer l’armistice, je suis prêt; si l’on veut se battre, je suis prêt. Vous connaissez assez ma position actuelle pour savoir que je me suis mis en mesure, même contre les Autrichiens. Ainsi, si la Russie et la Prusse veulent recommencer les hostilités tout en négociant, les chances ne pourraient que m’être favorables, d’autant plus que les armées que j’ai destinées à observer l’Autriche resteraient sur mes derrières, et me mettraient en garde contre les caprices et les changements de système de l’Autriche.

 

Mayence, 29 juillet 1813.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Duc Decrès, le duc de Vicence a dû arriver aujour­d’hui à Prague; ainsi il est vraisemblable qu’au 1er août les négociations seront entamées. Réussiront-elles ? C’est un problème. Si la guerre a lieu, ce qui probablement sera décidé vers la fin du mois, mon intention serait de reprendre les 10 ou 12,000 conscrits de la marine que je vous ai donnés cette année. II faudrait qu’ils fussent tous dirigés sur Mayence, où le ministre de la guerre enverrait des cadres qu’ils serviraient à remplir. Ces hommes y arriveraient avec leurs sacs, masses de linge et de chaussure, ce qui m’éviterait une première mise. Je crois que vous avez des gibernes, ils viendraient avec leurs fusils, gibernes, sacs de peau, schakos et capotes ; ils se­ront passablement habillés en traversant la France, et, à leur arrivée, il ne sera plus question que de leur donner l’habit d’uniforme.

Concertez-vous pour cela avec les ministres de la guerre et de l’administration de la guerre. Tenez votre travail prêt, et écrivez-moi votre opinion.

 

  1. S. Il ne faut rien mettre en mouvement jusqu’à ce que je vous envoie des ordres.

 

Mayence, 31 juillet 1813.

Au prince Cambacérès, archichancelier de l’empire, à Paris

Mon Cousin, l’Impératrice compte partir le 2 août; elle n’arrivera à Cologne que le 3 au soir. Elle se propose de faire ce voyage sur le Rhin. Elle couchera probablement le 4 à Aix-la-Chapelle, le 5 à Givet, le 6 à Rethel, le 7 ou le 8 à Compiègne : elle sera donc le 9 ou le 10 à Saint-Cloud.

 

Mayence, 31 juillet 1813.

A M. de Champagny, duc de Cadore, intendant général de la couronne, à Paris

Ma maison de Mayence a les cuisines au-dessous de mon apparte­ment, ce qui rend cet appartement inhabitable. Je désirerais donc que ces cuisines fussent ôtées et qu’en place on complétât le grand appartement du rez-de-chaussée. Il y a de ce côté-là de la maison une église et une caserne qui tombent en ruine. Je viens de prendre un décret pour en ordonner la démolition et pour faire construire sur cet emplacement un grand commun, divisé en deux parties, pour les cuisines et les écuries. Cette démolition peut, sans inconvé­nient, avoir lieu dans l’année; mais la bâtisse ne peut se faire que successivement et en plusieurs années, il faudra charger le premier architecte de réviser tous ces plans et devis. S’il y a moyen, je vou­drais qu’on pût aussi augmenter un peu le grand appartement, en construisant deux petits salons de service en avant des appartements de l’Empereur et de l’Impératrice.

 

Mayence, 31 juillet 1813.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je viens de prendre un décret pour les casernes et hôpitaux de Mayence. Il n’y avait de place à l’hôpital que pour 900 lits; cela est insuffisant dans une ville aussi importante que celle-ci. Par les dis­positions que je viens d’ordonner, il y aura des hôpitaux en nombre suffisant pour contenir 2,000 malades, et l’on pourrait y ajouter, en cas de besoin, les trois casernes dont j’ordonne la construction ; ce qui fera pour 6,000 malades.

Les places fortes doivent contenir les hôpitaux et tous les embar­ras d’une armée. Mayence est la place de France où le casernement offre le moins de ressources. Il faut que vous donniez des instruc­tions à l’officier du génie pour que ces constructions coûtent le moins possible. Avec 3 ou 400 francs on doit loger un homme; si on peut y mettre plus d’économie encore, il faut le faire : c’est parce qu’on veut trop bien faire qu’on ne fait rien.

Ce qui aujourd’hui est le plus urgent, c’est de terminer la manu­tention : vous verrez que j’ai accordé les fonds nécessaires pour cela. La manutention est dans un couvent; il faut que ce local puisse con­tenir tous les magasins.

 

Mayence, 31 juillet 1813.

Au maréchal Kellermann, duc de Valmy, commandant supérieur des 5e, 25e et 26e divisions militaires, à Mayence.

Mon Cousin, donnez ordre sur-le-champ qu’on ouvre les fenêtres de l’hôpital militaire qui donnent sur un jardin, et qu’on a fermées par ménagement pour le propriétaire de ce jardin. Que ces fenêtres soient ouvertes dans la journée.

 

Mayence, 31 juillet 1813.

Au comte Daru, directeur de l’administration de la Grande Armée, à Dresde.

Monsieur le Comte Daru, je vois avec plaisir que les hôpitaux de Dresde sont aujourd’hui à 4,600 lits.

Torgau peut contenir jusqu’à 3,000 malades; faites-moi connaître ce qui peut dans ce moment être évacué sur cette place. Je ne sup­pose pas qu’elle en contienne aujourd’hui plus de 1,000 : ce serait donc 2,000 à y envoyer.

Je ne sais pas si Wittenberg et Magdeburg ont leur complet en malades; s’ils ne l’ont pas, profitez du reste de l’armistice pour con­tinuer l’évacuation.

Je considérerai comme avantageuse toute opération qui nous ren­dra plus libres à Dresde au moment de la reprise des hostilités. Don­nez ordre que les évacuations que feraient les corps, à cette époque, soient dirigées sur Glogau et Torgau, et le moins possible sur Dresde.