Correspondance de Napoléon – Juillet 1812

Vilna, 5 juillet 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna

Mon Cousin, écrivez au roi de Westphalie que je ne reçois qu’aujourd’hui sa dépêche du 3 juillet, tandis que j’ai reçu hier ses lettres du 4. Vous lui ferez connaître que je suis extrêmement mécontent qu’il n’ait pas mis toutes ses troupes légères sous les ordres du prince Poniatowski aux trousses de Bagration, pour harceler son corps et arrêter sa marche; qu’arrivé le 30 à Grodno il devait attaquer sur-le-champ l’ennemi et le poursuivre vivement. Vous lui direz qu’il est impossible de manœuvrer plus mal qu’il ne l’a fait; que le général Reynier et même le 8e corps étaient inutiles à cela ; qu’il fallait faire marcher le prince Poniatowski avec tout ce qu’il avait de disponible pour suivre l’ennemi ; que, pour s’être éloigné de toutes les règles et de ses instructions, il fait que Bagration aura tout le temps de faire sa retraite, et il la fait à son aise ; que si Bagration est parti le 30 de Volkovisk, il peut arriver le 7 à Minsk, et qu’importe alors que le Roi y suit de sa personne le 10, puisque Bagration aura gagné quatre jours de marche sur lui. Dites-lui que, le prince Poniatowski n’eût-il eu qu’une seule division, il fallait l’envoyer ; mais que tout porte à penser qu’il pouvait envoyer tout ce corps en avant; il n’aurait pu être compromis, puisque Bagration n’a pas le temps de combattre ou de manœuvrer, et qu’il ne cherche guère qu’à gagner du terrain, sachant bien qu’il est coupé par les manœuvres que je fais faire ; que le prince d’Eckmühl est, aujourd’hui 5, avec une partie de son corps en avant de Volojine, mais ne sera pas assez fort pour arrêter Bagra­tion , puisque celui-ci n’est gêné par rien. Mandez donc au Roi qu’il donne ordre sur-le-champ au prince Poniatowski de partir, avec sa cavalerie et tout ce qu’il aura de disponible, pour se mettre aux trousses de Bagration. Vous lui direz que tout le fruit de mes ma­nœuvres et la plus belle occasion qui se soit présentée à la guerre ont échappé par ce singulier oubli des premières notions de la guerre.

 

 

Vilna, 5 juillet 1812, sept heures du soir

 

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Volojine

Mon Cousin, je vous envoie copie d’une lettre que je reçois du roi de Westphalie.

Napoléon.

LETTRE DU ROI DE WESTPHALIE AU MAJOR GÉNÉRAL.

Mon Cousin, je reçois seulement à l’instant vos lettres des 29 et 30. Ce sont les premières nouvelles que j’aie depuis Kovno.

Le prince Bagration n’est nullement à Ochmiana. Ce sont seulement deux divi­sions d’infanterie qu’il avait détachées le 27 pour se porter sur Vilna, où elles devaient renforcer le corps qui s’y trouvait.

J’ai la certitude que le prince Bagration n’est parti de Volkovisk avec cinq divisions d’infanterie et deux de cavalerie que le 30, se dirigeant à marche forcée sur Slonime et Minsk.

L’hetman Platof, qui a évacué Grodno devant ma cavalerie légère, se portait sur Vilna lorsqu’il apprit à Lida que l’Empereur était dans cette première ville. Il s’est alors dirigé sur Slonime par Biélitsy, en cherchant à se joindre au prince Bagration.

Je donne ordre au général Reynier de se porter sur Slonime et de là sur Nesvije.

J’ai engagé le prince Schwarzenberg, comme il n’a plus d’ennemis devant lui, à marcher sur Bialystok.

Je serai de ma personne avec mes trois autres corps d’armée à Novogroudok le 9 ou le 10.

Nous perdons énormément de chevaux, nous manquons de moyens de trans­port; mais comme nous supportons tous les mêmes privations, nous ne pouvons pas nous en plaindre.

Jérôme Napoléon

Au quartier général, à Grodno, minuit, le 3 juillet 1812.

 

 

Vilna, 6 juillet 1812, onze heures du matin

 

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Volojine

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 5 après midi. Il est probable que vous rencontrerez la tête du corps de Bagration à Minsk. Je désire que vous ayez avec vous la division Claparède et la division Grouchy. Toute la cavalerie légère du vice-roi est ce soir à Boly-Soletchniki. Le général Lahoussaye est parti hier pour Soubotniki pour vous rejoindre; faites-le venir à vous. La cavalerie légère du vice-roi sera sur votre droite pour l’appuyer, et celle des Bavarois est sur Soletchniki. Le vice-roi se porte sur Soletchniki et Ochmiana; ainsi il sera en position de vous soutenir. J’ai envoyé ordre sur ordre au roi de Westphalie de poursuivre Bagration l’épée dans les reins. Il parait constant que Bagration n’est parti que le 30 de Volkovisk. Je ne pense pas que son avant-garde puisse arriver avant le 8 à Minsk, et que son corps y soit réuni avant le 10 ou le 11. Avec la division Claparède, la division Compans et la division Dessaix, vous aurez plus d’infanterie que lui, et la division Valence, vos deux brigades légères, la brigade Colbert, la division Lahoussaye et la division Grouchy vous donneront beaucoup plus de cavalerie. Enfin il n’est pas probable qu’il veuille vous marcher sur le corps, puisqu’il sera poursuivi en queue; et, s’il le veut, j’espère que le vice-roi sera en mesure de vous soutenir. La division Morand était hier à Postai y avec le général Nansouty. Il faut la laisser là, parce qu’elle y est dans le système du roi de Naples, qui est auprès de Vidzy, et qu’elle pourrait se porter sur Gloubokoïé, s’il y avait quelque chose à faire. Il est probable que Bagration prendra une autre route que celle de Minsk quand il saura que vous y êtes. J’espère recevoir dans peu d’heures des courriers de Grodno, qui m’apporteront des nou­velles et des renseignements précis sur sa marche. Je ne perdrai pas de temps à vous en faire communication.

Ayez bien soin que vos postes de cavalerie soient placés sur toute la ligne, afin que les communications soient rapides. Je donne ordre à tout votre quartier général de se mettre en route pour vous rejoin­dre à Minsk.

On dit qu’à Minsk il y a beaucoup de chevaux ; si vous pouviez nous en procurer 2 ou 3,000, ce serait fort utile.

 

Vilna, 6 juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, donnez ordre que tout ce qui appartient au quartier général du prince d’Eckmühl, administration, boulangers, construc­teurs de fours, génie, artillerie, etc., parte avant midi pour rejoin­dre sur Minsk, en passant par Ochmiana. Vous lui recommanderez de marcher avec ordre et de s’informer de ce qui se passe, parce que la route pourrait être croisée par des colonnes ennemies qui, de ce côté, chercheraient à gagner la Dvina.

Écrivez au général Nansouty, qui est à Postavy, de se lier avec le roi de Naples, dont les avant-postes étaient hier à Davghelichki, afin de marcher de concert sur Vidzy ; que, si cependant le roi de Naples était entré à Vidzy sans lui, il serait bon qu’il restât à huit lieues sur la droite de Vidzy, afin d’être à même de se porter sur Gloubokoïé et de pouvoir, aussitôt qu’il sera certain que le Roi n’a pas besoin de lui, intercepter la route de Disna.

 

Vilna, 6 juillet 1812.

NOTE POUR LE PRINCE MAJOR GÉNÉRAL.

1° Ne laisser partir aucun homme isolé que je ne l’aie vu et que je n’en aie donné l’ordre.

2° Donner dans la nuit quatre jours de pain (à la demi-ration) à tout ce qui part du 1″ corps.

3° Sur les 7,000 rations qui restent, donner à l’armée d’Italie les 1,700 rations qui lui manquent.

4° Donner à l’armée d’Italie les 20,000 rations qu’a la Garde. La Garde sera servie avec ce qu’on fera dans la nuit et dans la matinée de demain.

5° Donner à l’armée d’Italie les 80 quintaux de riz qu’on a ici.

6° II faut rappeler de Berlin l’ordonnateur Lambert et de Thorn l’ordonnateur Sartelon.

 

 

Vilna, 6 juillet 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, écrivez au roi de Naples que le général Morand et le général Nansouty étaient hier à Postavy, où ils doivent rester en po­sition ; que le duc d’Elchingen a reçu ordre de se porter à Taouroghiny et d’être à sa disposition, et qu’il peut y avoir intérêt à occuper Vidzy. Faites-lui connaître que le prince d’Eckmühl doit arriver aujourd’hui à Minsk, et qu’il marche à la rencontre de Bagration, qui est parti le 30 de Volkovisk, et que je suppose poursuivi vivement par le prince Poniatowski, que le vice-roi se rend à Ochmiana et Maly-Soletchniki, et que de là il ira à Vileïka. Dites-lui que je ne veux point me porter sur Dinabourg; mais que, voulant opérer par mon extrême droite, nous sommes loin d’être en mesure; il faut pouvoir se régler sur les événements arrivés à Bagration. Si l’on peut avoir une affaire avec lui, l’entamer, le jeter dans les marais de Pinsk, ou l’obliger à se retirer sur Mohilef, on pourra arriver avant lui sur Vitebsk. Dites-lui que je ne veux point que son corps se porte devant Dinabourg; mais que je le laisse le maître de se porter sur Vidzy, pourvu qu’il marche avec prudence et sagesse. Mandez au Roi que le duc de Tarente s’est porté sur Poneveje, Chavli et Telchi, et qu’il va recevoir l’ordre de marcher sur Mitau. Faites-lui connaître que mon intention est de manœuvrer pour tourner l’ennemi par ma droite, parce que, sur sa droite le passage de la Dvina n’est plus rien, la rivière étant guéable; qu’en marchant sur Smolensk on menace Moscou, et qu’en se portant sur Polotsk on force l’ennemi à évacuer tout le pays jusqu’à quatre ou cinq marches de Saint-Pétersbourg. Cette évacuation serait d’un effet avantageux sur le moral des Russes, qui seraient obligés de laisser une garnison de 15,000 hommes dans Dinabourg et une garnison de pareille force dans Riga, et, au lieu d’une petite guerre d’affaires d’arrière-garde et de chicanes, cela don­nera lieu à de grands mouvements de flanc. Pendant que le roi de Westphalie et le vice-roi manœuvreront sur la droite et que le duc de Tarente menacerait la gauche, le 1er et le 2e corps avec les corps de cavalerie serreraient l’ennemi. Dites au Roi qu’aussitôt arrivé à Vidzy il doit faire construire des fours, organiser les subsistances et mettre un terme au pillage de la cavalerie légère. Il doit s’assurer que son artillerie est avec lui. Le général Wittgenstein s’étant retiré sur Riga, il ne peut donc avoir devant lui que le corps de Baggovoute, formant deux divisions; celui de Toutchkof et celui de Chouvalov, formant quatre divisions; la garde et les deux divisions de Doktourof, ce qui peut faire environ 80,000 hommes en infanterie, cavalerie et artillerie. En débordant toujours l’ennemi par sa gauche, le Roi l’obligera à évacuer Vidzy. Le Roi a le 2e et le 3e corps, qui forment environ 70,000 hommes, trois divisions du 1er corps, en y comprenant la division Morand et les corps de cavalerie des généraux Nansouty et Montbrun ; cela doit faire en tout 100 à 110,000 hommes. Mais mon intention n’est point qu’on engage une aussi grande affaire sans ma présence. Le duc d’Elchingen a été rejoint par son artillerie et est en mesure; mais il vaut mieux marcher un jour plus tard et ne risquer que des affaires de cavalerie. Dites-lui que mon intention n’est pas encore de manœuvrer sur la Dvina, et que la cavalerie et les transports de l’armée ont besoin d’un peu de repos.

 

Vilna, 6 juillet 1812

 

ORDRE.

Sa Majesté ordonne que, en cas de réunion des 5e, 7e et 8e corps d’armée et du 4e corps de réserve de cavalerie avec le corps com­mandé par le prince d’Eckmühl, le commandement soit déféré au prince d’Eckmühl comme le plus ancien général. L’Empereur ordonne à Sa Majesté le roi de Westphalie de reconnaître le prince d’Eckmühl comme commandant supérieur tant que les corps d’armée seront réunis. Il est ordonné au général de division Marchand, chef d’état-major, et au général Latour-Maubourg, au prince Poniatowski, au général Reynier et au général Tharreau, de se conformer aux dispo­sitions ci-dessus. Il est également ordonné à tous les généraux de division et de brigade et à tous officiers et soldats des 5e, 7e et 8e corps d’armée et 4e de réserve de cavalerie, d’obéir et se conformer aux ordres qui leur seront donnés par le prince d’Eckmühl.

Par ordre de l’Empereur, Alexandre, prince de Neuchâtel, major général.

 

Vilna, 7 juillet 1812, six heures du matin

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, faites connaître, par une lettre en chiffre, au roi de Westphalie la position du prince d’Eckmühl, hier 6 ; vous la tirerez des reconnaissances ci-jointes. Réitérez-lui l’ordre d’activer sa marche. Dites-lui que les renseignements qu’il donne sur Bagration sont si imparfaits qu’ils nous embarrassent; que, s’il suit la marche qu’il a prise, il nous la fasse connaître.

 

Vilna, 7 juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna

Mon Cousin, la Garde doit partir; son mouvement commence le 9 et se continue le 10 et le 11. Il est nécessaire que l’équipage de pont, les troupes du génie, de l’artillerie, et tout ce qui part, emportent pour six jours de vivres à demi-ration et aient leur viande assurée, à trois quarts de livre ou une livre par homme. Il est donc nécessaire que dans la journée du 10 on puisse avoir 90,000 rations de pain à distribuer à la Garde, à porter sur le dos, ce qui assurera ses sub­sistances pour six jours; et 300 quintaux de riz, pour distribuer une livre de riz à chaque homme, ce qui assurera les vivres de la Garde pour dix jours ; que le 11 et le 12 deux convois de pain, de 30,000 ra­tions chacun, partent de Vilna pour suivre le mouvement de la Garde, ce qui lui assurera du pain pour quatre autres jours; enfin que le 9, le 10, le 13, il parte dix convois de pain chargés sur les voitures du quartier général, sur des voitures auxiliaires, sur celles qui rempla­ceront les voitures des 9e, 10e et 2e bataillons, sur celles du 14e ba­taillon , et sur les voitures qui pourraient arriver encore, de manière que dans les journées du 9, du 10 et du 11 il y ait de partis 4,000 quin­taux de farine à la suite de la Garde, ce qui fera 360,000 rations de pain ou 10 jours de vivres assurés pour la Garde et le quartier général; ce qui, joint aux dix jours qu’aura emmenés la Garde, fera vingt jours de pain. Si l’armée ne marche pas, d’autres convois arriveront; si elle marche, elle trouvera des ressources dans les villes. Mais je ne puis avoir de tranquillité que la Garde et le quartier général n’aient vingt jours de vivres assurés, puisque la Garde marche la dernière et doit donner l’exemple de la discipline. Dans ce compte ne doivent pas être compris le biscuit, l’eau-de-vie, etc., contenus dans les quarante caissons du quartier général, qui sont une ressource extra­ordinaire. Comme il y a du biscuit arrivé, faites voir s’il est en bon état et faites-en remplir les caissons du quartier général, ce qui est plus avantageux dans un cas imprévu.

 

Vilna, 7 juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, donnez ordre au général Éblé d’organiser un équipage de pont de trente-deux bateaux, avec deux compagnies de pon­tonniers et une compagnie de marins; il les mettra sous les ordres d’un officier supérieur. Cet équipage partira demain sous le comman­dement du général Kirgener, qui mènera avec lui une compagnie de marins de la Garde, la compagnie de sapeurs de la Garde, celle du grand-duché de Berg, les trois compagnies de sapeurs attachées à la Garde, deux compagnies do bataillon des ouvriers du Danube, une des compagnies du train du génie avec ses voitures, deux compagnies de mineurs et deux de sapeurs du parc général du génie. Cet équipage prendra en partant du pain pour quatre jours, et se dirigera sur Vidzy, aux ordres du roi de Naples. Comme l’équipage de pont retarderait la marche de ces troupes, vous donnerez ordre qu’on laisse les pontonniers et une compagnie de sapeurs pour l’escorter. Le général Kirgener prendra les devants avec le reste de sa troupe pour pouvoir faire raccommoder tous les ponts sur la route; il laissera de petits détachements à tous les points qui ont été rétablis provisoire­ment, a6n d’achever de les établir d’une manière durable. Il rendra compte de tous ses travaux au major général et au roi de Naples. Faites-moi faire un rapport sur tout ce qui existe d’équipages de pont, ainsi que du matériel du parc da génie.

 

Vilna, 7 juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, il est nécessaire qu’un équipage de pont de trente voitures parte au plus tard le 9 pour se rendre à Sventsiany, qu’un autre parle le 10, un autre le 11 et un autre le 12 ; il est également nécessaire que tout ce que le général Éblé a laissé à Kovno en parte le plus tôt possible. J’ai ordonné à l’intendant général de fournir 10,000 quintaux d’avoine au général Éblé, afin qu’il puisse nourrir ses chevaux en route. Il paraît convenable, de plus, de lui accorder 200 paires de bœufs; en attelant une paire à chaque voiture, cela soulagera ses chevaux. La Garde laisse beaucoup trop de ses pièces ; puisque nous avons les hommes, et qu’il y a manque de chevaux, il faut employer les bœufs, qui sont très-bons pour les parcs de réserve. Moyennant 400 paires de bœufs, l’artillerie pourra atteler deux cents voitures, ce qui me donnera trente pièces de canon de plus. Le général d’artillerie doit recommander le même moyen au 3e, au 1er et au 2e corps : à défaut de chevaux, de se servir de bœufs, lesquels, n’ayant pas besoin d’avoine, arriveront infailliblement, quoique plus tard, mais toujours à temps pour le remplacement des divisions.

 

 

Vilna, 7 juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, donnez ordre au prince de Schwarzenberg de se porter sur Slonime, et de Slonime sur Nesvije; au général Reynier de se tenir toujours en mesure de couvrir Varsovie ; au duc de Reggio d’emmener avec lui son équipage de pont, puisqu’il en aura besoin pour jeter un pont sur la Dvina ; ses quatorze bateaux seront suffi­sants en employant des chevalets ; au roi de Naples de faire construire une manutention à Vidzy.

 

Vilna, 7 juillet 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, donnez l’ordre au commandant de la place, à l’intendant général et à l’ordonnateur ou commissaire des guerres du 1er corps, qui se trouveraient ici, que tous les convois destinés au 1er corps qui arriveraient à Vilna soient dirigés, non sur le quartier général du prince d’Eckmühl, mais sur la division Friant, c’est-à-dire sur Sventsiany ou Vidzy. Donnez ordre que demain moitié des constructeurs de fours du quartier général se rendent à Vidzy, où ils construiront douze fours. N’annoncez pas leur arrivée au roi de Naples et pressez-le, au contraire, de faire construire lui-même des fours. Donnez l’ordre que les quarante voitures du petit quartier général soient prêtes à partir après-demain, chargées d’autant de riz, de farine et de biscuit qu’elles en pourront porter. Tout ce qui appar­tient au petit quartier général en chirurgiens et ambulances sera aussi prêt à partir après-demain pour se rendre à Sventsiany. Envoyez un commandant à Sventsiany et deux compagnies des troupes qui sont attachées au quartier général, pour y tenir garnison. Envoyez-y éga­lement un détachement de gendarmerie, un détachement des guides et on piquet de la cavalerie attachée au quartier général. Donnez ordre que demain on construise un pont de radeaux à Niementchine. Donnez ordre à l’intendant de se procurer 10,000 boisseaux d’avoine, qui seront donnes au général Éblé pour l’équipage de pont. Donnez l’ordre que toutes les voitures du nouveau modèle des 10e, 9e et 2e bataillons d’équipages militaires soient remisées à l’arsenal, et qu’en place on se serve de toutes les voitures du pays qu’on pourra atteler. Il est nécessaire que l’intendant me remette demain un rap­port à cet égard, et que tout cela puisse partir chargé moitié après-demain 9 et l’autre moitié le 10, sans éprouver plus de retard.

 

 

Vilna, 7 juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, écrivez au général Hogendorp qu’il a très-bien fait de garder le régiment westphalien; qu’il aurait eu grand tort de le laisser partir ; que mon intention est qu’il garde tous les hommes isolés et les forme en bataillons de marche; qu’il garde également tous les régiments de marche de cavalerie, en leur donnant du seigle et de l’avoine, qu’il me fasse passer l’état de toutes ces troupes, et je désignerai le lieu sur lequel elles devront être dirigées. En prescri­vant cet ordre, j’ai deux buts : le premier est de lui donner beaucoup de moyens pour repousser une agression qui aurait lieu sur Königsberg et Memel; le deuxième, de bien faire reposer la cava­lerie de manière qu’elle arrive en bon état. Ces corps de cavalerie, venant de France et de Hanovre, ont besoin de quinze jours de repos et d’être bien nourris; je lui recommande donc que l’avoine ne man­que pas et que cette cavalerie soit tenue ainsi en réserve.

 

 

Vilna, 7 juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, il sera établi un pont permanent à Grodno et un autre à Olitta.

Les dépôts sur le Niémen seront placés, savoir : ceux des 2e et 3e corps à Kovno; celui du 1er corps à Vilna; celui du 4e corps à Vilna; celui du 6e corps à Olitta; ceux des 5e et 8e corps à Grodno.

Tous les hommes isolés sortant des hôpitaux, tous les hommes venant des dépôts des corps qui sont sur l’Oder ou sur la Vistule, seront dirigés sur les dépôts de leurs corps en Lithuanie; ils y seront organisés, armés, etc., et y resteront jusqu’à ce qu’ils soient en état de rejoindre leurs régiments. Les bagages et autres effets que les corps voudraient faire approcher d’eux seront également dirigés des dépôts de l’Oder et de la Vistule sur les dépôts de Lithuanie ci-dessus désignés. Le dépôt de la Garde impériale sera à Vilna. Ainsi donc les généraux commandant les corps d’armée, les colonels et chefs de corps pourront faire venir des dépôts de Thorn, Danzig, Marienburg, Varsovie, Glogau et Stettin tout ce qui est en état de servir, ainsi que le matériel des bagages, etc., sur les dépôts de Lithuanie. Il sera établi un dépôt de cavalerie à Kovno, ainsi qu’un dépôt d’équi­pages militaires et d’équipages du train d’artillerie. Il en sera établi un autre à Meretch. Des mesures seront prises pour avoir à Meretch et à Kovno de l’avoine pour nourrir tous les chevaux. Il y aura des magasins à Kovno et à Olitta. Les magasins de Modlin, de Pultusk et de Varsovie seront transportés à Grodno. Les magasins d’Olitta et de Meretch seront tirés de Thorn et de Wehlau. Il sera construit six fours à Meretch et autant à Olitta. Il faut établir une route militaire de Vilna à Olitta, et une autre de Vilna à Meretch, et enfin une de Vilna à Grodno, et les prolonger de ces différents points sur la Vistule. Tout Je matériel des hôpitaux qui est à Danzig et Königsberg sera dirigé sur Kovno et Vilna ; une partie de celui qui est à Varsovie sera dirigée sur Grodno.

 

 

Vilna, 7 juillet 1812

 

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Ochmiana

Mon Cousin, tout votre quartier général va vous rejoindre. Il se rend à Ochmiana. Si vous arrivez à Minsk, il n’y a pas d’inconvé­nient à l’y faire venir; sans quoi il sera plus convenable de l’arrêter à Ochmiana. Je vous ai mandé hier que le vice-roi marchait sur Ochmiana, où il sera le 9. Le prince Poniatowski se dirigeait avec toute son infanterie sur Novogroudok.

 

Vilna, 7 juillet 1812, après-midi.

À Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, commandant les 4e et 6e corps de la Grande Armée, à Novoï-Troki

Mon Fils, le prince d’Eckmühl était hier à Rakof, Ivenetz, Kamen, Perchai, Roum. Le général Grouchy avait des postes jusqu’à Zaskevitchi et Vichnef. Le prince Poniatowski avait, le 6, du monde à Biélitsy. Le roi de Westphalie appuyait tout son corps sur Biélitsy. Le général Reynier et le prince Schwarzenberg appuyaient sur Slonime. On croyait Bagration à Novogroudok, traqué de tous côtés. Rendez-vous le plus promptement possible de votre personne à Boly-Soletchniki, afin de faire agir votre cavalerie légère selon les circon­stances. Des courriers du roi de Westphalie nous arrivent par Lida sans obstacles. Ce soir, le roi de Westphalie est à Biélitsy. Appuyez des partis de cavalerie sur Lida, pour communiquer avec le roi de Westphalie, et de Boly-Soletchniki vous serez à même de diriger votre infanterie selon les circonstances, pour voler au secours de ceux qui en auront besoin et faire tout le mal possible à Bagration.

 

Vilna, 8 juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna

Mon Cousin, la garnison de Königsberg mérite de fixer toute mon attention. Il y a dans ce moment à Königsberg deux bataillons d’in­fanterie saxonne, deux du 8e régiment de Westphalie, deux 3″ ba­taillons de la légion de la Vistule; total, six bataillons et une divi­sion de 4,000 hommes. Le régiment des chevau-légers du prince Jean, arrivant le 8 à Thorn , peut être considéré aussi comme déjà arrivé à Königsberg. Les deux bataillons saxons partis de Glogau, le 2 juillet, arrivant avant le 20 juillet, peuvent être aussi considérés comme arri­vés à Königsberg. Il y aurait donc à Königsberg une division composée d’une brigade saxonne de quatre bataillons ayant leur artillerie, et d’une brigade composée de deux bataillons polonais et de deux westphaliens; ce qui fera huit bataillons. Le général de brigade Corsin, qui commande à Pillau, pourrait en cas d’événement être mis à la tête d’une de ces brigades. Le régiment de chevau-légers saxon réuni aux différents régiments de marche de cavalerie qui ont ordre de se reposer à Königsberg, ce qui y maintiendra toujours 12 à 1500 chevaux, formerait une assez belle brigade de cavalerie. Il est néces­saire d’avoir à Königsberg un général de brigade de cavalerie fran­çais pour la commander, et il faudrait un autre général de brigade pour l’infanterie. Je désire que le général Loison reçoive l’ordre de se rendre à Königsberg pour y prendre les fonctions de gouverneur, et que le général Hogendorp se rende à Vilna, où il prendra le gouvernement de toute la Lithuanie. Le général Hogendorp trans­mettra ses instructions an général Loison. J’ai besoin d’avoir à Königsberg un général accoutumé à la guerre pour pouvoir repousser les agressions qui seraient tentées soit contre Pillau, soit contre Memel. Donnez l’ordre qu’une division active soit formée à Königsberg de la manière suivante : 1e brigade, quatre bataillons saxons, ayant 4 pièces de canon ; 2e brigade, deux bataillons de la Vistule, deux bataillons westphaliens, ayant 2 pièces de canon; 3e brigade, le régiment de chevau-légers saxons, 1,500 chevaux des régiments de marche français.

Le général Loison sera prêt à se porter avec cette division, qui sera d’environ 6,000 hommes, partout où besoin sera.

Il suffira pour la garnison de Danzig de deux bataillons de la Con­fédération, de deux bataillons du 7e wurtembergeois, de quatre bataillons de Bade et d’un régiment de cavalerie de Bade. Je désire donc que vous donniez ordre à la brigade de Berg, infanterie, cava­lerie, artillerie, de se rendre à Königsberg, sous les ordres du général Damas ; par ce moyen, il y aura à Königsberg, indépendam­ment de la division de Königsberg, cette brigade de la division de Berg; ce qui fera une augmentation de six bataillons, d’un régiment de cavalerie et de quatorze pièces de canon. Ce mouvement doit s’opérer le plus promptement possible. Le général Loison aura donc à Königsberg, en infanterie, cavalerie et artillerie, 12 à 15,000 hommes, avec lesquels il doit garder Königsberg et Pillau, avoir les yeux sur Memel et se porter sur Danzig, si cette dernière place avait besoin de secours. La 8e compagnie du 8e régiment d’artillerie à pied était destinée à tenir garnison à Marienburg, où elle a dû arriver le 5 juillet; mais, comme Marienburg devient très en arrière, mon intention est que cette artillerie soit dirigée sur Kovno, où elle tien­dra garnison. Une simple escouade de l’artillerie de la garnison de Danzig suffira pour Marienburg. Il est nécessaire que vous écriviez à M. de Saint-Marsan, qui en parlera au ministre de la guerre de Prusse, pour que, si l’ennemi effectuait une descente sur Danzig, la garnison de Kolberg pût fournir une brigade de 2 à 3,000 hommes, et la garnison de Graudenz un détachement de 15 à 1800 hommes, qui se porteraient au secours; et que, si la descente était dirigée contre Königsberg, la garnison de Kolberg put joindre 15 à 1800 hommes aux troupes de Danzig qui se porteraient au secours de Königsberg.

Remettez-moi, dans un seul tableau, l’ensemble de toutes lee troupes qui sont sur les derrières entre le Niémen et l’Oder, savoir : 1° les garnisons de Königsberg, Pillau, pointe du Nehrung, Marienburg, Thorn, etc. ; 2° tout le 9e corps; et faites-moi connaître l’époque où ces différentes troupes seront arrivées. Dans le même relevé, vous ajouterez ce qui forme le 11e corps, et les garnisons entre l’Oder et le Rhin, sous le commandement du duc de Castiglione, ce qui com­plétera l’ensemble de tout ce que j’ai sur mes derrières à la gauche du Niémen.

 

 

Vilna, 8 juillet 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, je vous ai fait connaître cette nuit mes intentions sur la défense de Königsberg. Il doit y avoir deux brigades d’infanterie et une brigade de cavalerie légère, sous les ordres de deux généraux français. Le général Corsin peut être un de ces généraux. J’ai or­donné que la brigade de Berg, artillerie, cavalerie, infanterie, partit sans délai de Danzig et se rendit à Königsberg. Le général Damas, en qui j’ai confiance, pourra être placé avec cette brigade à Labiau, en position de se diriger sur Tilsit, sur Memel et sur Königsberg. Les quatorze pièces d’artillerie qu’il a, dont une batterie à cheval, le régiment de 1,000 lanciers, rendent l’arrivée de cette brigade très-importante à Labiau.

Faites connaître au gouverneur de Königsberg l’importance de cette disposition, la correspondance qu’il doit tenir avec le comman­dant de Memel pour être en mesure de se porter au secours de cette place, surtout du pont de Tilsit, et de couvrir le Niémen en cas que l’éloignement du duc de Tarente, qui marche sur Mitau et Chavli, donne envie à quelques Cosaques ou troupes légères de venir insulter le Niémen ; la perte du moindre convoi sur cette rivière me serait extrêmement désagréable.

Donnez ordre au gouverneur de Königsberg d’accélérer la marche du régiment de cavalerie saxon, que ce régiment ne prenne point de séjour depuis Thorn, afin d’arriver promptement à Königsberg.

Remettez-moi l’état des bataillons et escadrons de marche qui arriveront à Königsberg, et qui doivent y trouver l’ordre de séjour­ner là jusqu’à de nouveaux ordres.

Je crois vous avoir mandé que je général Loison aurait le com­mandement de Königsberg, et que je chargeais le général Hogendorp du commandement de Vilna et de la Lithuanie. Donnez-lui l’ordre de se rendre à Vilna, de parcourir Memel, Tilsit, Kovno, pour in­specter les différentes parties de son nouveau gouvernement, donner les ordres et faire les dispositions convenables.

 

 

Vilna, 8 juillet 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Le major général fera connaître au général Bourcier que, sous quelque prétexte que ce soit, je ne veux pas de chevaux qui n’au­raient pas cinq ans accomplis; que j’aime mieux ne rien recevoir; que quant à la taille je le laisse maître de faire ce qu’on pourra ; mais que je n’entends pas de modification pour l’âge.

 

 

Vilna, 8 juillet 1812

 

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je ne pense pas qu’il soit très-néces­saire d’augmenter le recrutement de la cavalerie; car on perd tant de chevaux dans ce pays-ci, qu’on aura bien de la peine, avec toutes les ressources de la France et de l’Allemagne, à maintenir monté l’effectif actuel des régiments.

Un régiment de voltigeurs et un de tirailleurs de la Garde doivent être arrivés à Paris. Il faut 3,000 hommes pour les compléter. Faites demander dans toutes les cohortes de gardes nationales des hommes de bonne volonté pour entrer dans la Garde. Je suppose que beaucoup se présenteront. Faites-les venir sur Paris, et complétez rapidement ces deux régiments ; vous les mettrez en marche pour Berlin aussitôt qu’ils seront complets, habillés et en état de partir. Envoyez-moi toutes les semaines l’état de situation des dépôts de la Garde impériale, ainsi que des différents corps de caporaux et de sergents que j’ai formés à Fontainebleau.

 

Vilna, 8 juillet 1812.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, il y a dans la 27e division militaire les cadres des 3e et 4e bataillons du 7e de ligne et du 4e bataillon du 42e. Il y a dans la 28e division les cadres du 4e bataillon du 67e du 101e et d’un bataillon suisse. Je désirerais compléter ces six batail­lons, afin de pouvoir rendre disponibles la 14e demi-brigade provi­soire, que j’enverrais à Udine remplacer le 13e régiment, et la 15e demi-brigade provisoire, que j’enverrais en Toscane remplacer le 112e; cela me rendrait deux beaux régiments que je ferais venir à Vé­rone et de là à la Grande Armée. Cela aurait d’autant moins d’incon­vénients que les 82e, 83e, 84e et 85e cohortes doivent à la fin d’août être habillées, exercées et avoir une couleur. Faites-moi connaître quel moyen on pourrait employer pour avoir les hommes nécessaires au recrutement de ces six bataillons; car j’ai grande envie de faire venir à l’armée des troupes ayant un esprit entier et bien organisé, comme le 13e et le 112e. Je désirerais que ces deux régiments pus­sent être réunis en août à Vérone, pour arriver sur Berlin dans le courant de septembre. J’attendrai le rapport que vous me ferez là-dessus.

 

 

Vilna, 8 juillet 1812

 

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je désire que vous me fassiez un rap­port sur les cohortes et autres corps d’observation qui sont dans les Pyrénées, ainsi que sur le corps d’observation de Rayonne. Je sup­pose que vous avez dirigé sur Bayonne les deux demi-brigades qui étaient à Cherbourg. Prenez des mesures pour compléter la demi-brigade qui a été formée à la Rochelle, et qui doit être également à Bayonne. Enfin faites-moi connaître quand la demi-brigade qui est à Pontivy, composée des bataillons des 86e, 70e, 15e, 47e, pourra partir pour Bayonne. Il faut pour cela que les cohortes soient habillées et déjà en bon état, pour garder la Bretagne. Je désirerais que cette demi-brigade pût être rendue, au plus tard, à Bayonne vers le 15 septembre, ainsi que celle de Cherbourg. Septembre est le mo­ment où il faut être en force à Bayonne; c’est l’époque de l’ouverture de la campagne d’automne, et il est convenable d’avoir alors une réserve qui puisse remédier à toutes les bévues de l’armée du Nord.

 

 

Vilna, 8 juillet 1812

 

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, il y a à Mantoue, à Peschiera et Legnano, qui sont des pays malsains, beaucoup de jeunes conscrits des 9e, 35e, 84e et 92e régiments. Ce sont autant d’hommes perdus. Donnez ordre au général Vignolle de placer à Vérone ce qui est resté de troupes françaises à Mantoue, Legnano et Peschiera, c’est-à-dire un bataillon du 84e, un du 92e, un du 35e et un du 9e; ce qui fera quatre bataillons ou 2,400 hommes. Nommez un des majors qui sont en Italie pour commander ces quatre bataillons; cela for­mera une demi-brigade provisoire qui, étant dans un très-bon air à Vérone, pourra rendre de grands services. Elle sera à même de se porter de là sur Venise, Udine et partout où le service l’exigera. Les Italiens et les gardes nationaux suffiront pour la garde des places. Ceci est important, ne le perdez pas de vue. Les jeunes conscrits qui resteraient dans ces places seraient des hommes perdus t au lieu que les Italiens sont acclimatés. Le 5e bataillon du 13e de ligne fran­çais est à Palmanova; donnez ordre qu’il se rende à Udine. Palmanova est très-malsain : les troupes italiennes y suffiront; d’ailleurs, ce bataillon pourra toujours, en cas d’événement, se jeter dans Palmanova. Donnez le même ordre pour le 106e, qui est à Venise : qu’il se rende à Udine, ce qui formera dans cette ville une 2e demi-bri­gade provisoire. Un major en prendra le commandement. Ces deux bataillons seront toujours u même de se jeter de là dans Palmanova ou dans Venise, selon les circonstances et en attendant ils seront en bon air. Venise aura suffisamment de troupes, puisqu’il restera 4,000 hommes de garnison indépendamment de ce que vous retire­rez; mais par là vous sauverez bien des hommes.

 

Vilna, 8 juillet 1812. Onze heures du soir

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Minsk

Mon Cousin, le roi de Westphalie m’écrit que ses avant-postes sont à Korelitchi entre Novogroudok et Mir. Je vous envoie un extrait de la dépêche du Roi et du rapport qui y est joint, pour que vous preniez connaissance des renseignements qui s’y trouvent sur lu retraite de Bagration.

 

P.S. Nos avant-postes sont sur la Dvina. Le quartier général du roi de Naples est à Vidzy.

 

Vilna, 8 juillet 1812, minuit

À Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, commandant les 4e et 6e corps de la Grande Armée, à Boly-Soletchniki

Mon Fils, il paraît que Bagration se retire sur Mir et que tout se dirige sur ce point. Le prince d’Eckmühl s’est dirigé sur Minsk. Appuyez donc sur votre gauche; il me tarde de vous savoir à Ochmiana.

 

 

Vilna, 8 juillet 1812, minuit

 

À Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, commandant les 5e, 7e et 8e corps de la Grande Armée, à Biélitsy

Mon Frère, je reçois votre lettre du 7 à neuf heures du soir. Le général Latour-Maubourg doit avoir avec lui non-seulement sa cava­lerie légère, mais aussi toute sa cavalerie et son artillerie légère. C’est ainsi que marchent les généraux Montbrun, Nansouty, Grouchy et le roi de Naples. Il faut même y entremêler, quand cela est possi­ble, quelques compagnies de voltigeurs. Si le général Latour-Mau­bourg avait eu à Novogroudok, avec sa cavalerie légère, ses cuiras­siers et son artillerie légère, il aurait pu faire du mal à l’ennemi. Poursuivez l’ennemi l’épée dans les reins. Le prince d’Eckmühl doit être à Minsk.

 

Vilna, 9 juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, répondez au prince Poniatowski que vous avez mis sa lettre sous les yeux de l’Empereur; que Sa Majesté a été très-mécontente de voir qu’il parle de solde, de pain, lorsqu’il s’agit de poursuivre l’ennemi; que Sa Majesté en a été d’autant plus surprise qu’il est seul de son côté, avec peu de monde, et que, lorsque les gardes de l’Empereur, qui sont venues à marches forcées de Paris, au lieu d’avoir demi-ration, manquent de pain, n’ont que de la viande et ne murmurent point, l’Empereur n’a pu voir qu’avec peine que les Polonais soient assez mauvais soldats et aient assez mauvais esprit pour relever de pareilles privations; que Sa Majesté espère qu’elle n’entendra plus parler de cela.

 

 

Vilna, 9 juillet 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, la route de l’armée passe sur les États du roi de Saxe, sur ceux du roi de Prusse, sur les départements de Posen et de Bromberg, et enfin sur le département de Lomza. Les gouverneurs de Posen, d’Elbing et de Königsberg assurent toutes ces routes. Il n’existe qu’une lacune : c’est le département de Lomza, c’est-à-dire la route depuis Gumbinnen jusqu’à Kovno et depuis Rastenburg jusqu’à Goldap, et de Goldap jusqu’à Olitta, Meretch et Grodno. Ce département se divise en plusieurs districts, savoir : Kalwarya, Maryampol, Lomza, etc. M’en faire le détail et mettre autant de commandants militaires polonais qu’il y a de districts, avec l’indication de la por­tion de route que chacun doit surveiller. Indépendamment de la garde nationale, il faut leur donner une compagnie qui sera tirée du dépôt de Modlin. On nommera un commandant français, qui sera au moins du grade de colonel, pour commander tous ces départe­ments et recevoir les rapports des commandants de district et pouvoir se porter, selon les circonstances, sur les différents points où sa présence serait nécessaire. Ce commandant supérieur existe déjà : c’est le général Vedel. Faites connaître les différentes routes qui traversent ces départements : celle de Grodno à Varsovie, celle de Meretch à Varsovie, celle de Kovno à Varsovie, celle de Gumbinnen à Kovno, celle de Gumbinnen à Olitta, etc. Tracer ces routes sur la carte; déterminer les lieux où doivent être les magasins, les postes et les différents points à surveiller.

 

 

Vilna, 9 juillet 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, je viens de parcourir les états de situation des places. Le commandant de Kovno n’envoie pas des états assez clairs : il porte dans son état du 6 juillet un régiment de marche, officiers compris, 654 hommes. On ne sait pas ce que cela veut dire. Ce régiment de marche doit avoir un numéro. D’ailleurs, je ne vois pas qu’il envoie des états tous les jours; du 3 on passe au 7; où sont les états du 4, du 5 et du 6 ? D’après l’état de Wilkowyszki du 3 juillet, une com­pagnie du 14e bataillon d’équipages, venant de Thorn, a passé à Wilkowyszki; c’est probablement la 3e. Donnez ordre au comman­dant de Wilkowyszki de renvoyer à Vilna le plus promptement pos­sible tous les ouvriers constructeurs et boulangers, de quelque corps qu’ils soient, qui y seraient restés. L’état de situation de Gumbinnen n’est pas complet, et il est du 29 juin. Il faut écrire au commandant d’être plus exact. L’état d’Insterburg n’est qu’une situation de maga­sins. À Thorn, les états sont mal faits; ainsi je vois dans l’état du 18 au 19 juin : train d’équipages, 149 hommes, 235 chevaux, sans indication de bataillon ni de compagnie.

À Thorn, dans l’état du 22 juin, il est question de 137 hommes et de 141 chevaux du 15e bataillon des équipages militaires. Il n’est pas dit à quelles voitures sont attelés les différents chevaux qui passent. Une compagnie du 16e bataillon d’équipages français, venant de Varsovie, a passé le 20; il parait même qu’il en est passé deux détachements.

Je vois à Osterode dans l’état du 23 juin : 2e compagnie du 7e ba­taillon d’équipages militaires, 145 chevaux; 4e compagnie, 139; 3e compagnie du 16e bataillon, 200; 2e compagnie du 6e batail­lon, 10.

Je vois dans l’état du 22 : 5e compagnie du 14e bataillon d’équi­pages, 259 chevaux; 4e compagnie du même, 236; 3e compagnie du 7e bataillon, 116.

Je vois dans l’état du 19 : train d’équipages du 16e bataillon,

234 chevaux; 1e compagnie du 6e bataillon, 165; 2e compagnie du même bataillon, 173.

Je vois dans l’état du 26 : 3e compagnie du 6e bataillon d’équi­pages, 235 chevaux. Dans l’état du 24 : 4e compagnie du 16e ba­taillon d’équipages, 195 chevaux.

Ces états de situation d’Osterode paraissent mieux faits, mais sont très-anciens.

Je ne trouve pas les états de Königsberg ni de Heilsberg.

Je désire que vous me remettiez tous les jours les nouveaux états qui vous arrivent des places ; c’est une correspondance fort impor­tante. Elle me paraît suivie avec moins d’exactitude cette année que dans les campagnes précédentes. Il faudrait imprimer un modèle de ces états et y joindre une bonne instruction sur la manière de les remplir; mais il faudrait en même temps que quelqu’un à l’état-major général fût chargé de les réunir et de redresser les commandants de place toutes les fois que leurs états seraient mal faits. Je désire que vous fassiez faire le relevé sur les états qui sont ici de tous les con~ vois et détachements des équipages militaires qui sont en route entre la Vistule et le Niémen. Si ces états étaient bien faits et bien tenus, on pourrait savoir à point nommé tout ce que nous avons sur les routes en deçà de la Vistule.