Correspondance de Napoléon – Juillet 1805
Juillet 1805
Gênes, ler juillet 1805
A M. Cambacérès
Mon Cousin, j’apprends avec plaisir que votre santé s’améliore. M. l’architrésorier se porte ici fort bien. Il est très-propre au gouvernement de ce pays-ci ; il a les talents nécessaires pour gouverner toute sorte de pays, mais il a de plus les formes et la réserve qui conviennent à Gènes.
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Je vous envoie l’allocution du Saint-Père sur son voyage en France, que je désire que vous fassiez mettre dans le Moniteur.
Gênes, ler juillet 1805
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, je suis arrivé à Gênes; j’ai déjà parcouru le port. Les travaux qu’on fait aux darses m’ont paru être d’une réussite douteuse; beaucoup d’autres projets sont présentés, entre autres celui d’établir le port militaire au port franc, et celui de l’établir derrière le môle, près la lanterne. L’ingénieur qu’on a envoyé ne me paraît pas assez supérieur en talents et en expérience pour décider une question de cette importance. Peut-être serait-il nécessaire que celui de Cherbourg vînt passer une quinzaine de jours ici. Je n’ai trouvé que M. Forfait d’arrivé; les autres commissaires ne le sont pas encore.
Je vous renvoie les lettres de la Guadeloupe; vous pourrez faire mettre dans le Moniteur les lettres de l’amiral Cochrane pour faire voir la mauvaise foi des Anglais.
Les nouvelles que je reçois de Madrid, du 29 prairial, assurent qu’il y avait devant Cadix 10 vaisseaux anglais et 6 frégates. Il sera nécessaire d’expédier un second courrier à M. Le Roy, car il faut qu’il me tienne très au fait. Faites mettre dans le Moniteur la nouvelle du petit événement de Muros et de l’arrivée du brick à Santander; vous direz qu’il n’a apporté aucune nouvelle des escadres combinées, et vous ferez rédiger l’article de manière à faire penser qu’elles sont loin des mers d’où il vient.
Gênes, 3 juillet 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, je vous autorise à faire payer les 100 louis qui ont été dépensés en France pour mon couronnement. Il n’y a aucun doute que les grands officiers de la couronne aient droit au traitement de consulteurs; ainsi les grands officiers ont :
1° Les commanderies, dont j’ai ordonné par un décret que le revenu serait payé par l’économat;
2° Le traitement du palais;
3° Le traitement des consulteurs.
Les officiers doivent toujours être à la parade en grand uniforme; je ne puis regarder cela comme une dépense bien chère. Je vous envoie le décret signé par M. Martinengo. Je vous envoie la lettre de M. Melzi; vous verrez qu’il y a eu du tripotage. Dans le fait il était difficile de penser que Melzi, qui a de l’esprit et de la tenue, pût se comporter si mal. C’est une raison de plus qui prouve combien il faut être en garde dans ce pays-là.
Les dragons ne peuvent pas prendre le nom de Joséphine; il est plus convenable qu’ils portent le nom de dragons de la Reine; je vous envoie le décret. Il y aurait du ridicule à faire porter à des militaires des noms de femmes.
Je vous envoie le projet de décret sur l’uniforme; j’approuve que l’habit soit blanc, mais il faut conserver dans les collets et revers les trois couleurs nationales. –
Gênes, 3 juillet 1805
A M. Paradisi, directeur des travaux publics dans le royaume d’Italie
Je ne puis que persister dans mon opinion. Je vous ai chargé du travail le plus important. C’est votre faute s’il ne marche pas bien.
Levez toutes les difficultés et réussissez, car, quand on veut fortement, constamment, on réussit toujours. Je connais vos talents, votre zèle et votre attachement à ma personne. Je ne doute donc pas que votre direction ne s’organise promptement, et qu’elle ne marche comme il convient.
Gênes, 3 juillet 1805
Au vice-amiral Decrès
Je ne vois pas d’inconvénient à donner à l’escadre de Rochefort un peu plus de latitude. Il paraît que les Anglais ont vraiment 9 ou 10 vaisseaux devant la Méditerranée, puisqu’il y en avait 7devant Cadix. Est-ce Nelson ou une autre escadre, c’est ce qu’on ne sait pas bien. Tout porte à croire cependant que Nelson est parti.
Gênes, 4 juillet 1805
Au vice-amiral Decrès
Vous devez fixer votre attention sur Toulon. Tous les rapports que je reçois sont que les officiers toulonnais qui ont fui en Angleterre servent plus ou moins le gouvernement anglais. Cependant plusieurs de ces officiers ont été admis à mon service; ce qui a été fait contre ma volonté, car il n’est jamais entré dans mes projets d’employer des hommes qui ont livré nos ports aux Anglais.
Gênes, 3 juillet 1805
A M. Régnier
Je désirerais avoir un projet de décret, pour mettre un terme aux abus des marchés à prime, surtout de la part des agents de change.
Gènes , 4 juillet 1805
Au prince Eugène
Mou Cousin, vous trouverez ci-joint un décret qui nomme M. Guastavillani membre du Conseil législatif; il y aura un membre de plus, mais c’est un galant homme, qui a été oublié par erreur, et auquel mon intention n’est pas que cela fasse tort. Il sera payé sur la liste civile jusqu’à ce qu’il y ait une place vacante.
Je serai à Turin dimanche; j’y resterai toute la journée, et j’en partirai lundi à huit heures du matin. Je désire que MM. Paradisi et Aloscati s’y rendent aussi.
Vous pourrez nommer à toutes les places d’officiers et commandants de la garde nationale.
Je désirerais attacher Monti à ma personne , comme lecteur ou secrétaire des commandements.
Je vous envoie une notice sur les eaux du Reno et du Pô, qui est bonne à mettre dans les journaux; faites-y mettre aussi des extraits du rapport sur la lettre des eaux que je joins ici.
Il me serait difficile d’entrer dans tous les détails des observations sur la loi du budget; faites droit à toutes. Celles sur l’enregistrement sont naturelles; les peuples sont toujours effrayés d’un nouvel impôt; mon intention est de le doubler et de le porter à 4 millions; mais je diminuerai l’impôt foncier de 5 deniers : il est aujourd’hui beaucoup trop fort, et je ne ferai point cette diminution au marc la livre, mais je la ferai porter sur les départements qui sont trop chargés. Il faut donc que le ministre de l’intérieur s’occupe, d’ici à ce temps, de connaître les départements qui sont le plus ou le moins chargés. Quant à l’observation sur les tarifs, tâchez de leur faire bien comprendre que la loi doit avoir la dignité de ne pas se contredire tous les jours , et elle s’expose à se contredire surtout lorsqu’il est question de l’établissement d’un tarif que l’expérience n’a pas sanctionné; au lieu qu’en laissant au gouvernement la faculté de le fixer, pourvu qu’il ne passe pas un million, elle est à même d’en voir l’effet; et quand on le propose au Corps législatif pour le convertir en loi, le gouvernement a pour lui l’expérience; chaque membre, ainsi éclairé par l’expérience, peut apprécier justement les changements à y faire; et alors, une fois établi par la loi, il ne sera plus susceptible de tant de changements, puisque ce résultat sera déjà le fruit de l’expérience.
Gênes, 5 juillet 1805
Au maréchal Berthier
La darse doit être destinée en entier à la marine; placez l’artillerie de terre dans un autre établissement. Vous savez qu’il est impossible qu’elle se trouve mêlée dans le chantier de la marine. Il y a ici un directeur d’artillerie génois, bon officier, qu’on peut laisser quelque temps comme directeur à Gênes.
La situation de l’artillerie en Italie est alarmante; qu’on me propose un rapport sur cet objet, sur ce qu’il faut espérer des ordres donnés, sur la marche du travail, et sur ce que j’ai à espérer pour chaque année. La place de Gènes a une grande quantité, de bronze mauvais, une grande quantité de boulets la plupart hors de calibre, et presque point d’affûts. Toutes les places d’Italie sont sans affûts, même l’équipage de campagne. Tous les équipages de siège pour Alexandrie et autres places sont encore sans affûts. Je désirerais que Gassendi me fit trois états qui me fassent connaître d’après les ordres qui ont été donnés : 1° la force des équipages de campagne et de siège que j’ai prescrits; 2° ce qui existe actuellement; ce qui existait au 1er prairial et dans quel endroit; ce qui existerait au 1ervendémiaire, an XIV, an XV et an XVI, en me faisant connaître la progression des travaux, soit à l’arsenal et fonderie de Turin, soit de Plaisance, soit de Gênes.
Vous me ferez particulièrement un état pour l’armement des places et citadelles de Fenestrelle, Gavi, Alexandrie, et Savone.
Il ne faut point se dissimuler, Gassendi doit bien le savoir que c’est une mauvaise artillerie. Ce qui nuit au corps de l’artillerie, c’est lorsque au lieu de boulets de calibre il y a des boulets d’un calibre plus bas; cela ne peut produire aucun bon résultat.
Je désire donc n’avoir en Italie dans toutes mes place que des pièces de calibre français de 24, 18, 12, 6 et 3; des mortiers de 8 pouces, de 12 pouces et de 6 pouces, et que toutes les pièces soient approvisionnées avec des boulets neufs, juste de bon calibre.
J’ai donné le même ordre pour Peschiera, Legnago, Mantoue et la Rocca d’Anfo. On se servira ici de la fonderie de Pavie. Pour la 27e division militaire, vous ferez mettre en activité celle de Gênes, comme vous avez fait de celle de Turin.
Les 5,000 armes destinées pour Gavi sont arrivées par une gabare; faites de Gavi ce que j’ai décidé. Mon intention est qu’il y ait une salle de 20,000 armes à Gênes; il est commode de les faire passer par Toulon; on évite ainsi les montagnes.
Quant aux fortifications de Gênes, j’en ai été très-satisfait. Je désire qu’on ajoute deux petits forts ou redoutes maçonnées sur les points intermédiaires au Diamant et à l’Éperon, et qu’on me présente un projet pour mettre le fort Richelieu en état de se défendre contre une batterie de gros canons. Je désire que vous fassiez faire un mémoire par l’officier du génie de Gênes, pour savoir combien il faut de journées à l’ennemi pour transporter des canons de la mer contre le fort Richelieu , et faire un chemin tant pour les pièces que pour les approvisionnements, et en même temps, combien il faudrait pour porter l’artillerie de Novi au Diamant, en faisant connaître laquelle de ces deux opérations serait la plus facile.
Le fort de l’Éperon se trouve déjà isolé. Il faut que sa défense du côté de Gênes soit mieux systématisée, et que ce fort contienne toujours de gros mortiers, des magasins à poudre, des vivres, de manière que ses 2 ou 300 hommes puissent imposer à toute la population de Gènes.
Gènes, 5 juillet 1805
Au vice-amiral Decrès
J’ai ordonné qu’on évacuât les magasins des darses; l’ensemble formera des magasins superbes pour la marine; ordonnez-en l’organisation. J’ai ordonné que tous les Génois qui s’y trouvent aujourd’hui, ce qui se réduit à peu de chose, soient employés dans l’administration.
J’ai ordonné que tous les canonniers de Gênes se rendissent à Toulon , pour former un 5e bataillon. Il peut n’être que de quatre compagnies actuellement. J’ai ordonné que les quatre bataillons de Turin se rendissent à Gênes pour le service de l’arsenal de Gênes. J’imagine que l’officier d’artillerie chargé de monter le parc ne tardera pas à arriver. J’estime qu’il faut commencer par organiser les magasins et les remplir. Je ne crois pas que ce soit une bonne méthode de faire venir de Toulon : cela coûte beaucoup plus cher. Le commerce fournira ici tout ce dont on aura besoin, et tirera tout d’Italie.
J’ai visité les trois frégates; je n’y ai vu aucune caronade, et j’ai trouvé tous les officiers et maîtres pleins de l’idée que, de près, les caronades ont le même effet que des grosses pièces. L’Incorruptible, qui s’est battue contre une corvette armée de trente-deux caronades, a souffert beaucoup. Je ne conçois pas ce qui a empêché le Creuzot d’en faire et de les envoyer à Toulon. La navigation du Havre à Toulon n’est pas interceptée.
Il faut établir à Gênes une manutention de vivres. Les frégates n’ont point de munitions, et la Pomone n’en a pas du tout. Si Gênes était bloquée, cela annulerait tout à fait les transports. Poudre, boulets, affûts et tous les autres objets d’artillerie, hormis les pièces, peuvent être faits à Gênes; et tous, sans distinction, peut-être hormis les mâts, doivent être faits à Gênes. Le commerce est tellement actif ici qu’il est possible qu’il vienne des mâts de la mer Noire. J’ai vu le chantier de construction, où le Génois peut être considéré comme près d’être lancé d’un moment à l’autre. Le Scipion est sur sa quille. Il y a beaucoup de bon et de beau bois. On pourrait mettre deux autres vaisseaux, ce qui ne peut être fait dans aucun port de France. J’ai vu beaucoup de bois venant de Livourne et de l’Albanie. Il faudrait que le vaisseau remplaçant le Génois fût de 80, et établir deux cales pour deux nouveaux vaisseaux. Il faut que vous vous occupiez sérieusement de la question des armements des vaisseaux. Un brick comme le Cyclope ne résisterait pas à un brick de même force armé de seize caronades de 36. Je désire que vous destiniez un vaisseau et une frégate à faire les essais de la méthode que je vous ai fait connaître. Armez le vaisseau, à la 1e batterie, de 36, à la 2e, 36 plus court et devant tirer avec six ou sept livres de poudre; sur le gaillard, du 36 , mais avec deux ou trois livres de poudre. Ce vaisseau pourrait donc jeter avec soixante et quatorze pièces des boulets et de la mitraille de 36. On ferait la même chose pour la frégate, en 18 ou en 24. Vous pourrez faire fondre, à Liége, de ces pièces de canon de toutes les espèces. Les Anglais, sans rien dire, pratiquent cette méthode. Voilà dix ans que nous sommes en arrière sur l’amirauté. Si l’on reste en arrière sur cette partie, c’est le cas de changer; cela produirait un grand effet par la suite. Je vois qu’on ne s’en occupe jamais. Le Borée sera armé sans caronades. L’Uraniene marche pas, parce que les canons sont espagnols. Il me semble que Toulon aurait bien pu lui donner d’autres pièces de 18.
Gênes, 5 juillet 1805
A M. Jérôme Bonaparte
Mon Frère, votre division, composée de 3 frégates et de 2 bricks, doit être approvisionnée d’au moins trois mois de vivres et de trois ou quatre mois d’eau. Vos équipages seront complétés en matelots de Gênes. Il sera mis 50 hommes en sus sur chaque frégate, afin de les rendre susceptibles d’un plus haut degré de résistance. Ces 50 hommes seront fournis par l’infanterie. A cet effet, la compagnie du 102e que vous avez à bord de la Pomone sera portée à 100 hommes. De plus, un maréchal des logis et 15 canonniers de ma Garde tiendront garnison sur la Pomone pendant cette sortie. J’ai ordonné que 100 hommes du 20e de ligne soient mis à votre disposition, pour augmenter la garnison de l’Uranie de 50 hommes et celle de l’Incorruptible de 50 hommes. Vous ferez compléter les batteries des gaillards avec de l’artillerie de bronze qui est à Gènes, et vous augmenterez l’artillerie de vos frégates de plusieurs des caronades de 15 qui se trouvent à l’arsenal de Gènes. Vous enverrez un courrier extraordinaire à Toulon, pour demander qu’on vous envoie des canonniers français pour remplacer les Génois qui sont sur votre division. Ils pourraient vous arriver à temps, parce que les vents peuvent apporter du retard à votre départ.
Du moment que votre division sera en état, vous mettrez à la voile. Vous vous présenterez devant Bastia; vous demanderez au général qui y commande 100 bons matelots, ayant au moins six ou sept ans de mer, et vous les répartirez sur votre division.
Vous recueillerez tous les renseignements que vous pourrez avoir sur la situation des Anglais aux îles de la Madeleine.
Après cela, vous naviguerez en côtoyant la Sardaigne, jusqu’aux trois quarts de la côte, de manière à ne point trop approcher de Cagliari. S’il y avait des corvettes, des bricks ou des transports anglais dans la rade de la Madeleine, vous les enlèveriez.
Vous vous rendrez de là devant Alger. Vous ferez remettre la lettre ci-jointe à mon chargé d’affaires, commissaire des relations commerciales, qui se rendra à votre bord. Le but de votre mission est de retirer tous les esclaves génois, italiens et français qui se trouvent dans les bagnes d’Alger. Si, cependant, cela éprouvait plus de difficultés que je ne pense, vous ne resterez pas plus de six jours à Alger, et vous opérerez, selon le temps, votre retour, soit sur Toulon, soit sur Gènes. Vous l’opérerez sur Gènes, si vous ramenez des esclaves génois , et vous les garderez deux jours après votre arrivée, pour les faire débarquer en pompe.
A Alger, vous ne débarquerez point, ni pour voir mon commissaire, ni pour voir le Dey, que vous enverrez complimenter. Ce ne serait que dans le cas où le Dey viendrait au bord de la mer que vous pourriez vous rendre auprès de lui dans votre canot.
Gênes, 5 juillet 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, votre décret sur l’uniforme me parait convenable. Je vous ai envoyé la loi sur les finances. Du moment qu’elle aura passé, ajournez le Corps législatif. Je prendrai en considération, dès que j’aurai un peu de temps, les mémoires que vous m’avez envoyés sur la Sesia. Il faut faire en sorte d’arriver à concilier les intérêts des deux rives, sans sacrifier l’une à l’autre.
Du moment que c’est M. Melzi qui a envoyé l’article au journaliste, c’est un homme plus plat que je ne croyais.
Je vais me rendre en grand costume à la métropole de Gênes, pour recevoir les serments des évêques et des principaux du pays, et distribuer quelques décorations de la Légion d’honneur. Je partirai, je crois, cette nuit, pour Turin.
Varennes, 10 juillet 1805 (Varennes-sur-Allier)
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je m’arrête ici un moment pour souper; je serai demain jeudi, à dix heures du soir, à Fontainebleau. Faites mettre l’article ci-joint dans le Moniteur. Je recevrai vendredi les ministres qui sont à Paris, vers midi. Le conseil d’État et la Ville de Paris, et toutes les personnes qui ont l’habitude de m’être présentées, je les recevrai dimanche, à l’heure de la messe. Je recevrai vendredi le gouverneur de Paris, les grands dignitaires et les princes.
Fontainebleau, 12 juillet 1805
A M. Cretet
Il est impossible d’être plus mécontent que je ne l’ai été des chemins de Lyon jusqu’à Roanne. J’ai cru me retrouver à l’époque de la désorganisation de la France. Le chemin n’est pas meilleur le reste de la route. On ne peut attribuer cela au défaut d’argent. Mes ordres sont positifs. Les chemins de Paris à Turin doivent toujours être tenus dans le meilleur état possible. Je n’ai trouvé de beaux chemins que pavés. Comment seront donc ces chemins l’hiver ?
Fontainebleau, 12 juillet 1805
A M. Fouché
Le garçon boulanger qui a insulté à la grille des Tuileries une sentinelle mérite une sévère punition : la raison d’ivresse n’est pas une excuse. Il faut le traduire devant les tribunaux. L’excès auquel il s’est porté est le plus grand crime que puisse commettre un citoyen.
Vous ne vous expliquez pas assez sur cette phrase : « »La désertion est fréquente en Hanovre. » Écrivez-en à mon ministre à Hambourg, pour savoir de quels corps sont les déserteurs, combien, et de quels départements. Une question comme celle-là m’importe beaucoup et doit fixer mon attention avant tout.
Fontainebleau, 13 juillet 1805
A M. d’Hauterive
Monsieur d’Hauterive, vous répondrez à cette lettre de M. Drovetti, que, dans tous les temps, les principes reconnus en Asie relativement aux agents commerciaux sont, qu’ils ne doivent se mêler en rien des affaires des gouvernements; qu’ils sont agents de commerce, et non de politique. L’autorité publique ne les intéresse que sous le rapport du bien et du mal qu’elle peut faire au commerce. Dans quelque main que cette autorité soit placée, ils doivent la regarder comme légitime, quand elle ne nuit ni à leur agence, ni au commerce que cette agence est destinée à protéger. Les commissaires commerciaux n’ont rien de commun avec les agents diplomatiques. Dans les changements qui se préparent ou qui s’opèrent dans le gouvernement, il faut qu’ils se conduisent avec prudence. Ils ont besoin d’un peu de dextérité pour pressentir les événements; mais il y a deux règles dont ils ne doivent jamais s’écarter : 1° ne reconnaître l’autorité que lorsque la victoire a décidé du sort du pays; 2° quelles que soient les révolutions, ne jamais quitter leur poste.
Fontainebleau, 13 juillet 1805
A M. d’Hauterive
Monsieur d’Hauterive, je vous renvoie le reste du portefeuille des relations extérieures. Il s’y trouve plusieurs lettres de protocole dont vous enverrez les réponses à la secrétairerie d’État, pour être présentées à ma signature.
Vous ferez connaître à mon ministre à Hambourg que je désire qu’il veille avec la plus grande activité à ce qu’il ne soit rien toléré dans cette ville de contraire à mes intérêts; que j’ai droit d’attendre qu’on s’y conduise à mon égard comme on se conduit à Berlin, à Vienne même. Vous lui écrirez de vous désigner les trois ou quatre maisons de commerce qui, avec connaissance de cause, secondent les intrigues et l’espionnage des Anglais, et de vous faire connaître quel mal il serait possible de leur faire.
Vous répondrez sur-le-champ au cardinal Fesch, mon ambassadeur à Rome, que je préfère le commandeur Miari, Vénitien, au Napolitain, pour faire opposition aux Napolitains.
Fontainebleau, 13 juillet 1805
Au maréchal Berthier
Vous devez avoir reçu un décret qui forme la 28e division militaire; j’imagine que vous avez donné tous les ordres à ce relatifs.
L’État de Parme est encore étranger à l’état militaire de l’Empire. Les forteresses, les places, le génie, tout est administré, commandé par des officiers parmesans; il faut faire cesser cet ordre de choses. Mon intention n’est pas cependant de faire tort à aucun de ces anciens militaires, qui tous se sont bien conduits à notre égard pendant la guerre d’Italie. Ordonnez à l’administration des poudres de prendre possession des poudrières de l’État de Parme comme de celles de Gênes, et de les mettre dans la plus grande activité. Donnez également l’ordre au génie militaire de se mettre en possession des fortifications de Parme, de Plaisance, du château de Bardi et des autres petits forts de cette province.
Faites faire un état de tous les officiers parmesans qui y sont employés; leurs appointements sont très-médiocres; ceux des colonels ne sont, je crois, que de 80 ou 100 francs; vous me transmettrez cet état, afin que je prenne une décision. En attendant, ils conserveront la jouissance des appointements attachés à leur grade et à leur emploi.
La citadelle de Gavi a besoin de quelques réparations. Donnez ordre au directeur du génie à Gênes d’y faire faire les réparations nécessaires et d’y employer, cette année, une vingtaine de mille francs; c’est peu de chose, mais, dans la situation où est cette place, avec cette dépense elle peut être mise en état de rendre des services.
Proposez-moi la nomination du commandant de cette place, et ordonnez qu’il demeure dans la citadelle. Cet ordre est général; je ne puis voir des commandants de citadelle demeurer hors de leur citadelle.
Donnez ordre au général Chasseloup de vous présenter des projets pour améliorer les fortifications de Gênes.
Ce qui me parait le plus pressant dans ce moment-ci à pourvoir est le fort Richelieu et le fort de Quezzi, et de construire deux redoutes maçonnées ou fortins entre le Diamant et l’Éperon. Vous me soumettrez ces projets et les devis avant le 1er vendémiaire.
Prescrivez au général Chasseloup de combiner les travaux de manière qu’à chaque cent mille écus que j’aurai dépensés j’obtienne un nouveau degré de force.
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Il peut se trouver quelques bons ingénieurs dans les officiers du génie parmesan.
Fontainebleau, 13 juillet 1805.
Au prince Eugène
Mon Cousin, je suis arrivé à Fontainebleau quatre-vingt-cinq heures après mon départ de Turin. Cependant j’ai perdu trois heures de plus que je ne l’aurais dû au mont Cenis, et je me suis arrêté constamment, à cause de l’Impératrice, une ou deux heures pour déjeuner, et une ou deux heures pour dîner; ce qui m’a fait perdre encore huit ou neuf heures. Ajoutez à cela l’énorme pesanteur de mes voitures. Vous pouvez juger par là qu’avec deux bons cabriolets vous pourriez venir à Paris en soixante et douze heures, si je vous y appelais. Ainsi , en quinze jours vous pourriez aller et venir, et rester huit ou dix jours à Paris. La première-fois que j’irai en Italie, j’irai sans appareil et incognito. Il est donc à propos que je sois servi à Milan, soit pour le service d’honneur, soit pour le service domestique, par ma Maison italienne. Ce qui m’importe le plus, ce sont les chevaux de selle; faites-en acheter de bons à mesure qu’il s’en présente; et faites-les bien dresser, car rien ne ruine mon écurie de France comme de la faire voyager si loin.
Présentez-moi la nomination des pages; mon intention est de les faire venir à Saint-Cloud. Présentez-moi aussi l’organisation définitive de ma Maison italienne, et des sujets pour les places vacantes, afin de les compléter. Je vais aussi appeler deux dames italiennes pour faire le service d’hiver auprès de l’Impératrice, et un chambellan et un écuyer pour faire le service près de moi. Ils ne seront tenus de se rendre à Paris qu’en vendémiaire ou brumaire.
Je vous envoie un décret pour établir un chemin de Reggio à la Spezzia. Je crois avoir donné des ordres pour qu’on confectionnât quelques rations de biscuit et que le château de Vérone fût armé. Veillez à ce que cela soit fait, et voyez avec le directeur général de l’artillerie que le château soit armé et en état de défense, mais sans éclat et sans bruit.
Quand le Corps législatif aura fini ses séances, retirez-vous un mois à Monza, et faites travailler aux appartements du palais de Milan. Je crois vous avoir dit ce que je désirais. C’est qu’on puisse traverser les grands appartements actuels , et qu’on arrive par la même enfilade aux appartements qui donnent sur la place du Dôme. De cette manière, la chambre à coucher qui était destinée à l’Impératrice serait la chambre à coucher du Roi; l’endroit où l’on avait fait ce mauvais boudoir serait le salon du roi; la pièce qui précède serait la salle du trône, et celle des femmes de chambre serait le premier salon. L’appartement qu’occupait madame la Rochefoucauld serait celui de la Reine, en lui donnant le plus d’extension possible Les appartements où je me tenais seraient les petits appartements Il y aurait là la bibliothèque, le cabinet, les archives intérieures, le bureau topographique, une petite chambre à coucher avec un salle de bain et un petit salon, lequel donnerait droit sur ce qui me servait de cabinet ou salon de travail, c’est-à-dire la dernière pièce des appartements actuels.
En faisant mettre dans les journaux de Milan que je suis venu, en quatre-vingts heures de Turin, il faut ajouter que j’ai le projet de venir quelquefois à Milan en trois ou quatre jours, incognito, d’y rester un mois et de m’en retourner de la même manière.
Le prix du fourrage est excessif en Italie. Mon projet est de donner aux corps leurs masses de fourrage; faites-moi connaître si, pour les corps de cavalerie qui sont à Lodi, 20 sous par ration seraient suffisants. Bien entendu que je ferais payer ces masses d’avance, de manière qu’il n’y aurait jamais d’arriéré.
Fontainebleau, 14 juillet 1805
NOTE
Il y a une discussion de onze millions; nous aurions tort si l’ambassadeur eût quitté l’Angleterre sur-le-champ, et si le traité eût été conclu lors des hostilités; mais il y a eu trois mois d’hésitation, Pendant lesquels les Anglais ont continué à commercer et l’ambassadeur a résidé à Londres. Non-seulement la France. n’a tiré aucun avantage pendant ces trois mois (ainsi elle a droit au subside jusqu’au jour de la ratification du traité de guerre), mais l’Empereur réclame, outre les douze millions des trois mois de l’an Xlll,, trente-deux millions provenant de deux millions par mois pour les dépenses que l’Espagne devait faire dans les ports et colonies au compte de la France. L’Empereur a fait payer ses dépenses au Ferrol et à Cadix. Si l’Espagne réclame pour les avances qu’elle a faites à la Havane, la France réclamera pour celles qu’elle a faites à l’escadre de Brest, et au total il est certain qu’en cavant au plus bas l’Espagne devra vingt-cinq millions. Pour les trente-deux, les stipulations sont claires et certaines avec la France; il faut tôt ou tard les exécuter. L’Empereur consent d’abandonner cette réclamation si on lui donne les douze millions. Le ministre traitera sur ce point avec M. lzquierdo.
Fontainebleau, 14 juillet 1805
NOTES POUR LE MINISTRE DES FINANCES:
Je suis propriétaire de biens nationaux de la valeur de trente-six millions de francs. Ces biens avaient été destinés à la Légion d’honneur dans les quatre départements réunis. Les estimations ont été faites, il y a deux ans, pour compte de la Légion d’honneur. Il n’y a donc aucune opération préparatoire à faire, et l’on peut commencer dès à présent. L’opinion du pays est que ces biens valent beaucoup mieux que ceux du Sénat. Le receveur de la Roër peut donner des renseignements, et, s’il est à Paris, le ministre du trésor le fera venir pour qu’il s’en explique.
L’on demande qu’une compagnie de capitalistes achète ces biens et verse, le jour même du contrat, des délégations pour les trente-six millions de francs qui en sont la valeur d’estimation. Ces obligations solidaires seraient divisées en coupures de cinquante mille francs, payables à raison de trois millions par mois, au 30 de chaque mois. Chaque rescription porterait son coupon d’intérêt à cinq pour cent l’an, du jour du contrat à son échéance.
L receveur de la Roër pourrait entrer dans cette compagnie. Lorsqu’on sera convenu avec elle des conditions, et qu’elles seront arrêtées, il y aura un accord fait avec la Banque, à l’effet de lui faire escompter les délégations à raison, 1° d’un demi pour cent par mois pour ce qui ne passera pas deux mois d’échéance, selon ses statuts; 2° moyennant une commission, en sus du demi pour cent pour tout ce qui excédera lesdits deux mois. Cette commission consistera
dans le coupon de cinq pour cent l’an , et à proportion pour ce qui aura moins que l’année; ainsi, par exemple, si une rescription ou une délégation est à une échéance de douze mois, elle sera escomptée par la Banque à présentation, moyennant six pour cent pour l’année et les cinq pour cent du coupon. Mais cet escompte de onze étant excessif, on ramènera toute l’opération au taux moyen de trois quarts par mois, en donnant une partie des effets à deux mois d’échéance, lesquels ne produisent qu’un demi pour cent par mois.
Des trente-six millions de francs, il en sera destiné dix-huit au service courant, et dix-huit à l’arriéré. Il est déjà certain que d’ici au ler vendémiaire il n’y aura pas possibilité que les ministères fournissent des liquidations pour dix-huit millions. Il faut d’abord que les liquidations absorbent les premiers dix millions.
Fontainebleau, 14 juillet 1805
Au vice-amiral Decrès
Les batteries de Brest doivent être approvisionnées à cent cinquante coups; soixante ne sont pas suffisants. Dans une position comme celle-là il ne faut point ménager les boulets, et, dès le moment que l’ennemi est à la plus grande portée, il faut commencer à tirer.
Les mortiers doivent être approvisionnés à cent coups. Il doit y avoir par chaque trois pièces un affût; à chaque mortier, un crapaud de rechange; à chaque batterie, une chèvre, trois ou quatre ouvriers en bois, un en fer, et une petite forge près de là, pour réparer le mal arrivé. Chaque jour, il faut compléter les munitions usées.
Il faut ajouter qu’il doit y avoir un double approvisionnement en boulets et boulets creux; que j’approuve que les boulets creux ne soient tirés qu’à 34 degrés; et huit livres de poudre à 1,500 toises suffisent. Mais à 2,400 toises il faut tirer des boulets de 36 avec 45 degrés et douze livres de poudre de charge. Avec douze livres de charge, une pièce de 36 sur affût de 45 degrés doit aller à 2,400 toises. Mon ordre est que, du moment que des bâtiments anglais se présentent à cette portée, on fasse tirer les mortiers à plaque à 2,000 toises, et à la fois les pièces de 36 de tous côtés; de manière que l’ennemi venant reconnaître soit entouré de boulets lui paraissant comme des bombes, et qui lui tombent comme du ciel. Les bricks, frégates et vaisseaux n’auront pas fait cette expérience que les vaisseaux cesseront d’approcher; et c’est le but que je veux obtenir, car je ne veux point de combat. Donnez donc votre ordre en conséquence.
Si ensuite l’ennemi s’approchait à 1,500 toises, on tirerait à boulets creux, et les mortiers à la Gomer tireraient aussi, ce qui lui ferait une grêle de boulets et de bombes qui le dégoûterait de sa tentative. S’il s’approchait à 600 toises, mon intention est qu’alors toutes les pièces tirent sur l’angle ordinaire de 6 à 12 degrés, moitié à boulets creux et pleins. Dites au général Sanson que, s’il y a à Brest des mortiers de 8 pouces, il en fasse mettre dix à chaque batterie; je suppose qu’il n’y en a plus de 12 pouces. Ils battront le flanc de la ligne; si des vaisseaux audacieux se présentaient pour tourner la ligne, ces mortiers, qui portent le mobile à 800 toises, se dirigeant avec plus de facilité, feraient plus de dégâts que ceux de 12 pouces; chaque arme a son avantage.
Sous les ordres du général, un lieutenant-colonel et un capitaine en résidence. Si cela ne se trouve pas dans la 17e division militaire et à Brest, demandez des renseignements pour envoyer ce qui sera nécessaire. Écrivez qu’en général tout demeure près des batteries, surtout l’escadre se trouvant en rade. Je désire qu’on amarre une mauvaise carcasse de bâtiment à 2,300 toises de chaque batterie, des batteries de Sarrut et de Varé, et le plus loin possible, perpendiculairement à la ligne d’embossage, et qu’on s’exerce à tirer dessus, sur l’angle de 45 degrés. Expliquez-leur bien que, si les sept mortiers à grande portée et les pièces de 36 sont plus épouvantails que le reste, ce sont les mortiers de 12 pouces portant leur mobile à 1,400 ou à 1,500 toises, les mortiers de 8 pouces à 800 toises, et les 6 pouces à 600 ou 700 toises, qui seront d’un véritable effet et écarteront l’ennemi s’il s’obstinait à faire des efforts plus considérables et à affronter les feux de toute l’escadre. Le mieux de tout est que l’ennemi regarde cette opération comme impossible, et, dès ce moment, lorsqu’un bâtiment se trouvera à portée, qu’on le couvre d’une nuée de feu.
Fontainebleau, 14 juillet 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, j’ai donné des ordres pour faire confectionner une certaine quantité de biscuit pour l’approvisionnement des places de Legnago, Vérone, Peschiera, Mantoue, la Rocca d’Anfo. Remettez-moi sous les yeux ce que j’ai demandé. J’avais ordonné que ces biscuits se fabriquassent insensiblement; mais je pense, dans les moments actuels, devoir en accélérer la confection, sans cependant y mettre trop de précipitation, ni rien faire paraître d’hostile.
J’ai ordonné l’armement du château de Vérone et de la Rocca d’Anfo. Prenez des mesures telles qu’avant le 11 août les pièces soient rendues sur ces deux points. Faites écrire à l’officier qui commande l’artillerie de la Rocca d’Anfo que j’ai ordonné l’armement de ce point; qu’il tire le meilleur parti des pièces qui lui seront envoyées; et qu’il les place en batterie; qu’il ne préjuge point de là qu’il y ait aucune crainte de la guerre, mais que je désire être en règle sur toutes les frontières. Accélérez la confection des poudres. Veillez à ce qu’on fournisse exactement l’argent aux poudrières de Mantoue et de Pavie. Ce qui manque à Legnago, ce sont des affûts. Faites faire l’état de ce qui manque à l’armement des places d’Italie, tel que je l’ai arrêté, et de ce qu’on pourra se procurer d’ici à la fin de septembre. Il faut désormais que l’armement des places d’Italie, soit fait par l’armement de mon royaume d’Italie; sans quoi il en résulte un double service où il est impossible de rien comprendre.
A mesure que les conscrits arriveront, vous en enverrez 500 pour compléter les régiments qui se trouvent dans l’État de Naples; vous en enverrez 200 à chacun des corps qui sont à Calais, pour les compléter; et vous porterez au grand complet les trois corps qui restent en Italie. Faites-vous remettre, tous les samedis, par le ministre de la guerre, des états de situation en livrets, comme le ministre de la guerre m’en remet ici, de la force de chaque corps, présents et malades, du nombre des officiers, des lieux où les corps se trouvent, de la situation de la conscription; et faites-vous remettre, tous les mois, un état de l’armement et de l’approvisionnement de toutes les places, ainsi que des dépôts de cartouches d’infanterie et des lieux où ils se trouvent.
Fontainebleau, 15 juillet 1805
Au vice-amiral Decrès
Je vous renvoie le mémoire qui a été trouvé chez le général Prevost. Je ne vois pas comment une pareille pièce peut faire tort aux habitants de la Martinique, puisqu’elle est, au contraire, un certificat de civisme donné à ses habitants, même par les espions anglais. Cette pièce est du reste tellement insignifiante que je ne conçois pas comment on a pu la faire entrer dans des considérations militaires. Ce sont des pièces que tous les espions envoient dans tous les pays du monde. Mais je suis frappé qu’il dise qu’il faudrait 6,000 hommes pour attaquer une colonie défendue par 600 hommes, et que, s’il y en avait moins, les milices se défendraient. J’avais mauvaise idée des habitants de la Martinique; cette pièce les réhabilite dans mon esprit. Elle est également plus favorable que défavorable au capitaine général.
Fontainebleau, 16 juillet 1805
Au vice-amiral Villeneuve
Monsieur le Vice-amiral Villeneuve, votre jonction faite avec les escadres du Ferrol, vous manœuvrerez de manière à nous rendre maîtres du Pas-de-Calais, ne fût-ce que pendant quatre ou cinq jours; ce qui peut s’opérer, soit en réunissant sous votre commandement nos escadres de Rochefort et de Brest, soit en réunissant seulement notre escadre de Brest, soit en réunissant notre escadre de Rochefort, et doublant avec cette escadre l’Irlande et l’Écosse, pour votre jonction avec l’escadre hollandaise du Texel.
Notre ministre de la marine vous fera connaître la force des escadres, et les différentes combinaisons qui nous ont paru les probables. Nous nous reposons entièrement, pour leur succès votre expérience et sur votre zèle pour la gloire de nos armes.
Si, par l’effet de combats que vous auriez essuyés, de quelques séparations considérables, ou d’autres événements que nous n’aurions pas prévus, votre situation se trouvait considérablement changée, nous n’entendons pas que, dans aucun cas, notre armée entre dans le port du Ferrol; dans ce cas, qui, avec l’aide de Dieu, n’arrivera pas, nous désirons qu’après avoir débloqué nos escadres de Rochefort et du Ferrol vous mouilliez de préférence dans le port de Cadix.
L’Europe est en suspens dans l’attente du grand événement qui se prépare. Nous attendons tout de votre bravoure et de votre habileté.
Fontainebleau, 16 juillet 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 11 juillet; je ne vois pas de difficulté qu’on fasse les modifications que demande le Corps législatif, c’est-à-dire que les successions en ligne directe ne soient point soumises aux droits d’enregistrement, et qu’on ôte de la loi les dispositions relatives aux pensions ecclésiastiques; bien entendu que ces dispositions seront maintenues comme réglementaires.
Faites appeler le président du Corps législatif et demandez-lui s’il pense que ces changements feront passer la loi; si la loi passe ainsi modifiée, vous ajournerez immédiatement après le Corps législatif. Vous êtes autorisé à signer le projet. Si, au contraire , le Corps législatif ne veut pas adopter ces changements, vous le dissoudrez, et alors je verrai le parti que j’aurai à prendre. Vous ne dissimulerez pas au président, quoique très-légèrement, que je n’ai pas été insensible à cette preuve de peu d’égards qu’ils m’ont donnée; qu’ils doivent bien savoir que je pouvais, avec ma seule signature, établir cette loi avant l’établissement de l’ordre constitutionnel; qu’il eût été plus prudent au Corps législatif, voyant qu’elle éprouvait des difficultés, de se réunir en comité pour faire les différentes observations; qu’au reste ce n’est pas la manière de faire prospérer leur pays. Comme votre lettre ne renferme aucun détail, ni le rapport de la Commission, il m’est impossible de me faire aucune idée là-dessus.
Fontainebleau, 17 juillet 1805
A M. Fouché
On m’assure que le capitaine de la forêt de Compiègne, qui était un homme pauvre et qui avait des dettes il y a quelques années, a aujourd’hui huit chevaux dans son écurie et vient d’acheter une maison valant de vingt-cinq à trente mille francs. Faites une enquête secrète sur cet objet, pour savoir si cette fortune ne serait point faite aux dépens de la forêt.
Fontainebleau, 17 juillet 1805
Au maréchal Berthier
Je vous envoie les états qui m’ont été remis en Italie sur le matériel; cela complète vos renseignements sur l’artillerie. Je désire que vous fassiez dresser une espèce de livret que vous me remettrez tous les six mois, savoir, le ler vendémiaire et le ler germinal, dans lequel l’armement de toutes les places de France de première ligne et de celles d’Italie serait désigné selon ce qu’il doit être, et comme il est, ainsi que le nombre de pièces nécessaire pour compléter l’armement de celles qui existent.
Fontainebleau, 17 juillet 1805
Au vice-amiral Decrès
Vous trouverez ci-joint une lettre d’un colonel de l’armée de Brest. Il n’y a aucune espèce d’intrigue qu’on n’emploie pour aigrir, dans cette armée, les esprits. Écrivez au préfet maritime et à Ganteaume pour leur faire sentir que cette nouvelle est comme celle de la dénonciation du général Sarrazin. Il y a certainement quelque intrigue ourdie pour diviser l’armée de Brest.
Vous trouverez une lettre de M. Jérôme. Répondez-lui qu’il n’est point probable que cette nouvelle soit vraie, telle qu’elle est portée dans le journal; que ce ne serait qu’une nouvelle raison de faire son voyage, pour retirer ces malheureux esclaves des mains des brigands; que je désire que sa division soit bien armée et bien approvisionnée.
Vous profiterez de ce courrier pour donner tous vos ordres à M. Forfait. Fournissez aussi quelques fonds au port pour ses premiers approvisionnements, afin qu’une frégate qui se trouverait là en relâche puisse en partir sans retourner à Toulon.
J’imagine que tous les chanvres que m’a fournis le royaume d’Italie et ceux que vous m’avez achetés, vous les réunirez dans l’arsenal Gênes.
Saint-Cloud, 18 juillet 1805
A M. Réal, conseiller d’État, chargé du 1er arrondissement de la police générale
Monsieur Réal, j’ai lu avec le plus grand intérêt le rapport que vous avez fait au ministère de la police sur les délits forestiers de Fontainebleau; il est plein de connaissance des détails de l’administration forestière. Si ces connaissances vous sont propres, et ne sont pas le résultat de renseignements que vous auriez pris sur cette affaire, je désire que vous fassiez un règlement pour l’administration des forêts de ma couronne, aujourd’hui divisées en cinq capitaineries : de Fontainebleau, de Saint-Germain, de Versailles, de Rambouillet, de Compiègne. On pourrait réunir celle de Versailles à Saint-Germain, et n’avoir que quatre capitaineries. Il me semble qu’il faudrait, pour chacune de ces quatre forêts, un capitaine de la forêt chargé de la surveillance et des chasses, et un sous-inspecteur chargé de toute l’administration. Il faudrait des connaissances forestières pour déterminer ce que ces officiers auraient à faire. L’administrateur général des forêts de la couronne aurait sous ses ordres deux inspecteurs. Ces inspecteurs devraient visiter mes forêts quatre fois l’an; l’administrateur général, au moins deux fois. Il faudrait qu’un inspecteur seul ne pût abuser sans que le capitaine des chasses fût coupable. A cet effet, il faudrait qu’il dût avoir besoin fréquemment de sa signature et de son intervention. Il faudrait aussi qu’à un martelage considérable ou à une vente il ne pût y avoir de d’abus sans que l’inspecteur fût de connivence. Quant à l’administrateur général , comme c’est deux fois par an qu’il devra visiter mes forêts il rendra un compte détaillé de sa visite, carrefour par carrefour, du nombre d’heures qu’il s’y sera promené , des martelages qu’il aura vérifiés, et dès lors il en résultera qu’il sera impossible qu’il ne s’aperçoive pas des abus qui se commettraient dans les forêts, et, s’il s’en commettait, qu’il n’en soit pas complice. Mon intention est d’arrêter le nombre de carrefours qui divisent chaque forêt. Cet essai d’organisation me servira pour l’organisation générale des forêts de l’Empire, où il se commet toutes sortes d’abus par défaut d’organisation générale. Que peut faire, en effet, un conservateur qui a cinq ou six départements sous son administration ? Des inspecteurs et sous-inspecteurs ont des forêts tellement éloignées qu’ils ne peuvent les voir que deux ou trois fois l’an. Mais, avant de m’occuper de cette grande organisation, je désire avoir un projet de règlement pour mes forêts, voulant m’occuper des détails nécessaires en organisant ces quatre forêts, dont je connais la contenance et les localités. Si vous n’avez pas les connaissances nécessaires pour faire ce travail, faites-le-moi connaître.
Saint-Cloud, 18 juillet 1805
Au vice-amiral Decrès
Monsieur le Ministre de la marine, je ne puis rien comprendre à l’immobilité de Ganteaume; comment est-il possible, lui qui est au fait de tous mes projets, qu’il laisse paraître l’ennemi sans faire aucun mouvement ? J’avais prévu, dans mes instructions, que l’ennemi devait disparaître de Brest; voilà quatre jours, à ce qu’il paraît, qu’il n’a paru; ce qui, joint à la disparition de la croisière de Rochefort, ne peut guère laisser de doute sur l’arrivée de Villeneuve. L’amiral Gardner s’est porté à vingt lieues de Brest à la rencontre de Villeneuve, qui, probablement, éprouvera quelques jours de retard pour opérer la jonction du Ferrol. Comment Ganteaume n’a-t-il pas chassé les croisières de frégates, afin de savoir ce qu’il y avait derrière ? J’imagine que vous avez expédié aujourd’hui un courrier extraordinaire à Brest; expédiez-en un second, pour Ganteaume, s’il apprenait que Gardner se fût trop avancé, entre dans la Manche et aille droit au but.
—————–
Faites-moi connaître, par le retour de mon courrier, si vous avez appris quelque chose de nouveau, et informez-vous s’il ne serait pas arrivé de courrier qui ne vous aurait point encore été remis.
Saint-Cloud, 19 juillet 1805
A M. Monge
Monsieur Monge, j’ai reçu les différents mémoires que vous m’avez envoyés. Je désire savoir combien il est sorti de pièces de la fonderie de Liège. Sont-elles meilleures que celles du Creuzot ? Valent-elles celles d’Indret et de Nevers ?
J’ai vu avec plaisir la surveillance et les conseils que vous a donnés à la manufacture de platine.
J’avais défendu l’exportation des écorces nécessaires aux tanneries. Si le mémoire que donneront les manufacturiers, sur la manière dont se fait la contrebande, offre les moyens de la réprimer et de saisir les contrebandiers, rien ne sera négligé pour cet effet.
Saint-Cloud, 19 juillet 1805
Au vice-amiral Decrès
Je vous envoie un mémoire de M. Monge sur la fonderie de Liège. Je désire que l’artillerie des vaisseaux que nous avons à Anvers soit prise à Liège, puisqu’il y aura une grande épargne de frais de transport. Commandez-y aussi des caronades. Faites-moi conna1ître ce qu’il y a de fait, si les pièces sont bonnes, et, en dernière analyse, à quoi vous avez réduit la commande, et ce qui doit être fait d’abord. Je vois que cette fonderie nous sera très-utile; car, pour fournir l’artillerie d’Anvers, il faudra bien des années.
Saint-Cloud, 19 juillet 1805
DÉCISION
Le ministre de la marine demande à l’Empereur qu’il soit mis à sa disposition, en traites du caissier général, la somme de 5,300 000 francs, pour assurer le service de Saint-Domingue , la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et Cayenne, pendant l’an XIV. | Je ne conçois rien à cette manière de gouverner les colonies : mes capitaines généraux ont reçu des droits considérables de sortie, qui doivent former pour chacun une recette de cinq à six millions. Dès lors je ne vois pas de nécessité d’envoyer de l’argent. Plus on en aura, plus on en dépensera. Les formes ne sont pas assez bien établies pour éviter de grandes dilapidations. D’ailleurs, c’est la seule chose que puissent me rendre les colonies. Les droits qu’elles perçoivent sur les neutres en temps de guerre, elles ne les auraient pas en temps de paix. Je me refuse à cette mesure. |
Saint-Cloud, 19 juillet 180
Au vice-amiral Decrès
La lettre de M. Leclerc, commandant militaire à Cayenne, mérite de fixer mon attention. Un des plus légers objets en apparence, mais très-important à mes yeux, est que Victor Hugues ne remet point les paquets de France au commandant d’armes et aux autorités civiles et militaires du pays : témoignez-lui-en mon mécontentement. Je n’entends point que, sous aucun prétexte, il intercepte les communications de la métropole avec la colonie; que le journal officiel puisse être retiré et empêché de parvenir, soit au commandant d’armes, magistrats ou citoyens; que j’attache la plus grande conséquence à ce que les dépêches du ministre soient remises en main propre aux fonctionnaires, sans que ses aides de camp aillent à bord s’emparer de tout.
Il faut bien ordonner à tous les officiers de la marine que, lorsqu’ils ont des paquets de la métropole pour la colonie, ils doivent remettre à chacun ses paquets.
Faites-moi un rapport sur ce mémoire de M. Leclerc, sur ses services et sur ce que M. Hugues lui reproche.
Saint-Cloud, 20 juillet 1805
Au maréchal Berthier
Vous trouverez ci-joint le Moniteur, qui vous fera connaître les nouvelles d’Angleterre. Je dois y ajouter que, depuis cinq jours l’escadre anglaise ne se présente plus devant Brest. Je crois vous avoir fait ordonner de tout embarquer, car, d’un moment à l’autre, il est possible que les circonstances se présentent. Je désire donc que vous fassiez embarquer artillerie, poudre, toutes les munitions, de manière qu’en vingt-quatre heures toute l’expédition puisse partir. Un général de brigade avec quelques officiers susceptibles d’un coup de main doivent s’embarquer sur les péniches de l’armée du maréchal Ney, destinées à opérer le premier débarquement; autant de Soult, autant de Davout et de la réserve. Mon intention est de les débarquer sur quatre points, à peu de distance les uns des autres. Le télégraphe m’a instruit de l’arrivée de Ver Huell. Les moments pressent. Faites-le connaître aux quatre maréchaux : il n’y a plus un instant à perdre.
Saint-Cloud, 20 juillet 1805
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, je vous envoie un ordre pour l’amiral Ganteaume; faites-le partir par un courrier extraordinaire. Faites-lui connaître de quelle manière il pourra se rallier à Allemand, et entrez avec lui dans les différentes hypothèses probables, comme celle que, si les Anglais sont inférieurs devant lui, certainement ils sont à Ferrol. Ne vous couchez pas avant d’avoir expédié ce courrier.
Saint-Cloud, 20 juillet 1805
Au vice-amiral Ganteaume
Monsieur le Général Ganteaume, commandant notre armée navale à Brest, notre ministre vous fera connaître les nouvelles que nous venons de recevoir, par l’Angleterre, de notre escadre que commande l’amiral Villeneuve. Il vous apprendra également que la croisière anglaise a levé le blocus de Rochefort, ce qui a mis notre escadre à même d’appareiller le 28 messidor.
Vos dépêches télégraphiques m’ont pareillement instruit que, depuis plusieurs jours, l’armée anglaise n’était plus signalée devant votre rade.
Nous vous avons déjà fait donner l’ordre de sortir et de chasser les frégates ennemies, et de reconnaître où l’ennemi s’est porté.
Si vous le trouvez au large de Brest, au nombre de moins de 16 vaisseaux de ligne, notre intention positive est que vous l’attaquiez avec vos 21 vaisseaux de ligne. Nous sommes fondé à espérer du succès.
Si, au contraire, l’ennemi n’est pas en vue, et qu’il se soit porté sur le Ferrol, ou qu’il soit très-éloigné en pleine mer, à la rencontre de l’amiral Villeneuve, notre intention est que vous entriez dans la Manche et que vous vous portiez devant Boulogne, où tout est préparé et où, maître trois jours de la mer, vous nous mettrez à même de terminer le destin de l’Angleterre.
Si l’ennemi avait une croisière assez considérable devant Brest, mais pas assez forte pour vous combattre, et que cette croisière prît chasse devant vous, vous vous étudierez à la chasser, si cela est possible, et à vous mettre en situation de secourir l’amiral Villeneuve, et de vous joindre à lui au moment où il se présentera devant Brest; et, si même vous étiez porté à penser que l’escadre qui est devant vous s’est affaiblie pour renforcer la croisière du Ferrol et faire obstacle à l’amiral Villeneuve, nous vous autorisons, après que vous aurez chassé l’ennemi de devant Brest, à disparaître de devant lui par une fausse route, et à vous porter sur le Ferrol, pour y surprendre la croisière ennemie, vous y joindre à une autre escadre combinée, qui est forte de 15 vaisseaux, puis à vous joindre à notre escadre de Rochefort, commandée par le capitaine Allemand, et dont le ministre de la marine vous fera connaître la station. Déconcertant ainsi les opérations de l’amirauté anglaise, vous entrerez rapidement dans la Manche.
Lorsque vous recevrez cette lettre, nous serons déjà de notre personne à Boulogne-sur-Mer, et tout sera embarqué, embossé hors de rade, de sorte que, maître trois jours de la mer, dans le temps ordinaire en cette saison, nous n’avons aucun doute de la réussite. Dussiez-vous après passer devant le Texel et vous joindre à l’escadre hollandaise ou doubler l’Irlande pour vous retrouver dans la grande mer, et, dans cette saison, approvisionné comme vous l’êtes, pouvoir vous y maintenir pour vous tenir instruit des événements de l’Angleterre et de l’IrIande, et agir suivant les circonstances, ou même retourner dans un port quelconque de France ou d’Espagne, ou diviser votre escadre en huit ou dix croisières, suivant ce que vous inspirera votre zèle pour notre service, ne restez pas inactif. De grands événements se passent ou vont se passer dans ces mers ; ne rendez pas inutiles les forces que vous commandez. Si l’ennemi se dégarnit devant vous, c’est qu’il est persuadé que l’offensive doit venir de l’amiral Villeneuve. Trompez ses calculs en prenant vous-même l’initiative. Nous nous en rapportons à votre zèle, à votre bravoure, à votre expérience dans la marine , et à votre attache- ment pour notre personne. Ayez de la prudence; mais ayez aussi de l’audace.
Saint-Cloud, 22 juillet 1805
A M. Fouché
- Prony (Gaspard Riche de Prony, 1755-1839, ingénieur et mathématicien. Il était en mission en Italie, un des plus grands ingénieurs de son temps) vient d’être arrêté à Venise, sans raison et sans aucun prétexte; mon intention est que tous les Autrichiens qui sont à Paris soient arrêtés dans la nuit. Je ne considère point le Vénitien comme Autrichien. Veuillez donc faire, sur-le-champ, les recherches et ordonner que, dans la nuit, les plus considérables des Autrichiens qui se trouvent à Paris soient arrêtés, leurs papiers saisis, et qu’une sentinelle soit mise à leur porte, jusqu’à ce qu’on sache ce qu’on veut faire de M. Prony.
Saint-Cloud, 22 juillet 1805
A M. Fouché
Pour faire en règle l’opération dont je vous ai chargé, je désir que vous retardiez les arrestations, que vous preniez des renseignements, et que, dans la journée de demain, vous me présentiez un rapport sur les trois plus considérables des Autrichiens qui sont à Paris, afin de ne rien faire d’inconvenant et d’être sûr de savoir sur qui portent nos coups.
Saint-Cloud, 23 juillet 1805
Je persiste dans mon opinion que le sieur Belin est un homme gagné ou un grand sot, d’avoir conclu par une mise hors de cour, sur une pièce qu’a signée le duc de Looz, contre un homme si mal famé que Flachat. Je ne puis que gémir sur la faiblesse de mes procureurs généraux, et avoir peu de confiance dans des tribunaux si mal composés. Si j’étais aussi misérablement servi dans mes armées de terre et de mer, et dans les différentes administrations, je vous assure que je désespérerais de l’Empire. Je désire que le contenu de cette lettre soit connu de M. Belin, ainsi que du tribunal correctionnel; et comme, si je ne suis point maître des tribunaux, je le suis de la nomination de mes procureurs généraux, je ne suis point disposé à accorder plus longtemps ma confiance au sieur Belin. Quand je connaîtrai la plaidoirie, je remplacerai le sieur Belin par une personne plus sûre, et à laquelle je puisse me fier implicitement. Comme je ne traite point légèrement les affaires de mon peuple, j’ai droit d’attendre qu’ils ne traitent pas légèrement ce qui a trait à mon intérêt et à mon honneur, et, lorsqu’ils se conduisent ainsi, je ne puis que les mépriser et leur ôter ma confiance.
Saint-Cloud, 23 juillet 1805
A M. Gaudin
Je ne puis qu’être mécontent de ce que vous ne me rendez aucun compte des délits qui se commettent dans les forêts, et que vous ne me proposez point de sévir contre les auteurs. Le tribunal correctionnel de Trèves vient de condamner le garde général des forêts du département de la Sarre à payer 22,000 francs, tant pour amende que pour indemnité de la coupe furtive de sept cent dix-neuf chênes. Cependant aucun compte de ce fait ne m’est rendu, et la destitution de ce garde ne m’est point proposée. Par son extrême faiblesse, l’administration forestière n’est pas digne de ma confiance. Il faut que vous me proposiez une nouvelle administration plus ferme, plus surveillante et capable de réprimer les abus. Dans le département de Saône-et-Loire, on se plaint que le conservateur est un ivrogne qui sait à peine lire et écrire, l’inspecteur, un ancien postillon, et le sous-inspecteur, un procureur qui n’avait pas de clients. Les coupes se font sans cesse, et les remplacements n’ont pas lieu. Les clairières sont cultivées au profit des gardes.
Le garde général Prudon, de Saône-et-Loire, a fait des défrichements à son profit, et cela est à la connaissance publique. Le garde particulier Janain a déserté pendant la guerre, et il commet mille infidélités. Dans le Doubs, l’inspecteur de Pontarlier est l’objet de plaintes; il a distribué à ses amis des arbres soi-disant morts et de nulle valeur; entre autres faits, la livraison de quarante-cinq sapins a été l’objet d’une information spéciale.
Saint-Cloud, 23 juillet 1805
Au maréchal Bessières, commandant la cavalerie de la Garde
Mon Cousin, vous donnerez l’ordre au prince Borghèse, chef d’escadron des grenadiers à cheval de ma Garde, de se rendre à Boulogne. Vous recommanderez au général Ordener d’avoir soin de lui et de lui faciliter tous les moyens d’apprendre son métier. Il pourra ne pas partir avant une huitaine de jours, mais il doit envoyer, dès demain , à l’armée, le nombre de chevaux que l’ordonnance accorde à son grade.
Saint-Cloud, 23 juillet 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, j’ai reçu vos lettres du 15 juillet. Des 139 individus absents du royaume, dont vous m’avez envoyé la liste, faites écrire à ceux qui ont de la fortune, et dont la présence ne serait pas dangereuse dans l’intérieur, de revenir; quant à ceux qui n’ont rien, il faut les laisser où ils sont.
L’hôpital de San-Benedetto, quoi qu’on en dise, ne peut pas jouir d’un bon air; on ne peut donc transporter les malades de Modène sur San-Benedetto, ce serait un contre-sens. N’oubliez pas qu’en général, en Italie, le bon air a plus d’influence sur les maladies que les médecins et les remèdes.
Quant à l’Institut, il faut une organisation à part, dont je m’occuperai quand j’aurai le temps; deux divisions, dont l’une serait à Milan, l’autre à Bologne, ne répondraient pas à tous les besoins.
Saint-Cloud, 23 juillet 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, je vous envoie un décret pour l’approvisionnement de mes places d’Italie; il est essentiel que vous en veilliez l’exécution. Je suis fondé à espérer que la guerre n’aura pas lieu; cependant les préparatifs que font les Autrichiens sont tels que je dois me mettre en mesure. Je vous ai déjà parlé de l’armement de la Rocca d’Anfo, de Vérone, de Peschiera. J’imagine que tout cela est fait; répondez-moi par mon courrier, et rendez-moi un compte exact de tout cela.
Saint-Cloud, 24 juillet 1805
NOTE POUR LE MINISTRE DES FINANCES
Les ministres des finances et du trésor public se concerteront pour proposer un projet de règlement ayant pour objet de former une carrière pour parvenir aux fonctions de receveurs généraux et d’agents de change.
- Montessuy, qui propose d’acheter pour trois millions de biens de la Légion d’honneur dans le département de Jemmapes, sait bien ce qu’il dit. Cependant le ministre ne porte dans ses états les biens de la Légion d’honneur dans ce département que pour 10, 000 livres de rente. Cela vient de ce qu’on n’a pas compris dans cet état les biens que la Légion d’honneur a rendus pour être vendus à son profit. Il faut donc se faire représenter l’état de ces biens. Comme on a toujours le moyen d’indemniser la Légion d’honneur, la proposition de M. Montessuy pourrait être acceptée.
Le ministre est invité, pour compléter les états du ler prairial, à y joindre un état par départements des biens vendus par la Légion d’honneur.
Saint-Cloud, 24 juillet 1805
NOTE POUR LE MINISTRE DU TRÉSOR PUBLIC
Demander au ministre de l’intérieur le traité qui a été passé pour la concession des mines de l’île d’Elbe. Ce traité aurait dû être communiqué au ministre du trésor public. Ce ministre ayant ce traité aurait dû faire appeler les concessionnaires et leur faire contracter des obligations payables de mois en mois, ou régler avec eux tout autre mode de payement. Si un décret de l’Empereur avait été nécessaire, le ministre l’aurait demandé.
A présent il faut revenir sur cette opération, faire le décompte des concessionnaires, déduire ce qu’ils ont versé pour les dépenses de l’île d’Elbe, ne pas leur donner, pour compléter leurs versements, un délai de plus de quinze jours, et prendre des règles convenables pour l’avenir.
Il est impossible de croire ce qui est annoncé dans le rapport, et de penser qu’un commissaire ait été assez imprudent pour annuler un marché. Le commissaire général dans l’île d’Elbe avait pris, le 28 nivôse, un arrêté qui réduisait à 80,000 francs le prix du bail des mines, fixé à la somme de 500,000 francs par un arrêté du Gouvernement, en date du 9 floréal an XI. Son arrêté n’aurait aucune valeur. Il faut d’abord réprouver cet acte, qui, probablement, se borne à dire que le concessionnaire versera 80,000 francs pour le service de l’île d’Elbe, ainsi que cela a été fait ensuite pour une somme de 150,000 francs par l’arrêté que le ministre des finances a fait approuver par l’Empereur. Ainsi considérés, ces actes sont très-naturels et ne prononcent rien sur le marché.
Saint-Cloud, 24 juillet 1805
A M. Barbé-Marbois
J’évalue à quatre millions les indemnités à exiger du sieur Roy; je ne puis me désister de cette somme. Je n’admets point les 1,600,000 francs payables en deux ans. Une de mes plus belles forêts a été dévastée; des dilapidations énormes y ont été commises par la bande noire; je veux un exemple. Je refuse la proposition, et n’entendrai à rien qu’à une indemnité de quatre millions, payables en huit mois.
Seguin a été condamné à payer 1,800,000 francs. Je n’entendrai à aucune espèce de compensation; je veux la somme tout entière.
Saint-Cloud, 24 juillet 1805
A M. Fouché
Lancez un mandat d’arrêt contre M. Laroche, chef du bureau des domaines à Évreux, et contre Moinet, secrétaire particulier du préfet de l’Eure. Faites en sorte que l’un et l’autre soient saisis, arrêtés, et leurs papiers saisis, avant que personne s’en doute. Ces individus sont des têtes mortes de la bande noire. Vous sentez que les honnêtes gens sont indignés contre le préfet, et il y a vraisemblablement quelque preuve contre lui. Pour le bien de mon peuple, j’ai besoin d’un exemple, et d’un exemple éclatant. Le secrétaire général est également compromis sans doute. Pourvoyez là ce que les papiers ne soient pas brûlés, et mon espoir trompé.
Saint-Cloud, 24 juillet 1805
Au cardinal Fesch
Monsieur mon Oncle et Cousin, le roi d’Espagne ayant mis six cordons de l’ordre de la Toison d’or à ma disposition, j’ai jugé à propos de vous en destiner un, voulant vous donner une nouvelle marque de ma confiance : le prince de Masserano vous l’enverra.
Répondez-moi par le retour de mon courrier sur l’objet de ma précédente dépêche, relative à la cassation du mariage de M. Jérôme. Envoyez-moi aussi tous les renseignements qui vous parviendraient sur ce qui se passe à Naples et à Rome.
Vous trouverez plusieurs numéros du Moniteur : ils pourront vous faire juger la guerre imminente; mais il n’en est rien. Je n’ai que de bonnes nouvelles de mes escadres.
Faites des démarches pour obtenir deux chapeaux de cardinaux : plusieurs des prélats qui en avaient obtenu sont morts. Vous ferez connaître aux cardinaux Bayane et Caselli que je leur ai accordé le grand aigle de la Légion d’honneur.
Dites au pape que j’ai ordonné à mon ministre des cultes de me faire un rapport pour accorder au chapitre de Latran tout ce que je lui ai promis.
Saint-Cloud, 13 juillet 1805 (cette date est celle de l’édition de 1863)
NOTE POUR LE MINISTRE DE LA MARINE
On ne peut envoyer de l’argent aux colonies. Elles doivent pourvoir à leurs besoins par leurs recettes.
Le projet qui porte l’imposition foncière à un million paraît raisonnable.
Ne pourrait-on pas établir un droit sur les nègres ?
Les douanes doivent être organisées de manière qu’elles produisent, avec les autres revenus, tout ce qui est nécessaire pour équivaloir aux dépenses des colonies.
Les garnisons qu’on leur donne pour les défendre doivent être payées par elles.
Les dépenses faites par les escadres qu’on y a envoyées doivent être remboursées par la marine.
Saint-Cloud, 24 juillet 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, 30,000 francs seront donnés à M. Appiani, sur les fonds de ma liste civile. Il lui sera remis toutes les années 30,000 francs pour terminer et faire graver les dessins u’il a commencés sur mes campagnes d’Italie. Je désire qu’au jour anniversaire de la bataille de Rivoli vous placiez sur le plateau de Rivoli la première pierre d’un monument consacré à la mémoire des braves morts dans cette bataille. Comme ce champ de bataille se trouve à l’extrême frontière, il ne faut pas que ce monument coûte trop cher.
Informez-vous si l’on ordonne à la fin des messes une prière pour le Roi dans toutes les églises du royaume; faites-y adapter une très-belle musique, et faites-la chanter constamment.
Je vous envoie plusieurs numéros duMoniteur : vous y verrez, dans le dernier, un article de Berlin, qui, comme vous l’imaginez bien, a été fait à Paris. N’en concluez pas que nous sommes menacés de la guerre. Je ne pense pas que l’Autriche soit assez insensée pour la faire. Je suis fondé à croire que la paix ne sera point troublée, quoique je vous aie donné des ordres pour des précautions à prendre; mais, tant que la paix ne sera point faite avec l’Angleterre, il est bon de se mettre en mesure.
Demain, Estève fait partir un payeur pour tenir la caisse de la couronne.
Lagarde se rendra incessamment pour vous aider à monter votre bureau de police.
J’imagine que vous avez fini avec votre Corps législatif, et que vous avez pris toutes les mesures convenables pour que vos impositions se mettent en recouvrement.
J’imagine que les vexations exercées à Venise contre MM. Prony et Costanzo ont cessé. Si l’on n’avait pas relâché le chef de bataillon du génie italien, faites arrêter deux des officiers autrichiens que se trouveraient dans le royaume.
Je désire accorder une pension de 4,000 francs, sur des fonds d’évêchés, à MM. Scarpa et Volta; faites-moi connaître de quels évêchés les fonds peuvent en être pris, et présentez-moi des projets de décrets; mon intention aussi est d’accorder à Scarpa, Volta et quelques autres principaux savants des universités, la décoration de la Légion d’honneur.
Il est également dans mon intention de faire grands officiers de la Légion d’honneur tous les grands officiers de ma Maison d’Italie; je crois que mon grand chambellan et mon grand aumônier ne le sont pas. Faites-moi un rapport là-dessus.
Mettez en bon état votre artillerie; occupez-vous avec activité de la bonne organisation de vos troupes et de la levée des recrues. Vous verrez, par la copie de ma lettre au ministre de la guerre, que je vous ai envoyée, que le général français commandant l’artillerie en Italie ne doit se mêler en rien de l’artillerie italienne; faites-lui connaître que les fonderies et tous les établissements militaires qui ne sont point soldés par la France sont sous vos ordres immédiats; sans quoi, il en résulte un double emploi qui n’est point convenable.
Mes flottes sont arrivées à la Martinique; dès qu’elles y ont eu attiré Nelson et les escadres anglaises, elles sont parties pour une autre destination.
Envoyez-moi un décret qui défende l’introduction de toutes marchandises anglaises dans mon royaume d’Italie. Je désirerais qu’on me présentât les moyens de protéger le plus possible, dans le royaume, le commerce de Gênes.
Saint-Cloud, 24 juillet 1805
A M. Lacépède
Expédiez, par un courrier extraordinaire, six grandes décorations à Beurnonville et la lettre que j’écris au roi d’Espagne. Des cinq cordons, l’un est pour le prince de la Paix. Vous lui écrirez une lettre. Les quatre autres seront spécialement destinés à ceux auxquels le Roi voudra les donner. M. Beurnonville prendra les ordres de Sa Majesté à cet effet.
J’accepte les cinq cordons de l’ordre de Charles III. Vous pouvez les prendre et les envoyer à MM. Lebrun, architrésorier, Decrès, ministre de la marine, aux maréchaux Augereau, Moncey et Lefebvre.
Il faudra ensuite que ces individus reçoivent les lettres de la chancellerie, car les lettres constituent la dignité plus que le cordon. Vous leur direz que cinq décorations m’ayant été données pour cinq de mes sujets les plus distingués par leur mérite et leur attachement à ma personne, je les ai destinées pour eux. Vous leur accorderez, dans la même lettre, la permission de les porter.
———————–
Vous écrirez aux princes Joseph, Louis, au cardinal Fesch, au prince de Piombino et au prince Borghèse que, le roi d’Espagne ayant mis cinq ordres de la Toison d’or à ma disposition, je ne crois pas pouvoir en faire un meilleur usage que de les leur donner; que l’ambassadeur les présentera de la part de son maître; que je les autorise à les porter.
Saint-Cloud, 25 juillet 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, je reçois vos lettres du 14. La présentation de la loi est dans les attributions que je me suis réservées; je ne puis donc qu’être mécontent du parti que vous avez pris. L’enregistrement ne passera point; mon caractère n’est pas de faiblir. Ce Corps législatif savait bien que vous n’aviez pas le droit de proposer une loi; celle-là étant signée de moi seul, moi seul avais le droit de faire ce que j’aurais voulu.
Vous trouverez un décret qui destitue le général Salimbeni. Si son frère continue à tenir des propos de ce genre, je le ferai arrêter et fusilier.
Je désire savoir si ce sont les partisans de Melzi, ou de tout autre qui ont fait rejeter la loi. Votre discours à Salimbeni n’est pas sensé; il faut être plus grave dans la magistrature. Il fallait le faire appeler par la police ou par le ministre de l’intérieur, et m’en rendre compte. Il y a dans votre conduite quelque chose de chevaleresque qui est de votre âge, mais non de votre place. J’ai commencé par destituer Salimbeni. Je connais mieux les Italiens que vous. Je protégerai ceux qui me professent de l’attachement, mais je ferai une sévère justice de ceux qui seraient d’une catégorie différente.
- Joseph Paraviccini, de Bologne, m’a fait demander à porter l’ordre de la Toison d’or, que l’empereur François II lui a donné; mon intention est qu’il ne le porte pas. En général, ayez pour principe de ne permettre de porter aucun ordre autrichien; c’est dans ce sens que vous devez vous en expliquer. Je pourrai permettre les ordres bavarois et espagnols; je ne permettrai ni les autrichiens ni les napolitains.
J’imagine que les quatre gardiens d’Amiot auront été arrêtés et qu’une enquête sera faite contre eux.
Je pense que le principe que vous avez manifesté au ministre de la guerre, sur la conscription, n’est pas exact : que le ministre doit faire l’explication de la loi ou du décret. La loi a souvent besoin d’un développement, qui est un règlement. Il y a là-dessus des limites que l’usage seul peut faire connaître; mais les ministres ne peuvent jamais agir qu’au nom du Gouvernement. Je vous renvoie un journal où je trouve un véritable règlement signé du ministre des cultes, qui affecte les maisons aux établissements religieux. Ce règlement devait être signé par vous. Il s’en faut bien que les ministres aient le droit d’expliquer la loi. Ce serait un droit vraiment funeste, qui détruirait l’administration. Vos principes là-dessus ne valent rien et seraient destructifs de l’autorité du prince. Si vous continuiez ainsi, vous verriez bientôt toute l’influence se diriger sur les ministres; ils ne tarderaient pas à en abuser, et les inconvénients en seraient immenses pour le Gouvernement. Toute nouvelle disposition sur l’application de la loi doit être faite par vous; réformez-vous donc un peu sur cette matière.
Saint-Cloud, 25 juillet 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, mesdames Porro et Paraviccini sont dames du palais; il n’est point convenable que mari et femme y soient employés. Prenez de nouveaux renseignements sur M. Milzetti, de Faenza, que vous me proposez pour commandant des gardes d’honneur, car je me souviens fort bien qu’un homme de ce nom était à la tête des insurgés de la Romagne.
- Scarpi, de Bologne, a demandé à porter l’ordre de Saint-Georges de Bavière; mon intention est que vous lui en accordiez la permission.
J’ai donné des ordres pour que le service des postes soit organisé de manière que je puisse avoir vos lettres en cinq jours; jusqu’à ce qu’il soit ainsi organisé, il sera nécessaire que vous m’envoyiez deux, ou au moins un courrier par semaine, qui m’instruira promptement de ce qui se passe, car je n’aime point à recevoir ainsi des lettres signées, dix à douze jours après.
Vous écoutez trop Moscati; c’est un homme faible et qui attache trop d’importance au bavardage des salons.
Si la loi sur l’enregistrement ne passe pas, je la prendrai de ma propre autorité, et, tant que je serai roi, le Corps législatif ne sera point réuni. Faites appeler le président; faites parler aux principaux membres par les ministres, par les conseillers d’État; faites-leur bien entendre que je puis me passer du Corps législatif, et que je leur apprends comment je puis m’en passer, puisqu’ils se comportent ainsi envers moi.
Je désirerais que vous me fissiez passer des bulletins sur les mouvements des troupes autrichiennes au delà de l’Adige, et surtout sur les différents préparatifs que font les Autrichiens.
Saint-Cloud, 26 juillet 1805
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, je désire que vous communiquiez cette lettre à M. de Gallo; que vous lui fassiez sentir que ces levées de milices ne doivent pas avoir lieu, et que vous lui demandiez enfin si l’on veut m’obliger à détrôner le roi de Naples.
Saint-Cloud, 26 juillet 1805
NOTE POUR M. LACÉPÈDE
Je pense qu’il est intéressant que M. lzquierdo aille prendre des instructions directes du prince de la Paix sur les objets les plus importants.
Il me semble que 60,000 Français sont trop considérables; 16,000 Français et 60,000 Espagnols devraient être suffisants pour venir à bout du Portugal.
Faire connaître que les vaisseaux de Cadix doivent s’approvisionner, se tenir prêts à joindre l’escadre qui viendrait les débloquer. Il est nécessaire de réunir la plus grande quantité de vivres à Cadix; si les escadres passaient à Cadix, elles auraient besoin de vivres.
Il faut que le prince donne des ordres, tant pour réunir l’escadre de Cadix que pour faire confectionner des vivres et donner tout ce qu’on pourrait. Dans quatre ou cinq jours, j’aurai des nouvelles; j’écrirai alors au prince. En attendant, je désire qu’il connaisse que sa lettre m’a fait plaisir, et qu’il peut compter en tout temps sur mes bons sentiments.
Saint-Cloud, 26 juillet 1805
Au maréchal Berthier
Je ne suis pas encore parti, parce que j’attends des renseignements que je ne reçois pas; mais cela ne tardera pas. Faites venir les chaloupes d’Ostende; elles peuvent venir sans difficulté d’Ostende jusqu’à Dunkerque. Faites venir aussi celles de Fécamp. Envoyez à ces deux ports un aide de camp. Faites-moi connaître combien il y a d’individus de la 81e au Havre. Les avirons sont nécessaires; mon intention est qu’on n’en débarrasse pas les transports. Je préfère qu’on débarque les caissons, qu’on tiendra prêts sur terre et qu’on fera passer après.
Saint-Cloud, 26 juillet 1805
Au vice-amiral Decrès
Monsieur le Ministre de la marine, je vous envoie une lettre pour le capitaine Allemand. Vous en ferez deux copies; vous en expédierez une avant six heures, ce soir, par un officier de marine attaché à votre état-major, qui ira à Vigo, accompagné d’un courrier, et avec la plus grande diligence possible. Il est nécessaire qu’il y soit avant le 15 du présent mois de thermidor. Vous lui ferez sentir cette nécessité. S’il venait à s’apercevoir en route qu’il ne pût y arriver, il adresserait la dépêche par son courrier à mon commissaire ou à mon vice-commissaire à Vigo. Sur l’adresse de cette dépêche, il y aurait : Au premier capitaine de vaisseau de ligne ou de frégate de Sa Majesté qui se présentera devant Vigo; et, comme le capitaine que vous expédierez arrivera vingt-quatre ou trente-six heures après, cette adresse ne peut être susceptible d’aucun inconvénient. L’ofrÎcier de votre état-major que vous expédierez à Vigo y restera jusqu’à ce que sa mission soit faite, et, s’il ne se présentait personne, il y resterait au moins jusqu’au 10 fructidor.
Ce soir, avant six heures, vous ferez également partir, par courrier extraordinaire, l’autre copie de ma lettre au capitaine Allemand, avec l’ordre ci-joint au capitaine qui commande le Régulus; vous y joindrez une instruction pour lui faire connaître la route qu’il peut prendre pour trouver l’escadre du capitaine Allemand. Il ne faut pas cependant qu’il se détourne de plus de vingt-quatre on trente-six heures, puisqu’il est certain de trouver à Vigo des nouvelles du capitaine Allemand. Vous recommanderez également au capitaine duRégulus de tâcher d’arriver à Vigo avant le 15 thermidor.
Quand ces deux expéditions seront faites, vous expédierez un troisième courrier à mon commissaire Le Roy, homme sage et prudent. Vous lui direz dans votre dépêche que je ne doute point que l’amiral Villeneuve ne retourne à Cadix avant la fin de ce mois; que mon intention est qu’il y trouve un mois de vivres pour toute son escadre et qu’il ne doit pas séjourner à Cadix plus de cinq jours, pour continuer sa mission avec les vaisseaux espagnols qui se trouveront prêts. Vous ferez connaître également à M. Le Roy que je viens d’ordonner de lui expédier des lettres de change pour 100,000 écus afin de lever tous les obstacles; qu’il y aura de la part des Espagnol les meilleures dispositions, mais qu’il faut que les vivres, provenant des Espagnols ou d’ailleurs, ne manquent pas. Il vous fera connaître par le retour du courrier, ce que l’arsenal pourrait procurer en vivres .Vous lui donnerez également connaissance de l’ordre que j’ai donné à l’escadre d’Allemand. Vous y joindrez une lettre que M. Le Roy remettra au capitaine Allemand, s’il arrive à Cadix avec son escadre entière et sans combat. Dans le cas où il y arriverait après un combat, je me réserve de juger la manière dont il se sera comporté. Cette lettre annoncera au capitaine Allemand que je l’ai promu au grade de contre-amiral, et qu’il doit en arborer sur-le-champ le pavillon. Vous enverrez également à M. Le Roy la lettre ci-jointe pour l’amiral Villeneuve. Vous ferez connaître à cet amiral que dans peu de jours je lui enverrai des instructions plus détaillées, mais que c’est pour le cas où il arriverait avant le moment où je l’attends; et, si ce cas arrivait, vous ferez connaître à M. Le Roy que je compte sur son zèle pour que les vivres soient fournis, n’importe par qui, et que l’amiral soit à même de continuer sa mission. Vous recommanderez à ce commissaire de tenir le tout le plus secret possible, et de ne faire aucune démarche qui puisse, directement ou indirectement, donner aucun soupçon sur ce qui va arriver.
Quand vous aurez expédié ces trois courriers, et que vous serez très-certain du départ de votre officier d’état-major, vous viendrez ce soir à Saint-Cloud, et vous m’apporterez les instructions que vous avez données au capitaine Allemand; alors je vous remettrai mes nouveaux ordres pour l’escadre de Brest et pour celle de Villeneuve.
Saint-Cloud, 26 juillet 1805
Au capitaine Allemand
Monsieur le Capitaine Allemand, commandant notre escadre de Rochefort, notre intention est qu’immédiatement après que vous aurez reçu cette dépêche, soit par la voie de notre vaisseau le Régulus, soit par le capitaine de frégate que nous expédions à Vigo, vous manœuvriez pour opérer votre jonction avec l’amiral Villeneuve, cependant après que le 15 thermidor se sera passé sans que vous ayez des nouvelles de l’amiral Villeneuve.
Si l’amiral Villeneuve n’a pas paru au 15 thermidor sur le Ferrol, il n’y a point de doute qu’il n’ait été croiser vingt jours à Santiago (cap Vert); de là, il doit se rendre à Cadix.
Si vous pensiez pouvoir le rencontrer encore au cap Vert, vous vous y dirigerez; mais le plus sûr sera de vous porter à Cadix et de l’attendre dans cette rade. Vous éviterez le cap Saint-Vincent, où l’ennemi tient une croisière. Vous attaquerez la côte d’Afrique, et vous arriverez par là devant Cadix.
Arrivé à Cadix, votre premier soin sera de rallier sous votre commandement les vaisseaux espagnols qui s’y trouvent, d’expédier un courrier à l’amiral espagnol qui est à Carthagène, pour qu’il se rende à Cadix, et de favoriser votre jonction avec l’escadre qu’il commande, qui doit se rendre à Cadix.
Si vous trouvez devant Cadix 4 vaisseaux ennemis ou moins, vous les attaquerez. Si l’escadre ennemie est de 5 vaisseaux, tous supérieurs à l’échantillon de 64 canons, notre intention est que vous entriez sans combat. Si vous êtes contraint de prendre chasse, vous naviguerez pour vous rencontrer avec l’amiral Villeneuve, dont vous pourrez supposer la navigation.
Et comme, après son entrée à Cadix, cet amiral doit se rendre au Ferrol, en cas qu’il vous fût impossible de revenir dans cette rade, où l’amiral Villeneuve ne doit rester que cinq jours, vous reprendrez votre station derrière le Ferrol portée dans vos premières instructions (datées du 9 juin). Et si vous passiez un temps considérable dans cette station sans entendre parler de l’amiral Villeneuve, vous enverrez prendre des renseignements à Vigo, où il y aura des ordres; et, dans le cas où il n’y eût rien, vous auriez manœuvre indépendante pour manger vos vivres à la mer, faire à l’ennemi tout le mal possible et retourner dans un port de France.
Nous comptons sur votre prudence, sur votre expérience de la mer et sur votre attachement à notre personne pour vous diriger de la manière la plus convenable dans une mission de cette importance.
Saint-Cloud, 26 juillet 1805
Au capitaine Lhermitte
Monsieur le Capitaine de vaisseau Lhermitte, commandant notre vaisseau le Régulus, notre intention est que vous partiez de notre rade de Lorient, que vous fassiez la navigation que notre ministre de la marine vous tracera dans les instructions qu’il vous donnera, pour arriver à vous joindre au capitaine Allemand, parti de Rochefort avec une de nos escadres, forte de 5 vaisseaux de ligne et de 3 frégates. Vous aurez soin de vous tenir loin de la croisière ennemie du Ferrol.
Si vous ne rencontrez pas l’escadre du capitaine Allemand par la simple direction de votre route, vous aborderez à Vigo, où nécessairement vous aurez des nouvelles de lui, ayant des ordres d’y envoyer un bâtiment après le 15 thermidor, et vous rallierez l’escadre qu’il commande. Dans aucun cas, ne restez pas plus de trois à cinq jours à Vigo.
Si vous rencontrez l’escadre du capitaine Allemand, vous en ferez partie et vous suivrez ses mouvements. Vous remettrez au capitaine Allemand le paquet ci-joint.
Si l’on n’avait à Vigo aucune connaissance de l’escadre du capitaine Allemand au 18 thermidor, vous vous dirigerez sur Santiago (île du cap Vert) pour faire votre jonction avec l’amiral Villeneuve, et vous vous rangerez sous ses ordres.
Si, arrivé à Santiago, vous trouviez que l’amiral Villeneuve en fût déjà parti, vous reviendrez à Cadix, où vous le trouverez infailliblement.
Si vous ne pensez pas pouvoir arriver à Cadix huit jours au plus tard après lui, vous avez manœuvre indépendante, et vous vous porterez partout où vous jugerez pouvoir faire le plus de mal à l’ennemi.
Si, au contraire, vous appreniez à Vigo ou avant que l’amiral Villeneuve se fût laissé voir devant le Ferrol, vous n’iriez pas à Santiago, et vous manœuvrerez pour rallier ledit amiral au Ferrol.
Si au 15 thermidor on n’a pas eu connaissance de l’amiral Villeneuve au Ferrol, il n’y a aucun doute qu’il aura été à Santiago, où nous supposons qu’il ne devra plus être au 10 fructidor; et si , au 10 fructidor, on n’en avait pas de nouvelles à Santiago, c’est que quelque dérangement aurait eu lieu dans ses instructions; alors, également, vous êtes maître de votre navigation, nous en rapportant à votre zèle et à votre expérience de la mer pour faire le plus de mal possible à nos ennemis.
Saint-Cloud, 26 juillet 1805
Au vice-amiral Villeneuve
Monsieur l’Amiral Villeneuve, j’ai appris votre arrivée à la Martinique; et les nouvelles qui me sont parvenues d’Angleterre m’ont appris que vous en étiez parti le 16 prairial. Après tout ce que j’ai pu comprendre, le contre-amiral Magon, que j’avais expédié avec deux vaisseaux de ligne pour vous renforcer, et avec de nouvelles instructions, sera arrivé à la Martinique quelques jours après votre départ.
Cela étant, vous vous serez rendu à Santiago , et, après y avoir croisé pendant vingt jours, vous vous serez porté sur Cadix.
Mon intention est que vous ralliiez à Cadix les vaisseaux espagnols qui s’y trouvent, que vous débarquiez vos malades, et que, sans séjourner à Cadix plus de quatre jours au plus, vous remettiez à la voile, vous vous reportiez sur le Ferrol, vous vous joigniez aux 15 vaisseaux combinés qui sont dans cette rade, et qu’avec toutes ces forces réunies vous vous portiez devant Brest, et de là devant Boulogne, où, si vous me rendez maître pendant le seul espace de trois jours du Pas-de-Calais, et avec l’aide de Dieu, je mettrai un terme aux destins et à l’existence de l’Angleterre.
Si vous ne trouvez pas à Cadix le capitaine Allemand parti de Rochefort avec 5 vaisseaux de ligne, dont 1 à trois ponts, et 3 frégates, il est possible que vous le rencontriez sur la route de Cadix au Ferrol, lui ayant donné l’ordre d’aller à Cadix, en attaquant la côte d’Afrique.
Dans ce cas, vous trouverez au Ferrol des instructions qui vous feront connaître la station de l’escadre aux ordres du capitaine Allemand, derrière le Ferrol, et vous la rallierez, s’il vous est possible. Les 15 vaisseaux qui sont au Ferrol sont approvisionnés pour six mois; ils pourront donc facilement vous donner des vivres; l’escadre de Brest est également approvisionnée pour six mois, et il y a, indépendamment, des vivres pour votre escadre pendant deux mois, chargés sur des flûtes. Il y en a à Cherbourg et à Boulogne. M. Le Roy, mon commissaire des relations commerciales à Cadix, et l’amiral espagnol vous fourniront à Cadix tous les vivres possibles.
Je compte sur votre zèle pour mon service, sur votre amour pour la patrie, et sur votre haine pour cette puissance qui nous opprime depuis quarante générations , et qu’un peu d’audace et de persévérance de votre part vont faire rentrer pour jamais au rang des petites puissances.
150,000 hommes, un équipage complet, sont embarqués à Boulogne, Étaples, Wimereux et Ambleteuse, sur 2,000 bâtiments de la flottille, qui, en dépit des croisières anglaises, ne forment qu’une seule ligne d’embossage dans toutes les rades, depuis Étaples jusqu’au cap Gris-Nez.
Votre seul passage nous rend, sans chances, maîtres de l’Angleterre.
Saint-Cloud, 26 juillet 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, j’ai expédié le décret relatif à la liquidation, proposé par le ministre des finances. Le budget est pour deux ans. Ainsi je n’aurai pas besoin du Corps législatif de deux ans. Il faut connaître quels sont les membres qui sont mauvais.
Il ne faut point décréditer les bruits de guerre dans les journaux, mais s’en moquer. Faites faire en grand détail une note de tous les préparatifs que font les Autrichiens dans l’État de Venise et ailleurs. Faites-la mettre dans les petits journaux, et ensuite faites-la répéter dans le journal officiel.
Faites connaître à M. Prony que mon intention est qu’en quelque endroit qu’il se trouve il retourne à Venise et y reste une quinzaine de jours. Envoyez aussi M. Costanzo à Venise.
Immédiatement après avoir reçu votre lettre, j’ai fait relâcher les individus autrichiens que j’avais fait arrêter par représailles. Ne souffrez aucune avanie sur l’Adige, et que les représailles soient rendues constamment.
Ne m’écrivez plus par la poste ; cela me fait un travail trop difficile. Je préfère que vous m’envoyiez un courrier extraordinaire toutes les semaines, en ayant soin de profiter des retours de courrier. Je vous ai écrit hier pour vous témoigner mon mécontentement; j’imagine que cela ne peut pas autrement vous affecter.
Saint-Cloud, 26 juillet 1805
A M. Marescalchi
Je vous envoie un décret que vous expédierez par un courrier au prince Eugène. Je suis mécontent du Corps législatif. J’ai défendu qu’on lui présentât aucune loi , et, pendant mon règne en Italie, je ne le réunirai plus. Je désire qu’en écrivant aux membres de ce corps qui sont vos amis, vous leur parliez dans ce sens. Jusqu’à l’arrivée de mon ministre secrétaire d’État, vous contresignerez mes actes comme secrétaire d’État.
Saint-Cloud, 27 juillet 1805
A M. Lebrun
Mon Cousin, faites arrêter M. Schaiffer et faites saisir tous ses papiers. Mon intention est qu’il ne soit relâché que quand j’aurai réparation sur l’arrestation de M. Prony. On vous dira que M. Prony est en liberté; vous feindrez de ne pas le savoir. Je frapperai de tous les côtés, pour faire sentir à l’Autriche l’inconvenance de son procédé. Cette arrestation ne consistera qu’à mettre une sentinelle à la porte de M. Schaiffer. Donnez l’ordre à l’avocat Mazzola de se rendre en surveillance à Villefranche. Mon intention est de ne donner d’exequatur à aucun consul autrichien , s’il est Piémontais ou Génois.
On ne doit point recruter pour le prince de Piombino; ne souffrez donc aucun recrutement, et faites arrêter les recruteurs.
Laissez subsister, jusqu’à nouvel ordre, le dépôt espagnol.
Saint-Cloud, 27 juillet 1805
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, l’escadre anglaise devant Rochefort a disparu le 23 messidor. Ce n’est que le 20 que le brick le Curieux est arrivé en Angleterre. L’amirauté n’a pu se décider dans les vingt-quatre heures sur les mouvements de ses escadres; dans ce cas, il n’est pas probable que l’ordre à l’escadre devant Rochefort soit arrivé en trois jours. Je mets donc en fait que cette escadre a levé sa croisière par des ordres antérieurs à l’arrivée du Curieux à Londres. Le 26 messidor cette escadre a fait sa jonction avec celle du Ferrol , et dans la journée du 26, et au plus tard le 27, ces 14 vaisseaux sont partis par des ordres donnés antérieurement à l’arrivée du Curieux. Quelles nouvelles avaient les Anglais avant l’arrivée de ce brick ? Que les Français étaient à la Martinique; que Nelson n’y avait que 9 vaisseaux. Qu’ont-ils dû faire ? Je ne serais pas étonné qu’ils y eussent envoyé une autre escadre pour fortifier celle de l’amiral Nelson, et avoir une supériorité propre non-seulement à garantir toutes leurs possessions d’Amérique, mais encore à détruire notre escadre, et que ce soient les 14 vaisseaux du Ferrol qu’ils aient fait partir pour l’Amérique.
Ils ont emmené avec eux bricks, frégates, corvettes, soit pour se tenir en garde, soit pour chercher l’armée combinée. Si cela était, la première chose à faire serait que l’amiral Gourdon en prévînt le capitaine Allemand, pour que celui-ci entrât au Ferrol. Je désire donc que, dans la journée, vous expédiiez un courrier au contre-amiral Gourdon, pour lui dire que la disparition de la croisière ennemie du Ferrol, si elle dure encore, doit le mettre à même de faire sa jonction avec le capitaine Allemand, et que, joint à lui, il doit se diriger, s’il n’a pas eu connaissance au 20 thermidor de l’amiral Villeneuve, sur Cadix; qu’il doit prévenir le capitaine de frégate qui va à Vigo, pour que le Régulus s’y joigne également; qu’avec ces forces unies il doit se joindre aux vaisseaux espagnols qui sont à Cadix et faire venir l’escadre de Carthagène, et attendre là l’amiral Villeneuve. Lorsque l’amiral Gourdon partira du Ferrol, il y aura plus de dix-huit jours que l’escadre ennemie aura disparu : si elle avait paru devant Cadix, il le saurait alors.
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Je vous envoie les ordres de l’amiral Gourdon, que vous expédierez aujourd’hui par un courrier.
Saint-Cloud, 27 juillet 1805
Au contre-amiral Gourdon
Monsieur le Contre-Amiral Gourdon, commandant notre escadre du Ferrol, la nouvelle que vous venez de nous donner par votre lettre datée du 29 messidor, que, depuis trois jours, les 14 vaisseaux anglais en croisière devant le Ferrol ont disparu sans laisser aucune frégate ni escadre légère, rapprochée d’autres combinaisons, nous porte à penser que cette escadre pourrait s’être rendue en Amérique, à la poursuite de la nôtre. .
Vous connaissez déjà par vos instructions la situation où doit se trouver le capitaine Allemand , commandant notre escadre de Rochefort, et qui, le 27 messidor, a mis à la voile. Peut-être lui-même aura-t-il eu vent de la disparition de la croisière ennemie devant votre port, et, selon ses instructions, il vous aura joint pour se ranger sous votre pavillon. Toutefois, si cette jonction n’était pas encore opérée, vous enverrez des bâtiments à sa recherche et vous opérerez votre jonction; et si, le 20 thermidor, vous n’avez eu aucune nouvelle de l’amiral Villeneuve, et que vous ne soyez pas bloqué par une force supérieure, vous devrez penser que l’amiral Villeneuve ne reviendra plus sur le Ferrol, mais reviendra sur Cadix; et, dès ce moment, vous vous dirigerez en toute hâte sur Cadix. Vous attaquerez toute escadre qui serait inférieure à vous, en calculant deux vaisseaux espagnols pour un.
Arrivé à Cadix, vous aurez soin d’envoyer un courrier par terre à Carthagène, pour que l’escadre espagnole vienne sur-le-champ vous joindre; et, dans cette situation, vous attendrez l’armée de l’amiral Villeneuve, qui ne devra rester que peu de jours à Cadix, et reprendre sur-le-champ la mer avec toutes nos escadres combinées.
Vous écrirez au capitaine de frégate que notre ministre de la marine a envoyé à Vigo, pour lui faire connaître qu’il ait à donner une nouvelle direction au Régulus, en le dirigeant sur le Ferrol, s’il est encore temps, pour se réunir à vous, ou en lui donnant ordre d’aller à Cadix, en lui prescrivant d’attaquer la côte d’Afrique, et d’éviter le cap Saint-Vincent.
Dans ces opérations combinées nous ne voulons rien vous taire, comptant entièrement sur votre discrétion et votre attachement à notre personne.
L’amiral Villeneuve avait ordre, dans ses instructions primitives, de se rendre à Santiago (cap Vert), d’y croiser vingt jours, et, après cela, d’arriver à Cadix. Nous sommes donc fondé à penser, par les nouvelles que nous avons reçues d’Angleterre, qu’il est parti de la Martinique le 15 prairial, ce qui ferait deux mois au 15 thermidor. Nous sommes également fondé à penser que le contre-amiral Magon, que nous avions expédié, avec deux de nos vaisseaux, de Rochefort, qui en est parti le 11 floréal, et qui portait l’ordre à l’amiral Villeneuve de venir droit sur le Ferrol pour faire sa jonction avec vous, ne sera arrivé qu’après son départ, et que l’amiral Villeneuve aura suivi sa destination.
Nous nous en rapportons, du reste, à votre expérience de la mer, aux combinaisons que vous pourrez faire, après la connaissance que nous venons de vous donner de l’état des choses, et à votre attachement pour notre personne.
Notre principal but est que vous parveniez à joindre l’escadre de Rochefort à votre escadre, et à vous réunir, avec cette escadre de Rochefort, à l’escadre espagnole qui est au Ferrol, sous le pavillon de l’amiral Villeneuve, qui vous donnera des ordres pour vos opérations ultérieures.
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En partant du Ferrol, ne voulant pas négliger même les suppositions les moins probables, vous laisserez à notre commissaire des relations extérieures un paquet pour l’amiral Villeneuve, en cas qu’après le 20 thermidor il arrivât encore sur le Ferrol. Dans cette lettre, vous lui laisserez la copie de ces instructions avec cette apostille, par laquelle nous lui ordonnons, dans ce cas improbable, de se rendre à Cadix pour se joindre à vous, et, une fois votre jonction opérée, suivre les instructions dont vous avez été antérieurement porteur pour lui, et dont le but n’a pas changé. Il trouvera d’ailleurs chez le commissaire des relations extérieures Le Roy tous les développements dont il pourrait avoir besoin, mais qui cependant ne lui disent rien de nouveau, notre but étant constamment le même que celui qui est porté dans les paquets que vous avez pour lui.
Saint-Cloud, 27 juillet 1805
Au prince Eugène
Mon Cousin, je charge M. Marescalchi de vous expédier le décret par lequel j’ordonne que le Corps législatif termine ses séances. Mou intention, pendant que je régnerai en Italie, est de ne plus le réunir. J’avais trop bonne opinion des Italiens; je vois qu’il y a encore beaucoup de brouillons et de mauvais sujets. Il est inouï qu’une loi aussi simple que celle des finances ait eu contre elle le tiers des voix; cela aggrave le tort du premier refus. Ce n’est pas l’autorité du Corps législatif que je voulais, c’est son opinion. Vous ne lui ferez pas de message, vous ne lui rendrez aucun honneur; vous ferez cependant connaître mon mécontentement. Si la loi des douanes a été envoyée, retirez-la; cela ne regarde pas le Corps législatif; je n’en ai pas eu besoin en France pour cet objet. Retirez aussi la loi générale du budget et tout ce qui est relatif à la loi de l’enregistrement , et publiez-les en décrets.
Vous avez tort de penser que les Italiens sont comme des enfants. Il y a là dedans de la malveillance. Ne leur laissez pas oublier que je suis le maître de faire ce que je veux; cela est nécessaire pour tous les peuples, et surtout pour les Italiens, qui n’obéissent qu’à la voix du maître. Ils ne vous estimeront qu’autant qu’ils vous craindront, et ils ne vous craindront qu’autant qu’ils s’apercevront que vous connaissez leur caractère double et faux.
D’ailleurs, votre système est simple : l’Empereur le veut. Ils savent bien que je ne me dépars pas de ma volonté.
Vous dites que tous les bruits sont à la guerre. Il ne faut pas combattre ces bruits-là. Ce que fait l’Autriche, elle le fait vraisemblablement par peur. D’ailleurs, je pourrai bien ne pas la laisser se préparer et lui tomber dessus. Empêchez qu’aucun officier autrichien et qu’aucun Italien au service de l’Autriche ne vienne dans vos places; et, s’ils y viennent, faites-les arrêter.
Il est inutile de donner de nouveaux drapeaux à l’armée italienne; il faut attendre de nouvelles circonstances.
Vous ne répondez pas à mon décret du 18 juin, relatif aux places fortes. Tout cela ne regarde pas le général Lacombe Saint-Michel; je le lui ai fait dire par le ministre de la guerre; quand on sera en corps d’armée, ce sera autre chose. Faites faire les états d’armement, M. d’Anthouard vous donnera les formes ; cela est dans tous nos livres. Employez-y l’officier général de cette partie. Cette manière de dire que vous avez écrit et que vous surveillez ne signifie rien; envoyez des aides de camp, et que mes ordres soient exécutés. Que je sache quand Vérone sera armée; que cela se fasse avec les finances d’Italie, avec les moyens d’Italie, avec les officiers d’Italie. Ce double emploi ôté, tout deviendra simple.
Je viens d’ordonner que M. Lagarde, employé près du ministre à la police, se rende auprès de vous. C’est un homme qui a joué beaucoup de rôles, enfin un homme de police. Tenez-le à distance de vous, et ne communiquez avec lui que par Méjan. Tenez-vous-en à ce que je vous dis, et non à votre cœur de vingt ans. Depuis quatre ans je l’ai beaucoup employé en police, et je ne l’ai jamais vu; ce n’est pas ce que vous devez absolument faire aussi; mais, si vous 1e voyez quatre fois dans un an, cela suffit. Gardez-vous de laisse pénétrer votre opinion ; il faut au contraire qu’il croie que vous faite cas de lui.
Présentez-moi des personnes pour remplir les places de la Cour et pour être gouverneurs des différents palais.
Faites finir l’impression des adresses; cela ne signifie plus rien
Saint-Cloud, 28 juillet 1805
A M. Champagny
Monsieur Champagny, passer au vinaigre, à Lyon, les lettre venant d’Italie, cela est ridicule; cette précaution ne sert qu’à retarder les lettres de vingt-quatre heures; je désire que vous y mettiez ordre Si la peste devait venir d’Italie, ce serait par les voyageurs et les mouvement des troupes. Cela ne fait donc que nous gêner.
Saint-Cloud, 29 juillet 1805
Au général Duroc
Monsieur Duroc, je désire que vous réunissiez un conseil, composé de mon intendant général, de M. d’Hanneucourt et de M. le conseiller d’État Réal, pour s’occuper de la rédaction d’un projet d’organisation de mes forêts; vous me le présenterez.
Rendez-vous à Rambouillet avec mon intendant et l’architecte, afin de donner tous les ordres pour que cette maison soit en état de me recevoir dans un mois ou six semaines, et que je puisse y passer huit jours.
J’ai vu le grand Trianon. La chambre de Madame est très-mal arrangée; mon intention est qu’elle le soit comme autrefois; qu’il y ait une balustrade, un lit de parade, et des meubles convenables à une si grande pièce. Mon intention est aussi que le petit Trianon soit parfaitement arrangé; que la salle de spectacle, les petites maisons de rendez-vous, les jardins soient bien entretenus, et surtout les eaux, qui sont le principal agrément de cette campagne.
Saint-Cloud, 31 juillet 1805
A M. Champagny
Monsieur Champagny, je suis allé hier voir le Prytanée de Saint-Cyr; je n’an ai été que médiocrement satisfait. Je ne sais pas pourquoi on ne suit pas dans cette école le plan d’études que j’ai établi pour les lycées. Il en résulte qu’on n’enseigne pas d’histoire, fort peu de géographie, et qu’on ne commence à montrer les mathématiques que quand la rhétorique est finie. Il y a des jeunes gens de seize ans qui ne savent pas faire une addition. On montre dans une seule année l’arithmétique, la géométrie et l’algèbre; on montre dans une seconde année la trigonométrie, l’application de l’algèbre à la géométrie et un peu de statique : cette distribution est vicieuse. Comment le directeur a-t-il pu se croire autorisé à ne pas suivre le plan d’études des lycées, dans lequel on commence à la quatrième les mathématiques, auxquelles on associe la géographie ? J’ai trouvé les élèves mal tenus, et les professeurs et les maîtres d’études avec un extérieur très-négligé. Cependant on a donné aux professeurs un costume pour qu’ils s’en servissent dans leurs fonctions. S’ils paraissent dans la société avec un mauvais frac, je ne m’en plaindrai pas; c’est dans leur classe, au milieu de leurs élèves, que je veux qu’ils se montrent avec des dehors qui imposent. Les croisées des premières cours étaient remplies de femmes, soit du directeur, soit des professeurs. L’hôpital, qui devait être fait depuis trois ans, ne l’est pas encore ; la pharmacie n’est point établie ; les sœurs ne sont point logées. Il n’y a qu’un petit nombre d’élèves qui ait appris le maniement des armes; encore l’exécutent-ils fort mal et avec des fusils dégoûtants de rouille. J’ai vu des habillements en lambeaux, point d’uniformité dans les vêtements, des élèves mal chaussés, d’autres en bas de soie; tout cela annonce du désordre dans l’administration. Il ne doit y avoir aucune différence entre les élèves; l’égalité doit être le premier élément de l’éducation. Le directeur m’a dit qu’il avait 500 élèves, pour lesquels il reçoit 800 francs par élève du Gouvernement, et 900 francs par élève pensionnaire. J’ai donc été fort étonné d’apprendre qu’il trouvait que cela était insuffisant pour un collège où il n’y a que 10 professeurs, et dans lequel, sur 500 élèves, plus de 300 n’ont pas douze ans. La situation de cette école contraste de tous points avec celle de Fontainebleau.
Je désire que vous me présentiez un projet de décret qui contiendra les dispositions suivantes :
1° Le plan d’études des lycées sera suivi à Saint-Cyr.
2° Le collège s’appellera désormais Prytanée militaire français; il n’y pourra entrer que des fils de militaires, destinés à l’état militaire.
3° Il sera disposé pour contenir 600 élèves, dont 200 au-dessous de douze ans, et ayant nécessairement plus de sept ans; 200 au-dessous de quinze ans, et 200 au-dessous de dix-huit ans. Les premiers, pour être admis, doivent savoir lire , écrire et avoir une notion des déclinaisons, des conjugaisons et des quatre règles; les seconds doivent avoir une instruction plus étendue; les troisièmes doivent avoir fait leurs classes jusqu’aux humanités et à la géométrie.
4° Les élèves qui sont actuellement au Prytanée, quoiqu’ils ne soient pas fils de militaires, y resteront.
5° Aucun pensionnaire ne pourra y être admis sans l’approbation de l’Empereur, et s’il n’est âgé d’au moins douze ans.
6° Tant les élèves pensionnaires que les élèves du Gouvernement ne seront reçus au Prytanée que dans le mois qui terminera l’année scolaire, afin qu’ils ne viennent pas au milieu des cours et qu’ils puissent les commencer avec l’année; ils sortiront également dans le mois qui précèdera la clôture de l’année scolaire, et c’est pendant ce mois que l’on fera les examens pour l’admission à Fontainebleau, où l’on n’enverra que des jeunes gens de taille, ayant l’instruction et les dispositions convenables. Les élèves qui n’iront pas à Fontainebleau seront placés dans les corps en qualité de caporaux-fourriers.
7° Les élèves âgés de plus de seize ans et sachant l’école de bataillon, compteront, à dater de cette époque, comme soldats. Ils feront l’exercice avec des fusils de dragons. Ceux qui auraient plus de douze ans et moins de seize feront l’exercice du bataillon avec des mousquetons.
8° Les élèves qui auront plus de seize ans, et dont le temps à l’école comptera comme soldats, fourniront une garde à la porte du Prytanée; ils y feront le service comme l’infanterie. En conséquence, il n’y aura plus d’invalides ou de garde extérieure quelconque à Saint-Cyr.
9° Les élèves seront chargés de l’entretien de leurs fusils, qu’ils tiendront propres et brillants. En conséquence, il y aura à l’école un armurier, qui leur apprendra à tenir leurs fusils en bon état. On leur apprendra aussi à faire des cartouches. Le ministre de la guerre fournira les 200 fusils de dragons et les 200 mousquetons nécessaires.
10° Les élèves formeront trois bataillons de quatre compagnies chacun, chaque compagnie composée de 50 hommes. Le 1er bataillon sera composé de 200 élèves ayant plus de seize ans, le 2e de 200 élèves ayant plus de douze ans; le 3e de 200 élèves au-dessous de cet âge. Ils sauront marcher au pas, rompre par pelotons et marcher par les flancs. Les 1e et 2e bataillons doivent exécuter parfaitement le maniement des armes et l’école du bataillon. Le 1e bataillon saura de plus faire l’exercice à feu, démonter ses fusils et manœuvrer le canon de campagne; il y aura, à cet effet, au Prytanée deux pièces de canon de 4.
11° Les élèves qui, dans les mathématiques, auront vu la trigonométrie, seront menés sur le terrain par le professeur de fortification, qui leur apprendra à lever la carte et à faire les opérations trigonométriques.
12° Indépendamment d’un chef de bataillon, il y aura à Saint-Cyr deux capitaines d’infanterie, un tambour maître, six tambours et un sergent d’artillerie.
13° L’école aura un commandant militaire ayant au moins le grade de colonel, lequel sera sous la haute surveillance du connétable et sous les ordres du commandant de l’école de Fontainebleau; il fera, au moins tous les mois, la revue, et aura pour but de son inspection d’établir l’ordre et la discipline comme à Fontainebleau.
14° L’appel et les inspections se feront comme dans les régiments.
15° Tous les élèves mangeront à la gamelle, comme cela se pratique à Fontainebleau.
16° Les masses seront établies et distribuées comme à Fontainebleau, sans que dans aucun cas, le conseil d’administration puisse dépenser plus de 800 francs par élève, y compris l’entretien de la maison et les meubles.
17° Enfin ceux des élèves qui seront en état de soutenir les examens pour l’artillerie et le génie seront aptes à se présenter à récole de Metz, sans avoir besoin de passer par l’examen de l’École polytechnique.
Au moyen de ces institutions, le Prytanée militaire français sera distinct des lycées et sera le premier échelon pour arriver à l’école de Fontainebleau. Ce collège restera néanmoins dans les attributions de votre ministère. Faites-moi connaître à combien montent le capital et les revenus de ce prytanée, afin que je voie l’affectation spéciale à en faire.
Saint-Cloud, 31 juillet 1805
A M. Talleyrand
Monsieur Talleyrand, les renseignements que je reçois d’Italie sont tous à la guerre, et véritablement l’Autriche ne garde plus aucun ménagement. Mon intention est que vous prépariez une note à M. de Cobenzl, pour lui être envoyée en temps opportun ; cette note sera longue, doucereuse et raisonnée, à peu près dans les termes de celle ci-jointe (et qui sera publiée dans le Moniteur du 26 septembre 1805).
Saint-Cloud, 31 juillet 1805
Monsieur Talleyrand, la République du Valais a proposé de former un corps auxiliaire au service de la France; ce bataillon serait composé de cinq compagnies, commandé par un chef de bataillon, et de la même force que les bataillons suisses. Je vous autorise à faire sur cet objet une convention avec la République du Valais.
Saint-Cloud, 31 juillet 1805
Au maréchal Berthier
Mon intention est qu’un polygone soit établi à Fontainebleau. On choisira, à cet effet, une allée de la forêt où l’on puisse établir une butte à 240 toises. Il y aura à cette batterie une pièce de 6 et une pièce de 12 sur affût de campagne, un obusier, une pièce de 12 sur affût de côte, une pièce de 12 sur affût de place, une pièce de 24 sur affût de siège, deux mortiers, l’un de 8 pouces, l’autre de 12. La batterie, les plates-formes, la butte, tout sera construit par les élèves et sera établi avant le 1er vendémiaire. Mon intention est que chaque élève aille au polygone trente fois au moins par an, et tire lui-même des boulets et des bombes.
Le directeur demande un professeur de fortification de plus; je ne vois pas qu’il y ait d’inconvénient à le lui accorder.
Il faut qu’au ler vendémiaire il y ait dans la caserne de la place pour 600 élèves; s’il est nécessaire de déplacer quelqu’un , il me paraîtrait convenable que ce fussent les professeurs, qui peuvent loger en ville. Je désire même qu’on puisse porter l’école à son complément primitif , c’est-à-dire à 1,200 élèves. Il est nécessaire qu’indépendamment de l’école de bataillon on donne aux élèves l’instruction pour les évolutions de ligne. Il est aussi indispensable d’établir, le plus tôt possible, un manége. Recommandez qu’on soit plus sévère sur le port d’armes, qui ne m’a pas paru assez exact; le pas accéléré m’a paru vicieux; ce vice a été acquis de la Garde; le but n’est pas de changer la mesure, mais d’aller plus vite pour faire plus de chemin ; il est manqué dans l’instruction actuelle.
Je donne une nouvelle organisation au prytanée de Saint-Cyr; j’ai besoin d’un officier ayant été colonel, pour lui donner dans cette école le même commandement que le général Bellavène à Fontainebleau. J’ai besoin aussi d’un chef de bataillon et de deux capitaines d’infanterie, et d’un sergent d’artillerie. Proposez-les-moi parmi ceux que je crois avoir réformés à Fontainebleau. Mon intention est de faire du prytanée militaire un élément de Fontainebleau; il doit à l’avenir exister sur le même pied. Ne voulant plus, aussitôt que cela sera possible, tirer les sous-lieutenants à ma nomination que de ces écoles, il me faut 600 jeunes gens par an. Or, les cours étant quatre ans, et, avec les exceptions, de trois, le nombre des élèves doit être de 1,800. Fontainebleau ne pourra jamais m’offrir beaucoup au delà de la moitié.