Correspondance de Napoléon – Juillet 1804

La Malmaison, 4 juillet 1804

A M. Regnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Monsieur Regnier, Grand-Juge, l’Empereur a reçu,  des réclamations de Son Éminence le cardinal-légat au sujet d’un article par lequel les journaux de Paris et notamment le Publiciste ont donné à entendre que le Pape était disposé à résigner le trône de l’Église. Sa Majesté juge convenable que vous chargiez le préfet de police d’interroger le rédacteur du Publiciste, en sommant ce journaliste de représenter l’original du papier public ou privé dans lequel il a trouvé la nouvelle qu’il a imprimée. Cet interrogatoire doit ensuite être publié dans le Publiciste.

 

La Malmaison, 5 juillet 1804

A M. Regnier

Monsieur Regnier, Grand Juge, Ministre de la justice, je désire que vous fassiez remettre au préfet du palais, Rémusat, 100, 000 fr. pour être employés à donner des secours aux différents théâtres.

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  1. Rémusat emploiera ainsi cette somme :

40,000 francs à l’opéra Buffa.
15,000 à Mademoiselle Raucourt.
15,000 à Talma.
30,000 à garder en réserve pour être distribués selon l’autorisation qu’il en recevra.

 

La Malmaison, 5 juillet 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, j’approuve les travaux d’Anvers. Il faut commencer par mettre la ligne magistrale en état de défense et dans le cas de supporter des batteries, afin de mettre la place à l’abri d’un coup de main : elle ne le serait pas, si l’on ne relevait la Tête-de-Flandre de manière à pouvoir inonder la portion de la rive gauche opposée au quai de la ville. On entreprendra successivement les travaux que l’inspecteur du génie croit nécessaires. Il faut répartir les travaux de manière que cette place soit en état dans quatre ou cinq campagnes, vu le peu de fonds que nous aurons à y employer.

J’approuve également les travaux d’Ostende. Il faudra y employer plusieurs années.

 

La Malmaison, 5 juillet 1804

A M. Lacuée

Monsieur Lacuée, Conseiller d’État, beaucoup de chefs de corps désireraient que l’on donnât le chevron et la haute paye qui y est attachée, sans exiger l’engagement; ils pensent que cela attacherait les vieux soldats à rester aux corps, et autoriserait à ne point leur délivrer leurs congés absolus; que ce qui les porte surtout à ne point s’engager, c’est que cela parait perdre quelque chose de leurs droits et contraire à leur habitude de quinze ans. Je pense donc qu’un petit projet d’arrêté sur cet objet serait convenable.

 

La Malmaison, 6 juillet 1804

A M. Barbé-Marbois

Monsieur Barbé-Marbois, Ministre du trésor public, M. Marescalchi, ministre de la République italienne, vous remettra six bons de 200,000 francs chacun, dont vous ferez recette sous le titre de don volontaire de la République italienne pour la guerre contre l’Angleterre. Cette république doit également donner une somme de 1,000,000 ou 1,500,000 francs en chanvres. Il serait convenable que cette somme fût portée en compte au ministre de la marine, sans quoi il y a à craindre qu’elle ne tourne pas au profit du trésor public.

 

La Malmaison, 6 juillet 1804

A M. TALLEYRAND

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, le général Brune désirerait que M. Kieffer retournât à Constantinople; que Franchini eût le titre de premier drogman; que M. Ruffin eût le titre d’interprète conseiller; que les commissaires de la mer Noire continuassent à dépendre de Pétersbourg, mais correspondissent avec Constantinople; enfin que, les drogmans devenant de plus en plus essentiels, il fût  envoyé deux jeunes gens, étudiant les langues orientales, passer un an ou deux à Constantinople.

 

Saint-Cloud, 6 juillet 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, Jaubert, qui arrive de Constantinople, apporte quelques lettres de Champagny que j’ai ouvertes. Vous les trouverez ci-jointes. Il a aussi pour M. de Cobenzl une lettre qu’il lui portera demain, étant extrêmement fatigué aujourd’hui. Le Grand Seigneur m’écrit une lettre d’une douzaine de pages, qui est une espèce de reddition de compte de la situation de son empire.

 

Saint-Cloud, 7 juillet 1804

DÉCISION

Duhamel, ancien militaire, demande à conserver un habit et une capote d’uniforme qu’on veut lui retirer. Renvoyé au Colonel général Bessières, pour faire rendre justice à ce vieux soldat.

 

Saint-Cloud, 9 juillet 1804

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je vous envoie des lettres de MM. Lucchesini, Dreyer et Buneau, où vous verrez que le langage de M. de Cobenzl n’est pas aussi sincère qu’il vous paraît. Mon intention est que vous détruisiez ces bruits dans le plus court délai; que vous disiez à tous les ambassadeurs, et spécialement aux plus mal informés, que la cour de Vienne a éprouvé de la joie de l’élévation de l’Empereur, mais qu’elle conçoit des craintes que la couronne impériale n’échappe à la Maison d’Autriche, et qu’elle désirerait que l’Empereur des Français reconnût l’érection de la monarchie autrichienne héréditaire en empire; que la première réponse avait été que l’on ne voyait rien de fondé à ce que la couronne impériale sortît de la Maison d’Autriche; que, si le cas arrivait, et qu’il fût compatible avec les constitutions de l’empire germanique que la Maison d’Autriche s’érigeât en monarchie héréditaire en empire, l’Empereur des Français n’y verrait point de difficultés, ayant
pour principe d’être facile dans des choses de cette nature. Vous ferez plus : vous expédierez un courrier à Berlin et à Ratisbonne porteur des numéros du Moniteur contenant le détail de l’audience de dimanche et une circulaire à nos ministres pour leur tracer le langage qu’ils doivent tenir et leur donner une notion de ce qui se passe, en leur recommandant de ne faire aucune démarche, mais de redresser seulement la fausse direction qu’on voudrait donner à l’opinion de l’Europe, et de dire qu’il n’a jamais été question entre la France et l’Autriche des affaires d’Italie, et qu’il n’a pu en être question, puisqu’on n’a songé à rien sur ces affaires.

 

Saint-Cloud, 11 juillet 1804

DÉCISION

Le gouvernement anglais réclame réciprocité de ration pour les sous-officiers, soldats et matelots anglais détenus en France. On pense que cette réciprocité ne doit pas se borner à la ration, mais qu’elle doit s’étendre au traitement et s’appliquer aux officiers comme aux sous-officiers et matelots. Écrire que les prisonniers anglais sont libres dans les citadelles; qu’ils sont casernés comme les soldats; qu’ils reçoivent le pain et une paye suffisante et des effets de petit équipement; qu’on leur permet de travailler en ville. Mais avant de donner cette réponse prendre l’initiative et se plaindre du traitement fait en Angleterre aux officiers, en comparaison d’avantages qui sont accordés, selon les grades, aux officiers anglais prisonniers. Ajouter que nos prisonniers en Angleterre sont entassés d’une manière si pénible et si dangereuse, qu’on les force ainsi, sous peine de la vie, à prendre du service; qu’on insulte, qu’on outrage à chaque instant les officiers et les soldats.

 

Saint-Cloud, 11 juillet 1804

DÉCISION

Le ministre de la marine propose de pourvoir au remplacement du général Vavasseur, et demande à l’Empereur si, ayant nommé le général Sugny premier inspecteur général d’artillerie, il ne juge pas à propos de nommer un inspecteur général du personnel sous ses ordres, comme il y en a un pour le matériel Réunir les deux parties entre les mains du général Sugny; lui donner un colonel ou directeur chargé sous lui des parcs, et un adjudant commandant pour le personnel.
Proposer l’avancement de général de brigade pour deux anciens colonels qui se retirent, afin d’améliorer leur sort dans leur retraite.

 

Saint-Cloud, 12 juillet 1804

A M. Champagny

Monsieur Champagny, mon Ambassadeur à Vienne, mon intention étant de vous appeler près de moi pour vous confier le porte-feuille de l’intérieur, j’ai voulu vous le faire connaître directement, afin que vous vous prépariez à partir pour Paris, au moment où j’en aurai officiellement prévenu le ministre des relations extérieures. Les nouvelles fonctions auxquelles j’ai l’intention de vous appeler sont l’effet de la confiance que vous m’avez inspirée par votre attachement à ma personne et les talents distingués que vous avez montrés soit au Conseil d’État, soit à Vienne.

 

Saint-Cloud, 12 juillet 1804

A M. Otto

Monsieur Otto, mon Ministre à Münich, je profite d’un courrier que j’expédie à M. Champagny pour vous écrire directement. Je désire que, par le retour de mon courrier, vous me donniez quelques renseignements sur la famille de l’électeur de Bavière, et spécialement sur sa fille, et que vous me fassiez connaître s’il y a des projets connus de l’électeur pour l’établissement de cette jeune princesse, et quels pourraient être ces projets, autant que l’habitude que vous avez de son caractère et de sa cour peut vous le faire présumer. Je n’ai pas besoin de vous ajouter que cette mission étant toute de confiance, vous n’en devez aucune espèce de compte au département, et que vous devez être plus impénétrable encore sur une affaire de cette nature que sur les affaires de la plus haute politique. C’est parce que je connais votre attachement à ma personne et les talents dont vous avez donné des preuves dans les dernières négociations de Londres, que je me suis adressé à vous pour ces renseignements.

 

Saint-Cloud, 12 juillet 1804

Au maréchal Soult, commandant le camp de Saint-Omer

Mon Cousin, j’ai reçu vos lettres. On me mande du Havre que la division du capitaine Daugier est maintenant de 200 bâtiments. Il me tarde beaucoup qu’elle soit arrivée à Boulogne. Je me suis décidé à rester ici pour le 14 juillet, jour où je ferai prêter serment à tous les officiers de la Légion d’honneur qui sont à Paris ; cérémonie qui ne laissera pas d’être imposante. Il est probable que, quelques jours après, je serai auprès de vous. J’ai envoyé la semaine dernière à Boulogne un million pour solder les dépenses de la marine. Je désire que vous preniez confidentiellement des renseignements, et que vous me fassiez connaître où cela en est.

 

Saint-Cloud, 17 juillet 1804

A M. Barbé-Marbois

Monsieur Barbé-Marbois, Ministre du trésor public, je désirerais que les diamants et perles qui se trouvent au trésor public fussent montés en différentes décorations pour l’impératrice. Ces diamant et perles resteraient dans la comptabilité du trésor public comme joyaux de la couronne. Vous pouvez ordonner qu’ils soient montré au joaillier de l’Impératrice, afin qu’il voie ceux qui peuvent convenir.

 

Saint-Cloud, 18 juillet 1804

Au maréchal Berthier, ministre de la guerre

Le général Sebastiani a eu ordre de se rendre à Dijon. Faites-lui connaître là qu’il est chargé de remplir une mission. Il se rendra à Berne, puis dans les petits cantons, à Coire, Feldkirch, Constance, Lindau, Kempten ; suivra l’Inn jusqu’à lnspruck, de là ira à Brixen, Villach, Salzburg, Munich, Passau. Il parcourra les bords de l’Inn, se rendra à Nuremberg, parcourra la Rednitz et rejoindra l’Empereur partout où il se trouvera. Il prendra des notes sur la situation des troupes autrichiennes, sur les préparatifs quelles pourraient faire ; achètera les meilleures cartes, fera des reconnaissances, et m’instruira généralement de tout ce qui peut m’intéresser sous le point de vue politique et militaire. Il ne se dira point chargé de mission, mais voyageant simplement pour son plaisir.

 

Saint-Cloud, 18 juillet 1804

DÉCISION

Le ministre de la guerre demande qu’un général de brigade et deux colonels, nommés par le capitaine général Villaret, soient confirmés dans leur grade. L’Empereur seul nomme les  généraux. Les colonels ne sont susceptibles d’être confirmés qu’autant que ce sont des remplacements d’officiers de ce grade, et non des créations nouvelles.

(le 20 juillet se place l’épisode de la revue ordonnée par Napoléon, malgré le mauvais temps, et contre l’avis de l’amiral Bruix, et qui entraîna la perte de 11 embarcations et la mort de  29 marins. L’empereur, une partie de la nuit, dirigea les opérations de sauvetage).

 

Pont de Briques, 20 juillet 1804

Au Ministre des Relations extérieures

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, j’ai reçu vos trois portefeuilles. Les affaires de Suisse méritent de fixer toute mon attention. Écrivez à mon Ministre que je vois avec peine la formation d’un état-major général et que j’ai pour principe que toute nouvelle disposition contraire à l’Acte de Médiation n’est point obligatoire pour les Cantons  qui ne veulent point y participer.

Faites connaître aux différents Ministres en Allemagne que  la conduite de  de la Cour de Vienne  à Ratisbonne a paru d’autant moins convenable que son ambassadeur à Paris avait demandé lui-même que l’Empereur ne fit point répondre à la Note russe et laissât les choses s’arranger par le canal de Bade; et qu’enfin quinze jours avant l’arrivée de cette note intempestive et mal calculée du Cabinet russe, l’Empereur d’Allemagne avait fait connaître dans une lettre qu’il écrivit à M. de Cobenzl et qui fut communiqué par celui-ci dans une audience particulière à Saint-Cloud qu’il appréciait bien ce que les circonstances avaient rendu nécessaire, et qu’il complimentait le chef de l’État sur l’heureuse issue des évènements qui venaient de se passer, et lui témoignait le plaisir qu’il ressentait de le voir triompher des complots de ses ennemis.

En général vous n’écrivez pas assez aux Ministres qui ignorent le langage qu’ils doivent tenir sur chaque évènement.

Je pense que vous aurez donné des instructions à mon Ministre en Amérique sur la conduite qu’il a à tenir envers la soi-disante (sic) Madame Jérôme Bonaparte. Il ne doit point la voir ni se rencontrer avec elle et dire publiquement que je ne reconnais pas un mariage qu’un jeune homme de 19 ans contracte contre les lois de son pays.

Faites remettre à l’ambassadeur Turc la tabatière et la somme que je vous ai fait connaître vouloir lui donner. J’ai nommé Franchini premier interprète à Constantinople et M. Ruffin conseiller d’ambassade.

Quant à la Note russe je pense que vous devez y répondre à peu près dans ces termes : « J’ai reçu, Monsieur, votre note du… J’ai vu avec douleur que des propositions qui sous beaucoup de points de vue sont susceptibles d’être admises soient accompagnées d’injures et de menaces. Toutefois je vais m’employer de mettre votre note sous les yeux de S. M. l’Empereur, et je m’emploierai de vous transmettre les ordres qu’il m’aura donnés »

Sur ce, je prie Dieu qu’il vous ait en sa saint garde.

  1. Monsieur Durand, en remettant votre réponse cachetée à M. d’Oubril aura soin de lui dire qu’il n’a lu ni la Note ni Votre réponse, mais qu’il parait que la Note de M. d’Oubril a été rédigée avec une espèce de grossièreté et qu’il est chargé de lui en faire un reproche personnel. M. d’Oubril ne manquera pas de dire qu’elle lui est venue toute faite de Petersbourg. M. Durand peut pénétrer par là quelle est la face du Tsar. Il pourra ajouter qu’il y a lieu de craindre, s’il y a effectivement des menaces dans sa note, qu’elle n’irrite beaucoup l’Empereur; et en rester là.

Lettres à Talleyrand

 

Pont-de-Briques, 21 juillet 1804

A l’Impératrice Joséphine

Madame et chère femme, depuis quatre jours que je suis loin de vous, j’ai toujours été à cheval et en mouvement sans que cela prît nullement sur ma santé.

  1. Maret m’a instruit du projet où vous étiez de partir lundi : en voyageant à petites journées, vous aurez le temps d’arriver aux eaux sans vous fatiguer.

Le vent ayant beaucoup fraîchi cette nuit, une de nos cancanières qui étaient en rade a chassé et s’est engagée sur des roches à une lieue de Boulogne; j’ai tout cru perdu, corps et biens mais nous sommes parvenus à tout sauver. Ce spectacle était grand des coups de canon d’alarme, le rivage couvert de feu, la mer en fureur et mugissante, toute la nuit dans l’anxiété de sauver ou de voir périr ces malheureux ! L’âme était entre l’éternité, l’Océan et la nuit. A cinq heures du matin tout s’est éclairci, tout a été sauvé, et je me suis couché avec la sensation d’un rêve romanesque et épique; situation qui eut pu me faire penser que j’étais tout seul, si la fatigue et le corps trempé m’avaient laissé d’autre besoin que de dormir.

 

Pont-de-Briques, 21 juillet 1804

A M. Cambacérès

Mon cousin, j’ai reçu votre lettre du 30 messidor. J’ai lieu d’être extrêmement satisfait de l’esprit et de l’aspect des départements que j’ai traversés. Je le suis tout autant de la situation et de l’esprit de l’armée de terre et de mer. J’ai visité le port, et j’ai passé la dernière nuit sur la côte pour donner secours à une canonnière qui avait déradé. Le vent de nord-est a été violent. Heureusement que nous n’avons pas eu d’avarie considérable. Deux petites péniches seulement se sont perdues.

Je vois, dans le rapport de police, qu’au pont des Arts un militaire ayant la décoration est chargé d’exiger le payement du droit de passe. J’ai peine à le croire. Faites vérifier si ce fait est vrai.

 

Pont-de-Briques, 21 juillet 1804

A M. Fouché

Je désire que tous les rapports qui seraient faits sur les individus ayant la décoration soient approfondis avec la plus grande suite, car je ne serais pas étonné que quelques mauvais sujets usurpassent cette décoration pour commettre quelque action condamnable et se faire voir dans des lieux indus.

J’ai été fort satisfait de l’esprit des départements que j’ai parcourus ainsi que de celui des armées de terre et de mer.

Il est convenable que vous remettiez une instruction aux conseiller d’État attachés à votre département, pour remplir un des buts que je me suis proposés dans leur institution, qui est la connaissance des opinions et des intérêts des propriétaires des différents départements. Ce travail sera à moitié fait quand l’instruction et les tableaux à remplir par le résultat des recherches des conseillers d’État seront aussi bien que possible.

 

Pont-de-Briques, 24 juillet 1804

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je vous autorise à faire le renvoi au Conseil d’État de toutes les affaires du travail des ministres que vous en croirez susceptibles.

J’ai fait écrire au grand chancelier de la Légion d’honneur de se rendre à Boulogne. Il est nécessaire que François Rat, invalide, ne fasse point de fonctions au bureau de passe du pont des Arts. Il n’y a pas d’inconvénient que le chancelier de la Légion d’honneur lui accorde la gratification qu’il croira nécessaire. Je désire que vous disiez à MM. Cretet et Français (de Nantes) que je les rends responsables de tout emploi inférieur qui sera donné dans leurs parties à des soldats ayant des distinctions dans la Légion d’honneur.

 

Pont-de-Briques, 24 juillet 1804

A M. Regnier

Il y a un grand nombre d’individus condamnés, surtout de militaires, qui ont demandé des grâces et n’ont pas passé au dernier conseil privé. Je désire en avoir la liste, mon intention étant qu’ils ne puissent souffrir de mon absence. Du moment que j’en aurai la liste, je pourvoirai à la manière dont le conseil privé devra se tenir.

 

Pont-de-Briques, 24 juillet 1804

A M. Barbé-Marbois

Monsieur Barbé-Marbois, Ministre du trésor public, j’ai reçu votre lettre du 3 thermidor. La seule cause que je voie des bruits de Bourse dont il y est question, c’est cette demande de soixante millions de dépenses secrètes qu’a faite M. Pitt. Peut-être a-t-il en vue par là de faire voir aux puissances qu’il a en main de quoi les payer; avantage qui ne peut compenser l’inconvénient qu’en ressent son budget : car il n’est personne qui ne croie que, si le roi d’Angleterre promet de payer soixante millions, c’est qu’il est dans le cas de les payer, sinon en argent, du moins en marchandises, comme il a fait des subsides de l’Autriche dans la dernière guerre. D’un autre côté, en réfléchissant sur cette démarche, je suis plutôt porté à penser que cet argent est destiné à subvenir aux dépenses des volontaires. Ne voulant pas mettre une règle générale dans ces dépenses, on a affecté cette demande de fonds extraordinaires aux dépenses secrètes, pour venir au secours des besoins et calmer les mécontentements qui s’élèveraient.

Je serai probablement encore pendant longtemps à Boulogne; je vous y verrai avec plaisir. Je désire que vous apportiez avec vous la note de ce que vous aurez arrêté avec la Banque et les agents de la Bourse pour le monument de la Madeleine, que j’ai toujours fort à cœur de voir terminer.

 

Pont-de-Briques, 24 juillet 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police, il est convenable de chasser de Paris le fils de Bertrand-Molleville, et, en général, de purger Paris de tous les parents des individus qui sont à Londres à la solde de l’Angleterre. Après les nouveaux renseignements donnés sur Rochelle, il paraîtrait utile de faire surveiller sa mère et son frère, qui sont à Paris et qui passent pour de fort mauvais sujets; et, si les observations vérifient ces premières données, on pourrait les mettre en surveillance dans quelque petit bourg, à quarante lieues de Paris. On doit chasser de Paris tous les individus qui ont recélé les brigands et qui sont aujourd’hui en liberté. On m’assure que, de plusieurs points des départements du Midi, des hommes très-mal famés dans le sens terroriste se rendent à Paris. On doit veiller à ce qu’ils ne s’y rassemblent pas et les renvoyer chez eux, afin d’éviter d’être obligé de les frapper.

 

Pont-de-Briques, 25 juillet 1804

A l’amiral Bruix

Monsieur l’amiral Bruix,  Inspecteur des côtes de l’Océan, les cinq divisions de péniches que j’ai vues ce matin me paraissent en général assez bien installées. Je désire que, le plus possible, vous fassiez placer des obusiers prussiens, et de 6 pouces, au lieu de caronades de 12, qui sont bonnes à peu de chose.

La terre peut vous fournir une cinquantaine d’obusiers prussiens et une cinquantaine d’obusiers de 6 pouces; reste à savoir si les affûts sont prêts. Dans le cas qu’ils ne le soient point donnez l’ordre de les confectionner dans le plus court délai.

Je désire également que vous fassiez essayer s’il serait possible de placer des hamacs dans les péniches, pour que les soldats y soient avec commodité, et que vous vous assuriez s’il n’y aurait pas quelque chose à faire pour que les prélarts et tentes soient plus couverts.

Demain, à l’heure où les bâtiments flotteront, je passerai la revue de toutes les chaloupes canonnières et bateaux canonniers. Je désire que toutes les divisions soient réunies ensemble, et que tout le monde s’y trouve, et que l’inspecteur général aux revues s’y trouve avec la feuille pour les appels.

 

Pont-de-Briques , 21 juillet 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, mon intention serait de faire camper les dix bataillons des grenadiers de la réserve que commande le général Junot, à portée du bassin circulaire de Boulogne, destinant cette division à tenir garnison sur les péniches. Je désire que vous fassiez reconnaître remplacement où elle pourrait camper, et s’il y a à Boulogne les tentes et autres objets nécessaires au campement. Je désirerais également savoir ce qu’il faudrait faire, et ce qu’il en coûterait, pour achever le camp que devait occuper la division Dupont, de manière à y faire camper trois régiments.

La marine aurait encore besoin ici d’une cinquantaine d’obusiers prussiens. Faites-moi connaître le lieu où l’on pourrait se les procurer.

 

Pont-de-Briques, 21 juillet 1804

A M. Cambacérès

Mon Cousin, l’auditeur (au Conseil d’État) n’est pas arrivé avec le travail des ministres.

Le bombardement du Havre n’est rien.

Prenez des informations et mettez-moi au courant du résultat des pluies dans la Brie, la Beauce et dans la plaine de Soissons. Il serait bien malheureux qu’une aussi belle récolte vînt à nous manquer.

J’ai passé hier la revue de toute la flottille; j’en ai été satisfait.

Une partie de la flottille qui était en rade ce matin a échangé quelques boulets avec les Anglais, qui ont bientôt repris le large.

 

Pont-de Briques, 21 juillet 1804

A M. Cambacérès

Mon Cousin, mon intention est de nommer M. Champagny, mon ambassadeur à Vienne, au ministère de l’intérieur. Je le lui ai fait connaître, et je viens de recevoir sa réponse. J’attends pour prendre l’arrêté que vous en ayez parlé à Chaptal et que vous me fassiez connaître ce qu’il désire. Ayant été instruit par vous, et sachant depuis longtemps que mon intention est d’appeler quelqu’un au ministère de l’intérieur, il me parait nécessaire de le faire le plus tôt possible. Je n’ai rien à ajouter aux intentions que je vous ai communiquées avant mon départ, toutes en faveur de Chaptal. Je suis toujours disposé à faire tout ce qu’il peut désirer.