Correspondance de Napoléon – Juillet 1803
Juillet 1803
Calais, ler juillet 1803
Au consul Cambacérès
J’ai reçu, Citoyen Consul, vos deux courriers. L’extrême fatigue et grande quantité de courses que j’ai faites m’ont empêché de vous expédier mon courrier.
D’Abbeville j’ai été déjeuner à Étaples; j’en ai parcouru la baie, et je me suis rendu à Boulogne, où je suis arrivé à dix heures du soir. J’ai employé la journée, depuis trois heures du matin, à visiter à cheval tout le port. J’ai fait sortir les canonnières, qui ont eu un engagement assez vif avec deux frégates anglaises, qui ont fini par s’en aller; une d’elles a laissé une ancre.
Aujourd’hui j’ai été déjeuner à Ambleteuse; de là j’ai fait à cheval la tournée des côtes. J’ai trouvé, dans un marais, un point important à mes projets, situé dans l’endroit du cap le plus près de l’Angleterre.
J’ai fait l’entrée à Calais à cheval; il est neuf heures; je vais dîner. J’ai vu tous les bâtiments du commerce et de l’État; je me suis embarqué pour aller au fort Rouge; il ne me reste plus qu’à partir demain pour Dunkerque, où je trouverai ma femme, les ministres de l’intérieur et des relations extérieures, et où je resterai trois jours, tant pour me remettre au courant que pour laisser reposer ceux qui m’accompagnent.
Dunkerque, 2 juillet 1803
ARRÊTÉ
ARTICLE 1er. – A l’avenir les officiers généraux ne pourront prendre des officiers d’artillerie pour leurs aides de camp, à moins que ceux-ci ne consentent à être rayés du tableau du corps. Les officiers d’artillerie aides de camp auront un mois pour opter.
ART. 2. – Les officiers généraux d’artillerie sont seuls exceptés de cette disposition; mais ceux de leurs aides de camp, officiers d’artillerie, seront remplacés dans leur corps; ils compteront seulement à la suite de l’artillerie et conserveront la faculté d’y reprendre le premier emploi vacant.
ART. 3. .- Le ministre de la guerre est chargé de l’exécution du présent arrêté, qui sera imprimé.
Dunkerque, 3 juillet 1803
Au consul Cambacérès
Je réponds, Citoyen Consul, à vos trois lettres du 11 (30 juin). Je vous remercie de remercie de l’envoi du Code, que vous m’avez fait.
De Boulogne j’ai été à Ambleteuse. De là j’ai visité à cheval toute la côte le long de la mer, depuis Boulogne jusqu’à Calais. J’ai été extrêmement content de l’esprit de la ville de Calais.
Je suis parti de Calais pour Gravelines, et samedi, à quatre heures après midi, je suis arrivé à Dunkerque. J’ai été ce matin en grande rade; ensuite j’ai reçu toutes les autorités. On ne peut rien ajouter à l’éloge du bon esprit de toutes ces villes de commerce. J’ai trouvé la marine de Dunkerque mal organisée et dirigée par des hommes plus que médiocres.
Dunkerque, 3 juillet 1803
Au consul Cambacérès
Je réponds, Citoyen Consul, à votre lettre du 12. Après avoir longtemps discuté avec la chambre de commerce de cette ville et le ministre de l’intérieur, il m’a paru qu’on ne devait apporter aucun adoucissement à l’arrêté du 1er messidor; et au contraire le ministre de l’intérieur a donné des ordres pour qu’il fût exécuté avec rigueur. Cette mesure a déjà fortement blessé l’Angleterre.
Dunkerque, 3 juillet 1803
Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice
J’ai reçu votre lettre, Citoyen Ministre. Je verrai avec plaisir l’extrait des papiers trouvés chez l’homme qui a été arrêté. Ce misérable est déjà connu depuis longtemps par sa mauvaise conduite. Je ne doute pas que vous ne portiez un oeil attentif sur les menées des Anglais dans les départements de l’Ouest, que vous n’y fassiez saisir leurs agents.
Faites appeler chez vous le général Junot; faites-vous remettre l’état des Anglais qui sont à Paris, et éloignez-en une centaine : il y en a beaucoup trop. J’ai trouvé des Anglais à Boulogne et à Calais. Ne souffrez pas qu’il en reste sur les côtes sous aucun prétexte.
On me rend compte qu’un Anglais a été arrêté sur les côtes comme prévenu d’espionnage. Faites-le juger comme tel selon la rigueur des lois.
Dunkerque, 3 juillet 1803
NOTE POUR LE CITOYEN TALLEYRAND
Le premier Consul désire que le Citoyen Talleyrand fasse faire un article pour le Moniteur, qui frappe fortement sur la Conduite des Anglais relativement aux pêcheurs.
Dunkerque, 3 juillet 1803
Au général Berthier, ministre de la guerre
Il y a plusieurs mois, Citoyen Ministre, qu’un arrêté a ordonné que les détachements que la 8e et la 46e demi-brigade ont outre-mer fussent remplacés. Cependant je viens de voir que la 46e n’a encore reçu aucun ordre; cette lenteur des bureaux est bien préjudiciable.
Les canonniers garde-côtes ne s’organisent point encore.
Les batteries de la direction du Havre, surtout depuis Saint-Valery jusqu’à Étaples, ne sont pas montées par défaut d’affûts. Il est inconcevable que, depuis le temps qu’ils sont annoncés de la Fère, ils ne soient pas encore arrivés. Donnez des ordres pour qu’ils arrivent.
J’ai été extrêmement mécontent du génie à Boulogne. La pointe du musoir, qui est la principale batterie, n’a pas été réparée, par étiquette entre le génie de terre et le génie maritime. Cependant, un arrêté ordonne au génie maritime de faire ces travaux. J’ai été également très-mécontent de ce que le gril à boulets rouges de cette pointe n’était pas en état de faire feu.
Les places de la côte n’ont pas encore été armées. Il serait cependant nécessaire de prendre cette précaution; et, si l’on ne fait pas un armement complet dans les places de Calais, Gravelines, Dunkerque, on peut y faire un demi-armement pour les mettre à l’abri d’un coup de main.
Ordonnez qu’on arme surtout les forts de Cherbourg, les places de Brest, Rochefort, l’île de Ré, d’Oléron, etc., sinon en totalité, du moins en partie.
Je n’approuve pas la mesure d’avoir fait partir le 3e régiment de hussards; mais enfin cela est fait. Faites punir les auteurs du trouble, soit civils , soit militaires.
Dunkerque, 3 juillet 1803
ARRÊTÉ
ARTICLE 1er. – Tous les mortiers de 12 pouces, à petite portée, qui se trouvent sur les batteries de la côte, aux environs de Boulogne, en seront retirés. Ils seront remplacés par des mortiers à grande portée.
ART. 2. – Les pièces de 24 de la batterie du Moulin Hubert en seront retirées. Elles seront placées sur la plate-forme qui existe au-dessus de ladite batterie.
ART. 3. – Il sera établi, à l’extrémité de la jetée du Pidou, deux pièces du calibre de 36, sur affûts de côtes.
ART. 4. – Il sera établi dix nouvelles batteries, composées chacune de deux pièces du calibre de 24 ou supérieur, sur la côte située entre Boulogne et Calais; leurs positions seront désignées par le premier inspecteur général d’artillerie.
Elles seront construites en terre et dans le plus court délai.
ART. 5. Les magasins et le corps de garde seront construits en planches.
ART. 6. Il sera construit une batterie à l’embouchure de la Somme, sur la pointe du Hourdel, port de Saint-Valery. Cette batterie sera de deux pièces de 24, et sera placée vis-à-vis de la réunion des deux passes, de manière à protéger tous les bâtiments qui rentreraient dans la rade.
ART. 7.- – Le ministre de la guerre est chargé de l’exécution du présent arrêté.
Dunkerque, 3 juillet 1803
ARRÊTÉ
ARTICLE 1er. – La lanterne et le four à réverbère situés à l’extrémité de la jetée de Boulogne seront rasés.
ART. 2. – Les réparations dont cette jetée a besoin seront terminées dans le plus court délai. On agrandira la tête du musoir, soit en pierres, soit en charpente, de manière à pouvoir y placer une batterie de dix pièces de canon de 36, savoir, trois de chaque côté de la jetée, et quatre au milieu; et deux mortiers à grande portée. Ces pièces seront placées sur des affûts de côtes.
ART. 3. – Il sera placé un gril à boulets rouges. La lanterne sera construite en bois, beaucoup plus élevée et assez éloignée pour ne pouvoir, en aucune manière, gêner la manœuvre de la batterie.
ART. 4. – Les ingénieurs des ponts et chaussées et de la marine seront spécialement chargés de ces travaux : ils les dirigeront de manière que pendant leur exécution il reste quatre pièces de canon en batterie prêtes à tirer.
ART. 5. – Les ministres de la guerre et de la marine sont chargés de l’exécution du présent arrêté.
Dunkerque, 3 juillet 1803
Au citoyen Portalis, conseiller d’État, chargé de toutes les affaires concernant les cultes
Citoyen Portalis, faites passer les gratifications que j’ai accordées aux soixante succursaux qui se sont le mieux conduits dans le département de la Vendée.
Écrivez une lettre de satisfaction à l’abbé Paillou, et faites payer une gratification de 4,000 francs.
Dunkerque, 5 juillet 1803
Au consul Cambacérès
J’ai reçu, Citoyen Consul, votre lettre du 14. Je ne croyais avoir été trois jours sans vous écrire.
Je ne vois pas d’inconvénient à faire ce que le Sénat peut désirer pour les listes. On pourrait même remettre les procès-verbaux, si cela est utile et peut aider les sénateurs dans leur travail.
J’ai passé les deux derniers jours à cheval ou sur mer. La journée d’aujourd’hui, que nous avons passée sans monter à cheval, nous a tous reposés. Nous sommes tous bien portants. J’ai lieu d’être très-satisfait de l’esprit qui anime les différentes classes de citoyens.
Un brick anglais pris par un petit corsaire vient d’entrer à Dunkerque.
Le citoyen Barbé-Marbois me mande qu’il est arrivé à Lille; je partirai demain matin pour m’y rendre.
Dunkerque, 5 juillet 1803
Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice
Je réponds, Citoyen Ministre, à votre lettre du 10 (30 juin). J’imagine que vous réunirez tous les griefs qui existent contre le chef de brigands arrêté à Bruxelles, afin de lui faire expier ses crimes, si les preuves sont assez évidentes.
Je ne vois pas d’inconvénient à faire arrêter l’Anglais Coxburn, à saisir tous ses papiers et à le faire transférer au château de Joux.
Je vous envoie une note qui pourrait servir à faire découvrir la correspondance des chouans.
Dunkerque, 5 juillet 1803
ARRÊTÉ
ARTICLE 1er. – Il sera abattu, sans délai, dans les forêts de Boulogne, Desvres et Hardelot, deux mille pieds d’arbres qui seront mis à la disposition du ministre de la marine.
ART. 2. – Le martelage de ces arbres sera terminé avant le ler thermidor.
ART. 3. – L’ingénieur des travaux maritimes du port de Boulogne désignera les arbres convenables aux travaux auxquels ils sont destinés.
ART. 4. – Le ministre des finances et celui de la marine sont chargés de 1’exécution du présent armé.
Dunkerque, 5 juillet 1803
Au général Berthier, ministre de la guerre
Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner des ordres pour qu’il ne soit plus rien dirigé sur les dépôts coloniaux, et de convoquer la section du Conseil d’État pour connaître notre législation actuelle sur la désertion et proposer un arrêté. L’opinion générale est que le meilleur moyen est de faire juger les déserteurs par les conseils des corps, et de les condamner à des peines graves, surtout lorsqu’ils désertent, en emportant leurs armes ou leurs habits, sans quoi il sera impossible d’établir de comptabilité pour les corps et d’organiser notre armée.
Il serait nécessaire que ce qui existe actuellement aux dépôts coloniaux de Bordeaux et de l’île de Ré, qui va à l’île d’Yeu, ne traversât pas la Vendée, mais s’embarquât à Rochefort on à l’île de Ré pour cette place, puisqu’un grand nombre déserte en route et infeste les départements de l’Ouest, ce qui peut avoir de graves inconvénients.
Écrivez au général Menou d’établir en Piémont une maison de correction, pour enfermer et y faire travailler tous les gens sans aveu. Il est temps d’arrêter ce mouvement de mauvais sujets de l’Est sur l’Ouest, et de préserver un pays dont la tranquillité a le plus besoin d’être protégée.
Lille, 7 juillet 1805
Au consul Cambacérès
J’ai reçu, Citoyen Consul, votre lettre du 16. Le ministre de l’intérieur m’a présenté l’affaire de Blachier; je crois qu’il est destitué.
Il me semble que le choix de Lucien est extraordinaire dans objet de cette nature, où l’on avait besoin d’un homme qui s’occupe de tous les détails et de l’évaluation de ces biens.
Je suis parti de Dunkerque hier, et j’y suis arrivé à Lille à six heures du soir. J’ai traversé, de Dunkerque ici, un pays aussi beau que la Lombardie, et j’ai continué à être extrêmement satisfait de l’esprit public, du zèle que montrent les habitants et des superbes moissons qui couvrent la terre.
Je resterai ici vendredi et samedi.
Lille, 7 juillet 1803
Au consul Cambacérès
Je vous envoie, Citoyen Consul, l’état des Anglais qui sont à Paris. Il y en a beaucoup trop; renvoyez-les à Fontainebleau ou dans toute autre petite ville à portée, en en laissant tout au plus une quarantaine à Paris.
Je crois que lord Elgin ne peut rester à Paris sans inconvénient; faites-le éloigner de plusieurs lieues.
La présence d’un si grand nombre d’Anglais à Paris ne peut qu’y faire et y fait réellement le plus grand mal.
Lille, 7 juillet l803
Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice
Par l’interrogatoire de cet Hanovrien, Citoyen Ministre, il est évident que ce n’est qu’un misérable escroc.
Il faut faire dépouiller avec le plus grand soin les papiers de Lesbros.
La dame Lainé Barbesan paraît être une intrigante. Faites-la arrêter, si vous le croyez utile, car c’est un crime de chercher à inquiéter le Gouvernement sans cause. Faites saisir ses papiers, faites-la interroger, et sachez ce qui la porte à agir ainsi, et quelle vous nomme le chouan qui était son confident.
Faites interroger Marchais et sa femme.
Il n’y aurait point d’inconvénient à faire arrêter Bernet, à saisir ses papiers et à le faire interroger dans le plus grand détail.
Lille, 7 juillet 1803
Au citoyen Régnier
Comme il paraît qu’il existe un système de corrompre l’opinion par la presse, et que je dois rendre le grand juge et les préfets responsables de tout ce qui se répandrait dans le public avant qu’il lui en soit rendu compte, je pense qu’il est convenable que le préfet de police écrive une circulaire à chaque libraire pour leur défendre de mettre en vente aucun ouvrage que sept jours après vous en avoir remis un exemplaire, afin que, dès qu’il y a un mauvais ouvrage, tel que le livre du citoyen de Sales, la Correspondance de Louis XVI et le poème de la Pitié, on puisse l’arrêter.
Lille, 7 juillet 1803
Au général Berthier, ministre de la guerre
Je vous renvoie, Citoyen Ministre, la lettre du colonel directeur d’artillerie à Toulon. Les objets d’artillerie de Grenoble sont arrivés deux mois après qu’ils étaient nécessaires, et aujourd’hui, pour les faire passer à l’île d’Elbe, on les exposera à être pris. Tant que l’artillerie fera venir de loin ce qu’elle peut se procurer près, ce sera toujours la même chose.
La note que vous m’avez envoyée pour justifier le retard du déplacement des détachements des 8e et 46e demi-brigades ne m’a pas satisfait. Il n’y avait pas d’inconvénient qu’il y eût quelques conscrits de plus ou de moins; mais, dans les vingt-quatre heures de l’arrêté que j’ai pris il y a cinq mois, les officiers des nouvelles compagnies devaient être nommés, afin que les cadres se trouvassent sur-le-champ formés.
Je n’ai pu être satisfait non plus de la réponse pour justifier l’artillerie de ce que plusieurs batteries étaient démontées par défaut d’affûts. Le directeur du Havre devait en envoyer, et il ne manque pas d’affûts marins au Havre; le ministre de la guerre devait en faire passer en poste, si cela était nécessaire; car il est bien étrange que quatre mois après le message du roi d’Angleterre, j’aie trouve des côtes sans défense et sans aucune protection pour le commerce. Cela ne peut pas s’appeler administrer l’artillerie et subvenir aux besoins de l’État.
J’ai, en général, été beaucoup plus satisfait de l’artillerie de la direction de Saint-Omer.
Vous dites q’il y avait à la Fère des affûts prêts au 10 prairial : comment n’étaient-ils pas arrivés à l’embouchure de la Somme le 10 messidor ? Je ne puis trop le répéter, il y a la plus coupable lenteur. Des envois d’artillerie ne sont point comme des envois de ballots, et ce n’est pas quatre mois après qu’il a été ordonné d’armer, qu’il est pardonnable que des batteries importantes à l’embouchure de la Somme soient désarmées.
Relativement à la tête du musoir de la jetée de Boulogne, ce n’est point le génie maritime qui a tort, c’est le génie de terre et le ministre de la guerre : le ministre de la guerre, parce qu’il n’a pas la main à l’exécution de l’arrêté de l’an IX; le génie de Boulogne, parce que, lorsque le génie maritime lui a montré l’arrêté, il lui a refusé l’entrée des batteries, ce qui l’a empêché d’y travailler.
Vous me répondez, au mécontentement que j’ai marqué de ce qu’aucunes précautions n’ont été prises pour armer les places de la côte, que les batteries des forts du côté de la mer ont été armées. Ces deux choses ne se correspondent pas. On a bien armé les batteries des côtes, mais aucune précaution n’a été prise pour armer les places. Aussi n’y a-t-il aucune pièce en batterie à Calais, Grave, Dunkerque, etc. Un armement complet serait inutile, mais une pièce de canon par bastion suffit pour les places de la côte qui regardent la mer. Quant à Cherbourg, Brest, Toulon, les îles de Ré, d’Oléron, de Belle-Île, ces places doivent être entièrement armées.
Faites connaître au colonel du 3e de hussards mon mécontentement de ce que j’apprends; que j’espère qu’il prendra des mesures pour faire arrêter les coupables et pour qu’il ne reste aucune espèce de préjugés contre le régiment.
Lille, 7 juillet 1803
Au général Berthier
Mon intention, Citoyen Ministre, est de former une légion composée de deux escadrons de chasseurs et de trois bataillons d’infanterie. Chaque bataillon sera composé de cinq compagnies, et chaque compagnie de cent hommes. Je désirerais en donner le commandement, avec le titre de colonel, à M. d’Autichamp. Ce corps serait tout composé d’officiers et de soldats qui auraient fait la guerre de l’Ouest. Je désire que vous accordiez, à cet effet, un rendez-vous à M. d’Autichamp, qui est à Paris.
Mon intention serait que cette légion se formât à Turin; on pourrait placer un dépôt soit à Moulins, soit à Poitiers, où l’on habillerait les soldats, et d’où on les ferait partir, par détachements de cinquante, pour Turin. Cette légion doit être composée, officiers et soldats, des hommes qui ont fait la guerre de la Vendée contre nous.
Le bataillon expéditionnaire piémontais, qui se réunit à Montpellier, n’est encore qu’à 400 hommes; je ne vois pas ce qui s’oppose à l’organisation de ce bataillon. Chargez le général de brigade Louis Bonaparte d’en passer l’inspection, de le faire manœuvrer, et de vous faire connaître pourquoi il n’est pas à 1,000 hommes.
Lille, 8 juin 1803
Au consul Cambacérès
J’ai reçu, Citoyen Consul, votre lettre du 17, avec celle du citoyen Montalivet. Je n’avais encore reçu aucun détail sur la prise de la frégate.
J’ai été hier à une assez belle fête. J’ai fait manœuvrer d’assez belles troupes, au milieu d’une immense population animée des meilleurs sentiments.
Maret a dû vous envoyer hier deux projets d’arrêtés pour le chanvre, et les mâtures, qui deviennent de la plus grande urgence. Il vous envoie aujourd’hui un projet d’arrêté pour transférer le chef-lieu du département de Douai à Lille. Il est ridicule de voir une ville, le centre de tout le commerce, privée de la présence du premier admistrateur qui doit diriger et surveiller le commerce.
Il est convenable que le receveur général soit à Lille, puisque c’est là qu’est tout l’argent.
Il n’est pas moins ridicule que la sous-préfecture soit à Bergues, au lieu d’être à Dunkerque. Il faut être sur les lieux pour concevoir de telles absurdités. Une ville de 25,000 âmes, qui compte parmi les principales places de commerce, n’avoir pas de chef-lieu d’administration et être obligée d’aller à trois lieues, dans une bicoque, pour tous les objets d’administration!
Un corsaire de Boulogne vient de rentrer dans le port de cette ville. Il a fait sept prises.
Lille, 8 juillet 1803
Au général Berthier, ministre de la guerre
Je lis, Citoyen Ministre, dans le rapport de l’île d’Yeu que les pièces d’artillerie qui y sont arrivées sont sans chèvres ni crics, instruments nécessaires pour leur réarmement. Comment l’artillerie fait-elle aussi mal son métier ? Le directeur sait bien qu’on on ne pas remuer une pièce de 36 sans chèvre. Il y a donc dans ce service bien du décousu et bien peu de prévoyance.
Je désire qu’après avoir procédé à l’armement de l’île d’Yeu on travaille sur-le-champ aux ouvrages permanents.
Envoyez dans cette Île tout ce dont elle peut avoir besoin.
Lille, 8 juillet 1803
Au général Berthier
Je désire que vous mettiez les îles de Ré, d’Oléron, d’Yeu et d’Aix sous le commandement d’un général de division, qui formera une sous-division et sera sous les ordres du général commandant la 12e division militaire.
Ce général inspectera ces îles, veillera à ce qu’elles soient en état, surveillera les gardes nationaux, les canonniers garde-côtes et les troupes qui sont en garnison, surtout de l’île d’Aix, qui est la plus importante des quatre, et correspondra souvent avec vous.
Nommez à ce commandement le général Chabran (Joseph Chabran, 1763-1843.), et donnez-lui l’ordre de s’y rendre sur-le-champ.
Lille, 8 juillet 1803
Au général Dejean, ministre directeur de l’administration de la guerre
Aucun des corps, Citoyen Ministre, que j’ai visités jusqu’à cette heure, n’a rien reçu de l’habillement de l’an XI.
Les 19e et 25e demi-brigades devraient cependant l’avoir reçu en germinal. Voilà quatre mois d’écoulés depuis, et elles n’ont rien reçu. La 55e n’a rien reçu de l’an X et de l’an XI. Nos troupes sont loin d’être bien habillées; cependant les chefs cherchent le plus possible à les bien tenir et à me montrer ce qu’ils ont de mieux. Je vous prie de me faire un rapport sur cet objet et de me faire connaître sur quoi nous pouvons compter.
Envoyez-moi l’état de tout ce que les corps ont reçu , au 15 messidor, de l’habillement de l’an XI, et de ce que vous comptez pouvoir être fourni au ler vendémiaire.
Lille, 8 juillet 1803
NOTE POUR LE MINISTRE DE LA MARINE
Le ministre écrira:
1° L’injustice et la mauvaise foi des Anglais, et le caractère extraordinaire qu’ils veulent donner à la guerre, et que les habitants des côtes ne doivent voir là qu’une raison de se servir de tous leurs moyens pour mettre un terme à tant d’outrages;
2° Qu’il y a embargo;
Qu’aucun bateau portant plus de cinq tonneaux ne pourra sortir; qu’aucun homme, excepté les vieillards âgés de plus de soixante ans, les enfants âgés de moins de quinze ans et les impotents, ne pourra s’embarquer sur ces bateaux;
3° Que tous les matelots qui étaient employés à la pêche seront sur-le-champ envoyés au service de l’État;
4° L’intention du Premier Consul n’est point qu’on use de représailles; que le peuple français ne confond pas la cause du peuple et du malheureux, qui n’est point auteur des mesures oppressives illibérales du Gouvernement britannique.
Lille, 9 juillet 1803
Au consul Cambacérès
Le ministre de l’intérieur, Citoyen Consul, a dû vous écrire relativement à la fête du 14 juillet : je ne vois pas de raison pour pas faire comme à l’ordinaire.
J’ai lu avec intérêt les détails que vous m’avez envoyés sur la prise de la frégate la Minerve.
J’ai été hier au soir à une fête que m’a donnée le commerce. Je pars dans une demi-heure pour Ostende.
Lille, 9 juillet 1803
Au citoyen Fleurieu
Citoyen Fleurieu, Conseiller d’État, chargé par intérim du portefeuille de la marine, je vous prie de donner ordre que tous les prisonniers anglais qui sont à Saint-Malo, Cherbourg, Boulogne et autres points de la côte, soient renvoyés dans l’intérieur, dans les dépôts que le ministre de la guerre désignera. Mon intention est qu’il n’en reste aucun sur la côte.
La Minerve avait quatorze caronades de 32. Il est impossible après cela à une de nos frégates de se trouver en égale force. Il y a trois ans que j’ai ordonné de faire fondre trois cents caronades du modèle anglais. Faites-moi connaître où cela en est, et faites mettre sur tous les vaisseaux de guerre et frégates. Je ne conçois pas le genre d’obstacles que peut éprouver un objet aussi important et aussi facile à exécuter.
Dans les distributions de fonds qui ont été faites, ayez soin avant tout d’envoyer de l’argent pour les constructions de la flottille.