Correspondance de Napoléon – Janvier 1814

Janvier 1814

 

Paris, 1er janvier 1814.

ORDRES A DONNER PAR LE MAJOR GÉNÉRAL.

Le major général donnera Tordre au maréchal Mortier, qui arrive en ce moment à Reims, de se rendre à Chaumont et à Langres par Chalons. Sa Majesté désire que ses premiers coureurs y arrivent le 10, avec un officier intelligent qui en aura le commandement, et que tout son corps y soit arrivé le 12 ou le 13. On lui ordonnera d’envoyer sur-le-champ un commissaire des guerres pour préparer des vivres, attendu qu’un grand rassemblement de troupes doit avoir lieu à Langres.

Le major général donnera l’ordre à la division de la jeune Garde, complétée à 6,000 hommes, qui, de Metz, a été dirigée sur Nancy, de continuer sa route et de se rendre à Épinal avec son artillerie. H est nécessaire que la division de vieille Garde qui est à Luxem­bourg et que l’autre division de la jeune Garde (2e de voltigeurs) soient prêtes à partir également pour Épinal, Mirecourt et environs, aussitôt que chacune de ces divisions sera complétée. Elles devront avoir chacune leur batterie. Ces divisions seront sous les ordres du général Curial.

Le major général donnera l’ordre au duc de Raguse de se rendre à Colmar; il aura sous son commandement : 1° la division du 2e corps d’armée forte de douze 1ee bataillons, avec toute l’artillerie qui y est attachée; on complétera les bataillons à 800 hommes par tous les conscrits qui arrivent; 2° les deux divisions qui forment actuellement le 6e corps et l’artillerie qui y est attachée ; 3° enfin le 5e corps de cavalerie, le 1e corps de cavalerie et toute l’artillerie attachée à ces corps.

On lui fera connaître qu’un autre corps se remit à Épinal et un autre à Langres.

Le duc de Bellune restera à Strasbourg; il formera, au fur et à mesure que les 2e et 4e bataillons arriveront, les 2e et 3e divisions de son corps et l’artillerie qui doit être attachée à ces deux divisions.

Tout ce qui est destiné pour renforcer le 6e corps changera de route : au lieu de se diriger sur Mayence, on donnera l’ordre à tous ces renforts de se diriger sur Phalsbourg, où le duc de Raguse leur enverra des ordres, suivant les circonstances, pour le rejoindre.

Faire l’état de tout ce qu’il y a en route pour le 6e corps; pour le 1er corps de cavalerie; pour le 5e corps de cavalerie, et diriger tout cela sur Phalsbourg, excepté ce qu’il y a déjà sur Mayence, qui viendrait droit sur Colmar.

Il faut également donner l’ordre au général commandant l’artil­lerie de l’armée et au commandant des équipages militaires de diriger sur Phalsbourg tout ce qui est destiné pour les 2e et 6e corps d’armée et pour te 1er et le 5e corps de cavalerie.

Le major général fera connaître au ministre de la guerre qu’il faudrait que la brigade dite de Genève soit complétée avec tous les conscrits des 300,000 hommes qui n’ont pas encore passé les Alpes; il faut en conséquence en faire l’état et choisir une position entre Genève et Lyon peur y former cette brigade.

Ainsi donc on aura quatre corps d’armée : le duc de Raguse à Colmar; le centre à Épinal, on pourrait y mettre le prince de la Moskova; le duc de Trévise à Langres, et le duc de Castiglione à la tête de la division qui couvrirait Lyon.

Le major général s’entendra avec le comité de défense pour par­tager la frontière entre ces quatre commandants, en ne morcelant pas les départements

Voir où l’on placera le grand quartier général.

Il y aurait à chacune de ces quatre armées une organisation d’insurrection composée d’un général et de plusieurs officiers supé­rieurs : ce seraient des officiers du pays estimés dans le pays.

Le général Berkheim est nommé général de l’insurrection de l’Alsace.

En proposer pour les Vosges, la Champagne, la Franche-Comté, le Jura, le Lyonnais., la Savoie, le Dauphiné.

Les généraux de l’insurrection se tiendront près des généraux commandant les corps; ils donneront des ordres pour l’organisation par tiers de la population des villages; ils en formeront des compa­gnies, nommeront les officiers, le chef de bataillon, donneront des ordres pour sonner le tocsin, et formeront des corps de partisan dont ils nommeront les chefs et auxquels ils nommeront les chefs et auxquels ils donneront des patentes de partisans.

Il y aura quatre corps de gardes nationaux : le major général verra le ministre de la guerre ; Sa Majesté a déjà ordonné une levée de 30,000 hommes qui doivent se réunir à Meaux et à Nogent. Le ministre de l’intérieur propose d’en former une autre de 30,000 hommes pour Épinal, une de 10,000 hommes pour Colmar, enfin une de 20,000 hommes pour couvrir Lyon et le Dauphiné.

Voir les ministres pour proposer un projet d’ordre et d’instructions pour les insurrections.

On discutera s’il convient que les départements habillent les gardes nationaux.

La grande affaire sera les fusils. Il faudra avoir soin de donner des moules de balles pour des fusils de chasse, ou même faire fondre une grande quantité de petites balles pour les insurgés.

Le major général remettra un tableau où la tête de ces quatre armées soit formée.

L’Empereur a ordonné la formation d’une réserve à Paris formée de dix-huit bataillons, dont six sont déjà à Paris; on en donnera le commandement au général Gérard : cette réserve sera sous les ordres du duc de Trévise; elle servira à couvrir la grande route de Langres.

 

Paris,

ORDRE.

La vieille Garde se réunie à Langres et elle sera du 10 au 20. C’est également sur Chaumont et Langres que je réunis la division de réserve et les deux divisions de la Garde qui se réunissent à Paris, ce qui formera bientôt une armée de 46000 hommes. C’est aussi à Épinal que je veux réunir les deux divisions de la jeune Garde qui sont à Luxembourg et les deux divisions de voltigeurs qui sont à Metz. C’est à Colmar que je veux réunir le 3e et le e° corps d’armée, ainsi que les 1er et 5e corps de cavalerie.

J’aurai donc une armée dont la gauche serait à Colmar, et qui serait dès aujourd’hui d’une vingtaine de mille hommes d’infanterie et de 6,000 hommes de cavalerie; le duc de Raguse la comman­derait. Le général Berkheim commanderait l’insurrection; on y joindrait les bataillons de gardes nationales qu’on lèverait et tous les insurgés. Il faudrait me faire connaître quand cette armée pourrait être réunie à Colmar.

Le duc de Bellune resterait à Colmar pour former les 2e et 3e divi­sions de son corps, et veillerait à la défense des places. La 1e divi­sion serait détachée avec le duc de Raguse. Le général Grouchy commanderait la cavalerie. Le général Curial commanderait le corps d’Épinal. On me ferait connaître l’officier qui commanderait la 2e division.

Si les trois divisions de la jeune Garde étaient complètes, elles devraient faire plus de 25,000 hommes. Le duc de Trévise com­manderait à Langres ; il aurait la vieille Garde et deux divisions de la jeune Garde, une division de réserve de celles qui se forment à Paris et que commanderait le général Gérard et la cavalerie de la vieille Garde. Il aurait également la division Barrois et la division Boyer, qu’on fera revenir de Lille et de Bruxelles aussitôt que faire se pourra.

Le 4e corps se formera en avant de Lyon, sur la route de Genève. Il se composera des dix-huit bataillons qui devaient former la réserve de Genève, et qui se réuniront à Lyon et à Grenoble. On les complé­tera par tous les conscrits qui devaient aller en Italie.

Gardes nationales. — J’ai déjà ordonné, par mon décret d’avant-hier, la formation de 30,000 hommes de gardes nationales, pour être réunis à Nogent et à Meaux. Ils formeront la réserve de l’armée qui est à Langres. Il faudrait également lever dans les 2e, 3e et 4e divisions militaires 20,000 hommes, qui serviraient de réserve au corps qui se réunit à Épinal On en lèverait également en Alsace pour servir de réserve à l’armée de Colmar.

La plus grande difficulté à tout cela, ce sont les subsistances. Il faudrait que le ministre directeur établit des magasins à Épinal, à Langres et sur toute la ligne.

Il faudrait faire faire beaucoup de moules pour des balles de fusil de chasse, afln que l’artillerie puisse couler beaucoup de balles de ce calibre.

Voir le ministre directeur de l’administration de la guerre pour établir des magasins à Épinal, à Langres et sur toute la ligne.

 

Paris, 2 janvier 1814.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, donnez ordre qu’il soit formé un nouveau bataillon au 2e léger, au 4e léger et au 15e léger; un 7e bataillon au 29e léger; un 3e au 135e; un au 155e, et qu’on com­plète les trois bataillons du 113e. Donnez ordre que tous ces batail­lons soient formés dans la journée de demain. On pourra, en consé­quence, réduire les 5ee bataillons à deux compagnies.

La 1e division de la réserve de Paris sera composée de la manière suivante :

1e brigade : deux bataillons du 29e léger, commandés par le colonel; un du 12e léger, un du 15eléger, commandés par un major; un du 2e léger, un du 4e léger, commandés par un major.

2e brigade : un bataillon du 32e de ligne, un bataillon du 58e commandés par un major; un bataillon du 135e, un bataillon du 155e, commandés par un major; trois bataillons du 113e, commandés par le colonel.

Total de la division, treize bataillons.

Jeudi, 6, je passerai la revue de cette division.

Elle sera commandée par un général de division et par deux géné­raux de brigade. Il y sera attaché deux batteries d’artillerie.

Il est inutile que le 113e, qui est à Orléans, vienne à Paris; il rejoindra la division en droite ligne à Troyes.

Aussitôt que j’aurai passé cette division en revue, elle se réunira à Nogent.

La 2e division se réunira à Troyes. Elle sera composée du 2e bataillon du 5e léger; du 4e bataillon du 23e léger, qui restera à Auxonne; du 2e bataillon du 138e qui est à Laval; du 2e bataillon du 142e, qui est au Mans; du 2e bataillon du 144e, qui est à Chalons et se réunira à Auxonne; du 4e bataillon du 15e de ligne; du 2e et du 4e bataillon du 70e de ligne; du 4e bataillon du 86e; du 1er batail­lon du 47e; d’un bataillon du 26e de ligne; d’un bataillon du 82e; d’un bataillon du 66e; d’un bataillon du 121e; du 3e bataillon du 122e; des 3e et 4e bataillons du 1e de la marine et d’un bataillon du 3e de la marine.

Total, dix-huit bataillons ; ce qui, avec les treize de la 1N division, fera trente et un bataillons.

Il faut donner l’ordre à ces bataillons qu’au fur et à mesure qu’ils seront formés ils se dirigent sur Troyes.

Vous remarquerez que ces bataillons ont tous leur régiment à la Grande Armée. Chaque bataillon rejoindra son régiment à la Grande Armée, quand la réserve sera dissoute et que l’ennemi aura été chassé du territoire. L’organisation de l’armée de réserve n’est donc qu’une manière de faire passer ces bataillons à leur destination, puisque presque tous passent aux environs de Paris et de Troyes pour se rendre à l’armée.

Du 29 décembre au 4 janvier, il arrive 4,900 hommes à frayes, Orléans, Soissons, Beauvais et Rouen, j’avais d’abord eu le projet de les arrêter et de les diriger sur Meaux; mais aujourd’hui je contremande eu partie cette disposition. Les 500 hommes du 132e, les 250 du 26e, les 250 du 82e total 1,000 hommes, qui sont arrivés à Troyes le 29 décembre, y resteront, et vous ferez partir d’Orléans le cadre du 4e bataillon du 113e qui se rendra à Troyes pour rece­voir ces 1,000 hommes, qui y seront incorporés. Les cadres du 132e, du 26e et de 8e retourneront à leurs dépôts.

Les 500 hommes du 141e, les 250 hommes du 26e et les 250 hommes du 82e, qui arriveront à Orléans le 4 janvier, seront incorporés dans le 1er et le 3e bataillon du 113e. Ces incorporations, avec ce qui existe déjà dans tes cadres, compléteront les trois batail­lons du 113e. Ces trois bataillons se réuniront à Troyes sous le commandement du colonel, et feront partie, comme il a été dit ci-dessus, de la 1e division.

Quant aux 1,000 hommes qui sont arrivés à Soissons le 31 dé­cembre, aux 500 qui arrivent à Beauvais le 4 janvier, aux 250 qui arrivent à Beauvais le 9, et aux 250 qui sont arrivés à Rouen le 29 décembre, ils continueront leur route pour leurs corps, savoir : ceux des 2e et 6e corps sur Phalsbourg, pour de là être dirigés sur Strasbourg et Colmar; ceux du 4e sur Mayence, et ceux du IIe sur Maëstricht.

 

Paris, 2 janvier 1814.

Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris.

Le préfet de Vesoul, après s’en être allé mal à propos, est revenu à Vesoul; il y était le 31 à six heures du soir. Donnez-lui ordre d’organiser la garde nationale et de tenir la ville à l’abri de tous les partis ennemis. Faites-lui connaître que de tous côtés les troupes sont en marche pour former à Langres une armée de 100,000 hommes ; que déjà 30,000 y seront du 10 au 12, lesquels pousseront sur-le-champ une avant-garde sur Vesoul. Qu’il nomme des officiers du pays pour faire des partisans, et qu’il organise la levée en masse.

 

Paris, 3 janvier 1814.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Duc Decrès, l’équipage de la flottille d’Anvers est nécessaire sur la flottille ; cela est incontestable. Dès lors, vous ne mettrez en armement, lorsque la saison arrivera, que les vaisseaux que vous pourrez armer. Mais aucune mesure ne sera nécessaire à cet égard d’ici au mois de mars, et alors vous pourrez prendre mes ordres. Jusqu’à cette époque toute disposition serait inutile.

Je désire que l’Oder et la Perle puissent profiter de l’hiver pour sortir de Dunkerque faire une croisière et rentrer dans quelques-uns de nos ports.

Si le Diadème peut se rendre cet hiver à Brest, cela sera avantageux.

Quant à Toulon, j’y ai vingt vaisseaux et dix frégates. Je désire maintenir mes vaisseaux en armement, et, s’il est nécessaire, je pré­férerais désarmer six frégates, parce que vingt vaisseaux et quatre frégates obligeront l’Angleterre à tenir dans la Méditerranée une armée navale considérable, tandis que six frégates de plus ou de moins ne feront rien, puisqu’il ne s’agit pas de sortir.

Je ne vois pas d’inconvénient à désarmer trois frégates à Brest.

Je ne change rien à l’escadre de Rochefort.

Ainsi j’aurai à Anvers trois ou quatre vaisseaux armés et le reste prêt à l’être, puisqu’en cas de paix continentale ou de changement heureux dans les affaires, les équipages de la flottille monteraient sur les vaisseaux; à Cherbourg, quatre; à Brest, cinq, et six dans le cas où le Diadème pourrait y arriver; à Rochefort, quatre en rade; à Toulon, vingt en rade; total, trente-sept.

Vous pouvez diminuer le nombre des bâtiments légers ou frégates, selon que vous le jugerez nécessaire.

 

Paris, 3 janvier 1814

Au maréchal Kellermann, duc de Valmy, commandant supérieur des 2e, 36e et 4e divisions militaires, à Metz.

Mon Cousin, la vieille Garde se rend à Langres, où elle sera arri­vée le 10. Je réunis là une armée de 80,000 hommes. Mon inten­tion est que les trois divisions de la Garde qui sont à Metz, savoir les deux divisions de voltigeurs et la division de vieille Garde, se réunissent à Épinal. Une division de jeune Garde doit déjà être complétée à 6,000 hommes; elle a dû partir de Sarrelouis pour Nancy. Faites-lui continuer sa route sur Épinal. Il faut que cette divi­sion ait ses deux batteries ou seize pièces de canon, ses ambulances et tout ce qui lui est nécessaire. Cette division restera en réserve à Épinal. Aussitôt que la 2e division sera complétée à 6,000 hommes, elle devra se rendre à Épinal ; et aussitôt que la division de vieille Garde qui est à Luxembourg sera complétée à 6,000 hommes, elle devra également se rendre à Épinal. Le général Curial ira alors prendre le commandement de ces trois divisions. Elles doivent avoir cinq batteries ou quarante bouches à feu, pièces de 6 et obusiers ; plus deux batteries de 12, ou seize pièces, et deux batteries à cheval, ou douze pièces de canon; total, soixante-huit bouches à feu. Trois compagnies d’équipages militaires, chacune de quarante caissons, avec les ambulances, doivent leur être attachées. Il y aura donc à Épinal, sons les ordres du général Curial, une division de voltigeurs de 6,000 hommes, une deuxième division de voltigeurs de 6,000 hom­mes, et une division de vieille Garde de 6,000 hommes; total, 18,000 hommes.

Il y aura de plus à Metz les quatre 3e bataillons de la 1e division et les quatre 3e de la 2e, qui pourront encore contenir 6,000 hom­mes. Ces bataillons rejoindront leurs régiments à fur et mesure qu’ils seront complétés, ce qui portera la réserve d’Épinal à 24,000 hommes.

J’ai donné l’ordre au duc de Raguse de se rendre à Colmar; il réunira provisoirement sous ses ordres trois divisions ou 24,000 hommes d’infanterie, 6,000 chevaux et une soixantaine de pièces de canon. Le duc de Bellune restera à Strasbourg. Faites filer avec acti­vité sur Strasbourg tous les 2e et 3e bataillons qui appartiennent au 2e corps, où le duc de Bellune les organisera. Faites aussi diriger par Phalsbourg sur Colmar tout ce qui va rejoindre le 6e corps ; cela ne doit plus aller à Mayence.

Indépendamment de la vieille Garde à pied et à cheval, qui sera rendue le 10 à Langres, sous les ordres du duc de Trévise, je fais diriger successivement des troupes sur ce point, et je les porterai de là sur Vesoul. J’aurai alors trois corps d’armée qui me mettront à même de faire lever le siège de Belfort et de Huningue et de secou­rir Besançon.

J’ai ordonné que l’Alsace, les Vosges, le Doubs, le Jura se levas­sent en masse, et j’ai nommé des généraux pour commander ces levées en masse. J’ai ordonné qu’on organisât partout les gardes nationales de l’Alsace, des Vosges et du Jura. J’ai ordonné que Metz, Luxembourg et Sarrelouis fussent armés. Ne retenez aucunes troupes de tout ce qui appartient au 2e et au 6e corps, qu’il est urgent d’organiser.

 

Palais des Tuileries, 4 janvier 1814.

DÉCRET SUR LA LEVÉE EN MASSE.

Article premier. Sont nommés commandants de la levée en masse des départements ci-après :

Bas-Rhin, le général Chouard ;

Haut-Rhin, le général de division Berkheim ;

Vosges, le général Beurmann ;

Mont-Blanc, le général de division Dessaix ;

Isère : le général de division Marchand ;

Côte-d’Or, le général Veaux ;

Jura, le général Préval;

Doubs, le général Moncey ;

Haute-Saône, le général Lemaire.

Art. 2. Les généraux commandant les levées en niasse seront assistés d’un comité composé de deux ou trois habitants, soit civils, soit militaires, qu’ils désigneront de concert avec les préfets.

Art. 3. Les généraux commandant les levées les organiseront dans les villages et dans les communes ; ils organiseront des corps francs; ils donneront des commissions de partisans pour se porter sur les flancs et sur les derrières de l’ennemi ; enfin ils prendront toutes les mesures propres à nuire à l’ennemi.

Art. 4. Ils pourront faire des proclamations et donner des ordres qui seront exécutés dans tous les arrondissements de leur département.

Art. 5. Nos ministres sont chargés de l’exécution du présent décret.

 

Paris, 4 janvier 1814.

Au général Caulaincourt, duc de Vicence, ministre des relations extérieures, à Paris.

Monsieur le Duc de Vicence, j’approuve que M. la Besnardière soit chargé du portefeuille.

Je pense qu’il est douteux que les alliés soient de bonne foi, et que l’Angleterre veuille la paix ; moi, je la veux, mais solide, hono­rable. La France sans ses limites naturelles, sans Ostende, sans Anvers, ne serait plus en rapport avec les autres États de l’Europe. L’Angleterre et toutes les puissances ont reconnu ces limites à Franc­fort. Les conquêtes de la France en deçà du Rhin et des Alpes ne peuvent compenser ce que l’Autriche, la Russie, la Prusse ont acquis en Pologne, en Finlande, ce que l’Angleterre a envahi en Asie. La politique de l’Angleterre, la haine de l’empereur de Russie entraîneront l’Autriche. J’ai accepté les bases de Francfort, mais il est plus probable que les allies ont d’autres idées. Leurs propositions n’ont été qu’un masque. Les négociations une fois placées sous l’influence des événements militaires, on ne peut prévoir les conséquences d’un tel système.

Il faut tout écouter, tout observer. Il n’est pas certain qu’on vous reçoive au quartier général; les Russes et les Anglais voudront écar­ter d’avance tous les moyens de conciliation et d’explication avec l’empereur d’Autriche. Il faut tâcher de connaître les vues des allies, et me faire connaître jour par jour ce que vous apprendrez, afin de me mettre dans le cas de vous donner des instructions que je ne sau­rais sur quoi baser aujourd’hui. Veut-on réduire la France à ses anciennes limites ? C’est l’avilir. On se trompe, si on croit que les malheurs de la guerre puissent faire désirer à la nation une telle paix. Il n’est pas un cœur français qui n’en sentît F opprobre au bout de six mois, et qui ne la reprochât au gouvernement assez lâche pour la signer.

L’Italie est intacte; le vice-roi a une belle armée. Avant huit jours j’aurai réuni de quoi livrer plusieurs batailles, même avant l’arrivée de mes troupes d’Espagne. Les dévastations des Cosaques armeront les habitants et doubleront nos forces. Si la nation me seconde, l’en­nemi marche à sa perte. Si la fortune me trahit, mon parti est pris : je ne tiens pas au trône. Je n’avilirai ni la nation, ni moi, en sou­scrivant à des conditions honteuses.

Il faut savoir ce que veut Metternich. Il n’est pas de l’intérêt de l’Autriche de pousser les choses à bout; encore un pas, et le premier rôle lui échappera.

Dans cet état de choses, je ne puis rien vous prescrire. Bornez-vous pour le moment à tout entendre et à me rendre compte. Je pars pour l’armée. Nous serons si près que vos premiers rapports ne seront pas on retard pour les affaires. Envoyez-moi fréquemment des courriers.

 

Paris, 4 janvier 1814.

INSTRUCTIONS POUR LE DUC DE VICENCE.

L’empereur a en Hollande les forts Lassalle, Morland, Caffarelli et l’Écluse, qui depuis trois ans ont coûté 15 millions, et qui sont en parfait état.

L’escadre est dans le Nieuwe-Diep; l’amiral Ver Huell, resté fidèle, occupe les forts avec garnison française et des vivres pour dix mois. Si on rendait les forts, l’escadre devrait revenir à la France. Ce point est très-important pour les Anglais, puisqu’il est la clef de la Hollande et qu’il empêche d’entrer dans le Zuiderzee.

La France possède encore Naarden aux portes d’Amsterdam, Gorcum sur la rive droite du Waal. Flessingue, Terveere et autres forts dans l’île Walcheren ont de fortes garnisons et sont inexpugnables.

Berg-op-Zoom, Bar-le-Duc, Anvers et autres places sont appro­visionnées et ont des garnisons.

En Italie, on a Palmanova, Mantoue et Alexandrie, qui, depuis quinze ans, ont coûté 50 millions.

Il y a à Venise des vaisseaux à la France et au royaume d’Italie ; ils doivent revenir à l’un et à l’autre.

Après avoir établi ce que la France occupe en Hollande, en Flandre et en Italie, on passe à l’intérêt qu’elle doit prendre à chacun de ces pays.

L’indépendance entière de l’Italie est le premier intérêt de la France, y compris même Rome et Gênes. Dans cet état de choses, l’Autriche aurait jusqu’à l’Isonzo. La frontière de France en Piémont suivrait la crête des Alpes par le col de Tende, Saint-Jacques et Savone. Le reste serait à l’Italie. On doit penser que cet arrangement conviendrait à l’Angleterre et à la Russie.

Si l’Autriche veut aller jusqu’à l’Adige, il faut conserver Mantoue à l’Italie, et le Piémont à la France jusqu’à la Sesia, avec Gênes et une ligne qui comprenne, s’il est possible, la Spezia. Cette question, étant maritime, intéresse faiblement l’Autriche, qui ne doit pas y mettre de l’opposition.

Quant à la Hollande, le premier intérêt serait qu’elle restât à la France ; le second, qu’elle soit république sans stathouder avec son ancienne organisation; le troisième, qu’elle ait plutôt un stathouder qu’un roi, et de toutes manières un gouvernement qui n’ait aucune liaison de famille avec l’Angleterre.

Dans tous ces articles des préliminaires ou de la paix définitive, il faut stipuler les intérêts de tous les Hollandais, Espagnols, Polo­nais, Allemands, etc., qui se sont attachés à la France, afin qu’ils ne puissent être recherchés.

En signant des préliminaires qui arrêtent les hostilités, il faut être le moins précis possible, puisqu’on a tout à gagner du temps.

Les termes vagues de l’indépendance de la Hollande dans les limites à la droite du courant d’eau de Gorcum seraient une bonne formule.

Il faut suivre le même principe pour l’Italie, sans fixer les Alpes ni la mer, puisqu’on aurait par là tout avantage pour avoir la Spezia à la fin des négociations.

Il faut faire valoir près des alliés l’avantage qu’ils auraient à éva­cuer le territoire français, comme le seul moyen de calmer l’exalta­tion de la nation, de ralentir ses armements et ses levées, et d’ôter par là au gouvernement le prétexte d’opérer la levée en masse.

Si l’Italie est reconnue indépendante, l’Empereur lui donnera Corfou. Cela doit convenir aux Russes et aux Anglais.

Si l’Autriche a Venise, on préfère donner Corfou à Naples, à moins que l’Autriche ne préfère le payer.

Il ne doit pas être question de l’île d’Elbe, qui, comme la Corse, doit rester à la France.

Il faut conserver Lucques à la princesse Élisa.

Si l’on ne peut faire autrement, on laissera replacer le Pape à Rome; mais il faut qu’il reconnaisse le concordat du 25 janvier 1813 et les arrangements faits depuis en France pour le clergé.

Il faut constater la volonté que l’Italie soit indépendante. On est prêt à céder pour cela depuis le versant du mont Cenis.

Si l’Italie devait être partagée, la Toscane devrait être donnée au roi Joseph.

Si on ne laissait pas au roi de Westphalie ses États en Allemagne, il faudrait lui donner une indemnité en Italie. La principauté et les biens que l’Empereur y a donnés, et que les traités ont reconnus, ne peuvent faire une question. La rédaction devra la décider quand on en sera là.

Tout cela rentre dans les bases de Francfort que l’Empereur a acceptées. Ce qui serait demandé au-delà est donc repoussé par le fait même qu’elles ont été offertes par tous les cabinets et même par l’Angleterre. Sans Mayence et sans Anvers la France ne serait plus qu’une puissance du second ordre, ce qui n’est pas dans l’intérêt de l’Autriche et ce que sa politique ne soutiendra donc pas.

Les chances les plus malheureuses de la guerre ne feraient jamais consentir l’Empereur à ratifier ce qu’il regarderait comme un déshon­neur, et la France comme un opprobre.

L’étal et les relations futures de l’Espagne et de la Hollande et l’état de Saint-Domingue font attacher peu d’importance aux colonies. L’Angleterre n’a que cela à rendre; les dédommagements doivent donc se trouver sur le continent.

Il faut constater que l’on tâchera de délivrer le territoire français par un armistice.

On pourra témoigner à l’empereur d’Autriche que Sa Majesté ne lui a pas écrit parce qu’elle aurait été obligée d’écrire aux autres souverains.

On doit envoyer le plus souvent possible des officiers ou des courriers, et écrire même, dans les occasions importantes, par l’esta­fette depuis nos avant-postes s’il y a quelques heures à gagner.

 

Paris, 5 janvier 1814.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, écrivez au préfet du Léman que vous avez reçu sa lettre du 30 ; que vous l’avez mise sous mes yeux ; que j’ai été surpris de le voir se plaindre de ce que cette belle France n’est pas défendue, lorsqu’il est le premier à abandonner son poste ; que si, en vrai magistrat, il était resté dans Genève, avait requis la garde nationale de joindre ses efforts à ceux de la troupe, avait secondé le commandant et s’était enfermé avec la garnison dans la place, Genève serait dans ce moment le boulevard de l’Empire; mais qu’ayant quitté deux fois la ville, n’ayant pas même requis la garde nationale, il a déserté son poste et trahi tous ses devoirs.

 

Paris, 6 janvier 1814.

Note pour le duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Il faudrait envoyer un officier du génie avec des fonds pour mettre Langres à l’abri d’un coup de main.

Envoyez aussi un des généraux que vous m’avez préposée pour commander à Langres et y organiser les gardes nationales de la ville.

Il faut former les cohortes des gardes nationales des environs, les mettre en activité et les réunir là avec une douzaine de pièces de canon pour armer la ville.

Il faudrait connaitre le nombre de fusils de chasse que l’on a ; il doit y en avoir dans beaucoup d’endroits. Il faudrait en envoyer peur armer les gardes nationales de ce département et de celui des Vosges. Si on n’avait pas de fusils de chasse, on pourrait disposer de quel­ques autres fusils pour Langres, car ce point est important.

On réunirait à Langres la gendarmerie de Vesoul et des départe­ments qu’occupe l’ennemi, de manière qu’il y ait là une force pour repousser les partis ennemis.

Aussitôt que faire se pourra, on occupera Port-sur-Saône.

Écrivez au général commandant à Dijon et au comte de Ségur qu’on doit garder tous les ponts de la Saône. Pour cela, il finit en connaître le nombre, charger les gardes nationales de couvrir ces ponts par des tambours eu palissades, de préparer ce qui est néces­saire pour les brûler au besoin, et de fermer les villages de manière qu’ils soient à l’abri des partis. Les gardes nationales doivent garder tous les ponts, depuis Macon jusqu’à Port-sur-Saône.

Réitérez les ordres pour mettre Auxonne à l’abri d’un coup de main. Je suppose que vous y avez placé un bon commandant.

On m’assure qu’il y a dans cette place quatre- vingt pièces de canon. On pourra en retirer pour tous les ponts de la Saône et don­ner deux pièces aux gardes nationales chargées de les défendre. On trouvera des canonniers et des officiers d’artillerie retirés dans la Côte-d’Or et la 18e division.

Il faudrait savoir en quel état se trouve la fabrique d’armes de Tulle, en Corrèze, et la mettre en activité, si elle n’y est pas. Il se­rait à désirer qu’on pût avoir des fabriques d’armes en Bretagne et en Normandie. On peut tirer bon parti de la fabrique d’armes de Versailles, qui doit faire aujourd’hui peu d’armes de luxe.

Il conviendrait de retirer les prisonniers qui se trouvent à Verdun.

J’approuve qu’on arme avec quelques pièces de gros calibre les citadelles des trois places de k Meuse, Verdun, Sedan et Mézières; qu’on garnisse l’enceinte de ces trois villes de quelques pièces de campagne et qu’on les mette à l’abri d’un coup de main, comme l’a proposé le comité de défense.

 

Paris, 6 janvier 1814.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Paris.

Mon Cousin, faites connaître au duc de Bellune mon mécontente­ment de ce que de Colmar il a porté son corps sur les hauteurs de Saverne, dégarnissant ainsi toutes les Vosges et découvrant Épinal ; qu’il était bien plus convenable que de Colmar il se rendit sur le col d’Épinal ; que le col da Saverne se trouve gardé par la place de Phalsbourg, tandis que, par Épinal, Nancy se trouve entièrement décou­vert. S’il est toujours du côté de Saverne, donnez-lui ordre de filer sur Nancy.

Donnez ordre de prince de la Moskova de partir dans la journée pour se rendre à Nancy, et d’y prendre le commandement de la divi­sion de la Jeune Garde et de toutes tes troupes qui sont de ce côté, afin de garder Nancy, de reprendre Épinal, qui n’est occupé que par de la cavalerie, et de contenir l’ennemi de ce côté.

 

Paris, 6 janvier 1814.

Au baron de la Bouillerie, trésorier général de la couronne et du domaine extraordinaire, à Paris.

Vous avez tiré huit millions du trésor pour la Garde ; je vous au­torise à en retirer quatre autres, ce qui fera douze. J’écris au grand maréchal en conséquence.

Vous pouvez donc, dans la journée de demain, payer te neuvième million sur fa distribution qu’en fera le général Drouot.

Le ministre de la guerre vous remettra 12 millions d’ordonnances, et vous me remettrez un rapport sur la manière d’en faire effectuer le remboursement par le trésor.

 

Paris, 7 janvier 1814.

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE.

J’avais désiré que le général Gérard commandât la réserve de Paris. Je ne sais où est ce général. IL faut donc me trouver un autre général de division et deux généraux de brigade qui soient à Paris et que je ferai partir avec la division de réserve pour prendre position à Nogent.

Cette division doit être ainsi composée :

1e brigade : un bataillon du 2e et un du 4e léger, commandés par un major; un bataillon du 12e et un du 15e léger, commandés par un major ; deux bataillons du 29e léger, commandés par le colonel du régiment;

2e brigade : un bataillon du 32e de ligne et un du 58e, comman­dés par un major; un bataillon du 135e et un du 155e, commandés par un major;

3e brigade : trois bataillons du 113e, commandés par le colonel.

Total de la division, treize bataillons.

Il faut diriger de suite un général de division, un adjudant com­mandant, deux généraux de brigade (le colonel du 113e commandera la 3e brigade), un commandant d’artillerie, un officier du génie, un commissaire des guerres.

Quand les deux batteries d’artillerie seront-elles prêtes ?

Il faut aussi attacher à la division une compagnie de sapeurs avec ses outils, une ambulance de quatre caissons.

Mon intention est de réunir cette division à Nogent et à Troyes, les deux premières brigades à Nogent et la troisième à Troyes.

Il faudrait faire partir le plus tôt possible les quatre bataillons qui sont le plus en état, quand même ils seraient de brigades diffé­rentes. Il faut commencer demain à faire tirer à poudre et après-demain à la cible, et cela par toute la division. Ils partiront d’ici avec quatre paquets de cartouches. Il serait donc nécessaire que les ordres soient donnés à Nogent pour préparer le logement et les vivres de ces troupes.

J’aurai besoin avec cette division d’un général de cavalerie et d’un millier de chevaux.

Donnez l’ordre au général Nansouty, à qui je l’ai dit verbalement, de se rendre à Versailles demain, pour passer la revue de la cava­lerie et organiser un millier de chevaux.

Le général Gérard commandera les deux divisions.

Il faut désigner le général qui partira avec l’avant-garde.