Correspondance de Napoléon – Janvier 1812

Palais des Tuileries, 27 janvier 1812.

OBSERVATIONS DICTÉES EN CONSEIL DES PONTS ET CHAUSSÉES.

De toutes les communications de la Baltique au Rhin, la meilleure, la plus courte, la plus économique, c’est la mer. Mais, la mer étant interdite par des forces supérieures, de là naît l’idée et vient la né­cessité d’une communication intérieure de la Baltique au Rhin. La première idée qui se présente, c’est de partir de Hambourg, de des­cendre l’Elbe, suivre les Wadden jusqu’à Delfzyl. Il est vrai que cette navigation n’est bonne que pour des bâtiments tirant quatre pieds d’eau, et que cette navigation, comme la première, a l’inconvénient de pouvoir être interceptée par l’ennemi.

Alors, l’idée la plus naturelle est de descendre l’Elbe jusqu’à Cuxhaven, et de joindre l’Elbe avec le Weser à Bremerlehe par un canal latéral sans écluses.

La navigation de Hambourg à Cuxhaven peut être pratiquée par des bâtiments immenses, ainsi que celle de Cuxhaven au Weser par le canal; à Bremerlehe, on prendrait le nouveau canal, qui condui­rait jusqu’à Delfzyl.

Ce projet na point été étudié; c’était faute de renseignements posi­tifs que l’Empereur avait adopté le projet proposé d’un canal passant par l’Oste. Ici il y a un partage d’eau, ce qui est une chose toujours difficile. Il est vrai que l’Oste est navigable jusqu’à Bremerwœde, où il faudrait rompre charge jusqu’au Weser.

Ainsi l’Empereur n’arrête point ce projet jusqu’à ce qu’on l’ait étudié. Dès l’année prochaine, on fera le projet pour la jonction de l’Elbe au Weser, et l’on déterminera le point où le canal devra joindre l’Elbe. On proposera à l’Empereur la nomination d’une commission mixte d’officiers du génie de terre, d’officiers de marine et d’ingénieurs des ponts et chaussées pour déterminer ce projet.

Le premier point est de faire vérifier le travail de M. Beautemps-Beaupré par une commission d’officiers de marine et du génie; le deuxième, de déterminer le point où l’on fera le bassin, puisque les vaisseaux engagés dans l’Elbe risqueraient de périr par les glaces ; il faut qu’on s’assure de la possibilité d’établir le bassin dans l’empla­cement qui sera désigné ; troisième point : deux forts sont nécessaires à droite et à gauche de ce grand établissement, afin de se trouver toujours maître de 2,000 toises de rade, et alors on établirait le long de la mer, à 7 ou 800 toises, un fort comme le fort Lasalle du Helder, coûtant à peu près un million, où 1,000 ou 1,500 hommes pour­raient soutenir un siège très-long, parce qu’on ne peut être attaqué que par les digues.

Si ce travail pouvait être étudié d’ici au mois d’avril, on pourrait commencer ce fort dans la campagne prochaine et l’avoir dans l’année, comme le fort Lasalle.

Le ministre de la marine tiendra un conseil où seront appelés le général Haxo, MM. Tarbé, Blanken, Sganzin, Cachin et Beautemps-Beaupré, pour faire un premier projet qui sera soumis à Sa Majesté, et ensuite on enverra sur les lieux pour étudier le terrain.

 

Paris, 27 janvier 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, écrivez par l’estafette de ce soir au général Dorsenne que je reçois des nouvelles du mouvement des Anglais sur Ciudad-Rodrigo; que j’approuve fort que dans cette circonstance il retarde la marche de la Garde, pour appuyer le duc de Raguse de toutes ses forces ; que le général Montbrun ne doit pas tarder à arriver, puisque le maréchal Suchet a envoyé à sa rencontre pour le faire rétrograder, et qu’il a dû, le 11, se mettre en marche pour retourner à Madrid ; que je compte que le 18 janvier le général Montbrun aura pu être de retour sur Madrid, et être en ligne à la fin du mois; que, lorsqu’il sera arrivé, l’armée de Portugal aura pris sa position définitive; que le mouvement des Anglais parait avoir été entrepris pour faire diver­sion au siège de Valence, et parce qu’ils ont eu connaissance du fort détachement que l’armée de Portugal avait fait; et que le désir que j’ai d’avoir ma Garde n’est pas tellement pressant qu’il faille la ren­voyer avant que les affaires aient pris une situation naturelle dans le Nord.

 

Paris, 27janvier 1812

Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant la garde impériale, à Paris

Mon Cousin, faites-moi un rapport sur l’état-major de ma Garde. Je commence par les chevau-légers polonais : le général Krasinski en est le colonel. J’ai nommé major de ce régiment le général de bri­gade Konopka, qui a commandé longtemps un régiment de lanciers à l’armée du midi d’Espagne; quel est le second major ? Le 2e régi­ment de chevau-légers lanciers est commandé par le général Colbert; il y a, je crois, un major hollandais ; quel est le second major ? Puis-je avoir confiance dans le major hollandais ?

Le général Guyot commande les chasseurs à cheval; le colonel Lion est un des majors ; j’ai nommé le général Exelmans major dans ce régiment. Daumesnil étant blessé ne peut rester major; il faut me faire un rapport sur cet officier, que mon intention est d’employer militairement. Ne pourrait-on pas lui donner le commandement de Vincennes, avec un grade supérieur et un bon traitement ? Vincennes étant une prison d’État et un des quartiers de ma Garde, j’ai besoin là d’un homme sûr.

Le général Saint-Sulpice commande les dragons ; le colonel Letort est un des majors; je ne connais pas le second; faites-moi un rap­port qui me le fasse connaître.

Le général Walther commande mes grenadiers à cheval ; les géné­raux Lepic et Chastel sont majors.

Le général Lepic aimerait-il à être fait général de division et à aller commander une division de grosse cavalerie ? Comme mes grenadiers chargent rarement, il acquerrait de l’expérience dans la ligne, et je pourrais ensuite l’appeler au commandement des grenadiers lorsque le général Walther se retirerait. Je ne veux faire au reste que ce qui lui convient. Voyez-le et parlez-lui de cela comme venant de vous.

On accorde au général Chastel du talent; le commandement d’une brigade de cavalerie lui donnerait de l’expérience ; je ne ferai égale­ment là-dessus que ce qui lui conviendra.

Je désirerais placer comme major dans un des régiments de cava­lerie de ma Garde le général Ornano, qui, ayant toujours été à l’armée, acquerra dans ma Garde un aplomb qui lui sera utile; je le placerai après cela dans la ligne.

Si les généraux Lepic et Chastel passaient dans la ligne, quels sont les généraux de brigade ou colonels que je pourrais nommer majors dans les grenadiers ?

Je passe à l’infanterie. Le général Dorsenne étant général en chef doit désormais suivre sa carrière; je désire nommer un général de division pour le remplacer dans ma Garde.

Faites-moi connaître si j’ai suffisamment de généraux et de colonels pour commander tout le reste de ma Garde.

 

Paris, 27 janvier 1812

Au comte Daru, ministre secrétaire d’État, à Paris

Monsieur le Comte Daru, y aurait-il de l’inconvénient à prescrire par un décret que le caisson d’ambulance des régiments portera deux matelas assortis aux caissons, avec leurs couvertures, quatre demi-fournitures, ce qui donnerait de quoi coucher 12 hommes, douze brancards sanglés, une caisse à amputations, 100 kilogrammes de charpie, 125 kilogrammes de linge à pansements, une boîte de médicaments pesant au moins 5 kilogrammes ? Ce qui ferait pour tous les régiments une augmentation de moyens de pansements qui serait très-considérable.

Ne pourrait-on pas prescrire également que les quatre caissons d’ambulance des divisions porteraient chacun au moins dix brancards sanglés, deux caissons à amputations, etc.?

Représentez-moi cela avec votre rapport.

 

Paris, 27 janvier 1812

À Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel

Monsieur mon Frère, divers indices m’avaient depuis longtemps fait craindre que l’empereur de Russie n’eût cessé d’être dans les sentiments de Tilsit. Un ukase, publié en décembre 1810, blessait essentiellement les intérêts de la France et de la Confédération; il était avantageux à l’Angleterre ; il était contraire au traité de Tilsit. Cependant, je m’étais abstenu de toute espèce de plainte, me bor­nant à des représentations tout amicales. Au mois d’avril suivant l’empereur de Russie fit remettre, par ses ministres près des diffé­rentes cours, une protestation relative à l’Oldenburg. Je dus être d’autant plus étonné d’une démarche si singulière, que, prévenant les vœux de la Russie, j’avais, dès le principe, offert pour le duc d’Oldenburg une indemnité convenable. Je ne pensai toutefois qu’à réi­térer cette offre. La Russie paraissant ne point agréer l’objet proposé en indemnité, je la pressai de faire connaître ce qu’elle désirait. Enfin, je mis tout en usage pour arrêter les conséquences d’un acte public qui, bien qu’il parlât de la conservation de l’alliance, devait naturel­lement faire succéder la méfiance à la bonne harmonie qui avait régné entre les deux cours. Au lieu de s’expliquer, la Russie affaiblit son armée du Danube, évacua la droite de ce fleuve, retira de la Finlande une partie des troupes qui occupaient cette province si récemment conquise, et réunit toutes ses forces disponibles sur les frontières du duché de Varsovie.

Le territoire de la Confédération se trouva ainsi menacé, au point que je fus obligé de faire rétrograder les troupes du duché sur la Vistule, afin de pouvoir les appuyer en cas d’attaque soudaine. Dès le commencement de ces mouvements de la Russie, mon premier soin avait été de pourvoir à la défense de Danzig, qui est un des boulevards de la Confédération, et d’en rendre la garnison respec­table; ce qui me mit dans le cas de requérir dès lors une partie des contingents et d’écrire pour cet effet à Votre Majesté, qui envoya l’un de ses régiments dans cette place.

Peu de temps après, un envoyé du Brésil, transporté sur une fré­gate anglaise, fut reçu à Saint-Pétersbourg comme ministre d’une puissance amie, quoique, en vertu de l’alliance de Tilsit, la Russie doive être en état de guerre avec la Maison de Bragance. Je désirais la paix ; j’avais intérêt à la conserver, puisqu’une partie de mes troupes était en Espagne : mais, quand la Russie appuyait la violation des traités par l’appareil des armes, j’ai dû aussi recourir aux armes.

Cette précaution est plus que justifiée aujourd’hui par la levée extra­ordinaire de 4 hommes sur 500, qui vient d’être ordonnée dans toute l’étendue de l’empire russe, sans que la Russie se soit expliquée sur sa protestation ni sur son ukase, sans que ses troupes aient quitté les positions qu’elle leur a fait prendre dans le voisinage du duché.

J’ai dû rassembler mes armées, les former et rétablir mon maté­riel de guerre. Ces préparatifs ont employé une année. Maintenant, 300,000 hommes vont traverser l’Allemagne et se porter sur les fron­tières de la Confédération, non dans des sentiments hostiles, mais pour que mes armées se trouvent aussi près de la Vistule que les armées russes.

Je chargerai, quand il en sera temps, mon ministre de répondre à la protestation relative à l’Oldenburg : que les affaires de ce pays sont réellement étrangères à la Russie; que le duc, requis, lors de la dernière guerre, de fournir son contingent, ne l’avait pas fait; que, n’ayant point rempli les devoirs de confédéré , il en avait perdu les droits; que cependant, et par amour de la paix, j’ai offert pour lui une indemnité convenable, et que je suis prêt encore à la lui donner.

Tout en adoptant le principe, la Russie n’a pas dit ce qu’elle vou­lait, et j’ai dû penser qu’il était dans ses intentions de demander Danzig et une portion quelconque du territoire de la Confédération. Si, en effet, elle n’avait pas eu à faire des propositions contraires au traité de Tilsit et à mes principes, et que je ne pourrais entendre sans y répondre par les armes, aurait-elle armé, et depuis un an refuserait-elle de s’expliquer ? Je suis loin toutefois d’avoir perdu l’es­poir de la paix. Mais puisqu’on admet envers moi le procédé funeste de négocier à la tête d’une puissante et nombreuse armée, il est de mon honneur de négocier aussi à la tête d’une armée nombreuse et puissante. Je ne veux point commencer les hostilités, mais je veux me mettre en mesure de les repousser. Je ne veux point violer le terri­toire russe, mais je veux être prêt à faire repentir quiconque violerait le territoire de la Confédération.

Je désire, en conséquence, que le contingent de Votre Majesté se réunisse et soit prêt à entrer en campagne le 15 février prochain. Je la prie de me faire remettre l’état de son contingent en officiers géné­raux, officiers d’état-major, infanterie, cavalerie, artillerie, avec caissons et équipages, et telle qu’elle est dans l’intention de l’organiser.

(Même lettre au roi de Bavière, au roi de Wurtemberg, etc.)

 

Paris, 28 janvier 1812

À M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Bassano, mettez-moi sous les yeux le traité du 22 avril 1809 avec Nassau. Je crois qu’il résulte de ce traité que Nassau doit fournir trois régiments. Faites-moi connaître ce que ce prince a de disponible, et s’il pourrait fournir un régiment à la cam­pagne prochaine.

Je voudrais composer ainsi la division des princes, savoir : 1e bri­gade : un régiment de Nassau, 1,680 hommes; un régiment du prince Primat, 1,680 hommes (indépendamment de 500 hommes qu’il a en Espagne); un régiment de Würzburg, 1,680 hommes; total, 5,040 hommes. 2e brigade : les trois régiments (c’est-à-dire les régiments de Saxe Ducale (le 4e régiment), d’Anhalt et de Lippe (le 5e), de Schwarzburg, Waldeck et Reuss (le 6e)), tels qu’ils étaient composés, savoir : le 4e régiment, 2,800 hommes; le 5e ré­giment, 1,700 hommes; le 6e régiment, 1,500 hommes; total, 6,000 hommes. 3e brigade : les deux régiments de Mecklenburg, 2,000 hommes. Total général, 13,040 hommes.

Préparez-moi le détail de l’organisation de cette division. Deman­dez que chaque régiment ait deux pièces d’artillerie de régiment, et faites les démarches nécessaires pour que les contingents soient réu­nis au 20 février dans les lieux respectifs, de manière à pouvoir partir du 25 au 30 et être réunis à Dessau le 1er mars. Mon inten­tion est de charger le général Daendels de se rendre dans ces diffé­rents pays pour réunir cette division et en prendre le commandement. Faites-moi donc un rapport détaillé sur ce qui regarde cette partie des contingents de la Confédération.

 

Palais des Tuileries, 28 janvier 1812

NOTE DICTÉE EN CONSEIL DES FORTIFICATIONS.

Au sujet du fort Tromp (île de Goeree) vis-à-vis Hellevoetsluis, Sa Majesté dit que le fort Tromp ne lui parait pas bien déterminé pour se décider à le construire dans son emplacement actuel. L’idée du fort Tromp était de faire dépendre l’existence des vaisseaux qui seraient dans la rade de Flakkee de la prise d’un fort qui exigeât huit jours de tranchée ouverte, et non de quelques batteries faciles à prendre. Ce but parait assez bien rempli par le fort Tromp, qui est à moins de 900 toises du Pampus. Mais il faut faire sur la Meuse des recherches comme celles que Sa Majesté a fait faire sur le Texel ; pour cela, il faut connaître les sondes de la Meuse, que la marine doit avoir. Ces recherches feront connaître s’il est possible de mouiller en dehors de la barre de la Meuse. Au prochain conseil, on présen­tera à Sa Majesté les sondes de la rivière, et l’on y appellera M. Beau­témps-Beaupré , ingénieur hydrographe. C’est une question maritime fort importante, parce que si les vaisseaux pouvaient mouiller hors de la passe, il serait convenable de placer le fort Tromp de manière à protéger cette rade extérieure. Si, au contraire, on ne peut tirer aucun parti de cette rade extérieure, on pourrait alors considérer à peu près comme inutiles les batteries qui sont à la pointe de l’île, et concentrer toute la défense dans le fort Tromp, sauf à avoir des batteries de 12 seulement pour protéger le cabotage.

Le réduit de l’île de Schouwen doit être placé sur le chenal de Grevelingen, qui sépare l’île de Goeree de celle de Schouwen; car un réduit, quelque force qu’il ait, n’est susceptible que de quelques jours de défense; si l’on ne peut venir à son secours, il ne peut que capituler, et c’est une garnison perdue. Au lieu qu’un réduit à cheval sur le canal ne permet pas à l’ennemi de le bloquer, et l’on accour­rait de Tholen et de Berg-op-Zoom pour le secourir ; s’il peut se dé­fendre huit ou dix jours, il est presque certain d’être secouru.

Qu’il faille ensuite un fort à la pointe de l’île de Zierickee, pour défendre le passage de Keete, c’est une question d’une autre nature.

À l’île de Goeree, on a fait le réduit, non pour défendre le pas­sage , mais pour conserver un point où l’on ne puisse pas être bloqué; c’est ce qui a déterminé à faire le fort Duquesne ; il est assez étendu pour que, dans une nuit, 5 ou 6,000 hommes puissent y être jetés et dégager toute l’île. C’est le même système qui doit être appliqué à l’île de Schouwen. La meilleure manière de fortifier une île, c’est de faciliter les communications; c’est ainsi que, pour l’île de Walcheren, on avait eu le projet de faire une digue sur le Sloe. Ce qui n’était pas praticable pour cette île, l’est pour l’île de Schouwen, le canal n’ayant que 3 ou 400 toises. Si l’on peut avoir une flèche, un pont qui arrive jusqu’à Tholen, et, si cela n’est pas possible, qu’on ait des bateaux assurés pour transporter beaucoup de monde, on aura donné la plus grande force possible à l’île de Schouwen.

 

Paris, 28 janvier 1812

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le corps d’observation de l’Elbe, à Hambourg

Mon Cousin, j’attends avec impatience votre rapport sur les mar­chandises coloniales que vous aurez trouvées dans la Poméranie. Vous y avez sans doute envoyé un détachement de vos douaniers.

Je destine le général Damas, qui commande les troupes du grand-duché de Berg, à commander une division, qui se composera de huit bataillons de Berg, de quatre de Hesse-Darmstadt, ce qui fera douze bataillons, d’un régiment de cavalerie de Berg et d’un régiment de cavalerie hessoise, et enfin des troupes d’artillerie apparte­nant à ces deux contingents. Deux bataillons du grand-duché de Berg sont déjà à Stettin. J’ai donné ordre que trois bataillons, formant 2,400 hommes, soient prêts à partir à Düsseldorf sous les ordres d’un général de brigade. Une égale quantité de troupes sera prête à partir de Hesse-Darmstadt. Vous pouvez donc vous adresser directe­ment à Düsseldorf pour, mettre en mouvement la brigade de Berg et la diriger sur Hambourg, où elle relèvera vos troupes aussitôt que vous serez obligé de marcher plus loin.

Puisque vous entrez en Poméranie, il est nécessaire que vous fer­miez hermétiquement tous les passages entre la Suède et le conti­nent, et que, sans rien faire d’ostensible, vous mettiez une espèce d’embargo tel que rien ne puisse entrer ni sortir, si ce n’est les cour­riers de cabinet que le gouvernement de Suède voudrait envoyer en France; mais aucune malle de commerce ne doit passer. Vous arrê­terez également toute la correspondance avec la Suède que l’on vou­drait faire passer par le Danemark.

 

Parts, 28 janvier 1812

À Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, faites armer Venise et Ancône complètement du côté des terres et du côté de la mer. Faites armer Palmanova et Osoppo. Faites armer à demi Mantoue, Peschiera et Legnago. Faites cela tout doucement. J’approuve les bases que vous proposez pour l’appro­visionnement de bouche de ces places.

 

Paris, 29 janvier 1812

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je vous envoie un rapport de mon officier d’ordonnance Athalin sur Delfzyl. Je désire que vous me remettiez, au conseil de mardi prochain, ce qui est relatif à cette place, les projets qui ont été faits et l’opinion du comité.

Delfzyl est considérée comme la plus belle rade qui existe depuis l’Escaut jusqu’à Hambourg. Elle est destinée à jouer, à l’avenir, un très-grand rôle. La rade paraît ne rien laisser à désirer; il faut pour­voir à la défense de la place.

Il paraît nécessaire d’abord d’occuper d’une manière solide l’Ile de Borkum, puisqu’on passe à mille toises de cette île, et d’établir un fort important à la pointe de Bierum, afin d’empêcher l’ennemi de faire un simple débarquement et d’enlever les batteries. Ce fort défen­drait la rade à 1,800 toises; le fort-batterie de Holuierde défendrait la passe à 1,500 toises, et enfin les remparts de Delfzyl achèveraient de protéger l’escadre, qui peut se retirer jusqu’à Termunterzyl, c’est-à-dire à plus de 400 toises de Delfzyl, au fond de la rade, et à peu près à égale distance de Delfzyl au premier fort, à la hauteur de Bierum.

Il est hors de doute qu’un établissement militaire devient indispen­sable à Delfzyl, avec un bassin à l’abri des glaces. Où cet établisse­ment doit-il être fait ? Est-ce à Delfzyl même ou à Termunterzyl ? Vous consulterez le ministre de la marine sur cette dernière ques­tion, car c’est surtout sous le point de vue maritime qu’il faut le considérer.

Que valent l’enceinte et les établissements actuels de Delfzyl ? Quelle défense pourraient-ils faire ? Quel parti y a-t-il à prendre pour l’avenir et pour l’année actuelle ? Quand même le corps de la marine et le génie seraient d’opinion de faire des établissements à Termunterzyl, ce ne serait une chose à faire que dans quelques années et à laquelle on ne pourrait pas songer pour cette année. Il est donc nécessaire d’avoir à la pointe de Bierum une forte batterie de huit pièces de 36 ou de 24 et de quatre mortiers, et une pareille batterie à Holwierde. Il est également nécessaire de mettre à l’abri d’un coup de main la place de Delfzyl, afin que mes flottilles se trouvent protégées et que cette place puisse se défendre. Il est hors de doute que, si l’ennemi voulait opérer sur les côtes, il s’emparerait, de préférence à tout, de Delfzyl, qui lui ferait une place de dépôt et la plus belle rade de tous ces parages.

Je désire également que vous me mettiez, mardi, sous les yeux ce qui est relatif à la place de Groningen, aux autres forts de l’Ems et aux places de l’Yssel. Convient-il de garder ces places ou d’en retirer l’artillerie, comme on a fait à Breda, et de conduire cette artil­lerie à Wesel ?

 

Paris, 29 janvier 1812

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, je reçois votre lettre du 28 janvier. Pourrait-on réduire le poids des voitures qui se construisent à Anvers, à Sampigny et en Italie, du modèle de juillet dernier, et leur faire supporter une diminution de poids conformément à votre rapport, c’est-à-dire qu’au lieu de peser 1,200 kilogrammes elles ne pesassent que 983 kilogrammes; ce qui ferait une réduction de 217 kilo­grammes ou de 434 livres ? Donnez ordre que l’on fasse cette opération sur toutes les voitures auxquelles on pourra l’appliquer. Envoyez des instructions à la marine, à Sampigny, à Plaisance, au vice-roi et à l’artillerie. Recommandez que, pour chaque service, on écrive sur chaque voiture son poids, afin de distinguer facilement les unes et les autres.

Je vois dans votre rapport que les voitures du nouveau modèle pèsent 983 kilogrammes, et celles de l’ancien modèle 915; la différence est de 68 kilogrammes : on peut donc considérer ces deux modèles de caissons comme de même poids. Il serait fort à souhaiter qu’on pût, des trois modèles de caissons, en faire un seul pour l’avenir. Ces voitures auraient l’avantage d’avoir un couvercle, ce que je re­garde comme une chose importante, d’être les plus légères possible et de porter le même poids que les voitures de nouveau modèle ; ce serait celui que l’on construirait à Sampigny et à Plaisance. Je crois vous avoir mandé qu’il était inutile de faire à Danzig les 160 voitures de nouveau modèle, et qu’il fallait auparavant faire construire les chariots à la comtoise.

Je désirerais que vous me remissiez un état par bataillon des 1,485 voitures et des 371 chariots qui existent, et que vous me fissiez connaître si les chariots à la comtoise pourront être fournis avant le 1er mai. Il me semble que les 600 chariots qu’on fabrique à Lons-le-Saunier pourraient être fournis moitié en mars et moitié en avril ; il y en a une immense quantité en Franche-Comté. Les 900 chariots qu’on construit à Danzig pourront être livrés en avril, surtout si l’on ne fait pas les 160 chariots de nouveau modèle.

 

Paris, 29 janvier 1812

À Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, dirigez la garde royale sur Brescia, de manière qu’elle arrive du 20 au 25 février, infanterie, cavalerie, artillerie, etc. Mon intention serait de commencer le mouvement sur Ratisbonne du 15 au 20. Tout pourrait se mettre en mouvement le même jour et par brigade. Pendant que la première brigade partirait de Bolzano, la dernière partirait de Bassano et de Vérone, et se trouverait ainsi à distance de sept jours de la première, car je compte qu’il y a sept marches de Vérone à Bolzano. L’armée marcherait donc en sept colonnes. Il faudrait commencer par faire marcher une brigade de cavalerie.

  1. S. Ne mettez rien en mouvement, mais faites-moi un projet, et instruisez-moi si tout sera prêt.

 

Paris, 29 janvier 1812.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, vous avez écrit au général Damas, qui est au service de Westphalie, une lettre qui a beaucoup inquiété le roi de Westphalie. Je vous ai dit cent fois que, pour tout ce qui est au-delà du Rhin, vous deviez écrire au prince d’Eckmühl. Je ne sais pas pourquoi, à la guerre, on n’exécute pas mes ordres. Comme je crois qu’il n’y a pas de mauvaise volonté, je suis fondé à penser qu’il y a beaucoup d’anarchie. Aujourd’hui qu’il y a un major général, j’espère que tous les ordres passeront par lui. J’ai nommé des com­mandante en chef du génie et de l’artillerie : j’espère que les bureaux de l’artillerie et du génie n’adresseront les ordres qu’aux commandants de ces armes, et que les bureaux du mouvement, des revues et autres bureaux ne transmettront rien que par le major général. Tenez la main à la stricte exécution de ces ordres, sans quoi tout sera anarchie et désordre, comme il parait que cela est dans ce moment.

 

Paris, 30 janvier 1812

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, les fournitures de l’île d’Oléron sont imprégnées de gale. Il y a beaucoup de galeux dans les trois îles. Il n’y a pas de médecin à Oléron; il y est mort 190 hommes le mois passé. Donnez ordre qu’on établisse des hôpitaux de galeux et qu’on nettoie toutes les fournitures.

 

Paris, 30 janvier 1812

NOTE POUR LE MAJOR GÉNÉRAL.

L’Empereur envoie au major général les états de la Grande Armée remis par le ministre de la guerre ; Sa Majesté ne les trouve pas assez précis pour donner des ordres. Cette nuit, elle s’est levée et a voulu travailler; ce qu’elle n’a pu faire, n’ayant pas trouvé les ren­seignements nécessaires.

L’état n° 5 porte la 2e division de cavalerie légère (7e et 8e bri­gades), savoir, le 11e régiment de chasseurs à Verdun le 22, et les autres régiments à Saint-Mihiel, Stenay et Schelestadt : que font ces régiments à dater du 22 ? Cela suppose que je n’ai donné aucun ordre à la 2e division de cavalerie légère, ce que je ne crois pas exact. Je crois avoir donné l’ordre que cela se réunît sur Mayence ; il est possible que, vu la proximité, je n’aie pas donné d’ordre ; mais je crois avoir donné des ordres généraux au ministre de la guerre.

Dans l’état n° 3, je vois, à l’artillerie, le bataillon du train destiné à la 10e division encore à Besançon : est-ce que je ne lui ai pas donné d’ordre ? La 10e division doit cependant être réunie le 15 février à Mayence; elle n’aura donc pas d’artillerie ? Je puis ne pas avoir donné d’ordre de détail au ministre, mais tout cela devait marcher ensemble.

Le parc d’artillerie du corps d’observation de l’Océan n’a donc aucun ordre ? Il y a des compagnies à Strasbourg, au camp de Boulogne; il faut que tout cela reçoive des ordres.

Les pontonniers qui sont à Bonn, Wesel, paraissent aussi n’avoir pas d’ordres.

Le major général enverra au bureau du mouvement prendre tous ces détails, pour que j’aie demain matin tout dans l’ordre suivi pour les armées d’Espagne.

Il faut que tout ce qui n’a pas d’ordres en reçoive.

Il est possible que tout cela vienne de ce que l’artillerie, le génie et les troupes ne dépendent pas du même bureau.

Je crois que les troupes sont mal dirigées : quand je vois que, de la Haye et d’Utrecht, on les fait passer par Bois-le-Duc, il ne peut qu’y avoir une erreur; s’il en est temps encore, changez leur route. Il était plus naturel de leur faire passer le Rhin sur Wesel et Düsseldorf, ce qui aurait considérablement raccourci.

Enfin, je veux voir, sur le tableau que me remettra le major géné­ral, tous les corps qui composent la Grande Armée, leur marche jour par jour, jusqu’à leur destination, et, en observation et aussi par un état particulier, quels sont les corps ou fragments de corps, soit d’infanterie, cavalerie, artillerie, équipages du train, équipages des transports militaires, qui n’ont pas d’ordre pour rejoindre la divi­sion à la destination de réunion prescrite par mes ordres.

 

Paris, 31 janvier 1812

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, je vois avec plaisir que les deux fré­gates sont arrivées dans la Gironde. Donnez ordre que le Foudroyant, l’Océan et le Jemmapes soient mis en rade, car il est bien précieux d’avoir là cinq vaisseaux, qui obligeront les Anglais à en tenir six aux Basques ; cela ruine leur matériel et leur fait beaucoup de mal. Je pense que cette escadre de cinq vaisseaux aura besoin d’avoir les deux frégates la Saale et la Circé; il faut donc les lui laisser. Il serait convenable aussi d’y joindre une corvette.

Les batteries des Saumonards sont actuellement en bon état. Je suppose qu’il y a un certain nombre de canonnières et de bombardes organisées dans la rade de Rochefort. Donnez ordre qu’on arme de fusils les canonniers qui sont dans l’île d’Oléron, et qu’on les exerce au maniement du fusil, indépendamment de la manœuvre du canon.

Aussitôt que le capitaine de vaisseau Jacob aura ses cinq vaisseaux en rade, vous pourrez me présenter un projet de décret pour le faire contre-amiral.

 

Paris, 31 janvier 1812.

DÉCISION.

Sire, le prince de Bénévent a fait présenter aujourd’hui le  mandat de 1,180,000 francs que le Domaine ex­traordinaire a délivré sur son compte courant à la caisse de service pour prix du palais que Votre Majesté a acheté du prince. Je me suis abstenu, suivant l’autorisation que m’en avait donnée Votre Majesté, de faireaucune retenue sur ce mandat, dont le produit doit sans doute être immédiatement employé au payement des dettes les plus urgentes du prince de Bénévent.

MOLLIEN.