Correspondance de Napoléon – Janvier 1807

Janvier 1807

 

Varsovie, 1er janvier 1807

Au sultan Selim

Salut et bonheur à notre très-grand et fidèle Ami! Nos usages sont d’ouvrir l’année par des vœux pour ceux qui nous sont chers, et nos premiers vœux sont pour vous. J’ai reçu avec joie les lettres de Votre Hautesse, et j’ai vu ses nobles résolutions. Vous n’avez pas voulu provoquer la guerre; on vous la déclare. Que tout son poids retombe sur les ennemis qui envahissent votre empire! Ils ne vous avaient demandé d’éloigner de la Moldavie et de la Valachie vos serviteurs fidèles que pour s’ouvrir l’entrée de ces provinces. %,lais j’apprends que vos armées se rassemblent, et que, averti par une inspiration d’en haut de l’invasion des Russes dans, le même moment oit ils passaient le Dniester, vous avez résolu de leur opposer toutes vos forces. La même voix qui, pour sauver votre empire, vous révélait la marche de vos ennemis, vous a excité à m’envoyer un de vos fidèles ministres pour signer, en votre nom, le traité d’alliance qui doit nous unir, et qui assurera,, par sa conclusion, une garantie à votre puissance. ‘J’attends votre plénipotentiaire : il me dira ce que vous avez fait, vos ,projets, vos ressources, et nous concerterons ensemble les opérations de la. guerre. Je suis venu jusque dans les États voisins de « VOS frontières chercher et poursuivre nos ennemis. Une armée de 80,000 Russes, commandée par leurs meilleurs généraux, a été enfoncée, battue, chassée sur tous les points. Elle a déjà perdu cinquante lieues de pays, son artillerie, ses bagages, un grand nombre de morts et de prisonniers. Le moment est arrivé de faire remonter l’empire ottoman à son ancienne grandeur. Il n’y a pas un instant à perdre. Vos frontières sont envahies. Appelez tous vos fidèles sujets à la défense de ce qu’ils ont de plus cher. Ce sont vos villes, vos mosquées, c’est jusqu’au nom musulman que les Russes voudraient détruire, et les projets de vos ennemis vous forcent à les vaincre. Je prie Dieu qu’il bénisse vos armes, qu’il augmente les jours de Votre Hautesse, et qu’il les remplisse de gloire et de prospérité, avec fin très-heureuse.

Votre très-cher et parfait ami.

Écrit en notre château impérial de Varsovie le 1er de l’an 1807

 

Varsovie, ler janvier 1807

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, donnez l’ordre au maréchal Kellermann de former les 5e, 6e, 7e et 8e régiments provisoires. Les bataillons seront composés d’une compagnie des 3e bataillons, savoir: pour le 5e régiment, les mêmes bataillons que ceux qui ont fourni au 11e régiment; pour le 6e, les mêmes qui ont fourni au 2e; pour le 7e, les mêmes que pour le 3e; pour le 8e, les mêmes que pour le 4e.

Donnez ordre au maréchal Kellermann d’envoyer à Cassel le 5e régiment provisoire lorsqu’il sera formé, et donnez ordre au 3e régiment, qui est à Cassel, de se rendre à Magdeburg, et aux deux qui sont à Magdeburg d’en partir pour se rendre à Berlin, où ils tiendront garnison jusqu’à nouvel ordre. Ainsi, des quatre régiments provisoires, deux resteront à Berlin et deux à Magdeburg.

 

Varsovie , 2 janvier 1807

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, vous trouverez ci-joint l’état de situation de l’armée polonaise, ainsi que l’ordre que je donne pour son mouvement. Vous ferez connaître au maréchal Bernadotte que ce corps est sous ses ordres. Mon intention est que, lorsque les Polonais seront en force, vous les dirigiez sur Marienwerder, et qu’ils bloquent Graudenz. Vous donnerez également des ordres pour que les hommes disponibles des 2es bataillons soient incorporés dans les ler afin de commencer par avoir une force respectable.

Je désire que vous envoyiez un adjudant commandant intelligent à Lowicz pourvoir ce que c’est que la levée de la noblesse; il les suivra à Bromberg pour voir quelle tournure ils ont et sur quoi on peut compter.

 

Varsovie, 2 janvier 1807

Au roi de Naples

Mon Frère, par l’état de situation du 24 novembre, je vois que les deux brigades de la réserve provisoire qui ont été formées des dépôts de l’armée de Naples ne sont pas encore dissoutes, et que les détachements n’ont pas rejoint leurs régiments. J’espère que cette opération sera faite à l’heure qu’il est. Cela porte dans la comptabilité un grand désordre; cela décourage les corps; cela a toute espèce d’inconvénients. Les officiers et sous-officiers de tous les bataillons provisoires sont d’ailleurs nécessaires aux dépôts pour instruire le grand nombre de conscrits qui vient d’y arriver. Je vous recommande cet objet, qui est des plus importants. Renvoyez les majors, officiers; et sous-officiers des 3e bataillons aux dépôts. Donnez l’ordre que les détachements provisoires rejoignent leurs régiments.

 

Varsovie, 2 janvier 1807

ORDRE POUR L’ARMÉE POLONAISE

Le 1e bataillon de chacun des le, 2e, 3e et 4e régiments, complété à 800 hommes présents sous les armes et faisant un total de 3,200 hommes, sous les ordres du général Axamitowski, partiront de leur cantonnement pour se réunir à Bromberg.

Les 5e, 6e, 7e et 8e régiments formeront la 2e brigade sous les ordres du général de brigade Fischer, et cette brigade, également composée du ler bataillon de chaque régiment, complété à 800 hommes, sera de même dirigée sur Bromberg.

Cette force de 6,400 hommes formera la division Dombrowski.

Le 1e régiment de chasseurs à cheval formera son 1e escadron au nombre de 150 chevaux et divisé en deux compagnies.

Le 2e régiment composera de même son 1er escadron.

Ces deux escadrons, forts de 300 hommes, joindront également la division à Bromberg.

La compagnie d’artillerie à pied qui se réunit à Posen servira six pièces, qui lui seront remises par le commandant d’artillerie pour le service de la division.

Le régiment de cavalerie nationale formera trois escadrons, chacun de 120 hommes, et ces escadrons iront également joindre la division Dombrowski à Bromberg.

Cette division sera ainsi portée à une force de 7,000 hommes. Toute la levée noble se rendra également à Bromberg pour former
la cavalerie du général Dombrowski.

Les 2e bataillons des huit régiments seront promptement mis en état de suivre les 1ers.

Les 9e et 10e régiments achèveront leur organisation à Varsovie. Lorsqu’ils seront formés, ils recevront une destination.

 

Varsovie, 2 janvier 1807

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, donnez des ordres au chef d’état-major de l’armée de Naples de dissoudre les bataillons provisoires formés à Bologne et à Rimini, dans le courant d’août dernier, des différents détachements des 3e bataillons des dépôts. Cela n’avait été imaginé que pour envoyer en ordre ces hommes à leurs corps. Cependant, depuis plusieurs mois, ils sont arrivés, et, au lieu de les incorporer, on les laisse subsister sous cette organisation provisoire. C’est la bonne manière de désorganiser une armée. Faites connaître à ce chef d’état-major que je le rends responsable de l’exécution du présent ordre.

 

 Varsovie, 2 janvier 1807

Au roi de Hollande

Vous accordez bien de la confiance à l’ancien colonel du 21e d’infanterie légère; je doute qu’il la mérite. Il a laissé son régiment dans un mauvais état, et de forts soupçons de dilapidation planent sur lui.

Je pense que vous avez eu tort de créer des maréchaux; cela a l’inconvénient de dépenser beaucoup d’argent et de donner bien des prétentions à des hommes qui ont fait peu de chose. Croyez-vous qu’un général de division français voudrait être commandé par un maréchal hollandais ? Vous singez l’organisation de la France, lorsque vous vous trouvez dans des circonstances très-différentes. Commencez donc par établir une conscription et avoir une armée.

 

Varsovie, 2 janvier 1807

Au général Clarke

Je reçois votre état de situation du 26. J’y vois que la division Espagne n’est pas encore partie. J’y vois aussi que vous avez beaucoup de chevaux de la compagnie Breidt, qui seraient bien plus utiles à l’armée qu’à Berlin. J’approuve ce que vous avez fait pour le prince Auguste; c’était une mauvaise chose que sa présence à Berlin. Ce que vous avez fait également pour le général me parait bien. Réitérez ces mesures de manière à éloigner de Berlin tous les aliments de discorde et de trouble. Si la situation des affaires se prolonge, il est prudent de penser à la possibilité d’un moment d’hésitation.

 

Varsovie, 2 janvier 1807

Au général Clarke

Voyez M. la Bouillerie et faites-lui connaître que j’ai besoin d’argent et que je désire qu’il m’expédie en toute diligence sept à huit
millions sur Varsovie, en argent et en or; mais point de cuivre.

Travaillez avec lui pour savoir si ses papiers sont au courant. J’aurais besoin d’un état qui me fit connaître la situation du recouvrement des contributions, tant ordinaires qu’extraordinaires. A Cassel, Baireuth et dans tous les pays conquis, on a fait des recouvrements
considérables.

Pressez les envois d’argent, parce que j’en ai grandement besoin.

 

Varsovie, 2 janvier 1807

A M. de Thiard, à Dresde

J’ai reçu votre lettre du 20 décembre. Je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’on remplace 600 hommes à cheval par une quantité proportionnée d’infanterie. Je vous laisse le maître de traiter cette affaire; mais je désirerais que le contingent pût partir avant le 15 janvier. Je ne vois pas également de difficulté à ce que les officiers d’infanterie saxons conservent leurs chevaux, si tel est leur usage. Poussez le départ de cette division saxonne autant que possible. Du moment que cette affaire sera finie, je vous appellerai à l’armée.

 

Varsovie, 2 janvier 1807

A l’Impératrice à Mayence

J’ai reçu ta lettre, mon amie. Ta douleur me touche; mais il faut bien se soumettre aux événements. Il y a trop de pays à traverser depuis Mayence jusqu’à Varsovie; il faut donc que les événements me permettent de me rendre à Berlin, pour que je t’écrive d’y venir. Cependant l’ennemi battu s’éloigne; mais j’ai bien des choses à régler ici. Je serais assez d’opinion que tu retournasses à Paris, où tu es nécessaire. Renvoie ces dames qui ont leurs affaires; tu gagneras d’être débarrassée de gens qui ont du bien te fatiguer.

Je me porte bien. Il fait mauvais. Je t’aime de cœur.

 

Pultusk, 3 janvier 1807

Au général Dejean

Monsieur Dejean, j’ai reçu votre rapport du 18 sur les dépôts des régiments de cavalerie au 1er décembre, duquel il résulte qu’au 1er janvier il y aura 4,700 chevaux à ces dépôts et, à l’effectif, 6,700 hommes, en supposant tous les conscrits rentrés. Je désire que vous me renvoyiez le même état avec une colonne de plus qui fasse connaître la situation réelle au 1er janvier, et le nombre des conscrits que doit recevoir chaque régiment sur la conscription de 1807. Je crois que j’ai destiné près de 10,000 hommes pour la cavalerie; ce serait donc 16,000 hommes qu’aurait la cavalerie dans le courant de l’année. Comme je n’ai que 4 ou 5,000 chevaux, ce serait 7 ou 8,000 à envoyer à l’armée. Je suis du reste très-content de cet état, qui me paraît clair. Dans la colonne des conscrits de 1806, je ne sais pas si la réserve de 1806 est comprise. Je suis porté à croire que non, puisqu’elle ne présente que 5,000 hommes pour toute la cavalerie. Vous aurez soin de faire lever tout doute sur cet objet. On se plaint beaucoup de l’habillement. Les draps n’arrivent pas et les conscrits ne sont pas habillés. Cependant, par les renseignements que je reçois, il paraît que cette partie va mieux en Italie.

 

Varsovie, 3 janvier 1807

NOTE POUR L’INTENDANT GÉNÉRAL

Il parait que nous avions 8,000,000 de rations de vin ou eau-de- vie à Stettin, c’est-à-dire pour l’armée pendant cent jours.

2,900,000 rations sont déjà parties pour Küstrin.

500,000 – pour Bromberg.

Sur les 2,900,000 rations, 1,800,000 rations sont parties pour Posen, où elles doivent être arrivées à l’heure qu’il est; il n’en reste donc plus à Küstrin que 1,100,000.

Il en reste à Stettin 4,600,000 rations. Il paraîtrait convenable d’en diriger encore 1,000,000 de rations sur Küstrin, 600,000 rations en droite ligne sur Posen, et 3,000,000 de rations sur Bromberg, partie pour venir à Varsovie et partie pour rester à Thorn.

Alors les 8,000,000 de rations que nous avions à Stettin se trouveraient partagées ainsi : 3,900,000 rations arrivées à Küstrin et de là filées sur Posen et sur Varsovie; 4,000,000, filées directement sur Bromberg pour remonter la Vistule.

Il faut avoir soin qu’il reste toujours 1 000,000 de rations à Küstrin.

Il ne faut faire venir de Glogau que de la farine et point de blé.

Indépendamment des demandes de farine de Glogau sur Varsovie, il faudrait faire fabriquer 9,000 rations de biscuit par jour à Glogau pour Varsovie, autant à Stettin, autant à Küstrin et autant à Spandau. Cette fabrication éparpillée serait insensible et pourrait, selon les événements, être d’une grande ressource.

Mais c’est surtout à Varsovie, Posen, Bromberg et Thorn qu’il faut confectionner : 10,000 rations par jour à Varsovie, 3,000 à Posen, autant à Kalisz, à compte sur les magasins.

Il faut passer sans délai le marché pour 16,000 quintaux de froment à tirer de la Galicie. On pourrait même faire des marché pour 8,400 autres quintaux de farine également de froment; il y a des moyens de monture en Galicie; ainsi ce serait un marché de 24,000 quintaux, au lieu de 16,000. Mais la grande affaire, c’est le temps; il faut que les versements de farines se fassent par 3 ou 400 quintaux dans les époques les plus rapprochées; les versements de grains également : il faut qu’à chaque retard d’un jour d’un versement il y ait une retenue; quand le calcul de cela porterait à dépenser 10,000 francs de plus, puisque nécessairement cela augmentera prix de la denrée, ce serait 10,000 francs bien employés.

Si la Galicie avait des moyens de mouture tels que l’on pût conclure tout en farine sans porter un trop grand retard dans les versements, ce serait encore meilleur, car avec de la farine on vit.

J’ai autorisé un un marché de 24,000 quintaux de froment au lieu 16,000 qui étaient demandés, parce que je désire que 8,000 soient versés à Pultusk.

Ainsi, en résumant, l’intendant général passera sans délai un marché de 24,000 quintaux de froment ou farine à condition que cela sera acheté dans la Galicie; le tiers de tous les versements se fera à Pultusk, et nécessairement cette partie sera plus chère.

Pour Pultusk, du moment que le pays où est l’armée sera organisée, il faudra faire là une réquisition de blé et de seigle; si même la rivière ne gelait pas, on pourrait en tirer de plus loin.

Il faut envoyer à Pultusk un garde-magasin et un constructeur de fours et de quoi faire 30,000 rations par jour.

L’intendant chargera deux agents des subsistances de parcourir chaque cercle, d’avoir une conférence avec l’administration et de faire connaître quand les transports commenceront; il est probable même que ces moyens ne suffiront pas, et qu’il faudra nommer un officier avec quelques gendarmes ou cavaliers par cercle pour entretenir une correspondance et presser les neuf cercles de verser ici. Pour aujourd’hui il n’y a qu’à se contenter de ces agents et les faire partir pour qu’ils parcourent chacun quatre cercles; ils passeront un jour dans chaque cercle et rendront compte de leurs opérations.

Dans les dispositions actuelles on vient de pourvoir à la subsistance des corps des maréchaux Lannes et Davout; ceux du prince de Ponte-Corvo et Ney tireront de Thorn; il reste donc les corps des maréchaux Augereau et Soult auxquels on n’a pas encore pourvu. Le maréchal Soult doit établir sa manutention, son magasin et son hôpital à Plock; le maréchal Augereau, à Wyszogrod sur la Vistule. Indépendamment de ce, le maréchal Soult pourra établir plusieurs petits magasins sur la ligne, et ces magasins s’approvisionneront des réquisitions sur la rive droite de la Vistule; mais aussi ils tireront des magasins de Kowal et de Blonie (Kowal, le maréchal Soult, Blonie, le maréchal Augereau). Pour cela il faut que ces magasins se trouvent approvisionnés; il faut donc écrire au commandant et à l’intendant des départements de Posen, Kalisz et Bromberg, qu’il faut que, tous les jours, ils se fassent rendre compte de ce qui sera porté, et qu’ils prennent les mesures les plus vigoureuses pour que les magasins s’approvisionnent.

Ainsi, pendant l’hiver, l’armée se nourrira de six magasins : Varsovie, Pultusk, pour le maréchal Davout; Wyszogrod, pour le maréchal Augereau; Plock, pour le maréchal Soult; Thorn, pour le maréchal Ney; Bromberg, pour le maréchal Bernadotte.

Il faut qu’il y ait dans chacun de ces endroits des fours pour nourrir leurs corps d’armée. Il faut que les ressources locales soient utilisées pour former ces magasins avec 800 quintaux de froment pour le magasin de Pultusk, provenant d’un marché, et un secours tiré du magasin de Blonie pour Wyszogrod, et un du magasin de Kowal pour Plock. Une fois ce service monté, il serait facile à chaque corps d’armée de se procurer, en quinze ou vingt jours de temps, quatre jours de biscuit de réserve.

On fera comprendre que je veux que les magasins soient sur la Vistule, afin de pouvoir les transporter promptement sur la rive gauche; ce qui n’empêche pas d’établir un, deux ou trois petits magasins journaliers à la tête des cantonnements.

 

Varsovie, 3 janvier 1807

NOTE POUR L’INTENDANT  GÉNÉRAL

J’avais confisqué tout le vin qui se trouvait à Varsovie; j’ai promis de le payer, ce qui est juste; me faire savoir si on en a fait une évaluation raisonnable, afin d’en ordonner le paiement.

Un Juif s’était offert pour fournir, de la Galicie, tout le vin qu’on voudrait; savoir si on a fait un marché avec lui, et où cela en est

Il faudrait faire un marché pour l’eau-de-vie de vin.

 

Varsovie, 3 janvier 1807

NOTE POUR L’INTENDANT GÉNÉRAL

Il résulte du travail d’aujourd’hui que, d’ici au 10 janvier, j’aurai six millions ni caisse. L’intendant général me remettra demain matin ce qu’il faut pour payer novembre à l’armée et pour payer décembre aux officiers. Il faut toujours qu’il reste trois millions en réserve dans la caisse à Varsovie pour des événements extraordinaires; les réserver en or, si faire se peut. Je veux avoir au quartier général un payeur, avec 4 ou 500,000 florins.

 

Varsovie, 3 janvier 1807

Au général Clarke

Je vous envoie un état de situation que m’a remis M. Daru. Je vous prie de me le renvoyer avec des notes sur chaque somme, après avoir fait un long travail avec M. la Bouillerie. J’ai besoin de beaucoup d’argent. Voyez que M. la Bouillerie m’expédie une douzaine de millions. Cet état porte que treize millions en numéraire ont déjà  été versés dans la caisse deM. la Bouillerie , et neuf en effets. Vingt-deux millions me seraient fort utiles. Je crois que là-dessus il n’a encore envoyé que cinq millions. Donnez-moi tous les éclaircissements qui pourraient me faire connaître de quelle nature sont les neuf millions en effets qui ont été reçut .Le Mecklenburg, le Hanovre ne sont pas là-dessus. Je crois que les États prussiens n’ont payé, sur cent trente-cinq millions qu’ils devaient payer, que quatre millions; pressez donc les recouvrements de Berlin, Magdeburg, Stettin, car enfin il faut de l’argent, La contribution de Saxe doit, à l’heure qu’il est, être toute rentrée, partie en argent, partie en lettres change; idem celle de Saxe-Weimar.

Pour l’imposition ordinaire des États prussiens, vous verrez qu’ils ne m’ont rendu encore qu’un million. Les mois d’octobre, novembre
et décembre devraient me rendre davantage, le sel, le tabac, les impositions directes, les domaines nationaux et autres objets.

Renvoyez-moi le même état, avec toutes les observations et éclaircissements que vous pourrez y joindre. Puis-je compter que votre gouvernement pourra me rendre huit millions par mois ?

 

Varsovie, 3 janvier 1807

48e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Le général Corbineau, aide de camp de l’Empereur, est parti de Pultusk avec trois régiments de cavalerie légère pour se mettre à la suite de l’ennemi. Il est arrivé le 1er janvier à Ostrow, après avoir occupé Brok. Il a ramassé 400 prisonniers, plusieurs officiers et plusieurs voitures de bagages.

Le maréchal Soult, ayant sous ses ordres les trois brigades de cavalerie légère de la division Lasalle, borde la petite rivière d’Orzyca, pour mettre à couvert les cantonnements de l’armée. Le maréchal Ney, le maréchal prince de Ponte-Corvo et le maréchal Bessières, ont leurs troupes cantonnées sur la gauche. Les corps d’armée des maréchaux Soult, Davout et Lannes occupent Pultusk et les bords du Bug.

L’armée ennemie continue son mouvement de retraite.

L’Empereur est arrivé le 2 janvier à Varsovie, à deux heures après midi.

Il a gelé et neigé pendant deux jours; mais déjà le dégel recommence, et les chemins, qui paraissaient s’améliorer, sont devenus aussi mauvais qu’auparavant.

Le prince Borghèse a été constamment à la tête du 1er régiment de carabiniers qu’il commande. Les braves carabiniers et cuirassiers brillent d’en venir aux mains avec l’ennemi; mais les divisions de dragons qui marchent en avant, ayant tout enfoncé, ne les ont pas mis dans le cas de fournir une charge.

Sa Majesté a nommé le général la Riboisière général de division et lui a donné le commandement de l’artillerie de sa Garde. C’est un officier du plus rare mérite.

Les troupes du grand-duc de Würzburg forment la garnison de Berlin. Elles sont composées de deux régiments qui se font distinguer par leur belle tenue.

Le corps du prince Jérôme assiége toujours Breslau. Cette belle ville est réduite en cendres. L’attente des événements, et l’espérance qu’elle avait d’être secourue par les Russes, l’ont empêchée de se rendre. Mais le siège avance. Les troupes bavaroises et wurtembergeoises ont mérité les éloges du prince Jérôme et l’estime de l’armée française.

Le commandant de la Silésie avait réuni les garnisons des places qui ne sont pas bloquées et en avait formé un corps de 8,000 hommes, avec lequel il s’était mis en marche pour inquiéter le siège de Breslau.

Le général Hédouville, chef de l’état-major du prince Jérôme, a fait marcher contre ce corps le général Montbrun, commandant les Wurtembergeois, et le général Minucci, commandant les Bavarois. Ils ont atteint les Prussiens à Strehlen , les ont mis dans une grande déroute, et leur ont pris 400 hommes, 600 chevaux, et des convois considérables de subsistances que l’ennemi avait le projet de jeter dans la place. Le major Hirscher, à la tête de 150 hommes des chevau-légers de Linange, a chargé deux escadrons prussiens, les a rompus, et leur a fait 36 prisonniers.

Sa Majesté a ordonné qu’une partie des drapeaux pris au siège à Glogau fût envoyée au roi de Wurtemberg, dont les troupes se sont emparées de cette place. Sa Majesté, voulant aussi reconnaître la bonne conduite de ces troupes, a accordé au corps de Wurtemberg dix décorations de la Légion d’honneur.

Une députation du royaume d’Italie, composée de MM. Prina, ministre des finances et homme d’un grand mérite, Renier, podestat de Venise, et Guastavillani, conseiller d’État, a été présentée aujourd’hui à l’Empereur.

Sa Majesté a reçu le même jour toutes les autorités du pays, et les différents ministres étrangers qui se trouvent à Varsovie.

 

Varsovie , 4 janvier 1807

A M. Cambacérès

Je reçois votre lettre du 22. J’ai reçu, depuis, plusieurs dépêches de Constantinople, avec des lettres du Grand Seigneur, qui parait décidé à se défendre, et déjà les armées turques sont entrées à Bucarest.

 

Varsovie, 4 janvier 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, mon intention est de disposer de 500,000 francs par mois, pendant l’année 1807, pour faire travailler les manufactures. De quelle manière cette somme doit-elle être employée pour remplir mon but et être le moins onéreuse au trésor public ? C’est ce que je désire que vous discutiez dans un conseil où vous appellerez les ministres, les présidents du Conseil d’État et les autres personnes que vous jugerez convenable d’y appeler. Le procès-verbal de ces séances me sera envoyé.

Il faudrait établir un grand magasin des objets qui, pendant la guerre, n’auraient plus d’écoulement à l’étranger, pour les revendre ensuite à la paix, ou, enfin, prendre tout autre moyen que votre prudence et celle du conseil vous suggéreront. Indépendamment, j’ai destiné 2,000,000 sur le trésor de la Couronne, à être employés en achats d’étoffes et d’autres objets d’ameublement propres aux châteaux de Compiègne, Fontainebleau. Le trésor de la Couronne supportera ces frais, qui ne seront qu’une avance.

 

Varsovie, 4 janvier 1807

A M. de Champagny

Monsieur Champagny, j’ai porté, dans la distribution de janvier, 500,000 francs pour faire travailler les manufactures. Je désire qu’un conseil soit assemblé chez M. l’archichancelier, et que l’on discute de quelle manière cet argent doit être employé pour remplir le but que je me propose. J’accorde les deux millions que vous me demandez pour la ville de Lyon; ils seront payés par le trésor de la Couronne et employés an profit du garde-meuble. J’accorde un million pour les manufactures de Rouen et des autres villes qui peuvent fournir des objets à l’ameublement de mes palais. Voici ce que je désire que vous fassiez pour cela : vous ferez appeler M. Desmasis, administrateur du garde-meuble, et M. Fontaine, mon premier architecte, et vous ferez faire le travail des commandes pour l’ameublement de palais de Compiègne et même de celui de Versailles. Les prix seront discutés et réglés de manière que je n’y perde rien, et que mon garde-meuble ait pour trois millions de valeurs dans l’année. Comme je n’habiterai pas Versailles de plusieurs années, et que je n’avais point l’objet de meubler cette année le château de Compiègne, ce sera une avance que fera le trésor de la Couronne pour faire travailler les manufactures. Je vous laisse le maître, en suivant dans ce travail le but que je me propose de meubler mes palais, de faire ce que vous jugerez se concilier avec l’encouragement des manufactures qui en auront besoin, de manière qu’où il aurait été possible de mettre une chose on en mette une autre, si cette chose tient à une branche qui a besoin d’encouragement. Indépendamment de cela, s’il est des manufactures qui puissent fournir à la toilette de l’Impératrice et qui demandent un encouragement particulier, je ne me refuserai pas, sur la demande que vous m’en ferez, à en faire les fonds et à faire cette année des emplettes que l’on n’aurait faites que dans d’autres temps. Je crois donc, par ces dispositions, avoir surpassé vos demandes.

Je m’en repose sur vous pour que tout soit fait de manière qu’il y ait aucune perte ni pour le trésor public, ni pour le trésor de la Couronne.

 

Varsovie, 4 janvier 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, vous trouverez ci-joint une lettre que j’écris au ministre des finances et que vous lui ferez remettre. J’y joins un rapport qu’il m’a fait.

Les hôtels des monnaies ne travaillent plus; toutes les pièces rognées sont fondues. Le moment paraîtrait donc arrivé de démonétiser l’ancienne monnaie.

Faut-il commencer par démonétiser l’or, les pièces de 6 livres, commencer par les pièces de 3 livres et au-dessous ? Voilà la première question qui doit occuper le conseil.

Deuxième question : Quels sont les inconvénients attachés au système du ministre des finances ? Est-il préférable de déclarer toutes les pièces démonétisées et d’en faire supporter les frais par le trésor public ? Peut-on évaluer ces frais ?

Troisième question : Ces matières ne donnent-elles pas constamment lieu à des mécontentements, et ne vaut-il pas mieux attendre la paix pour s’en occuper ? Par quels moyens peut-on alors pourvoir, sans toucher à la question générale, à donner de l’occupation aux hôtels des monnaies ? Combien y en a-t-il en France, et combien faut-il que chacun fabrique pour être raisonnablement occupé ?

Voila les questions que le conseil doit agiter.

 

Varsovie, 4 janvier 1807

A M. Gaudin

J’ai lu votre rapport du 21 décembre, par lequel il me paraît que vous désirez que la refonte des monnaies soit faite aux frais du trésor public. Vous évaluez ce qu’il en coûterait au trésor à une trentaine de millions, et vous proposez d’affecter cette année deux millions pour cet objet. Ne serait-il pas plus simple de démonétiser telle espèce de pièces ? Ainsi, par exemple, si les pièces de 24 sous et de 12 sous sont les pièces le plus en mauvais état, et s’il n’y eu a en circulation que vingt-cinq à trente millions, ne pourrait-on pas déclarer que les particuliers aient à les porter à la Monnaie pour être fondues ? Ils supporteraient une perte d’un ou deux pour cent, ce qui serait très-peu de chose, et le trésor n’en ferait aucune. On pourrait faire la même chose successivement pour les autres pièces, et en peu de temps on aurait refondu toutes nos monnaies sans qu’il en coûtât rien. Il me semble que c’est le principe qu’on avait adopté en l’an XI. Ainsi donc je serais d’avis de décréter que toutes les pièces de 12 sous, de 24 sous, de 3 livres, cesseraient d’être reçues à dater de telle époque. Vous pensez qu’il n’existe de pièces de 3 livres, de 24 sous, de 12 sous et de 6 sous que pour cent quatre-vingt-deux millions. On pourrait démonétiser les pièces de 6 sous, 12 sous et 24 sous, ce qui ferait cinquante millions. Au reste, il faut tenir un conseil pour discuter cet objet, où seraient appelés MM. Defermon, Bérenger, Treilhard, les ministres du trésor public et de la police, et M. l’architrésorier. J’en écris à M. l’archichancelier.

 

Quartier impérial, Varsovie , 4 janvier 1807

Au vice-amiral Decrès

Les états de situation que vous m’envoyez ne me sont pas commodes. Faites-moi-les faire dorénavant dans la forme suivante :

1er feuillet : les escadres et vaisseaux partis et non rentrés;
2e               en partance;
3e               les protections des côtes;
4e               les constructions.

L’ordre que vous suivez peut avoir des avantages, mais ce n’est pas celui qui m’est le plus commode.

Il faudrait donner des ordres pour que l’escadre de Willaumez put se réunir dans un port d’Amérique. S’il pouvait se réunir à la Havane, ce serait avantageux. Qu’il tâche, au moins, de se réunir dans même port d’Amérique.

Il me semble qu’il avait été décidé qu’on mettrait à Flessingue deux vaisseaux en construction au lieu d’un.

Faites quelque part mettre un vaisseau à trois ponts en construction, que vous appellerez Iena.

Il n’y a que 9 vaisseaux en construction à Anvers; il me semble qu’il devrait y en avoir 12. Il n’y a que 3 vaisseaux en construction à Rochefort; il devrait y en avoir 6. Il n’y en a que 4 à Toulon; il faudrait tâcher d’en mettre un cinquième à trois ponts. Le Superbe avance bien peu à Gènes. Tâchez que j’aie pour le mois de mai 40 vaisseaux de guerre.

Il me semble qu’avec un peu d’activité le moment approche nous devons avoir 8 ou 10 vaisseaux de guerre à Flessingue. Le roi de Hollande pourrait en fournir 10 ou 12. Une vingtaine de vaisseaux à Flessingue, avec une centaine de transports hollandais, seraient, ce me semble, des moyens fort puissants contre l’Angleterre. Si l’escadre qui bloquerait Flessingue était chassée par les mauvais temps ou déjouée par les longues nuits, l’Angleterre courrait grande chance. Le port de Flessingue peut-il contenir 20 vaisseaux de guerre ? Il me semble que, cette année, nous pouvons y avoir 8 vaisseaux, et 4 ou 5 autres une autre année.

Je vous ai déjà fait connaître, je crois, que je voyais avec peine mes vaisseaux à Cadix. Il ne serait pas de peu d’importance, même pour la guerre continentale, de donner quelque inquiétude aux Anglais pour leurs colonies.

Si les circonstances rendent tout mouvement impossible, j’espère qu’au mois d’avril j’aurai 6 vaisseaux en rade de Toulon, 5 en rade de Cadix, et 6 avec le vaisseau que le roi d’Espagne a joint à l’escadre, 7 en rade de Rochefort, 4 en rade de Lorient et 7 en rade de Brest, indépendamment des 5 qui y sont inactifs.

 

Quartier impérial, Varsovie, 4 janvier 1807

ORDRE DU JOUR

Sa Majesté, considérant que les officiers de la Grande Armée qui sont en Pologne ne peuvent trouver aucune facilité chez les habitants, ordonne qu’à dater du 1er janvier 1807 il soit payé chaque mois, auxdits officiers, une indemnité dans la proportion suivante :

Aux colonels commandant un régiment d’infanterie, de cavalerie ou d’artillerie, 500 francs par mois;

A chaque chef de bataillon ou d’escadron commandant un bataillon ou escadron, soit des troupes d’artillerie on du génie, 200 francs par mois;

Aux capitaines commandant une compagnie, 120 francs par mois ;

Aux lieutenants ou sous-lieutenants, 100 francs par mois;

Les adjudants, commandants, les colonels qui ne commandent point de régiment, soit employés aux états-majors, soit comme aides de camp, 250 francs par mois;

Les chefs de bataillon ou d’escadron qui ne commandent point de bataillon et d’escadron, et qui sont employés soit aux états-majors, soit comme aides de camp, 150 francs par mois;

Les capitaines adjoints à l’état-major, 120 francs par mois;

Les sous-inspecteurs aux revues, commissaires ordonnateurs et commissaires des guerres, toucheront par mois l’indemnité accordée aux officiers qui ne commandent point de troupes, dans la proportion de l’indemnité accordée au grade auquel ils correspondent par les règlements militaires.

Les traitements ci-dessus n’auront lieu que pendant le séjour des officiers en Pologne.

Le chef de bataillon qui commandera momentanément un régiment touchera en plus, pendant le temps qu’il le commandera, l’indemnité accordée aux colonels.

Le capitaine qui commandera momentanément un bataillon touchera, pendant le temps qu’il le commandera, l’indemnité accordée aux chefs de bataillon.

Dans l’indemnité de 500 francs accordée aux colonels, il sera fait déduction des 1,800 francs qu’ils reçoivent à titre de frais de représentation.

Le payeur de chaque corps d’armée est autorisé à payer, le 30 de chaque mois, sur la revue de l’inspecteur aux revues, les indemnités ci-dessus. Le double de la revue sera adressé à l’intendant général, qui l’adressera au major général, ministre de la guerre, qui expédie les ordonnances définitives.

 

Varsovie, 4 janvier 1807

ORDRE QUI NE SERA POINT MIS DANS L’ORDRE DU JOUR.

Nous ordonnons qu’il soit accordé, à dater du 1er janvier 1807, un traitement extraordinaire aux maréchaux de l’Empire et aux généraux de la Grande Armée qui sont en Pologne, dans la proportion ci-après déterminée :

A chaque maréchal de l’Empire, 10,000 francs par mois;

Au général commandant l’artillerie de l’armée : 5,000 francs par mois;

Au général commandant le génie de Farinée, 5,000 francs par mois;

A chaque général de division commandant une division, d’infanterie, soit de cavalerie, ou d’artillerie d’un corps d’armée 3,000 francs par mois;

A chaque général de brigade commandant une brigade, soit d’infanterie, soit de cavalerie, ou commandant l’artillerie ou le génie d’un corps d’armée, 3,000 francs par mois; les généraux de division ou de brigade chefs d’état-major, qui touchent l’indemnité de chef d’état-major, n’ont point droit à celle accordée ci-dessus;

Aux généraux de division qui ne commandent pas de division de troupes, 1,000 francs par mois;

Aux généraux de brigade qui ne commandent pas de brigades de troupes, 500 francs par mois;

Les inspecteurs en chef, les ordonnateurs en chef jouiront de l’indemnité accordée aux généraux qui ne commandent point de troupes en suivant la proportion de la gratification du grade auquel ils sont assimilés par les règlements militaires.

Le général de division qui ne commanderait qu’une brigade ne jouirait que de l’indemnité accordée aux généraux de brigade.

Le colonel qui commanderait momentanément une brigade jouirait pendant qu’il la commanderait, de l’indemnité accordée aux généraux de brigade.

L’intendant général de l’armée fera dresser, le 30 de chaque mois, un état en forme de revue, qui sera arrêté et ordonnancé chaque mois par notre major général, ministre de la guerre, après avoir été soumis à notre approbation.