Correspondance de Napoléon – Janvier 1806

 Stuttgart, 20 janvier 1806

DÉCISION

Badelart, valet de chambre de la reine de Wurtemberg, expose à l’Empereur qu’il possède en France, sur la route de Ville-d’Avray, une maison dont le préfet de Versailles a ordonné la démolition. Renvoyé au ministre de l’intérieur, pour ordonner que, si le service public exige la démolition de cette maison, il n’y soit procédé qu’après que le propriétaire aura été entièrement indemnisé.

 

Stuttgart, 20 janvier 1806

A M. Lebrun

Mon Cousin, le prince Joseph, mon lieutenant, commande en chef mon armée de Naples. Le prince Eugène, que j’ai adopté pour mon fils, et que j’ai marié avec la princesse Auguste de Bavière, part le 20 de Munich pour retourner en Italie. Outre sa qualité de vice- roi, qui lui donne le commandement dans mon royaume d’Italie, il a le commandement des États de Venise et le commandement en chef de mon armée dans ces États et dans mon royaume d’Italie.

Le général Junot part cette nuit pour se rendre à Parme avec le titre de gouverneur général ayant l’administration civile et militaire des duchés de Parme et de Plaisance. Je lui ai donné des instructions pour faire de sévères exemples.

Faites-moi connaître les bâtiments de guerre qui sont à Gênes, et pourquoi le Gênois n’est pas encore armé. Procurez-moi donc des matelots.

 

Karlsruhe, 21 janvier 11806

Je pars demain matin pour Strasbourg. J’ai reçu les lettres du Sénat et du Tribunat. J’ai convoqué le Corps législatif pour le 11 mars. On me dit que le prince Louis a donné l’ordre de dissoudre l’armée du Nord. Je ne sais où il a pris cela. Je serai, comme vous le voyez, dans peu de jours à Paris; il me tarde fort d’y être arrivé.

 

Karlsruhe, 21 janvier 1806

A M. Barbé-Marbois

J’arriverai à Paris sous peu de jours. J’espère, à mon arrivée trouver mon portefeuille d’obligations garni , et il doit l’être. Il est de règle fondamentale que rien n’a dû en sortir sans mon autorisation , et qu’aucun payement n’a dû se faire à la trésorerie que sur ordonnances de mes ministres.

 

Karlsruhe, 21 janvier 1806

A M. Otto

Monsieur Otto, il se commet des abus de toute espèce en Souabe; le plus fort victime le plus faible. Je désire qu’après vous être concerté avec les ministres de Bavière, de Wurtemberg et de Bade, et avoir mûrement pesé les expressions du traité de paix et de mes différents traités avec ces trois princes, vous m’envoyiez un projet de décret pour la mise de chacun en possession du pays qu’il doit occuper. Partez du principe que, jusqu’à cette heure, c’est moi qui occupe tout, puisque ces pays sont tous conquis sur l’Autriche. Dans ce projet de décret, mettez un second titre pour la noblesse immédiate. Envoyez-moi ce travail le plus tôt que vous pourrez, mais faites-le avec soin ; cela mettra fin à tout.

Je vous envoie une note que m’a remise le roi de Wurtemberg, qui pourra vous servir dans votre travail.

 

Karlsruhe, 21 janvier 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, le général Songis a tort de se plaindre; il devait organiser l’artillerie des divisions Dupont et Gazan; du reste, cela ne doit point influer sur l’opinion que j’ai de lui.

Je suis surpris que le corps du maréchal Ney n’ait pas sa solde au courant; on a dû cependant lever de fortes contributions dans le Tyrol et dans le pays de Salzburg. Écrivez au payeur de ce corps, car certainement sa solde doit être plus avancée qu’il n’est dit.

Je vous prie de me faire remettre par M. la Bouillerie le compte général de toutes les contributions rentrées. On en a levé à Salzburg, en Italie, à Trieste. Il faut aussi que les contributions imposées en Souabe, dans l’évêché d’Eichstaedt soient levées avant l’évacuation du pays; il n’y a que les neuf millions du Tyrol dont j’ai fait présent au roi de Bavière pour lui tenir lieu de sa part de contributions. Je suis donc fondé à penser que tout cela réuni formera une somme de plus de soixante millions. Faites-moi un rapport là-dessus.

Moyennant que le corps du maréchal Bernadotte se rendra dans le pays d’Eichstaedt, celui du maréchal Mortier se trouvera à l’aise sur la rive gauche. Cependant, malgré la diminution d’une division de grosse cavalerie et d’une division de dragons, s’il y avait encore de la difficulté, envoyez encore une division de dragons du côté d’Eichstaedt. Je verrai avec plaisir que l’Istrie et la Dalmatie soient remises à mes troupes le plus tôt possible. Mon intention est que l’on n’évacue la ligne de l’Enns que lorsque j’en aurai donné l’ordre.

Quant à vous, à mon arrivée à Paris, je vous expédierai un courrier avec les dispositions dont vous laisserez l’exécution au maréchal Soult, et je vous enjoindrai de revenir à Paris.

Envoyez-moi l’état des cantonnements de l’armée. Tâchez aussi de m’envoyer un état de situation de l’armée d’Italie et de celle de Naples.

L’insurrection de Parme continue. Menou ne se rem pas et a rendu nulles toutes les mesures que j’avais prises pour la tranquillité de l’Italie , en désorganisant mon camp volant d’Alexandrie.

Faites partir un de vos officiers pour se rendre près du corps du général Marmont et des différents corps qui sont en Italie, excepté Naples; il me rapportera à Paris l’état de situation de chaque corps et le lieu où il se trouve; envoyez-en également un à Naples, qui me rapportera des nouvelles de la situation de cette armée.

Je ne sais pourquoi plusieurs intendants civils et commandants militaires ont laissé plusieurs princes prendre possession des pays qui leur reviennent; cependant ils ne devaient le faire que sur mon ordre. Mon intention est de regarder ce qui a été fait comme non avenu.

Faites mettre à l’ordre du jour que les intendants des provinces de la Souabe et les commandants militaires doivent maintenir ces pays sous les mêmes lois qui les régissaient, jusqu’à ce que les princes auxquels ils reviennent en aient été mis en possession. Faites imprimer cet ordre, et envoyez-le partout. Faites mettre aussi à l’ordre du jour que le roi de Bavière sera mis sans délai en possession du Tyrol allemand et italien.

Faites que toutes les troupes de Bavière évacuent Salzburg pour se rendre dans le Tyrol.

 

Karlsruhe, 21 janvier 1806, 4 heures du matin

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, M. de Talleyrand vous expédie un courrier pour régler tout ce qui est relatif à la prise de possession par mes alliés de tout ce qui leur revient en Souabe.

Je pense que, quand le maréchal Bernadotte aura commencer à filer par Eichstaedt, vous devez portez votre quartier général à Munich, afin d’être plus près de moi. J’imagine que votre quartier général doit être dans cette ville avant le ler février.

La Grande Armée existe toujours; vous aurez donc soin que le maréchal Augereau continue de correspondre avec vous et que chacun vous envoie son état de situation, personne ne devant préjuger quels sont mes projets ultérieurs. Vous devez nommer des inspecteurs aux revues ou des officiers, mais d’une probité sûre, pour commissaires pour la prise de possession, laquelle ne doit avoir lieu qu’après des ordres ultérieurs.

 

Karlsruhe, 21 janvier 1806

DÉCISION

Le ministre de la guerre demande à l’Empereur si l’on doit continuer ou suspendre la partie des travaux des fortifications de la tête de pont de Cassel qui avaient été ajournés momentanément. Mon intention est de faire à Cassel des fortifications permanentes. Je désire que les travaux ne soient pas discontinués, afin qu’en les reprenant au printemps ce ne soit pas une nouvelle en Europe. Je désire que l’on concilie ce but avec l’économie. Il n’y a du reste pas d’urgence.

 

Strasbourg, 23 janvier 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je suis arrivé hier au soir à Strasbourg. J’ai reçu votre lettre du 17 janvier. M. Petiet a annoncé une grande quantité de malades sur Strasbourg; mon intention est qu’on n’évacue les hôpitaux de Munich et d’Augsbourg qu’au printemps, ainsi que tous ceux qui sont dans les pays amis en deçà de l’Inn; on y laissera des chirurgiens, et les malades seront soignés dans les pays où ils se trouvent. Cette disposition est de rigueur; je ne veux point exposer une partie de ces malheureux à périr. Les hôpitaux qui sont à Passau et en deçà de l’Inn doivent donc y rester, et avec eux les chirurgiens, administrateurs et commissaires des guerres nécessaires ; on leur laissera, s’il le faut, des fonds pour que les malades ne manquent de rien. Par ce moyen, il ne rentrera que peu de malades dans la 5e division militaire. Il faut aussi que M. Petiet fasse des dispositions pour les hôpitaux dans la 26e division militaire, car une partie assez considérable de l’armée rentrera par là.

Je n’ai jamais eu de renseignements que les 600 prisonniers que les Autrichiens nous ont faits dans les différentes affaires qui ont eu lieu en Allemagne, non plus que les 8 ou 900 qu’ils nous ont faits en Italie, fassent rentrés. Faites-en la demande au plus tôt, et vous soient renvoyés sans délai. Vous m’en ferez un rapport a vous joindrez leur état de situation par corps. Je ne vois pas d’inconvénient à rendre les prisonniers où le demande le prince de Lichtenstein. Il faudrait cependant y comprendre le côté d’Eger, parce que tous ceux qui seraient dans la 26e division militaire auraient plus court de se rendre dans cette direction.

Des 6,000 conscrits du dépôt général dont j’ai ordonné l’envoi en Italie, 1,000 sont déjà partis, et je les ai rencontrés à Rastadt; ils sont nus et habillés en paysans; ils doivent arriver à Vérone. Écrivez au prince Eugène qu’il les distribue entre les six régiments qui sont en Dalmatie et en Istrie et les six régiments du général Marmont; qu’il en prévienne ces corps, pour qu’ils préparent les moyens d’habillement. Le général Marmont, avec son corps d’armée, doit toujours se tenir dans le Frioul, ayant une avant-garde à Monfalcone, tenant son quartier général à Udine et favorisant ainsi la communication avec l’Istrie et la Dalmatie. Les généraux Molitor et Duhesme, qui occupent avec leurs divisions l’Istrie et la Dalmatie, doivent avoir leurs dépôts à portée d’eux.

Le 3e régiment d’infanterie légère doit retourner à Parme, où tout ce corps doit se réunir; le 56e retournera à Alexandrie; le 9e de ligne tiendra garnison à Vérone; le 67e retournera à Gènes. ‘Transmettez ces ordres au prince Eugène pour qu’il les fasse exécuter sur-le-champ, parce que partout il faut un peu de troupes.

 

Strasbourg, 23 jantier 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, mon intention est que vous envoyiez à Gênes le 67e régiment de ligne, le 3e d’infanterie légère à Parme, et le 56e à Alexandrie. Tenez la division de cuirassiers et de dragons à portée de l’Isonzo pour pouvoir soutenir le général Marmont s’il\’5cen besoin, et jusqu’à ce que ce général repasse l’Isonzo et que la Dalmatie et l’Istrie soient occupées.

Je vous envoie les états de situation des armées d’Italie  et de Naples, tels que je les reçois du ministre de la guerre; je crois qu’il y a des erreurs. Je vous prie de me renvoyer les états de ces armées, telles qu’elles se trouvent dans ce moment-ci; adressez-les-moi directement par courrier, car j’ai un grand besoin de savoir net où sont tous les corps. J’ai rencontré hier à Rastadt 1,200 hommes de conscrits du dépôt général de Strasbourg qui ne sont attachés à aucun corps; ils sont dirigés sur l’Italie par Innsbruck; ils sont entièrement nus et habillés en paysans. Ayez à Vérone deux mille vestes, culottes et souliers à leur donner, et, dès le moment de leur arrivée, distribuez- les aux corps qui sont en Istrie et dans la Dalmatie. J’ai ordonné qu’on vous envoyât 6,000 conscrits extraordinaires du dépôt général, n’étant affectés à aucun corps; il va vous en arriver certainement 3,000. J’ai donné ordre que les autres soient habillés en partant de Strasbourg. Ayez soin que tous les conscrits d’un même département soient mis dans les corps qui ont recruté dans ce département, afin que les conscrits du même département soient ensemble. Faites-en faire un état de répartition en règle et adressez-le au ministre de la guerre, afin qu’on sache toujours ce que sont devenus les conscrits.

Dandolo est un homme d’esprit qui a de l’énergie et de la probité; il n’y a point d’inconvénient à l’employer dans Venise.

Faites-moi connaître la force de la légion corse et l’endroit où elle se trouve. Veillez bien à ce que Palmanova soit armée, palissadée et approvisionnée; faites-y transporter une partie du biscuit que vous avez à Mantoue, sans cependant déranger encore les approvisionnements de siège de cette place. Vous pourriez nommer, pour commander à Palmanova, le général de brigade qui est à Peschiera. Assurez-vous que les citernes et les eaux sont en abondance à Palmanova, et organisez tous les magasins.

Faites approcher du Frioul tous les dépôts appartenant aux corps qui sont en Istrie et en Dalmatie. Le général Sorbier commandera en chef votre artillerie.

 

Strasbourg, 24 janvier 1806

A M. Fouché

Veillez à ce qu’on ne mette point dans les journaux le ridicule bulletin de M. Lebrun sur les affaires de Parme, tant pour l’honneur d’un grand dignitaire que pour l’inconvénient d’un pareil bulletin. Bon Dieu ! que les hommes de lettres sont bêtes ! Ce n’est que d’aujourd’hui que je suis convaincu de l’incapacité d’un homme qui a d’ailleurs de si beaux talents et une si belle plume.

 

Strasbourg. 24 janvier 1806

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je vous envoie un bulletin de M. Lebrun. Dites-moi, en confidence, s’il a perdu la tête : je commence à le croire. Bon Dieu ! que les hommes de lettres sont bêtes ! Tel qui est propre à traduire un poème n’est pas propre à conduire 15 hommes. Rien ne m’étonne, depuis que je suis né, comme la conduite de M. Lebrun depuis qu’il est à Gênes.

 

Strasbourg, 24 janvier 1806

A M. Lebrun

Je viens de lire un bulletin signé de vous, intitulé, Insurrection du Plaisantin. Je ne puis que vous témoigner mon extrême mécontentement du peu de jugement qu’il y a dans cet écrit; il est aussi ridicule que déplacé. Vous n’avez point le droit de rendre compte au public, mais à moi seul. En vérité, je ne vous reconnais plus, permettez-moi de vous le dire avec franchise. Vous n’êtes point à Gênes pour écrire, mais pour administrer. Quant à Parme, c’est dans la 28e division militaire : c’était à M. Montchoisy à s’y porter et à réprimer les germes de rébellion, ce qui eût bien mieux valu que tout ce vain bavardage. Vous avez l’art de faire d’une babiole une chose qui réjouira beaucoup tous mes ennemis en Europe. Je vous défends expressément de rien imprimer, de faire aucune espèce de proclamation; tout cela n’est que ridicule. Toute cette affaire du duché de Parme était tout au plus digne d’un rapport de capitaine de gendarmerie.

 

Strasbourg, 24 janvier1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je vous envoie la copie des ordres que j’expédie pour que vous soyez au fait de tous mes mouvements. Mes affaires avec la Prusse ne sont pas entièrement terminées, et mon intention est de tenir 40,000 hommes à Francfort, jusqu’à ce que les Russes aient évacué la Silésie et les pays qu’ils occupent.

Je donnerai des ordres aux régiments de cavalerie et au corps d’1armée qui sont à Eichstaedt, dès que je serai instruit de leurs mouvements. Faites-moi connaître la direction que j’ai donnée à la division batave, et le jour où elle arrivera à la hauteur de Mayence ou de Francfort. Tracez une route d’Ingolstadt à Mayence. Vous sentez que, jusqu’à ce que j’aie vu à Paris M. de Haugwitz, il est nécessaire que vous restiez à Munich et que vous soyez à portée de faire exécuter tous les ordres que je vous adresserai.

Je désire donc que vous renvoyiez à Paris votre bureau du mouvement, et tout ce qui appartient aux bureaux de la guerre, pour que le ministère reste entier; et j’eu confierai la signature probablement à Gassendi du moment que j’arriverai à Paris. Comme c’est surtout des états de situation que j’ai besoin, renvoyez dès aujourd’hui en poste tout ce qui est inutile à l’armée.

Faites connaître aux commandants des troupes de Wurtemberg, de Bavière et de Bade, que, jusqu’à ce que l’armée française ait évacué l’Allemagne, et que les conditions de la paix soient entièrement accomplies, il est nécessaire qu’ils tiennent leurs troupes mobiles, de manière qu’on pût en ordonner la réunion sur-le-champ, si cela devenait nécessaire.

 

Strasbourg, 24 janvier 1806

Au maréchal Kellermann

Mon Cousin, faites partir sur-le-champ pour Darmstadt 200 hommes de chacun des 7e et 16e régiments d’infanterie légère, 300 hommes du 44e, 300 hommes du 63e et 200 hommes du 105e et du 24e de ligne. Ces hommes sont destinés à renforcer les bataillons de guerre du 7e corps de la Grande Armée. Vous n’avez pas reçu ordre de dissoudre la division du général Leval, et cela n’était pas dans mon intention. Reformez cette division le plus promptement possible. N’y mettez personne des 100e, 103e, 105e, 63e et 44e de ligne, ni les des 16e et 7e d’infanterie légère. Tâchez de porter cette division à 8,000 hommes; joignez-y 1,000 hommes de cavalerie et douze pièces d’artillerie approvisionnées. Cette division, du moment qu’elle sera formée, recevra des ordres de moi. Faites-moi connaître quand elle sera prête, à Strasbourg.

 

Strasbourg, 24 janvier 1806

Au maréchal Augereau

Mon Cousin, le 28 janvier, vous ferez occuper Francfort avec une division de votre armée. Le 2 février, vous y concentrerez tout votre corps d’armée, afin de faire place, à Darmstadt, à la division Dupont, qui va prendre ses cantonnements dans ce pays. Vous ne mettrez d’abord aucune contribution sur la ville. Ce ne sera que lorsque tout votre corps d’armée sera réuni que vous demanderez à la ville une contribution de quatre millions, qui sera versée dans les caisses au profit de la Grande Armée.

La division batave du général Dumonceau doit être en marche pour se rendre à Mayence. Envoyez sur sa route un officier, et rangez-la sous votre commandement jusqu’à nouvel ordre. Je n’ai pas besoin de vous recommander la plus grande prudence. Vous pouvez laisser entendre que ce mouvement est un mouvement combiné avec la Prusse.

 

Strasbourg, 24 janvier 1806

Au maréchal Lefebvre

Mon Cousin, la division Dupont, composée du 9e d’infanterie légère, des 32e et 96e de ligne, va se rendre à Darmstadt. Mon intention est que, du moment qu’elle sera arrivée, elle y reçoive, des 3e bataillons des régiments qui la composent, le nombre de conscrits nécessaire pour la porter au grand complet de guerre, c’est-à-dire à 2,000 hommes par régiment; je suppose qu’il manque au complet de chacun 400 hommes. Donnez donc des ordres en conséquence. Écrivez à ce général pour qu’il vous envoie son état de situation, et faites que les conscrits que vous lui enverrez arrivent à Darmstadt en même temps que lui. Cependant tenez secrète le plus possible la marche du général Dupont sur Darmstadt. Reformez la division du général Lorge; portez-la de 6 à 8,000 hommes; joignez-y 1,000 hommes de cavalerie et douze pièces d’artillerie. Instruisez-moi lorsqu’elle sera prête à partir, pour que je lui envoie des ordres.

 

Strasbourg, 24 janvier 1806

Au général Dupont, à Augsbourg

Partez aussitôt que possible avec votre division, et rendez-vous dans le pays de Darmstadt, où vous cantonnerez. Marchez en marche de guerre, avec votre artillerie et tout ce qui vous est nécessaire pour faire campagne. Arrivé à Darmstadt, vous tirerez, du dépôt du ler de hussards et des 3e bataillons des régiments qui composent votre division, de quoi vous mettre au grand complet de guerre, de sorte que votre division soit de 6,000 hommes. Vous ne ferez point partie du corps du maréchal Augereau, mais vous serez sous ses ordres, excepté pour les mouvements militaires, et vous attendrez là un ordre ultérieur. Ne fatiguez point vos troupes par des marches forcées, mais ne vous arrêtez point que vous ne soyez arrivé, et prenez le chemin le plus court.

 

Strasbourg, 24 janvier 1806

Au général Dejean

Vous avez ordonné l’introduction de troupes espagnoles en France ; je vous prie de me dire par quelle autorité. Qui vous y a autorisé ? En vertu de quel acte du gouvernement ?

 

Paris, 27 janvier 1806

A M. de Champagny

Monsieur de Champaany, m’étant déterminé à ôter le portefeuille du ministère du trésor public à M. Barbé-Marbois, je désire que vous vous transportiez dans la journée chez ce ministre, auquel vous annoncerez mes intentions. Vous aurez soin de lui faire connaître que je suis porté à ce changement par des considérations relatives au bien de mon service. Vous vous transporterez en même temps chez M. le conseiller d’État Mollien, auquel vous remettrez le portefeuille du ministère du trésor public. Vous ferez en même temps connaître à M. l’archichancelier que j’admettrai ce soir M. Mollien au serment qu’il doit prêter entre mes mains, afin qu’il puisse, dès demain, prendre possession de son ministère.

 

Paris, 27 janvier 1806

A M. Lebrun

Mon Cousin, je vous ai témoigné, par ma précédente lettre, mon mécontentement du bulletin que vous avez fait imprimer sur l’insurrection de Plaisance. Je serais cependant fâché que vous lui donnassiez une interprétation différente. Je veux, par celle-ci, vous témoigner toute ma satisfaction des mesures que vous avez prises pour détruire cette insurrection. J’ai blâmé vos paroles, mais je loue beaucoup votre zèle. Je vous ai écrit le 20 de ce mois pour vous annoncer que j’avais fait partir le général Junot pour se rendre a Parme, avec le titre de Lieutenant Général, ayant l’administration civil et militaire des duchés; je lui ai donne des instructions pour faire de sévères exemples.

J’ai ôté le portefeuille à Marbois; il m’a fait des choses qui ne peuvent  se concevoir; je le crois toujours honnête homme, mais influencé par des fripons.

 

Paris, 27 janvier 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je suis arrivé hier à Paris, à minuit, incognito. Je vous ai écrit de Strasbourg. J’attends de vos nouvelles. Je ne désire pas qu’on accélère d’aucune manière l’évacuation. J’espère que mon armée sera le 15 février à Naples, ce qui terminera absolument cette querelle.

J’ai ôté le portefeuille à Marbois, qui n’a fait que des folies pendant mon absence; je l’ai remplacé par Mollien. Toutes les ordonnances que les corps ont sur le payeur de l’armée , pour les souliers et les capotes, seront payées sans délai. J’ai demain un travail avec M. Dejean, et j’expédierai des ordres à Strasbourg. J’ai laissé une portion de mes chevaux à Strasbourg; laissez-y aussi une portion des vôtres et de ceux de votre état-major. Ce courrier vous trouvera,  je pense, bien près de Munich.

 

Paris, 27 janvier 1806

A M. Roguin, payeur général de la Grande Armée

Faites payer à ma  Garde quinze jours de solde. Si elle a passé Strasbourg, envoyez-la-lui en argent, en quelque endroit qu’elle se trouve.

 

Paris, 27 janvier 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je suis arrivé hier à minuit, bien portant. J’imagine que vous êtes rendu, à l’heure qu’il est, à Vérone. Il me tarde de recevoir de vos nouvelles. J’espère que Junot sera arrivé à temps à Parme pour mettre fin à ce ridicule soulèvement.

Arrangez-vous donc pour intercepter les courriers que la reine de Naples envoie, soit en Allemagne, soit ailleurs.

J »approuve que M. Bentivoglio porte l’ordre du Lion de Bavière.

Mille choses aimables à la princesse; il me tarde d’apprendre qu’elle a bien soutenu la route et qu’elle se trouve bien des premiers combats de l’hyménée. Dites-lui combien je l’aime.

 

Paris, 27 janvier 1806

Au prince Joseph

Je suis arrivé hier soir à Paris. J’ai présidé ce matin mon conseil. J’ai été indigné de la mauvaise direction que M. Barbé-Marbois a donnée à mes finances. Je lui ai ôté le portefeuille. J’ai nommé le conseiller d’État Mollien pour le remplacer. Je n’ai qu’à me louer de tout ce que vous avez fait pendant le temps que vous êtes resté à Paris; recevez-en mes remerciements, et, comme un gage de ma satisfaction, mon portrait, que je vous enverrai par le premier officier que je vous expédierai.

Prenez le ton convenable à l’armée. Ne souffrez pas de voleurs. J’espère que vous serez content de Masséna; si vous ne l’étiez pas, renvoyez-le. Il parait que la reine de Naples a envoyé de l’argent ici pour tâcher de corrompre. Ne vous laissez amuser par rien. Je compte que, dans la première semaine de février, vous entrerez dans le royaume de Naples. Ne laissez point Saliceti voler.

J’ai aujourd’hui à dîner la princesse Julie et ses enfants. Ne doutez jamais de mon amitié.

Je vous ai, je crois, déjà dit que mon intention est de mettre le royaume de Naples dans ma famille. Ce sera, ainsi que l’Italie, la Suisse, la Hollande et les trois royaumes d’Allemagne, mes États fédératifs, ou véritablement l’Empire français.

Je reçois, au moment même, une lettre de la reine de Naples du 8 janvier, où elle demande quartier. Je n’y réponds pas; ne répondez pas à celles qu’elle vous écrira. Si elle vous envoie quelqu’un, faites-lui dire que vous avez ordre d’occuper Naples; qu’après la violation du traité je ne puis plus me fier à ses promesses.

 

Paris, 27 janvier 1806

Au prince Joseph

Mon Frère, je reçois la nouvelle que la cour de Naples m’envoie le cardinal Ruffo avec des propositions de paix. Je donne des ordres pour qu’on l’empêche de venir à Paris. Vous devez attaquer sans délai et faire toutes vos dispositions pour vous emparer du royaume de Naples, sans écouter aucune des propositions de paix, d’armistice ou de suspension d’armes qui pourraient vous être faites; vous devez, au contraire, les rejeter toutes, quelles qu’elles soient.