Correspondance de Napoléon – Janvier 1806
Munich, 9 janvier 1806
Au roi de Wurtemberg
Monsieur mon Frère, j’ai reçu votre lettre du 3 janvier. Désirant assister au mariage du prince Eugène mon fils avec la princesse Auguste de Bavière, qui doit être conclu le 15, et désirant aussi voir opérer les premiers mouvements rétrogrades de l’armée, je serai retenu ici encore quelques jours. Votre Majesté sait le plaisir que j’aurai à la voir et à lui exprimer de vive voix tous mes sentiments et, quelque pressé que je sois de rentrer chez moi, je m’arrêterai un jour chez vous pour faire ma cour à la Reine.
Munich, 11 janvier 1806
Au vice-amiral Decrès
Je reçois votre lettre relative au Calcutta. J’approuve que vous n’armiez point ce vaisseau, mais que vous le mainteniez dans une situation telle qu’il puisse être armé, soit en flûte, soit en guerre, pour être envoyé dans les colonies.
Il me paraît inutile d’envoyer deux frégates de Lorient au Sénégal : expédiez de quelque part un brick avec 40 hommes, quelques fusils et quelque poudre. J’approuve fort l’expédition de Cadix pour le Sénégal; que vos quatre frégates y portent 200 hommes, et de là mangent leurs vivres à la mer. Vous pouvez leur recommander de toucher à Cayenne, où ils pourraient jeter une centaine d’hommes. Envoyez une collection du Bulletin et du Moniteurdans chacune de ces colonies. Quant au colonel Beyrès, je ne le connais point assez pour lui confier une mission si importante. Il y a à Cadix assez d’hommes pour renforcer le Sénégal.
Envoyez des frégates de Lorient et d’autres frégates à la Martinique; c’est le moment d’y en envoyer. Mais faites marcher les frégates deux à deux; vous connaissez là-dessus mon opinion.
Munich, 12 janvier 1806
MESSAGE AU SÉNAT
Sénateurs, le sénatus-consulte organique du 28 floréal an XII a pourvu à tout ce qui était relatif à l’hérédité de la couronne impériale en France.
Le premier statut constitutionnel de notre royaume d’Italie, en date du 19 mars 1805, a fixé l’hérédité de cette couronne dans notre descendance directe et légitime, soit naturelle, soit adoptive.
Les dangers que nous avons courus au milieu de la guerre et que se sont encore exagérés nos peuples d’Italie, ceux que nous pouvons courir en combattant les ennemis qui restent encore à la France, leur font concevoir de vives inquiétudes. Ils ne jouissent pas de la sécurité que leur offrent la modération et la libéralité de nos lois, parce que leur avenir est encore incertain.
Nous avons considéré comme un de nos premiers devoirs de faire cesser ces inquiétudes.
Nous nous sommes, en conséquence, déterminé à adopter comme notre fils le prince Eugène, archichancelier d’État de notre Empire et vice-roi de notre royaume d’Italie. Nous l’avons appelé, après nous et nos enfants naturels et légitimes, au trône d’Italie; et nous avons statué qu’à défaut, soit de notre descendance directe, légitime et naturelle, soit de la descendance du prince Eugène notre fils, la couronne d’Italie sera dévolue au fils ou au parent le plus proche de celui des princes de notre sang qui, le cas arrivant, se trouvera alors régner en France.
Nous avons jugé de notre dignité que le prince Eugène jouisse de tous les honneurs attachés à notre adoption, quoiqu’elle ne lui donne des droits que sur la couronne d’Italie : entendant que, dans aucun cas, ni dans aucune circonstance, notre adoption ne puis autoriser, ni lui, ni ses descendants, à élever des prétentions sur la couronne de France, dont la succession est irrévocablement réglée par les constitutions de l’Empire. L’histoire de tous les siècles nous apprend que l’uniformité des lois nuit essentiellement à la force et à la bonne organisation des empires, lorsqu’elle s’étend au delà de ce que permettent, soit les mœurs des nations, soit les considérations géographiques.
Nous nous réservons, d’ailleurs, de faire connaître par des dispositions ultérieures les liaisons que nous entendons qui existe après nous entre tous les États fédératifs de l’Empire français. Les différentes parties indépendantes entre elles, ayant un intérêt commun, doivent avoir un lien commun.
Nos peuples d’Italie accueilleront avec des transports de joie les nouveaux témoignages de notre sollicitude. Ils verront un garant de la félicité dont ils jouissent dans la permanence du gouvernement de ce jeune prince, qui, dans des circonstances si orageuses, et surtout dans ces premiers moments si difficiles pour les hommes même expérimentés, a su gouverner par l’amour et faire chérir nos lois.
Il nous a offert un spectacle dont tous les instants nous ont vivement intéressé. Nous l’avons vu mettre en pratique, dans des circonstances nouvelles, les principes que nous nous étions étudié à inculquer dans son esprit et dans son cœur pendant tout le temps où il a été sous nos yeux. Lorsqu’il s’agira de défendre nos peuples d’Italie, il se montrera également digne d’imiter et de renouveler ce que nous pouvons avoir fait de bien dans l’art si difficile des batailles.
Au moment même où nous avons ordonné que notre quatrième statut constitutionnel fût communiqué aux trois collèges d’Italie, il nous a paru indispensable de ne pas différer un instant à vous instruire de dispositions qui assoient la prospérité et la durée de l’Empire sur l’amour et l’intérêt de toutes les nations qui le composent. Nous avons aussi été persuadé que tout ce qui est pour nous un sujet de bonheur et de joie ne saurait être indifférent ni à vous, ni à mon peuple.
Note : Statut constitutionnel du royaume d’Italie, du 19 mars 1805 – ART. 2. La couronne d’Italie est héréditaire dans sa descendance directe et légitime, soit naturelle , soit adoptive, de mâle en mâle, et à l’exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance, sans néanmoins que son droit d’adoption puisse s’étendre sur une autre personne qu’un citoyen de l’Empire français ou du royaume d’Italie.
Munich, 12 janvier 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, le prince Joseph est parti pour se rendre à l’armée de Naples le 9 janvier. J’imagine que le général Dumas est parti. Envoyez ordre aux colonels Cavaignac et Lafon-Blaniac, écuyers du prince, de se rendre en poste auprès de lui. Ils se dirigeront sur le quartier général de l’armée de Naples.
Je désire connaître la situation de l’armée de Naples, de tout ce qui est en marche pour s’y rendre, afin que je sache s’il y a suffisamment de troupes.
Faites partir de la Grande Armée, pour l’armée de Naples, deux généraux de brigade d’artillerie et un général de brigade du génie. Envoyez-y quelques-uns des jeunes généraux de cavalerie que j’ai nommés, entre autres le général Montbrun.
Voyez s’il y a assez d’officiers du génie à cette armée. Il en faut dans ce pays; il y aura peut-être des places à assiéger.
Munich, 12 janvier 1806
Au prince Joseph, lieutenant de l’Empereur, commandant en chef l’armée de Naples
Je reçois votre lettre du 7. Vous êtes parti le 9; vous devez être aujourd’hui à Chambéry. Vous serez le 15 ou le 16 dans le voisinage de Rome. Je vous ai envoyé le générai Dumas. Le maréchal Masséna doit se trouver à l’armée. Je compte qu’après quelques jours de repos vous aurez près de 40,000 hommes, que vous pourrez partager en trois corps : le maréchal Masséna aura le plus fort; le général Saint-Cyr, un autre; et le général Reynier, le plus petit, formant une division de 6,000 hommes de bonnes troupes, en réserve. Attachez-vous au générai Reynier; il est froid, mais c’est, des trois, le plus capable de faire un bon plan de campagne et de vous donner un bon conseil. Dans votre position, l’art consiste à faire croire à chacun des trois qu’il a également votre confiance.
Cette lettre vous sera présentée par mon aide de camp Lebrun, que vous pouvez garder près de vous. Vous pouvez employer Dumas dans votre état-major. Il entend peu de chose aux manœuvres militaires; il n’a pas assez fait la guerre. Votre grande étude est de tenir toutes vos forces réunies et d’arriver le plus promptement possible à Naples avec tout votre monde.
Une armée composée d’hommes de différentes nations ne tardera pas à faire des sottises. L’art serait de les attendre et d’en profiter. Mais il n’y a là personne capable de vous diriger dans cette manœuvre. Vous n’êtes point pressé, à huit jours de plus ou de moins. Indépendamment des trois corps dont je vous ai parlé ci-dessus, tenez un gros corps de cavalerie dans votre main, avec de l’artillerie légère, pour pouvoir le diriger où il sera convenable; mais il me paraît difficile que les Russes et les Anglais ne se retirent pas en mesure qu’ils verront votre armée s’organiser et devenir forte. Si au contraire, ce que je ne pense pas , l’ennemi se renforçait d’une manière considérable, au premier mot que vous m’en écririez, je me rendrais promptement à votre armée.
Parlez sérieusement à Masséna et à Saint-Cyr, et dites que vous ne voulez pas de voleries. Masséna a beaucoup volé dans le pays vénitien. J’ai fait appeler Solignac à Paris; c’est un mauvais sujet. Maintenez là-dessus une sévère discipline.
Prenez six aides de camp. Ne tenez point de conseil de guerre, mais prenez l’avis de chacun en particulier. Écrivez-moi souvent et longuement, afin que je vous fasse passer mon avis autant que cela sera possible. Quand vous serez entré dans le royaume de Naples, après la première bataille, faites connaître dans votre proclama aux Napolitains tout ce que j’ai fait pour éloigner la guerre de chez eux et tout ce qu’a fait la Reine pour l’attirer. Peu, très-peu de parlementaires. Le prince Eugène, qui commande dans le royaume d’Italie, tiendra une réserve pour pourvoir, si cela cela était nécessaire, aux événements imprévus.
Vous devez établir votre ligne de communication, c’est-à-dire vos routes de postes, d’étapes, enfin ce qui forme une ligne de communication, par la Toscane et point du tout par Ancône et les Abruzzes, parce que mon désir est que vous agissiez par Rome sur Naples. Autrement la guerre traînerait en longueur, si vous étiez obligé de conquérir les Abruzzes, et l’ennemi aurait le temps de défendre Naples. Mais, encore une fois, quinze jours ne font rien. Réunissez bien tout votre monde. Je donne ordre au général Mathieu, qui connaît le pays et en qui vous avez de la confiance, de se rendre auprès de vous.
Envoyez-moi, je vous prie, tous les jours, votre état de situation.
Munich, 13 janvier 1806
Au roi de Bavière
Mon Frère, mes officiers dans le Tyrol me rendent compte que les états sont assemblés pour répartir les neuf millions de contributions imposés à cette province. Mon intention est que toutes les contributions et toutes autres ressources pécuniaires quelconques, que mes officiers auraient eu à tirer de ce pays, soient entièrement à votre disposition. Je pense qu’il est nécessaire, en conséquence, que vous y envoyiez quelqu’un pour agir, à l’égard des contributions et autres objets, de la manière que vous aurez jugée convenable.
Munich, 14 janvier 1806
A M. Fouché
Je vous envoie un bulletin où l’on me fait jouer un très-sot rôle. C’est le dixième de cette espèce qui me vient depuis trois mois. Il est ridicule que vous ne fassiez pas cesser ces bulletins. C’est ainsi qu’on empoisonne l’étranger d’un tas de sottises. Cela doit rouler du côté de Suard ou des rédacteurs du Publiciste.
Munich, 14 janvier 1806
Au prince Joseph
Mon Frère, je reçois votre lettre du 10 janvier. Je vous ai envoyé le colonel Lebrun, mon aide de camp; je vous envoie M. de Ségur, que vous pouvez également garder pour faire la campagne près de vous. Les jeunes Clary et Roederer se rendent à votre quartier général pour faire le service près de vous. Saliceti reçoit aussi l’ordre de s’y rendre. Hier se sont faits les fiançailles et le mariage du prince Eugène. Dans deux heures l’électeur de Ratisbonne les marie à l’église. Je vous envoie la copie du contrat de mariage, qui est secret et ne doit être connu de personne. Effectivement personne ne l’a vu n’en a copie que vous.
Munich , 14 janvier 1805
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, j’ai reçu votre lettre du 10 janvier. J’approuve vous ayez évacué Vienne, et tout ce que vous avez fait pour recevoir l’argent à Saint-Poelten. Quand je vous ai dit la ligne de l’Encns, j’ai entendu la ligne militaire; mais vous pouvez garder tout ce qui est au delà de l’Enns, jusqu’au terme fixé par le traité. Pressez beaucoup M. de Liechtenstein pour qu’on me remette la Dalmatie et Venise; je ne sais pas encore que j’aie Venise. Faites vos calculs justes pour savoir le temps où vous serez instruit de l’occupation de cette ville.
J’ai lu la lettre du maréchal Kellermann. Il est ridicule qu’il ait employé l’argent qu’il a à faire payer huit cohortes de la garde nationale; témoignez-lui-en votre mécontentement. Mon intention est qu’il licencie ces gardes nationales vingt-quatre heures après avoir reçu votre lettre.
Quant aux chevaux d’artillerie, je pense qu’il a raison ; qu’il les fasse diriger sur Augsbourg, où ils serviront à prendre toutes les pièces d’artillerie. Donnez-lui-en l’ordre, et prévenez-en le général Songis.
Je désire bien que vous m’envoyiez un état de situation de l’armée de Naples et de celle d’Italie, en conséquence des ordres que j’ai donnés.
Je vous ai écrit de faire mettre à l’ordre non-seulement les promotions dans la Légion d’honneur, mais encore les promotions dans l’armée : cela est très-nécessaire. Pressez les généraux des corps d’armée de vous envoyer la liste des individus qu’ils doivent présenter pour la Légion d’honneur, et déclarez que ceux qui viendront après le travail général perdront leurs droits; ces retards ne font que favoriser les intrigues. Ne quittez pas Linz que vous n’ayez ce travail bien en règle.
L’électorat de Salzburg peut nourrir beaucoup de monde. Vous pouvez y envoyer tout le corps du maréchal Ney et une bonne division de dragons.
La garde royale italienne se rend à Milan; j’en ai donné l’ordre au maréchal Bessières.
Je vous ai recommandé de diminuer les journées d’étapes; vous faites faire de trop grandes journées à l’armée.
Ne faites point passer la division du général Dupont par Munich, cela est inutile; dirigez-la droit sur Augsbourg. Donnez ordre à la division batave de continuer son mouvement sur la Hollande, en lui traçant d’Ingolstadt à Mayence une route convenable, et qu’elle ne passe point sur le territoire neutre.
Faites monter les divisions Friant et Gudin, et la cavalerie légère du général Vialannes, c’est-à-dire le corps du maréchal Davout, du côté de Lambach, ce qui fera place au maréchal Soult.
Mettez à Wels la division Caffarelli, et entre Lambach, les montagnes et l’Inn, le corps du maréchal Davout pourra s’étendre; car enfin il ne faut point évacuer que je n’aie la Dalmatie et que mon terme ne soit expiré.
Ainsi donc le corps du maréchal Bernadotte et celui du maréchal Mortier occuperont la rive gauche du Danube, et s’étendront dans les pays que l’article du traité permet d’occuper sur ladite rive gauche. Le corps du maréchal Ney occupera le pays de Salzburg. Le corps du maréchal Davout occupera Lambach et Wels et les pays qui sont derrière. Le corps du maréchal Soult occupera Linz, Enns et les autres pays.
Du moment que ces différents corps seront arrivés dans ces stations, faites-en faire l’état de situation. Faites-moi connaître aussi l’état de l’évacuation des hôpitaux.
Donnez ordre à MM. Marins Clary, aide de camp du général Bernadotte, et Roederer, aide de camp du général Saint-Hilaire, de se rendre au quartier général de l’armée de Naples pour faire le service auprès du prince Joseph.
Munich, 15 janvier 1806
A M. Fouché
Je lis dans le Journal de l’Empire du 9 janvier qu’au bas d’une comédie de Collin d’Harleville on a mis : Vu et permis l’impression et la mise en vente d’après décision de S. Exc. le sénateur ministre de la police générale, en date du 9 de ce mois (prairial au XIII).
Par ordre de Son Excellence, le chef de la division de la liberté de la presse, P. Lagarde.
J’ai lieu d’être étonné de ces nouvelles formes que la loi seule pouvait autoriser. S’il était convenable d’établir une censure, elle ne pouvait l’être sans ma permission. Lorsque ma volonté est que la censure n’existe pas, j’ai lieu d’être surpris de voir, dans mon empire, des formes qui peuvent être bonnes à Vienne et à Berlin. S’il existe sur cela un usage que je ne connais point, faites-m’en un rapport. J’ai longtemps calculé et veillé pour parvenir à rétablir l’édifice social; aujourd’hui je suis obligé de veiller pour maintenir la liberté publique. Je n’entends pas que les Français deviennent des serfs. En France, tout ce qui n’est pas défendu est permis, et ne peut être défendu que par les lois, par les tribunaux ou par des mesures de haute police lorsqu’il s’agit des mœurs et de l’ordre public. Je le dis encore une fois, je ne veux pas de censure, parce que tout libraire répond de l’ouvrage qu’il débite, parce que je ne veux pas être responsable des sottises qu’on peut imprimer, parce que je ne veux pas enfin qu’un commis tyrannise l’esprit et mutile le génie.
Munich, 16 janvier 1806
Au landgrave de Hesse-Darmstadt
Mon Cousin, vous avez prévu avec raison que j’ai beaucoup à me plaindre de votre conduite politique. Vous avez laissé influencer votre politique par la fantaisie des femmes; vous êtes sur le point d’éprouver ce qu’ont éprouvé tous les princes qui se sont laissé influencés par elles. Vos États sont dévorés par deux armées. Si vous aviez voulu cependant lire l’histoire de votre Maison et marcher sur les traces de vos ancêtres, vous vous trouveriez non-seulement avec la qualité d’électeur que vous avez paru ambitionner, mais avec un accroissement de puissance tel que celui que j’ai fait obtenir au roi de Bavière, de Wurtemberg et à l’électeur de Bade.
En montant sur le trône de France après l’expulsion de la troisième dynastie, je m’étais regardé comme solidaire de tous ses engagements, et je vous en ai donné une preuve bien spéciale dans les arrangements qui ont suivi la paix de Lunéville. Vous avez donc un tort peut-être plus grave encore que ceux que peut vous reprocher la politique, celui d’avoir manqué à la reconnaissance. Ceux de vos sujets connus par leur attachement au vrai système de votre Maison, c’est-à-dire à son union avec moi, vous les avez éloignés; et aujourd’hui vos affaires sont conduites par un Hollandais, qui dirige tout chez vous par l’influence qu’il s’est acquise sur la landgrave. Au milieu de tous ces torts graves et réels, ne croyez pas, mon Cousin, que je ne sache pas distinguer ce qui vous est propre de ce qui est l’effet d’une influence dont vous n’avez pas su vous défendre. Le sang de vos ancêtres, qui coule dans vos veines, vous a toujours maintenu intérieurement, malgré toutes les intrigues qui vous entourent, ami de la France. J’aime donc à m’arrêter à cette idée, et je n’ai pu me défendre de quelque satisfaction de tout ce que m’a dit de votre part votre adjudant Moranville. Rappelez vos bons serviteurs, chassez surtout ce misérable Hollandais, et replacez-vous, d’une manière simple et nette, dans votre vraie situation politique; et vous me trouverez en tout disposé à oublier le passé et à être pour vous ce qu’ont toujours été les souverains de la France.
Munich, 17 janvier 1806
Au cardinal Fesch
Mon Cousin, je suis fort surpris que vous ayez pris sur vous d’écrire au général Saint-Cyr sur une communication diplomatique que vous a faite le Pape. Vous deviez l’envoyer au ministre des relations extérieures et vous en tenir là. Ne vous mêlez que de ce qui vous regarde; votre manière d’agir est sans mesure. Vous ne devez donner ni conseil ni insinuation quelconque aux généraux, qui les éloigne des instructions qu’ils ont reçues et qui puisse leur servir d’autorisation pour se conduire d’une autre manière.
Munich, 17 janvier 1806
Le prince régnant de Hohenzollern-Hechingen expose à l’Empereur qu’il est d’un intérêt majeur pour la liberté de son suffrage à la Diète que sa Maison soit maintenue dans l’intégrité de ses droits et possessions. | Renvoyé au ministre des relations extérieures. Mon intention est que la Maison de Hohenzollern-Hechingen possède en entier, sans aucune entrave, la totalité de l’indemnité qui lui a été accordée par le paragraphe 10 du plan général. |
Munich, 17 janvier 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, je vous ai écrit de diriger la division Dupont sur Augsbourg; faites-la partir de là pour Fribourg en Brisgau. Je vous ai également donné l’ordre de faire continuer aux Bataves leur marche sur la Hollande.
Dirigez la grosse cavalerie du général Nansouty sur Eichstaedt.
Dirigez sur le même point une des divisions de dragons qui sont sur la rive gauche du Danube. Par ce moyen, vous aurez deux divisions de cavalerie de moins. Mais n’établissez rien sur la rive gauche de l’Inn, ce serait manger la Bavière, et cela n’est pas juste; elle a déjà assez fourni pour notre passage.
Faites partir la division Oudinot, pour se rendre à Heilbronn. Tous les autres corps de l’armée resteront dans leurs positions jusqu’au moment où les blessés, l’artillerie, les dépôts, les hôpitaux seront évacués, et jusqu’à ce que l’on gagne février et que l’on ait des nouvelles de l’occupation de Venise et de la Dalmatie. Écrivez au général Marmont sur cet objet.
Envoyez-moi un projet qui me fasse connaître quand vous pesez qu’on pourra continuer le mouvement, et la route que tiendra chaque corps d’armée. Je désire qu’il ne passe aucun corps à Munich. Les journées d’étapes que l’on avait tracées pour l’armée sont beaucoup trop fortes; ma Garde, qui les a suivies, a perdu beaucoup de chevaux, surtout de trait. Tracez trois routes, une qui aboutisse à Landsberg, l’autre à Augsbourg, et la troisième à Rain, derrière le Lech; après cela, prolongez ces trois routes, la première sur Neuf-Brisach, la seconde sur Strasbourg et la troisième sur Mannheim. Faites marcher tout cela à très-petites journées. On doit mettre deux journées à faire une de nos étapes de guerre.
Quand vous m’aurez envoyé ce travail et que j’en aurai arrêté toute l’exécution, je vous enverrai l’ordre de retourner à Paris.
J’attends avec impatience l’ordre du jour sur les promotions de Légion d’honneur faites dans les corps.
- Daru me mande qu’il y a trois millions de florins signés sur Trieste et qu’il craint qu’ils ne soient pas bons. Pendant que nous sommes encore à Trieste, donnez l’ordre qu’on ne l’évacue point que tout ne soit en règle. La ville de Trieste ne doit pas être embarrassée de payer plusieurs millions.
J’apprends qu’on travaille encore aux fortifications de Braunau.
Faites tenir, au contraire, tout prêt pour enlever les palissades et les envoyer par la rivière à Passau.
Je pars dans une heure pour me rendre à Paris. Je m’arrêterai à Stuttgart, à Karlsruhe et à Strasbourg.
Je ne vois cependant pas d’inconvénient que vous fassiez passer par Munich une colonne de charrois.
Stuttgart, 19 janvier 1806.
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je pars demain de Stuttgart. Je resterai un jour à Karlsruhe; je resterai aussi un ou deux jours à Strasbourg. J’ai une grande impatience de me retrouver à Paris. J’imagine que le prince Joseph vous a prévenu qu’il allait à Naples pour y prendre le commandement de mon armée.
Stuttgart, 19 janvier 1806
A M. Mollien
Je vous envoie le procès-verbal de la remise des trente-deux millions qui doivent être versés dans votre caisse. Nous voilà bientôt à la fin de janvier, où les six premiers millions doivent être remis; vous les tiendrez dans une caisse particulière et vous n’en disposerez que sur mon ordre, puisqu’ils doivent appartenir à la Grande Armée.
Stuttgart, 19 janvier 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, je passe aujourd’hui la journée à Stuttgart. Dirigez le maréchal Bernadotte, avec son corps d’armée, sur l’évêché d’Eichstaedt; ce qui, joint aux deux divisions de cavalerie que j’y ai déjà envoyées, formera un corps assez considérable qui pourra vivre là, et ne sera pas d’ailleurs mal placé pour beaucoup de circonstances. Cela dégagera d’autant la rive gauche du Danube et vous placera dans une situation convenable, en ayant aussi l’avantage qu’il sera
plus facile de laisser le commandement de tout au maréchal Soult, quand vous devrez partir.
Il y a beaucoup de détachements du corps du maréchal Bernadotte à Augsbourg et Ulm; donnez-leur l’ordre de rejoindre à Eichstaedt.
Il y a aussi à Augsbourg des détachements du 4e régiment d’infanterie légère; envoyez-les à Strasbourg, où vous ferez réunir ce régiment.
Stuttgart, 19janvier 1806
Au général Junot, gouverneur général des états de parme et de Plaisance
Vous partirez dans la journée; vous courrez jour et nuit jusqu’à Parme; vous communiquerez sur-le-champ le décret ci-joint à M. Moreau Saint-Méry, et, dans les deux heures, vous ferez imprimer, publier et répandre dans tout le duché une proclamation courte et ferme.
Vous réunirez la force armée; vous vous rendrez sur le lieu qui a été le principal théâtre de l’insurrection. L’architrésorier n’a rien à faire à Parme. Ce n’est pas avec des phrases qu’on maintient la tranquillité dans l’Italie. Faites comme j’ai fait à Binasco : qu’un village soit brûlé; faites fusiller une douzaine d’insurgés, et formez des colonnes mobiles afin de saisir partout les brigands et de donner un exemple au peuple de ces pays.
Faites-vous faire de suite un rapport sur les causes de l’insurrection et sur la situation des cantons, sous-préfectures et préfectures. J’attendrai votre rapport pour connaître le parti que j’aurai à prendre et être bien remis au fait de l’administration de ces pays. Mon intention est de vous rappeler au bout d’un ou deux ans si votre présence n’est plus nécessaire dans les États de Parme.
Vous ferez aussi dresser un état de tous les biens nationaux qui existent dans le pays.
Stuttgart, 19 janvier 1806
Au général Dejean
Je ne suis point en guerre avec la Prusse; vous avez bien fait de suspendre tout approvisionnement extraordinaire; mais tenez tout prêt pour l’entretien de mes troupes, qui doivent rentrer en France en février. Le service s’est bien mal fait à mon passage; si j’avais dû rester huit jours en Alsace, tout aurait été sens dessus dessous.
Stuttgart, 19 janvier 1806
Au maréchal Augereau
Mon Cousin, vous devez rester jusqu’à nouvel ordre dans le pays de Darmstadt. Vous devez le traiter en ami, mais vous faire donner le nécessaire pour bien entretenir votre corps d’armée. Ne tirez rien de France.
Faites-moi connaître la situation des Prussiens, avec lesquels du reste je suis en parfaite intelligence et que vous devez traiter avec toutes sortes d’égards, en vous tenant, comme de raison, sur vos gardes. Envoyez-moi à Strasbourg votre état de situation; qu’il y soit rendu le 22.
Stuttgart, 19 janvier 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je suis arrivé à Stuttgart hier au soir, à six heures. J’y resterai la journée d’aujourd’hui et j’en partirai demain. Je vous envoie un Moniteur où vous verrez des choses relatives à vous.
——————-
Deux baisers à la princesse Auguste, l’un pour moi, l’autre pour l’Impératrice.
Stuttgart, 19 janvier 1806
Au prince Eugène
Mon Cousin, j’ai reçu votre dépêche du 17 janvier avec les médailles de Milan. Peu de moments après avoir reçu cette lettre, j’imagine que vous partez pour l’Italie. Écrivez-moi d’Innsbruck, et, aussitôt que vous le pourrez, envoyez-moi l’état de situation de votre armée. Le prince de Liechtenstein a proposé de mettre mes troupes en possession de l’Istrie et de la Dalmatie avant le terme fixé par le traité; cela me convient beaucoup. Ne perdez point de vue ce que je vous ai dicté avant de partir. Nommez un receveur pour les finances de l’État de Venise, et ne les confondez jamais avec les finances du royaume d’Italie.
Je pars demain pour Karlsruhe. J’ai fait connaître dans le temps au roi de Bavière que je désirais établir nos limites, du côté de Trente, au lac Garda et à la ligne de Torbole, jusqu’à Mori, que je voudrais prendre pour la limite du royaume d’Italie. Cependant mon, intention ne serait pas d’affaiblir considérablement le roi de Bavière. Il faudrait peut-être prendre aussi la vallée de Lodrone; mais je ne désire pas qu’il perde plus de 6,000 âmes. S’il devait perdre davantage, je chercherais des moyens de l’indemniser ailleurs. Faites-moi, du reste, un mémoire sur l’établissement de ces limites.
J’ai oublié de vous recommander de faire peu de proclamation et d’éviter de faire mettre dans les journaux ceux de vos actes qui sont de pure administration. Cette grande publicité, dont les journaux de l’Europe s’emparent, a plus d’inconvénients que d’avantages.
Vous remettrez cette lettre à la princesse; je verrai avec plaisir qu’elle m’écrive souvent.
Stuttgart, 19 janvier 1806
A la princesse Auguste
Ma Fille, la lettre que vous m’avez écrite est aussi aimable que vous. Les sentiments que je vous ai voués ne feront que s’augmenter tous les jours; je le sens au plaisir que j’ai de me ressouvenir de toutes vos belles qualités, et au besoin que j’éprouve d’être fréquemment assuré par vous-même que vous êtes contente, de tout le monde, et heureuse par votre mari. Au milieu de toutes mes affaires, il n’y en aura jamais pour moi de plus chères que celles qui pourront assurer le bonheur de mes enfants. Croyez, Auguste, que je vous aime comme un père, et que je compte que vous aurez pour moi toute la tendresse d’une fille. Ménagez-vous dans votre voyage, ainsi que dans le nouveau climat où vous arrivez, en prenant tout le repos convenable. Vous avez éprouvé bien du mouvement depuis un mois. Songez bien que je ne veux pas que vous soyez malade.
Je finis, ma Fille, en vous donnant ma bénédiction paternelle.
Stuttgart, 19 janvier 1806.
Au prince Eugène
Mon Fils, les 27e et 28e divisions militaires sont sans troupes. Renvoyez le 3e d’infanterie légère à Parme et le 67e à Alexandrie. Si la cavalerie hanovrienne est sous vos ordres, envoyez-la également à Parme, et enfin toute la force qui serait nécessaire, en mettant toutes ces troupes sous le commandement du général Junot, qui part aujourd’hui pour se rendre à Parme avec des pouvoirs extraordinaires. Expédiez vos ordres par un courrier extraordinaire. J’imagine que vous avez déjà licencié toutes les gardes nationales.
Stuttgart, 19 janvier 1806
Au prince Joseph
Mon intention est que, dans les premiers jours de février, vous entriez dans le royaume de Naples, et que je sois instruit, dans le courant de février, que mes aigles flottent sur cette capitale. Vous ne ferez aucune suspension d’armes ni capitulation. Mon intention est que les Bourbons aient cessé de régner à Naples; et je veux sur ce trône asseoir un prince de ma Maison, vous d’abord, si cela vous convient; un autre, si cela ne vous convient point.
Je vous réitère de ne point diviser vos forces; que toute votre armée passe l’Apennin, et que vos trois corps d’armée soient dirigés droit sur Naples, et disposés de manière à se réunir en un jour sur un même champ de bataille.
Laissez un général, des dépôts, des approvisionnements, et quelques canonniers à Ancône, pour défendre la place. Naples pris, les extrémités tomberont d’elles-mêmes ; tout ce qui sera dans les Abruzzes sera pris à revers, et vous enverrez une division à Tarente et une du côté de la Sicile, pour achever la conquête du royaume.
Mon intention est de laisser sous vos ordres, dans le royaume de Naples, pendant l’année, jusqu’à ce que j’aie fait de nouvelles dispositions, quatorze régiments d’infanterie française, complétés au grand complet de guerre, et douze de cavalerie française, aussi au grand complet.
Le pays doit vous fournir les vivres, l’habillement, les remontes et tout ce qui est nécessaire, de manière qu’il ne m’en coûte pas un sou. Mes troupes du royaume d’Italie n’y resteront qu’au temps que vous le jugerez nécessaire; après quoi, elles retourneront chez elles.
Vous lèverez une légion napolitaine, où vous ne laisserez entrer que des officiers et soldats napolitains et gens du pays qui voudront s’attacher à ma cause.
Stuttgart, 19 janvier 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, le courrier de Paris continue pour vous porter vos paquets.
Je vous ai écrit ce matin pour vous faire connaître que mon intention était que le pays d’Eichstaedt fût occupé par le corps du maréchal Bernadotte.
Chargez des ingénieurs de bien reconnaître tous les chemin depuis l’Inn jusqu’au pays d’Eichstaedt, en suivant la rive gauche du Danube. Une reconnaissance bien faite de cette vallée, depuis le Danube jusqu’à la Bohème, peut devenir très-utile. En rendant Braunau, mon intention est qu’il soit dégradé le plus possible; ce qqui peut facilement être fait en faisant sauter les écluses.
Stuttgart, 19 janvier 1806
Au vice-amiral Decrès
Je reçois votre lettre du 14 janvier. J’approuve les dispositions que vous avez prises pour le Jemmapes.
Arrangez tout pour que l’escadre puisse partir avant l’équinoxe et passer tout l’été à la mer. Pour cela faire, il faut que tous les vaisseaux soient remis en très-bon état.
Faites faire des presses à Marseille et partout, pour que l’Annibal, le Borée et la Muiron puissent débloquer Toulon. Les trois frégates qui sont à Gènes et le Génois doivent aussi faire une petite escadre; ce qui réuni nous ferait trois vaisseaux à Toulon. Surtout que sur tous les bâtiments, il y ait un grand nombre de caronades. Il faut expédier à Cayenne des nouvelles plus souvent, des avisos et goélettes. Il faut expédier les plus forts bâtiments possible, assez forts pour qu’ils puissent entrer à Cayenne. Il s’en servira pour des croisières.
Stuttgart, 19 janvier 1806
Au vice-amiral Decrès
J’apprends qu’un bâtiment de commerce a été pris dans la rade de Toulon; cela est par trop honteux. Faites-moi un rapport.