Correspondance de Napoléon – Janvier 1804
Paris, 27 janvier 1804
Au contre-amiral Decrès
Vous trouverez ci-joint différents projets de classement de la flottille de transport, faits par le directeur général de cette flottille. Il affecte quatre cent quatre bâtiments au service des bataillons, de l’état-major et de l’artillerie, sans comprendre les écuries. J’ai pensé que l’état de la flottille de transport, tel qu’il a été arrêté, est plus fort qu’il n’est nécessaire; qu’il faut disposer pour écuries tout ce qui peut l’être. Je désire donc que l’état de la flottille de transport qui avait été arrêté soit formé de cette manière :
Cent cinquante bâtiments de petite pêche, du port, de moins de 25 tonneaux et de plus de 10 tonneaux, seront disposés de manière à recevoir deux chevaux. Il en sera donné un, soit par bataillon, soit aux généraux, soit aux commissaires ordonnateurs et des guerres, selon les dispositions et les ordres qui seront donnés. Le directeur n’aura donc qu’à faire arranger ces bâtiments de manière à tenir deux chevaux, à veiller à ce que les équipements soient en état et qu’ils aient à bord l’eau et les vivres nécessaires pour les hommes qu’ils peuvent porter; qu’ils aient leurs numéros, afin qu’au moment de l’embarquement on les affecte aux différents services.
Cinquante bâtiments seront choisis parmi les bâtiments de la flottille de transport de moins de 30 tonneaux, pour être affectés au service de l’artillerie; ils seront remis au général Faultrier, qui y fera faire toutes les dispositions convenables.
Tous les autres bâtiments de la flottille de transport, montant à plus de quatre cents bâtiments, seront installés en écuries. On y placera le plus de chevaux possible.
On tiendra note de ceux dans lesquels il restera le plus de place, indépendamment des écuries, pour y placer les selles et les bagages. Ainsi le travail du directeur devient simplifié. Plus de distinction entre petite, grande et moyenne pêche. Tout ce qui est au-dessus de 30 tonneaux doit être installé en écuries; tout ce qui a moins, jusqu’au nombre de deux cents, doit être, ceux de 30 à 25 tonneaux, destinés à l’artillerie, et cent cinquante de 25 à 10 tonneaux, aux bagages de l’armée et de l’état-major, selon l’ordre qui sera donné au moment de l’embarquement.
Paris, 27 janvier 1804
DÉCISION
Le ministre du trésor public demande une décision relativement aux traites de Saint-Domingue, tirées à l’ordre (soit collectif, soit individuel) de Dar et Brocar, et dont il a provisoirement suspendu le visa. | Quand les lettres de change des colonies sont tirées pour argent versé, elles ne sont valables que dans le cas où la correspondance du payeur atteste que le versement de fonds a été effectué. Lorsque les lettres sont tirées pour service fait, ce service doit être constaté par l’ordonnateur, c’est-à-dire par le préfet colonial; s’il ne l’est point, les lettres ne sont pas valables. Or ici l’ordonnateur déclare, par sa lettre du …. que le service n’a pas été fait. Répondre dans ce sens aux porteurs. |
Paris, 29 janvier 1804
Au général Berthier
Vous donnerez ordre, Citoyen Ministre, au général commandant la 15e division militaire que les 406 hommes du 64e régiment qui sont à Dieppe se rendent au Havre pour mettre garnison sur les premiers bâtiments qui partiront de ce port.
Vous donnerez ordre au général commandant le camp d’Amiens de fournir un officier et 25 hommes par chaque escadron de tous les régiments qui sont à Amiens, qui se rendront à Saint-Valery-sur-Somme pour mettre garnison sur les bâtiments qui sont dans ce port. Il est convenable qu’ils s’y rendent de suite, afin de s’exercer aux manœuvres et à la nage.
Vous donnerez l’ordre que les bataillons de guerre du 96e régiment partent de Paris, l’un le 11, et l’autre le 19, pour se rendre au Havre, où ils fourniront des garnisons sur les bâtiments qui leur seront désignés par le préfet maritime.
Vous donnerez ordre au 3e régiment de hussards d’envoyer au Havre 150 hommes à pied, qui mettront garnison sur les trois premières prames prêtes à partir de ce port.
Ces 150 hommes du 3e de hussards sont ceux qui ont été choisis pour être des 300 hommes à pied des escadrons de guerre. Si les circonstances le permettent, ils seront portés à 250; alors ils formeront les garnisons de cinq prames. Arrivés au Havre, indépendamment de la nage, on les exercera au tir des fusils, afin qu’alors ils puissent s’en servir de préférence à des carabines.
(Note : Les carabines d’infanterie de l’an XII constitue la version améliorée de celle de 1793, assemblée dans la manufacture de Versailles. Cette manufacture fabriquera plus de 300 carabines par mois jusqu’en 1800. Un décret de l’an XIII la destine aux fourriers, aux sergents et aux officiers des voltigeurs. Elle arme les compagnies de carabiniers d’élites de chacun des 37 régiments d’infanterie légère. De meilleure qualité, la carabine an XII a une crosse rallongée et comporte une joue; elle dispose d’un canon équipé d’un cran de mire et reprend la platine du mousqueton du modèle an IX. Cette platine est caractérisée par un chien renforcé, une sous gorge et une batterie sans retroussis. Enfin sa principale caractéristique réside dans son canon rayé, censé imprimer un mouvement de rotation à la balle et lui donner ainsi une meilleure précision. Pour pouvoir renter la balle, qui à un diamètre plus important que celui du canon, le tireur doit rentrer la balle de force avec un maillet, ainsi il parvient à imprimer les rayures du canon dans le plomb de la balle. Le chargement se révèle plus long que lorsqu’il s’agit d’un fusil normal. D’où la nécessité d’exercices supplémentaires. – Merci à Didier Davin )
Prévenir le ministre de la marine qu’il mette dans les prames 50 fusils, pour servir à la garnison, ainsi qu’aux pontonniers qui serviront de garnison.
Si les deux bataillons de la 96e fournissent 1,500 hommes, ils partiront comme il en a été donné l’ordre ci-dessus; s’ils ne fournissent pas 1,500 hommes, on fera partir seulement le 1er bataillon, que l’on complétera à cet effet à 800 hommes, officiers compris; le 2e bataillon ne partira que lorsque, par la conscription, il pourra être à 700 hommes, officiers compris.
Paris, 29 janvier 1804
Au citoyen Portalis, chargé de toutes les affaires concernant les cultes
Citoyen Portalis, Conseiller d’État, je désire que vous écriviez à l’évêque d’Orléans que, mon intention étant d’avoir à Paris un agent qui connût parfaitement les chouans, j’ai pensé que le nommé Barbot, ancien chef de chouans, pourrait servir. Il jouirait très-secrètement à Paris d’un traitement, et serait à même d’y découvrir les hommes suspects de l’Ouest qui seraient ici.
Paris, 30 janvier 1804
Au général Soult, commandant le camp de Saint-Omer
Citoyen Général Soult, je reçois votre lettre du 7 pluviôse. J’attends le rapport que vous devez m’envoyer sur la flottille de transport, d’après les nouvelles dispositions que j’ai prises; car je désire mettre promptement sur ceux qui doivent servir d’écuries des garnisons de cavalerie, afin de les accoutumer au détail de l’embarquement et débarquement des chevaux.
J’imagine que vous avez fait rentrer le détachement du 9e léger à son corps, et que vous avez fait fournir des garnisons à la division de bateaux canonniers qui se réunit à Étaples, par les régiments du camp de Montreuil.
Je n’ai pas encore reçu le rapport de la marine sur le boat que vous pensez pouvoir servir de chaloupe canonnière. Si les Hollandais y mettent trois pièces de 24, nous pourrions bien y mettre trois pièces de 36, et, comme nous en avons à Calais, je ne serais pas fâché d’avoir des bâtiments qui portassent de ce calibre.
Je vois avec peine que, le 7 pluviôse, le général Faultrier n’avait encore rien fait pour les bateaux, relativement au recul des pièces de campagne. Je désire beaucoup que vous poussiez ce travail avec la plus grande activité.
Voyez le préfet maritime pour les pièces de 4 en bronze; elles ne doivent servir qu’à armer les péniches. Faites-en venir à Boulogne la quantité nécessaire. Quant aux pièces de 6 et de 8 en fer, voyez si l’artillerie en a dans les places voisines; mais la marine doit avoir un grand nombre de ces pièces à Dunkerque.
Ordonnez que toutes les pièces d’artillerie qui doivent être mises à la disposition de la marine par la terre soient, par les soins de la terre, transportées et mises en ordre dans la cour de l’arsenal. Je vous prie également de voir pourquoi les quarante canonnières ne sont pas encore mises en belle; pourquoi elles sont portées comme n’ayant que deux pièces de canon de 24 quand elles devraient en avoir trois.
J’ai donné ordre au général. Lacrosse de se rendre à Boulogne, pour y prendre le commandement. Je pense qu’il mettra à Boulogne la même activité qu’il a mise au Havre.
Je vous prie de me faire connaître combien d’obusiers de 8 pouces ont été remis par la terre et sont actuellement existants à Boulogne, Calais et Dunkerque.
Deux frères Michelon sont employés dans les fourrages de l’armée des côtes. On a des raisons de soupçonner qu’ils sont espions des Anglais. S’ils sont dans votre arrondissement, faites-les arrêter et saisir leurs papiers; s’ils sont dans l’arrondissement du camp de Bruges, écrivez-en dans ce sens au général Davout.
Paris, 30 janvier 1804
Au contre-amiral Decrès
Je vois avec peine, Citoyen Ministre, que quarante chaloupes canonnières, qui sont à Boulogne, ne sont pas encore établies en belle, et que plusieurs ne sont armées que de deux pièces de 24. Donnez des ordres pour qu’elles soient armées de trois pièces de 24, et pour qu’on prenne des mesures pour les mettre promptement en belle. Le citoyen Forfait m’a assuré qu’on faisait, pour ôter les coulisses, des travaux trop considérables, qui pouvaient être simplifiés.
Faites-moi connaître combien d’affûts d’obusiers de 8 pouces on a fait partir de Paris pour Boulogne, et ceux qu’on pourra faire partir d’ici au 20 pluviôse.
Quatre équipages de la Garde, formant 560 hommes, 560 bons matelots, sans comprendre les mousses ni les novices que la marine peut fournir, doivent pouvoir facilement servir trente-six chaloupes canonnières et trente-six péniches, à raison de douze hommes par chaloupe canonnière, et de quatre hommes de la Garde par péniche.
Une division de chaloupes canonnières a été mise à la disposition de la Garde, au Havre, où il y a deux équipages de rendus. Je désirerais que le Havre pût fournir neuf autres chaloupes canonnières, et l’on prendrait à Calais, Dunkerque ou Ostende les neuf autres. L’équipage qui est à Ostende y fournirait. Quant à l’équipage de la Garde qui est à Boulogne, il serait destiné au service de mes péniches et des chaloupes canonnières que j’ai fait faire.
Le 5e équipage de la Garde, qui est à Paris, pourra partir pour le Havre quand il sera nécessaire. Ordonnez donc au Havre de disposer neuf autres canonnières et neuf autres péniches, et faites-moi connaître quand cette nouvelle section sera prête.
Vous ordonnerez que les trente-six chaloupes canonnières que doit monter la Garde soient toutes armées en belle; qu’elles aient trois pièces de canon de 24 et un obusier de 8 pouces. Si, cependant, on pouvait en armer quelques-unes avec affût tournant, à l’instar de celles de Paris, il n’y aurait pas d’inconvénient.
Les péniches doivent être toutes armées d’un obusier de 6 pouces.
Paris, 31 janvier 1804
Au citoyen Régnier
Desol a été mal interrogé; Desmarets l’a fait trop légèrement. Dès l’instant qu’il lui a laissé apercevoir qu’il n’y avait d’autre chose à craindre que la dénonciation de Querelle, on lui a rendu de la confiance.
D’Hozier doit être mis au secret et subir un long interrogatoire.
Il faut savoir si Lenoble, dont il a été question, et qui a acheté les 20 kilogrammes de poudre, a été arrêté.
Paris, 31 janvier 1804
Au général Berthier
Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner ordre au corps des Sardes du général Murat, qui est à Milan, de se rendre à Fontainebleau. Le général en chef de l’armée d’Italie prendra pour sa garde trois compagnies d’élite de trois régiments de chasseurs et de hussards de l’armée d’Italie. Ces trois compagnies continueront à faire partie de leurs corps et à y être payées. Par ce moyen, cela n’occasionnera pas de surcroît de dépenses.
Lorsque le corps des gardes sera arrivé à Fontainebleau, le général Bessières sera chargé d’en passer la revue et de choisir pour la Garde tous les hommes qui seraient susceptibles d’y entrer et qui seraient reconnus avoir toutes les qualités pour cela.
Je vous prie de me faire un rapport sur la garde du général Mortier à Hanovre.
Donnez ordre au général Kellermann de se rendre à Hanovre, pour y prendre le commandement de la cavalerie, et au général Nansouty de revenir à Paris; vous lui ferez connaître qu’il sera employé à l’armée des côtes.
Paris, 31 janvier 1804
Au général Davout, commandant le camp de Bruges
Citoyen Général Davout, j’ai reçu votre lettre du 3 pluviôse. Vous pouvez assurer la chambre de commerce d’Ostende qu’elle peut être tranquille, que l’arrêté du 24 messidor sera exécuté; que cette disposition du ministre des finances n’a sans doute eu pour but qu’une régularisation, et qu’il prendra, au reste, des mesures pour faire disparaître toute inquiétude.
Vous avez le temps d’étudier le port d’Ostende. Vous y avez des officiers du génie de terre et du génie maritime. Il paraît que, les terres devant être mises en vente, on ne tardera pas à entreprendre les travaux de l’écluse de chasse. Faites traiter la question de savoir s’il est possible de faire entrer à Ostende, sans des dépenses extraordinaires, de grosses frégates, et de les faire entrer et sortir, même aux mortes eaux. Je ne pense pas que, dans aucun cas, on puisse y faire entrer des vaisseaux de 74. Étudiez aussi le port de Nieuport, et faites voir ce qu’il serait possible d’y faire.
Faites-moi connaître si le ministre de la marine a donné des ordres pour que toutes les écuries tirant plus de sept pieds d’eau se rendissent à Calais, et toutes les corvettes de pêche à Dunkerque.
La flottille qui doit transporter votre corps d’armée se divise en trois parties, chacune correspondant à une division.
Les deux 1ères seront formées par la flottille batave.
La 3e sera formée par la flottille de corvettes de pêche armées en guerre.
Les deux parties de la flottille batave se composent de la manière suivante :
La première, de la 1ère division de chaloupes canonnières, composée de deux sections, ou bataillons formés chacun de 9 chaloupes, total 18 chaloupes;
Et des deux 1ères divisions de la flottille de bateaux canonniers, composées chacune de quatre sections, ou bataillons formés chacun de 9 bateaux canonniers, total 72 bateaux.
Les cinq régiments formant la lère division de l’armée s’embarqueront, savoir : le ler régiment, sur la 1ère division de chaloupes canonnières; les deux autres brigades, sur les deux 1ères divisions de bateaux canonniers.
Une brigade est composée de quatre bataillons. Une division de la flottille de bateaux canonniers est également composée de quatre sections ou bataillons.
Le bataillon d’infanterie est composé de neuf compagnies; la section, ou bataillon, est également composée de 9 bateaux canonniers. Chaque compagnie sera donc affectée à un bateau canonnier.
La deuxième partie de la flottille batave sera composée de la 2e division de chaloupes canonnières, formant deux sections de 18 chaloupes; des 3e et 4e divisions de bateaux canonniers, formant chacune 4 bataillons, c’est-à-dire 72.
La 2e division de votre armée s’embarquera sur cette aile, chaque brigade sur chaque division de bateaux canonniers, chaque bataillon sur chaque section, et chaque compagnie sur chaque bateau.
Ainsi donc il faudrait que la flottille batave se trouvât être, au 1er ventôse, au moins de deux divisions ou 36 chaloupes canonnières, et de quatre divisions ou 144 bateaux canonniers. Elle devrait être du double, d’après les engagements pris par la Hollande. Dans tous les cas, si elle est plus forte, il sera fourni de nouvelles troupes; si elle est moins forte, il sera fourni un supplément par la flottille françaises.
La flottille de corvettes de pêche embarquera la 3e division de l’armée. Elle est composée de neuf sections ou bataillons; ainsi il y aura une section de trop.
Les garnisons doivent être fournies, dès aujourd’hui, par les bataillons de l’armée, qui doivent monter les chaloupes. On fournira un officier et 20 hommes pour chaque bateau canonnier; un officier et 30 hommes pour chaque chaloupe canonnière, et un officier et 20 hommes pour chaque corvette de pêche. Par ce moyen, chaque compagnie pourra renouveler trois et quatre fois sa garnison. Le service doit se faire par régiment, bataillon et compagnie, de manière que le capitaine sache que le bâtiment où est sa garnison est celui où doit s’embarquer sa compagnie.
La flottille batave doit avoir 100 bateaux de transport, dont une partie formée en écuries. C’est sur ces écuries que s’embarquera la brigade de cavalerie attachée au corps d’armée. Ce sont aussi ces transports qui porteront les bagages des bataillons et de l’état-major.
Il est donc nécessaire que vous organisiez vos garnisons de cette manière.
Faites-moi connaître si les corvettes de pêche, écuries et bateaux de transport ont eu des ordres de départ : les corvettes de pêche pour Dunkerque, les bâtiments tirant plus de sept pieds d’eau pour Calais, et les autres pour Boulogne.