Correspondance de Napoléon – Janvier 1804

Paris, 16 janvier 1804

Au contre-amiral Decrès

Je donne ordre, Citoyen Ministre, que les ler et 4e équipages de la Garde se rendent à Rouen et au Havre. Un équipage étant composé de 140 matelots, je pense que chaque équipage pourra monter une section de la flottille des chaloupes canonnières, c’est-à-dire neuf chaloupes et neuf péniches. Ces deux équipages serviraient donc dix-huit chaloupes et dix-huit péniches. Donnez ordre que les mousses et novices soient fournis par le port. Ils ne doivent point faire partie de la Garde.

Mon intention est qu’on choisisse les meilleurs bâtiments, et que toutes les chaloupes soient armées de quatre pièces de 24, en belle. et d’un obusier de 8 pouces, et les péniches d’un obusier de 6 pouces ou d’une pièce de 4.

Je donne ordre au commandant de l’artillerie de la Garde d’y expédier trente-six canonniers; deux seront attachés à chaque chaloupe canonnière.

Mon intention étant que ces bâtiments partent ensemble, vous me ferez connaître quand ils partiront du Havre, afin que j’y envoie des garnisons de grenadiers de la Garde.

 

Paris, 18 janvier 1804

DÉCISION

Le ministre de la guerre propose de faire rayer du tableau de la conscription militaire un étranger de l’âge de vingt ans, qui habite la France depuis plusieurs années, et qui y est marié avec une Française. Cette proposition est fondée sur les dispositions de l’article 3 de la Constitution, de l’article 13 du titre ler du Code civil, et de l’article 15, titre III, de la loi du 19 fructidor an VI.La conscription donne lieu à  un grand nombre de questions. Il  faudrait ou un règlement, ou une loi qui les levât toutes.

Tout individu qui possède en  France doit être soumis à la loi de la conscription, qu’il soit natif ou non. Si, au moment conscription, il habite en France, ou s’il y a habité, depuis l’âge de quinze ans, plus d’une année de suite, il sera soumis à la conscription personnellement. Dans le cas où il n’aurait jamais habité, il doit être traité dans la conscription comme s’il était infirme et incapable, et il devrait être racheté par une contribution.

DÉCISION

Rapport et projet de loi sur les peines à infliger aux enfants qui se marient sans le consentement de leurs parents.Ajouter trois sommations, de deux mois en deux mois. Proposer de régler, par un arrêté, les formes de la publication.

DÉCISION

Rapport et projet de loi tendant à attribuer au tribunal criminel du département de la Seine, exclusivement à tous autres tribunaux, la connaissance du crime de contrefaçon du timbre national.Ajouter une disposition pour la fabrication et l’émission de faux  billets de la Banque.

 

Paris, 18 janvier 1804

Au général Berthier

Je ne suis pas satisfait, Citoyen Ministre, du degré d’activité qui règne dans l’atelier de l’artillerie de terre à Boulogne pour l’installation des bâtiments de transport en écuries. Mon intention est que tous les ouvriers en bois qui se trouvent à la Fère et à Douai se rendent sur-le-champ à Boulogne, de manière que les installations de plus de 200 bâtiments qui vont être mis à la disposition de l’artillerie puissent se suivre sans aucun retard.

Je désire connaître le nombre d’obusiers de 6 et de 8 pouces, et de pièces de 24, que vous avez fait remettre à la marine, de ceux qui sont en mouvement pour lui être remis, ainsi que les ports où seront faites les remises.

 

Paris, 18 Janvier 1804

DÉCISION

Le ministre de la guerre soumet au Premier consul une demande en grâce adressée par le général Morand en
faveur de plus de cent conscrits du département du Liamone, condamnés, comme réfractaires, à 1,600 francs
d’amende.
Que ces hommes se rendent à  Antibes. Il leur sera ensuite fait grâce par une décision générale.

 

Paris, 19 janvier 1804

NOTES POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE

Envoyer en courrier un officier d’état-major au général Saint-Cyr, avec une somme en or, pour faire confectionner du biscuit, sans cependant que la somme passe 9,000 louis, avec un ordre de faire confectionner sur-le-champ à Tarente 500,000 rations de biscuit; confier au général Saint-Cyr que des escadres françaises, non-seulement de Toulon, mais même des autres ports, vont se rendre à Tarente, portant des troupes qui, avec les siennes, lui feront 30,000 hommes environ; que malgré les soins qu’on a mis à approvisionner ces escadres, elles auront besoin de ravitaillement, et surtout de biscuit; qu’il doit faire mettre toutes les batteries en bon état, pour protéger les bâtiments, quoique l’on pense que les armements que l’on fait nous feront avoir la supériorité pendant un mois dans la Méditerranée.

Ordre à un régiment de dragons qui est à Alexandrie de se rendre à Gênes, dans les faubourgs.

Au citoyen Saliceti : que l’intention du Gouvernement étant de faire embarquer quatre bataillons, formant 2,400 hommes, à Gênes, il est nécessaire qu’il fasse connaître, par le retour du courrier, s’il y aurait des bâtiments de transport en nombre suffisant; il faut qu’il prenne les bâtiments le plus grands possible et qui puissent contenir l’eau et les vivres pour deux mois de navigation.

Même ordre à Livourne pour le général Verdier : lui faire connaître que l’intention du Gouvernement est d’embarquer 3,000 hommes à Livourne; que ces 3,000 hommes seront pris :

Deux bataillons complets, dans la garnison actuelle de Livourne;

Quatre bataillons, dans celle de l’île d’Elbe, qu’on doit ordonner au général commandant en Italie de faire passer à Livourne;

Qu’il faut qu’il fasse choisir, dans le port de Livourne, les plus gros transports possible, et qu’il fasse confectionner sur-le-champ 200,000 rations de biscuit, qui doivent être prêtes le 25 pluviôse.

Envoyer à cet effet 1,000 louis à l’ordonnateur.

Ordre au citoyen Saliceti de faire confectionner 200,000 rations de biscuit. Ces rations doivent être prêtes au 25 pluviôse. Le général Dejean a ordre de lui envoyer l’argent nécessaire.

Ordre à l’île d’Elbe de tenir un bataillon du 20e régiments, un bataillon de la légion italienne et un bataillon helvétique prêts à partir et à s’embarquer pour une expédition.

Faire connaître à Livourne que l’on doit choisir des bâtiments pour contenir des vivres et de l’eau pour une navigation de deux mois et pouvoir aller de conserve avec une escadre.

Envoyer l’aide de camp Bruyères à Livourne avec 1,000 louis; il ira visiter le port, pour s’assurer s’il y a des bâtiments assez grands. Il passera à Rome, où il ne séjournera point; ensuite il ira à Naples, d’où il écrira pour faire connaître la situation de l’escadre dans la Méditerranée; de là il se rendra à Tarente.

 

Paris, 20 janvier 1804

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Écrivez au citoyen Delaunay, président du tribunal criminel, que lui et son tribunal aient pour le préfet la considération qu’ils doivent avoir, et que je ne souffrirai pas qu’il se forme un parti quelconque qui lui soit contraire; que même je verrais avec plaisir qu’ils voulussent finir des querelles trop légèrement allumées et vivre en bonne intelligence.

 

Paris, 20 janvier 1804

Au général Rapp, en mission à Toulon

Citoyen Rapp, j’ai reçu vos différentes lettres. Les événement arrivés aux deux frégates sont des événements qui arrivent souvent en mer, souvent par la faute des officiers de quart, quelquefois par des circonstances qui ne dépendent pas des officiers.

Je ne puis concevoir comment le Neptune n’a pu être prêt, puisque les mâture, gréement, canons, qui manquaient ont été expédiés pour suppléer à ce qui manque. Je ne puis actuellement penser qu’il soit possible de joindre nos deux vaisseaux, l’Atlas et le Berwick, à ceux qui sont déjà prêts. Les matelots ne peuvent empêcher; en établissant la presse, on en aura plus qu’on ne voudra.

Dites (ce que dit Ganteaume) si le Neptune, l’Atlas et le Berwick, puis les deux vaisseaux, pourront être prêts.

 

Paris, 20 jantier 1804

Au contre-amiral Decrès

J’approuve, Citoyen Ministre, que vous donniez l’ordre au vaisseau qui est à Cadix d’attendre de nouveaux ordres et de se mettre en rade, de manière à pouvoir appareiller toutes les fois qu’il en recevrait l’ordre.

Quant au Ferrol, demandez des renseignements pour savoir si la Poursuivante et l’Observateur pourraient partir, et si trois vaisseaux pourraient se trouver équipés de manière à faire une course en Amérique; mais si l’escadre trouve le moment favorable, elle doit appareiller, non pour Rochefort, mais pour Lorient, où l’on est sûr de ne point trouver de croisière. Faites connaître que si, par des circonstances de mer ou de guerre, l’escadre était poussée vers le sud, elle pourrait se rendre à Cadix.

 

Paris, 21 janvier 1804

DÉCISION

Rapport du grand juge concernant les nommés Desol de Grisolles, Picot, Lebourgeois, Piogé, dit Sans-Pitié, et Querelle.Je prie le consul Cambacérès de rédiger un projet d’arrêté pour traduire ces individus devant une commission militaire. Je crois nécessaire de faire un exemple. J’ai des renseignements secrets qui me font croire que Querelle n’était venu ici que pour assassiner. Sans-Pitié et Desol y étaient dans le même dessein.

 

Paris, 21 janvier 1804

Au général Davout, commandant le camp de Bruges

Les mesures que le ministre de la narine a prises doivent vous avoir procuré des ouvriers en nombre suffisant pour pouvoir expédier promptement tous les bâtiments armés et pour mettre à même de tenir la mer tous les bâtiments qui sont à Ostende.

Le ministre de la marine prend des mesures pour presser le pays, comme on a fait en Bretagne et dans plusieurs parties de la France; secondez-le de tous vos moyens, et faites-moi connaître, toutes les semaines, le résultat que vous aurez obtenu.

 

Paris, 21 janvier 1804

A l’amiral Bruix, commandant la flottille de Boulogne

J’ai reçu, Citoyen Général, les différentes lettres que vous m’avez écrites. Je n’entrerai dans aucun détail sur les objets que vous y traitez, l’état de votre santé étant en ce moment le seul dont je puisse m’occuper. Je désire donc que vous soyez bientôt dans le cas de m’apprendre que vous êtes rétabli.

 

Paris, 21 janvier 1804

Au citoyen Talleyrand

Le Premier Consul me charge, Citoyen Ministre, de vous donner connaissance du mécontentement que la conduite de l’évêque de Quimper lui fait éprouver. L’anéantissement de l’esprit public dans le département du Finistère est le résultat affligeant de la mauvaise administration de cet évêque, qui, avec des intentions qu’on veut croire pures, a fait autant de mal que s’il avait été l’ennemi du Gouvernement. L’un de ses grands vicaires qui vient de mourir était en correspondance réglée avec l’Angleterre.

C’est à votre seule recommandation que l’abbé André a dû son élévation à l’épiscopat. Le Premier Consul désire que vous obteniez, de la déférence qu’il doit avoir pour vos conseils, que cet évêque donne sa démission. Dans l’état où il a mis son diocèse, et d’après l’opinion qu’on a dû y prendre de son caractère, il ne peut plus y faire aucun bien.

Le Premier Consul croit qu’il serait convenable de faire partir sur-le-champ, pour Quimper, le frère de l’évêque, le citoyen André se trouvant plus que personne en mesure de faire comprendre à ce prélat ce que sa situation actuelle exige impérieusement.

 

Paris, 24 janvier 1804

Au citoyen Régnier

Les lettres de Drake paraissent fort importantes. Je désirerais que Méhée (Jean-Claude-Hippolyte Méhée de la Touche, 1760-1826. Agent double), dans son prochain bulletin, dit que le comité avait été dans la plus grande joie de la pensée que Bonaparte voulait s’embarquer à Boulogne; mais qu’on a aujourd’hui la certitude que les préparatifs de Boulogne sont de fausses démonstrations qui, quoique coûteuses, le sont beaucoup moins qu’elles ne le paraissent au premier coup d’œil; que les chaloupes canonnières sont des espèces de bricks et sont construites de manière à pouvoir être utiles au commerce; que ces bricks sont armés de quatre pièces de 24;

Que les bateaux plats, armés d’une pièce de 24 et d’une pièce de 18, sont faits de manière à pouvoir être vendus comme bateaux pour la pêche;

Que les péniches dont on a fait construire 400 sont, dans tout état de choses, des chaloupes utiles, même à une escadre de gros vaisseaux;

Qu’enfin les prames ou bâtiments, qui portent douze pièces de 24, et dont on a fait construire soixante, sont faits de manière à pouvoir servir en tout temps de grosses bagares pour l’approvisionnement les ports;

Qu’ainsi donc ce soin qu’on prend d’utiliser les bâtiments de la flottille pour des usages ordinaires fait voir que ces préparatifs ne sont que des menaces, et que ce n’est pas un établissement fixe qu’on voudrait conserver; qu’il ne fallait point se le dissimuler : que le Premier Consul était trop rusé et se croyait trop bien établi aujourd’hui pour tenter une opération douteuse où une masse de forces serait compromise.

Le véritable projet, autant qu’on en peut juger par ses relations intérieures, est l’expédition de l’Irlande, qui se ferait à la fois par l’escadre de Brest et l’escadre du Texel; qu’on arme à Brest, à ce qu’assure un individu qui en arrive, des vaisseaux dans le port et qu’on ne met point en rade; quinze doivent être en rade et dix dans le port; ils doivent faire une sortie contre les croisières anglaises qu’on espère alors surprendre, puisque Cornwallis, qui n’est pas inférieur à ce nombre, est disséminé sur plusieurs points, parce qu’il croit n’avoir à craindre que les vaisseaux qui sont en rade;

Le général Augereau est arrivé à Brest;

Des cadres de bataillons irlandais ont été formés et sont à Morlaix; il y a déjà plus de 200 officiers, et O’Connor, Emmet, Thompson et autres Irlandais ont ici des conférences fréquentes par le canal de d’Alton, Irlandais d’origine.

On ne dit rien sur l’expédition du Texel, quoiqu’on sache qu’elle est prête, et on fait beaucoup de bruit des camps de Saint-Omer, d’Ostende et Flessingue : la grande quantité de troupes réunies en forme de camps ont un but politique; Bonaparte est bien aise de les avoir sous la main, de les tenir armées en guerre, et de faire un quart de conversion pour retomber en Allemagne, s’il croit nécessaire à ses projets de faire la guerre continentale.

Une autre expédition est celle de la Morée (Péloponèse), qui est décidément arrêtée. Bonaparte a 40,000 hommes à Tarente; l’escadre de Toulon va s’y rendre; il espère trouver une armée auxiliaire de Grecs très-considérable.

Il faut toujours continuer l’affaire du portefeuille; dire que, pour s’accréditer, l’huissier vient de présenter plusieurs morceaux de lettres écrites de la main même de Bonaparte; que l’on peut donc tirer le plus grand parti de cet homme, mais qu’il veut beaucoup d’argent; le projet est effectivement de livrer ce portefeuille, dans lequel le Premier Consul mettra tous les renseignements qu’on désire qu’ils croient. Mais, pour qu’ils attachent une grande importance à ce portefeuille, il faut qu’ils avancent de l’argent, au moins 50,000 livres sterling.

 

Paris, 24 janvier 180

A S. S. le Pape

Très-saint Père, j’ai reçu la lettre de Votre Sainteté, du 1er décembre. Je la remercie de l’accueil qu’elle a bien voulu faire à ma recommandation pour M. de Clermont-Tonnerre. J’ai fait écrire à Tunis pour engager le bey à ménager les États de Votre Sainteté; il a promis de donner quelques instructions, sur lesquelles cependant il n’est pas prudent de se fier.

Lorsque la paix sera rétablie sur les mers, il sera possible d’insister avec plus de force, pour qu’il laisse non-seulement les États, mais le pavillon de l’Église en repos; car c’est une chose affligeante et même un déshonneur pour la chrétiens que de misérables brigands, qui habitent de beaux pays où ils pourraient vivre tranquilles, insultent comme ils le font à tous les pavillons. Enfin, espérons qu’un jour viendra où ils cesseront.

 

Paris, 24 janvier 1804

Au général Soult, commandant le camp de Saint-Omer

Citoyen Général Soult, dans votre lettre du 29 nivôse, je vois que, sur les bâtiments servant d’écuries, il y aura des emplacements où l’on mettra des selles et des équipages, non-seulement de la cavalerie, mais encore de dragons. Il doit y avoir à Boulogne une grande quantité de bâtiments de transport; je suis étonné qu’on n’ait pu en remettre que quarante-huit au général Faultrier. Voyez, je vous prie, le Citoyen Combis pour cet objet, et faites fournir de suite à l’artillerie tout ce qui se trouverait à Boulogne de bâtiments non classés et propres à porter un certain nombre de chevaux.

Les obusiers de 6 pouces et les canons de 4, que vous a demandés le préfet maritime, doivent exister à Dunkerque et à Calais. Faultrier peut faire venir de Saint-Omer tous ceux qui s’y trouvent, et les lui remettre. Il doit y en avoir cinquante.

 

Paris, 25 janvier 1804

LE MINISTRE DU TRÉSOR PUBLIC AUX RÉGENTS DE LA BANQUE DE FRANCE.

Le Premier Consul, Messieurs, a pris connaissance des statuts de la Banque de France, que sa députation lui a présentés le ler de ce mois. Le paragraphe premier de l’article 5 lui a paru contraire à l’institution de la Banque, dont les fonctions sont d’escompter et non pas de faire des avances. On pourrait croire que cet article a été rédigé dans l’intérêt et par l’inspiration du Gouvernement. Il a voulu que je vous déclarasse positivement que son intention était que, dans quelques circonstances que pût se trouver le trésor public, il ne fût rien demandé à la Banque, ni à titre d’emprunt, ni à titre d’avances, et que cette détermination s’appliquait également à tous les établissements publics.

Mais le Premier Consul a toujours pensé que les effets appartenant au Gouvernement, tels que les obligations et autres effets organisés de la même manière, doivent de plein droit être escomptés à la Banque, lorsqu’ils n’ont plus qu’un ou deux mois à parcourir pour atteindre à leur échéance. La signature du receveur, celle du caissier du trésor public, l’obligation de la part de la caisse d’amortissement de rembourser, en cas de non-payement, sont au-dessus de toutes les garanties exigées pour les effets de capitaux. Vous voudrez bien donc me déclarer positivement si les effets de cette nature seront escomptés sans difficulté.

Quant aux obligations qui seraient à plus de deux mois d’échéance, l’escompte ne doit en être fait que de gré à gré, et quand la Banque ne trouvera point l’emploi de ses fonds dans les effets de commerce.

La loi qui établit le privilège de la Banque a eu pour objet de faciliter les transactions publiques et particulières. L’exercice de ce privilège doit être fait avec toute la confiance que justifie la solidité de son institution.

Cet établissement est encore près de sa naissance, et cette considération a justifié son économie dans les secours qu’il a jusqu’ici donnés au commerce. Sans doute, il ne peut pas escompter des effets douteux : mais le vœu du Premier Consul est que la Banque trouve elle-même son intérêt à toujours avoir une centaine de millions de ses billets en circulation, et, si le commerce n’en fournissait pas l’emploi jusqu’à concurrence d’environ cette somme, il pourrait y être en partie suppléé par un escompte d’obligations appartenant au trésor public, quand cette opération devrait donner quelque perte au trésor public même.

Au reste, le Premier Consul m’a chargé de déclarer aux régents de la Banque qu’il donnerait toujours à cet établissement tout l’appui qui pourrait dépendre du Gouvernement, soit en prenant toutes les mesures que la justice et l’intérêt public pourraient autoriser, soit même en prenant les actions encore invendues, s’il arrivait quelles fussent au-dessous du pair.

Le Premier Consul n’a fait des sacrifices, n’a pris tant de soins pour fonder et consolider la Banque que pour amener la réduction de l’intérêt, sans laquelle ni le commerce ni les manufactures ne peuvent prospérer.

Ce résultat ne peut être atteint qu’en multipliant, autant qu’il sera possible, les escomptes, et il attend du zèle de messieurs les régents de la Banque qu’ils seconderont ses vues de tout leur pouvoir.

 

Paris, 25 janvier 1804

Au général Berthier

Le ministre Dejean, Citoyen Ministre, par l’état ci-joint qu’il me remet, parait croire qu’il y aura, cette année, 40,000 conscrits qui entreront dans les corps au-dessus du complet de paix. Il a été autorisé à faire ces calculs par l’ordre qui a été donné d’augmenter le complet des corps de 100 hommes par bataillon et de les porter au grand complet de guerre; mais il est de fait que cela rie se réalisera pas, parce qu’un grand nombre de corps ne reçoivent pas assez de conscrits, même pour être portés au grand complet de paix; que les corps qui ont reçu l’ordre d’être complétés sur le pied de guerre n’en reçoivent point suffisamment pour cela, et que même plusieurs ont reçu des dépôts coloniaux des hommes tout habillés.

Je désire donc que vous me fassiez faire un état présentant la situation des corps à l’époque de la dernière revue, en ayant soin de n’y pas comprendre les hommes qui ont été effacés des contrôles ou auxquels l’inspecteur aurait accordé la retraite, qu’à l’heure qu’il est, ne sont plus aux corps, et le nombre de conscrits accordés à chaque corps sur la conscription de l’an XI et de l’an XII.

Par ce moyen, il sera facile de voir la situation de l’effectif des corps dans le courant de l’année, et de calculer quels sont ceux qui, se trouvant au-dessus du complet de paix, auront besoin d’un secours extraordinaire pour la masse d’habillement.

 

Paris, 27 janvier 1803

Au général Berthier

Il est nécessaire d’abord de présenter les notes recueillies sur les individus qui peuvent occuper la place de colonel des régiments suisses. Il faudra commencer par en nommer un, et quand ce régiment commencera à se former, on organisera les autres; car on ne peut les organiser tous ensemble; cela nous entraînerait dans de trop grandes dépenses, sans que cela fût d’aucun service. Mon intention est de détruire les trois régiments qui sont actuellement à notre service, et d’en répartir les officiers entre les quatre nouveaux régiments. Il est convenable cependant de les diviser en trois classes : l° ceux susceptibles d’être conservés pour les nouveaux corps; 2° ceux à mettre au traitement de retraite ou de réforme; 3° ceux qui sont mauvais et n’offrent aucune ressource. Le bataillon de Saint-Domingue ne comptera pas. Cependant, pour rendre ce travail plus facile, il faudrait négocier avec le citoyen Marescalchi pour que la République italienne prit à son service le régiment qui est en Italie. Quant aux garnisons, le premier régiment qu’on organisera pourrait se réunir Nancy.

A mesure qu’on organisera un nouveau régiment, il faut détruire un ancien.

J’attends toujours le projet que je vous avais demandé.

 

Paris, 27 janvier 1804

Au général Soult, commandant le camp de Saint-omer

Citoyen général Soult, j’ai lu avec attention les états du citoyen Combis que vous m’avez envoyés. Le ministre de la marine lui transmettra les nouvelles mesures que j’ai prises pour rendre plus simple son travail. J’ai décidé qu’on ne fera plus de distinction de grande, de petite et moyenne pêche; que tous les bâtiments qui sont au-dessus de 30 tonneaux seraient convertis en écuries; que de tout ce qui serait de moins de 30 et de plus de 10 tonneaux, deux cents seraient destinés, savoir : cinquante bâtiments à l’embarquement de la grosse artillerie, et cent cinquante de 25 à 10 tonneaux, aux bataillons, aux généraux, commissaires, etc., selon la destination qui sera donnée au moment de l’embarquement.

Il résulte de ces nouvelles dispositions que le directeur de la flottille de transport peut donc remettre au général Faultrier, pour être installés en écuries :

1° Les dix-huit bâtiments portés dans la première feuille de l’état que vous m’avez envoyé, comme bâtiments de grande pêche;
2° Huit bâtiments, qui ont plus de 30 tonneaux, faisant partie des vingt-quatre bâtiments portés dans la deuxième feuille de l’état comme bâtiments de moyenne pêche;
3° Trois bâtiments portés pour le service de l’état-major comme bâtiments de moyenne pêche;
4° Douze bâtiments portés parmi les quatorze destinés pour les administrations, etc., du port, de plus de 30 tonneaux;
5° Quatre bâtiments de ceux portés pour le service de l’artillerie, qui passent 30 tonneaux;

Enfin huit bâtiments parmi ceux non classés; total, cinquante-trois bâtiments, qui, avec les sept écuries pour la cavalerie et les quarante-trois bâtiments déjà installés comme écuries, forment un total de cent trois, qu’il classera et numérotera comme écuries.

Tenez la main à ce que l’artillerie installe sur-le-champ ces bâtiments, et faites-vous remettre par le général Combis un travail sur ces nouvelles bases. Ce sont les moyens de transport des chevaux qui nous retarderont, et ce n’est pas à vous qu’il faut dire que, dans une expédition où je ne puis rien hasarder après les hasards de mer, je ne puis me passer d’un nombre compétent de chevaux.

Le citoyen Faultrier, par les instructions qu’il a, sait que les bateaux canonniers doivent porter deux chevaux d’artillerie. Si tous les bâtiments qui sont à Boulogne n’étaient pas installés pour porter ces deux chevaux, que le général Faultrier fournisse des moyens à la marine, car autant de bateaux sans deux chevaux, autant de ressources de moins pour l’artillerie.

Le directeur de la flottille de transport doit avoir un état des mouvements de tous les bâtiments en route des différents ports pour Boulogne. Je désire qu’il me présente un travail pour la distribution des écuries. Tout ce qui tirerait plus de sept pieds d’eau devrait s’arrêter à Calais. Quant à ceux qui tireraient moins de sept pieds d’eau, il faut qu’il les classe selon leur tirant d’eau, parce que cela influera sur le port qu’ils devront occuper et leur ordre d’appareillage au moment de l’expédition.

Par ces nouvelles dispositions que je viens d’ordonner, et par les états de la flottille de transport, je dois avoir au moins quatre cents bâtiments pour écuries, ce qui, j’espère, pourra me porter 7,000 chevaux. Les bateaux canonniers en porteront 800, les corvettes de pêche 160, la flottille proprement dite de transport, 300; cela fera un total de 8,000.

C’est au directeur actuellement à faire son travail en grand, à les numéroter et à les classer, et alors je désignerai les régiments qui doivent s’y embarquer, afin qu’il puisse y placer des officiers et des garnisons, tant pour surveiller les bâtiments que pour s’exercer à la manœuvre de l’embarquement et du débarquement des chevaux.