Correspondance de Napoléon Ier – Septembre 1809

Schönbrunn, 1er septembre 1809

Au prince Cambacérès, archichancelier de l’Empire, à Paris

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 26 août. On a mal fait de faire voyager en poste les gardes nationales. On abuse de ce moyen, qui épuise les campagnes, fatigue les troupes et coûte un argent énorme. Faire marcher en poste des hommes sans armes qui ont besoin de temps pour s’organiser, c’est une véritable folie.

Vous ne m’avez pas envoyé le nom des commandants de Paris; j’aurais désiré recevoir de vous des notes sur chacun d’eux, qui me les fissent connaître. Il me semble que tout cela a été mené avec trop de précipitation et de mouvement, et que, pour lever sur le tiers de la France les 30,000 gardes nationales que j’ai demandées, il ne fallait pas tant de tapage et d’effervescence. Je désirerais, dans les circonstances actuelles, recevoir de vous des dépêches plus détaillées.

Il serait aussi convenable, d’appeler tous les grands dignitaires au conseil que vous tenez chaque jour; il me semble que c’est leur droit. Ils me sont comptables de leur opinion et de leurs observations dans cette circonstance importante.

 

Schönbrunn,  2 septembre 1 809, quatre heures après midi.

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, je vous ai envoyé hier un courrier de Russie. Il était porteur de lettres de mon consul à Königsberg et à Memel, que j’aurais ouvertes, si j’avais pu soupçonner les nouvelles dont vous ont régalé les plénipotentiaires autrichiens. Toutefois elles vous feront voir combien elles sont controuvées. M. Czernitchef arrive; il porte à l’empereur d’Autriche une lettre de l’empereur Alexandre. Je vous joins copie de la lettre de l’empereur d’Autriche et de la réponse de l’empereur de Russie pour votre gouverne; cela est pour vous seul, et si jamais les plénipotentiaires autrichiens voulaient tirer parti de cette communication. Je vous envoie la lettre de Caulaincourt, que vous me renverrez. Vous ferez connaître, aux plénipotentiaires autrichiens que l’empereur de Russie s’en rapporte à moi pour stipuler la paix, non seulement pour la France, mais encore pour la Russie. Vous ne devez pas manquer les occasions de les convaincre que nos relations avec la Russie sont plus intimes que jamais, et que le corps du prince de Galitzine serait sous mes ordres comme un corps français si jamais la guerre venait à recommencer.

Mes nouvelles de Paris sont du 27. L’estafette a passé le 30 à Strasbourg. S’il y avait eu des nouvelles importantes d’Anvers du 29, le télégraphe de Strasbourg les aurait apprises et me les aurait fait connaître. Les moyens se préparent de ce côté, les troupes arrivent et tout s’organise convenablement. En Espagne, les affaires paraissent bien marcher.

Vous trouverez ci-joint la lettre que je reçois de l’empereur Alexandre; vous verrez dans les lettres de Caulaincourt combien il a été satisfait de votre grande note, qui, en effet, autant que je puis m’en souvenir, est très belle.

P. S. J’ai reçu vos lettres du 1er avec le protocole de la neuvième séance. Je vous répondrai ce soir. Envoyez-moi copie de la dépêche que vous avez fait partir pour M. de Caulaincourt quelques jours avant votre départ pour Altenburg, dans laquelle vous lui faites connaître mes vues sur la Galicie. Quand présumez-vous qu’arrivera la réponse ?

 

LETTRE DE  L’EMPEREUR D’AUTRICHE A L’EMPEREUR DE RUSSIE.

Monsieur mon Frère, un armistice a été signé le 12 de ce mois entre le quartier-maître général de mon armée, sous le commandement de l’archiduc généralissime, et le major général de l’armée française.

N’ayant jamais ambitionné qu’un état de paix qui méritât ce nom, fidèle à ce principe, j’ai cru devoir saisir cette occasion pour proposer une négociation à l’Empereur des Français. Nos plénipotentiaires respectifs sont nommés; ils vont se réunie incessamment.

Mes vœux seront atteints si cette négociation peut mener à un état de choses et à des rapports entre la France et moi compatibles avec la dignité de ma couronne et la sûreté effective de mes peuples. La paix sera établie incessamment entre la France et moi si son souverain veut la paix. Si elle n’est pas le résultat de mes efforts, que Votre Majesté Impériale n’en cherche la cause que dans des demandes de l’Empereur des Français opposées à mes devoirs de souverain et contraires à l’indépendance de l’Etat, cette base première de l’existence même d’un grand empire, dans des propositions enfin qui seraient illusoires dans leur application et par conséquent funestes dans leurs résultats les plus prochains.

Je vous prie, Monsieur mon Frère, de voir dans la franchise de cette communication la suite d’une longue habitude d’anciennes relations conformes à tous mes vœux particuliers. Que Votre Majesté Impériale n’y retrouve pas moins une preuve nouvelle de mon inaltérable conviction que les intérêts de l’Autriche ne sauraient jamais devenir étrangers à ceux de la Russie. Veuillez, Monsieur mon Frère, agréer, etc.

 

RÉPONSE DE L’EMPEREUR DE RUSSIE A L’EMPEREUR D’AUTRICHE.

Monsieur mon Frère, j’ai reçu la lettre que Votre Majesté Impériale m’a adressée de Komorn le 30 juillet. J’y ai vu avec une vive satisfaction la résolution de Votre Majesté de mettre fin à la guerre. Elle sait combien j’ai eu à cœur que la paix ne soit pas troublée par elle. Je ne lui ai pas caché les maux que j’en prévoyais. Je regrette infiniment de me trouver à une aussi grande distance de la scène des événements; il m’eût été bien consolant d’offrir mes bons offices et d’opérer une réunion d’amitié et d’intérêt entre l’Autriche, la France et la Russie.

Pétersbourg, 9/21 août 1809. ALEXANDRE.

 

LETTRE DE L’EMPEREUR ALEXANDRE A L’EMPEREUR NAPOLEON

Monsieur mon Frère, je remercie Votre Majesté Impériale pour ses lettres et pour la communication de celle de l’empereur d’Autriche et de la réponse qu’elle y a faite. Je viens d’en recevoir une également dont je m’empresse de transmettre la copie à Votre Majesté, en y joignant celle de ma réponse. La possibilité de la paix me fait éprouver une satisfaction réelle. Mes intérêts se trouvent dans la main de Votre Majesté; j’aime à placer une confiance entière dans son amitié pour moi. Elle peut m’en donner un gage certain en se rappelant ce que je lui ai bien souvent répété à Tilsit et à Erfurt sur les intérêts de la Russie par rapport aux affaires de la ci-devant Pologne, et ce que j’ai chargé depuis son ambassadeur de lui exprimer en mon nom. Je me réfère au contenu de sa dépêche écrite à la suite de mes entretiens avec lui s’il a été exact dans ses rapports.

Votre Majesté me rendra la justice qu’en commençant la guerre contre l’Autriche je n’ai rien articulé d’avance pour moi; que j’ai commencé cette guerre en ayant déjà quatre sur les bras, dont deux par suite de mon système d’alliance avec elle. Mon plus grand désir est que tout ce qui peut nuire à cette alliance soit écarté, afin qu’elle puisse se consolider de plus en plus. Je le répète à Votre Majesté, j’aime dans une circonstance aussi importante à compter formellement sur son amitié pour moi. Votre Majesté voit toute la franchise et tout l’abandon de confiance que je mets en elle; j’ai droit d’espérer qu’elle en usera de même envers moi. Je charge le porteur de cette lettre de remettre également à l’empereur d’Autriche celle que je lui adresse. Il reviendra ensuite attendre les ordres de Votre Majesté.

Pétersbourg, 9/21 août 1809. ALEXANDRE.

 

Schönbrunn, 2 septembre 1809.

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris

Il est ridicule de mettre la citadelle de Gand en état de siège. Il y a un moyen plus sûr, c’est de détruire cette citadelle, qui ne peut en vérité servir à rien. Surtout dans cette circonstance, cette mesure est mauvaise. Il faut deux ans pour mettre cette place en état.

Je ne vois pas que dans le Moniteur vous fassiez·mettre la suite des pièces sur les affaires du Nord. Faites mettre la capitulation de Flessingue et tout ce qu’on sait sur ce honteux événement. Faites mettre dans d’autres journaux, des articles sur la lâcheté du général, sur la punition terrible réservée aux commandants de place qui encourraient un pareil déshonneur, et faites sentir que Flessingue n’ayant aucune brèche pouvait tenir encore deux mois.

 

Schönbrunn, 2 septembre 1809

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris

Je vois que vous avez envoyé beaucoup d’officiers d’artillerie à Anvers; d’ici, j’en ai envoyé cinq, outre le général Mossel ; j’ai aussi envoyé des officiers du génie. Tout cela doit être arrivé à l’heure qu’il est. .

Vous aurez donné des ordres aux généraux Conroux et Lamarque et aux trois généraux de brigade que je vous ai envoyés de se diriger sur Bruxelles. Ce renfort de généraux ne peut être qu’utile; vous en mettrez de mauvais en seconde ligne. Je ne vois pas de lettres de Bessières dans votre correspondance. A-t-il commencé à organiser sa réserve ?

Je suppose le duc de Valmy rendu à Maëstricht et qu’il réunit là un corps de cavalerie pour tenir la plaine et se lier avec Anvers et le duc de Conegliano.

Je suppose que le duc de Conegliano a rapproché son quartier général de la Tête-de-Flandre, et qu’il exécute mes instructions de ne pas se laisser couper de la Tête-de-Flandre et d’être toujours en communication avec le prince de Ponte-Corvo.

Continuez à envoyer le plus de mortiers que vous pourrez sur Anvers.

 

Schönbrunn, 2 septembre 1809

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris

La manière dont je vois qu’on organise la défense d’Anvers montre peu de talent. Au lieu de mettre les batteries à 1,000 et 1,500 toises l’une de l’autre, où elles ne peuvent se secourir que faiblement et sont obligées de lutter séparément contre toutes les forces de l’ennemi, il fallait réunir cette masse de canons dans un court espace, de manière qu’ils puissent se défendre ensemble et frapper le même but. Je m’étonne toujours comme les notions les plus simples sont inconnues au génie et à l’artillerie. Cinq cents pièces de canon disposées en batteries de douze pièces, à 1,000 toises l’une de l’autre, ne coûteront guère plus à éteindre que quinze; au lieu que cinq cents pièces placées, trois cents sur une rive et deux cents sur l’autre, divisées en batteries de vingt pièces, à la distance de 25 toises l’une de l’autre, selon les localités, formeraient quinze batteries de vingt pièces d’un côté, lesquelles pourraient tirer au même moment sur tout bâtiment qui s’avancerait. Ces batteries ainsi placées formeraient une barrière infranchissable.

Je voudrais voir réunies autour de Lillo ou près d’Anvers, en avant du coude, toutes les pièces que l’on a éparpillées dans un long cours.

Si Lillo et Liefkenshoek sont environnés de quatre ou cinq batteries, et qu’ils puissent tirer chacun cinquante pièces de 36 ou de 24 et une douzaine de mortiers, ces forts feront un terrible tapage. Les plus grands moyens éparpillés ne produisent aucun résultat en artillerie, comme en cavalerie, en infanterie, en places fortes et dans tout le système militaire.

J’ajouterais beaucoup de réflexions, mais elles seraient tardives.

Gardez-les pour votre gouverne; ne les envoyez pas même à Anvers, cela ne servirait qu’à décourager. Je vois que des choses que je vous écrivais, vous les avez envoyées à Anvers, quoiqu’elles ne fussent plus appropriées à la circonstance; ce qui ne peut être d’aucun résultat.

 

Schönbrunn, 2 septembre 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Il me revient des plaintes contre le commandant du troisième faubourg de Vienne. Il a reçu deux fois 4,000 florins. Il se fait donner des voitures par la communauté et vexe un nommé Krautharn, marchand de soie, chez lequel il a logé. Faites-le venir à l’interrogatoire sur ces dépositions. Le commandant du deuxième faubourg a exigé une voiture et deux chevaux d’attelage. Ces présents ruinent Vienne et donnent lieu à des plaintes.

 

Schönbrunn, 2 septembre 1809

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Il est nécessaire que vous fassiez partir sur-le-champ pour se rendre à Savone, un chebec et trois on quatre petits bâtiments, comme tartanes ou demi-chebecs, armés de canons, sous les ordres d’un capitaine de frégate ferme et intelligent. Le but de cette flottille sera de faire des croisières dans le golfe de Vado et de surveiller la côte, à cause de la résidence du Pape à Savone.

 

Schönbrunn, 2 septembre 1809

Au cardinal Fesch, archevêque de Lyon

Mon Cousin, j’ai reçu votre lettre. J’ai vu avec plaisir que vos grands vicaires seuls sont coupables de n’avoir pas mis la lettre que j’ai écrite aux évêques à la suite de leur mandement, comme c’était l’usage et leur devoir et comme l’on fait les grands vicaires du diocèse de Paris. Je ne saurais recevoir ni excuses ni raisons; toutes sont mauvaises. Quand je parle à mes peuples, il n’appartient à qui que ce soit de les empêcher de m’entendre, et je suis trop bon catholique et trop éclairé sur les principes de la religion pour jamais penser et dire rien qui soit contraire aux vérités et aux principes de l’Église.

Quant à la recommandation que vous avez faite à vos grands vicaires de ne pas commenter ma lettre, vous avez en cela parfaitement rempli mes intentions, et personne n’a le droit d’interpréter autrement que par le sens naturel ce que j’écris et proclame. Témoignez votre mécontentement à vos grands vicaires, S’ils avaient fait comme ceux de Paris et les évêques de France, je n’aurais point eu à me plaindre d’eux. Quant aux raisons qu’ils donnent, qui ne peuvent être justifiées que par une extrême pusillanimité et une excessive circonspection, faites leur connaître que je ne saurais avouer pour amis et pour vrais Français des hommes lâches et sans courage.

Qu’importent les clameurs des méchants et des malintentionnés ?

Je n’attache aucune importance à une fausse manière de voir et de sentir de vos grands vicaires, mais j’aurais été vivement peiné si un pareil manquement était venu de votre part. C’est donc avec un vrai plaisir que j’ai vu que, dans cette circonstance comme dans beaucoup d’autres, je n’avais, que des éloges à donner à vôtre zèle et à votre attachement à ma personne.

 

Schönbrunn, 2 septembre 1809

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris

Le cardinal Fesch a parfaitement expliqué dans la lettre qu’il m’a écrite cette bêtise de ses grands vicaires. Témoignez-leur mon mécontentement et faites-leur connaître que personne n’a le droit d’empêcher mes peuples de m’entendre, que ce que j’ai dit est vrai, et que la vérité, comme dit l’Ecclésiaste, doit se prêcher sur les toits, sans crainte des méchants et des malintentionnés; que je vois avec peine de la pusillanimité dans les bons, el que les lâches ne sauraient être ni Français ni mes amis.

 

Schönbrunn, 3 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, je reçois votre lettre du 27 août. Je suppose que vous avez reçu mes lettres du 22, qui vous auront fait connaître clairement mes intentions sur ce qui est relatif à la défense d’Anvers.

Je ne puis trouver mauvais, j’approuve même que le prince de Ponte-Corvo ne se soit pas dégarni des troupes qu’il a. Que le duc de Conegliano suive bien mes instructions et se rapproche de la Tête-de-Flandre pour ne pas se laisser couper du prince de Ponte-Corvo et s’unir à ce maréchal pour défendre Anvers sur la rive gauche, comme ce maréchal défend sur la rive droite.

Le prince de Ponte-Corvo a bien près de trente-six pièces de canon attelées; il faudrait lui en fournir autant; ce qui ferait soixante et douze.

Je viens de voir un colonel de chasseurs, réformé depuis l’an II, qui a été en Espagne et qui revient ici; j’ai été oblige de le renvoyer; c’est un homme qui ne peut être d’aucune utilité, et qui cependant m’aura coûté beaucoup d’argent d’un poste à l’autre.

Il est convenable de placer entre Paris et l’Océan les troupes disponibles du camp de Pontivy et de la 13e division militaire, afin que, si l’ennemi tentait quelque chose du côté de Cherbourg pour brûler les deux vaisseaux qui s’y trouvent, ces troupes puissent promptement s’y porter.

 

Schönbrunn, 3 septembre 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, je vous renvoie les pièces relatives à la Dalmatie. Il est nécessaire que vous fassiez une note forte pour demander que, conformément à l’armistice, les troupes autrichiennes évacuent la Dalmatie. Faites sentir l’indignité de l’attaque faite contre Zara le 24, c’est-à-dire douze jours après la signature de l’armistice dont les généraux autrichiens pouvaient alors être instruits; que ce cas ne peut être assimilé à aucun autre, et que c’est comme si demain les Autrichiens envahissaient une province cédée par l’armistice.

 

Schönbrunn, 3 septembre 1809

Au général comte Caffarelli, ministre de la guerre du royaume d’Italie, à Milan

Monsieur le Général Caffarelli, le roi de Naples me mande, en date du 23 août, qu’il a envoyé à Bologne deux escadrons napolitains forts de 500 chevaux et qu’il va en faire partir deux autres; qu’il a fait partir les deux bataillons du 101e, un bataillon de la Tour d’Auvergne, deux du 6e de ligne et les deux du 14e léger; ce qui fait sept bataillons et deux escadrons. Cette colonne, qui doit être de 4 à 5,000 hommes, doit être arrivée à Bologne. Il faut, dès que ces bataillons seront réunis, joindre aux 101e, 14e et 6e tout ce que le prince Borghèse pourra envoyer de leurs dépôts et les détachements qu’ils ont dans la 15e demi-brigade provisoire. Il faut placer cette réserve à Vérone, hormis le bataillon de la Tour d’Auvergne, qu’il est prudent, vu qu’il est composé d’Allemands, de laisser à Bologne pour servir contre les révoltés. J’ai demandé au Roi d’envoyer aussi 2,000 hommes de ses troupes napolitaines.

Il faut que le général Vial, qui a ordre de se rendre à Trente, n’y aille qu’en force, afin de ne pas éprouver d’échec de la part de ces misérables. Je désire qu’il ait une force de 8,000 hommes entre Trente, Roveredo et Ala.

 

Schönbrunn, 4 septembre 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, je vous envoie la réponse à faire aux plénipotentiaires; vous y verrez que cela termine tout. En demandant la Bohême, j’ai pour raison de laisser croire que c’est convenu avec la Russie et que c’est la compensation de quelque arrangement avantageux à cette puissance en Galicie. Quant à la Galicie, vous verrez mon idée bien exprimée. Il faut d’abord arranger tout ce qui est relatif à ces pays-ci. Il faut vertement insister pour que la négociation se suive sur ces trois bases; ce qui nous donne huit ou dix jours pour voir définitivement le parti qu’il y aura à prendre relativement à la Galicie. J’ai plusieurs projets; mais je ne consentirai jamais à exposer à la vengeance de la Maison d’Autriche ceux qui nous ont accueillis dans cette province. Du reste, le plus profond secret sur la Galicie, et exiger impérieusement qu’on négocie sur les trois bases.

J’ai des nouvelles d’Anvers du 30. Il n’y avait rien de nouveau. Les Anglais paraissaient même rétrograder et vouloir se porter ailleurs; cependant tous les mouvements étaient encore fort incertains. Les gardes nationales marchent de tous côtés. J’ai actuellement trois armées de ce côté. Celle d’Anvers, commandée par le prince de Ponte-Corvo, celle de la Tête-de-Flandre, commandée par le duc de Conegliano, et celle de réserve, qui est à Lille, commandée par le duc d’Istrie.

 

NOTE.

Le plénipotentiaire français a l’honneur de répondre dans les termes suivants à la déclaration que MM. les plénipotentiaires autrichiens ont faite dans la séance du 1er septembre. La ville de Dresde se trouvant placée sur les frontières de la Bohême, il paraît convenable et utile, pour que chaque État ait la garantie de son indépendance, que l’Autriche cède à la Saxe les cercles de Leitmeritz, de Saatz et d’Elnbogen, en en exceptant la forteresse de Theresienstadt, qui, étant située sur la frontière, resterait à l’Autriche.

Les bases présentées dans les protocoles de la séance du. . . . . . .(celui relatif à la haute Autriche) , de la séance du. . . . . . . (celui relatif à la frontière d’Italie) , et celle présentée dans la présente Note, étant acceptées par MM. les plénipotentiaires autrichiens, S. M. l’Empereur consent à restituer à la Maison d’Autriche, Vienne, ses cercles de Brünn et de Znaym, toute la basse Autriche et la Styrie; ce qui forme une population de tant de millions, les plus belles et les plus importantes portions de la monarchie.

Le soussigné se flatte qu’après cette explication les plénipotentiaires autrichiens se hâteront de conclure; et, pour éviter les longueurs qui pourraient avoir lieu à cause des pays occupés par l’armée russe et les troupes saxonnes, il déclare que ces pays doivent être l’objet d’une discussion particulière, se compenser entre eux et former un uti possidetis à part, sur une base juste et modérée. Les arrangements à faire entre les puissances pour ces pays doivent avoir le caractère pacifique; ils doivent écarter toute idée du rétablissement de la Pologne.

La Galicie est donc un objet tout à fait secondaire, distinct et indépendant des trois bases ci-dessus, puisque, par contre de ces trois bases, la France cédera Vienne, Brünn, Gratz et les pays qu’elle occupe.

 

Schönbrunn, 4 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, j’ai vu dans le Moniteur les détails que vous y avez fait insérer sur les affaires d’Espagne; ils ne sont pas suffisants. Cette manière d’instruire le public ne peut pas compenser les immenses relations des Anglais. Il faut donc mettre les différentes lettres des généraux, en effaçant tout ce qui n’est que pour le Gouvernement. Par exemple, il y a des lettres du duc de Dalmatie, du duc de Trévise et du général Sébastiani qui sont bonnes à être publiées. Demandez au duc de Bellune le compte qu’il doit envoyer de ses opérations. Vous devez aussi faire connaître au général Sénarmont qu’il n’a pas bien fait le compte de son artillerie; que les Anglais en ont pris plus qu’il ne dit; que je trouve bon qu’on mette dans les journaux ce qu’on veut; mais que, lorsqu’on m’écrit, j’entends qu’on me dise la vérité sur mes affaires.

Recommandez en Espagne que l’on ait sur la rive gauche du Tage des têtes de pont fortes et à l’abri d’un coup de main. Les renseignements que j’ai ne sont pas assez précis, assez clairs, assez vrais pour donner des ordres. Demandez au général Sébastiani l’état de tout ce que ses corps ont perdu; demandez un état pareil au duc de Bellune.

 

Schönbrunn, 4 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Lorsque vous écrirez en Hollande, faites sentir au Roi que les malheurs qui pèsent aujourd’hui sur la Hollande viennent de l’imprévoyance qu’on a eue de licencier l’armée, de désarmer la flottille et de renvoyer les matelots; que, du temps de la république hollandaise, cette puissance était tenue par ses traités d’avoir 40,000 hommes sur pied, plus une escadre, plus une flottille; que tout a été détruit par de fausses économies, et qu’il résulte de là que la Hollande est aujourd’hui sans défense, puisqu’elle est sans armée, sans escadre et sans flottille; que bientôt les quatre régiments hollandais qui étaient en Allemagne auront rejoint, mais que c’est une faible ressource; que si le Roi avait attendu la paix générale pour faire ces licenciements, et que s’il m’eût consulté dans toutes ses opérations, tant sous le point de vue politique que sous celui du commerce, son pays ne serait pas dans l’état où il est; qu’enfin, comme chef de la ligue, j’avais le droit de m’attendre à ce que le Roi ne fît rien sans mon consentement; mais qu’il a fait précisément l’inverse. Faites-lui sentir cela avec mesure et de manière à lui montrer que vous méritez la confiance qu’il paraît vous accorder.

Ajoutez que la défense de la Zélande aurait été meilleure si l’on n’avait pas laissé s’élever de rivalité entre le commandant hollandais et le commandant français; que cependant il fallait que l’un des deux commandât, et qu’il était plus naturel que ce fut le Français qui commandât que le Hollandais; que, quant à l’Espagne, ce que le Roi y a n’est rien, puisque cela se réduit à huit compagnies; qu’enfin, tant sous le point de vue de terre que sous le point de vue de mer, la Hollande n’a jamais été moins utile que depuis le royaume.

 

Schönbrunn, 4 septembre 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je reçois votre lettre du 29 août. Si vous avez la présomption que l’ingénieur du pavé de Paris soit un voleur, faites-le arrêter sur-le-champ; car depuis longtemps je pense qu’il y a des dilapidations dans cette partie, et j’ai fort à cœur de donner de grands et de sévères exemples. Faites-moi là-dessus un rapport plus détaillé.

Les paysans des environs de Paris montent la garde; il n’y a pas de brigands; cela n’aboutit à rien qu’à fatiguer ces pauvres paysans. Veillez donc à ce qu’on ne les fatigue pas inutilement.

Les rapports de vos agents de police, qui ne sont pas accoutumés aux événements de la guerre et se font des monstres de tout, font du mal à Anvers et surtout auprès du prince. Que diable ont-ils donc vu de si merveilleux devant Flessingue ?

 

Schönbrunn, 4 septembre 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Vice-Amiral Decrès, je reçois votre lettre du 29. Supposer que les ennemis puissent vouloir remonter le fleuve et forcer le passage de Lillo sous le feu de cent pièces de canon des forts et de cent pièces de la flottille, ce n’est pas avoir les premières notions de la guerre. Qu’ils se présentent sur Anvers par terre, cela serait plus possible, soit en traversant le canal de Berg-op-Zoom, soit en tournant cette place; mais à quoi cela aboutirait-il ? Faites préparer à Boulogne le plus de chaloupes canonnières, de caïques et de péniches qu’il sera possible, et dirigez tout cela sur Anvers par les canaux de l’intérieur. Tout cela sera nécessaire pour reprendre l’île de Walcheren, si toutefois l’ennemi faisait la sottise de vouloir la garder. Tout cela nous aurait été déjà bien utile dans l’Escaut, et c’est une grande imprévoyance de n’avoir pas songé à y envoyer cette flottille du moment que l’ennemi a menacé sur ce point, puisqu’on pouvait le faire sans inconvénient. Si soixante chaloupes canonnières avaient été laissées dans Flessingue, elles y auraient rendu de grands services.

Il n’y a pour Anvers qu’une seule crainte réelle à avoir: c’est qu’à force de se faire des idées des moyens incendiaires de l’ennemi on n’en perde la tête. Qu’ont-ils fait après tout ? Même dans la rade ouverte de Rochefort, qu’ont-ils fait ? Mes vaisseaux n’auraient pas été brûlés si les capitaines n’avaient  pas perdu la tête; et ils en auraient été pour leurs frais. Et quelle différence entre cette rade foraine de Rochefort et le détroit tortilleux et étroit de l’Escaut ! Tout ce qu’il eut fallu faire, c’était de doubler, de tripler, de quadrupler la flottille, en se servant de cette quantité immense de vieux bâtiments dont les canaux sont pleins. On aurait pu ainsi avoir une grande quantité de mortiers et de pièces de 24 en batterie, sans exposer les mâtures et les bois de mes vaisseaux.

 

Schönbrunn, 4 septembre 1809

Au général Lacuée, comte de Cessac, directeur des revues et de la conscription militaire, à Paris

Les événements qui se passent aujourd’hui font voir la nécessité d’avoir une organisation permanente des gardes nationales. S’il fallait se tenir dans un système de circonspection et de prudence, toute l’armée française serait nécessaire pour garder les côtes de France et avec trois cents bâtiments de transport et 30,000 hommes embarqués aux dunes, les Anglais paralyseraient 300,000 hommes de nos troupes, c’est-à-dire nous réduiraient au rang des puissances de second ordre. Les gardes nationales peuvent seules partout leur faire face. Je désire faire présenter dans la prochaine législature un projet d’organisation des gardes nationales en huit armées, formant près de 300,000 hommes, chaque département de 200,000 hommes de population fournissant deux bataillons ou douze compagnies de 1,680 hommes, et cela organisé par division militaire. Ainsi la 24e division militaire fournirait deux divisions formant 14,000 hommes; la 25e, une division de 7,000 hommes; la 26e, deux divisions formant 12,000 hommes; la 16e, deux divisions de 10,000 hommes, la 15e une division de 12,000 hommes. Ces cinq divisions militaires composeraient l’armée du Nord, forte de près de 50,000 hommes. Cette force organisée d’avance, un peu exercée, pourrait se porter sur Boulogne, sur Flessingue, sur Anvers, sur Wesel, selon les événements, en très peu de jours.

Si les Anglais se portent sur le Havre, la 2e armée, forte de 50,000 hommes, s’y porterait de son côté, par un à-droite; ce qui formerait une réunion de 100,000 hommes sur un même point de débarquement.

La 3e armée, forte de 10,000 hommes, serait destinée à protéger Bordeaux, l’embouchure de la Charente, Rochefort et les Pyrénées.

La 4e armée, forte de 25,000 hommes, serait destinée à se porter sur Montpellier et Marseille.

La 5e armée, forte de 30,000 hommes, serait destinée à protéger Toulon.

La 6e armée, forte de 24,000 hommes, serait destinée à soutenir Gênes et Livourne.

La 7e  armée serait l’armée du Rhin, forte d’une quarantaine de mille hommes.

Enfin la 8e armée serait celle du centre et pourrait être forte de 70 à 80,000 hommes.

Je vous envoie le croquis que j’ai ébauché. Je pense qu’il faut forcer le contingent des bons départements de l’ancienne France et un peu diminuer celui des nouveaux départements.

Cette armée de gardes nationales formerait donc près de deux cents régiments, dont un tiers serait à peu de marches des points attaquables. Par ce moyen, on n’aura jamais rien à craindre, et, pourvu qu’il y ait toujours en France quelques dépôts de troupes de ligne, on sera à l’abri des incursions des Anglais. Je vous charge de faire là-dessus un beau travail. Il n’y a pas d’autres moyens d’empêcher les Anglais, s’ils devenaient entreprenants, de nous faire beaucoup de mal. Vous recueillerez des préfets des renseignements sur la manière dont se formera cette garde nationale.

Du reste, je ne veux pas qu’elle ait de la cavalerie, ni de l’artillerie, hormis dans les places fortes. La cavalerie est une arme trop coûteuse et l’on aurait bientôt réuni, en cas d’événement, 5 ou 6,000 gendarmes à cheval; ce qui est une fort bonne cavalerie. Je répugne à donner de l’artillerie au contingent des différentes localités ; cela pourrait être dangereux et les rendrait trop forts. Il serait nécessaire qu’il y eut un bureau par chaque division militaire et qu’on payât quelque employé pour tenir les cadres en état. Les fusils devraient toujours se trouver dans les places fortes les plus près.

 

Schönbrunn, 5 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

J’ai lu avec attention l’état de situation que vous m’avez envoyé de mes trois corps d’armée dans le Nord au 28 août. Je désire que vous m’en envoyiez un semblable tous les cinq jours.

Vous voudrez bien faire exécuter sur-le-champ toutes les dispositions suivantes.

ARMÉE D’ANVERS. – Toutes les troupes d’infanterie de ligne, soit des demi-brigades provisoires, soit des détachements quelconques, qui se trouvent dans les départements du Nord ou sont en marche pour s’y rendre, feront partie de l’armée d’Anvers et seront réunies en six demi-brigades provisoires.

Ces six demi-brigades formeront deux divisions.

1e. Division. La 1e  division sera organisée ainsi qu’il suit:

18e demi-brigade provisoire. – Une Demi-brigade provisoire sera formée du bataillon du 108e, du bataillon du 13e d’infanterie légère, du bataillon du 48e et de celui du 65e; total, quatre bataillons de 800 hommes, formant 3,000 hommes, qui composeront une demi-brigade provisoire portant le n° 18. Un colonel en second et deux majors seront attachés à cette demi-brigade, On réunira tout ce que les dépôts du 48e et du 65e peuvent avoir de disponible et tous les détachements qu’ils ont dans le Nord, et l’on formera ainsi ces quatre bataillons. Les hommes qui ont été pris à Flessingue seront portés à la suite et seulement pour mémoire. Il sera nommé à toutes les places vacantes.

4· Demi-brigade provisoire. – Tous les détachements qui arriveront de troupes d’infanterie légère, soit des 24e, 26e, 27e régiments, etc., seront incorporés dans la 4e demi-brigade provisoire.

Les régiments qui sont à Paris et qui fournissent à cette demi-brigade enverront tout ce qu’ils auront de disponible. Enfin cette demi-brigade sera complétée à 3,000 hommes par tout ce qu’il y aura de disponible dans les différents dépôts d’infanterie légère. Un colonel en second et deux majors y seront également attachés.

3e Demi-brigade provisoire. – Chaque bataillon de la 3e demi-brigade sera porté à six compagnies. Le second régiment de marche d’Oudinot, composé de détachements des 26e, 66e et 82e  y sera incorporé. Tout ce que les dépôts de Paris pourront fournir y sera envoyé, de sorte que cette demi-brigade soit portée au moins à 3,000 hommes.

Ces trois demi-brigades provisoires composeront une division, qui sera forte ainsi de 10,000 hommes. Elle sera la première division de l’armée d’Anvers. Elle aura deux généraux de brigade et sera commandée par le général Gilly, que j’ai envoyé. Douze pièces de canon seront attachées à cette division.

21e Demi-brigade provisoire. – On enrégimentera un bataillon suisse de 800 hommes, composé de tout ce qu’il y a de détachements de régiments suisses dans le Nord, d’un bataillon de la Vistule de 800 hommes et d’un bataillon formé de compagnies de réserve de départements et fort de 800 hommes. Ces trois bataillons formeront une demi-brigade provisoire, qu’on appellera la 21e. On nommera un colonel en second et deux majors pour la commander. Elle fera partie de la le division jusqu’à ce qu’on ait pu former une 22e et une 23e demi-brigade provisoires et réunir ces nouveaux corps pour en composer une 3e division.

2e Division : 6e et 7e demi-brigade provisoires. – La 6e et la 7e demi-brigade provisoires seront complétées par tout ce que les dépôts des régiments qui entrent dans leur formation pourront fournir, par tous les détachements de ces mêmes régiments qui seraient dans le Nord ou en marche pour s’y rendre, et enfin par les incorporations qui seraient nécessaires, de sorte que ces deux demi-brigades fassent au moins 3,000 hommes chacune.

19e Demi-brigade provisoire. – Il sera créé une 19e demi-brigade provisoire, qui sera composée de tout ce qu’il y aura encore de troupes de ligne, soit à l’armée de Flandre, soit à l’armée d’Anvers.

On en formera quatre bataillons, qui porteront cette demi-brigade à 3,000 hommes présents sous les armes. Le 1er régiment provisoire, qui est à Breskens, le 1er provisoire du Nord, que je vois figurer dans l’état de l’armée d’Anvers, enfin ce qui reste de la 8e demi-brigade provisoire, seront incorporés dans la 19e demi-brigade provisoire.

Ces trois demi-brigades, formant ainsi plus de 9,000 hommes de troupes de ligne, seront sous les ordres du général Conroux. Il y aura deux généraux de brigade attachés à cette division et douze pièces de canon.

20e Demi-brigade provisoire. – Si des détachements qui arrivent il y a de quoi former une 20e demi-brigade, je l’autorise.

Ces deux divisions seront sous les ordres du général Reille, mon aide de camp, et formeront une aile de l’armée du prince de Ponte-Corvo.

3e Division. Toutes les gardes nationales qui appartiennent au corps du général Rampon et qui sont à Ostende, à l’armée de la Tête-de-Flandre ou en route pour se rendre à Lille, joindront le général Rampon; et, pour porter cette division au moins à 10,000 hommes, on fera fournir par les gardes nationales commandées par les majors.

Cette division sera organisée en trois brigades. Elle sera commandée par le général Rampon sous les ordres du général Chambarlhac.

4e Division. La division du général Rey, qui se réunit à Anvers et qui est de 6,000 hommes, sera également sous les ordres du général Rampon. Elle sera commandée par le général Lamarque.

Ces deux divisions formeront le centre de l’armée du prince de Ponte-Corvo. La division Chambarlhac aura douze pièces de canon. La division Lamarque en aura autant.

Les Hollandais formeront une autre aile de l’armée du prince de Ponte-Corvo.

CAVALERIE. – La cavalerie de l’armée d’Anvers sera commandée par le général Klein, et sera composée d’un 1er régiment provisoire de hussards de 800 à 1,000 hommes, d’un 1er régiment provisoire de chasseurs idem, d’un 7e provisoire de dragons, et de trois régiments provisoires de gendarmerie de 500 hommes chacun, formant l,500 gendarmes; total, 4,000 hommes de cavalerie. Le général Klein aura sons ses ordres trois généraux de brigade. Douze pièces d’artillerie légère seront attachées à cette division.

ARTILLERIE. – Indépendamment des quarante-huit pièces attachées aux quatre divisions d’infanterie et des douze pièces d’artillerie légère attachées à la division de cavalerie, il y aura au parc de réserve six pièces de 12 et six obusiers prussiens; total, soixante et douze bouches à feu.

Tout le train, tous les chevaux appartenant à l’État, enfin tout ce qu’il y a de meilleur pour le service de l’artillerie, sera donné à l’armée d’Anvers. Cette armée aura donc toutes les troupes de ligne et tous les bons attelages d’artillerie.

GÉNIE. – Tous les sapeurs, avec six milles outils attelés, seront attachés à l’armée d’Anvers, ainsi qu’un bataillon d’ouvriers de la marine avec leurs outils.

GARNISON D’ANVERS. – Un régiment de cavaliers démontés d’environ 1,000 hommes, plusieurs compagnies de vétérans formant un millier d’hommes, avec les 1,000 de la garde nationale d’Anvers, feront la police de la ville, de la citadelle et du chantier.

ARMÉE DE LA TÊTE-DE-FLANDRES. – L’armée de la Tête-de-Flandre sera composée de trois divisions ; de la division du général Olivier, forte de 8,000 gardes nationales; de la division du général Soulès, forte de 8,000 gardes nationales, et de la division d’Aboville, forte de 6,000 idem, total, 22,000 hommes.

Il me parait qu’on pourrait placer la division Soulès dans la Tête-de-Flandre et charger le général Soulès de la défense de cet ouvrage et des environs. Cette division formerait la droite du duc de Conegliano; la division Olivier en formerait la gauche et la division d’Aboville serait le centre.

Le général d’Aboville est bien vieux; il faudrait qu’il conservât le commandement, mais lui donner un général de division pour commander ses gardes nationales et les former.

Chacune des divisions du corps de la Tête-de-Flandre aura huit pièces de canon; total, vingt-quatre.

Un régiment de 500 gendarmes sera attaché au quartier général.

CORPS DE RÉSERVE. – Le corps du duc d’Istrie sera composé de trois divisions de gardes nationales, chacune de 6,000 hommes, de vingt-quatre pièces de canon et d’un détachement de 500 hommes de cavalerie.

CORPS DU DUC DE VALMY. – Vous donnerez l’ordre au duc de Valmy de porter son quartier général à Maëstricht. S’il a réuni tout ce qu’il y avait de disponible dans les 25e et 26e divisions militaires, il doit avoir actuellement 5,000 hommes de différentes troupes d’infanterie et un millier de chevaux.

Donnez ordre au duc de Valmy de former les 22e et 23e demi-brigades provisoires. Chaque demi-brigade doit être forte de quatre bataillons; chaque bataillon doit être de 800 hommes. Il les composera de tous les détachements qu’il a pu réunir à Maëstricht. Chacun sera commandé par un colonel en second et par deux majors. Il enverra tous les hussards, chasseurs et dragons, au prince de Ponte-Corvo pour compléter ses régiments provisoires. Il gardera tous les carabiniers et cuirassiers pour en faire un régiment provisoire de grosse cavalerie, qui restera sous ses ordres. Il se formera ainsi une division de 6,000 hommes d’infanterie, à laquelle seront attachés un régiment de cavalerie de 5 à 600 hommes et douze pièces d’artillerie.

Aussitôt que je saurai que ce corps est formé, je lui donnerai une destination.

Vous voyez donc que mon but serait d’avoir trois divisions chacune de 10,000 hommes de troupes de ligne, formant dix demi-brigades provisoires, 5 à 6,000 hommes de cavalerie et soixante et douze à quatre-vingts pièces d’artillerie ; d’avoir également 60,000 hommes de gardes nationales bien organisées; et si , lorsque cette crise sera passée, je pouvais, de ces 60,000, en garder 30,000, cela me ferait de ce côté une armée de 50 à 60,000 hommes, soit pour la Hollande, soit pour une réserve pour le Nord. Il est important que toutes les troupes de ligne soient réunies sur un point et qu’elles y soient bien organisées. Renvoyez le plus tôt possible tous ces généraux que vous avez mis en réquisition. Les généraux Charbonnier et Despeaux sont absolument inutiles. Le général Théodore Lameth est un intrigant dont je ne veux pas; il ne manque pas d’étoffe pour former des généraux de brigade. J’excepte cependant le choix que vous avez fait pour l’artillerie; tous ces hommes-là peuvent être fort utiles dans les places du Nord.

Vous voyez par ce que je vous mande que le prince de Ponte-Corvo sera puissamment aidé, puisqu’il a sous ses ordres les généraux Rampon, Chambarlhac, Lamarque, Reille, Conroux, Gilly. Tons ces hommes-là sont d’excellents généraux de division. Il a pour généraux de brigade Bourke, Gency, Maison, Hastrel, etc. Quant aux généraux d’artillerie, je lui ai envoyé Mossel; il a Leroux, qui est un fort brave homme, et Saint-Laurent pour la direction. Il faut faire chercher les officiers du génie qui ont servi en Hollande et en envoyer le plus tôt possible de ce côté.

Je désire que vous fassiez rechercher au Dépôt de la guerre tout ce qu’il y a de cartes et de mémoires sur la Hollande, et que ce qu’on pourra réunir d’intéressant sur cette matière, on l’envoie à Lille, parce qu’aussitôt que mes affaires me permettront de partir d’ici, je me dirigerai du côté du Nord, pour tâcher de jouer quelque tour aux Anglais.

Vous devez charger le prince de Ponte-Corvo et un inspecteur aux revues de faire ces organisations que je viens de vous indiquer pour  l’armée d’Anvers. Cela ne doit donner aucun embarras, puisque cela se réduit à donner ordre à tout détachement de troupes de ligne de se diriger sur Anvers, et, de là, de se rendre au camp et de s’y former.

Il paraît que les Anglais n’avaient encore rien tenté le 30. Je suis porté à penser que ces immenses bâtiments qu’ils ont avec eux, et qu’on dit plus gros que des vaisseaux de ligne, sont des carcasses que les Anglais veulent couler dans les passes.

Je vois aujourd’hui beaucoup de forces réunies; mais en général je trouve que le prince de Ponte-Corvo n’en a pas suffisamment; et, quoique je pense qu’il est difficile que l’ennemi entreprenne quelque chose désormais s’il n’a encore rien tenté jusqu’à présent, cependant je verrais avec satisfaction toutes mes troupes de ligne réunies à Anvers. L’armée d’Anvers est l’armée principale. Les autres ne sont que des armées de secours et d’observation.

Si l’ennemi se portait sur Cadzand, le duc de Conegliano s’appuierait toujours sur la Tête-de-Flandre, dont il ne doit jamais se laisser couper; le due d’Istrie réunirait ses trois divisions et marcherait sur Bruges et Gand, tenant sa droite appuyée sur le duc de Conegliano, et pourrait toujours agir de concert. Mais c’est folie de penser que l’ennemi veuille aujourd’hui prendre Cadzand, quand il ne l’a pas tenté auparavant et lorsque cela lui aurait donné tant de facilité pour la prise de Flessingue.

 

Schönbrunn, 5 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Vous devez faire connaître au prince de Ponte-Corvo qu’il commande l’armée hollandaise, qu’il ne doit souffrir aucune rivalité de commandement, et qu’il doit envoyer ses ordres directement au maréchal Dumonceau, toutes les fois qu’il juge convenable de le faire concourir à ses opérations.

 

Schönbrunn,  5 septembre 1809

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur Decrès, je vous ai écrit hier pour vous faire connaître que mon intention était que la plus grande partie de la flottille de Boulogne entrât dans l’Escaut, afin de nous procurer des moyens de reprendre l’île de Walcheren quand il en sera temps. Il faut aussi imaginer un projet de prame qui puisse être utile pour aborder l’île de Walcheren et donner la chasse à toutes les chaloupes canonnières et bâtiments qu’aurait là l’ennemi.

 

Schönbrunn, 5 septembre 1809.

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Monsieur Fouché, vous aviez une grande confiance en l’abbé de Pradt; je ne sais pas si je vous ai dit de vous méfier de cet homme comme le plus grand ennemi qu’on puisse avoir; cependant, comme je ne suis pas certain de vous l’avoir dit, je prends le parti de vous le redire pour votre gouverne. Cet homme est un profond hypocrite, n’ayant ni les mœurs ni l’esprit de son état, et livré à un genre d’intrigues qui, d’un jour à l’autre, le conduira sur l’échafaud. Mon intention est que vous le traitiez comme à l’ordinaire et que ceci reste un secret. Seulement je vous en fais part comme d’une chose nécessaire pour votre gouverne; j’ai plus que des présomptions de le croire agent dans des affaires extérieures. J’avais ces présomptions avant mon voyage d’Espagne; ce qui ne m’a pas empêché de l’y faire venir, ni de le voir à Paris à mon retour. Je veux ignorer et j’ai intérêt à ignorer ce que je sais du caractère et des liaisons de cet homme.

 

Schönbrunn, 5 septembre 1809

A Eugène napoléon, vice-roi d’Italie, à Vienne

Mon Fils, il est nécessaire que vous fassiez partir dans la nuit le général d’Anthouard pour visiter les places de Gratz et de Laybach, le fort de Trieste et celui de Klagenfurt. Il vous adressera un rapport détaillé sur chacune de ces places. Il verra par lui-même et recueillera tous les renseignements nécessaires pour satisfaire aux questions suivantes:

Gratz est-il à l’abri d’un coup de main ? Quel en est le commandant ? Y a-t-il un commandant en second, et quel est-il ? Quel est le commandant du génie ? Quel est le commandant de l’artillerie ? Combien y a-t-il de pièces en batterie ? Quel est leur approvisionnement?

L’artillerie a-t-elle ses sacs à terre, ses gabions et ses saucissons d’approvisionnement ? Il doit donner des ordres pour que sans délai on ramasse du bois, on fasse des gabions, et on l’approvisionne pour soutenir un siége. Quelle est la garnison nécessaire ? Pour combien de temps a-t-on des vivres ? Ces vivres sont-ils dans des magasins blindés ou non ? S’ils ne sont pas dans des magasins à l’abri de la bombe, le général d’Anthouard doit ordonner qu’on fasse sur-le-champ les blindages nécessaires. A Gratz, il en causera avec le maréchal Macdonald, qui prendra toutes les mesures nécessaires pour que cette citadelle soit, au 12 septembre, mise en état de soutenir un siège. Il lui faut surtout un bon commandant d’artillerie. La garnison se trouvera augmentée de tous les éclopés et convalescents des corps.

Lorsqu’il aura bien visité et assuré la défense de Gratz et qu’il vous en aura rendu compte en détail, il fera la même opération à Laybach, à Trieste et Klagenfurt. Cette dernière place doit être en bon état de défense et d’approvisionnement pour quatre ou cinq mois, car il faut songer que ces garnisons sont toujours plus considérables qu’on ne le croit, parce que les convalescents et les éclopés s’y jettent au dernier moment.

En parcourant la ligne, le général d’Anthouard prendra des informations partout sur les positions qu’occupe l’ennemi; et vous enverra un rapport de tous les endroits où il apprendra quelque chose.

Quant au fort de Sachsenburg, je laisse le général Rusca maître de le démolir, en faisant transporter l’artillerie à Klagenfurt. Le général d’Anthouard fera préparer à Klagenfurt beaucoup d’hôpitaux, afin que tous les hôpitaux de la ligne depuis l’Italie jusqu’à Klagenfurt, et tous ceux depuis OEdenburg jusqu’à cette même ville, puissent venir se jeter dans cette place.

 

Schönbrunn, 5 septembre 1809

Au général comte Bertrand, commandant le génie de l’armée d’Allemagne, à Vienne

J’ai des projets sur Presbourg. Je désire que vous me présentiez demain un officier du génie de premier ordre avec deux officiers du génie pour l’aider dans les travaux que je projette.

Comme les travaux de Theben sont la première base de ce travail, je vous recommande de nouveau ces travaux, qu’il faut pousser avec une grande activité.

 

Schönbrunn, 5 septembre 1809

Au général Reynier, commandant les troupes saxonnes (armée d’Italie), à Presbourg

Je viens d’ordonner qu’avant le 10 septembre on jette un pont à Theben et un autre à Presbourg; ce qui fera deux ponts. Mon intention est que vous fassiez faire une reconnaissance du château de manière à pouvoir s’en servir comme tête de pont. Il faudra la lier au pont par des palissades et désigner les maisons qui doivent être démolies. Faites faire de cela un croquis, et présentez-moi un mémoire.

Comme j’ai ici dans mes équipages de pont toujours de quoi jeter quatre ponts sur le Danube, si mes opérations se dirigeaient du côté de Presbourg, indépendamment de ces deux ponts, j’en ferais jeter quatre autres; ce qui me ferait six ponts. Je désire que vous me choisissiez un beau champ de bataille en avant de Presbourg, la gauche appuyée aux montagnes et la droite au Danube. Ce doit être un champ de bataille pour une armée de 150,000 hommes, et, quoiqu’une armée de cette force n’ait pas besoin d’être fortifiée, cependant je ne dédaignerais pas d’établir quelques ouvrages, comme un système de cinq à six redoutes qui de la montagne descendrait jusqu’au fleuve.

Cela formerait mon camp, d’où je sortirais pour aller à l’ennemi et où je rentrerais en cas d’échec. Aussitôt que vous aurez bien médité sur cette idée et que vous aurez étudié les localités, je viendrai moi-même à Presbourg pour reconnaître les travaux à faire.

La droite, étant appuyée au Danube, ne peut pas être tournée. Il faut que la gauche m’assure les débouchés sur Theben et Schloss Hof, indépendamment de mes six ponts. Il me semble que c’est cette gauche surtout qui doit être étudiée. Il doit y avoir là des positions à occuper par des redoutes et par quelques centaines d’hommes, et qui doivent être d’un effet merveilleux.

Ainsi, de mon camp de Presbourg, je me trouverais à même de me porter sur la droite ou sur la gauche, et, comme Vienne, par des ouvrages que j’y fais faire, est une place forte à l’abri de toute insulte, par la position de Presbourg je me trouverai dans une position inexpugnable.

Je désire avoir là un camp retranché, parce que je veux rester maître de me battre quand je voudrai, et pouvoir attendre le retour d’un détachement de 30 à 40,000 hommes pendant quelques jours sans crainte d’être attaqué.

 

Schönbrunn, 5 septembre 1809.

Au prince Borghèse, gouverneur général des départements au-delà des Alpes, à Turin.

Mon Cousin, ayez soin que le Pape ne manque de rien. Faites faire des fonds, et, en attendant que j’aie réglé ses affaires, envoyez-y Salmatoris, qui fera toute la dépense, de façon cependant qu’elle n’excède pas 100,000 francs par mois. Il faut y envoyer aussi trois voitures avec ma livrée. Salmatoris sera chargé de tout cela; il restera là, et veillera à ce que le Pape soit traité comme il le désire et avec la plus grande magnificence.

 

Schönbrunn, 5 septembre 1809

DÉCRET

ARTICLE PREMIER. – La distribution des quatre millions affectés au payement de la solde de la Grande Armée pour le mois de juillet est arrêtée de la manière suivante:

 

Garde impériale.
Quartier général.
2e corps.
3e corps
4e corps
7e corps
8e corps
10e corps
11e corps
Armée d’Italie
Troupes italiennes
Réserve général de cavalerie
Parc général d’artillerie et du génieTotal
450,000 francs
300,000
450,000
500,000
400,000
15,000
150,000
50,000
200,000
500,000
100,000
400,000
60,0003,575,000
Réserve à notre disposition et dont il ne sera fait emploi que par notre ordre spécial425,000
Total général4,000,000

ARTICLE 2. – L’organisation de l’armée est immuable, et, quels que soient les déplacements des divisions de cavalerie, elles doivent toujours compter ou à la réserve générale de cavalerie ou aux corps d’armée, selon que nous l’avons décidé dans le principe.

Ainsi l’organisation de l’armée est la suivante:

Le 2e corps se compose des divisions Tharreau, Dupas et Grandjean, ce qui forme neuf demi-brigades provisoires, cinq régiments d’infanterie et un régiment portugais; de la brigade de cavalerie légère n° 7, que commande aujourd’hui le général Colbert, forte de trois régiments de cavalerie légère.

Le 3e corps se compose des divisions Morand, Friant et Gudin, formant quatorze régiments de ligne, et de la brigade de cavalerie légère n° 6, que commande aujourd’hui le général Jacquinot, forte de trois régiments de cavalerie légère.

Le 4e corps se compose des divisions Legrand, Dessaix, Molitor et Boudet, formant quatorze régiments de ligne français, et de deux brigades de cavalerie légère, savoir, les 1re et 2e, formant quatre régiments.

Le 8e corps se compose des divisions Rivaud, Lagrange et Carra Saint-Cyr, formant neuf 4e bataillons et deux régiments de ligne, le 22e et le 65e, et six régiments provisoires de dragons.

Le 10e corps se compose des garnisons des places de Prusse.

Le 11 e corps se compose de l’ancienne armée de Dalmatie et de la brigade de cavalerie légère n° 8, que commande le général Thiry.

L’armée d’Italie se compose de quatre divisions d’infanterie, de deux divisions de dragons et de deux brigades de cavalerie légère n° 9 et 10.

La réserve générale de cavalerie se compose de la brigade n° 5 , que commande le général Pajol, des deux brigades n° 3 et 4, que commande le général Quesnel, ce qui forme sept régiments de cavalerie légère, et enfin des trois divisions de cuirassiers.

Les généraux de ces divisions de cavalerie légère doivent tous être payés à la réserve, parce qu’ils changent fréquemment. Les sept régiments de cavalerie légère sont susceptibles de changer à chaque instant; mais ils doivent toujours être payés et compter à la réserve de cavalerie.

ARTICLE 3. – En conséquence de l’état ci-dessus, le payeur général enverra à chaque corps d’armée, et ce avant le 5 septembre, tout ce qui est nécessaire pour compléter le crédit de juillet. Il recommandera de ne pas l’employer à payer la solde antérieure, de sorte qu’au 11 la solde de juillet soit payée à toute l’armée.

ARTICLE 4. – La solde d’août sera payée à l’armée. L’intendant général nous soumettra le 5 la distribution de la solde d’août.

ARTICLE 5. – L’intendant général est chargé de l’exécution du présent décret.

Schönbrunn, 5 septembre 1809

ORDRE.

ARMEMENT ET TRAVAUX DES PLACES.

TITRE 1er.  PLACE DE VIENNE. – GÉNIE.

ARTICLE PREMIER. – Une compagnie de mineurs travaillera à établir des fourneaux sur les trois fronts les plus importants, en y comprenant les ouvrages avancés, de manière que, quarante-huit heures après que j’en aurai donné l’ordre, on puisse faire sauter ces trois fronts avec leurs ouvrages avancés et que la place reste entièrement entr’ouverte.

ARTICLE 2. – A dater du 8 septembre au matin, on travaillera à fermer par des palissades la gorge des cinq principaux bastions , de manière que ces bastions soient mis à l’abri des insultes de la populace; on fermera spécialement les bastions où se trouvent les magasins de l’artillerie et du génie.

On préparera des palissades pour pouvoir en peu de temps palissader les rues et enfermer le palais, ouvrage qui ne doit se faire qu’au dernier moment.

ARTICLE 3. – Le général commandant le génie présentera le 8 septembre à l’Empereur le projet des ouvrages à faire à chaque porte, un projet de tambour pour s’assurer le pont de Leopoldstadt et un projet de tête de pont pour le pont de Thabor, du côté de la ville, afin que, s’il était nécessaire, on pût commencer ces ouvrages le 10 septembre.

ARTILLERIE.

ARTICLE 4. – A dater du 10, on commencera l’armement de la place de Vienne. ·Le commandant général de l’artillerie fera placer une pièce de gros calibre sur le saillant de chaque bastion, deux pièces de petit calibre sur chaque flanc et des mortiers et des obusiers dans les bastions retranchés et palissades, de manière que les mortiers puissent battre les faubourgs et la ville même.

Le général d’artillerie fera connaître à l’Empereur le nombre de pièces que cette distribution emploiera et ce qui restera pour armer les ouvrages avancés.

ARTICLE 5. – Trois compagnies d’artillerie seront attachées au service de la place de Vienne.

 

TITRE II. PLACE DE RAAB. – GÉNIE.

ARTICLE 6. – On commencera le 10 septembre à occuper l’extrémité du saillant de l’ouvrage de gauche indiqué sur le plan sous le n° 19. On fera à ce saillant la valeur d’une redoute de 15 toises à l’intérieur. On y fera passer un fossé et on armera cet ouvrage de deux pièces de canon. On fera la même chose aux ouvrages indiqués sur le plan sous les n° 21, 24, 27 et 30, de manière que ces cinq saillants soient occupés, couverts par un fossé plein d’eau, puissent recevoir quatre ou cinq pièces de canon et soient provisoirement armés de deux, enfin soient bien palissadés et fermés à la gorge; et ce, pour tenir l’ennemi éloigné de la place.

ARTICLE 7. – On fera un tambour au pont extérieur, de manière qu’il puisse être facilement gardé et que, s’il était nécessaire, on pût mettre sur ce tambour une ou deux pièces de canon.

ARTICLE 8. – On fera un tambour au pont- de la Rabnitz et une petite flèche au pont indiqué sur le plan par le n° 12.

ARTICLE 9. – Les maisons qui sont sur les remparts seront toutes indistinctement démolies. .

ARTICLE 10. – On préparera  l’ouvrage XVI afin de pouvoir l’occuper sérieusement dans le cas où l’ennemi attaquerait le bastion III.

ARTILLERIE.

ARTICLE 11. – Le général d’artillerie prendra des mesures pour que tout ce qui est relatif à l’armement et à l’approvisionnement ordonné pour Raab y soit rendu le 10 septembre à six hemes du soir au plus tard.

ARTICLE 12. – Le commandement de l’artillerie à Raab sera donné à un colonel intelligent et capable de conduire la défense d’une place.

ARTICLE 13. – La compagnie d’artillerie italienne qui était an corps du maréchal Marmont sera renvoyée à Raab; de sorte qu’il y aura dans cette place une compagnie d’artillerie française et une italienne.

Une compagnie des sapeurs de Würzburg y sera envoyée également.

ARTICLE 14, -Les deux compagnies commenceront le 8 septembre à faire des gabions et des saucissons, de manière à en avoir en réserve plusieurs centaines.

 

TITRE III. – PLACE DE GRATZ

ARTICLE 15. – Une escouade de mineurs sera envoyée à la citadelle de Gratz; elle emploiera tout le temps qu’elle y sera à faire des fourneaux, de manière qu’en vingt-quatre heures je puisse faire sauter la citadelle.

On fera courir le bruit que ces mineurs construisent des mines pour la défense de la forteresse.

ARTICLE 16. – Le major général est chargé de l’exécution du présent ordre.

Schönbrunn, 5 septembre 1809.

ORDRE

PONTS ET TRAVAUX SUR LE DANUBE.

1 ° Il sera jeté deux ponts de bateaux sur le Danube, un devant Presburg et l’autre devant Theben.

2° Ces deux ponts devront être jetés et terminés au plus tard le 10 septembre.

3° Le pont devant Presbourg sera soigné par les compagnies de pontonniers saxons. Les matériaux de ce pont seront pris dans les moyens qu’on trouvera à Presbourg.

Il sera fait une reconnaissance du château de Presbourg, ainsi que des travaux à faire pour le lier avec le pont, de manière que ce château forme tête de pont. .

4° Le pont jeté sur le Danube devant Theben sera sur la rive droite de la March. A cet effet, le pont de bateaux qui est vis-à-vis l’île Napoléon sera levé et les matériaux serviront à la construction dudit pont.

Il sera soumis à l’Empereur un projet de tête de pont dans l’île que fait le Danube sur la rive droite, ainsi qu’un projet pour occuper, s’il est nécessaire, la hauteur qui domine le plateau.

5° Le génie mettra une nouvelle activité dans les travaux de Theben; il y emploiera une compagnie de mineurs et une compagnie de sapeurs. Le général Reynier fournira au moins un millier de travailleurs par jour; on s’en procurera un autre millier dans le pays.

6° La traille qui a été établie au pont d’Ebersdorf sera remontée à Vienne et placée entre le pont actuel et l’extrémité de l’île Lasalle, du côté de Vienne; elle sera établie et pourra passer, le 10 à midi, de sorte que, le pont venant à manquer, on puisse compter sur cette traille.

7° La marine aura deux cents bateaux capables de porter 15 à 20,000 hommes et en même temps pouvant servir à jeter en vingt-quatre heures trois ponts sur le Danube. Une partie de ces bateaux sera chargée de madriers, ancres, cordages, et de tout ce qui sera nécessaire pour jeter promptement ces trois ponts, qui, avec les deux ponts de Theben et de Presbourg, feront cinq ponts sur le Danube.

Le général directeur des ponts et le colonel Bast s’entendront pour cet objet.

8° Avant le 10 septembre, les trois équipages de pont que chaque corps d’armée doit avoir seront armés et attelés.

9° Le grand pont de l’armée sera porté à soixante et dix bateaux, de manière à former une ligne de 170 toises.

Il y aura en outre un autre équipage de rechange à Vienne, composé de soixante et dix pontons ou haquets, pour suppléer à la perte du premier.

10° Le major général est chargé de l’exécution du présent ordre.

 

Schönbrunn, 6 septembre 1809

Au comte de Champagny, ministre de relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, je reçois votre lettre du 5. L’aide de camp du prince de Neuchâtel, qui a été au quartier général autrichien, revient. Il dit que là on demande à grands cris la paix et que l’on crie beaucoup contre M. de Metternich, qui n’avance rien.

 

Schönbrunn, 6 septembre 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale

J’ai ordonné une enquête sur la reddition de Cayenne, du fort Desaix de la Martinique, et de Flessingue. Je désire que toutes les pièces et documents que vous avez sur ces événements soient remis aux commissions que j’ai créées pour faire cette enquête.

 

Schönbrunn, 6 septembre 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, écrivez aux différents commandants les provinces, qu’à l’approche de l’hiver les pauvres vont avoir besoin de bois; qu’ils laissent couper dans les forêts qui appartiennent à l’Empereur les bois qui seront nécessaires pour les besoins du pays.

 

Schönbrunn, 7 septembre 1809.

Au prince Cambacérès, archichancelier de l’empire, à Paris

Mon Cousin, j’ai reçu un rapport du grand juge en réponse à ma lettre du 21 août, sur les expropriations forcées. Je ne conçois rien à cette phrase du grand juge: « a dépossession forcée sans indemnité préalable est une violation manifeste du Code Napoléon; mais, cette contravention à la loi n’étant qualifiée ni de crime ni de délit par le Code pénal, elle ne peut donner lieu à aucune poursuite  criminelle ou correctionnelle. » J’avoue que je ne comprends pas cela, et je crois que mon idée n’a pas été saisie. L’expropriation, lorsqu’elle n’est pas judiciaire, est une voie de fait; la voie de fait est un délit qualifié par la loi. Ainsi, si un particulier s’empare de vive force de la maison d’un autre, il y a expropriation forcée et recours au petit criminel. Or, je ne voudrais faire aucune différence pour l’administration, je ne voudrais pas qu’elle pût exproprier, parce que je regarde cet acte comme un acte essentiellement judiciaire.

Faites-moi connaître comment l’administration peut exproprier un individu. Si elle n’en a pas le droit, elle commet une voie de fait, et alors il y a recours au petit criminel. Je veux laisser à l’administration ce qui lui est attribué relativement à l’évaluation du prix et au jugement de l’utilité de la chose requise; mais je voudrais qu’on ne pût mettre la main sur la maison ou sur le terrain qu’après un acte judiciaire, et qu’il ne fût pas loisible à un préfet de s’emparer des biens d’un citoyen. La propriété serait assurée, ce me semble, toutes les fois qu’on ne pourrait la perdre que de son consentement, en vertu d’un contrat, et, dans le cas où il n’y aurait pas de contrat, que par un acte judiciaire qui autoriserait l’expropriation. Je ne conçois pas comment il peut y avoir des propriétaires en France, si on peut être exproprié de son champ par une simple décision administrative, et si enfin on ne peut en appeler qu’à des autorités administratives qui, n’ayant aucune règle dans leur instruction, aucune publicité dans leurs décisions, aucun degré d’appel établi, font de la justice une affaire de faveur et de mystère. Les intendants jadis pouvaient-ils exproprier ? Enfin, vous autres jurisconsultes, qu’entendez-vous par expropriation ? C’est, il me semble, prendre le bien d’un homme malgré lui. Comment cela peut-il se faire autrement que par un acte judiciaire ? Enfin comment cela se fait-il aujourd’hui ? Quels sont les agents qui peuvent exproprier ? En quelle forme est la pièce qui exproprie ? Qui la signifie ? Comment s’exécute-t-elle ? Je crois que même les agents de l’enregistrement ont la faculté d’exproprier. Ainsi donc les préfets, les sous-préfets, les agents des domaines, peut-être ceux des forêts, peuvent priver qui bon leur semble de leurs propriétés ?

Faites-moi, je vous prie, une dissertation là-dessus. Faites-moi connaître ce qui existe, ce qui se pratique aujourd’hui, et en vertu de quelle loi.

L’acquisition de la propriété se fait par acte judiciaire; soit achat, soit vente, soit succession, soit donation entre-vifs, on ne peut acquérir la propriété que par un acte judiciaire: on ne doit la perdre que par un acte judiciaire. Ce principe a-t-il été consenti de tous les temps ? Ou le droit romain y admettait-il des modifications ? Il me semble que la difficulté vient de cette ridicule manie qu’on a eue de la séparation des pouvoirs. On voulait que la justice soit indépendante du gouvernement, et, pour rendre la justice indépendante, on l’annulait et on rendait tous les propriétaires passifs des agents du gouvernement. Les intendants, je crois, étaient des officiers judiciaires, et en effet il me semble que plusieurs de leurs actes, étant considérés comme judiciaires, étaient soumis à l’appel du parlement. Nos préfets ne sont plus rien de tout cela; nos préfets ne sont pas des officiers judiciaires. Faites-vous remettre, je vous prie, la lettre que j’ai écrite le 21 août au grand juge, avec le rapport qu’il m’a fait, et faites-moi une dissertation qui éclaircisse bien la question. Je crains les abus; nos lois me paraissent un assemblage de plans mal assortis, inégaux, irréguliers, laissant entre eux de fréquentes lacunes, et j’attache une grande importance à joindre ces différents éléments, à n’en faire qu’un tout, afin de réprimer les abus de l’administration, qui, dans un si grand empire, peuvent être plus fréquents.

 

Schönbrunn, 7 septembre 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, je reçois vos lettres du 6. Je vous renvoie les lettres de Suède. Les ambassadeurs de Suède doivent, comme de raison, se rendre à Paris.

Il faut profiter de l’occasion qu’offre le prince Galitzine pour écrire en Turquie. Votre lettre doit être chiffrée. Vous devez faire connaître mes intentions pour que mon chargé d’affaires ne me brouille pas avec la Porte el maintienne mes relations dans la situation où elles se trouvent. Je vous renvoie la lettre du prince Galitzine.

Écrivez un peu en Danemark pour engager le Roi à occuper par ses troupes Cuxhaven et à mettre ce port à l’abri des incursions des Anglais.

 

Schönbrunn, 7 septembre 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, j’attends aujourd’hui de vos nouvelles, qui m’apprendront ce que font enfin les plénipotentiaires autrichiens.

Le télégraphe de Strasbourg m’a appris que les Anglais rétrogradaient de l’Escaut sur Flessingue. La quantité de malades qu’ils avaient paraissait extrêmement considérable. Tout porte donc à penser qu’ils ont renoncé à l’expédition. Ils en seront pour la perte de la moitié de leur monde au moins pendant six mois, un mois de séjour dans ces marais devant leur donner au moins un tiers et même moitié de malades. Ils détruiront probablement le bassin de Flessingue; c’est là ce qu’ils auront gagné dans cette expédition.

 

Schönbrunn, 7 septembre 1809

Au comte Gudin, ministre des finances, à Paris

Je trouve que la Consulte de Rome sort de ses attributions. Il ne lui appartient ni de réformer l’académie, ni de faire faire de nouvelles promenades, etc. Toutes ces mesures sont ridicules. Elle ne devait même pas nommer le Sénat. Contenez-la dans les bornes de sa mission, qui est d’administrer le pays, d’en régulariser les finances et de préparer l’organisation constitutionnelle. Ce n’est pas à la Consulte à faire des dépenses d’un demi-million, à reconstruire Rome à mes frais, etc. Il faut donc ajourner tout cela.

 

Schönbrunn, 7 septembre 1809

Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur Mollien, vous trouverez ci-joints des états que je me fais remettre tous les cinq jours. Vous trouverez sous la lettre A l’état de la caisse au ler septembre, sous la lettre B l’état des contributions, sous la lettre C le budget du deuxième trimestre, sous la lettre D le budget du troisième trimestre, sous la lettre E l’état de la solde par corps d’armée, enfin sous la lettre F la situation générale du payeur et le détail de son ayant en caisse.

 

Schönbrunn, 7 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, je vois dans une lettre du maréchal Jourdan que vous lui avez écrit qu’il ne fallait rien entreprendre en Espagne jusqu’en février. Je vous avais mandé qu’il ne fallait rien entreprendre jusqu’à la fin des chaleurs; or les chaleurs finissent à la fin de septembre.

 

Schönbrunn, 7 septembre 1809.

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte d’Hunebourg, notre Ministre de la guerre, des rapports qui sont sous nos yeux contiennent les assertions suivantes:

Le gouverneur commandant la place de Flessingue n’aurait pas exécuté l’ordre que nous lui avions donné de couper les digues et d’inonder l’île de Walcheren aussitôt qu’une force supérieure ennemie y aurait débarqué. Il aurait rendu la place que nous lui avions confiée, l’ennemi n’ayant pas exécuté le passage du fossé, le revêtement du rempart étant sans brèche praticable et intact, dès lors sans avoir soutenu d’assaut, et même lorsque les tranchées des ennemis n’étaient qu’à 150 toises de la place et lorsqu’il avait encore 4,000 hommes sous les armes. Enfin la place se serait rendue par l’effet d’un premier bombardement.

Si telle était la vérité, ce gouverneur serait coupable, et il resterait à savoir si c’est à la trahison ou à la lâcheté que nous devrions attribuer sa conduite.

Nous vous écrivons la présente lettre close pour qu’aussitôt après l’avoir reçue vous ayez à réunir un conseil d’enquête, qui sera composé du comte Aboville, sénateur, du comte Rampon, sénateur, du vice-amiral Thévenard et du comte Songis, premier inspecteur général de l’artillerie.

Toutes les pièces qui se trouveront dans votre ministère, dans ceux de la marine, de l’intérieur, de la police, ou de tout autre département, sur la reddition de la place de Flessingue, tant sous le rapport de sa défense que de tout autre objet qui pourrait intéresser notre service, seront adressées au conseil pour nous être mises sous les yeux, avec le résultat de ladite enquête.

 

Schönbrunn, 7 septembre 1809.

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, on me rend compte qu’on admet au dépôt des tirailleurs corses des recrues qui appartiennent à d’autres départements que ceux de la Corse. Cette transgression tend à dénaturer l’institution du corps; elle contrarie principalement l’intention que j’ai eue de faciliter la conscription des deux départements de Corse, et de rendre le service militaire agréable aux conscrits en les réunissant dans un cadre uniquement composé de leurs compatriotes. Je désire que vous donniez des ordres à cet effet.

Il en est de même des tirailleurs du Pô, qui, par les mêmes raisons, ne doivent se recruter que dans les départements italiens. Donnez également de nouveaux ordres à ce sujet au dépôt de ce régiment.

 

Schönbrunn, 7 septembre 1809

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, notre Ministre de la Marine, d’après les différents comptes qui nous ont été rendus de la bataille de Trafalgar, le contre-amiral Dumanoir serait accusé de n’avoir pas manœuvré conformément aux signaux et à l’impulsion du devoir et de l’honneur; de n’avoir pas fait tout ce qu’il pouvait pour dégager le centre de notre armée, et particulièrement le vaisseau amiral; de n’avoir pas attaqué l’ennemi corps à corps, et même de ne s’être pas suffisamment approché du feu pour prendre part au combat d’aussi près qu’il aurait dû; enfin d’avoir quitté le champ de bataille lorsqu’il pouvait combattre. Étant informé qu’un grand nombre de nos officiers qui avaient été faits prisonniers sont rentrés en France, nous vous écrivons la présente lettre close pour que l’enquête que nous avons déjà ordonnée ait lieu sans délai, et que le conseil d’enquête soit composé du comte Fleurieu, sénateur, du comte Bougainville, sénateur, et des vice-amiraux Thévenard et Rosily, et qu’enfin le résultat de ladite enquête nous soit mis sous les yeux.

 

Schönbrunn, 8 septembre 1809

ORDRE.

1 ° Les divisions saxonnes seront campées, l’une sur les hauteurs près Presbourg, l’autre sur les hauteurs de Neudorf.

2° Les troupes commenceront leur baraquement le 12.

3° Le pont entre Schloss Hof et Neudorf sera établi sans délai et sur pilotis, à l’abri des glaces, de manière à être praticable le 25 septembre.

4° La division qui campera à Neudorf fournira les travailleurs nécessaires à Theben, aux travaux des hauteurs de Theben et aux redoutes de Neudorf.

5° Les généraux commandant l’artillerie et le génie de l’armée, et le général Reynier prendront les plus promptes mesures pour l’exécution du présent ordre.

 

Krems, 8 septembre 1809 [1]Dans la journée il a visité l’Abbaye de Gottweg

Au comte Daru, intendant général de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur Daru, le cercle de Krems, qui n’avait été taxé qu’à 150 chevaux, en a fourni 800 superbes, bons  pour les cuirassiers et l’artillerie. Le cercle de Kornneuburg n’a été taxé qu’à 450 chevaux, et il y a dix fois plus de chevaux que dans le cercle de Krems.

L’armée a besoin de chevaux; les équipages en auraient besoin d’un millier; l’artillerie me coûte beaucoup. J’ai pourtant 4 à 5,000 hommes de cavalerie à pied, et j’ai des chevaux de réforme. La levée de 6,000 chevaux n’a pas été basée sur mes besoins, mais sur la prétendue difficulté de les lever; de sorte que la mesure que j’ai prise serait contraire à mes intérêts, car toutes les réquisitions des généraux cantonnés dans les provinces et sur les lieux en ont pris beaucoup plus. Il faut donc écrire aux intendants que la réquisition des 6,000 chevaux est indépendante des réquisitions faites régulièrement par les maréchaux; les intendants doivent également y donner leurs soins. Ainsi les 700 chevaux requis par le duc de Raguse dans le cercle de Krems sont indépendants des 150; les 800 du vice-roi, en Styrie, sont indépendants de ceux que j’ai demandés; de même en Carinthie. Je ne sais pas si les maréchaux duc d’Auerstaedt et duc de Rivoli n’en ont pas demandé. J’ai accordé au général de Wrede d’en lever 100 à Linz.

Votre correspondance doit vous faire connaître les différentes réquisitions des généraux. Vous me ferez un tableau et une nouvelle répartition pour porter la réquisition à 20,000 chevaux, y compris ceux que j’ai requis et ceux demandés par les généraux. Avant tout, il est indispensable d’avoir en Hongrie autant d’intendants que de comitats, et en Autriche autant que de cercles. Nommez-en à Kornneuburg et à Saint-Pölten; et enfin mon intention est de lever encore dans le cercle de Kornneuburg 1,000 à 1,200 chevaux.

Apportez-moi ce travail demain à cinq heures après midi.

 

Krems, 9 septembre 1809

Au prince Cambacérès, archichancelier de l’empire, à Paris

Mon Cousin, j’ai passé hier, ici, la revue du corps du duc de Raguse. Je vais partir dans une heure pour retourner à Vienne. Les négociations continuent. On a répandu à Paris le bruit que j’étais mal; je ne sais pourquoi. Je ne me suis jamais mieux porté.

 

Krems, 9 septembre 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je reçois vos lettres du 3 septembre. Il paraît que les Anglais se sont retirés chez eux. Quelque chose que l’on vous ait dit, tenez pour certain que les Anglais n’avaient pas plus de 28,000 hommes présents sous les armes; ce qui forme un effectif de 33,000 hommes au moment de l’embarquement; on a ôté 5,000 hommes qui n’ont pu s’embarquer, ce qui a formé la réduction. Le mois de séjour qu’ils ont fait dans les îles de Walcheren et de Beveland leur a donné 7 à 8,000 malades. Les Anglais ne ramènent pas en Angleterre une expédition de plus de 12 à 13,000 hommes, encore tous malingres et fatigués. Je ne me suis jamais attendu à la prise de Flessingue. C’est une lâcheté et une trahison sans exemple. Je désire que vous vous expliquiez dans les journaux suivant les données renfermées dans cette lettre, car il y a des personnes ridicules qui exagèrent la force des Anglais et la portent à 45,000 hommes. Ils vont envoyer des renforts en Portugal, où ils en ont besoin. Anvers est imprenable; l’idée de remonter le fleuve avec des vaisseaux est d’une exécution impossible. Il n’y avait besoin ni d’estacade ni de couler des bâtiments, et, aussitôt que j’ai connu cela, je l’ai défendu. L’estacade pouvait être utile pour arrêter les brûlots, quoique les coudes de la rivière suffisent pour les empêcher d’arriver. Quand même les Anglais fussent arrivés à 1,500 toises de la place, ils n’auraient rien fait. Les forts, la garnison les auraient repoussés; ils ont sagement fait de se retirer. L’idée qu’ils attaquent l’île de Cadzand est ridicule, quand ils n’ont pas commencé par vouloir entrer sur notre territoire, bien sûrs qu’ils en seraient chassés. Ils ont toujours voulu placer les eaux entre eux et nous.

.Je ne sais où vous avez été chercher que je suis malade. Je ne me suis jamais mieux porté. Corvisart est venu parce que j’ai voulu avoir un médecin d’un mérite supérieur, dans cette saison surtout qui est sujette à donner des maladies.

 

Krems, 9 septembre 1809

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur Decrès, j’ai l’état de situation de l’expédition anglaise. Elle n’était pas de plus de 27,000 hommes présents sous les armes. Je ne vois pas pourquoi la flottille, aidée d’un ou deux vaisseaux de guerre, ne pourrait pas nettoyer l’Escaut. Il est déplorable que l’on n’ait pas profité du moment où il y avait tant de bâtiments pour lancer des brûlots. Témoignez mon mécontentement à l’amiral et au commissaire général de la marine. Il est probable que le fort de Bath sera évacué lorsque la flottille sera attaquée et obligée d’isoler ce fort. Je ne sais pas ce que vous entendez par machine infernale; vous proposez d’en lancer une contre le fort de Bath. Les machines infernales ne sont rien; les Anglais s’en sont servis contre Saint-Malo et plusieurs de nos ports, cela n’a abouti qu’à casser des vitres. S’il suffisait d’une machine infernale pour prendre une place forte, il faut croire que l’on s’en serait servi pour prendre les places qui ont arrêté les conquérants. Les machines infernales, les bombardements même, ne sont comptés pour rien en temps de guerre.  Un lâche comme Monnel a pu seul rendre une place pour un bombardement. Les bombes ne font rien aux remparts, fossés, contrescarpes; les bombes sont utiles, mais comme moyen combiné de siège en règle. Je pense que les Anglais jetteront des bateaux dans les passes. Je ne puis pas me persuader qu’ils veuillent garder Flessingue; ce serait s’engager dans une lutte trop dangereuse pour eux. Ils feront sauter le bassin et les fortifications; mais si, avec la facilité des inondations ils veulent défendre Flessingue, il faut avoir plus de chaloupes canonnières qu’eux. Si, au premier avis que vous avez eu que l’expédition était pour Flessingue et Anvers, vous aviez fait venir des canonnières de Boulogne, ils n’eussent jamais pu prendre Flessingue. Il me semble que vingt-neuf canonnières sont déjà venues de Boulogne à Anvers. Il faut en faire passer un plus grand nombre.

 

Schönbrunn, 10 septembre 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, vous trouverez ci – jointe la lettre que m’écrit l’empereur d’Autriche. Je ne comprends pas bien quel est le but de cette démarche, à moins que cette lettre n’ait servi de passeport pour que l’aide de camp venu à Vienne me fût présenté et causât avec moi. Cet aide de camp m’a dit que l’empereur avait déclaré qu’il approuvait les bases proposées et qu’il était disposé à faire des sacrifices. Je lui ai répondu que, si les sacrifices que voulait faire l’empereur étaient égaux à ceux qu’il a faits lors du traité de Presbourg, il était probable que cela mènerait à la paix, mais que, s’ils étaient moindres, il ne fallait pas y songer, et qu’on devait bien se persuader que cela est mon ultimatum. Il paraît que le principal but du voyage de l’aide de camp a été de me faire l’éloge de M. de Stadion, et je pense que cette lettre n’a pas eu d’autres motifs que de me faire comprendre que si M. de Stadion restait au ministère la paix serait durable, parce qu’il a déjà acquis de l’expérience, tandis qu’un nouveau ministre n’en aurait pas encore acquis. J’ai dit que l’empereur d’Autriche était toujours de l’opinion du dernier qui lui parle et qu’ainsi dans cinq ou six ans il recommencerait la guerre et serait encore le jouet de l’Angleterre; et que, quant à M. de Stadion, on sait qu’il est dominé par son frère, et tout le monde connaît le caractère turbulent, inquiet et emporté de ce prêtre; s’il y avait un empereur à la bonne foi duquel je pusse me fier, comme le grand-duc de Würzburg ou l’archiduc Charles, je rendrais toute la monarchie autrichienne et je n’en retrancherais rien. L’aide de camp m’a répondu que si l’empereur était persuadé de cette vérité, il abandonnerait le trône pour y placer le grand-duc de Würzburg. .Je lui ai dit que j’avais déjà fait cette proposition à M. de Liechtenstein.  » Je veux avoir affaire à un homme qui ait assez de reconnaissance pour me laisser tranquille ma vie durant. Les lions et les éléphants ont souvent montré, dit-on, des preuves frappantes de la puissance de ce sentiment sur leur cœur. Il n’y a que votre maître qui n’en soit pas susceptible.  »  Là-dessus, il m’a fait beaucoup de protestations de la sincérité des intentions de l’empereur. Je lui ai répondu qu’on ne me trompait pas deux fois; qu’il s’était mis à ma discrétion en Moravie, et qu’après une pareille démarche il m’avait fait la guerre, même sans déclaration préalable. L’aide de camp a juré que ce serait la dernière fois. .Je lui ai dit que cela serait encore de même, mais qu’a la paix de Presbourg il en avait coûté quatre millions de sujets à l’Autriche, que cette fois il lui en coûterait encore autant, et que, pour peu que cela continuât, elle n’aurait bientôt plus les moyens de me nuire. Il m’a parlé alors du Tyrol; je lui ai dit que, même si les Autrichiens étaient à Metz, maîtres de l’ouvrage Sainte-Croix, cette proposition ne serait pas acceptable; ,que le Tyrol ne serait jamais à la Maison d’Autriche, parce qu’il sépare l’Italie et l’Allemagne et parce qu’il approche de nos frontières par la Suisse; qu’au reste la Bavière s’en souciait très-peu, ce pays lui coûtant beaucoup et ne rendant rien; mais que je ne souffrirais jamais que ce pays sortît de mon influence. Il m’a tenu ensuite le langage ordinaire de tous les Autrichiens: il m’a parlé de l’alliance. Je lui ai dit que la Maison d’Autriche n’en avait jamais voulu; que nous étions deux taureaux qui voulaient coucher avec l’Italie et la Germanie; et que, tant que la Maison d’Autriche userait de discours pareils, il n’y aurait pas moyen de nous entendre. J’ai ajouté que j’étais étonné de la lenteur de la marche des négociations, puisque chaque jour de retard leur coûte plusieurs millions, et que jusqu’ici ils ont déjà perdu un mois entier; qu’ils devaient partir du principe que, si la guerre avait lieu, je prendrais possession de tous les pays que j’occuperais; que j’étais dans une position où, bien loin de craindre l’armée autrichienne, je ne craignais point tous les efforts de l’Europe réunie, et qu’à cheval sur le Danube, avec ma seule armée, je résisterais à tous ; que la mauvaise saison s’avançait, et que certainement je ne ferais pas voyager mes troupes pendant l’hiver; et que, dans aucun cas, je ne tirerais un homme de cette armée pour l’envoyer en Espagne, où j’ai plus de cadres qu’il ne m’en faut.

Quant à la réponse que vous ferez à M. de Metternich, je veux encore y songer. Ne lui laissez pas cependant l’espérance qu’on puisse négocier sur cette base s’il ne cède pas davantage. Dites-lui que le Tyrol et le Vorarlberg sont des positions qui séparent l’Italie et l’Allemagne, et que d’avoir des prétentions sur ces positions, qui donnent lieu de s’ingérer dans les affaires de l’Allemagne et de l’Italie, ainsi que de vouloir effrayer la France, est la plus manifeste contradiction.

Les Anglais ont définitivement évacué l’Escaut et se sont retirés chez eux. Ils paraissent avoir laissé des forces dans l’île de Walcheren et au fort de Bath. Ainsi le résultat de cette expédition est 100,000 hommes que j’ai de plus sous les armes. Je suis fondé à penser que les quinze premiers jours de la négociation ont été ainsi prolongés parce que les Autrichiens espéraient que le débarquement des Anglais m’obligerait à faire quelque détachement de l’armée ou retourner de ma personne en France. J’ai au contraire 200,000 hommes de plus, que j’ai levés sous ce prétexte, ce qui n’a point échappé à la sagacité des membres du corps diplomatique à Paris; ils ont écrit partout que j’avais profité de cette circonstance pour exciter l’opinion publique et pour lever des troupes qui, au bout de quinze jours, auraient considérablement augmenté ma puissance et mes moyens.

Faites connaître à M. de Metternich que le protocole ne servira à rien ; que, s’il veut la paix, il faut qu’il parte du principe que l’Autriche doit faire un sacrifice équivalent, en population, en richesse et en territoire, au sacrifice fait à Presbourg. Si quelque chose pouvait me confirmer dans cette résolution, ce serait la proclamation de l’empereur à son armée du 16 août, proclamation que j’ai lue à l’aide de camp. Cette proclamation fait voir que j’ai besoin de tenir à mes prétentions. Ne pas avoir fait ce que j’ai fait à Presbourg, ce serait être vaincu. Ayant fait davantage dans mon opinion, et ma position étant meilleure qu’elle ne l’était alors, la paix ne doit pas être différente. Que M. de Metternich médite sur ces données, et qu’il fasse sans protocole, même sans écrit, un arrangement qui conduise à ce résultat, et il accélérera beaucoup la paix.

 

Schönbrunn, 10 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, les événements qui viennent de se passer doivent faire presser les travaux et batteries du fort que j’ai arrêté dans l’île de Cadzand. Remettez-moi sous les yeux le projet que j’ai approuvé, la note des fonds que j’ai accordés, ce que j’ai accordé de fonds cette année et ce que je pourrais encore dépenser d’ici à la fin de l’année. Un bon fort, là, protégé par les inondations, me paraît de la plus grande et première importance. Il faudra arrêter le projet de quelques bâtiments à l’abri de la bombe. Après cet objet important, il faudra établir un fort vis-à-vis le fort de Bath, de ce côté-ci du canal de Berg-op-Zoom, afin qu’il maintienne la communication avec Bath, qu’on soit ainsi maître de passer le canal, et que le fort de Bath ne puisse pas être bloqué. Je pense qu’il serait possible d’établir ce fort à 5 ou 600 toises du fort de Bath, le canal n’étant pas large, et que l’ennemi n’aurait aucun moyen d’interrompre la communication des deux forts, à moins qu’il ne se plaçât au milieu du canal.

Il faut ordonner la démolition des bâtiments du fort Lillo. Comme je crois ce fort soutenu par l’inondation, il me semble qu’il n’aurait besoin que de quelques bâtiments à l’abri de la bombe. Quant à Anvers, il faudrait un bon fort sur la rive gauche, à l’endroit où était le moulin à papier. Ce fort serait armé d’une cinquantaine de bouches à feu; il conserverait sa communication avec la Tête-de-Flandre par l’inondation; dès lors le système de la place rendrait maître du coude de la rivière, ce qui est très-important. L’inondation de la Tête-de-Flandre va, je crois, fort loin. Je suppose que ce fort devrait être à peu près à 1,000 toises de la lunette actuelle, qui elle-même est à 400 toises de la Tête-de-Flandre; de sorte que l’ennemi, arrêté par ce fort, ne pourrait pas approcher à plus de 1,600 toises du canal d’Anvers. L’avantage de concentrer la défense d’Anvers sur ce point est qu’il fait système avec la Tête-de-Flandre et ne peut pas en être séparé, au lieu que le fort Lillo, étant beaucoup trop loin, serait coupé de la place par une armée supérieure. On ferait vis-à-vis un autre fort du côté d’Austruweel, mais de manière qu’il fût également à 1,000 ou 1,200 toises, de l’extrémité de la place. Ces deux forts, soutenus par les inondations qui couvrent la place d’Anvers et la Tête-de-Flandre, situés dans un lieu où l’Escaut n’a, je crois, que 300 toises de largeur, pouvant s’armer de cinquante bouches à feu et étant entièrement liés avec la place, seraient l’appui de la flottille, des estacades et le vrai point de la défense d’Anvers. Lillo ne peut être considéré que comme un ouvrage séparé, pour défendre l’Escaut, mais qui tomberait nécessairement si l’ennemi, en très-grande force, était maître d’une partie de la Hollande.

Il restera à me faire connaître les autres ouvrages à faire pour compléter la défense d’Anvers, en éloigner l’ennemi et mettre ce chantier à l’abri des bombes. Il faut que le ministre Dejean profite du moment où il est sur les lieux pour faire faire, en sa qualité de premier inspecteur général du génie, tous les projets et me les soumettre sans délai.

Je pense aussi qu’il faut bien veiller à ce que la marine n’abîme pas la citadelle d’Anvers. D’après les projets que j’ai sur Anvers, il est probable que cet effort des Anglais sur ce chantier ne sera pas le dernier; et les événements se pressent avec tant de rapidité, qu’il est possible qu’ils ne nous donnent que quelques années pour achever ces travaux.

Quand j’étais à Flessingue, j’avais ordonné des ouvrages qui, à ce qu’il paraît, n’ont pas été faits. Au reste, la reddition de Flessingue, après si peu de résistance, me paraît inconcevable.

 

Schönbrunn, 10 septembre 1809

Au comte Daru, intendant général de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur Daru, il me semble qu’il avait été convenu qu’au 10 septembre la basse Autriche aurait payé douze millions de contributions; je vois dans vos derniers états qu’elle n’a encore payé que huit millions; faites-m’en connaître les raisons. La haute Autriche n’a encore payé que 200,000 francs ; c’est par trop ridicule. Le cercle de Brünn n’a encore payé que 600,000 francs. Je vois, par les derniers états de situation, que vous aviez encore au 10 septembre un million de crédit pour payer le chapitre des dépenses diverses du second trimestre et deux millions sur le même chapitre pour le troisième trimestre. Il est bien nécessaire que vous ordonnassiez promptement cet argent, afin de satisfaire à ce qui est dû pour gratification de campagne, chevaux tués, etc., ainsi qu’à ce qui est dû aux corps pour l’ achat de chevaux d’artillerie et de caissons. Je vois avec peine qu’il est dû encore 900,000 francs sur la solde de juillet. Pressez le payeur pour qu’il fasse les fonds de la solde pour juillet. Je vois que vous n’avez pas porté sur vos états les fonds que j’ai faits pour faire payer la solde de juillet et août.

 

Schönbrunn, 10 septembre 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, donnez ordre à la division de cuirassiers du duc de Padoue de se placer, les derniers postes, à la distance de dix lieues de Stockerau, le long du Danube, sur la route de Krems, sur celle de Bohème et sur celle de Znaym. Le général commandant la division placera son quartier général à deux lieues au plus de Stockerau, et il n’aura aucunes troupes à Stockerau. Vous donnerez l’ordre au maréchal Oudinot de retirer ce qui appartient à la division de cuirassiers du général Saint-Germain et à toute autre espèce de cavalerie, lesquelles seront poussées sur la route de Brünn et sur la March. Donnez ordre au maréchal Marmont de faire faire par un officier d’état-major une reconnaissance de Krems à Linz par la rive gauche du Danube, de Krems à Znaym et de Krems à Stockerau. Cette reconnaissance sera faite sur l’échelle de trois lignes pour cent toises. On y fera connaître la nature des chemins, des montagnes et la voie des routes.

 

Schönbrunn, 10 septembre 1809

Au comte Daru, intendant général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Monsieur Daru, on se plaint qu’on néglige toutes les ressources que peut offrir le pays, telles que les loteries, qui peuvent rendre 50,000 florins par tirage (en faisant trois tirages par mois, cela ferait une somme assez considérable), le timbre, le sel, le tabac, la saisie des bois, dont on pourrait faire des coupes extraordinaires pour donner aux villes le bois de chauffage au meilleur marché. Quant au sel, je désirerais savoir combien vous en avez en magasin et à quel il se vend. J’aimerais assez en diminuer le prix, ce qui porterait les habitants à s’approvisionner, et ce serait une mesure populaire qui soulagerait le peuple. Faites-moi un rapport là-dessus.

 

Schönbrunn, 10 septembre 1809

Au comte Daru, intendant général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Monsieur Daru, aussitôt que mon armée devra se mettre en mouvement, mon intention est que les hôpitaux des cercles de Znaym et de Krems soient évacués sur les abbayes de Göttweig et de Melk, Saint-Pölten et Ertzburg. Les abbayes de Melk et de Göttweig ont été disposées pour cet objet. Faites reconnaître l’abbaye d’Ertzburg, qui doit pouvoir contenir 15 à 1600 malades, et faites-la organiser en hôpital. Rendez-moi compte s’il existe sur la gauche du Danube d’autres hôpitaux, car mon intention, si les hostilités devaient recommencer, est que tous les hôpitaux soient établis sur la rive droite.

 

Schönbrunn, 11 septembre 1809, cinq heures du soir.

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny; je reçois votre lettre du 10. La réponse à faire à M. de Metternich sur les affaires d’Espagne est de lui envoyer les Moniteur et les ordres du jour du Roi. Vous pouvez y joindre le Moniteur d’aujourd’hui, où il verra que les Anglais se sont retirés de l’Escaut. Il est faux que dans les visites domiciliaires faites à Vienne on ait enlevé la caisse des pupilles. On a pris une vingtaine de millions de cédules que le gouvernement avait eu l’imprudence de laisser et qui étaient dans les caves de l’hôtel de ville. Si vous causez avec M. de Metternich, vous lui ferez sentir que l’agression faite en Dalmatie par les Autrichiens fait voir combien peu l’on doit compter sur les paroles de l’Autriche; que cette province a été attaquée neuf jours après la signature de l’armistice, c’est-à-dire plusieurs jours après que l’armistice pouvait y être connu.

 

Schönbrunn, 11 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Vous trouverez ci-joint un décret que je viens de prendre. Mon intention est de ne pas laisser plus longtemps le commandement dans les mains du prince de Ponte-Corvo, qui continue de correspondre avec les intrigants de Paris et qui est un homme auquel je ne puis me fier. Je vous envoie directement ce décret, pour que, si l’on était aux mains lorsque vous le recevrez, vous en différiez l’exécution. Si, comme je le pense, on ne se bat point et que le duc d’Istrie soit en état de marcher, vous enverrez ce dernier prendre le commandement de l’armée du Nord, et vous écrirez au prince de Ponte-Corvo de se rendre à Paris. Vous lui ferez connaître que j’ai été mécontent de son ordre du jour; qu’il n’est pas vrai qu’il n’ait que 15,000 hommes, lorsque, avec les corps des ducs de Conegliano et d’Istrie, j’ai sur l’Escaut plus de 60,000 hommes; mais que, n’eût-il que 15,000 hommes, son devoir était de ne pas le laisser soupçonner à l’ennemi; que c’est la première fois qu’on voit un général trahir le secret de sa position par un excès de vanité ; qu’il a donné en même temps des éloges aux gardes nationales, qui savent bien elles-mêmes qu’elles n’ont eu occasion de rien faire. Vous lui témoignerez ensuite mon mécontentement de ses correspondances de Paris, et vous insisterez pour qu’il cesse de recevoir les mauvais bulletins des misérables qu’il encourage par cette conduite. Le troisième point sur lequel vous lui notifierez mes intentions est qu’il se rende à l’armée ou aux eaux.

 

Schönbrunn, 11 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, Ministre de la guerre, à Paris

Écrivez au maréchal Jourdan que je suis surpris que, le duc de Trévise étant arrivé sur le Tage, on n’ait pas suivi l’armée anglaise quatre ou cinq jours, afin de lui prendre ses traînards, d’accélérer sa retraite et de lui faire le plus de mal possible.

 

Schönbrunn, 11 septembre 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

J’ai reçu votre lettre du 5 septembre. Ce que j’avais pensé est arrivé. Le mois de séjour des Anglais dans l’île de Zélande leur a mis sur le grabat la moitié de leur armée et atténué le reste. Je ne doute pas qu’ils ne regagnent l’Angleterre et qu’à l’heure qu’il est ils n’aient évacué. Sans la lâcheté de ce misérable Monnet, cette expédition n’eût été que déshonorante pour les Anglais et ne leur eût pas laissé l’ombre d’une gloriole.

J’ai été mécontent de l’ordre du jour du prince de Ponte-Corvo, qui ferait croire que je n’ai que 15,000 hommes, tandis que j’ai intérêt de persuader que j’en ai 200,000. La vanité de cet homme est excessive. J’ai ordonné au ministre de la guerre de le rappeler. Il a des talents médiocres. Je ne me fie d’aucune manière à lui. Il a toujours l’oreille ouverte aux intrigants qui inondent cette grande capitale. A la guerre, il est de même: il a manqué de me faire perdre la bataille d’Iéna, il s’est médiocrement conduit à Wagram ; il ne s’est pas trouvé à Eylau, lorsqu’il aurait pu y être, et n’a pas fait à Austerlitz ce qu’il aurait pu faire.

La paix ici n’est point faite, quoiqu’elle se négocie. J’ai intérêt à avoir le plus de troupes possible sous les armes, mais des troupes qui puissent servir.

Tout ce qui à Paris s’est engagé doit être dirigé sur Anvers. Mais on me rend compte d’un incident qui serait presque un déshonneur. Le corps diplomatique et plusieurs des principaux banquiers écrivent à l’étranger que la garde à cheval a reçu l’assurance de ne pas quitter Paris et de ne faire auprès de moi qu’un service d’escorte autour de la capitale. Vous devez partir du principe qu’il faut avoir pour me garder quatre quartiers de noblesse, c’est-à-dire quatre blessures reçues sur le champ de bataille. Je ne consentirai jamais à admettre de service auprès de moi des muscadins n’ayant pas noirci sous le harnais, que ceci vous serve de règle. Si cette troupe a été mise sur pied, c’est pour être utile ; sans quoi il faut l’éteindre insensiblement. Ce n’est ni M. Tourton ni ses pareils que je veux autour de moi. J’ai mes vieux soldats, je n’en admets pas d’autres à l’honneur de me garder.

 

Camp impérial de Schönbrunn, 11 septembre 1809

DÉCRET

ARTICLE 1er. – Le corps d’armée de la Tête-de-Flandre et celui d’Anvers sont réunis sous le nom d’Armée du Nord, qui sera commandée par le maréchal duc d’Istrie.

ART. 2. – Le maréchal duc de Conegliano commandera la réserve des trois divisions de gardes nationales que commandait le maréchal duc d’Istrie.

ART. 3. – Notre ministre de la guerre est chargé de l’exécution du présent décret, qui ne sera pas imprimé.

 

Schönbrunn, 11 septembre 1809

Au prince Jean de Liechtenstein, commandant le 1er corps de réserve de l’armée autrichienne

Je vous expédie, Prince, un officier de mon état-major pour vous porter cette dépêche. Sa Majesté m’a commandé de vous exposer que la Dalmatie a été attaquée par un corps de quelques mille Autrichiens, commandé par un de vos  généraux, neuf jours après que la suspension d’armes a été signée , c’est-à-dire lorsqu’on devait en connaître l’existence. Il ne fallait que cinq jours pour aller de Znaym à  Karlstadt. Les officiers que j’avais expédiés, du camp de Znaym, pour porter la convention de l’armistice ont été arrêtés à vos postes, et ce n’est que vingt-deux jours après la signature que cet acte a été connu à Zara. J’ai demandé plusieurs fois que le détachement de l’armée autrichienne qui était en Dalmatie évacuât cette province, et cependant la placer de Zara continue à être bloquée et les vivres qui lui sont apportées ne suffisent qu’au quart de ses besoins. Ainsi, pendant le cours de la suspension d’armes, l’Empereur peut perdre une de ses places fortes. Dans cet état de choses, Monsieur le Prince de Liechtenstein, l’honneur et la bonne foi de mon souverain exigent une réponse catégorique.

Ou Votre Altesse veut, conformément à la suspension d’armes, faire évacuer la Dalmatie par les 4 ou 5,000 Autrichiens qui l’occupent, ou l’armée autrichienne aura, de fait, commencé les hostilités, puisque bloquer une place forte, c’est la même chose que l’assiéger. Dès lors Votre Altesse aura rompu la suspension d’armes dans une de ses principales clauses, et, dans ce cas, Prince, l’Empereur et Roi, mon souverain, sera forcé de recourir aux armes pour dégager la partie de son armée qu’on attaque en Dalmatie.

Je sais, Prince, qu’on a dit de votre côté que Cracovie devait être remis; mais je dois vous faire observer qu’il n’y a pas de similitude.

Cracovie n’est pas une place forte, et cette ville était occupée par les Russes et par les Saxons lorsque la suspension d’armes n’y était ni ne pouvait y être parvenue, tandis qu’elle était ou pouvait être connue depuis longtemps de vos troupes en Dalmatie; ce qui établit une immense différence dans ces questions. Enfin, Prince, il est fort indifférent à l’Empereur et Roi, mon souverain, que les armées autrichiennes occupent ou non Cracovie; mais il paraît que le commandant des troupes russes a regardé le statu quo de la suspension d’armes à dater du moment où l’armistice est arrivé, et, le 14 au matin, il était physiquement impossible que l’acte signé le 12 juillet à Znaym fût connu à Cracovie, tandis qu’en Dalmatie, s’il n’y a pas été connu, c’est qu’on a arrêté nos officiers, qui n’ont pu parvenir à Zara que le 28. Sa Majesté l’Empereur et Roi, mon souverain, me charge de demander catégoriquement que les troupes autrichiennes évacuent sans délai la Dalmatie.

Il est un autre sujet de discussion, Prince, relatif à la suspension d’armes. Il a été convenu que Fiume serait occupé par l’armée française; cependant, en interprétant la rédaction, on a cru de votre côté devoir s’y refuser. Sa Majesté l’Empereur et Roi, désirant donner une preuve de conciliation, se désiste de sa prétention sur Fiume, sous la condition que la Dalmatie sera évacuée sans délai par vos troupes.

Le major général, ALEXANDRE. (La minute porte des corrections de la main de l’Empereur)

 

Schönbrunn, 12 septembre 1809

Au prince de Cambacérès, archichancelier de l’Empire, à Paris

Mon Cousin, je vois que, par une télégraphie, le prince de Ponte-Corvo vous a rendu compte directement. Il a eu tort de vous adresser sa dépêche, et vous avez eu tort de la recevoir. Faites connaître à ce prince que c’est toujours au ministre de la guerre qu’il doit s’adresser.

Le ministre de l’intérieur ne s’étant pas encore rétabli, je pense qu’il est convenable qu’il demande sa retraite; voyez-le à cet effet. Il paraît que l’état de sa santé sera toujours vacillant. L’activité des circonstances où nous nous trouvons et où nous pouvous nous trouver exige au ministère un homme sain et jouissant de toutes ses facultés.

 

Schönbrunn, 12 septembre 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, faites connaître au sieur Bourgoing que je donne ordre que 10,000 fusils, 4,000 mousquetons, 3, 000 paires de pistolets et 1,000 sabres soient embarqués à Magdeburg et dirigées sur Dresde et qu’il faut qu’il presse le ministère à Dresde pour que cet envoi, destiné à armer les troupes polonaises, soit transporté à Varsovie sans aucun retard. Ecrivez à ce sujet au sieur Serra.

 

Schönbrunn, 12 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, recommandez bien que mes troupes soient cantonnées dans des lieux sains, et loin de l’Escaut. Je crois vous avoir déjà écrit là-dessus. .

Ce qui restera dans l’île de Cadzand, dans les marais de Berg-op-Zoom, dans le Sud-Beveland, sont des troupes perdues; elles iront toutes aux hôpitaux. Une armée de 100,000 hommes dans ces positions sera fondue en un clin d’œil. Écrivez aux maréchaux que le plus grand ennemi que puissent avoir les troupes, c’est le mauvais air. Il faut encore retirer les troupes d’Ostende.

J’ai considéré l’expédition des Anglais comme une folie, surtout à cause de ce dangereux et implacable ennemi.

 

Schönbrunn, 12 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Je vous ai écrit pour faire diriger sur le Hanovre les bataillons portugais et sur l’Italie les bataillons de la Tour d’Auvergne. Ces deux bataillons ayant été dirigés sur le Nord, dirigez sur le Hanovre les détachements de carabiniers el de cuirassiers,  formant 5 à 600 hommes, qui avaient été envoyés sur Maëstricht.

On m’assure que Paris fournit 3,000 hommes de gens qui ne demandent pas mieux que de servir; il faut les envoyer dans le Nord.

Demandez aux ducs d’Istrie et de Conegliano et aux sénateurs le parti qu’on peul tirer de la garde nationale,. Il y en a une portion qui doit désirer de se retirer chez elle. S’il y en a une portion qui désire servir, il faut la garder.

Je suppose que vous ne dépensez pas inutilement mon argent pour habiller les gardes nationales de Paris; cela est inutile, puisqu’il parait qu’elles ne veulent point sortir de leur ville. Il ne faut habiller que ceux qui seront utiles.

J’attendrai quelques jours vos différents rapports pour ordonner que les bourgeois ne montent plus la garde et faire rentrer la ville de Paris dans son état habituel.

 

Schönbrunn, 12 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Je suppose que vous avez donné des ordres au commandant français de l’artillerie et à celui de Hollande pour qu’on mette cinquante pièces de canon en batterie au fort de Bath, ainsi que pour le blinder et approvisionner.

 

Schönbrunn, 12 septembre 1809.

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris

Monsieur Bigot Préameneu, je ne veux point de missions en France. Vous voudrez bien écrire une circulaire aux archevêques et évêques pour leur faire connaître que je ne connais qu’eux, les curés et succursaux, et que je n’entends pas que des missionnaires, faisant profession de prédicateurs errants, parcourent l’Empire. Je donne des ordres dans ce sens au ministre de la police. Vous vous concerterez à cet effet avec le grand aumônier. Je ne veux plus de missions quelconques. J’avais permis un établissement de missionnaires à Paris, et je leur avais accordé une maison; je rapporte tout. Je me contente d’exercer la religion chez moi, mais je ne me soucie pas de la propager à l’étranger. Ces missionnaires d’ailleurs sont pour qui les paye, pour les Anglais s’ils veulent s’en servir. Présentez-moi un projet de décret là-dessus; je veux en finir. Je vous rends responsable si au 1er octobre, il y a encore en France des missions ou congrégations.

 

Schönbrunn, 12 septembre 1809

Au comte de Lacépède, Grand Chancelier de la Légion d’honneur, à Paris

Ne me présentez plus de demandes d’aucune grand’croix étrangère pour un sénateur et même il est probable que, lorsque je pourrai m’occuper de ce détail, je ferai proposer au Sénat une mesure pour les ôter à tous ceux qui en ont. Les sénateurs ne doivent porter sur eux rien d’étranger.

 

Schönbrunn, 12 septembre 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, donnez ordre au roi de Westphalie d’envoyer le régiment d’infanterie du grand-duché de Berg à Dresde, où il fera partie de la division que commande le général Carra Saint-Cyr.

 

Schönbrunn, 12septembre 1809

NOTE POUR LE PRINCE DE NEUCHATEL, MAJOR GÉNÉRAL DE L’ARMÉE D’ALLEMAGNE, A SCHÖNBRUNN

Écrire au prince Poniatowski : lui recommander de bien vivre avec les Russes ; lui dire que Sa Majesté désire avoir plus fréquemment de ses nouvelles et connaître surtout quelles sont les troupes ennemies qui lui sont opposées. Il semble que, le prince Ferdinand commandant la Bohême et son corps ayant passé en Hongrie, le prince Poniatowski ne doit trouver aucun obstacle pour arriver ·sur Olmutz.

Demander au prince Poniatowski de donner l’état de son corps d’armée au 15 septembre, avec l’indication précise des lieux qu’il occupe. Lui demander de faire connaître quand il espère que les envois de fusils lui seront arrivés, afin de se trouver armé, et s’il pourrait alors marcher avec un corps de 30,000 hommes. Il paraît que, par son dernier état, qu’il aurait au corps d’armée 16,000 hommes, en garnison dans le grand-duché 4,000 hommes, dont il pourrait au dernier moment retirer 2,000 hommes; en garnison dans les places de la Galicie 4,000 hommes, dont il pourrait aussi retirer 2,000;  enfin il porte, dans ses états 6,000 hommes de troupes galiciennes, ce qui fait 26,000 hommes. On suppose qu’il pourrait tirer le reste des 7,000 hommes qui sont dans les villes de Galicie. Il aurait donc ainsi 30,000 hommes, dont 10,000 chevaux. Il faudrait pour ce corps au moins soixante pièces d’artillerie attelées. Aussitôt que le corps serait arrivé, on lui fournirait armes et munitions de guerre des magasins de l’armée. D’ailleurs, les 10,000 premiers fusils de Magdebourg doivent être à Varsovie au 1er octobre. C’est au prince Poniatowski à établir  les relais pour faire venir en toute diligence le nombre qui lui sera nécessaire.

Nous ne connaissons pas bien les districts qu’occupent les troupes russes et celles du grand-duché. Il faut envoyer une carte sur laquelle les emplacements de ces troupes soient bien distingués. On désire que le prince Poniatowski envoie en même temps l’état exact de l’armée russe.

 

Schönbrunn, 12 septembre 1809.

NOTE POUR LE PRINCE DE NEUCHATEL MAJOR GENERAL DE L’ARMEE D’ALLEMAGNE, A SCHÖNBRUNN.

Écrire au prince Galitzine relativement à l’évacuation d’un district livré aux Autrichiens. Représenter combien cela est contraire à la cause commune, puisque les Autrichiens recrutent dans le district. Demander au prince Galitzine l’état des troupes qu’il pourrait mettre en campagne et s’il voudrait marcher avec les troupes du grand-duché; tout cela dans la supposition de la reprise des hostilités. Charger de ces lettres M. de Flahaut; il traitera bien les Russes.

 

Schönbrunn, 13 septembre 1809, dix heures du soir

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, je reçois votre courrier. Je suis fâché que la dépêche de M. de Caulaincourt soit si insignifiante. Cependant il me semble qu’elle dit assez. Je pense donc qu’il n’y a aucun inconvénient à mettre la note ci-jointe au protocole et à faire comprendre à M. de Metternich que la communication de la Dalmatie avec le royaume d’Italie est le premier intérêt de la France; que l’Innviertel, le Salzburg, la haute Autriche, la Bohême, la Galicie, ne sont rien en comparaison de ce premier intérêt; que nous n’avons aucun intérêt sur la Baltique, aucun en Pologne, mais que nous avons l’ambition de la Méditerranée; que nous avons l’ambition de maintenir l’indépendance de la Turquie, d’empêcher qu’il ne soit rien fait là de contraire à nos intérêts, et de nous conserver en position de tenir le langage convenable; que l’assertion de l’Autriche, dans son manifeste, que nous voulions partager l’empire ottoman, est une imposture; qu’il n’y a aucune puissance qui ait autant d’intérêt que nous à le défendre; que jadis nous nous mêlions de la Turquie sans avoir la Dalmatie, mais que nous étions alors puissance maritime; que nous voulons même avouer que nous étions puissance maritime par le bénéfice du traité de 1756; que nous sommes inférieurs aux Anglais; que nous ne pouvons influer sur les affaires de Constantinople que par la Dalmatie, et que notre premier et même notre unique intérêt dans toutes ces affaires était donc celui-là.

Si M. de Metternich fait une réponse à la note dont je vous envoie les termes, vous pouvez répondre cela, en ayant soin de ne pas vous servir du mot intégrité de l’empire ottoman, puisque cela porterait sur la Valachie et la Moldavie, mais du mot existence de ses états.

NOTE

Les plénipotentiaires autrichiens ayant parlé de la frontière de l’Inn et n’ayant pas parlé de la frontière d’Italie, le soussigné peut-il en conclure qu’ils admettent la demande faite dans le protocole du… . . relative à la frontière d’Italie, si indispensablement nécessaire pour lier la Dalmatie avec le royaume d’Italie ?

 

Schönbrunn, 13 septembre 1809

Au général Clarke, comte de Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, il faut laisser subsister les gardes nationales jusqu’à ce qu’on soit maître de Flessingue, qu’on ait chassé les Anglais et que la paix soit faite ici. C’est une grande folie que de garder des hommes qui ne sont bons à rien, c’est-à-dire des vieillards et des enfants incapables de faire un bon service. C’est aux généraux à faire le choix de ceux qui sont inutiles. Faites-moi connaître la formation des gardes nationales, combien il y a de corps et combien d’hommes par corps et par compagnie. Je suis persuadé que, quoique vous ayez requis 60,000 hommes, vous n’en avez peut-être pas 40,000 sous les armes, et que, avec les réformes que vous prescrirez aux généraux, il n’y aura bientôt plus que le nombre que je désire conserver.

 

Schönbrunn, 13 septembre 1809

Au comte Daru, intendant général de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur Daru, que deviennent les 34,000 paires de souliers, les 3,600 paires de bottes, les 45,000 chemises, les 6,000 capotes, les 9,000 paires de guêtres qu’a versées Trieste ? Donnez ordre que l’on dirige toutes ces fournitures sur les corps d’armée, ou sur l’armée d’Italie si elles lui sont destinées. Mais que rien ne reste sur les derrières, qui, si les hostilités recommençaient, seraient infestés. Je vois à Laybach des chemises et des souliers; si c’est pour l’armée d’Italie, c’est bien; pressez seulement les livraisons aux soldats. Faites faire des capotes à Laybach.

 

Schönbrunn, 13 septembre 1809

Au comte Daru, intendant général de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur Daru, j’ai besoin de 500,000 rations de biscuit à Dresde. Mon intention est que vous y fassiez diriger le biscuit que j’ai à Magdeburg, et, en cas que je n’aie pas cette quantité, comme j’y ai beaucoup de blé, faites-en fabriquer du biscuit, et, à mesure que 50,000 rations seront faites, vous les dirigerez sur Dresde, où vous aurez un garde-magasin. J’ai besoin de 500,000 rations à Passau et à Linz; faites-les fabriquer sans délai à Linz. Cela est très-important.

Faites-moi connaître si les dernières dispositions que j’ai ordonnées pour les magasins de Spitz et de l’île de’ Tabor sont exécutées, et, si mes intentions n’étaient pas entièrement remplies, quand elles le seront; car il ne faut pas perdre de vue qu’il’ y a une grande différence entre avoir des magasins à Vienne et les avoir dans l’île de Tabor et à Spitz. Mandez à l’ordonnateur du corps du duc de Rivoli qu’il ait 300,000 rations de biscuit dans ses différents cantonnements, afin de pouvoir remplir ses caissons et·en distribuer aux soldats, si le corps faisait un mouvement. II me semble qu’il n’a point un nombre de caissons proportionné à sa force. Demandez-lui combien il en a, de quelles compagnies sont ceux qu’il a. Mon intention serait de les augmenter. Je suppose que vous vous êtes assuré que les places de Brünn, Gratz, Klagenfurt et Laybach, les forts de Melk et de Göttweig, sont suffisamment approvisionnés, ainsi que Passau et Augsbourg, Réitérez vos ordres. Faites-moi connaître quand j’aurai à Dresde et à Passau la quantité de biscuit que je demande. Mon intention est qu’il n’en coûte rien au roi de Saxe.

 

Schönbrunn, 13 septembre 1809.

Au comte de Lariboisière, commandant l’artillerie de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur le Général la Riboisière, remettez-moi demain à la parade un état des munitions d’artillerie du château de Brünn. Ayez soin qu’il y ait des boulets en proportion des pièces. Je crois qu’on estime qu’il faut dans cette citadelle vingt bouches à feu, dont quatre obusiers et mortiers et seize pièces de canon. Envoyez un garde-magasin, un officier d’artillerie et une compagnie de 120 hommes pour servir l’artillerie de cette forteresse.

Donnez ordre aux commandants de l’artillerie du 2e et du 3e corps de placer des relais, mon intention étant de faire partir les convois le 15. Je vous enverrai l’ordre de Brünn même, où je me rends, après avoir visité la forteresse.

Je suppose que vous avez rempli mes intentions pour Raab et que les pièces sont approvisionnées à 300 coups, tant en boulets qu’en mitraille.

Dans le prochain état de situation que vous me remettrez, faites moi connaître le nombre de pièces qui sont à Linz. En général, on se plaint que la place de Raab n’est pas assez armée. Je désirerais donc beaucoup qu’on pût porter le nombre des bouches à feu à trente. Faites-moi un rapport là-dessus.

 

Schönbrunn, 14 septembre 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, écrivez au sieur Bourgoing que mon intention est que le roi de Saxe ne paye aucun des bons qu’il aurait signés jusqu’après la paix avec l’Autriche, et que, même après cette époque, je le laisse maître de désigner le terme auquel il voudra payer.

 

Schönbrunn, 14 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Je reçois votre lettre du 7 septembre. J’ai cru avoir moins de fusils que je n’en avais, parce que les fusils étrangers sont portés à part dans vos états. Je désirerais donc que désormais les deux états de l’artillerie fussent réunis en un seul. Vos bureaux arrangeront le modèle; mais il sera plus commode pour moi de voir d’un seul coup d’œil la quantité de canons, de projectiles, de fusils français ou étrangers qui sont dans mes places; car que m’importe que ce soit une pièce de canon française ou piémontaise qui se trouve dans telle place, si cette pièce est approvisionnée du nombre de boulets nécessaire ? Il faut donc rédiger l’état de manière que je voie d’un coup d’œil qu’il y a à Maëstricht, par exemple, trente-six pièces de canon de 24 et dix pièces de 12 de calibre étranger, etc. Ce que je demande là est très-facile à faire; il suffit de destiner une feuille pour l’équipage de siége, une feuille pour l’équipage de campagne. Quant aux armes portatives, il faudrait deux feuilles: une pour les fusils d’infanterie el de dragons et les mousquetons; et l’autre pour les sabres et les pistolets; ou enfin tout autre arrangement.

Je désire qu’on porte les fusils de rempart après les canons de siége et qu’ils ne soient pas totalises avec les armes’ portatives, car ces fusils sont des espèces de petits canons.

Je désirerais aussi qu’au commencement de chaque état on fit bien connaître ce que signifient les chiffres à l’encre rouge. Je crois bien qu’ils désignent les armes hors de service; je l’ai su, mais je ne m’en souviens plus. Enfin, pour les fusils, je voudrais que ces états fussent plus de tailles ; que les fusils y fussent classés par calibre de 16, de 18, de 20, de 22, de 24, en me faisant connaître, par une note que fera Gassendi, les calibres inférieurs qui peuvent au besoin servir dans les calibres supérieurs; par exemple, 20 et 18 peuvent servir pour le calibre de 16, etc.  Venons actuellement à notre situation en fusils. J’ai consulté plusieurs fois l’état des fusils, mais sans avoir recours à l’état des armes étrangères, où il y a également un article Fusils de sorte que je ne croyais pas en avoir le nombre qui existe; si j’avais su avoir ce nombre, j’aurais bien certainement profité du temps de l’armistice pour en faire passer 100,000 aux Polonais. Dans une lettre de ce jour, je vous ai fait connaître mes intentions là-dessus. Ainsi voilà 200,000 fusils sur lesquels il ne faut plus compter, et, pour que les affaires de Pologne prennent certaine direction, il faudra en envoyer 200,000.

Je vois par mes derniers états de l’artillerie française qu’il y a 286,000 fusils de 1777, qu’il y a 37,000 fusils du modèle, n° l, et 80,000 de dragons. J’ai donc 403,000 fusils. Je vois de plus en encre rouge 9,000 fusils de 1777, et 13,000 du n° l, ancien modèle; cela fait  22,000 fusils inscrits à l’encre rouge, et que je suppose être à réparer. Total des fusils français, 425,000.

Je vois sur l’état des armes étrangères que j’ai en France 14,500 fusils de calibre français, 44,000 de calibre supérieur et 18,000 de calibre inférieur; total 76,500 fusils en France, que j’ai de plus en Italie, en Albanie et en Allemagne, 11,000 fusils de calibre français, 17,000 de calibre supérieur, 3,000 de calibre inférieur; total, 31,000 fusils; cela fait donc 107,500 fusils étrangers en état; et à l’encre rouge, 31,000 fusils de calibre inférieur, 42,000 de calibre supérieur et 20,000 de calibre inférieur, total 93,000 fusils à réparer. Total général des fusils étrangers, 200,500.

J’aurais donc en tout: en état, fusils français, 403,000; fusils étrangers, 107,500; total, 510,500; à réparer, fusils français, 22,000; fusils étrangers, 93,000; total, 115,000. J’ai donc en tout 625,500 fusils.

Indépendamment de ce nombre, il y a 177,000 fusils à réparer qui ne sont plus portés sur les états.

Vous aurez vu par le décret que je viens de prendre que je vous accorde une augmentation de budget de 1,500,000 francs pour porter la fabrication de cette année à 200,000 fusils, et que je vous accorde en outre 500,000 francs pour commencer la réparation des 115,000 fusils. Je désire que les 177,000 autres fusils à réparer soient revus et utilisés de manière à faire 177,000 bons fusils, en remettant des platines à ceux qui ont de bons canons et des canons à ceux qui ont de bonnes platines. Par ce moyen, ce serait donc environ 250,000 fusils qu’il faudrait réparer dans le cours de l’année prochaine.

Il me paraît désormais nécessaire d’établir à Anvers une bonne salle d’armes, où il y ait toujours 15 ou 16,000 fusils. Je vois avec peine qu’un point central et de ressource comme Lille n’en contienne presque pas. Il faut toujours 15 à 20,000 fusils à la Fère, comme arsenal de Paris et comme point central.

La manière d’emmagasiner les armes devra être l’objet d’un travail particulier. Il faut que les arsenaux soient à la portée de nos frontières et de nos côtes; que partout où on peut être attaqué il y ait des dépôts d’armes, et que partout où l’on peut être dans le cas de réunir les gardes nationales il y ait de quoi les armer. Par exemple, les arsenaux de Saint-Brieuc et de Rennes devraient être bien garnis, et je n’y vois presque pas de fusils; je n’en vois pas suffisamment à Cherbourg.

J’attends un état plus détaillé, qui m’indiquera dans quelles places sont ces fusils. Je pourrai alors décider définitivement où pourront être dirigées les armes provenant de la nouvelle fabrication et celles qu’on va réparer.

En somme, j’approuve les conclusions de votre lettre du 7 septembre, et j’espère que ma situation sera augmentée, avant juillet 1810, de 400,000 armes, savoir, de 200,000 de nouvelle fabrication et de 200,000 provenant des réparations.

 

Schönbrunn. 14 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Mon intention est de faire passer 50,000 fusils en Pologne, 10,000 paires de pistolets, 5 à 6,000 mousquetons et 6,000 sabres de cavalerie légère. J’ai déjà ordonné l’envoi d’un à-compte de 10,000 fusils prussiens, de 4,000 mousquetons, de 3,000 paires de pistolets et de 1,000 sabres, qui sont expédiés en ce moment de Magdeburg pour Dresde et de là pour Varsovie. Faites-moi un rapport sur les lieux où je dois prendre le reste.

D’après les états de votre bureau de l’artillerie, j’aurais dans mes places d’Allemagne 10,000 fusils étrangers de calibre français, 13,000 de calibre supérieur, 3,000 de calibre inférieur; total, 26,000 fusils. Je vois de plus dans ces mêmes états 7,000 fusils portés à l’encre rouge; ce qui, je suppose, veut dire à réparer; j’aurais donc en tout dans mes places d’Allemagne 33,000 fusils étrangers. Je désire que vous donniez sur-le-champ des ordres pour qu’ils soient envoyés à Dresde, d’où ils seront dirigés sur Varsovie.

Quant aux 20,000 autres fusils nécessaires pour compléter le nombre que je veux envoyer, il n’y aura d’autre moyen de se les procurer que de les prendre en France. Il faut, sans attendre de nouveaux ordres de ma part, les faire partir pour Dresde, mais avec le moins de bruit possible.

Je vois à Mayence 10,000 fusils, plus 5,000 à l’encre rouge; total, 15,000; à Maëstricht 13,000, plus 13,000 à l’encre rouge; total; 26,000; à Strasbourg 10,000, plus 5,000 à l’encre rouge; total, 15,000; en tout, 56,000.

Il y a donc dans ces trois places suffisamment de quoi remplir mes intentions.

Faites expédier sur-le-champ sur Dresde le nombre que je viens de vous indiquer, et que vous seul sachiez que c’est pour la Pologne; n’envoyez pas cependant des fusils trop mauvais, quoique je suppose qu’ils ont des ateliers de réparation et qu’ils auront promptement pourvu aux moyens de mettre toutes ces armes en état.

Il serait convenable d’envoyer tous les fusils autrichiens.

Je prévois qu’indépendamment de ce premier envoi vous ferez bien d’en tenir un autre de 50,000 fusils prêt à partir pour la même destination; ce qui fera 100,000 fusils.

 

Schönbrunn, 14 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Je désire que vous demandiez au génie un mémoire sur cette question:

A Anvers, à quel ouvrage faut-il dépenser le premier million ? À quel ouvrage le second ? À quel ouvrage le troisième ? Jusqu’au cinquième million. Il est nécessaire que cette place, par ses inondations et par ses forts, tienne l’ennemi éloigné de tous côtés à 1,800 toises du bassin, où l’on travaille déjà avec activité pour y renfermer l’escadre, et à 1,800 toises des chantiers. L’élément de ce mémoire doit être un bon plan avec des nivellements qui fassent connaître la partie inondable. Il faut que 15 ou 20,000 hommes, gardes nationales, troupes de ligne, troupes de marine, renfermés dans Anvers, puissent s’y défendre longtemps.

La défense d’Anvers se divise en quatre points : 1° défense de l’Escaut depuis Lillo jusqu’à Anvers; 2° moyens d’augmenter les inondations, de les tendre autour de la place et de les soutenir par de bons ouvrages; 3° moyens de couvrir la partie qui ne peut être inondée; 4° moyens de défense de la rive gauche, de la Tête-de-Flandre, et de maintenir la communication avec Bruxelles,.

1 ° Je pense que quarante pièces de canon de 24 et de 36, dix mortiers et dix pièces du calibre de 12 sont nécessaires pour le fort Lillo, autant pour le fort Liefkenshoek, pour mettre ces deux forts dans un état de défense tel, que l’ennemi ayant même débarqué sur la rive droite ou sur la rive gauche, ne puisse les prendre. Ces forts seront soutenus par de bonnes inondations, auront des bâtiments à l’abri de la bombe, enfin tout ce qui est nécessaire pour faire une bonne défense. Les mortiers doivent être tous de 12 pouces à grande portée, le tiers à semelle portant à 2,000 toises; les autres peuvent être de simples mortiers à la Gomer. Des vaisseaux qui voudraient remonter l’Escaut auraient donc à essuyer le feu de quatre-vingts pièces de canon et de vingt mortiers; ils ne le tenteraient pas impunément.

2° Est-il possible de lier Lillo à Anvers par une inondation ? Si cela est possible, on ne conserverait que le chemin de la digue, et alors le fort Lillo, quoique situé à plusieurs lieues d’Anvers, serait véritablement lié à la défense de la ville. Mais, comme il est dans les probabilités que cette digue peut être saignée ou forcée avec de grands efforts, il faut assurer la défense d’Anvers à 12 ou 1500 toises sur l’une et l’autre rive, de manière à être maître du coude de la rivière et à avoir deux forts, l’un qui se lie par l’inondation avec la Tête-de-Flandre, l’autre avec les remparts de la ville. Il faut que ces forts aient leurs casemates et magasins à part et soient armés de quarante pièces de canon et de dix mortiers, indépendamment des dix pièces de 12 dont on se servirait pour la défense de la terre. La manière de lier ces deux forts avec la Tête-de-Flandre et avec la ville par l’inondation, et les moyens d’obtenir cette inondation, doit être l’objet du travail que présentera le génie. Quand Anvers aura soixante ou quatre-vingts bouches à feu en première ligne, aux forts Lillo et Liefkenshoek, et en deuxième ligne autant et davantage, qui se lieront avec les feux de la place et de la Tête-de-Flandre, et qu’on pourra avec le temps remplir les digues de Lillo aux nouveaux forts et des nouveaux forts à Anvers par des pièces de canon, cette place sera suffisamment défendue. Les inondations couvrent une partie d’Anvers, mais elles demandent à être soutenues par des forts. Je vois sur un vieux plan d’Anvers un fort appelé le fort Perryra (fort de Dam), qui existait au milieu de l’inondation. L’avantage de ces forts est de soutenir l’inondation en permettant de la franchir pour faire des sorties contre l’ennemi. Une autre inondation doit avoir lieu près de la citadelle. Cette inondation est très-importante, puisqu’elle éloignerait l’ennemi à 15 ou 16,000 toises des chantiers. .

3° Il est un espace entre la citadelle et le fort de. . . . . . . qui ne peut pas être inondé. J’ai ordonné l’établissement d’une lunette qu’il faut achever cette année, et faire un système de fortification qui se lie avec l’inondation et avec la citadelle.

4° La Tête-de-Flandre doit être l’objet d’un travail particulier. Anvers est trop petit pour le rôle qu’il doit jouer. Il est donc nécessaire d’établir une ville sur la rive gauche. Il faut d’abord que le génie achète les terrains de cette rive, et après cela tracer une place de 15 à 1800 toises de tour. Les terrains que je vendrai aux habitants, qui ne pourront s’étendre que de ce côté, m’indemniseront des dépenses qu’occasionneront les travaux des fortifications: une place sur la rive gauche servira d’appui à celle de la rive droite. Il faut qu’elle soit tracée de manière qu’elle puisse se défendre quand même la rive gauche serait au pouvoir de l’ennemi. Enfin viennent les forts, en amont et en aval qui existent déjà et qu’il faut perfectionner. C’est dans cette nouvelle place, qui sera plus près de notre territoire, qu’il faudra placer l’arsenal et les principaux établissements de terre, laissant à la marine les locaux de la rive droite où sont les bassins.

Communiquez ces idées au général Dejean, qui consultera le ministre de la marine et le préfet maritime, afin de faire sur Anvers un travail complet. Anvers vient d’acquérir à mes yeux une importance qu’il n’avait pas. La marine avait toujours nié qu’une escadre armée pût rester à Anvers, tandis que l’expérience a prouvé qu’elle peut en peu d’heures aller de Flessingue à Anvers et d’Anvers a Flessingue. L’expédition anglaise a donc eu cet avantage qu’elle nous a fait sentir l’importance de cette place.

A ce mémoire sur la défense d’Anvers doit se rattacher la défense de l’Escaut. Elle roule sur ces questions:

1e Question. – Si les Anglais ont détruit le bassin de Flessingue, faut-il le rétablir ? Sion peut s’en passer, ce sera d’un grand avantage; ce pays est un vrai cimetière et tout ce qui tendra à en éloigner doit être regardé comme un bienfait

2e Question. – Si les Anglais ont rasé les fortifications de Flessingue, Flessingue est-il la position la plus avantageuse pour bâtir un fort, ou bien celle de Rammekens, qui a l’avantage de défendre l’Escaut oriental, est-elle préférable ?

3e Question. – Le fort de l’île de Cadzand, si important, sous tous les points de vue, un autre fort vis-à-vis Breskens, qui défendrait l’Escaut occidental, un autre fort vis-à-vis Bath, afin que ce fort soit lié au continent, me paraissent être les trois objets essentiels de la défense de l’Escaut.  Ces idées peuvent être imparfaites, mais elles expriment ma volonté de faire de grands travaux à Anvers.

Communiquez cette lettre au ministre de la marine, qui en enverra copie au sieur Malouet (alors préfet maritime d’Anvers) et à l’amiral Missiéssy, pour avoir des idées, précises sur l’Escaut.

 

Schönbrunn, 14 septembre 1809

Au général comte Dejean, ministre directeur de l’administration de la guerre, à paris

Toutes les troupes françaises qui iront en Hollande seront payées et soldées par la Hollande. Si les Hollandais avaient 40,000 hommes comme ils le doivent, et que le Roi, par une économie mal entendue, n’eût pas licencié une partie de son armée, ils n’auraient pas besoin de mon secours.

 

Schönbrunn, 14 septembre 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je reçois la lettre où vous me dites que mon escadre est trop serrée à Anvers et que vous craignez pour elle les coups de vent de l’équinoxe. J’avoue que j’ai trouvé cette question un peu singulière. Puisque les Anglais ont évacué le fort de Bath et ne menacent plus Anvers, mon escadre peut se placer où elle veut. Ce n’est pas à moi à décider où elle doit jeter l’ancre, je ne suis pas pilote. J’ai du faire connaître, au moment du danger, que mon escadre devait se renfermer dans l’enceinte d’Anvers, et que c’était là qu’elle devait périr; mais aujourd’hui que les Anglais fuient, l’escadre ne devrait-elle pas avoir une forte avant-garde en avant de Bath, appuyant la flottille et poursuivant l’ennemi ? Si l’ennemi n’a pas évacué l’île de Walcheren, c’est avec les moyens maritimes qu’on devra la reprendre. J’espère y être moi-même alors. Préparez des moyens de passage pour 15 à 20,000 hommes. Faites passer de Boulogne des chaloupes canonnières, péniches, caïques, etc. Il est ridicule qu’à Anvers je ne puisse faire un pas dans l’Escaut, lorsqu’à Boulogne, avec des chaloupes canonnières, j’étais maître de la mer. Les Anglais ne peuvent penser sérieusement à garder l’île de Walcheren et à avoir des bâtiments mouillés dans l’Escaut, qui m’appartient. Faites filer tous les petits bâtiments que vous pourrez par Gand sur l’Escaut.

 

Schönbrunn, 14 septembre 1809

Au comte Fouché, chargé par intérim du portefeuille de l’intérieur, à Paris

Monsieur Fouché, je ne vous ai pas autorisé à lever des gardes nationales dans toute la France. Cependant on inquiète la population en Piémont, où vous avez écrit qu’il fallait tout préparer pour la levée. Je ne veux pas qu’on lève de gardes nationales dans ce pays. C’est une grande question que celle de savoir s’il faut une garde nationale en Piémont.

 

Schönbrunn, 14 septembre 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, donnez ordre au duc de Rivoli d’envoyer un officier d’état-major intelligent reconnaître les routes, 1° de Znaym à Zlabings; 2° de Budweis à l’intersection des routes entre Zlabings et Neuhaus ; 3° de Hollabrunn à Zlabings. Ces reconnaissances seront accompagnées de croquis, et faites avec soin.

 

Schönbrunn, 14 septembre 1809

Au général Junot, duc d’Abrantès, commandant le 8e corps de l’armée d’Allemagne, à Bayreuth

Je vous expédie un officier d’ordonnance pour que vous me fassiez connaître votre situation et que vous accélériez l’armement des Saxons, car voici ce que je calcule. Je suppose que la division Rivaud est composée de deux brigades ou de huit bataillons français, de 6,000 hommes, et d’une brigade de Bavaross et de troupes du prince primat, de 3 000 hommes ; la division Carra Saint-Cyr est composée de quatre bataillons du 22e, de 3,000 hommes et de 6,000 Saxons; ce qui formerait 18,000 hommes d’infanterie. J’ai donné ordre que mon régiment d’infanterie de Berg se rendît à Dresde ; cela formerait un commencement de réserve avec un régiment que pourrait vous fournir le roi de Westphalie. Je compte donc sur 18,000 hommes d’infanterie. Je suppose que vous avez quatre régiments de cavalerie formant 3 à 4,000 chevaux, et que la cavalerie saxonne avec le régiment polonais doit compléter 1,500 à 2,000 chevaux.

Je suppose que vous avez fait réunir l’artillerie du grand-duché de Berg et que vous aurez, avec cette artillerie et, l’artillerie bavaroise et française, trente pièces de canon, et, avec l’artillerie saxonne et celle de la division Saint-Cyr, autant; ce qui vous ferait soixante pièces.

Ainsi je compte que vous avez, 1° infanterie, 18,000 hommes; cavalerie, 5,000; artillerie et sapeurs, 2,000; total, 25,000 hommes; 2° que vous avez le nombre de cartouches nécessaire; que votre artillerie a un approvisionnement et demi, et qu’il y a en outre un approvisionnement à Dresde. Je dois vous faire connaître mes projets sur votre corps d’armée.

Mon intention est que, aussitôt que l’armistice sera rompu, vous réunissiez tout votre corps à Dresde, ce qui doit se faire en moins de six jours de marche, de sorte qu’au commencement des hostilités vous soyez campé sur l’extrême frontière, prêt à vous porter sur Prague, où mon intention est de réunir une armée de 100, 000 hommes dont vous ferez partie. Comme il n’est pas probable que ceci ait lieu avant le 10 octobre, il est possible qu’alors j’aie pu vous renforcer.

Toute l’armée autrichienne est sur Komorn, en Hongrie, à quarante lieues de Vienne en descendant le Danube.

J’ai ordonné à l’intendant général de faire venir du biscuit de Magdeburg et d’en réunir 500,000 rations à Dresde. Je suppose que Dresde est abondamment pourvu de munitions de guerre; Magdeburg pourra d’ailleurs lui en fournir. Enfin je désire que vous me fassiez connaître les ressources que Dresde peut fournir en artillerie pour le siège de Prague, et les moyens de transport du pays. J’ai ordonné que 10,000 fusils, 4,000 mousquetons, 3,000 paires de pistolets et 1,000 sabres soient envoyés de Magdeburg à Dresde, et que de Dresde ces armes fussent dirigées le plus secrètement possible sur Varsovie, pour armer les Polonais. Informez-vous à Magdeburg si cela est parti, et ayez soin qu’à Dresde on fasse filer ces armes le plus secrètement possible et avec précaution sur Varsovie, surtout pour la journée qui passe sur le territoire prussien.

Envoyez des espions à Prague pour me faire connaître la situation de cette place.

Le général d’artillerie Mossel va prendre le commandement de l’artillerie de votre corps.

La forteresse d’Egra n’était pas armée au commencement de la campagne. Les Autrichiens l’ont-ils armée depuis ? Peut-on s’en emparer facilement ? Serait-elle utile ?

Les Autrichiens ont porté toute la guerre en Hongrie.

 

Schönbrunn, 14 septembre 1809

Au comte Daru, intendant général de l’armée d’Allemagne, à Vienne

J’ai reçu, Monsieur l’Intendant général, la lettre que vous m’allez écrite le 12 de ce mois et les pièces qui y étaient jointes, relativement aux plaintes formées par le gouvernement de la Styrie au sujet des réquisitions illégales qui ont été frappées par des militaires wurtembergeois pendant le temps que ce corps de troupes a séjourné dans cette province. Je viens d’écrire au général Vandamme pour lui témoigner tout le mécontentement de l’Empereur sur des actes aussi répréhensibles; je le charge de faire punir les coupables et de prendre des mesures sévères pour réprimer de semblables abus

Le prince de Neuchâtel, major général, ALEXANDRE

Je vous renvoie les pièces qui étaient jointes à votre lettre.

 

Schönbrunn, 14 septembre 1809

Au prince Camille Borghèse, gouverneur général des départements au-delà des Alpes, à Turin

Mon Cousin, je vois avec plaisir que le Pape donne des bénédictions et se porte bien à Savone. Je vous ai écrit d’y envoyer Salmatoris et de ne rien négliger de ce qui peut contribuer à l’agrément de la vie de ce vieillard. Je ne veux pas qu’il ait l’air d’être en prison.

La garde qu’on a donnée au Pape doit avoir l’apparence d’une garde d’honneur. Je désirerais même qu’il y eût à la tête un officier général. Vous pourriez y envoyer le général César Berthier, qui fera les fonctions de gouverneur de la maison du Pape. Il aurait sous ses ordres le commandant de la gendarmerie, qui serait logé dehors. Vous pouvez aussi envoyer un chambellan ou un de vos aides de camp pour complimenter le Pape et s’informer de lui si rien ne lui manque.

 

Schönbrunn, 15 septembre 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, je reçois votre lettre du 14. J’avais espéré que ma note ne serait arrivée qu’après que les plénipotentiaires autrichiens vous auraient fait connaître ce qu’ils avaient à dire sur la Galicie; je crains que votre explication ne les en empêche. Il est vrai que j’ai très bien accueilli M. de Bubna, que je lui ai dit tout ce qu’il rapporte; mais il ne dit pas tout. M. de Bubna m’a parlé, de la part de l’empereur, du chagrin que lui donnent les conférences d’Altenburg et du mécontentement que cela lui donnait contre M. de Metternich. Je l’ai confirmé dans ce mécontentement en disant qu’il agissait comme aux traités de Münster ou de Westphalie; qu’à ce train cela durerait plusieurs années; que je me trouvais dans une bonne position, puisque je mangeais et buvais à leurs dépens, tandis que leur position était déplorable; que j’avais peine à comprendre la politique de leur cour dans cette circonstance; que ma position était inexpugnable, et qu’en faisant la guerre ils étaient perdus; qu’ils avaient fait une grande faute en mécontentant le prince Charles, qui est leur meilleur général; que le prince de Liechtenstein est une tête d’alouette, que le général Bellegarde ne voit pas clair, mais que le prince Charles est un homme sage, qui était aimé de leurs troupes et avait leur confiance. J’ai ajouté que je ne désire rien de l’Autriche; que je sens que tout leur est utile; que la Galicie est hors de ma position; que Trieste n’était bon pour moi que pour l’anéantir, puisque j’ai Venise; qu’il m’est indifférent que la Bavière ait un million de population de plus ou de moins; que mon véritable intérêt était de séparer les trois couronnes, ou de faire une alliance intime avec la Maison régnante; que la séparation des trois couronnes n’était proposable qu’en se battant encore, et que c’était une fâcheuse extrémité que de se battre et répandre encore du sang; que l’intime alliance avec l’empereur actuel était difficile, parce que, quoique rempli de bonnes qualités, il est toujours de l’opinion du dernier qui lui parle; que ce prince, qui en Moravie s’était mis à ma discrétion et qui ensuite m’avait fait la guerre sans me prévenir et avec des formes si extraordinaires, ne pouvait plus m’inspirer une confiance illimitée; de là, la nécessité de prendre des mesures pour assurer mes principaux intérêts (j’entendais par là la réunion de la Dalmatie à l’Italie) ; que j’avais dit au prince de Liechtenstein, que je l’avais dit et répété à qui voulait l’entendre: que l’empereur cède le trône au grand-duc de Würzburg, je restitue tout à l’Autriche sans rien exiger; que cependant je sentais que cette proposition n’était pas faisable, M. de Bubna m’a arrêté là, en me disant que l’empereur n’était pas éloigné de faire ce sacrifice, puisqu’il était utile à ses peuples. Je lui ai répondu que j’accepterais; que la base mise en avant aux négociations d’Altenburg n’était pas de rigueur; que l’uni possidetis était pire que la séparation des trois couronnes et destructif de la monarchie; que je consentirais à ce que l’Autriche ne fit qu’une perte égale à celle qu’elle a faite à Presbourg; que trois on quatre millions de population étaient tout ce que je demandais.

Vous comprenez donc le sens et l’esprit de ma conversation. Faites-là connaître à M. de Metternich pour qu’il n’en ignore pas, et insinuez-lui que, si l’empereur actuel voulait laisser le trône au grand-duc de Würzburg, pour une raison quelconque (on dit, par exemple, qu’il est dégoûté), je laisserais entière la monarchie. Je désire peu de chose d’elle; mais, comme on ne peut faire cette proposition aux plénipotentiaires de l’empereur François, ils trouveront ma pensée dans ma lettre (voir plus loin) à leur maître, dont je vous envoie copie.

 

Schönbrunn, 15 septembre 1809.

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, il faut presser les négociations tant que vous pourrez. Demain au soir mettez dans le protocole la déclaration suivante:

« S. M. l’Empereur d’Autriche ayant fait connaître à l’Empereur mon maître la peine qu’il avait du peu de progrès des négociations, et en même temps qu’il considérait la base de l’uti possidetis comme destructive de sa monarchie, S. M. l’Empereur mon maître, voulant donner à l’Empereur d’Autriche une preuve du désir qu’il a de lui être agréable, et contribuer autant qu’il dépend de lui à mettre une prompte fin aux maux de la guerre qui affligent les peuples, et spécialement cette bonne nation autrichienne, a chargé le soussigné de déclarer : 1° qu’il renonce à la base de l’uti possidetis ; 2° qu’il est prêt à conclure sur la base d’une cession de population de 1,600,000 âmes sur les frontières de l’Inn et de l’Italie, et de deux millions en Galicie à partager entre le roi de Saxe et la Russie. Sa Majesté a fait connaître ces bases à la Russie. C’est là le dernier terme auquel Sa Majesté puisse condescendre, et il n’échappera pas aux plénipotentiaires autrichiens que cette modération étonnera l’Europe, qu’on ne pourra croire que Sa Majesté, lorsqu’elle est maîtresse d’une population de près de neuf millions d’habitants et des plus belles provinces de la monarchie autrichienne, se restreigne à si peu; cela est sans exemple. Le roi de Prusse Frédéric obtint dans la guerre de Sept-Ans, par la cession de la Silésie, deux millions de population et la province la plus riche de l’Autriche, sans cependant avoir d’autres avantages qu’une ou deux batailles gagnées; enfin l’Autriche elle-même, sans victoire et sans aucun événement en sa faveur, a pu se faire céder, par le seul partage de la Pologne, cinq millions de population. L’Empereur mon maître a lui-même fait connaître à l’empereur d’Autriche que cette base était son ultimatum. Il reste actuellement aux plénipotentiaires autrichiens à mettre fin à une position provisoire, si fâcheuse pour la Maison d’Autriche, en travaillant à conclure promptement le grand œuvre de la paix. »

 

Schönbrunn, 15 septembre 1809, deux heures après midi

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Je me rends  à Brünn; je désire que vos courriers passent par Presbourg et de là suivent la ligne de nos postes jusqu’à Brünn.

 

Schönbrunn, 15 septembre 1809

Au comte Gudin, ministre des finances, à Paris

Je reçois votre lettre du 8. Vous aurez reçu mon décret qui ordonne que 200,000 francs seront mis à la disposition du ministre des cultes pour pourvoir à toutes les dépenses de la maison du Pape et à l’entretien des cardinaux et généraux d’ordre que j’ai fait venir à Paris.

Comme l’État romain pourrait tarder à verser les sommes nécessaires, le ministre du trésor public peut avancer  2 ou 300,000 francs, pour que le Pape ne manque de rien et pour payer les traitements des prélats, selon le compte que me rendra le ministre des cultes et les ordres qu’il donnera.

 

Schönbrunn, 15 septembre 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Le préfet de police m’a envoyé un rapport sur des individus qu’il a fait arrêter, dans lequel se trouvent compromis plusieurs invalides. Il paraîtrait que, dans les conférences qui se tiennent à Saint-Sulpice, les prêtres se conduisent mal et excitent le cagotisme (Cagot est un terme tout à fait injurieux, exprimant une dévotion suspecte à double titre, soit parce qu’on la trouve agressive et offensante, soit parce qu’on ne la croit pas sincère). Il est convenable que vous insinuiez sans bruit aux vicaires de Paris, si les conférences ont lieu, de les ajourner jusqu’à l’Avent, et, dans cet intervalle, de leur faire bien comprendre que je ne veux plus tolérer ces conférences. Si elles ne se tiennent plus, conseillez-leur sur-le-champ de ne pas les laisser renouveler, car je n’entends pas qu’elles aient lieu davantage. Je vous ai écrit aussi que je ne voulais pas de missions, ni françaises, ni étrangères.

 

Schönbrunn, 15 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, je désire que vous preniez des mesures pour que, s’il n’y a rien de nouveau au 1er octobre, les gardes nationales soient réduites à cinq divisions, formant 30,000 hommes, et que le reste soit licencié. Dans ces 30,000 hommes je ne comprends pas les gardes nationales du général Rampon, qui étaient destinées à garder Boulogne; elles sont, je crois, de 6,000 hommes.

Ainsi, au 1er octobre, vous aurez 6,000 hommes à Boulogne et pour garder Saint-Omer, et 30,000 hommes entre Gand et Anvers ce qui avec le corps de Reille, comme je l’ai organisé, fera une force de 50,000, suffisante pour mes projets. Ainsi donc, au 1er octobre, je ne payerai que 36,000 hommes ou six divisions de gardes nationales.

Vous pouvez l’appeler au Sénat le général d’Aboville.

Vous composerez cette organisation de toutes les gardes nationales que vous avez, en faisant passer des revues de rigueur et renvoyant tout ce qui est hors d’état de faire un service.

Prenez des mesures pour faire recruter les tirailleurs à Paris. Vous devez avoir donné l’ordre pour faire revenir les compagnies que ce corps de la Garde avait à Strasbourg et à Metz.

Je vous recommande de faire travailler avec la plus grande activité aux forts de Cadzand, de Lillo et de Bath.

Je suppose que les Anglais évacueront incessamment Flessingue.

 

Schönbrunn, 15 septembre 1809

Au maréchal Masséna, duc de Rivoli, commandant le 4e corps de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Si les hostilités recommencent, il est possible que je vous envoie avec votre corps d’armée pour conquérir la Bohème. Je désire que vous ramassiez tous les plans et renseignements de Prague, qu’il s’agirait de prendre, et que vous me fassiez bien voir les chemins qui de Znaym arrivent à Zlabings pour continuer sur Neuhaus et Tabor, et ceux qui passent par Iglau, Pilgram et de là joignent la route de Tabor à Prague. Indépendamment de votre corps, il serait possible que, selon les circonstances, je misse sous vos ordres le corps du duc de Danzig, qui partirait de Linz, et celui du duc d’Abrantès, qui partirait de Dresde; ce qui vous formerait une armée de 80,000 hommes.

 

Schönbrunn, 15 septembre 1809.

A François II (sic), empereur d’Autriche, à Dotis

Monsieur mon Frère, le cœur de Votre Majesté Impériale souffre des maux qui pèsent sur cette nation, aussi recommandable par la loyauté que par la franchise de son caractère. De toutes les calamités, la guerre est la première : malheur à ceux qui la provoquent ! Le sang et les larmes des infortunés qu’elle fait retombent sur eux.

La base de l’uti possidetis (principe de droit international par lequel les belligérants d’un conflit conservent leur possession à la fin dudit conflit, nonobstant les conditions d’un traité) est considérée par Votre Majesté comme destructive des principes de sa monarchie; cela étant, Monsieur mon Frère, j’y renonce, et je suis prêt à faire la paix avec Votre Majesté, moyennant une cession sur la frontière de l’Inn et sur celle de l’Italie, équivalente à l ,600,000 âmes, et la cession de moins de la moitié de la Galicie au roi de Saxe et à l’empereur de Russie. Il n’échappera point à Votre Majesté que, dans ce sacrifice de trois millions et quelques cent mille âmes que je lui propose, je ne réserve pour moi que ce qui est nécessaire pour lier la Dalmatie avec mes autres Etats d’Italie et me trouver à même de pouvoir veiller à ce qu’il ne se fasse rien, à la Porte, de contraire aux intérêts de mes peuples. Dans la faiblesse actuelle de mes moyens maritimes, résultant des quatre guerres que j’ai été oblige de soutenir contre l’Autriche, je n’ai plus d’autre moyen d’influer sur l’équilibre de la Méditerranée. Je ne puis donner à Votre Majesté de preuve plus évidente de mon désir de faire quelque chose qui lui soit agréable, que de me désister sur-le-champ de la base de l’uti possidetis, qui comprenait neuf millions de population, pour me réduire à ce que je crois l’ultimatum de ce qu’il m’est permis de faire, sans encourir les reproches de ma nation et sans manquer aux mânes de ceux des miens qui, par le sacrifice de leur vie, ont mis mes armes dans la situation prospère où elles sont.  Une fois la paix rétablie entre nous, il ne dépendra que de Votre Majesté de resserrer les liens entre nos Etats. Ce résultat aurait déjà pu être obtenu après la paix de Lunéville, ce qui aurait évité à nos sujets bien des malheurs, et à vous, Monsieur Mon frère, bien des mauvais moments. Mais les manèges de ces politiques qui feignent sans cesse des craintes pour l’avenir, afin de seconder la tyrannie et le monopole présents du gouvernement anglais, ont toujours jours triomphé à la cour de Votre Majesté. Veuille le bon génie du continent que ce soit enfin pour la dernière fois !

J’ai dit ma pensée tout entière à Votre Majesté Impériale, et, si elle donne des ordres conformes à cette base, la paix peut être la suite de peu de conférences.

 

Schönbrunn, 19 septembre 1809

Au prince de Cambacérès, archichancelier de l’Empire, à Paris

Je viens de rester cinq à six jours en Moravie, et j’ai vu plusieurs corps. J’arrive ce soir à Schönbrunn. Ma santé est toujours fort bonne.

 

Schönbrunn, 20 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, voici diverses dispositions qui ont pour objet le recrutement de l’armée d’Espagne.

Cavalerie. – Réunissez sur-le-champ à Versailles tout ce que les 10e, 22e, 5e et 27e de chasseurs peuvent fournir Je désire que vous en formiez un régiment de marche de 5 à 600 chevaux.

Je désire que vous réunissiez également tout ce que les 1er, 2e, 3e, 4e et 10e de hussards peuvent avoir de disponible, qui sera dirigé sur Versailles pour en former un second régiment de marche.

Je désire de plus que vous fassiez un travail avec le ministre Dejean, pour fournir sur-le-champ les fonds et prendre les mesures nécessaires pour monter tous les hommes à pied que ces régiments ont à leurs dépôts et en Espagne. Vous savez que j’ai fait revenir d’Espagne environ 3 à 4,00 hommes de ces régiments; on n’a gardé que les chevaux; les hommes ont été renvoyés aux dépôts.

Faites-moi connaître la situation des six régiments provisoires de dragons. Aussitôt que chacun de ces régiments sera parvenu à l’effectif de 1,000 hommes et de 1,000 chevaux, mon intention est que le surplus soit réuni à Versailles et formé en plusieurs régiments de marche pour recruter mon armée d’Espagne. Cependant, avant d’exécuter ces dernières mesures, vous me mettrez sous les yeux la situation des différents dépôts de dragons en hommes et en chevaux et l’aperçu de ce qu’ils pourraient faire partir le 15 octobre prochain.

Tous les détachements appartenant aux neuf régiments de chasseurs ou hussards dont il est question ci-dessus, et qui se trouvent au Nord ou qui y auraient été envoyés par suite de l’invasion des Anglais, doivent être dirigés sur Versailles.

Infanterie. – J’ai ordonné que 9,000 conscrits fussent dirigés sur les huit régiments qui sont dans la 11e division militaire, savoir : les 114e, 115e, 116e, 117e, 118e, 119e, 120e et 31e. Ainsi j’espère que ces huit dépôts pourront, vers la fin d’octobre, former un bon régiment de marche de 3,000 hommes.

Faites-moi connaître ce que je pourrai tirer, au 15 octobre, des 26e, 66e et 82e régiments pour l’Espagne. En retirant toutes les garnisons de l’île d’Aix et de l’île d’Oléron, pourrai-je en former une division de 8,000 hommes ?

Pourrai-je également tirer 4,000 hommes de la 13e division militaire, soit de la 1re et de la 2e demi-brigade provisoire de réserve, soit des garnisons de Belle-Isle et de Brest.

Je désire réunir ainsi un corps de 16,000 hommes, savoir: 8,000 hommes des 26e, 66e et 82e; 4,000 hommes des 70e, 15e, 47e et 86e, et 4,000hommes des 31e,  114e, 115e, 116e, 117e, 118e, 119e et 120e régiments, et des régiments polonais.

Artillerie. – Le personnel de l’artillerie, en Espagne, doit être assez considérable. Le matériel doit avoir été rétabli, puisqu’on ne manque ni de fer, ni de bois, ni d’ouvriers en Espagne. Cependant je désire que vous me fassiez connaître ce que vous avez à Bayonne en fusils, poudre, cartouches, affûts, boulets et caissons.

Présentez-moi un projet pour acheter 1,000 mulets harnachés et les faire servir par tout ce qu’il y aurait de disponible dans les dépôts des bataillons du train qui servent en Espagne. Ces 1,000 mulets partiraient de Bayonne et porteraient les boulets et tout ce qui serait nécessaire pour réparer l’artillerie de l’armée d’Espagne. Il ne faut pas faire connaître cette mesure en Espagne, mais au contraire leur recommander de se procurer tout ce qu’ils pourront.

Je désire donc former de cette manière un corps de 20,000 hommes, composé de 16,000 hommes d’infanterie et 4,000 hommes formés tant par les régiments de hussards, de chasseurs et de dragons qu’on réunira à Versailles, que par les hommes du train des équipages militaires, etc., qui seront rassemblés à Bayonne. Faites-moi un rapport là-dessus.

 

Schönbrunn, 20 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Je me décide à appeler 30,000 conscrits sur les années antérieures. Mon intention est que vous prépariez un rapport là-dessus. Ces conscrits sont destinés à remplir les 4e bataillons.

 

Schönbrunn, 20 septembre 109

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je suppose que vous avez réarmé mes vaisseaux d’Anvers et que vous avez donné l’ordre à l’amiral Missiéssy de se porter avec ma flottille pour balayer l’Escaut, en lui donnant carte blanche, et que ma flottille de Boulogne file sur Anvers. A présent que les Anglais m’ont fait connaître le secret de l’Escaut, sur lequel vous aviez tant de doutes, mon intention est de transporter ma flottille à Anvers.

 

Schönbrunn, 20 septembre 1809.

Au comte Fouché, chargé par intérim du portefeuille de l’Intérieur, à Paris

Je reçois votre lettre. Si les chevau-légers doivent exister, le colonel Ségur doit les commander. On a eu tort de nommer un commandant supérieur. Le commandant des chevau-légers ne peut être un homme qui n’a pas fait la guerre.

Je vous ai mandé que, si l’on avait promis aux chevau-légers de ne pas aller à l’armée, c’était une chose honteuse. Si on leur a laissé l’espoir de me garder, c’est une mauvaise chose. Je ne vois là que des jeunes gens qui dépensent de l’argent sans raison. Ils sont moins propres que d’autres à faire le métier de gendarmes. Je ne vois pas de difficulté que, sous couleur que l’expédition est terminée, ou même sans prétexte ni raison, vous laissiez éteindre cela insensiblement; aussi bien on dit qu’ils ne sont pas cent. Une pareille formation n’aurait pu être supportable qu’autant qu’il y aurait eu un régiment.

 

Schönbrunn, 20 septembre 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Mon Cousin, écrivez au général Saint-Germain que je passerai bientôt la revue de sa division, et que si les livrets ne sont pas en règle et si la solde, gratification et tout ce qui revient au soldat, ne lui est pas payé, je lui en témoignerai mon mécontentement. Vous ferez connaître aux colonels que je suis peiné de l’administration peu paternelle qu’ils exercent dans leurs régiments et du peu de soin qu’ils prennent à faire donner au soldat tout ce qui lui appartient.

 

Camp impérial de Schönbrunn, 20 septembre 1809

ORDRE.

  1. ARTILLERIE DES CORPS.

Le général commandant l’artillerie prendra les mesures convenables, 1° pour que le 3e corps ait neuf pièces de 12 , que le 11e corps en ait six, et que l’armée d’Italie en ait douze; 2° pour que le 2e corps ait soixante bouches à feu; à cet effet les douze pièces de 6 qui sont aux régiments seront données aux divisions; ce qui portera le nombre des pièces de 6 à quarante-deux; et il sera donné aux régiments du 2e corps douze pièces de 3 ou de 4; 3° pour que la réserve de cavalerie soit organisée à quarante-huit bouches à feu ou huit batteries, chacune de deux obusiers et de quatre pièces de 6 ou de 8, l’intention de Sa Majesté étant que les obusiers soient complétés à la réserve de cavalerie; 4° pour qu’il soit donné deux pièces de 4 ou de 3 au régiment de Nassau, et deux au régiment de Saxe faisant partie de la division que commande le général Rouyer.

ARMEMENT DES PLACES

1° Quatre pièces de 24 seront tirées des places de Bavière pour être envoyées à Passau, et les quatre pièces de 24, qui sont à Passau partiront sans délai pour Vienne, pour servir à l’armement de la place. On fera venir de Passau à Vienne les obusiers et autres pièces dont on a besoin, en ayant l’attention cependant qu’il reste à Passau au moins soixante pièces , sans comprendre la citadelle.

2° L’armement de la place de Raab sera porté à quarante-quatre bouches à feu. En conséquence, une pièce de 18, une de 12 et quatre de 6 seront tirées de Gratz et partiront sans délai pour Raab par des relais; cinq pièces de 18 en fer et sept pièces de 6 seront embarquées à Vienne dans la journée de demain pour être envoyées à Raab; ce qui complétera l’armement de cette place à quarante-quatre bouches à feu, approvisionnées chacune à sept ou huit cents coups, boulets ou mitraille; quatre mille boulets de 12 seront également envoyés de Gratz à Raab.

Le général commandant l’artillerie enverra·un officier général d’artillerie inspecter l’artillerie de la place de Raab, s’assurera de toutes les précautions nécessaires pour mettre les magasins à l’abri de la bombe, et qu’il y a la quantité de poudre, artifices, etc., nécessaire. Ce poste est le plus important de l’armée. Cet officier général sera chargé de prescrire le placement des pièces et de faire garnir la première ligne des ouvrages avancés.

3° Il sera tiré de Laybach neuf pièces de canon, qui seront dirigées sur Klagenfurt.

4° Il sera tiré de Passau six pièces de 12 en fer et neuf pièces de 6 également en fer, qui seront dirigées sur la tête de pont de Linz pour porter l’armement de ce poste à dix-huit bouches à feu.

III. PERSONNEL

Le général d’artillerie donnera des ordres pour qu’il y ait à Raab, indépendamment d’un officier supérieur d’artillerie, un officier chargé de la direction de l’arsenal de la ville, quelques ouvriers et toujours 180 canonniers présents, moitié français et moitié italiens, et au moins six officiers de compagnie.

  1. REDOUTES DE SPITZ.

Avant le 1er octobre toutes les redoutes du camp de Spitz seront armées à raison d’une pièce de 6 par redoute. Une même compagnie d’artillerie sera chargée du service de ces pièces et de la conservation et garde des magasins, sous la direction du capitaine commandant la compagnie.

  1. RÉSERVE DE CAVALERIE.

Il y aura un parc pour la réserve de la cavalerie, qui contiendra cent coups à tirer par pièce de la réserve. Chaque batterie d’artillerie légère à la suite de la cavalerie n’aura pas moins de deux cents coups à tirer par pièce; ce qui avec les cent du parc fera trois cents.

 

Schönbrunn, 20 septembre 1809

DÉCISION

M. Bigot de Préameneu, ministre des cultes, envoie à l’Empereur un rapport relatif à diverses allocations pour les missions du Levant.Je ne veux plus de missions.

 

Schönbrunn, 21 septembre 1809, dix heures du matin

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, nous voilà au 20; ma lettre à l’empereur est du 15; je pense que demain vous saurez à quoi vous en tenir sur les dispositions des plénipotentiaires. Aussitôt qu’on m’aura traduit les journaux anglais, que j’ai jusqu’au 1er septembre, je vous les enverrai. Vous devez faire remarquer aux plénipotentiaires autrichiens que la différence de ce que j’ai écrit à l’empereur à ce que vous avez mis dans les protocoles est de 1,200,000 âmes ; c’est-à-dire que je demandais: en Bohème, 400,000 âmes; dans la haute Autriche et sur l’Inn, 800,000  sur la frontière d’Italie, 1,500,000; ce qui faisait un total de 2,700,000 âmes. Je n’en demande plus que 1,600,000; c’est donc plus d’un million que je cède, joint à la renonciation de la base de l’uti possidetis. Vous savez que ce que je veux, c’est le cercle de Villach, la Carniole et la ligne de la Save, que je n’évalue qu’à 1,200,000 âmes ; les enclaves autour de Dresde, 30,000; Salzburg, l’Innviertel et une ligne qui éloigne l’ennemi de Passau, que j’évalue à 400,000.

Les Autrichiens ont envoyé à Londres un courrier qui y est arrivé le 1er septembre. Les Anglais, comme on l’avait prévu, ont un nombre infini de malades. Vous verrez dans les journaux anglais des lettres du général Wellesley dans lesquelles il tâche de justifier son expédition d’Espagne.

Je suppose que la proposition de céder une partie de la Galicie, depuis la Vistule jusqu’au Bug, renferme le projet tacite de céder depuis la Vistule jusqu’à la Pilica, ou l’intention de proposer cela en échange du Tyrol ou de l’Istrie.

M. de Metternich vous a dit que, si la monarchie restait indépendante, l’empereur céderait volontiers sa couronne; si c’est pour savoir si la monarchie ferait partie de la Confédération du Rhin, vous pouvez lui dire, et l’occasion s’en présentera souvent, que, si l’empereur veut abdiquer en faveur du grand-duc de Würzburg, je livrerai le pays tel qu’il est, avec son indépendance actuelle, et je ferai une alliance avec lui qui nous mettra à même de finir les affaires du continent. Comme j’ai confiance dans le caractère et le bon esprit du grand-duc de Würzburg, je considérerai le repos du monde comme assuré par cet événement. Vous direz que j’ai foi dans la moralité de l’empereur, mais qu’il n’a aucune volonté; qu’il est toujours de l’opinion du dernier qui lui parle, et que ceux qui auront toujours de l’influence sur lui sont Balducci el Stadion. Il est certain que cette dernière manière de s’arranger me conviendrait assez; et, si elle ne peut pas avoir lieu, il est toujours bon d’en parler comme d’une preuve du peu d’intérêt que nous avons à affaiblir la monarchie.

 

Schönbrunn, 21 septembre 1809, onze heures du soir

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, vous trouverez ci-jointe la lettre que me répond l’empereur. Je ne sais pas comment on fait dire à ce prince de pareilles bêtises; il faut que MM. de la cour de Dotis n’aient aucune notion de géographie. Je suppose que vous n’aurez pas manqué d’en faire l’observation à M. de Metternich. Ce que vous avez demandé dans le protocole était : Salzburg et la haute Autriche, 850,000 âmes; la Carniole et une ligne de la Carniole à la Save, 1,400,000 ;les cercles de Bohême, 400,000; total, 2,650,000 âmes. Par mon ultimatum je demande 1,600,000 âmes; c’est donc un million de moins. Et cependant l’empereur dit dans sa lettre que mes premières propositions n’étaient que de 1,600,000 âmes. Vous savez que j’entends renoncer aux 400,000 âmes des cercles de Bohème, à 400 000 âmes du côté de l’Inn, enfin, pour dernier sacrifice, au cercle de Klagenfurt, valant 200,000 âmes. C’est donc un million de différence entre vos propositions et mon ultimatum. Je suppose que cette nuit je recevrai votre protocole. Je vous écrirai demain pour la conférence du 23.

 

Schönbrunn, 21 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, il y a beaucoup de désordre dans les gardes nationales. Mon intention n’a jamais été d’en lever plus de 30,000, sans y comprendre la division du général Rampon. Voici comment je désire que les gardes nationales soient organisées. Elles formeront cinq divisions; chaque division sera composée de dix bataillons, le bataillon formé à six compagnies, la compagnie forte de 140 hommes, de sorte que la force de chaque bataillon soit de 840 hommes, et celle totale de chaque division de 8,400 hommes.

1e Division ou division d’élite. – La 1e division ou division d’élite sera commandée par le général Rampon; elle fera partie de l’armée du Nord et sera réunie à Anvers ou aux environs. Elle sera composée des mêmes troupes qui la forment aujourd’hui et portée à 8,4.00 hommes.

2e Division. – La 2e division sera commandée par le général Lamarque; elle fera également partie de l’armée du Nord et se réunira à Anvers. Elle sera composée de dix bataillons, dont deux des Ardennes, deux de la Marne, un de la Meuse, un de la Haute-Marne, deux de la Moselle, deux de la Meurthe.

3e Division. – La 3e division sera commandée par le général Soulès; elle fera également partie de l’armée du Nord et se réunira à Gand. Elle sera composée de sept bataillons du Nord et de trois bataillons de la Somme; total, dix bataillons.

4e Division. – La 4e division sera commandée par le général Latour-Maubourg; elle se réunira à Saint-Omer et sera composée de dix bataillons, dont cinq du Pas-de-Calais, deux de l’Aisne, deux de l’Oise, un de Seine-et-Marne.

5e Division. – La 5e division sera commandée par le général Gouvion Saint-Cyr; elle se réunira à Lille et sera composée de dix bataillons dont deux de Seine-et-Oise, trois de la Seine Inférieure, un des Vosges: un de l’Yonne, un de l’Aube, un d’Eure-et-Loir, un du Loiret.

Le commandement du duc de Conegliano comprendra donc les 4e et  5e divisions de gardes nationales, formant 16,000 hommes environ.

Le duc d’Istrie, commandant l’armée du Nord, aura sous ses ordres les trois premières divisions de gardes nationales, formant 24,000 hommes; ce qui, avec les deux divisions du général Reille, portera cette armée à 40,000 hommes. J’aurai donc plus de 60,000 hommes dans le Nord, prêts à s’opposer à toute expédition qui serait tentée de ce côté.

Les sénateurs Rampon, Soulès, Latour-Maubourg et Gouvion Saint-Cyr y auront chacun le commandement d’une division.

Les sénateurs d’Aboville et Vaubois rentreront au Sénat.

Ainsi, les cinq divisions de gardes nationales exigent cinq généraux de division, dix généraux de brigade et quarante-deux majors. On ne porte que quarante-deux majors, parce que la division Rampon a déjà les siens.

Les 8,000 hommes de la division Rampon sont déjà habillés. Ce sera donc 30,000 gardes nationales qui resteront à habiller.

Il faudra les composer, le plus possible, d’hommes jeunes, vigoureux et qui aient grande vocation pour l’état militaire.

P. S. Il est possible qu’il soit nécessaire de faire quelques changements a cette organisation; vous êtes autorisé à les faire; mais éloignez-vous-en le moins possible, et envoyez-moi un projet de décret pour la régulariser définitivement.

Le général Olivier sera spécialement chargé du commandement de l’île de Cadzand, et le général Soulès lui fournira les troupes nécessaires à cet effet. .

Il ne vous échappera pas que 840 hommes étant l’effectif de chaque bataillon, il n’y aura jamais en bataille plus de 600 hommes; une brigade, étant de cinq bataillons, ne sera donc que de 3,000 hommes présents sous les armes, et une division que de 6,000 hommes. Ces cinq divisions feront donc 30,000 hommes présents sous les armes et 40,000 hommes effectifs.

 

Schönbrunn, 22 septembre 1809, midi

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, je reçois votre lettre du 21, avec le protocole de la séance du même jour. Votre réponse ne me paraît pas avoir le caractère particulier que doit avoir ce qui vient de notre part. Il faut leur laisser le rabâchage et les bêtises. D’ailleurs, cette réponse ne remplit pas mon but. Il faut en faire une seconde conçue dans les termes de la note ci-jointe.

P. S. Cet exemplaire étant le premier dicté, il y a beaucoup de choses de style à arranger; je vous laisse ce soin.

 

NOTE.

Le soussigné a transmis à l’Empereur, son maître, le protocole de la séance du 21 et a reçu ordre de faire la réponse suivante aux observations des plénipotentiaires autrichiens.

Les bases contenues dans le protocole du… .. sont l’ultimatum de l’Empereur, duquel il ne saurait se départir. En mettant les 1,600,000 âmes sur la frontière de l’Inn et sur la frontière d’Italie, Sa Majesté a cru faire une chose agréable à l’Autriche, en la laissant maîtresse de faire elle-même les coupures en consultant les localités et ses convenances. Mais c’est un caractère particulier de la négociation que tout ce qui est fait dans le sens de l’avantage de l’Autriche, et imaginé pour diminuer les charges qui lui sont demandées, est considéré dans un sens inverse, soit que les plénipotentiaires autrichiens n’y veuillent pas réfléchir, soit qu’il soit dans leur volonté de s’attacher à tout ce qui peut contrarier la marche de la négociation.

Ainsi donc Sa Majesté a fait une chose plus avantageuse à l’Autriche, lorsqu’elle a demandé 1,600,000 âmes sur la frontière de l’Inn et sur celle d’Italie à classer selon le désir des plénipotentiaires autrichiens, que si, en marquant elle-même les limites de ces l,600,000 âmes, elle se fût exposée à froisser davantage les intérêts de l’Autriche.

Une autre assertion non moins singulière est celle par laquelle les plénipotentiaires autrichiens prétendent que Salzburg, la haute Autriche, la Carinthie, la Carniole, le littoral et la partie de la Croatie au midi de la Save, ne renferment qu’à peine 1,600,000 habitants.

Par cette maligne interprétation, on veut persuader à l’empereur François que l’empereur Napoléon ne lui fait aucune concession, que la confiance qu’il a montrée en lui a été en pure perte, et par là les ministres qui dirigent les affaires montrent leur mauvaise volonté.

Salzburg, la haute Autriche, la Carinthie, la Carniole, la Croatie depuis la Save, forment une population de 2,200,000 habitants; le cercle de Bohême, 400,000 ; c’est donc 2,600,000 habitants qui ont été demandés. En demandant ces 2,600,000 habitants, on n’avait pas renoncé à la base de l’uti  possidetis. D’un seul coup Sa Majesté a fait d’immenses concessions, a renoncé à la base de l’uti possidetis et a déclaré qu’elle se contentait de 1,600,000 âmes, au lieu de 2,600,000, faisant par là une concession d’un million. Sa Majesté a déclaré de plus que ces l,600,000 âmes seraient réparties, comme le désiraient les plénipotentiaires autrichiens, entre les frontières de l’Inn et de l’Italie; ce qui veut dire (puisque enfin il faut s’expliquer et que les plénipotentiaires autrichiens, en se plaignant que la négociation ne marche pas, s’attachent à ne vouloir rien comprendre) que Sa Majesté se réduit à 400,000 âmes sur l’Inn: elle en avait demandé 800,000; qu’elle se contente de 1,200,000 habitants sur la frontière d’Italie : elle en avait précédemment demandé 1,400,000; ce qui donne dom une concession de 600,000 âmes, indépendamment de la renonciation des 400,000 des cercles de Bohème.

En demandant 400,000 habitants sur l’Inn au lieu de 800,000, l’Autriche réacquiert la frontière de l’Enns , celle de la Traun, la ville de Linz et la plus grande partie de la Haute Autriche. En ne demandant que 1,200,000 âmes du côté de l’Italie, Sa Majesté renonce au cercle de Klagenfurt.

Voilà ce que les plénipotentiaires autrichiens auraient facilement pu comprendre, s’ils cherchaient à faciliter la négociation et à s’entendre au lieu de s’exciter et de s’aigrir. Les plénipotentiaires autrichiens menacent toujours de la reprise des hostilités; ce langage n’est rien moins que pacifique, et l’avenir prouvera, comme l’expérience l’a prouvé plus d’une fois, à qui sera funeste le renouvellement des hostilités. Jamais on ne vit dans une négociation déployer moins de dextérité, d’esprit conciliant et d’aménité. Le rôle paraît renversé.

Les plénipotentiaires autrichiens seuls méritent le reproche de ne pas faire un pas, de mettre des entraves à tout, de se permettre sans cesse le reproche que le plénipotentiaire français n’avance pas, de faire toujours voir la férule levée et d’avoir sans cesse la menace à la bouche ; voilà ce que tout homme impartial verra dans les protocoles, et les braves nations gémiront de voir leurs affaires traitées de cette singulière manière.

Il ne reste plus au soussigné qu’à réitérer que la proposition faite par Sa Majesté l’Empereur, son maître, est une cession de 1,600,000 âmes, telle qu’elle est de nouveau expliquée dans la présente note; que l’intention de Sa Majesté est de maintenir toujours en faveur des plénipotentiaires autrichiens la faculté de répartir ces 1,600,000 âmes entre les frontières susmentionnées, comme cela leur paraîtra le plus convenable, et d’admettre, pour que le commerce des États de la Maison d’Autriche n’éprouve aucune gêne, toutes les modifications compatibles avec la base générale ,qui est le seul et unique intérêt de la France, la continuité de jonction de la Dalmatie avec les États d’Italie.

 

Schönbrunn. 23 septembre 1809

A François II, (sic), empereur d’Autriche, à Dotis.

Monsieur mon Frère, j’ai reçu la lettre de Votre Majesté Impériale, que m’a remise son aide de camp le général de Bubna.  Je ne pourrais y répondre  qu’en en écrivant une fort longue à Votre Majesté. Je la prie donc de permettre que je m’en rapporte a ce que lui dira son aide camp, que j’ai entretenu plusieurs fois.

 

Schönbrunn, 23 septembre 1809

Au comte Maret, ministre secrétaire d’État, à Schönbrunn

Vous trouverez ci-jointe ma réponse à l’empereur que remettrez au général Bubna. Je vous en envoie la copie pour que vous la lui lisiez. Vous lui direz que j’avais d’abord fait une lettre de trois pages, mais que cette lettre pouvait contenir des choses qui auraient pu être désagréables à l’empereur ; pour me tirer de ce mauvais pas, j’ai pris le parti de ne pas l’écrire. En effet, il n’est pas de ma dignité de dire  à un prince, « Vous ne savez ce que vous dîtes », et c’est ce que je me trouvais obligé de lui dire, puisque sa lettre était basée sur une fausseté.

P S. Mon intention n’est point de donner à l’empereur d’Autriche, le titre d’apostolique. Vous feindrez de croire que ce titre appartenait à l’empereur d’Allemagne ; il ne l’est plus maintenant, et il n’est pas plus apostolique que moi; je suis aussi chrétien que lui.

PROJET DE LETTRE A L’EMPEREUR D’AUTRICHE.

Monsieur Mon Frère, le général Bubna, votre aide de camp, m’a remis la lettre Votre Majesté. Qu’elle me permette de lui dire que cette lettre m’a sensiblement affecté et a beaucoup diminué l’espoir que j’avais de voir enfin se terminer la guerre qui divise les deux puissances.

L’empereur  d’Autriche croit que je ne lui ai fait aucune concession, et que j’ai replacé la question dans la même situation qu’elle avait été placée par mes plénipotentiaires. Comment peut-on, Monsieur Mon Frère, vous tromper ‘une manière aussi étrange sur des faits aussi palpables et que Votre Majesté peut vérifier dès qu’elle voudra s’en donner la peine ?

Mes plénipotentiaires ne se sont jamais désistés de la base de l’uti possidetis : par égard pour Votre Majesté, je m’en suis désisté. Mes plénipotentiaires avaient demandé, comme l’observe Votre Majesté, la Carinthie, la Carniole, le comté de Goritz, l’Istrie , le littoral hongrois, six districts de la Croatie militaire, ce qui forme une population de 1,500,000 âmes; ils avaient demandé la haute Autriche jusqu’à l’Enns et le pays de Salzburg, formant une population de 850,000 âmes; ils avaient demandé quatre cercles de la Bohême, formant une population de 400,000 âmes; ils avaient donc demandé en tout une population de 2,750,000 habitants: pour me rendre agréable à Votre Majesté, je me suis désisté de ces demandes, et je me suis réduit à demander pour ultimatum 1,600,000 âmes sur les frontières de l’Inn et de l’Italie. C’est donc plus d’un million de différence entre les demandes faites dans les négociations et mon ultimatum; et cependant on a persuadé à Votre Majesté que j’avais reproduit la même question.

Ainsi mes intentions sont constamment méconnues et calomniées. En supposant qu’il convînt à Votre Majesté de répartir ces 1,600,000 âmes, en en cédant 400,000 sur l’Inn et les 1,200,000 autres sur la frontière de l’Italie, il est évident que la ligne de l’Enns, à laquelle il a paru que vous attachiez tant d’importance, celle de la Traun, la ville importante de Linz et la plus grande partie de la haute Autriche resteraient à Votre Majesté ,et que, du côté de l’Italie, elle conserverait le cercle et la ville de Klagenfurt.

Ainsi donc, par amitié et par égard pour Votre Majesté, j’ai renoncé à la ligne de l’Enns, à celle de la Traun, à la ville de Linz et à la plus grande partie de la haute Autriche, aux quatre cercles de la Bohême, royaume que je laisse en entier à Votre Majesté, hormis les enclaves qui sont dans la Saxe, et le cercle et la place si importante de Klagenfurt. Quelle confiance puis-je jamais avoir lorsque je vois que l’empereur obscurcit des choses si claires ?

On m’a fait dans le protocole des offres en Galicie qui sont tout à fait inadmissibles, tant pour la quantité que pour les localités. On propose que Votre Majesté conserve la Pilica, c’est-à-dire qu’elle continue à être à une demi-marche de Varsovie. En réfléchissant sur la marche des négociations, on voit que l’on n’a eu d’autre but que de jeter une pomme de discorde entre la France et la Russie. Le véritable intérêt de la France est de se trouver frontière de la Turquie, afin de conserver sur la Porte l’influence que la France y exerçait comme puissance maritime, qu’elle ne peut plus y exercer à ce titre.

D’ailleurs, dans la guerre que m’a faite Votre Majesté, tout n’a pas été gain pour moi : la Martinique, Saint-Domingue, Cayenne, le Sénégal m’ont été enlevés par les Anglais. Les principes de ma monarchie sont bouleversés, et mes peuples ne peuvent jouir de la sécurité et du repos, tant que les partisans de l’Angleterre dirigent les affaires du continent et que les autres puissances m’obligent à entretenir des milliers de soldats sur pied. Si la France a perdu ses colonies et ses vaisseaux, cela a été le résultat de ma facilité à accorder la paix à l’Autriche et de l’extrême condescendance que j’ai eue pour elle. Si je n’avais pas fait la paix à Leoben ; si même, lors de celle de Lunéville, j‘avais continué la guerre ; si, au lieu de faire la paix à Presbourg, j’étais resté à Vienne avec mon armée jusqu’à ce que l’Angleterre eut fait la paix, je n’aurais point éprouvé les diversions que l’Autriche a faites en sa faveur. Malgré ces réflexions, j’ai promis de faire la paix, je tiendrai mes promesses ; et, si cela contribue au bien-être de cette estimable nation autrichienne, je serai satisfait, et payé de tous mes sacrifices. Mais aussi il est indispensable que je garde, des possessions de la maison d’Autriche, tout ce qui peut peser sur l’Angleterre, tout ce qui peut être utile à ma marine, tout ce qui peut influer sur la balance du commerce du Levant, de l’Archipel et de Constantinople.

Pendant le cours des négociations, je n’ai jamais donné à Votre Majesté des espérances illusoires. ; j’ai dit au prince de Liechtenstein, à Znaym,au moment où l’on négociait la suspension d’armes, que je prendrais pour base l’uti possidetis ; je lui ai dit cependant, en confidence, que je pourrais me relâcher de la rigueur de cette base ; mais que le terme de ma modération et de ce qu’il m’était possible d’accorder était une paix plus désavantageuse que celle de Presbourg, dont les conditions ont été le sujet d’une critique méritée et justifiée, depuis, par la conduite qu’a tenue la maison d’Autriche. Que Votre Majesté se mette á ma place. Quatre guerres où la France lui a constamment rendu d’immenses états n’ont pu, cependant, détruire dans son cabinet l‘influence de l’esprit anglais. Maître aujourd’hui de Vienne et de la plus belle partie de la monarchie, les incidents de la négociation prouvent qu’en faisant de si grandes concessions, je n’ai pu changer son esprit ; les mêmes hommes qui dirigeaient ce cabinet le dirigent encore ; et ces hommes ont dévoilé leurs principes politiques dans des écrits publics avec tant d’impudeur, qu’on a peine à concevoir qu’ils puissent encore espérer trouver des dupes et de faire croire à leur bonne foi, à leurs protestations et à leur parole. Si mes armées, après avoir évacué l’Autriche, doivent toujours être tenues en échec, sans pouvoir se livrer aux opérations de la guerre maritime, la paix serait pour la France et ses alliés une calamité plutôt qu’un bienfait.

Votre Majesté me menace dans sa lettre du renouvellement des hostilités. Vous avez raison, Monsieur Mon Frère, cette menace va droit à mon cœur : il saignera de penser que du sang et des larmes vont encore couler; le jour où Votre Majesté donnera le signal de la guerre sera pour moi un jour de deuil; et cependant qu’elle se souvienne que ce signal, elle l’a bien souvent donné, et que le résultat en a toujours été la défaite de ses armées, la conquête de ses provinces et le malheur de ses peuples. Dieu et les hommes me sont témoins qu’au milieu de la plus grande prospérité, à la tête des plus grandes armées, moins exposé que qui que ce soit au monde aux chances de la guerre, j’ai voulu mettre un terme aux victoires de la France, et que j’ai dédaigné de vains lauriers arrosés des larmes des peuples. Mais enfin je serais obligé, en voyant Votre Majesté oublier les conseils de la raison et de l’expérience pour se livrer aux conseils fallacieux de ceux qui l’ont déjà si souvent aveuglée sur ses vrais intérêts, de reconnaître les décrets irrésistibles d’une destinée qui entraînerait la monarchie autrichienne à sa destruction. Toutefois, si Votre Majesté veut la paix, je lui ai fait connaître mon ultimatum, fondé sur les intérêts de mes peuples; je ne veux rien que pour leur bien; je ne suis le Don Quichotte d’aucun intérêt étranger au leur. Enfin je suis si persuadé d’avoir le bon droit de mon côté, je mets dans mes demandes une modération qui étonnera tellement l’Europe, quand elle sera connue, que je consentirais à la réunion d’un congrès général où seraient admis même les plénipotentiaires de l’Angleterre, et que je vous propose de nous en rapporter, vous et moi, Monsieur mon Frère, à l’arbitrage de l’empereur Alexandre. Certes, je donne, par cette dernière proposition, la preuve la plus évidente de ma répugnance à verser le sang et de mon désir de rétablir la paix du continent.

 

Schönbrunn, 23 septembre 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, je reçois votre lettre du 23 avec le protocole de la quinzième séance. Comme ma dernière lettre à l’empereur ne dit rien, je vous envoie le résumé de la conversation (résumé qui reprend mot à mot, mais sous une forme indirecte, la note ci-dessus) que j’aie eu avec son aide de camp. C’est au reste la même chose que le protocole. Vous laisserez entrevoir à M. de Metternich que j’avais fait une lettre ad hoc et très ferme, et que j’ai renoncé à l’envoyer, ne voulant pas imiter la conduite de l’empereur, et pensant qu’il valait mieux que les souverains ne s’écrivissent pas que de s’écrire des injures (sic) ; et l’empereur François m’a écrit des injures quand il m’a dit que je ne lui cède rien, quand, en sa considération, j’ai réduit mes demandes à près de la moitié.

 

Schönbrunn, 23 septembre 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, j’ai reçu vos lettres du 22. Vous trouerez ci-jointe la copie de ma réponse à l’empereur. Je vous envoie le numéro du Bulletin des Lois qui contient un décret du Conseil d’État sur les Français qui ont porté les armes contre la France ; vous le remettrez à M. de Metternich en réponse à sa note, pour éviter toute nouvelle réclamation. Vous lui direz que tous les individus, français, belges, piémontais ou de tout autre pays réuni à la France, qui seraient dans le cas du décret, sont traduits devant les tribunaux français et y sont ou seront condamnés à mort comme contumax, vu que nous n’entendons pas qu’aucun français puisse faire la guerre contre nous, et que nous approuverons fort la réciprocité dans tous les pays.

 

Schönbrunn, 23 septembre 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, je pense qu’il est nécessaire que vous expédiiez un courrier  à M. de Caulaincourt avec la copie des protocoles jusqu’à ce jour, en l’engageant à les lire avec attention et à en communiquer  ce qui serait utile d faire connaître en Russie. Vous aurez soin de faire ôter dans le protocole relatif aux cessions à faire en faveur de la Saxe et de la Russie la phrase où vous dites que vous avez communiqué cela à la Russie; cette phrase est inutile. Ayez soin d’écrire aussi à M. de Caulaincourt que je prends le plus grand intérêt au Danemark; que je ne crois pas qu’il soit de la dignité de l’empereur Alexandre ni de la mienne que le Danemark perde rien dans l’engagement qu’il soutient avec nous; que l’idée de lui faire perdre la Norvège me paraît un roman.

 

Schönbrunn, 23 septembre 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, vous devez écrire à mon ministre à Dresde que l’inquiétude qu’on laisse percer à la cour de Dresde sur le sort du duché de Varsovie m’est un outrage; que, quelle que soit l’issue des affaires, le duché de Varsovie ne peut sortir et ne sortira jamais de la Maison de Saxe; qu’en concevoir du doute, c’est mal connaître mon caractère et surtout mal apprécier l’estime que je fais du Roi.

Écrivez-lui que je vois avec plaisir que le Roi ait nommé M. de Senft son ministre des affaires étrangères.

Écrivez au sieur La Rochefoucauld [2]il est ambassadeur auprès du roi de Hollande qu’il ne doit rien conclure, rien signer, qu’il doit seulement discuter le sujet de plainte que j’ai contre la Hollande et laisser tout pendant.

Écrivez au marquis de Gallo [3]ministre des relations extérieures des Deux-Siciles qu’il n’y a aucune difficulté que le roi de Naples reprenne ses relations avec le Danemark; qu’il n’y a d’inconvénient que la dépense qu’occasionnera l’entretien d’un ministre.

 

Schönbrunn, 23 septembre 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à paris

Je reçois des rapports du préfet de police sur un certain nombre d’intrigants, qui se rattacheraient toujours à un complot que des cagots trameraient à Bordeaux. Faites-moi connaître quels sont les individus dont il est question dans ces rapports.

 

Schönbrunn, 23 septembre 1809

Au général Junot, duc d’Abrantès, commandant le 8e corps de l’armée d’Allemagne, à Bayreuth

Je reçois le compte que vous me rendez de la situation de votre corps; je l’ai lu avec intérêt. Je donne ordre que l’on mette à votre disposition à Magdeburg 300 sabres de cavalerie légère pour les chasseurs polonais. Je me fais rendre compte de la situation du magasin qui est à Würzburg.

Je donne ordre que la compagnie de sapeurs qui est a Magdeburg soit envoyée à Dresde, pour y être à votre disposition.

Je vous envoie un ordre que je viens de prendre, qui vous fera connaître les différentes dispositions que j’ai prescrites pour votre corps d’armée.

Faites en sorte que les Saxons aient trente pièces de canon, dont quatre de 12, afin que vous puissiez tenir en réserve une batterie de huit pièces de 12 avec les quatre que vous aurez.

Le 22e de ligne doit avoir, conformément aux ordres que j’ai donnés, deux pièces de 4 ou de 3, quatre caissons d’infanterie et quatre caissons des transports militaires. S’il n’a pas tout cela, veillez à ce qu’il les ait sans retard. Faites-lui donner des chevaux sur ceux dont j’ordonne la levée, ou qu’il en achète. Procurez-lui des pièces de régiment, de Magdeburg ou de Würzburg, afin qu’il soit à  l’instar des autres.

Vous verrez par mon ordre que chacun des huit bataillons de la division Rivaud doit avoir un caisson pour le transport du pain, et que j’accorde ce qui est nécessaire pour cela. Veillez à ce qu’ils lui soient fournis sans délai. 

J’ai donné l’ordre à Paris que la première compagnie des transports militaires qui sera prête sur le Rhin, avec ses trente-six caissons, vous soit envoyée.

Je vois que les bataillons saxons ont plus de conscrits dans les cadres que d’officiers. Le 22e de ligne n’ayant que 600 hommes par bataillon, ne pourrait-on pas joindre 40 conscrits saxons à chaque compagnie du 22e ? Ce qui ferait pour les quatre bataillons, près d’un millier d’hommes qui porteraient ce régiment à 3,600. Si cela  est praticable, on formerait de ces 40 hommes une escouade à la suite des compagnies; les officiers les auraient bientôt dressés. Ils conserveraient l’uniforme saxon; le Roi les habillerait; je les nourrirais et solderais. Ils serviraient avec le 22e tout le temps que ce régiment resterait à Dresde, et, lorsqu’il en partirait, ils rentreraient au service de Saxe.

Le 65e vient de recevoir l,000 anciens soldats prisonniers en Allemagne. Il doit être à plus de 8,000 hommes.

Vous avez eu tort de renvoyer le colonel Viviand. Aucun ordre du ministre de la guerre ne doit être exécuté dans l’armée; tous les ordres doivent venir du major-général.

Activez la remonte de la cavalerie saxonne. Je vois avec peine qu’elle ne présente que 1,300 à 1,400 chevaux; il faut qu’elle soit portée à 2,000 hommes à cheval, indépendamment des 500 chasseurs polonais; ce qui, avec vos 3,500 chevaux, fera 6,000 chevaux.

J’espère que la division Carra Saint-Cyr sera de 8,000 Saxons, qui, avec les 2,500 hommes du 22e de ligne, feront plus de 10,000 bommes d’infanterie; que la division Rivaud, qui va recevoir des détachements du 34e et du 14e, sera de 9,000 hommes, qui, avec mon régiment de Berg, feront 10,000 hommes. Vous aurez donc 20,000 hommes d’infanterie, 6,000 de cavalerie et soixante bouches à feu; ce qui vous fera la valeur de 28,000 hommes.

 

Schönbrunn, 23 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

L’armée du duc d’Istrie se trouve donc composée de trois divisions de gardes nationales, commandées par les généraux Rampon, Lamarque et Soulès, des deux divisions de ligne, commandées par le général Reille, et de la division hollandaise, forte de 12,000 hommes; elle est donc de plus de 50,000 hommes sous les armes.

La flottille française a plus de cent bâtiments; la flottille hollandaise doit en avoir autant. Il faut vous concerter avec le ministre de la marine pour que cette flottille, soutenue, s’il est nécessaire, par quelques vaisseaux de l’escadre, marche de concert sous les ordres du maréchal duc d’Istrie pour reprendre l’île de Walcheren. Les Anglais ne peuvent pas s’y défendre avec 15,000 hommes; mais, comme ils se renfermeront dans Flessingue, il est nécessaire d’avoir tout prêts des mortiers et des canons de bronze pour rétablir les batteries de l’île et faire le siége de la place. Aussitôt qu’on aura passé le canal du Sloe, il faudra s’y fortifier par des ouvrages de campagne en forme de tête de pont, sur les deux rives, afin de tenir ce passage toujours assuré. .

P. S. Il faut méditer ces mesures, afin de pouvoir commencer le siége au moment où la mer sera grosse, et lorsqu’ils auront perdu la plus grande partie de leur monde par maladie.

 

Schönbrunn, 23 septembre 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, exprimez mon mécontentement aux colonels des corps qui, dans cette saison, laissent le soldat vêtu d’un simple pantalon de toile. Ordonnez que, sous quelque prétexte que ce soit, le soldat ne soit point laissé sans ses pantalons ou culottes de drap. J’ai vu avec peine, dans les revues que j’ai passées, que les soldats ne portaient qu’un pantalon de toile et n’avaient point dans leur sac leurs pantalons et culottes de drap; ce qui les expose à des maladies.

 

Schönbrunn, 23 septembre 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, donnez les ordres les plus positifs pour que la division Saint-Germain n’ait aucun poste sur la Taya ou sur la March, et qu’ils soient tous sur les hauteurs. Mon intention n’est pas qu’il en garde un seul dans des positions où ils gagneraient des fièvres.

Envoyez un bon adjudant commandant pour servir auprès du général Carra Saint-Cyr et l’aider dans le commandement de sa division.

Réitérez l’ordre à la compagnie de sapeurs qui est à Magdeburg de se rendre à Dresde, où elle sera à la disposition du duc d’Abrantès.

 

Schönbrunn, 23 septembre 1809

Au comte Daru, intendant général de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur Daru, je vois par l’état de situation du train des équipages militaires que la 1e compagnie du 1er bataillon n’a que vingt-sept voitures, et la deuxième que trente-trois; c’est donc douze caissons qui manquent à ce bataillon; veillez à ce qu’ils soient complétés le plus tôt possible. Les 3e et 4e compagnies du 9e bataillon n’ont encore aucune voiture. Il est très important que les cinq bataillons, formant vingt et une compagnies, aient leurs sept cent cinquante-six voitures complètes et ne manquent de rien. Sur ce nombre de voitures, il y en a trente-sept à réparer et treize à réformer. Prenez les mesures les plus efficaces pour remédier à tout cela.

 

Schönbrunn, 24 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Vous trouverez ci-joint un projet de sénatus-consulte et un décret que j’ai signé pour être mis à exécution après la publication du sénatus-consulte. Vous vous rendrez chez M. l’archichancelier, auquel j’ai ordonné de réunir un conseil prive, afin de faire adopter ce sénatus-consulte. Voici le rapport que vous lirez au conseil privé, et ensuite au Sénat. Vous sentez que, si la paix doit avoir lieu, il est nécessaire que cette levée soit achevée avant sa signature; si la paix ne doit pas avoir lieu, c’est une raison de plus pour en hâter l’exécution. Je pense qu’au 1er octobre le sénatus-consulte sera publié, et ainsi les conscrits pourront marcher avant le 1 et novembre.

RAPPORT DU MINISTRE DE LA GUERRE À L’EMPEREUR.

Sire, je crois nécessaire de mettre sous les yeux de Votre Majesté la situation de ses armées et de lui proposer une levée pour les recruter. Maîtresse de Vienne et de plus de la moitié du territoire de la monarchie autrichienne, Votre Majesté est elle-même à la tête de l’armée la plus formidable que la France ait jamais eue au delà du Rhin, et cependant Votre Majesté a vaincu, dans les champs de bataille de Thann, d’Abensberg et d’Eckmühl, lorsqu’à peine la moitié de cette armée était formée. Que la paix ou la guerre soit le résultat des négociations d’Altenburg, Votre Majesté a dans les dépôts suffisamment de troupes pour recruter son armée d’Allemagne et pour la mettre à même de réparer les pertes de plusieurs batailles.

Votre Majesté, lorsqu’elle fut obligée, au mois de janvier dernier, de s’arrêter au milieu de la poursuite de l’armée anglaise par les nouvelles qu’elle reçut du parjure que méditait la cour de Vienne, se décida à laisser en Espagne toute sa vieille armée. C’était plus qu’il ne fallait pour soumettre les Espagnols rebelles. Mais l’Angleterre, voyant dans le nouveau système qui va s’établir en Espagne le présage infaillible de sa destruction et de sa ruine, a fait des efforts tels que cette puissance n’en a jamais fait jusqu’ici de semblables. Malgré les pertes immenses du général Moore, qui n’a pas sauvé la moitié de ses troupes, une nouvelle armée est arrivée à Lisbonne; et, depuis, l’armée anglaise, forte de plus de 40,000 hommes, s’est avancée jusqu’au milieu de l’Espagne, ralliant autour d’elle les différents corps des insurgés. Mais les Anglais n’ont trouvé que la défaite et la confusion. Des bords de l’Alberche, ils ont été obligés de repasser le Tage, poursuivis l’épée dans les reins; ils ont évacué toutes les Espagnes et se sont rejetés dans le Portugal. En même temps, une expédition tout aussi forte s’est présentée sur l’Escaut, avec le projet d’incendier les chantiers d’Anvers; là aussi nos ennemis ont été confondus. A leur approche, le général Rampon, avec les 12,000 hommes d’élite qu’il avait sous ses ordres, les huit demi-brigades provisoires réunies à Paris, Saint-Omer, Louvain et Boulogne, sont accourus en poste. Flessingue a été muni d’une bonne garnison. Ces troupes seules suffisaient pour défendre Anvers, couvert par les fortifications que Votre Majesté y a fait élever depuis quatre ans et par ses immenses inondations. L’expédition anglaise était calculée d’après la supposition qu’Anvers était une place ouverte; mais cette ville, protégée maintenant par des inondations, par une bonne enceinte et par des ouvrages avancés d’un bon relief, ne pouvait être prise qu’après un long siége. Sur la rive gauche de l’Escaut, le fort de la Tête-de-Flandre, entouré d’une inondation de deux mille toises, lui assure constamment ses communications avec l’Empire. Au premier signal, 150,000 gardes nationales, conduites par des majors et des officiers tirés des 5e bataillons et comptant dans leurs rangs beaucoup d’anciens officiers et d’anciens soldats, se sont précipitées à Lille, à Boulogne, Bruxelles, Ostende, Gand et Anvers, et, réunies sous les trois maréchaux le duc d’Istrie, le duc de Conegliano et le prince de Ponte-Corvo, ont formé trois armées redoutables. La gendarmerie de France (qui seule peut fournir cent soixante escadrons composés d’hommes qui tous ont seize ans de service, tous aussi braves, tous aussi exercés et armés de la même manière que les cuirassiers, qui, sous les ordres de Votre Majesté, ont porté si haut la gloire de la cavalerie française) est accourue pour confondre nos ennemis. Leur expédition, calculée sur de fausses données, ne pouvait avoir aucun succès, et aussi elle a complètement échoué. Votre Majesté a reconnu, avec la pénétration qui lui appartient, que l’ignorance et l’impéritie avaient dirigé l’expédition anglaise, et dès lors elle n’a point permis qu’on prit l’offensive. « Nous sommes heureux, m’écrivait-elle, de voir les Anglais s’entasser dans les marais de la Zélande. Qu’on les tienne seulement en échec, et bientôt le mauvais air, les fièvres particulières à cette contrée et plus meurtrières dans cette saison que la peste, auront détruit cette armée.  » La prédiction de Votre Majesté s’est accomplie. Pendant que nos troupes étaient tranquillement cantonnées à Anvers et dans les environs, l’armée anglaise, exposée à toutes les intempéries de l’air et à tous les dangers de ce climat, a perdu plus du tiers de ses soldats. Mais, profitant de la facilité qu’ont les Anglais de se porter d’un point sur un autre, tout ce qui aura échappé aux désastres de cette expédition peut aller renforcer leur armée en Portugal.

Un corps de 30,000 hommes rassemblé à Bayonne est suffisant pour repousser toutes les forces que les Anglais pourraient faire avancer en Espagne et pour servir à réparer les pertes journalières, inévitables dans une guerre aussi acharnée. Les champs de bataille sur lesquels s’illustrent maintenant nos armes sont trop éloignés pour qu’on puisse, sans exposer les soldats, porter une armée de l’un à l’autre; et Votre Majesté, si satisfaite du courage et du dévouement que vient de montrer l’armée du Danube, ne veut pas lui faire essuyer les dangers et les fatigues de la guerre d’Espagne. D’ailleurs, Votre Majesté a en Espagne trois cents bataillons et cent cinquante escadrons; elle n’y a donc pas besoin de nouveaux corps ni de vieux soldats ; il suffit d’alimenter les corps qui s’y trouvent. Ainsi, soit que Votre Majesté signe la paix avec l’Autriche, soit qu’elle continue la guerre, la mesure que j’ai l’honneur de soumettre aux lumières de Votre Majesté me paraît convenable et utile. Si Votre Majesté fait la paix, son armée hivernera sur les bords du Rhin et reviendra ensuite en France pour y recevoir les témoignages de notre admiration et de notre reconnaissance, et s’y reposer après tant de fatigues et de travaux. Sa présence seule sera utile au bonheur des peuples, puisqu’elle suffira pour déjouer les intrigues que pourrait tenter l’Angleterre afin d’égarer leurs cabinets.

J’ai l’honneur de proposer en conséquence à Votre Majesté la levée die 36,000 conscrits pris sur les classes des années….. Votre Majesté aurait encore à retirer de ces différentes classes 500,000 hommes; je lui propose de n’en lever que 36,000 et de déclarer ces classes entièrement acquittées, en sorte que les conscrits auraient l’avantage de sortir de l’incertitude sur leur sort et de n’avoir plus l’inquiétude d’être enlevés aux travaux domestiques. Par ce moyen, Votre Majesté aura en entier à sa disposition les 250,000 hommes de la classe prochaine, que je ne proposerai à Votre Majesté d’appeler que dans le cas où les événements tromperaient ses espérances et ses intentions pacifiques.

Sans doute que les armées de Votre Majesté sont aussi redoutables par leur nombre que par leur courage ; mais il n’est aucun Français qui ne conçoive que nous sommes obligés de faire des efforts proportionnés à ceux des rivaux et des ennemis de la France. Quand l’Autriche a eu sur pied dans cette guerre 700,000 hommes, que Votre Majesté a si promptement anéantis, elle a fait un effort inouï et qui a attaqué dans sa source sa population et sa prospérité; quand l’Angleterre se présente sur le théâtre du continent avec trois armées, l’une sur les côtes de Naples, l’autre sur celles de la Hollande et la troisième en Portugal; quand tous les hommes jaloux de la France s’agitent et se remuent, parce qu’ils sentent que le moment actuel décide de la grandeur de la France: la France cependant n’a besoin d’aucun effort extraordinaire. Malgré tous les appels successifs qui ont été faits, pas le quart de la conscription des classes précédentes n’a marché.

En considérant la situation des armées de Votre Majesté et l’issue des expéditions anglaises, je ne puis que me réjouir de voir l’Angleterre faire des efforts hors de proportion avec sa population et les besoins de sa marine. Elle veut lutter sur terre et corps à corps avec la France ; elle n’en rapportera que la honte et la confusion, et le peuple français devra à Votre Majesté la gloire et le bien inappréciable de la paix conquise sans expédition maritime sur un ennemi qui se croyait, par sa situation, à l’abri de la valeur de vos armées.

Toute expédition nombreuse et sérieuse des Anglais sur le continent est un acheminement vers la paix générale. Les ministres, plus habiles, qui ont précédé les membres du cabinet actuel, étaient bien convaincus de cette vérité; ils s’étaient bien gardés de s’engager dans une lutte inégale, et ils pensaient que, pour faire une guerre éternelle, il fallait qu’elle pesât peu sur le peuple qui devait la soutenir.

Mais puisque l’Angleterre s’engage dans un combat sur le continent, tout homme de bon sens peut prédire à Votre Majesté que la paix générale n’est pas éloignée; car les Anglais ont versé plus de sang et de larmes dans l’année qui vient de s’écouler qu’ils n’en avaient encore versé pendant toute la guerre. Engagés dans la lutte de l’Espagne et du Portugal, où il est de leur devoir et de leur intérêt de ne pas reculer, l’Espagne et le Portugal seront le tombeau de leurs plus braves citoyens et leur perte amènera enfin dans l’esprit du peuple anglais le désir de la paix et l’horreur pour ces hommes cruels qui, sans leur ambition et leur haine délirante, ont proclamé une guerre éternelle et ont forcé la génération actuelle aux combats et aux larmes.

 

Schönbrunn, 24 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, dans les nouvelles circonstances où se trouve l’armée du Nord, je crois avoir tout prévu. Je vous ai ordonné d’organiser le corps du général Reille, les demi-brigades provisoires et les gardes nationales, en cinq divisions formant cinquante bataillons.

J vous ai ordonné d’organiser soixante et douze bouches à feu attelées par des chevaux de réquisition; cette artillerie est suffisante.

Pour le corps du duc de Valmy, j’ai ordonné que les Portugais se dirigeassent sur Hanovre, que le bataillon allemand et les Polonais se dirigeassent sur l’Espagne ou sur leurs régiments.

J’ai ordonné que la grosse cavalerie se dirigeât sur Hanovre ; que les détachements de hussards et de chasseurs qui appartiennent à l’armée d’Espagne se dirigeassent sur Versailles; que la gendarmerie retournât dans ses légions, hormis 500 hommes; qu’à Paris et dans le reste de la France on laissât les citoyens tranquilles, et qu’on n’appelât partout que des hommes de bonne volonté qui voudraient marcher sur les frontières.

 

Schönbrunn. 24 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Je reçois votre rapport sur l’artillerie de l’armée du Nord. Je vous demandais cent trente-deux bouches à feu dans d’autres circonstances, et quand l’ennemi annonçait le projet de conquérir la Hollande et d’établir un centre de guerre dans le Nord. Je vois que vous avez aujourd’hui plus d’artillerie qu’i1 ne faut, puisque vous avez 1,300 chevaux de réquisition et quinze compagnies d’artillerie. Mon intention, si la guerre recommence ici, ce qui sera décidé dans peu de jours, est que les 1,000 chevaux que vous avez soient dirigés sur l’armée d’Allemagne et que vous gardiez les 1,300 chevaux de réquisition, qui peuvent atteler 300 voitures; ce qui forme l’attelage de soixante et douze pièces de canon. Or, dans la situation actuelle, les soixante et douze pièces qui sont à l’armée du Nord sont plus que suffisantes. Vous n’avez pas besoin de nouvelles bouches à feu ni de nouveaux caissons. Je suis surpris que vous n’ayez pas de caissons dans le Nord. Que sont donc devenus ceux que j’avais à Boulogne ? N’en faites venir de Strasbourg sous aucun prétexte.

En résumé, les soixante et douze pièces d’artillerie que vous avez suffisent. Faites rapprocher de Paris les 1,000 chevaux du train que vous avez, en ne laissant à l’armée du Nord que des chevaux de réquisition. Ces chevaux serviront à l’armée d’Allemagne, s’il y a guerre, et, si la paix a lieu, à l’armée d’Espagne.

 

Schönbrunn, 24 septembre 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je vous ai donné l’ordre de faire partir de Boulogne le plus de chaloupes canonnières possible pour les diriger sur Ostende, sur Bruges, Gand et le Sas-de-Gand.

A présent que le fort de Bath est réoccupé, que la batterie de Terneuse est rétablie et que l’on est maître du Sud-Beveland, je ne vois pas ce qui empêcherait mon escadre de prendre un mouillage à la hauteur du fort de Bath.

Je désirerais avoir, au Sas-de-Gand, un officier intelligent avec 30 péniches, 30 chaloupes canonnières et 30 bateaux canonniers, qui seraient protégés par les batteries existant au débouché du canal du Sas-de-Gand, dans l’Escaut. Ces 100 bâtiments pouvant porter 12,000 hommes embarqueront du monde au fort Philippine, pour le débarquer dans l’île de Walcheren, ou, au signal convenu, passer dans le Sud-Beveland pour aider au passage du Sloe. Je n’ai aucun l’enseignement sur la flottille que j’ai à Anvers, ni sur la flottille hollandaise, qui actuellement doit être maîtresse de se porter partout. Faites-moi connaître votre opinion et les renseignements sur les localités, sur le projet d’avoir une flottille qui puisse se canonner tous les jours avec l’ennemi sous l’île de Walcheren, et sur l’envoi de vaisseaux que mon escadre pourrait faire sur Terneuse pour soutenir ma flottille. Mais ce que je voulais, c’est que ma flottille de Boulogne, celle d’Anvers et la flottille hollandaise se réunissent et attaquassent, sous la protection des batteries de l’île de Cadzand, de Terneuse et de celles qu’on établit dans le Sud-Beveland, les flottilles anglaises- Les vaisseaux de guerre peuvent-ils mouiller jusqu’au fort Philippine ?

Je crois avoir l’idée que des vaisseaux de ligne hollandais ont jadis mouillé jusqu’au Sas-de-Gand. Je crois aussi que les frégates sont venues par le canal de l’Ecluse jusqu’à l’Ecluse.

Enfin qui m’empêcherait de faire un canal qui traverserait l’île de Cadzand et où des vaisseaux de guerre pourraient entrer ?

 

Schönbrunn, 24 septembre 1809

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris

Monsieur Bigot Préameneu, je vous prie de me faire un rapport sur cette question: Qui est-ce qui constitue les secrétaireries papales pour l’exercice du gouvernement spirituel de l’Église ? Quels sont les individus qui les composent ? Combien sont-ils ? Où sont-ils ? Prenez des renseignements et rendez-m’en compte, afin que je prenne une résolution.

 

Schönbrunn, 24 septembre 1809

Au comte Fouché, chargé par intérim du portefeuille de l’Intérieur, à Paris

Je reçois votre lettre dans laquelle vous me rendez compte que partout les cadres des gardes nationales sont formés. Je le sais et n’en suis pas content. Une pareille mesure ne peut être prise sans mon ordre. On a été trop vite. Tout ce qu’on a fait n’avancera pas d’une heure la mise en armes de mes gardes nationales, si on en avait besoin. Cela produit de la fermentation, tandis qu’il aurait suffit de mettre en mouvement les gardes nationales des divisions militaires que j’avais désignées. Mettez tous vos soins à tranquilliser les citoyens et à ce que le peuple ne soit pas dérangé de ses occupations habituelles.

Je n’ai jamais voulu avoir plus de 30,000 gardes nationales ; on en a levé davantage, on a eu tort. J’ai pris pour régler tout cela un décret que le ministre de la guerre doit avoir reçu. Tout ce qu’on peut tirer de Paris volontairement, il faut l’enrégimenter ; mais il faut y laisser tout ce qui veut rester, et éteindre insensiblement le mouvement qu’on avait produit, faire monter la garde par la gendarmerie, la garde de paris et les dépôts, et faire tomber cette agitation en laissant chacun tranquille. Il ne fallait faire que ce qui était nécessaire pour me donner des soldats sur la côte ; on m’en a donné, je ne puis qu’en être satisfait : mais on a fait dans beaucoup d’autres endroits un mouvement qui était inutile.

 

Schönbrunn, 24 septembre 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

J’approuve fort le parti que vous avez pris de défendre à l’abbé Frayssinous de continuer ses conférences. Je vous ai déjà écrit que mon intention était de ne souffrir aucune réunion. Je veux la religion chez moi, mais je n’ai envie de convertir personne. Je viens d’effacer du budget des cultes les fonds que j’avais accordés pour les missions étrangères. Écrivez aux préfets, commissaires généraux de police et même aux commandants de la gendarmerie, de veiller à ce qu’on ne prêche en France ailleurs que dans les églises, et qu’il n’y ait que les curés, chanoines et prédicateurs appelés par les curés avec l’autorisation de l’évêque qui aient cette faculté. Mais je ne veux ni affiliés à des associations, ni missionnaires, ni prédicateurs errants dans mes États. Voyez le ministre des cultes pour que les missionnaires soient placés comme curés et desservants dans les paroisses.

 

Schönbrunn, 25 septembre 1809

Au comte de Lacépède, grand chancelier de la Légion d’honneur, à Paris

Vous recevrez le décret par lequel j’ai institué l’ordre des Trois Toisons d’or. Jusqu’à ce que j’aie organisé cet Ordre, mon intention est que vous remplissiez les fonctions de chancelier de la même manière que vous remplissez celles de grand chancelier de la Légion d’honneur. En conséquence, vous prendrez possession des revenus que nous attacherons à l’ordre des Trois-Toisons d’or. Vous ferez faire les décorations conformément au modèle, et vous ferez enfin pour cet ordre tout ce que vous faites en votre qualité de grand chancelier de la Légion d’honneur.

 

Schönbrunn, 24 septembre 1809

A Élisa Napoléon, Grande-Duchesse de Toscane, à Florence

Ma Sœur, vous m’écrivez directement pour des nominations à faire en Toscane. Il faut que vous vous adressiez aux ministres que ces objets concernent. Vous pouvez me recommander les sujets que vous jugerez les plus dignes de mon choix, mais je ne puis nommer que sur la présentation des ministres. En vous adressant à eux et en leur faisant connaître votre opinion sur les candidats que vous proposerez, ils ne manqueront pas de mentionner sur leurs rapports qu’ils ont été recommandés par vous, et les choses marcheront selon les règles.

 

Schönbrunn, 25 septembre 1809

A l’impératrice Joséphine, à La Malmaison

J’ai reçu ta lettre. Ne te fie pas, et je te conseille de te bien garder la nuit; car une des prochaines tu entendras grand bruit.

Ma santé est bonne; je ne sais ce que l’on débite, je ne me suis jamais mieux porté depuis bien des années; Corvisart ne m’était point utile.

Adieu, mon Amie. Tout va ici fort bien. Tout à toi.

 

Schönbrunn, 25 septembre 1809

DÉCRET.

ART. 1er. – Au 15 décembre, nos ministres de la guerre, de la marine et de l’intérieur nous présenteront un projet complet la défense de l’Escaut et qui satisfasse aux propositions ci-après.

1°. Place et port d’Anvers. 1 ° Etablir à Anvers un chantier de construction capable de contenir à la fois douze vaisseaux de guerre en construction.

2° Y creuser un bassin capable de contenir trente vaisseaux de guerre

3°  Avoir un port ou une rade couverte par les remparts, capable de contenir au mouillage trente vaisseaux de guerre, ne dépassant pas le village d’Austruweel et le moulin à papier en aval de la rivière, et s’étendant en amont aussi loin qu’il sera nécessaire pour remplir ce but.

4° Nettoyer, relever et perfectionner l’enceinte actuelle d’Anvers, de manière que cette place puisse soutenir un siège en règle et qu’elle ait toute la force d’une fortification permanente et soignée.

5° Maintenir par des forts, des camps retranchés et des inondations, l’ennemi à 1,800 toises des chantiers et de tous les ponts de la rade.

6° Prolonger les inondations jusqu’au fort de bath, s’il est possible, et les soutenir, sur toute les digues, par des forts.

7° Construire sur la rive gauche une place indépendante de celle de la rive droite et battant la gorge de celle-ci.

Dans cette seconde place seraient réunis les casernes de la garnison, l’arsenal des troupes de terre et les magasins à poudre, ainsi que les principaux magasins de l’armée.

Ladite place serait couverte par des inondations et soutenue par des forts qui assureraient sa communication avec Bruxelles et Gand.

8° Défense de la rive gauche. 8° Mettre dans la meilleure situation le fort impérial de Cadzand.

9° Rétablir la place de l’Écluse et assurer sa communication avec l’île de Cadzand.

10° Remettre en état la place du Sas-de-Gand et le fort Philippine.

11° Construire à Terneuse un fort pareil à celui de l’île de Cadzand.

12° Assurer la communication du fort de Terneuse avec le fort Philippine par la construction d’un ouvrage placé vis-à-vis ce dernier fort dans l’île d’Axel.

18° Rétablir la place de Hulst, en assurant par un ouvrage sa communication avec l’île d’Axel.

14° Construire à l’embouchure de la rivière de Hulst un fort correspondant avec celui de Bath.

15°. Défense de la rive droite. 15° Rétablir Flessingue, et assurer en tout temps le passage de l’île de Sud-Cleveland dans l’île de Walcheren.

16° Établir dans l’île de Sud-Beveland un fort croisant ses feux avec le fort de Terneuse.

17° Établir sur la rive gauche du canal de Berg-op-Zoom un fort correspondant avec le fort de Bath et communiquant par un pont de manière que ces deux forts fassent un tout.

18° Défendre le canal de Berg-op-Zoom à Bath.

19° Enfin donner à Berg-op-Zoom la propriété d’avoir toujours un point de son système sur l’île de Sud-Beveland.

ART. 2. – Dans lesdits projets, tous les emplacements nécessaires à Anvers pour la marine et la terre seront désignés; les devis en gros des ouvrages seront déterminés. Les ministres de la guerre et de la marine nommeront à cet effet une commission, qui sera chargée, sous la direction du premier inspecteur du génie, de ces travaux importants. Les plans détailleront les localités; les cotes de nivellement y seront indiquées, ainsi que les sondes de l’Escaut et de ses divers embranchements sur l’Écluse, sur le Sas-de-Gand, sur le canal de Berg-op-Zoom,  sur le Sloe, etc., de manière que l’ensemble du mémoire et des plans puisse justifier, expliquer et lever les difficultés que pourrait présenter le projet.

 

Schönbrunn, 25 septembre 1809

NOTES POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE

Anvers n’était qu’un arsenal de construction ; il est devenu aujourd’hui un port maritime d’armement et d’expédition. Les ennemis chercheront donc constamment à détruire mes établissements d’Anvers. Il faut donc sérieusement s’occuper de les protéger d’une manière relative à leur importance. J’ai aujourd’hui dix vaisseaux à Anvers, j’en aurai bientôt trente; ce sera véritablement mon principal arsenal.

DÉFENSE DU FLEUVE – Des vaisseaux de guerre ne peuvent se présenter devant Anvers qu’en traversant l’Escaut. Ils peuvent le traverser entre Flessingue et l’île de Cadzand ou entre Hammekens et l’île de Sud-Beveland; car il paraît que des vaisseaux de ligne sont entrés, cette fois-ci, dans l’Escaut par cette passe. La première de toutes les opérations est donc d’être maître absolu de ces deux passes.

L’ILE DE CADZAND.  – On a déjà tracé deux batteries dans l’île de Cadzand. On a, je crois, adopté deux forts permanents. Perfectionner ces forts, y établir un réduit casematé contenant un magasin à poudre et les autres magasins indispensables; couvrir ces fort par une inondation, assurer leur communication avec la place de l’Écluse; fortifier l’Écluse comme place de deuxième ligne; établir un pont sur pilotis et une tête de pont vis-à-vis l’Écluse, de sorte qu’il soit facile, en tout temps, de venir au secours des forts établis dans l’île de Cadzand : alors l’Écluse sera la place de dépôt et le point d’appui de la défense de l’île de Cadzand, et, ces trois points occupés, cette île sera à l’abri de toute attaque.

L’ÎLE DE WALCHEREN. – L’important, pour l’île de Walcheren, c’est d’avoir à Flessingue des batteries qui se croisent avec celles de l’île de Cadzand. Mais il faut aussi établir un système qui communique de Flessingue avec Rammekens, et construire une place sur le Sloe, afin que, dans aucun cas, on ne puisse isoler l’île de Walcheren de celle de Sud-Beveland. Mais il faut que l’île de Walcheren rentre en notre pouvoir, pour qu’on puisse déterminer ce qu’il convient de faire. La place située sur le Sloe rendra impossible le passage du canal, qui est extrêmement étroit. Les batteries de Flessingue et de l’île de Cadzand rendront difficile le passage de l’ennemi exposé au feu de ces deux batteries. En outre, différentes batteries peuvent être établies sur le Sud-Reveland pour battre les vaisseaux qui auraient dépassé Flessingue. Mais la première véritable barrière d’Anvers doit être le fort de Bath et un autre fort vis-à-vis l’embouchure, de la rivière de Hulst.

Première barrière, LE FORT DE BATH. – Le fort de Bath doit communiquer avec le fort de la rive gauche du canal de Berg-op- Zoom par un pont couvert de retranchements et d’inondations, de sorte qu’il soit impossible à l’ennemi d’isoler le fort de Bath du continent.

Une centaine de petites bouches à feu doivent être mises en batterie, tant dans ces ouvrages que dans les forts qui assureront la communication. Ces forts devront être disposés de manière à ne pas être à plus de 600 toises les uns des autres; ce qui, favorisé par le fort de la rive gauche, rendra cette barrière infranchissable.

Deuxième barrière, LILLO et LIEFKENSHOEK. – Lillo et le fort Liefkenshoek formeront naturellement la seconde barrière. Une centaine de bouches à feu dans ces deux forts, telles qu’elles s’y trouvent aujourd’hui, sont plus que suffisantes; mais il faut que, dans l’un et l’autre, des casemates à l’abri de la bombe soient construites, surtout pour les poudres et les magasins.

Troisième barrière, FORTS, ESTACADES ET CHAÎNES FERMANT LE PORT A 1,500 TOISES D’ANVERS. – Mais la troisième et réelle barrière d’Anvers doit être deux forts situés sur la rive droite et sur la rive gauche, à 1,200 ou 1,500 toises du rempart d’Anvers, et qui aient une communication assurée par les inondations avec le rempart et la Tête-de-Flandre. Ces forts doivent être tellement liés par d’autres forts et par les inondations, qu’il soit impossible de les isoler de la place; là doit être placée une double chaîne soutenue par des pilotis et fermant le port. Ces forts doivent pouvoir contenir chacun une centaine de bouches à feu.

De ces trois obstacles, un seul est suffisant pour arrêter l’ennemi le plus audacieux. Mais supposer qu’un ennemi raisonnable puisse entrer dans l’Escaut sans s’emparer d’une des deux rives serait une folie.

DÉFENSE DE LA RIVE GAUCHE. – Supposons donc que l’ennemi veuille opérer par la rive gauche; l’île de Cadzand et le fort de l’Écluse lui opposeront un premier obstacle qu’il sera longtemps à franchir. Après l’île de Cadzand, nous trouvons l’île d’Axel, où est la batterie de Terneuse. Terneuse doit être un fort capable de soutenir un siége; l’île d’Axel doit avoir pour défense le Sas-de-Gand et le fort Philippine. Vis-à-vis le fort Philippine, il doit y avoir un autre fort qui assure constamment la communication de Philippine avec l’île d’Axel. Enfin, entre l’île d’Axel et la Tête-de-Flandre, il est convenable de rétablir la place de Hulst; on lui donnera la propriété d’avoir aussi une tête de pont dans l’île d’Axel.

Enfin, si l’ennemi avait franchi tous ces obstacles, il arriverait devant Anvers, où la Tête-de-Flandre, qui doit être considérablement augmentée, soutiendrait une inondation de 2,000 toises.

L’ennemi, pour arriver à Anvers sous la protection de la mer, devrait donc s’emparer de l’île de Cadzand, de l’île d’Axel, des forts qui les défendent, et ensuite n’en serait pas plus avancé, puisqu’il rencontrerait la barrière de Lillo et de Liefkenshoek, et enfin la troisième et véritable barrière d’Anvers. Nous avons déjà fait connaître que notre intention était d’agrandir considérablement la Tête-de-Flandre et d’y comprendre tout le coude que forme la rivière. Il y avait autrefois deux forts parallèles. Tout ce coude de la rivière doit être occupé par l’inondation et par des forts qui la soutiennent.

L’ennemi, une fois maître de la rive gauche, pourrait passer l’Escaut et le Rupel et venir se placer devant la citadelle. Il est convenable que, dans celte hypothèse, la citadelle soit couverte, par une inondation et par un autre fort, à une étendue telle que trente vaisseaux puissent y mouiller à l’abri; car on m’assure que, dans la situation actuelle, la rivière ne peut contenir au mouillage que douze vaisseaux. Ainsi, pour assurer la défense de cette partie d’Anvers, il faut reconnaître la distance nécessaire pour trente vaisseaux, et planter là le premier jalon pour les travaux du fort et de l’inondation.

Ces forts ne doivent pas être considérables; l’ennemi qui viendrait là aurait peu de moyens à opposer aux obstacles les plus légers.

DÉFENSE DE LA RIVE DROITE. – Parlons de l’attaque de la rive droite, celle que l’ennemi a faite; c’est la véritable.

L’ennemi a pu se rendre à l’île de Sud-Beveland sans prendre Flessingue; mais s’il existe une place sur le Sloe, il devra s’en emparer auparavant.

Il ne s’emparera jamais du fort de Bath sans s’emparer du canal de Berg-op-Zoom; mais il est nécessaire que Berg-op-Zoom ait une tête de pont sur l’île de Sud-Beveland.

Les choses ainsi arrangées, le premier obstacle est le canal de Berg-op-Zoom. Il faudrait couvrir cette ligne d’inondations et d’ouvrages, de manière qu’une armée de médiocre consistance pût s’y appuyer. L’ennemi ne pourrait pas passer le canal sans laisser une armée devant Berg-op-Zoom, surtout si une tête de pont considérable permettait à la garnison de Berg-op-Zoom de déboucher dans le Sud-Beveland.

Une fois que l’ennemi aurait passé le canal de Berg-op-Zoom, il investirait Lillo.

Si l’inondation de Lillo peut se lier avec Anvers, et que l’ennemi ne puisse couper cette communication sans de grands travaux, la place en acquerra plus de moyens de défense.

Si enfin Lillo est pris, et que l’ennemi puisse remonter jusqu’aux deux forts dont on a parlé plus haut, ces forts lui offriront une barrière infranchissable.

ATTAQUE PAR LA MEUSE. – Il est une quatrième manière d’attaquer Anvers: ce serait de débarquer par la Meuse et de se porter droit sur Anvers. Mais alors l’ennemi aurait à passer entre les places de Berg-op-Zoom et de Breda, qui ne sont qu’à huit lieues de distance, pour arriver devant une place immense comme Anvers, sans le secours de sa marine, avec ses canons, ses munitions et tout l’attirail d’un siége.

Cependant cette observation est bonne à faire pour faire sentir que, dans tous les cas, il n’y aura de sûreté que quand Anvers sera mis en état de soutenir un siége et de renfermer dans ses murailles 25,000 hommes de troupes, tant bonnes que mauvaises, qui attendront là l’occasion d’en battre le triple ou le quadruple.

Nous avons parlé des ouvrages de la rive gauche ou Tête-de-Flandre; d’immenses inondations doivent les protéger.

La rive droite se divise en trois parties: la gauche, qui est susceptible d’inondation; la droite, qui en est également susceptible, et le centre, qui n’est pas susceptible d’inondation.

Il importe donc d’établir un projet qui couvre cette immense enceinte par des forts et tienne l’ennemi constamment éloigné de 1,800 toises de la place.

RÉSUMÉ. – Fortifier l’Écluse, les forts de l’île de Cadzand, le Sas-de-Gand, le fort Philippine, le fort Terneuse, la place de Hulst ; avoir des têtes de pont, de l’Écluse dans l’île de Cadzand, du fort Philippine dans l’île d’Axel, et de la place de Hulst dans l’île d’Axel: voilà pour la rive gauche.

Pour la rive droite : établir par des forts une communication assurée entre l’île de Walcheren et l’île de Sud-Beveland; faire une tête de pont à Berg-op-Zoom, dans l’île de Sud-Beveland; établir des forts pour assurer la communication du fort de Bath avec le continent.

Du côté de la rivière: avoir une première barrière formée par les forts de Bath et de l’embouchure de Hulst; avoir une seconde barrière formée par les forts Lillo et Liefkenshoek; enfin en avoir une troisième formée par les deux forts projetés à 1,500 toises d’Anvers. Un officier du génie d’un mérite distingué doit être chargé de faire ces projets, de faire les rectifications des cartes, de faire faire toutes les sondes, et enfin de présenter un travail complet.

 

Schönbrunn, 25 septembre 1809

Au général Clarke, comte de Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

J’ai reçu le plan du nouveau fort de l’île de Cadzand, et je ne puis qu’être extrêmement mécontent de ce que le génie a si peu fait. J’avais prescrit que ce fort fût en état pour la fin de juillet.

Il me semble nécessaire d’ajouter à ce fort deux ouvrages sur la digue, à peu près pareils à ceux que j’ai tracés, en aval et en amont, à une centaine de toises de la place. Le but de ces deux ouvrages sera de contenir chacun une batterie de six pièces de canon qui battent la rivière, et de contenir d’autres pièces qui flanquent tout le front et empêchent de s’approcher pour prendre des revers sur les bastions. Je crois assez nécessaire de placer une demi-lune sur le front vis-à-vis, et surtout de se ménager des inondations tout autour.

Il est fort important de pousser vivement ces travaux, afin qu’ils soient en état l’année prochaine.

Vous voyez combien le génie est coupable de n’avoir pas fait les travaux de la batterie de Nolle à Flessingue. S’il les eût faits, peut-être que Flessingue ne serait pas pris.

Vous avez vu dans ma lettre que je demande la démolition du château de Gand. Pour le rétablir, il faudrait un million, et ce serait un million mal employé. Je désire donc qu’on démolisse ce château et qu’on le vende.

Le simple aspect du plan ne me laisse pas voir en quelle situation se trouve l’Ecluse. Je vous ai fait connaître la propriété que je désirais qu’on donnât à cette place.

Je désire aussi avoir les sondes du canal de l’Écluse, ainsi que celles du canal du Sas-de-Gand.

Les travaux à faire à Ostende sur la rive droite et pour couvrir l’écluse de chasse me paraissent indispensables. Je pense de même relativement au fort à établir pour couvrir l’écluse de Slyckens; mais, aucun mémoire ne se trouvant à la suite du plan qui m’est présenté, je ne puis pas avoir une idée nette de ce qu’on veut faire.

Voici les idées que me fait naître le plan d’Anvers:

Je vois, du côté d’un endroit qu’on appelle Dam, des maisons qui sont au-dessus de l’inondation. Si l’ennemi occupait ces maisons, il  serait à 600 toises de la rivière. Il devient donc indispensable de faire, à 300 toises en avant de cet endroit appelé Dam, un fort qui soit à 1,200 toises de la rivière, dans la plus courte direction. Ce fort soutiendra les deux inondations et interceptera bien le chemin de Breda.

Je vois après, sur la route de Turnhoul, un grand village qu’il me semble également important d’occuper, à la tête, par un fort qui éloignera également l’ennemi de 1,500 toises de la rivière.

Enfin vient la partie faible, depuis la lunette 22 jusqu’à la lunette 34, en avant de la citadelle. Cet espace a 600 toises. Je suppose que cette année la lunette E sera achevée; elle parait fort importante, mais cette lunette E n’est qu’à 600 toises des chantiers. Il paraît donc que trois forts liés entre eux par un fossé et des retranchements en forme de camp retranché, et appuyant leur gauche à la troisième inondation et leur droite à la quatrième, sont indispensables. Cette tête de camp retranché peut avoir 1,600 toises de front et 8 ou 900 toises de perpendiculaire, depuis la lunette E. Ce sera là un bel emplacement pour contenir la garnison. Il faut un plan beaucoup plus étendu que celui qu’on m’a remis, et fait avec des cotes de nivellement, pour qu’on puisse se faire à cet égard une idée précise.

Mais tout cela ne doit pas être très-coûteux. On peut faire ces ouvrages en terre, sur un bel échantillon, et les flanquer par des pâtés placés dans les inondations. La lunette E, la citadelle et la place formeraient le réduit du camp retranché.

Du côté de Dam, l’inondation laisse à découvert une presqu’île; peut-être là un camp retranché serait-il utile.

On me met sous les yeux un autre plan, celui des inondations, que vous m’avez envoyé il y a quelque temps. Il en résulte que l’inondation d’Anvers irait jusqu’à 2,000 toises des chantiers du côté de Malines, et qu’il faudrait un ouvrage pour lier ces inondations avec la citadelle; que le pays qui ne peut pas être inondé, entre la quatrième et la troisième inondation, pourrait former un camp retranché de 1,600 toises à 2,000 toises de front; qu’enfin l’inondation irait jusqu’à Lillo ; qu’il ne sera donc question que d’établir autant de forts qu’il y a de digues, afin de défendre l’inondation; qu’un fort en avant d’Austruweel et un autre vis-à-vis, à 1,000 toises de la lunette qui est à l’extrémité de la Tête-de-Flandre, rempliraient mon but, qui est d’établir là l’estacade et de fermer le port.

Ainsi les projets qu’on doit me présenter se réduisent: en ouvrages en terre, à des retranchements protégés par les inondations, et en ouvrages permanents, à nettoyer les ouvrages avancés de la place, et surtout à faire des ouvrages pareils à la lunette E, qui lie la citadelle à la place, de manière que, le camp retranché enlevé et les inondations saignées ou passées sur la glace, la place offre encore une grande résistance comme place de guerre.

Il faut que le général Dejean s’occupe sérieusement d’Anvers; qu’il y fasse, s’il est nécessaire, un voyage, et qu’il se concerte avec la marine.

J’ai pris là-dessus un décret qui vous servira de règle.

 

Schönbrunn, 26 septembre 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, vous trouverez ci-jointe l’analyse de ma conversation avec M. de Bubna (lettre à Maret, du 23 septembre), Je vous l’envoie pour qu’à tout événement elle vous serve de règle.

Envoyez à M. de Gallo une copie de ma déclaration aux Américains (lettre à Champagny du 26 août). Je pense même qu’il n’y a pas d’inconvénient à la faire imprimer dans le Moniteur, c’est le moment favorable; envoyez-la donc par le courrier de demain à M. Maret, qui l’enverra au Moniteur.

 

Schönbrunn, 26 septembre 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, après avoir longtemps réf1échi sur la situation des trois villes de Hambourg, Lubeck et Brême, il me semble qu’il n’y a rien de plus avantageux pour la France que de laisser ces villes Villes impériales. Les donner à la Hollande, ce serait une chose préjudiciable à leurs intérêts. Il en serait de même de les réunir à la Westphalie. Je serai bien plus le maître de ces villes lorsque je les aurai sous mon autorité immédiate.

Je désire donc que M. Reinhard, mon ministre plénipotentiaire à Cassel, se rende à Hambourg et me présente, de concert avec M. Bourrienne et sans que cela transpire dans le public, 1° un projet de constitution; 2° les moyens d’exécution. Toutes les relations que ces villes avaient avec l’Empire germanique, soit dans leurs armes, soit de toute autre manière, on doit les établir avec l’Empire français. Elles ne doivent avoir de relations extérieures qu’avec la France et elles auront un ministre à Paris pour suivre leurs affaires. Elles auront une force armée pour défendre le pays; les grades supérieurs seront à ma nomination, comme Protecteur. Enfin je désire avoir l’autorité, soit sur la police et la direction de ces villes, soit de toute autre manière qui serait jugée convenable. J’ai déjà les postes. Je désire aussi un hommage de souveraineté, tel, par exemple, que la nomination du bourgmestre sur une liste triple formée par les États, ou toute autre chose de même nature. Vous ferez entendre à M. Reinhard que je le charge de cette mission, parce que je ne veux pas de ces tripotages d’argent qui déshonorent les gouvernements. Il peut quitter Cassel pour une quinzaine de jours, sous prétexte de santé ou sous tout autre prétexte. Si un petit accroissement de territoire est indispensable à ces villes, je ne me refuserai point à le leur accorder. Il faut aussi qu’elles fournissent un contingent à la Confédération. Il est nécessaire que, peu de temps après la paix, toute l’Allemagne soit organisée et que tout sorte du provisoire. Il me semble que cette affaire est celle qui demande le plus de préparatifs. Comme Protecteur, je veux aussi avoir le droit de donner des exequatur aux consuls étrangers, de manière à pouvoir les ôter, si cela est nécessaire. Je veux également pouvoir renvoyer des villes les étrangers qui seraient suspectés de tramer des choses contraires à mes intérêts.

 

Schönbrunn, 26 septembre 1809

Au comte Gudin, ministre des finances, à Paris

J’ai reçu votre rapport du 12 sur le parti à prendre sur les moines des Etats romains. Voici ma pensée, tant pour Rome que pour la Toscane, le Piémont et Parme: supprimer sans distinction tous les moines ; ordonner que, à dater de la publication du décret qui sera rendu, ils soient tenus de quitter l’habit et le couvent mendiants livrés à l’instruction publique, tous, sous quelque dénomination qu’ils soient, de sorte qu’en Italie et en France il ne reste plus aucun moine. Il faut vendre leurs maisons et leurs biens; ne laisser que ceux du mont Cenis, du mont Genèvre, du mont Saint-Bernard, sur l’Apennin, à la Chartreuse de Florence et dans quelques localités privilégiées.

Préparez-moi un projet de décret sur ces bases pour la Toscane Parme et le Piémont, afin que je puisse prendre ces mesures à la fois au prochain travail que je ferai à Paris. Cela décide donc la question. Je ne veux plus voir d’habit de moine, de couvent. Toute mesure dilatoire tend à les l’établir. Si d’un coup de massue on ne détruit pas ces ridicules institutions, on les verra renaître. Je ne voudrais pas les renvoyer chez eux, mais les attacher à des cures, chapitres, collégiales, de sorte qu’ils eussent tous des fonctions ecclésiastiques.

Mais cette secousse, ces changements doivent se faire à mon prochain travail à Paris, après la paix et quand j’aurai de bonnes garnisons à Florence, Parme et Rome. Jusque-là, il ne faut rien faire.

Seulement la Consulte, par mesure de police, peut renvoyer en France, en Allemagne, en Espagne, à Naples les moines étrangers et en purger Rome, sans mesure générale, mais par des mesures particulières. Je ne pense pas qu’il y ait autre chose à faire qu’à prendre toutes les précautions pour les surveiller et attendre le moment de la paix.

 

Schönbrunn, 26 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, faites connaître au roi d’Espagne que je vois avec peine qu’il ait cessé de faire travailler au Retiro; que la politique voulait qu’on travaillât jour et nuit à ces fortifications et pendant dix ans; que, si les ouvrages qui avaient été traces sont finis, il en fasse tracer d’autres, qui donnent à la place un grand relief et en prolongent la défense; que j’aurais désiré également qu’on ne cessât pas de travailler aux fortifications de Somo-Sierra, si nécessaires pour protéger la communication avec Aranda et Burgos.

Donnez au maréchal Jourdan l’autorisation qu’il demande pour rentrer en France, et faites connaître au Roi que j’ai nommé pour major général le duc de Dalmatie et pour commandant du 2e corps le général Laborde. Si le prince de Ponte-Corvo est en bonne santé et veut servir, envoyez-le en Catalogne pour commander toutes les troupes, tant celles qui sont à Barcelone et au corps du général Saint-Cyr que celles qui font le siége de Girone. Vous rappellerez en conséquence le duc de Castiglione.

Mandez au roi d’Espagne qu’en nommant le duc de Dalmatie major-général mon intention est qu’il ait le commandement sur tous les maréchaux employés à l’armée d’Espagne, et que, si cela était nécessaire, il puisse prendre le commandement d’un ou de deux corps et se porter pour manœuvrer contre l’ennemi.

 

Schönbrunn, 26 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Mon escadre dans la rade de Toulon n’est pas à l’abri d’une légère expédition. Si l’ennemi voulait débarquer entre les Sablettes et Balaguier un corps de 10,000 hommes, il tournerait toutes les batteries de l’Aiguillette qui défendent la petite rade. Il est donc d’une indispensable nécessité de construire un fort sur les hauteurs de l’Aiguillette. Ordonnez au génie de s’occuper de ce travail. Il ne faut pas un fort considérable; pourvu que 600 hommes se trouvent à l’abri d’un coup de main, ce point se trouvera suffisamment fort. Il est vrai qu’une pareille expédition sur Toulon n’aurait pas de grands résultats, parce que l’escadre rentrerait dans le port; cependant je n’en crois pas moins utile de s’occuper sérieusement de la construction de ce fort. Faites-moi connaître la situation actuelle du fort de Malbousquet, et s’il ne serait point nécessaire de construire une autre redoute entre Malbousquet et le fort Rouge, pour mettre la darse à l’abri d’un bombardement.

 

Schönbrunn, 26 septembre 1809

Au comte Fouché, chargé par intérim du portefeuille de l’Intérieur, à Paris

Une espèce de vertige tourne les têtes en France. Tous les rapports que je reçois m’annoncent qu’on lève des gardes nationales en Piémont, en Languedoc, en Provence, en Dauphiné. Que diable veut-on faire de tout cela ? Lorsqu’il n’y a pas d’urgence, et que cela ne pouvait se faire sans mon ordre ! Comme ces mesures passent le pouvoir ministériel, elles devaient être autorisées par le conseil des ministres; on ne m’a pas envoyé ce procès-verbal. A la nouvelle de l’expédition, j’ai levé 30,000 gardes nationales, et j’ai désigné les divisions militaires qui devaient les fournir; si j’en avais voulu partout, je l’aurais dit. Que l’Artois, la Flandre, le Brabant, la Lorraine fournissent des gardes nationales pour marcher au secours d’Anvers, parce que l’ennemi a débarqué dans l’Escaut, on comprend ce que cela veut dire; mais, lorsqu’on met en armes le Piémont, le Languedoc, la Franche-Comté, le Dauphiné, ces provinces ne savent ce qu’on leur demande. Le peuple prend de l’incertitude sur le gouvernement, les esprits travaillent; le moindre incident peut faire naître une crise. Je ne sais pas si l’on doit blâmer les individus du département des Forêts qui ont demandé à voir le décret qui leur ordonnait de marcher; il me semble qu’ils avaient ce droit. Aussi me suis-je empressé d’envoyer le décret pour les départements que je voulais lever. Je ne sais ce qui s’est fait aux environs de Paris; toutes les petites communes environnantes montent la garde, comme pendant la révolution. Je ne sais ce qui s’est passé à Paris. Il était plus simple d’organiser 3,000 hommes pour remplacer la garde municipale et de former deux ou trois bataillons pour aller à l’ennemi. Voilà ce qu’il y avait à faire au moment où je demande la conscription. Occupez vous de tout calmer. Parlez de cela au conseil des ministres. Comme je ne suis pas sur les lieux, je ne puis savoir ce qu’on a fait. Prenez des mesures pour que les préfets remettent les choses dans l’état où elles étaient. Je ne veux pas de gardes nationales autres que celles que j’ai requises, et, en y pensant mûrement, je ne veux pas d’officiers que je ne connais pas. Les préfets, qui sont des têtes médiocres pour la plupart, sont loin d’avoir ma confiance pour un objet de cette importance. Si les gardes nationales étaient comme les gardes d’honneur, on aurait donné au peuple des chefs qui auraient un intérêt différent du sien, surtout s’il y avait une crise.

En résumé: que le ministre de l’intérieur ne sorte pas de ses attributions; qu’il ne fasse rien sans mon ordre s’il n’y a pas urgence, et sans un ordre du conseil, s’il y a urgence; que tout rentre à Paris dans l’ordre accoutumé; qu’on ne garde que les cinq divisions de gardes nationales des départements où je les ai appelées. J’ai ordonné an ministre de la guerre de faire rentrer la gendarmerie, hormis 500 hommes. Enfin, si l’expédition se dirigeait sur Cherbourg ou sur la Bretagne, le conseil des ministres ordonnerait la levée dans les départements environnants. Mais préparer d’avance ne signifie rien; ce n’est que l’art de mettre la France en combustion. Mon intention est que qui que ce soit ne porte l’uniforme d’officier de gardes nationales, hormis toutefois ceux des cinq divisions qui auront été brevetés par le ministre de la guerre. J’attache la plus grande importance à effacer ces fausses mesures de manière qu’il n’en reste pas de trace.

J’ai eu la pensée de former les cadres des gardes nationales de France, d’abord pour servir dans les cas pareils à ceux qui se sont présentés, mais surtout pour donner une direction à l’esprit national dans les temps de crise. Je n’ai jugé cette opération faisable que dans la quinzième année de mon règne. J’ai avancé mon système pour avoir une masse d’hommes attachés, titrés, pour en tirer des officiers.

Faites-vous représenter les circulaires des conseillers d’État, et, sans réaction, sans commotion nouvelle, faites tout rentrer dans l’ordre. Lorsque Walcheren sera repris, je diminuerai les gardes nationales dans les départements mêmes où je les ai appelées. Tout doit être effacé, hormis les gardes nationales qui restent sous les drapeaux.

Je recommande surtout que les mesures qui vont être prises le soient sans publicité, sans trouble. Mon intention est que les officiers des cinq divisions provisoirement conservées soient brevetés. Nul ne peut être officier en France sans brevet de moi.

 

Schönbrunn, 26 septembre 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je ne vois pas pourquoi vous trouvez tant de difficultés aux prames que je désire avoir à Anvers. Voici mon idée : Anvers a besoin d’être protégé; croyez-vous que six vaisseaux à trois ponts embossés entre Lillo et Liefkenshoek, ou entre Terneuse et Sud-Beveland, ne seraient pas d’un merveilleux effet ? Mais ces vaisseaux tirent trop d’eau, seraient trop gênés dans leurs mouvements et sont trop précieux. Eh bien, je voudrais les remplacer par six prames qui non-seulement ne craignissent ni la Ville-de-Paris ni l’Océan, mais qui pussent se battre corps à corps avec eux et avoir d’immenses avantages dans le genre de guerre que je vais employer.

Pour lutter contre un vaisseau à trois ponts, il faut un vaisseau à trois ponts: mon bâtiment y équivaudrait. Je ne veux l’embosser que dans les points de l’Escaut où il y a moins de dix pieds d’eau et où il sera impossible à une frégate et à un vaisseau de 74 de s’en approcher à portée de fusil. Vous sentez que les sloops, bricks, corvettes, cutters, bâtiments légers seraient écrasés par cette machine. Un vaisseau de 74 tire vingt pieds d’eau et par conséquent n’en approchera que d’une encablure; il sera écrasé. Ainsi ma prame aura l’avantage sur toutes les flottes possibles anglaises. Un vaisseau à trois ponts en approcherait-il mieux ? Elle n’aura rien à craindre. L’avantage d’un trois-ponts consiste dans la rapidité de ses évolutions; le mien ne peut évoluer ni virer; mais le vaisseau à trois ponts aura beau manœuvrer et virer comme il voudra, ne pouvant approcher de deux encablures du mien, il ne pourra rien contre lui.

Je suppose actuellement mon escadre mouillée entre Flessingue et Terneuse. Sera-ce donc un petit avantage que sa ligne d’embossage soit flanquée par de pareils bâtiments ? Croyez-vous que des prames, placées sur le banc de Flessingue ou de l’île de Cadzand et entourées d’une trentaine de chaloupes et d’une dizaine de caïques, ne rendront pas impossible le passage de l’Escaut ? Cela a d’autant moins d’inconvénient qu’au bout de six heures la prame n’a qu’à lever son ancre et elle va où elle veut; elle monte et descend avec la marée; elle n’a pas de navigation, a de très petites  mâtures et donne par conséquent peu de prise aux boulets. C’est, en un mot, une grosse batterie flottante.

Si on juge qu’une batterie de 80 soit suffisante pour ce bâtiment, parce que dans l’Escaut il ne peut entrer de trois-ponts et que cela coûte moins, je n’y vois pas d’inconvénient. C’est donc, en un mot, une batterie de 80 d’un échantillon plus fort, la mâture plus petite, ne portant que quinze jours de vivres, ne tirant au plus que huit pieds d’eau et destinée à être toujours placée sur des fonds où un vaisseau de ligne ne peut la choquer. Ce vaisseau ne doit pas me coûter 200,000 francs, puisqu’il n’entre dans sa construction que des bois droits; qu’il suffit de lui donner la capacité nécessaire pour recevoir les batteries; qu’il n’y faut point d’emplacement pour les vivres et l’eau, et qu’enfin, étant plus petit, pour avoir la résistance d’un 80, des mâts de France, des mâtures légères doivent suffire.

Indépendamment, il aura l’avantage d’épargner mes vaisseaux. Il est fâcheux que, depuis qu’il est reconnu que l’île d’Aix est accessible à l’ennemi, on n’ait pas construit deux bâtiments sur ce modèle pour protéger mon escadre, quoiqu’il y ait, je l’avoue, plus de difficultés à cause des tempêtes, etc. ; mais ici où il y a un courant et un contre-courant constants, cela n’offre pas de difficulté.

Occupez-vous de cette idée et des moyens de la réaliser.

L’Escaut devant avoir bientôt trente vaisseaux de ligne, et le scrupule qu’on avait sur ce fleuve détruit, Anvers devenant un port d’armement, il est évident que de pareils bâtiments me sont nécessaires pour rester constamment maître de cette rivière. On peut encore étudier les précautions à prendre pour que l’abordage de ces bâtiments soit le plus difficile possible, pour les défendre des obus et pour que les canonniers y soient plus à l’abri que dans un vaisseau de guerre.

Aucun fort n’est possible entre Flessingue et Cadzand. Ce serait jeter 20 millions à la mer. Ces forts me sont inutiles, car avec ces prames j’aurai des forts mobiles plus avantageux. Il me faudrait aussi avoir des bombardes construites de même, portant quinze à seize mortiers. De pareils bâtiments, embossés dans un lieu où il n’y a pas d’eau et jetant douze ou quinze bombes à la fois, seraient d’un grand résultat. Je me servirais aussi de ces bâtiments ne tirant pas dix pieds d’eau dans les canaux de l’Escaut et partout ils me porteront des forts; en un mot, c’est le fort de Montalembert rendu mobile.

S’ils pouvaient être construits promptement ils me serviraient à reprendre Walcheren. Je les embosserais entre le Sloe et Sud-Beveland ; mais je regarde comme une folie que les Anglais veuillent sérieusement garder l’île de Walcheren.

Il faudrait d’abord construire un modèle ; on les mettrait à l’eau, et l’expérience indiquerait les modifications à y faire, pour ensuite en construire plusieurs.

Pour pousser l’examen de cette question jusqu’au point où il peut aller, je désirerais que vous me fissiez rédiger un mémoire qui me fit connaître la limite qu’on peut atteindre. Serait-il possible de faire un bâtiment  qui eût cent pièces de canon de chaque côté et ne tirât que dix pieds d’eau ? Et si les ingénieurs le croient possible, il faut aller jusqu’à la limite. Pourrait-en en faire un de trois cents pièces de canon ? Il me semble que dans un vaisseau la plus grande partie est sous l’eau, ce qui est nécessaire pour donner de la marche au vaisseau.  Il n’y a ici sous l’eau que l’indispensable pour porter le poids. Dans les vaisseaux  aussi on a besoin on a besoin d’une cale pour mettre l’eau et les vivres. Ici, il ne faut que le quinzième de la place qu’on réserve dans les vaisseaux pour l’eau et les vivres.

Quant à les faire descendre d’Anvers à Flessingue et remonter de Flessingue à Anvers, il me semble que cela ne peut avoir de difficulté, soit en remorquant le bâtiment, soit en se servant de corps-morts, si cela est nécessaire, et en se servant de la marée. Et si, par des raisons que je ne connais pas, il est impossible de faire un bâtiment de 80, quel en serait le minimum ? Peut-on faire une batterie de quarante pièces de canons ? Etc.

 

Schönbrunn, 26 septembre 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris.

Envoyer quelques vivres et de petits secours à la Guadeloupe est une opération d’aucun résultat. Il faut envoyer à la Guadeloupe une expédition suffisante pour reprendre l’île des Saintes. J’ai à cet effet désigné, depuis les premiers jours d’août, Rochefort pour point de départ. J’estime qu’il faut cinq vaisseaux de ligne, une frégate et une ou deux petites corvettes. J’ai à Rochefort 1,700 matelots en rade; j’en ai 700 sur les bâtiments portés comme chargés de la protection de ces côtes; cela fait donc 2,400 matelots; j’en ai 600 à Nantes, en rade, et 300 employés à la protection de la côte; cela fait donc 3,300 matelots. J’ai à Bordeaux 160 matelots en rade et 450 employés à la protection de la côte; j’en ai 200 à Bayonne; cela me fait plus de 4,000 matelots. Cependant cinq vaisseaux et une frégate ne me feront que 2,500 matelots, au plus 3,000. Je puis donc, avec les 4,000 matelots que j’ai, armer cinq vaisseaux en guerre, armer même les plus mauvais en flûte, qu’on laisserait à la Guadeloupe.

Ainsi j’aurais une expédition de cinq vaisseaux, d’une frégate et d’une ou deux corvettes ou bricks, d’une ou deux grosses flûtes, soit qu’on prît un vaisseau de guerre, soit les deux flûtes qui sont à Nantes.

Cette expédition pourrait porter 3,000 hommes de bonnes troupes; elle arriverait droit sur les Saintes, s’en emparerait, jetterait ses 3,000 hommes dans la colonie, y laisserait ses deux flûtes ou son vaisseau armé en flûte, qui seraient bondés de denrées; après quoi, l’escadre continuerait son mouvement pour regagner les côtes de France. La colonie de la Guadeloupe, recrutée de bonnes troupes, aurait 5 à 6,000 hommes; les Anglais ne pourraient la prendre qu’avec une immense expédition et alors cette colonie serait sauvée.

Tout est prêt à Rochefort; désignez les vaisseaux et organisez cette expédition promptement. Les vaisseaux n’auront pas besoin d’aller en rade; ils partiront du bas de la rivière.

L’expédition de Cayenne peut partir de Lorient, où j’ai deux vaisseaux et deux ou trois corvettes ou bricks. 1,200 hommes doivent être suffisants pour reprendre Cayenne; on les y laisserait. Vous y laisseriez également les bâtiments, corvettes ou bricks que vous feriez construire à cet effet.

Les deux vaisseaux que j’ai à Cherbourg et la frégate seraient chargés de ravitailler l’île de France, de faire lever la croisière que les Anglais ont l’habitude de tenir là, qui est inférieure ordinairement à deux vaisseaux, de porter du secours à la colonie et de rester à la disposition du commandant pour croiser et faire du mal aux Anglais.

La division qui partira de Cherbourg pourrait être composée de deux vaisseaux, de trois frégates et de deux ou trois bricks, et détacherait en route deux frégates et les petits bâtiments pour reprendre le Sénégal.

Par ce moyen, j’aurai repris mes colonies.

Quant à l’idée de faire venir des équipages d’Anvers, c’est une idée folle. J’ai besoin de ma flotte pour reprendre Flessingue, et je désirerais même que ma flotte partît d’Anvers par un temps fait et se rendît à Toulon.

L’escadre qui aurait été ravitailler la Guadeloupe aurait ordre positif de rentrer dans la Méditerranée.

Quant à San-Domingo, il a été pris. Les nouvelles d’Angleterre du 10 nous font connaître la capitulation. Cette brave garnison s’est défendue bien des années, et, si on y avait envoyé un vaisseau, deux frégates et 600 hommes, on aurait sauvé cette importante colonie.

Le Sénégal a été pris par 100 hommes de l’île de Gorée. Il paraît qu’il n’a jamais été ravitaillé.

 

Schönbrunn, 26 septembre 1809

Au comte Daru, intendant général de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur Daru, je vous ai déjà fait connaître qu’il fallait faire un approvisionnement de siége à Klagenfurt. Non-seulement vous n’avez donné aucun ordre, mais le commissaire des guerres de Gratz s’y oppose. Prenez les mesures les plus promptes, et faites-moi un rapport sur la manière dont le service se fait dans cette place. Des approvisionnements n’y sont pas formés; le soldat n’a pas de vin, et le pain est mauvais. Le soldat souffre par la faute de l’intendant et du commissaire des guerres. Pourquoi ne profite-t-on pas du moment où Trieste n’est pas bloqué pour transporter les marchandises à Venise ? Faites partir sur-le-champ des ordres pour qu’au 1er octobre les marchandises que l’on a saisies à Trieste soient embarquées et transportées à Venise dans des magasins à mon compte. Faites mettre à la disposition du vice-roi une somme de 100,000 florins pour frais d’expédition de courriers et autres dépenses extraordinaires et secrètes.

 

Schönbrunn, 26 septembre 1809

Au général comte de La Riboisière, commandant l’artillerie de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur le Général la Riboisière, le 18 septembre il n’a avait aucune pièce arrivée de Laybach  à Klagenfurt. ; il n’y avait pas de poudre ; l’artillerie de cette place était dans le plus mauvais état. Il n’y avait que deux pièces de 12, quatre de 6, deux de 3, un obusier, 1,000 cartouches d’infanterie et trente canonniers. Cependant cette place peut-être assiégée d’un moment à l’autre. Faites-moi connaître les mesures que vous avez prises et qui me tranquillisent sur la situation de cette place.

Pourquoi laissez-vous á Trieste 22,000 fusils, 1,000 sabres, 1,900 gibernes, 1,400 ceinturons, etc. ? Et pourquoi ne faites-vous pas évacuer tout cela sur Palmanova ?

 

Schönbrunn, 26 septembre 1809

Au maréchal Soult, duc de Dalmatie, commandant l’armée de Portugal, à Plasencia.

Mon Cousin, j’ai tété mécontent de votre conduite. Mon mécontentement est fondé sur cette phrase de la circulaire de votre chef d’état-major : « Le duc de Dalmatie serait prié de prendre les rênes du gouvernement, de représenter le souverain et de se revêtir de toutes les attributions de l’autorité suprême, le peuple promettant et jurant de lui être fidèle, de le soutenir et de le défendre aux dépens de la vie et de la fortune contre tout opposant et envers même les insurgés des autres provinces jusqu’à l#entière soumission du royaume… » C’eût été un crime qui m’eût obligé, quelque arrachement que je vous porte, à vous considérer comme criminel de lèse-majesté et coupable d’avoir attenté à mon autorité, si vous vous fussiez attribué le pouvoir suprême de votre propre mouvement. Comment auriez-vous du jeu des passions et de l’intrigue ? Comment, avec les talents que vous avez, auriez-vous pu penser que je consentisse jamais à vous laisser exercer aucune autorité, sans que vous la tinssiez de moi ? Il y a dans cela un oubli des principes, une méconnaissance de mon caractère et des sentiments et de l’orgueil de la nation, que je ne puis concilier avec l’opinion que j’ai de vous. C’est avec ces fausses démarches que le mécontentement s’est accru, et qu’on a pensé que vous travailliez pour vous et non pour moi et pour la France. Vous avez sapé le fondement de votre autorité, car il serait difficile de dire si, après la circulaire émanée de vous, un Français qui eût cessé de vous obéir eût été coupable.

Dans votre expédition, j’ai été fâché de vous voir vous enfourner sur Oporto sans avoir détruit la Romana, de vous voir rester si longtemps à Oporto sans rouvrir vos communications avec Zamora, marcher sur Lisbonne ou prendre un parti quelconque. J’ai vu avec peine que vous vous fussiez laissé surprendre à Oporto, et que mon armée, sans combattre, se fût sauvée presque sans artillerie et sans bagages.

Toutefois, après avoir longtemps hésité sur le parti que je devais prendre, l’attachement que j’ai pour vous et le souvenir des services que vous m’avez rendus à Austerlitz et dans d’autres circonstances m’ont décidé; j’oublie le passé, j’espère qu’il vous servira de règle; et je vous confie le poste de major-général de mon armée d’Espagne. Le Roi n’ayant pas l’expérience de la guerre, mon intention est que, jusqu’à mon arrivée, vous me répondiez des événements. Je veux moi-même entrer le plus tôt possible à Lisbonne,

 

Schönbrunn, 27 septembre 1809, deux heures après midi

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, je désire qu’une heure après la réception du présent courrier vous partiez pour vous rendre près de moi. Vous laisserez un de vos secrétaires comme chargé d’affaires à Altenburg, et vous ferez connaître à M. de Nugent que, voulant profiter du moment où M. de Metternich est près de son maître, vous vous rendez à Vienne pour vous aboucher avec moi. Apportez avec vous les papiers qui vous sont le plus nécessaires, et faites-vous suivre par les personnes dont vous pouvez avoir le plus besoin, et laissez seulement à Altenburg un de vos secrétaires et une partie de votre maison.

 

Schönbrunn, 27 septembre 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Je m’empresse de vous faire connaître que la cour de Dotis paraît enfin avoir adopté mes bases.

Le prince de Liechtenstein est arrivé ici, et la paix peut être signée dans peu de jours. Mon intention est que ceci reste secret. Je n’en écris qu’à vous, afin que, s’il y a des troupes en marche pour l’armée, vous puissiez les arrêter, telles que la cavalerie qui était au Nord et que je dirigeais sur Hanovre. Vous pouvez la diriger sur Paris, ainsi que ce qui existe dans les dépôts; car mon intention est de faire filer tout cela du côté de l’Espagne, pour en finir promptement de ce côté.

S’il y avait des convois de poudre, de boulets, etc., arrêtez-les à l’endroit où ils se trouvent.

 

Schönbrunn, 27 septembre 1809

Au comte Fouché, chargé par intérim du portefeuille de l’Intérieur, à Paris

Le bureau chargé des affaires du commerce au ministère de l’intérieur ne fait rien pour le commerce de la France. Témoignez-lui-en mon mécontentement. Si ce bureau avait fait son devoir, il aurait profité de mon entrée à Vienne pour engager les négociants et les fabricants à exporter des draps, porcelaines et autres marchandises qui payent des droits considérables en Autriche. Les draps seuls payent 60 pour 100. Je les aurais comme de raison exemptés de payer ces droits, et j’aurais bondé les magasins de Vienne. Mais ce bureau ne pense et ne fait rien. Voyez ce qu’il est encore possible de faire.

 

Schönbrunn, 28 septembre 1809

Au prince Cambacérès, archichancelier de l’Empire, à Paris

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 22 avec la démission de M. Cretet. Tout ce que demande M. Cretet lui sera accordé. Il aura le titre de ministre d’État; il sera admis au Conseil, et, de plus, aussitôt que je le verrai un peu rétabli, je lui confierai la surintendance des bâtiments de la couronne.

 

Schönbrunn, 28 septembre 1809.

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Vous témoignerez mon mécontentement au général Morand sur sa conduite, qui est devenue abusive et tyrannique. Je lui ai confié le commandement de la Corse avec des pouvoirs extraordinaires pour y maintenir la tranquillité, et non pour en inquiéter les bons citoyens.

Vous lui ferez connaître qu’il n’a point le droit d’empêcher aucun bon citoyen de l’île de Corse de se rendre en France et de porter ses doléances au Gouvernement; que c’est abuser étrangement des droits que je lui ai donnés; que je veux espérer, qu’il changera et que je ne serai pas obligé de méconnaître les services qu’il a rendus il y a plusieurs années. Qu’il se conduise comme dans les premiers temps de son commandement et que l’exercice du pouvoir ne le rende pas tyrannique; ses mesures sont vexatoires. Il ne connaît pas l’esprit du pays; il faut le mener avec fermeté, mais non le traiter arbitrairement. La supposition d’une conspiration pour livrer la ville d’Ajaccio aux Anglais est pitoyable et ridicule.

 

Schönbrunn, 28 septembre 1809

Au comte Gudin, ministre des finances, à Paris

Je suis extrêmement mécontent de la conduite des administrateurs des postes. Cela m’a déterminé à prendre un décret pour leur ôter la franchise des lettres. Les correspondances des conspirateurs et des ennemis de l’État passent sous le couvert de ces administrateurs. Une correspondance de cagots, de Bordeaux à Paris, se fait sous le couvert du sieur Auguié. S’il m’arrive encore des plaintes sur des objets de cette nature, je changerai l’administration des postes et je ne laisserai que le directeur. Veillez à ce que la franchise que nous laissons à ce dernier ne donne lieu à aucun abus.

 

Schönbrunn, 28 septembre 1809

Au comte Fouché, chargé par intérim du portefeuille de l’Intérieur, à Paris

Je vous envoie une sentence de la cour spéciale d’Ajaccio, une lettre du général Morand (nommé en 1801 administrateur de la Corse, sous les ordres de Miot de Melito, lequel quitte l’île en 1802. Morand exerce alors tous les pouvoirs : Une expression populaire qualifie cette justice arbitraire de « ghjustizia morandina ».) et plusieurs autres lettres. J’ordonne au sénateur Casabianca (Raphael Casabianca – 1738 – 1825 – Sénateur d’Ajaccio) de se rendre en Corse. Je ne puis me dissimuler que le général Morand abuse de son autorité. J’ai l’opinion de dix ou douze hommes de ma connaissance, Corses réfugiés, exaltés et très ennemis des Anglais, et qui certifient que cette conspiration est absolument une fable. Je vois que le général Morand retient au Fiumorbo soixante personnes, qu’il tyrannise le pays, qu’il refuse des passeports pour France, etc. Écrivez aux préfets qu’ils aient à vous faire connaître ce qui se passe dans le pays, et au général Morand qu’il n’a pas le droit d’empêcher des Corses de passer en France surtout lorsqu’ils ont des plaintes à porter. Causez avec le sénateur Casabianca. Depuis deux ans, il me semble que le général Morand a outré ses principes de gouvernement, et, au lieu d’être ferme, est arbitraire et tyrannique. Je vous renvoie cette affaire du Fiumorbo, où il m’a arrêté une centaine d’individus. Tâchez de nouer quelque correspondance en Corse, et faites arrêter ceux qui sont soupçonnés d’être les auteurs de tout cela.

Lancez un mandat d’arrêt contre le nommé Mazel, ancien chanoine de Mende, qui a été compromis dans la conspiration de Bayreuth et qui est aujourd’hui en Corse précepteur des enfants du général Morand, et contre un nommé Bonhomme, officier dans les troupes corses, qui vient d’arriver à Livourne. Décernez des mandats d’arrêt, aux termes de la Constitution, contre ces deux individus, qui sont ceux qui troublent la Corse, qui supposent des conspirations où il n’y en a point et nuisent à la tranquillité.

 

Schönbrunn, 28 septembre 1809

Au comte Casabianca, sénateur, à Paris

Monsieur le Comte Casabianca, nous désirons que vous vous rendiez sans délai dans votre sénatorerie, que vous visitiez les départements du Golo et du Liamone, et particulièrement les villes de Bastia, Calvi, Ajaccio, Sartène, Corte, Bonifacio, et que vous soyez de retour à Paris dans le courant de janvier;

Votre mission, comme celle des sénateurs dans leurs sénatoreries, doit être toute d’observation. Vous vous environnerez, pendant votre séjour, des fonctionnaires publics et des personnes les plus considérables du pays. Leurs communications avec vous auront l’effet de répandre le véritable esprit du Gouvernement et de faire parvenir à votre connaissance les observations, tant sur les hommes que sur les choses, dont il importerait au bien de notre service que nous fussions informé.

Vous porterez une attention particulière, mais secrète, sur la conduite du général Morand. Nous lui avons confié le commandement de la Corse pour qu’il administre avec fermeté, et non avec tyrannie. Nous apprenons qu’il refuse des passeports à des citoyens et qu’il se permet des actes abusifs.

Nous vous autorisons à nous écrire directement de tous les chefs-lieux où vous irez, pour nous communiquer vos observations et les renseignements que vous aurez recueillis.

Vous ferez néanmoins un rapport général, que vous nous remettrez à votre retour, et qui comprendra, non seulement un compte rendu sur la situation du pays, mais aussi les observations que vous croirez devoir nous présenter, tant sur les fonctionnaires publics actuels et les hommes dignes d’être appelés à des fonctions publiques que sur les parties de l’administration qui pourraient être en souffrance et qui exigeraient ou des encouragements ou des modifications. Nous avons donné des ordres à nos ministres de l’intérieur et de la guerre pour que vous soyez reçu et traité comme le sont les sénateurs voyageant dans leurs sénatoreries, et à notre ministre de la marine afin qu’il fasse fournir à Toulon une corvette pour vous porter en Corse.

Nous avons le droit, Monsieur le Comte de Casabianca, de compter sur votre zèle, lorsque nous voulons recevoir de vous des informations utiles aux intérêts de l’État et au bien-être de nos peuples.

 

Schönbrunn, 29 septembre 1809

Au prince Cambacérès, archichancelier de l’Empire, à Paris

Le mémoire que vous m’avez envoyé sur les expropriations administratives ne traite pas la question avec assez d’étendue. Vous trouverez ci-jointe mon opinion, rédigée en forme de projet, pour être envoyée au Conseil d’Etat

PROJET SUR LES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D’UTILITÉ PUBLIQUE.

D’abord on doit définir quelles sont les formes qui constatent l’utilité publique. Il faudrait que ce fût un sénatus-consulte, une loi ou un décret délibéré en Conseil d’État. S’il prend fantaisie à un préfet d’augmenter d’une aile ou d’un jardin la préfecture, la prison ou l’hôpital, ce ne doit pas être une raison pour exproprier aucun citoyen; il faut qu’un acte de l’autorité supérieure dise que cela est utile, et que, en conséquence, les propriétaires seront tenus de faire la cession de leur propriété moyennant les formes voulues par les lois et usages. Ainsi le Conseil seul aurait le droit de déclarer les travaux qui seraient dans le cas de jouir de ce privilège.

Cela une fois posé, le préfet ferait connaître au propriétaire qu’il doit céder sa maison ou son champ. Celui-ci y consentirait ou n’y consentirait pas.

S’il y consentait et qu’on fût d’accord sur le prix, l’expropriation aurait lieu par un acte en la forme ordinaire, passé par-devant notaire ou, si l’on veut, au secrétariat de la préfecture, et signé par le cessionnaire. Cet acte, que je considère comme un acte ordinaire, serait justiciable des tribunaux; et, comme les tribunaux ne pourraient pas faire saisir le préfet par corps ni dans ses biens pour la non-exécution du contrat, il faudrait que, le propriétaire venant à n’être pas payé, l’affaire fût plaidée à l’audience; que le procureur impérial y fût interpellé de dire pourquoi le payement n’a pas eu lieu; que celui-ci, ayant demandé trois ou quatre jours pour répondre, s’étant concerté dans l’intervalle avec le préfet et ayant ensuite répondu, le juge, au lieu d’ordonner la saisie du préfet dans ses biens ou dans sa personne, pût conclure à ce que référé en fût fait au grand juge ministre de la justice, pour soumettre à Sa Majesté les plaintes de ses fidèles sujets et provoquer des mesures qui assurent le payement des sommes valablement dues par telle commune, par tel département ou par tel service public.

Mais, si le propriétaire n’est pas d’accord, la cause de sa discordance peut venir de deux raisons différentes. Ou il croit que ce n’est pas le cas d’utilité, et alors il déclare au préfet qu’il ne nommera pas d’experts et qu’il ne veut pas céder sa propriété. Le préfet doit l’appeler au tribunal de première instance, et, sous trois jours, le propriétaire en personne ou son fondé de pouvoir doit répondre devant le juge et dire pourquoi il se refuse à la cession de sa propriété. Si le procureur impérial ne peut pas prouver qu’il y ait un arrêt du Conseil et que le cas d’utilité existe, le juge déclare qu’il n’y a pas lieu à l’expropriation, et le préfet ne peut aller outre. Si, au contraire, le procureur impérial peut établir que la dépossession est dans le cas d’utilité publique, le juge ordonne que le propriétaire ait à céder sa propriété, à nommer les experts et à se mettre en règle par un contrat.

La seconde raison de la discordance du propriétaire avec l’administration peut être l’évaluation; mais alors les formes sont claires et le juge, prononçant sommairement, ordonne l’expropriation à telles conditions. Alors l’expropriation n’a plus lieu par consentement mutuel et contrat, mais par sentence.

Il me semble que ce système marche bien, qu’il ne peut avoir aucun inconvénient, ou que, du moins, les praticiens peuvent y mettre des restrictions qui accélèrent la marche de la procédure.

J’avoue que je ne m’accoutume pas à voir l’arbitraire se glisser partout, et un si vaste empire avoir des magistrats sans qu’on puisse leur adresser des plaintes. Je sais qu’on dira que cela entravera tout: mais je sais que cela n’entravera rien et que cela empêchera d’énormes abus. Cela n’entravera rien, parce qu’on peut fixer pour les délais de la procédure une semaine et même trois jours, laps de temps fort raisonnable. Il restera une question à décider: ne doit-on mettre la main au travail que la propriété ne soit payée ? Le code Napoléon le veut ainsi; mais je pense que l’on pourrait, soit par la sentence, lorsque l’expropriation est forcée, soit dans le contrat, lorsqu’elle a lieu de gré à gré, stipuler qu’il y aurait toujours un premier payement, ne fut-il que de 500 francs, réglé au quart, au cinquième, ou même au dixième du prix, que l’on considérerait comme des arrhes, et moyennant lequel possession pourrait être prise par l’administration.

Voilà mes idées sur cette question, plus importante qu’on ne veut le croire, puisqu’en s’accoutumant à jouer avec la propriété on la viole, et qu’il en résulte des abus révoltants qui mécontentent l’opinion publique.

Moyennant ces précautions, j’arrive à un premier principe, qui devrait être dans le code judiciaire, s’il ne se trouve pas dans le code Napoléon: qu’aucun citoyen ne peut être exproprié que par un acte judiciaire. On n’acquiert la propriété que par testament, par donation ou par achat, et tous ces actes sont des actes judiciaires. On ne doit la perdre que par une vente ou par une sentence, qui sont aussi des actes judiciaires. Enfin il me semble que c’est une idée utile que, lorsque les juges ne peuvent rendre la justice, et c’est le cas dont il s’agit ici, parce qu’ils ne peuvent faire saisir l’administration, ils puissent du moins recommander les droits de leurs justiciables à l’autorité supérieure.

Je prie mon cousin l’archichancelier de l’Empire de lire ce mémoire à la première séance du Conseil d’État et de charger la section de législation, à laquelle se réunira le comte Montalivet, de présenter un projet de règlement conforme à ces vues.

 

Schönbrunn, 29 septembre 1809

Au comte Fouché, chargé par intérim du portefeuille de l’Intérieur, à Paris

Je ne puis sortir des règles de l’administration et donner des licences en blanc à la grande-duchesse. Écrivez-lui qu’elle peut faire des demandes pour des négociants de Livourne et que vous lui enverrez les licences qu’elle désirera. J’ai vu dans un de vos rapports que vous vouliez continuer les licences par une simple décision ministérielle.

Cela aurait d’autant plus d’inconvénient que probablement les douanes ne reconnaîtraient pas ces décisions, et que, pris par les corsaires, les bâtiments seraient déclarés de bonne prise; et, dans l’un et l’autre cas, je ne pourrais que ratifier ces jugements. Je reconnais toujours dans vos actes la même marche; vous n’avez pas assez de légalité dans la tête. Vous pouvez donner une seconde licence quand la première est expirée. Il n’y a pas d’inconvénient que désormais on fasse les licences de six mois.

 

Schönbrunn, 30 septembre 1809, minuit

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Altenburg

Monsieur de Champagny, le prince de Liechtenstein et le général Bubna étant venus au spectacle, je les ai fait appeler, le spectacle fini. Nous sommes convenus ensemble qu’ils finiraient dans la journée de demain, c’est-à-dire qu’ils se mettraient en règle avec vous; que M. de Bubna partirait pour Dotis et serait de retour dans quarante-huit heures, et que rien ne serait changé.

Voici les conditions: 1° je leur ai proposé de supprimer l’article relatif aux deux régiments à tenir dans la Styrie; 2° nous sommes convenus que l’article sur la réduction des troupes comprendrait le terme de diminution des cadres à 150,000 hommes, jusqu’à notre paix avec l’Angleterre; 3° nous sommes convenus que, pour l’Inn, je me désisterais de la portion du territoire que je vous ai dit d’attribuer sur la rive gauche du Danube en remplacement des salines; 4° pour la Galicie, il a été convenu qu’ils garderaient les deux cercles et ne céderaient que jusqu’à Cracovie, avec un arrondissement désigné de manière que les Polonais eussent du sel, et qu’en général la différence serait prise par moitié, c’est-à-dire que la population de la nouvelle Galicie avec le district de Zamosc, qui est ce qu’ils offrent, et la population des deux districts au sud de Cracovie et des trois districts pour la Russie, qui forme la différence des deux projets, seraient divisées en deux; ce qui conduit à vous désister des deux palatinats au sud de Cracovie et de celui de Lemberg; bien entendu qu’à Cracovie il faut joindre une portion des salines. Ainsi voilà donc la question réduite à la plus simple expression. Quant à l’Italie, la Save est convenue.

Voyez des Polonais pour avoir des idées sur les salines, et ayez une entrevue avec les plénipotentiaires autrichiens, afin que vous veniez demain m’en rendre compte à quatre heures après midi, que nous puissions rédiger le traité, et que M. de Bubna puisse le porter et qu’on en finisse.

 

Schönbrunn, 30 septembre 1809

Au comte Fouché, chargé par intérim du portefeuille de l’Intérieur, à Paris

Je lis dans le Journal de Paris du 24 septembre qu’à Dijon, le 20 septembre, on a commence à tirer pour la levée des gardes nationales. Je commence à être très étonné de tout ce qui se passe en France. Dans mon décret du 6 août, la 28e division militaire, dont Dijon fait partie, n’est pas comprise; et quel besoin d’ailleurs de commencer à faire tirer au 20 septembre, lorsque tout est fini ? Il y a en vérité de l’inconsidération et de la folie. On me met en armes toute la France, et inutilement. Dans mon décret du 6 août, je n’ai désigné que les 1e, 2e, 3e, 4e, 15e, 16e, 24e et 25e divisions militaires. Dijaon n’est dans aucune de ces divisions. Je ne puis qu’être très mécontent de tout cela, et vous réitérer ce que je vous écris sans cesse depuis un mois, de faire cesser tout ce mouvement, sans trouble et sans réaction.

 

Schönbrunn, 30 septembre 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Les nouvelles que vous m’envoyez, de la Guadeloupe, sont extrêmement importantes; il en résulte,

1 ° Qu’il n’y a qu’un vaisseau anglais, le Pompee, à la Martinique ;

2° Que l’ennemi démolit le fort Desaix.

On ne peut concevoir la folie de ces gens-là, de démanteler les forteresses. Je n’aurais jamais pensé à une expédition pour reprendre la Martinique, si le fort Desaix eût existé; mais, puisqu’il est démoli, cette expédition devient facile.

Vous trouverez ci-joint un décret par lequel j’ordonne le départ des deux frégates de Nantes et de plusieurs bricks pour porter des secours à la Guadeloupe. En envoyant, par des expéditions isolées, comme on l’a déjà fait par l’Oreste, des hommes, des fusils et des vivres, cette colonie reprendra un peu de consolation et de vigueur.

Je destine les cinq vaisseaux de Rochefort et les deux divisions de Cherbourg et de Lorient à l’expédition de la Martinique. Je suppose que vous avez déjà donné des ordres à Rochefort pour préparer ces bâtiments. Faites-moi connaître la saison la plus favorable pour reprendre cette colonie et la direction à donner à l’expédition. Les habitants étant pour nous et les Anglais ayant détruit le fort Desaix, avec 4,000 hommes on reprendra la Martinique.

 

Schönbrunn, 30 septembre 1809

A M. de la Bouillerie, trésorier de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur la Bouillerie, faites des recherches et un travail clair sur les dettes de la Maison d’Autriche et sur les dettes des provinces, en me faisant connaître les capitaux et intérêts, et le pays où se payent les intérêts.

 

Schönbrunn, 30 septembre 1809

NOTE POUR M. LE COMTE DE MONTALIVET

Renvoyé à M. de Montalivet, pour faire partir, douze heures après la réception de la présente lettre, l’auditeur attaché aux ponts et chaussées, pour le Piémont, avec la mission,

1° D’être arrivé dans six jours à Parme, et, sur-le-champ, de faire travailler à la réparation de la digue. M. de Montalivet mettra les fonds nécessaires à la disposition de l’ingénieur des ponts et chaussées.

2° Quand ce premier besoin sera rempli, l’auditeur prendra des renseignements sur la question relative aux rivières de Parme et de Plaisance, et en général aux rivières de l’Italie française. Il restera le temps nécessaire pour recueillir tous les documents sur cet objet; après quoi il reviendra à Paris. Il m’apportera la vérification que les digues du Pô et des autres rivières sont intactes et que les demandes faites ont été satisfaites. Il y joindra un mémoire qui me fasse connaître à la charge de qui doivent être ces dépenses.

 

Schönbrunn, 30 septembre 1809

A Joachim Napoléon, Roi des Deux-Siciles, à Naples

Je ne pense pas qu’il soit convenable que vous donniez rien à votre ministre Saliceti; d’abord parce qu’il est assez riche, et ensuite parce qu’il n’y a pas assez de temps qu’il vous sert. En général, ne donnez rien à qui que ce soit qu’il ne vous ait servi pendant dix ans.

Vous faites bien d’établir l’usage qu’aucun membre du corps diplomatique ne peut voir ni vous ni la Reine. Laissez parler le ministre de Russie. Les membres du corps diplomatique sont des espions que rien ne peut contenter, qui écrivent d’autant plus de sottises qu’on les traite mieux. Ayez une grande audience diplomatique tous les mois, et ne les voyez que là. Un membre du corps diplomatique ne doit jamais dîner avec vous. Malgré l’usage qu’a adopté l’empereur de Russie d’inviter, deux jours par semaine, à dîner Caulaincourt, je n’ai jamais invité le prince Kourakine, si ce n’est quelquefois à des parties de chasse. Encore cela ne vaut-il rien et partez bien du principe que moins le corps diplomatique vous approchera et mieux cela vaudra.


 

References

References
1Dans la journée il a visité l’Abbaye de Gottweg
2il est ambassadeur auprès du roi de Hollande
3ministre des relations extérieures des Deux-Siciles