Fontainebleau, 1er octobre 1807
A M. Gaudin, ministre des finances
Vous trouverez ci-joint un rapport de M. Thibaudeau, duquel il résulte que le directeur des octrois ne répond pas et laisse flotter à l’aventure cette branche importante de l’administration publique. Comme elle est sous vos ordres, je ne puis que vous en témoigner mon mécontentement. Je désire que vous me fassiez mercredi un rapport qui me fasse connaître le nombre de lettres des maires et conseils généraux écrites avant le 15 septembre et qui sont sans réponse ; et vous me proposerez des mesures pour obvier à ce grand inconvénient. Depuis quand les ministres et leurs bureaux ne doivent- ils pas répondre dans le mois à toutes les affaires contentieuses ?
Fontainebleau, 1er octobre 1807
Au prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée
Mon Cousin, donnez ordre par un courrier extraordinaire à ma Garde de se rendre à Paris. L’artillerie restera jusqu’à nouvel ordre à Hanovre, savoir : le personnel, le matériel et le grain. Les ambulances et les caissons, ainsi que les chevaux de trait et tout ce qui est équipage militaire. Le général Walther m’enverra l’état de ces équipages, afin que je désigne le moment où ils devront rentrer.
Écrivez au prince d’Aremberg, colonel du régiment de ce nom, de se rendre à Paris. Il laissera le commandement du régiment au major.
Fontainebleau , ler octobre 1807
A M. Lacépède, grand chancelier de la Légion d’honneur
Je reçois votre lettre du 26. Les établissements ne peuvent aller que peu à peu. Au lieu de faire entrer les jeunes demoiselles, dans des pensions à Paris, il n’y a qu’à les faire entrer sur-le-champ à Ecouen. Quand la maison ne contiendrait cette année qu’une centaine de demoiselles, ce serait suffisant. Vous m’avez dit que les bâtiments étaient prêts et en état de recevoir cent demoiselles. L’achat du mobi lier et des lits n’est pas une chose qui ne puisse se faire promptement à Paris. La directrice peut d’ailleurs, sous votre autorisation, établir un petit règlement provisoire pour placer ces jeunes demoiselles. D’ailleurs, avant qu’elles y soient installées, le règlement définitif sera établi.
Quant à Chambord, c’est une chose qui demande à être méditée; le trésor de la Légion d’honneur est trop dégarni dans ce moment pour pouvoir y penser.
Les 400 francs qu’on donne pour Écouen ne sont que pour la certitude que la demoiselle aura une dotation. Il n’y a donc pas de chef de bataillon qui ne fasse cette dépense, puisque c’est pour sa fille et qu’elle lui coûte au moins cela chez lui. D’ailleurs, je ne suis point maître de faire cette espèce de grâce. Il faut partir du principe qu’on est riche ou pauvre, selon que sa fortune est en rapport avec son éducation. Les parents doivent sentir cela. Plusieurs peuvent avoir pensé que ces 400 francs sont perdus pour leur famille; ce n’est pas mon intention. Mais allez de l’avant; pourvu que vous mettiez le mot ,provisoire, cela va bien. C’est une des choses sur lesquelles je ne puis asseoir mes idées qu’avec le temps. Mais je ne vois pas que d’ici à huit jours vous ne puissiez avoir à Écouen cinquante ou soixante demoiselles, de celles qui payent les 400 francs.
Quant à la nomination des dames, vous ne m’avez pas laissé les états; envoyez-les-moi; j’en nommerai quatre ou cinq, qui me paraissent suffisantes pour les cent premières.
Fontainebleau, 1er octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon Fils, l’Impératrice a fait présent à la vice-reine d’Italie d’une guirlande d’hortensias. Je désire que, sans que la princesse en sache rien, vous la fissiez estimer par de bons bijoutiers et que vous me fassiez connaître cette estimation, pour que je voie de combien ces messieurs ont l’habitude de me voler.
Fontainebleau, 1er octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon fils, je reçois votre lettre du 22, par laquelle vous me faites connaître que la division Clausel est de plus de 5,500 hommes. Je vois avec peine que vous n’avez pas exécuté l’ordre que je vous ai donné de réduire le nombre de compagnies de manière que les 752 hommes du 8e léger ne formassent que trois compagnies de 225 hommes chacune; idem, pour les 610 hommes du 18e, pour le 5e de ligne, vous ferez partir quatre compagnies; pour le 11e, trois; pour le 23e, quatre; pour le 60e, trois; pour le 79e, trois; et deux pour le 81e; de manière que chaque compagnie sera de 200 à 450 hommes. Mon intention est que ces compagnies, arrivées à Zara, soient incorporées dans les deux premiers bataillons, et que les cadres reviennent à l’armée. Le général de division, les deux généraux de brigade, marcheront avec cette division, pour inspecter son passage; mais, quand elle sera arrivée en Dalmatie et incorporée, tout cela rentrera en Italie. Cette division doit être considérée comme une division de renfort.
Fontainebleu , 1er octobre 1807
A Joseph Napoléon, roi de Naples
Mon Frère, j’ai reçu votre lettre du 20. Je vous ai déjà renvoyé les cadres d’un de vos régiments napolitains. Que voulez-vous que je fasse venir en France des régiments composés de compagnies de 40 hommes ? Il faut que les compagnies soient de 120 ou 140 hommes. Ainsi donc il y aura à peu près de quoi former deux bataillons passables des deux régiments napolitains. Les cadres du second régiment, qui retournent à Naples, pourront revenir quand il aura fait 3,000 recrues.
Vous me demandez de faire venir à Gaète, Otrante et Naples, les 3e bataillons des régiments de l’armée. Si je faisais cela, ces régiments seraient bientôt perdus, car comment envoyer à Naples des conscrits nus et sans repos, des extrémités de la France ? Vous ne réfléchissez pas assez sur l’organisation militaire et vous n’en prenez pas assez de soin. Je n’ai de grandes et de fortes armées que parce que je porte la plus grande attention à tous ces détails. Si le royaume de Naples fournissait son contingent en finances, vous ne manqueriez pas de troupes, je vous en enverrais ; mais vous ne payez rien. Vos finances sont déplorablement administrées; elles sont tout en métaphysique; l’argent est cependant une chose très-physique.
Tâchez donc de m’envoyer des détails de Corfou. Envoyez-y des officiers. Je n’ai encore entendu parler de rien. Envoyez-y trois fois par semaine.
Fontainebleau, 2 octobre 1807
A M. Cretet, ministre de l’intérieur
Je vous prie de témoigner mon mécontentement au préfet de Troyes, pour avoir autorisé, sans votre permission, une espèce de fête qu’on veut faire en l’honneur de Thibaut, comte de Champagne. Il est ridicule d’aller réveiller, après plusieurs siècles, la mémoire d’hommes qui n’ont point eu un mérite éclatant.
Demandez au préfet de Tours ce que c’est que ce monument qu’on veut élever à Agnès Sorel; cela me paraît inconvenant. Si j’ai bonne mémoire, Agnès Sorel était la maîtresse d’un roi. Elle est plus recommandable par le poème de la Pucelle, qu’à d’autres titres. Écrivez au préfet que mon intention est qu’il ne soit élevé aucun monument.
Qu’est-ce que c’est que le directeur du lycée de Tours ? Quelle espèce de discussions a-t-il eues avec le préfet ? De quelle espèce d’individus est composée l’administration de ce lycée ?
Fontainebleau, 2 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon Fils, j’ai reçu votre lettre relative à l’escadre russe. Je vous ai mandé, par ma lettre d’avant-hier, qu’il y avait des mesures à garder et qu’il ne fallait pas trop de prévenances. Je vous avais dit de bien traiter les officiers généraux qui viendraient à Milan , mais je ne vous avais pas dit d’envoyer des invitations à des commandants d’escadre pour venir vous voir.
Fontainebleau, 3 octobre 1807
A M. Gaudin, ministre des finances
Il y a dans cette lettre de M. Gohier une chose qui me frappe : c’est la facilité qu’il y a de communiquer, par les canaux, de Hollande en France, et de Hollande en Allemagne et en Suisse, par le Rhin. Je croyais que des mesures avaient été prises pour étendre au Rhin et aux canaux les dispositions relatives au blocus de l’Angleterre. Il faut donc me faire un rapport là-dessus.
Fontainebleau, 3 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon Fils, je vous envoie le général Lemarois. Vous lui donnerez le commandement du duché d’Urbin, de la Marche d’Ancône et des provinces de Macerata et Fermo. Vous lui donnerez pour instructions de prendre le commandement de toutes les troupes, soit du Pape, soit des miennes, qui se trouvent dans ces provinces; de placer son quartier général à Ancône, et de réunir ses troupes, afin qu’au premier ordre que je lui en donnerai il puisse prendre possession de ces provinces, en séquestrer le revenu et y établir une administration provisoire.
Fontainebleau, 4 octobre 1807
NOTE POUR M. CRETET, MINISTRE DE L’INTÉRIEUR
Le Cher sera rendu navigable de tel point à tel point : un quart par le département, un quart par le trésor et la moitié par les forêts du Domaine et des particuliers. Le quart des départements, au moyen de centimes pour arriver aux 103,000 francs proposés par an, pendant dix ans. Le trésor fournira la même somme. Le ministre des finances verra M. Bergon pour savoir combien les forêts peuvent fournir.
Un jury pour les particuliers.
Cette navigation serait établie en trois ans.
Fontainebleau, 4 octobre 1807
NOTE POUR LE GÉNÉRAL DUROC, GRAND MARÉCHAL DU PALAIS
Je désire habiter le palais de Fontainebleau en laissant chaque chose à sa destination ancienne.
Il faut rétablir les cuisines, comme elles l’étaient, à la cour des cuisines. Il paraît que cette restauration coûterait 400,000 francs. Mon intention est de la faire en deux ans, de sorte que, l’année prochaine, la moitié soit terminée, et qu’on puisse y établir les valets de pied et cuisiniers, qui sont encombrés dans le palais. Les cuisines des princes ne doivent être que des réchauffoirs (sic).
Je pense que les dépendances de mes officiers sont trop resserrées dans la situation actuelle. On peut loger là des maîtres d’hôtel et chefs cuisiniers, ce qui débarrassera d’autant l’intérieur du palais.
Il est difficile de penser que l’école militaire puisse longtemps rester si près du palais; mon intention est qu’elle reste à Fontainebleau, mais les jeunes gens ont trop de dissipations étant si près de la Cour; il faut donc les en séparer. La reprise de cette aile me donnera tous les logements dont je puis avoir besoin.
L’aile opposée qu’occupe le général Bellavène ne doit pas être réparée, parce qu’il paraît que, pour compléter le palais, il faut rétablir cette aile suivant la même architecture que l’Ecole militaire. C’est un travail que je ne suis pas pressé de faire. Les deux ailes devraient être réunies par une belle grille qui donnât entrée au château. Je voudrais avoir le devis de ce que coûterait cette grille, savoir les bâtiments qu’il faudra abattre à cet effet, et faire une place carrée devant la grille, afin que le palais se trouvât annoncé.
Jardins. Il faut arrêter l’entretien des jardins, il parait qu’on n’a encore rien arrêté pour cet objet, et faire le fonds des travaux, à prendre sur le budget de 1807, vu que c’est le temps d’y travailler. Ce supplément de budget sera accordé sur le fonds des dépenses diverses du service de l’intendant général. Il faut y faire planter le plus possible, soit des vignes, soit des arbres, et rendre le jardin aussi beau qu’il doit l’être.
Écuries. A l’emplacement de l’ancien chenil, il faut y établir des écuries, ce qui continuera les anciennes écuries, et y construire un grand nombre de remises. Les fondements, qui sont bons, et les matériaux aideront à cette construction.
Il faut défendre à l’Ecole militaire de couper aucun des arbres des allées. On en a coupé pour le manége, et cela est un mal.
Fontainebleau, 4 octobre 1807.
DÉCISION
M. Cretet, ministre de l’intérieur, propose à 1’Empereur de convoquer les collèges électoraux des départements dont la députation an Corps législatif doit être renouvelée. | Pour la nomination du président du collège de l’Escaut, consulter les membres du Sénat et de la députation. Pour Maine-et-Loire, savoir si M. de Brissac, présenté, est le même que le sénateur. Pour le Morbihan, présenter un bas Breton, appartenant au pays par sa famille depuis trois cents ans, et parlant l’idiome. |
DECISION
Le général Clarke, ministre de la guerre, propose à l’Empereur de lever le pont de bateaux établi entre le Vieux et le Neuf-Brisach, attendu l’approche de la mauvaise saison et le peu d’utilité actuelle de ce polit. | Un pont de bateaux à Neuf-Brisach ne peut être que très-utile. Il faudrait l’y laisser constamment et proposer un péage tel , qu’il compensât l’intérêt de la dépense du pont, la surveillance, la manoeuvre et l’entretien. Il faudrait faire de même à Wesel. Faire sur ces deux ponts le péage et la dépense, lundi prochain. On ne doit lever ces ponts qu’aux mêmes époques que ceux de Mayence et de Strasbourg. |
Fontainebleau, 6 octobre 1807
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures
Monsieur de Champagny, témoignez mon mécontentement à M. Didelot de l’extrême imprudence qu’il a eue de montrer la dépêche que vous lui avez écrite. Cette conduite est insensée. N’y aurait-il eu qu’un bonjour dans votre lettre, sous quelque prétexte que ce soit, elle ne devait pas être montrée, pas même lue devant un étranger. Je blâme donc sa démarche, d’autant plus que rien ne l’y autorisait.
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Refusez à M. Mériage la permission de revenir à Vienne. Il faut qu’il reste encore où il est.
Fontainebleau, 6 octobre 1807
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures
Monsieur de Champagny, mon intention est d’ôter l’exequatur au sieur …. consul américain à Gênes. Il porte une croix de Malte que les Anglais lui ont donnée, ce qui est contraire à la constitution américaine; et c’est d’ailleurs un mauvais sujet. Vous préviendrez de cette disposition le ministre des États-Unis. Je donne ordre au ministre de la police d’éloigner le sieur …. de Gênes.
Fontainebleau, 6 octobre 1807
A M. Gaudin, ministre des finances
Écrivez à M. Bourrienne que les seize millions provenant de Hambourg doivent être dirigés sans délai sur Paris.
Je n’approuve point le traité que M. Bourrienne a fait à Lubeck, vu le terme de trois ans qu’il a donné pour le payement; il faut que ce soit payé dans l’année.
Écrivez au ministre du trésor public pour qu’il dirige le transfert de cet argent à Paris, de manière que cela rentre promptement et nous revienne au meilleur marché possible.
Fontainebleau, 6 octobre 1807
A M. Mollien, ministre du trésor public
Monsieur Mollien, par les états que vous m’avez remis, il parait que sur le revenu de sept cent vingt millions, auquel se monte le budget de 1808, il y a à peu près cent vingt millions qui n’échoient pas dans l’année. Jusqu’à ce qu’on ait pu prendre un parti pour fixer définitivement cet objet, il me semble que vous pouvez négocier quarante millions à quatre pour cent à la Banque, quarante millions à six pour cent aux receveurs, et enfin quarante millions à la Grande Armée. Faites votre négociation avec la Banque. Vous avez déjà les quarante millions des receveurs. Faites-moi connaître comment doivent se composer les fonds de la Grande Armée ; il me semble que cela pourrait être de la manière suivante : 1° tout ce que la Grande Armée a payé pour solde au compte du trésor, pour 1806 et 1807. 2° la somme qui vous sera nécessaire pour arriver aux quarante millions. Mais je ne sais pas si la somme de cent vingt millions sera suffisante, car, par exemple, l’enregistrement, les douanes, les droits réunis, n’effectuent une partie de leurs rentrées qu’en janvier, février et mars de l’année suivante.
Indépendamment de ce, comme le service de 1806 est un exercice courant, il faudra voir aussi ce qui ne sera pas recouvré sur cet exercice au 1er janvier 1808, afin que ce qui restera à recouvrer soit réalisé de quelque manière à la caisse publique, et qu’on puisse solder cet exercice.
Fai!es-moi un état là-dessus.
Fontainebleau , 6 octobre 1807
Au général Dejean, ministre directeur de l’administration de la guerre
Monsieur Dejean, je ne puis que vous témoigner mon extrême mécontentement du passeport ci-joint que vous avez délivré à un Anglais, pour se rendre en Angleterre par Amsterdam. De quel droit ouvrez-vous la porte d’Amsterdam aux Anglais ? Les Hollandais prennent cela pour un ordre et demandent ensuite pourquoi on se plaint de ce qu’ils ont des communications avec l’Angleterre.
Fontainebleau, 6 octobre 1807
Au général Clarke, ministre de la guerre
Monsieur le Général Clarke, il faut donner des ordres, soit en France, soit en Italie, pour qu’on tienne des comptes exacts de tout ce qu’on fournit aux Russes, soit en argent et habillement, soit en denrées. Il faut, avec le même soin, faire des inventaires et expertises pour les magasins qu’ils ont laissés à Cattaro et à Corfou, afin d’établir les compensations.
Fontainebleau, 6 octobre 1807
Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine
Je vois avec surprise que je n’ai ni à Gènes ni à Toulon aucune frégate en construction. Mon intention est que sur-le-champ vous en fassiez mettre en construction deux à Toulon et deux à Gènes. Vous donnerez l’ordre de mettre deux bricks et une frégate en construction à Corfou. Prenez des mesures telles que les deux frégates de Toulon et de Gênes soient finies le plus tôt possible. J’ai besoin de frégates dans la Méditerranée, et il me convient plutôt d’en faire construire que d’en faire passer de l’Océan.
Donnez pour instruction à quatre bricks de partir des ports de Toulon pour se rendre à Corfou, d’où ils établiront leurs croisières dans l’Adriatique. Il faut que ce soient de bons marcheurs. Si le Cyclope, qui est à l’île d’Elbe, marche bien, il pourrait être un de ces bricks.
Il faudrait aussi à Corfou quelques petits bâtiments qui puissent rôder le long des côtes de la Grèce; mon intention est que vous en envoyiez six des meilleurs qui sont à Toulon.
Donnez aussi ordre à Toulon de mettre en armement l’Uranie et l’lncorruptible, afin d’avoir toujours là deux frégates.
Il est convenable d’envoyer à Corfou un ingénieur de la marine qui pourra mettre en construction deux beaux bricks et même une frégate. Il pourra aussi donner tous les soins nécessaires aux frégates et autres de mes bâtiments qui relâcheraient à Corfou. Il faut envoyer également à Corfou un officier d’artillerie de la marine qui entende l’installation des batteries, aussi quelques chefs ouvriers avec une escouade d’une douzaine d’ouvriers, également un capitaine de vaisseau ou de frégate pour commander la marine à Corfou sous les ordres du gouverneur, faisant fonctions de capitaine de port et de chef d’administration ; enfin vous y enverrez aussi un commis, si vous le trouvez convenable. Tout cela est nécessaire à Corfou pour y former quelques armements, mettre en état quelques frégates ou autres de mes bâtiments qui pourraient s’y rendre, et être en mesure de confectionner les vivres pour une escadre. Vous pouvez envoyer tous ces officiers par terre à Otrante, où ils s’embarqueront. Quelques enseignes et officiers de vaisseaux y seraient utiles, car déjà le gouverneur a pris une belle corvette anglaise et l’a mise en armement.
Il faudrait aussi faire armer quelques corsaires à Venise, à Naples, à Ancône, pour se rendre à Corfou.
Fontainebleau, 6 octobre 1807
Au prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée
Mon Cousin, j’avais donné des ordres pour qu’au 15 septembre on démolît Küstrin et Glogau. Faites-moi connaître si on y a envoyé des mineurs et où en est la démolition de ces places. Demandez au maréchal Victor un rapport sur les commandants, sur les magasins de vivres, les canons et les munitions de guerre de ces places. Qu’attend-on pour les faire sauter ? Je suppose qu’on n’attend que mes ordres.
Fontainebleau, 6 octobre 1807
A Joseph Napoléon, roi de Naples
Mon Frère, je reçois votre lettre du 26 septembre avec différentes lettres de Corfou. Je n’ai pas chargé le général César Berthier de déclarer que Corfou faisait partie de l’Empire, et, puisque je m’étais tu, il devait bien aussi se taire. Témoignez-lui mon mécontentement. Il devait déclarer que la Constitution était conservée sur le pied où elle se trouve. Ordonnez-lui d’agir avec plus de circonspection et de prudence. Je ne conçois pas comment les magasins à poudre ne sont pas encore à sa disposition. Je conçois encore moins comment il peut proposer de rendre Parga à Ali-Pacha; il y a dans cette proposition, de la folie. Écrivez-lui fréquemment pour lui refroidir la tête et le faire marcher plus lentement. Faites-lui comprendre qu’il ne sait pas, que personne ne sait ce qu’il fera demain, et qu’ainsi il doit constamment se maintenir dans un grand système de prudence envers tout le monde. Le général César Berthier a eu très-grand tort d’arborer le drapeau français. Il oublie dans ses lettres les choses les plus importantes, telles que le nombre des troupes russes qui se trouvent à Corfou. Vous y avez sans doute envoyé, comme je l’ai ordonné, du grain, de la poudre, et surtout le 14e d’infanterie légère. Vous sentez que j’ai là trop peu de troupes. Si vous n’avez pas encore fait partir le 14e, faites-le partir sans délai; c’est ma volonté. Il n’y aura pas de difficultés pour les vivres et les munitions qui sont à Corfou et qui appartiennent aux Russes; tout cela me sera cédé; j’attends l’ambassadeur de Russie, et ce sera la première chose qu’il fera. J’espère que vous avez envoyé à Corfou un de vos officiers, diligent et qui s’empressera de vous faire son rapport. Je n’ai pas encore d’idée nette sur ce pays, et comment en aurais-je, quand je ne sais pas encore le nombre de troupes russes qui s’y trouvent et les positions qu’elles occupent ?
Donnez l’ordre positif au général César Berthier de n’employer à Xante et à Céphalonie que quelques officiers français, avec des troupes du pays et les Albanais qu’il a pris à sa solde, mais pas un seul soldat français de ligne, ni un italien. Mon intention est que toutes mes troupes soient concentrées à Corfou, Parga et Sainte-Maure; que la position de Parga soit fortifiée et mise en bon état, qu’on y fasse travailler sans cesse, de manière à la mettre à l’abri des efforts des Turcs; qu’on fasse la même chose à Sainte-Maure. On doit, du reste, très-bien traiter Ali-Pacha et les Turcs.
Autorisez le général César Berthier à mettre en construction sur le chantier de Corfou deux bricks, qui seront montés par des matelots du pays. On y mettra une garnison française et quelques officiers de marine qu’on enverra. Ces deux bricks serviront à défendre l’île contre les corsaires.
Tenez au courant la solde des troupes qui sont dans les Sept Iles, et laissez toujours une somme de 50,000 francs à la disposition du gouverneur pour dépenses extraordinaires; autant à la disposition du commandant de l’artillerie; autant à celle du commandant du génie, sauf à remplacer tous les mois ce qu’ils auront employé.
Voici de quelle manière je désire que mes troupes soient placées. Le général César Berthier, gouverneur général, à Corfou, avec un bataillon du 14e d’infanterie légère, les deux bataillons du 6e, le 5e régiment italien et les troupes du pays. Il aura sous ses ordres le général Cardenau, pour commander en second en cas qu’il lui arrive un événement; un adjudant général, six adjoints d’état-major, un colonel pour faire fonctions de commandant d’armes de Corfou, indépendamment des colonels des 6e et 14e régiments (le colonel du 6e étant prisonnier, le major ira le remplacer); un colonel du génie ; un colonel d’artillerie ; un chef de bataillon d’artillerie faisant fonctions de directeur du parc; un chef de bataillon et quatre autres officiers du génie. (en tout six officiers du génie pour Corfou) ; et quatre capitaines en second d’artillerie, également six officiers d’artillerie en tout pour l’état-major de Corfou.
La garnison de Corfou fournira à la position de Parga un détachement de 600 hommes, qui sera relevé toutes les fois qu’on le jugera convenable. Ce détachement sera composé, savoir : de 3 compagnies du 6e, qui, au moment du départ, seront toujours complétées à plus de 100 hommes présents sous les armes par compagnie, ce qui fera 300 hommes; 6 pièces d’artillerie de campagne avec une demi-compagnie d’artillerie; 100 Grecs et 2 compagnies du 5e régiment italien, qui également seront toujours complétées à 100 hommes présents. Ces forces seront sous les ordres d’un général de brigade français, d’un chef de bataillon et d’un capitaine hors de ligne, faisant fonctions de commandant d’armes à Parga, d’un officier du génie et d’un officier d’artillerie en résidence. Indépendamment des pièces de campagne, on enverra à Parga 18 ou 20 pièces de fer, et l’on travaillera sans délai à faire là un point d’appui qui soit à l’abri des efforts des Turcs et de qui que ce soit; on y élèvera des batteries battant la mer, pour empêcher les Anglais d’en approcher.
Le général Donzelot commandera à Sainte-Maure. Il aura sous ses ordres le second bataillon du 14e d’infanterie légère, 900 Albanais, 6 pièces de campagne et une compagnie d’artillerie. On lui enverra aussi assez de pièces de fer pour élever des batteries de côtes. Il fera travailler avec la plus grande activité aux ouvrages nécessaires qui mettront l’île à l’abri des Anglais. Il aura de plus sous ses ordres deux officiers du génie et un officier d’artillerie commandant.
Il y aura à Céphalonie un chef de bataillon français commandant, deux capitaines, un lieutenant d’artillerie et une escouade de 16 canonniers, 600 Albanais et 600 Grecs levés dans le pays. De même à Zante. Ainsi, si une expédition anglaise considérable se portait sur la Céphalonie et Zante, et que ces îles ne pussent être secourues par Sainte-Maure ou par les Turcs du continent, je ne serais exposé à perdre que quelques officiers et pas de soldats français.
Si vous voulez envoyer six compagnies, ayant 120 hommes par compagnie, de vos troupes napolitaines à Corfou, elles pourraient
prendre du service et y être utilement employées.
Il vous reste donc à expédier le nombre d’officiers d’artillerie et du génie nécessaire, à envoyer un autre général de brigade pour commander à Parga, et un certain nombre d’officiers pour commander à Zante et à Céphalonie.
Le commandant de Sainte-Maure devra avoir une correspondance suivie avec le gouverneur général de Corfou; mais il correspondra aussi directement avec vous, pour vous donner fréquemment des nouvelles de ce qui se passe. Vous donnerez pour instruction à ces commandants de vivre en bonne amitié avec les Turcs, de les cajoler, mais de se tenir constamment sur leurs gardes et en bon état de défense.
Fontainebleau, 6 octobre 1807
A Joseph Napoléon, roi de Naples
Mon Frère, dans l’état de situation que vous m’avez envoyé le 8 septembre, je vois qu’il n’y a à Corfou qu’un colonel d’artillerie et trois capitaines adjoints: il est donc nécessaire d’y envoyer encore un chef de bataillon et un capitaine, pour Sainte-Maure.
Je vois qu’il n’y a qu’un chef de bataillon du génie : il est donc nécessaire d’y envoyer un colonel; qu’il n’y a que deux compagnies d’artillerie à pied, faisant ensemble 130 hommes; il est donc nécessaire d’en envoyer deux autres.
Je n’y vois pas d’ouvriers ; il est nécessaire d’en envoyer une escouade avec un bon officier, pour faire toutes les réparations convenables aux affûts.
Je ne vois pas si l’on a envoyé de l’artillerie de campagne; il en faut au moins 18 pièces. Il ne s’agit pas de se laisser renfermer dans la place de Corfou : c’est l’île de Corfou, l’île de Sainte-Maure et le poste de Parga, qu’il faut défendre. Je vous ai fait connaître mes intentions dans la lettre que je vous ai écrite hier ; prenez des mesures pour vous y conformer.
J’ai fait partir, il y a huit jours, de l’or pour être envoyé à Corfou, où il faut qu’on ne manque de rien. Pourquoi n’y envoyez-vous pas des corsaires qui empêcheraient les corsaires ennemis d’infester l’Adriatique et vos mers ? Qui vous empêche, dans cette saison, d’envoyer des bâtiments chargés d’huile et de blé à Marseille ?
Je désire beaucoup qu’aussitôt que les froids seront arrivés vous ne souffriez pas que les Anglais mettent le pied sur le continent.
Faites-moi connaître pourquoi on n’occupe pas Butrinto ni les autres points du continent qui appartiennent aux Sept Iles ?
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Faites ce que je vous dis pour les forts; faites ce que je vous dis scrupuleusement, puisque vous ne savez pas mes projets.
Fontainebleau, 6 octobre 1807
Au général Savary, en mission à Saint-Pétersbourg
Monsieur le Général Savary, les frégates et les vaisseaux de transport russes ont paru devant Venise. 4,500 hommes de troupes de cette nation ont été débarqués et sont cantonnés dans les environs de Padoue. L’amiral doit être retourné dans les ports de l’Istrie. On leur a fourni tout ce dont ils avaient besoin, comme vous le verrez par la lettre ci-jointe écrite au vice-roi.
Les Anglais ont pris un brick et six bâtiments de transport russes dans l’Archipel. Je ne sais pas si c’est une déclaration de guerre ou une conséquence de toutes les vexations qu’ils ont l’habitude d’exercer en mer.
Vous avez eu tort de trouver mauvaise la conduite du général Rapp. Les officiers prussiens portent quelquefois leur insolence à un degré qu’un homme d’honneur ne saurait tolérer. Vous savez que le roi de Prusse est faible, et qu’il manque de l’énergie qui serait pourtant bien nécessaire pour imposer silence à ses officiers. Enfin toutes les lettres des officiers de l’armée me prouvent que le général Rapp n’a pas pu faire autrement. Les Russes, par suite de l’armistice, avaient évacué Bucarest ; immédiatement après, un courrier de Saint-Pétersbourg étant arrivé le 12 septembre à leur quartier général, ils sont rentrés dans la ville et ont réoccupé tout le pays. Vous sentez que cela inquiète beaucoup les Turcs. J’attends l’ambassadeur de Russie pour m’entendre avec lui sur toutes ces questions. Lorsque les circonstances veulent que vous parliez des Prussiens, faites comprendre leur mauvaise conduite. D’ailleurs vous savez que, dans le traité de paix, j’ai stipulé la restitution de la Prusse comme la Russie a stipulé l’évacuation de la Valachie et de la Moldavie. Il est donc nécessaire que nous nous entendions sur tout cela, et, avec le désir que l’empereur Alexandre et moi avons de tout concilier, nous lèverons les difficultés sur tous les points.
Fontainebleau, 6 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon Fils, faîtes partir tous les hommes qui sont destinés pour la garde impériale, venant des régiments de l’armée d’Italie et de celle de Naples; dirigez-les sur Paris. Je suppose que ce sont de vieux soldats, des hommes d’un bon service.
Fontainebleau, 7 octobre 1807
A M. de Champagny. ministre des relatons extérieures
Monsieur de Champagny, faites connaître à M. de Beauharnais que je vois avec peine sa dépêche relative à ses correspondances avec les agents du prince royal; que cela m’a paru misérable; que ces intrigues sont indignes de mes ambassadeurs; que cela n’est que propre à le jeter dans un ordre d’affaires qui le compromettra, et qu’il doit se garder de tous les piéges qui lui seront tendus et où il tombera infailliblement.
Fontainebleau, 7 octobre 1807
A M. Fouché, ministre de la police générale
Je vous envoie une correspondance interceptée du comte de Lille. Elle m’a paru intéressante. Je vous prie de me faire un rapport sur tout ce que vous pourrez y comprendre. Il me semble que la correspondance de Fauche-Borel y joue un rôle.
Fontainebleau, 8 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon fils, je reçois votre lettre du 1er octobre, avec la copie de la lettre du contre-amiral Baratinsky. Si cet amiral appartient à l’escadre de (main propre) la Baltique, pas de doute qu’il ne doive se joindre à l’escadre de l’amiral Sininvin. S’il est de l’escadre de la mer Noire, il doit encore se rendre à Corfou, pour de là passer les Dardanelles (main propre); j’ai obtenu la permission de la Porte. Du reste, il ne faut plus se mêler de cela.
Fontainebleau, 8 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon Fils, je reçois votre lettre du 3 octobre avec la lettre du cardinal Bayane qui y était jointe. Vous avez eu tort de faire revenir le cardinal de Turin ; vous sentez que cela va faire de l’éclat, et que ce n’était pas là mon but. L’esprit de votre instruction était tel, que vous deviez envoyer au cardinal Bayane une personne de confiance pour lui dire de ne pas quitter Turin jusqu’à nouvel ordre, ce qui se colore par le prétexte d’une maladie ou autrement, s’il n’avait pas eu les pleins pouvoirs nécessaires pour terminer toutes nos discussions avec le Pape. Vous avez agi là avec beaucoup de légèreté. Dans les affaires diplomatiques, c’est manquer de sagesse que de mettre le public dans sa confidence: or c’est ce que vous faites lorsque, pour une affaire hypothétique et provisoire, vous faites revenir le cardinal à Milan.
Fontainebleau, 8 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon fils, je reçois votre lettre du 5 octobre. Dans les 8,850 sequins que vous faîtes donner, par mois à la division russe de Cattaro, la solde se trouve-t-elle comprise ? Comme vous avez les états de situation de cette division; vous pouvez comparer ce traitement avec celui des troupes françaises; vous avez bien fait d’accorder les 8,850 sequins; quant aux 15,000 sequins, cela ne presse pas. Faites tenir note de tout ce que vous faites donner aux Russes, afin qu’on puisse établir une compensation avec les magasins de Cattaro et de Corfou; faites-moi connaître la quantité de vivres que les Russes ont laissés à Cattaro, et ce que cela vaut.
Fontainebleau, 8 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon fils, mon ministre a quitté Lisbonne; faites mettre l’embargo sur les bâtiments portugais à Civita-Vecchia, Ancône, Venise, Livourne, et dans tous les ports qui sont en notre pouvoir. J’apprends qu’on a tiré des traites de Corfou sur vous pour payer les notes des régiments qui transportent les troupes russes, serait une chose absurde.
Fontainebleau, 8 octobre 1807
Au général Savary, envoyé en mission à Saint-Pétersbourg
Vous trouverez ci-joint l’état des troupes russes de Cattaro. Vivres, argent, solde, j’ai ordonné qu’on fournît à ces troupes tout en abondance. Vous trouverez ci-joint une lettre de l’amiral Baratinski. Il parait qu’il a reçu des ordres de l’amiral Siniavine pour se rendre à Corfou. Par mes ordres, il a été approvisionné pour un mois. A Cadix, à Toulon, en Hollande, j’ai ordonné que les escadres russes qui s’y présenteraient fussent fournies de tout. Je n’ai pas encore d’avis que l’amiral Siniavine soit arrivé à Cadix.
Fontainebleau, 9 octobre 1807
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures
Monsieur de Champagny, écrivez à mes consuls en Hollande que j’apprends avec peine qu’ils donnent des certificats d’origine hollandaise à des marchandises provenant de l’industrie et du commerce anglais, destinées pour la France et 1’Italie. Faites-leur bien connaître qu’ils aient à être plus circonspects et à ne pas favoriser ainsi le commerce de l’Angleterre.
Fontainebleau, 9 octobre 1807
NOTE POUR M. CRETET
Sa Majesté prend fort à coeur la destruction de la mendicité et la formation des cent dépôts dont elle a ordonné l’établissement. Elle a déjà accordé des fonds assez considérables dans la Côte-d’Or, pris sur les produits du quart de réserve des bois des communes.
Le ministre de l’intérieur a à lui proposer, pour d’autres départements, une pareille disposition de fonds, provenant de la même source et existant actuellement à la caisse d’amortissement. Sa Majesté désire que le ministre lui remette bientôt ce travail et qu’il porte la disposition des fonds des communes aussi loin qu’elle peut aller. Mais ces moyens ne sont pas suffisants. Sa Majesté est dans l’intention de disposer, pour le même objet, d’une portion du revenu des villes sur leurs recettes de 1808. En arrêtant les budgets de Meaux, Évreux, Carignan et Rive-de-Gier, Sa Majesté a ordonné qu’une somme de 70,000 francs resterait à la disposition du ministre de l’intérieur pour être employée, à concourir à l’établissement des dépôts de mendicité. Elle prévoit qu’avec ce double moyen de recette on pourvoira à cette dépense. Sa Majesté invite le ministre de l’intérieur à être désormais très-sévère sur les dépenses inutiles des communes, et à réserver, à mesure qu’il arrêtera des budgets, ce qui pourra se trouver disponible. Sa Majesté désire aussi que le ministre lui envoie, le plus tôt possible, l’état des revenus des communes dont il arrête le budget pour l’aimée 1807, en les classant par départements.
Il est encore une dépense qui pourrait être convenablement faite par les communes : elle consisterait dans l’établissement de bourses et demi-bourses dans les séminaires diocésains. Le nombre de ces bourses et demi-bourses serait relatif à la situation des finances de la commune. C’est le corps municipal qui nommerait. Cette disposition concourrait, avec les deux mille quatre cents bourses et demi-bourses aux frais du trésor public, à recruter les prêtres dont les églises ont besoin. Lorsque le ministre aura remis à Sa Majesté le tableau des revenus des communes pour 1807, elle pourra fixer ses idées à cet égard.
Il est d’autant plus nécessaire de trouver des objets de dépenses utiles pour les communes que, si l’on ne dispose pas de leurs moyens, ils ne manqueront pas d’être employés à des choses inutiles. Plusieurs communes ont été chargées, pour l’établissement des lycées et des écoles secondaires, de dépenses considérables, qui doivent être en général terminées. Les dépôts de mendicité coûteront beaucoup moins, et quand ce nouvel établissement sera fait, il sera indispensable de trouver d’autres dépenses générales à faire faire aux communes. On pourrait, par exemple, mettre l’entretien des prisons à leurs frais ; cela serait fort avantageux au service des prisons, puisque l’ordonnateur se trouverait ainsi près de la dépense. Cette mesure serait aussi fort avantageuse au ministère, puisqu’elle le déchargerait de dépenses qui ne laissent pas que d’aller fort haut.
En renvoyant à Sa Majesté l’état qu’elle demande, le ministre est invité à y joindre le relevé du revenu des communes en immeubles , afin qu’elle connaisse le montant du dixième qui doit être prélevé pour le clergé selon la loi du budget.
Fontainebleau, 9 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon Fils, je vous ai déjà mandé d’envoyer du biscuit et du blé de Venise à Corfou ; faites-en aussi passer d’Ancône. Le 5e de ligne italien, qui est à Corfou, est mal habillé : faites-lui envoyer les objets qui lui manquent pour qu’il soit en bon état. Je vous ai déjà donné l’ordre de faire partir des conscrits pour compléter les compagnies du 6e de ligne et du 5e italien à 140 hommes. Faites partir vingt-cinq milliers de poudre d’Ancône et cent vingt-cinq milliers de Venise pour Corfou , une grande quantité de poudre étant nécessaire pour cette île. Faites partir un million de cartouches de Venise pour Corfou. Rendez-moi compte du départ de tous ces objets. Envoyez quatre petits bâtiments de ma marine italienne pour rester en station à Corfou pour servir à main tenir libre la communication entre l’Albanie et le royaume de Naples et en éloigner les corsaire.
Fontainebleau, 9 octobre 1807
A Joseph Napoléon, roi de Naples
Mon Frère, je reçois des lettres du 20 septembre du général César Berthier. Sa correspondance n’est pas satisfaisante. Il ne me parle de l’escadre russe qu’à l’occasion de plaintes que lui donne lieu de faire la conduite de l’amiral Siniavine; mais il ne parle pas du nombre des vaisseaux et frégates, de la force des troupes, ni de l’époque où l’amiral doit partir. Je suis encore à connaître la quantité de troupes que les Russes ont à Corfou. Je ne connais pas davantage la force des croisières anglaises dans ces parages.
Donnez ordre au général Berthier de tenir un journal exact de tout ce qui entre, de ce qui sort, de sa correspondance avec Ali-Pacha et les Grecs, et avec les autres pachas turcs. Il doit vous envoyer ce journal régulièrement.
Je vois avec peine que, le 20 septembre, le général Donzelot et le 14e léger n’étaient pas à Corfou. Cela est de la plus grande importance. Je fais passer à Corfou du biscuit et du blé, de Venise et d’Ancône. Je compte sur les 10,000 quintaux que vous devez faire partir d’Otrante. Mon intention est que Corfou soit approvisionnée pour un an.
J’ai envoyé de l’or et j’ai donné ordre qu’on fit passer exactement tous les mois 250,000 francs en or à Corfou. Il m’est très-important que la garnison de Corfou soit parfaitement bien payée et ait sa solde toujours au courant.
Je vois avec peine que la solde des troupes soit arriérée; cela ne peut se concevoir autrement que par le défaut total d’ordre dans l’administration. Du reste, ce qui n’est qu’un mal ordinaire pour Naples en serait un très-grand pour Corfou.
Fontainebleau, 9 octobre 1807
A Louis Napoléon, roi de Hollande
On m’assure que le commerce anglais se fait au bord du Weser et de l’Ems. On désigne assez particulièrement Emden. Envoyez quelqu’un faire saisir les marchandises anglaises qui se trouvent là, et prenez des mesures pour arrêter cette contrebande.
Fontainebleau, 12 octobre 1807
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures
Monsieur de Champagny, expédiez à M. de Rayneval l’ordre de revenir en France; il paraît que ce jeune chargé d’affaires a déployé peu d’énergie et de talents diplomatiques. Avec plus d’énergie de sa part les choses auraient autrement tourné.
Écrivez à M. de Beauharnais que je me regarde comme en guerre avec le Portugal ; que je compte que, le ler novembre, mes troupes seront à Burgos; que, si l’Espagne veut d’autres troupes, elle n’a qu’à en faire la demande, que je lui en enverrai ; que, quant aux arrangements à faire pour le Portugal, il doit s’entendre avec le prince de la Paix; que, dans le climat d’Espagne, l’hiver est la vraie saison pour agir; que le corps du général Junot doit être de près de 20,000 hommes.
Comme il serait possible que les Anglais envoyassent des troupes à Lisbonne, je désire savoir combien l’Espagne envoie de troupes. Mais dites bien qu’il ne s’agit pas de faire comme dans la dernière guerre; qu’il faut marcher droit à Lisbonne.
Fontainebleau , 12 octobre 1807
A M. Cretet, ministre de l’intérieur
Monsieur Cretet, je désire que vous me fassiez un rapport sur le Temple, sur Vincennes, sur le palais actuel de justice y compris la Conciergerie, la préfecture de police et l’hôtel actuel de la Comptabilité. Le but de ce rapport est de me faire connaître s’il convient d’établir la prison d’État à Vincennes, afin de ne pas l’avoir au milieu de Paris, ou s’il convient d’établir au Temple des prisons criminelles, le tribunal criminel et même la cour des Comptes. Alors la préfecture de police serait convenablement établie pour le but où je veux arriver. La Conciergerie et les prisons actuelles du tribunal criminel seraient établies ailleurs. On dit qu’il y a au Temple un beau palais qui ne sert à rien.
Fontainebleau, 12 octobre 1807, 8 heures du matin
Au général Clarke, ministre de la guerre
Monsieur le Général Clarke, envoyez un courrier extraordinaire au général Junot, à Bayonne. Témoignez-lui mon mécontentement de ce qu’il ne correspond pas tous les jours avec vous, et qu’il ne vous fait pas connaître la situation de son armée et de ses administrations.
Donnez-lui l’ordre de partir vingt-quatre heures après la réception de votre lettre pour entrer en Espagne avec son armée, en se dirigeant sur les frontières du Portugal. L’Espagne doit avoir donné des ordres pour la nourriture de ses troupes.
Vous ferez connaître au général Junot que mon ambassadeur est parti de Lisbonne ; qu’ainsi il n’y a pas un moment à perdre afin de prévenir les Anglais.
Avez-vous reçu un état de situation de son armée depuis que les troupes sont arrivées à Bayonne ? Celui que j’ai, en date du 15 septembre, est évidemment faux et ne présente pas ce qui existe, mais l’exécution des ordres que j’ai donnés, car tout est au grand complet.
Fontainebleau , 12 octobre 1807
Au général Clarke, ministre de la guerre
J’apprends avec étonnement qu’après avoir armé les Russes à Metz, on les a désarmés. D’où viennent ces ordres et contre-ordres, et qui est coupable d’une inadvertance aussi grave ? Sans doute qu’il ne fallait pas armer les Russes en France, mais aux frontières; mais, si on les avait armés, il était absurde de les désarmer. Si cela s’est fait avant que vous ne preniez le portefeuille, il faut envoyer ma lettre au ministre Dejean ; si ce sont des subalternes, il faut les punir. Des choses de cette nature peuvent être de la plus grande importance, en faisant naître des soupçons et de fausses interprétations.
Avant que je n’allasse commander mon armée, le ministre de la guerre était dans l’usage de me remettre, tous les jours, des extraits de la correspondance des généraux et commandants des divisions utilitaires; ces bulletins m’étaient très-utiles pour savoir ce qui se passe et voir ce qu’il y a d’essentiel dans la correspondance militaire.
Fontainebleau, 12 octobre 1807
Au général Clarke, ministre de la guerre
Monsieur le Général Clarke, présentez-moi un projet de décret
1° Pour nommer un gouverneur général des îles Ioniennes, qui sera investi directement de toute l’autorité militaire et supérieurement de l’autorité civile et diplomatique;
2° Pour nommer le sieur Bessières, consul général à Venise, mon commissaire près le sénat des Sept Iles, et l’investir de l’autorité qu’ont les préfets coloniaux, mais sous l’autorité du gouverneur général; enfin pour le charger, également sous l’autorité du gouverneur, de toute la correspondance avec mes consuls et agents de la Morée, de la Bosnie et de l’Archipel;
3° Pour nommer un payeur qui sera chargé de tenir des comptes directs avec le trésor public, pour l’argent qui sera envoyé dans les Sept Iles pour l’entretien et la solde des troupes qui s’y trouvent ; ce payeur sera chargé en outre de la recette des sommes qui seront perçues pour mon compte dans ces îles ;
4° Pour nommer un commandant de la marine qui sera sous l’autorité du gouverneur général, et qui tiendra un journal exact de tous les bâtiments qui entreront et sortiront, de ceux qui seront signalés, etc.
Le gouverneur général correspondra exactement avec le ministre de la guerre. Mon commissaire correspondra avec mes ministres pour toutes les affaires civiles, de finances, de législation , etc. Le payeur comptera avec le trésor public et y enverra ses bordereaux plusieurs fois par semaine.
Vous mettrez dans le décret que le gouvernement des Sept Iles sera tout entier dans les mains de la guerre, comme les colonies sont dans celles du ministre de la marine. Du reste, mon intention est qu’il ne soit rien innové à l’administration intérieure du pays, et qu’elle soit maintenue dans sa plus grande franchise, jusqu’à ce que j’aie donné de nouveaux ordres. Mûrissez bien ce projet, et conférez-en en détail avec le ministre de la marine.
Fontainebleau, 12 octobre 1807
Au général Clarke, ministre de la guerre
Monsieur le Général Clarke, demandez au général César Berthier si 2 ou 300 hommes de cavalerie pourraient lui être utiles ; je lui enverrais 2 ou 300 chasseurs. Pourrait-il les monter, soit à Corfou, soit à Parga ? Aurait-il du fourrage pour les nourrir ? Ecrivez au général César Berthier qu’il doit beaucoup ménager Ali-Pacha ; qu’il est absurde de mettre en doute si je dois lui céder ou non Parga ; que ce n’est pas à mes généraux à rien céder; que je lui ai déjà écrit que j’attendais qu’il fit occuper Parga en force et qu’il mit ce point à l’abri de toute insulte ; que toutes les fois qu’Ali-Pacha lui parle, il doit dire qu’il va envoyer près de moi ; que du reste il doit bien vivre avec tous les pachas et les Grecs. Son dilemme doit être que, la paix étant faite, tout le passé doit être oublié, et que tout le inonde doit vivre en bonne amitié. Recommandez-lui de ne pas être dupe de la finesse d’Ali-Pacha et de ne se permettre aucune négociation diplomatique, ni parlage inutile; recommandez-lui aussi de marcher lentement. Où a-t-il trouvé que c’était moi qui devais payer les bâtiments que nolisent les Russes pour transporter leurs troupes à Venise ? Il paraît qu’il a fait des marchés et qu’il paye; il y a dans cette conduite de la folie.
Fontainebleau, 12 octobre 1807
Au prince de Neuchâtel, major-général de la grande Armée
Je vous renvoie la correspondance de votre frère. Recommandez-lui prudence et sagesse, de bien vivre avec Ali-Pacha, de faire occuper en force Parga, d’être bien avec la Porte, les Russes et les Grecs, de se débarrasser de toutes les demandes qui le gênent en disant qu’il les envoie à Paris, de faire armer Parga, de marcher posément.
Où a-t-il trouvé que c’était moi qui devais payer le nolis des bâtiments qui transportent des troupes à Venise ? Je ne lui ai jamais dit cela; que les Russes ont plus de bâtiments que moi dans l’Adriatique ? Il a eu grand tort de donner des bons ; il y a de la légèreté dans sa conduite.
Engagez-le à vous écrire souvent, et répondez-lui par l’estafette, qui arrive très-promptement à Naples.
Fontainebleau, 12 octobre 1807
A M. Fouché, ministre de la police générale
La fraude redouble dans le département de l’Escaut. Faites-moi un rapport et remettez-moi la note de trente ou quarante individus, principaux agents de cette fraude, soit qu’ils demeurent sur le territoire français, soit hollandais. On désigne spécialement Gand, Saint- Nicolas, Anvers.
Fontainebleau, 12 octobre 1807
A Charles IV, roi d’Espagne
Monsieur mon Frère, dans le temps que la Hollande, les différents princes de la Confédération du Rhin, Votre Majesté, l’empereur de Russie et moi, sommes réunis pour chasser les Anglais du continent et tirer vengeance, autant que possible, du nouvel attentat qu’ils viennent de commettre contre le Danemark, le Portugal offre depuis seize ans la scandaleuse conduite d’une puissance vendue à l’Angleterre. Le port de Lisbonne a été pour eux une mine de trésors inépuisable; ils y ont constamment trouvé toute espèce de secours dans leurs relâches et dans leurs expéditions maritimes : il est temps de leur fermer et Porto et Lisbonne. Je compte qu’avant le 1er novembre l’armée que commande le général Junot sera à Burgos, réunie à l’armée de Votre Majesté, et que nous serons en mesure d’occuper en force Lisbonne et le Portugal. Je m’entendrai avec Votre .Majesté pour faire de ce pays ce qui lui conviendra, et, dans tous les cas, la suzeraineté lui en appartiendra, comme elle a paru le désirer. Nous ne pouvons arriver à la paix qu’en isolant l’Angleterre du continent et en fermant tous les ports à son commerce. Je compte sur l’énergie de Votre Majesté dans cette circonstance, car il est indispensable de forcer l’Angleterre à la paix pour donner la tranquillité au monde.
Fontainebleau, 13 octobre 1807
Au cardinal Fesch, Grand Aumônier
Mon Cousin, je vous envoie le mémoire de la ville d’Ajaccio. Voici, ce me semble, ce qui pourrait être fait. Le couvent des Jésuites est suffisant pour l’instruction publique et la préfecture. On pourrait rendre le séminaire à sa première destination et y établir le séminaire, ou bien on pourrait mettre le séminaire au couvent de Saint-François, et laisser les bâtiments du séminaire pour y établir toutes les administrations. Par là l’église de Saint-François serait rendue au culte. On pourrait mettre l’hôpital militaire à la Piazza d’Olmo. Faites-moi un petit rapport sur tout cela.
Fontainebleau, 13 octobre 1807
A M. Cretet, ministre de l’intérieur
Monsieur Cretet, je désire que vous me fassiez un rapport sur les travaux dans les deux départements de la Corse. On en fait quelques-uns qui sont inutiles. Il ne faut en Corse que deux seuls grands chemins, l’un d’Ajaccio à Bastia et l’autre de Bastia à Saint-Florent; tous les autres chemins doivent être considérés comme vicinaux. On sent qu’une île a moins besoin de grands chemins qu’une province du continent, vu que la mer est un grand moyen de communication.
Faites-moi connaître ce que coûteraient un pont sur le Liamone et un sur le Gravone.
Remettez-moi les plans et un rapport sur ce que coûtent les quais du port d’Ajaccio, et le projet adopté pour donner de bonnes eaux à la ville d’Ajaccio. Où en sont les travaux et à quoi sont-ils évalués ?
Fontainebleau, 13 octobre 1807
A M. Gaudin, ministre des finances
Les Anglais viennent de lever le blocus de l’Elbe et du Weser. Ils ont été portés à cette démarche parce qu’ils ont eu une si grande facilité à charger les bâtiments neutres de leurs marchandises et à les faire écouler dans le continent, parce que, du moment que les neutres peuvent naviguer librement, leur commerce peut trouver un débouché. Faites-moi connaître quelle est la législation actuelle pour les bâtiments de l’Elbe et du Weser, et proposez-moi de donner l’ordre que tous les bâtiments qui arriveraient ayant touché en Angleterre soient saisis et lent, cargaison confisquée, et que les bâtiments neutres qui n’auraient pas été en Angleterre, mais qui se seraient chargés dans d’autres pays de marchandises anglaises ou de denrées coloniales, soient mis en entrepôt jusqu’à ce qu’il soit bien prouvé, par une enquête et par une décision, que ces marchandises ne viennent pas des colonies anglaises. Voyez avec M. Collin s’il y aurait d’autres mesures à prendre pour empêcher dans l’Elbe cette contrebande, qui est si avantageuse aux Anglais. Apportez-moi, mercredi, un projet de décret sur les mesures à prendre, ainsi que toutes les pièces relatives au blocus de l’Angleterre.
Fontainebleau, 13 octobre 1807
Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine
Monsieur Decrès, mon ministre a quitté le Portugal; on doit donc considérer la guerre comme déclarée à cette puissance. Envoyez donc des courriers dans tous mes ports, à Hambourg et en Hollande, et écrivez par l’estafette à Naples, en Italie, à Livourne et à Gènes, pour que l’embargo soit mis sur tous les bâtiments portugais.
Fontainebleau, 13 octobre 1807
Au général Duroc, grand maréchal du palais
Écrivez à M. Denon que j’ai arrêté que le quadrige de Berlin serait placé sur le temple de la Victoire, à la Madeleine.
Ses médailles peuvent être approuvées; mais il faudrait qu’une constatât la prise de Magdeburg, une la prise de Stettin, l’autre la conquête de la Silésie avec toutes ses places, une la prise du Hanovre, une autre l’occupation de Hambourg.
Fontainebleau, 14 octobre 1807
Au maréchal Davout, chargé du 1er commandement de la grande Armée
Mon Cousin,j’ai reçu vos lettres du 25 septembre. La légion polacco-italienne et le régiment de lanciers ne doivent pas rester au service de Pologne; ils passent au service du roi de Westphalie. Je leur ai déjà donné l’ordre de se rendre à Magdebourg. I faut que le gouvernement polonais leur fasse comprendre qu’il ne peut les prendre à son service, parce qu’il ne peut pas les payer; qu’il ne peut pas même payer la légion du Nord, tandis que j’aurais pu la prendre à ma solde.
J’ai accordé à Mme Sulkowska une pension de 6,000 francs. J’ai ordonné à M. Estève de lui en envoyer le brevet et de la lui faire toucher exactement.
Les bruits de guerre avec l’Autriche sont absurdes. Vous devez tenir constamment le langage le plus pacifique ; le mot de guerre ne doit jamais sortir de vôtre bouche. Vous devez bien accueillir les officiers autrichiens.
Vos approvisionnements d’infanterie me paraissent suffisants. Il n’y a idée de guerre avec personne. Quant aux réparations pour l’artillerie, j’ai ordonné qu’il vous fût accordé des fonds. Je dois avoir de grands magasins de vivres et d’autres objets ; il faut veiller à ce qu’ils ne soient point gaspillés, et que, si l’armée évacue avant qu’ils soient consommés, vous vous en fassiez rendre compte.
J’ai donné ordre que la solde vous fût payée exactement et qu’une gratification fût accordée à vos officiers.
Fontainebleau , 14 octobre 1807
A M. Portalis, chargé des affaires des cultes.
Témoignez mon mécontentement à l’évêque d’Ajaccio de ce qu’il établit le séminaire dans un village au lieu de l’établir dans la métropole; que mon intention est qu’il passe au moins dix mois de l’année dans le chef-lieu de son diocèse.
Fontainebleau, 13 octobre 1807
Au général Songis, commandant l’artillerie de la grande Armée
J’ai reçu votre lettre de Berlin, du 30 septembre. J’approuve fort la conduite que vous avez tenue relativement à la démolition des places de Prusse. Le maréchal Victor a parfaitement rempli mes intentions. Il est nécessaire que ces places ne restent pas sans défense; il est bon même d’y mettre un certain nombre de pièces de canon.
Fontainebleau, 14 octobre 1807
A Louis Napoléon, roi de Hollande
Mon Frère, vos lettres m’assurent que la Hollande est revenue à l’exécution du traité d’alliance, et qu’en conséquence tout commerce est interdit avec l’Angleterre. Prenez de nouvelles mesures pour que même une lettre ne parvienne.
Après avoir organisé votre armée, ne la désorganisez pas. J’apprends que vous voulez défaire votre Garde. La Hollande ne peut pas avoir moins de 40,000 hommes à l’effectif, ce qui fait 25,000 hommes sous les armes. Si elle n’a pas ces troupes, qui la défendra ? La paix n’est pas sûre. Voulez-vous vous exposer à voir votre flotte prise et Amsterdam brûlé ? Croyez-vous que je consentirai à vous envoyer de mes troupes dont j’ai besoin ailleurs ? Et puis pensez-vous que, si je vous envoie de mes troupes, je serais assez bon pour les payer ? Dans tous les cas , il vous faudrait donc de l’argent. Tenez votre armée sur un bon pied et n’allez pas économiser des miettes. Quatre ou cinq millions de plus ou de moins ne peuvent pas changer la face de la Hollande, tandis que 15 ou 20,000 hommes de plus ou de moins peuvent la sauver ou la perdre. Des finances, des troupes et de la sévérité à faire exécuter les lois, voilà les devoirs des rois. Laissez crier les marchands; pensez-vous que ceux de Bordeaux ne crient pas ?
Fontainebleau, 14 octobre 1807
Au général Savary, Saint-Pétersbourg
Monsieur le Général Savary, je reçois votre lettre du 23 septembre. L’officier d’ordonnance Deponthon, et l’aide de camp du prince de Neuchâtel, Périgord, vous seront successivement arrivés depuis Montesquiou. Vous aurez également reçu une partie des choses que vous avez demandées. Je vous envoie aujourd’hui des lettres pour l’impératrice régnante.
J’ai vu avec peine que vos lettres à M. de Champagny n’étaient pas dans le style convenable. Un ministre est toujours un ministre. D’ailleurs un homme sage et prudent n’accroît jamais le nombre de ses ennemis. Quelle nécessité y avait-il de répondre à une phrase banale par laquelle le ministre vous recommandait l’économie ? Vous donnant un crédit illimité, il était de son devoir, en qualité de ministre qui a un budget dont il rend compte, de vous dire d’économiser. Mais vous avez, messieurs, la tête près du bonnet, vous vous formalisez trop. Vous avez eu d’autant plus tort que je n’ai pas d’homme plus honnête et plus attaché que Champagny.
Guilleminot, en Valachie, s’est mêlé de beaucoup plus de choses qu’il ne devait. Ses instructions ne lui disaient pas de signer l’armistice, ni de stipuler des conditions absurdes, telles que la remise des vaisseaux de guerre et la reprise des hostilités au ler mars si l’on ne s’arrangeait pas. La lettre que vous lui avez écrite n’a donc aucun inconvénient. Si cet officier est encore à Bucharest, ce que je ne crois point, et que, pour soutenir sa pointe, il vous répondit qu’il a agi d’après ses instructions, vous ne devez pas le croire. J’ai écrit à Sebastiani pour faire revenir la Porte sur ces deux articles. Mais le principal n’est pas ces deux articles : c’est la remise des places fortes qui a dû indisposer l’empereur Alexandre. M. de Champagny vous écrit longuement et vous envoie diverses pièces que vous ne connaissez pas, telles que les articles secrets du traité avec la Russie, et le traité d’alliance, afin que vous soyez au fait de toutes les affaires.
Un courrier russe est parti, il y a trois jours; il vous porte des lettres qui seront probablement vues. Le fait est que l’amiral Siniavine était encore le 20 septembre à Corfou. L’équipage dont se plaint surtout le gouverneur de Corfou est celui du vaisseau l’Asie, qui est commandé par un Anglais; mais ce sont là de petites affaires. Au reste, j’ai fait donner à l’amiral l’avis de se méfier des Anglais; je pense que cela aura produit l’effet convenable.
Après ce que vous m’écrivez, je puis penser que du 15 au 17 l’ambassadeur Tolstoï sera ici. Il eût été très-nécessaire qu’il arrivât plus tôt, afin de pouvoir envoyer des ordres et des instructions aux vaisseaux russes.
Les prisonniers russes sont arrivés à Cologne et à Coblentz ; on en a formé sept bataillons. On leur avait donné de mauvaises armes à Metz; j’ai ordonné qu’on les leur retirât et qu’on leur en donnât de meilleures.
L’Angleterre n’a fait ici, ni directement ni indirectement, aucune proposition. Tout porte à penser qu’elle est dans le système de continuer la guerre. Notre première opération doit être, aussitôt que lord Gower sera chassé de Saint-Pétersbourg, de faire chasser le ministre anglais de Vienne. A l’heure qu’il est, celui qui est à Lisbonne doit avoir quitté cette ville.
J’ai vu avec plaisir que l’empereur faisait venir son armée en Finlande. Il faut aussi obliger la Suède à fermer ses ports et à déclarer la guerre à l’Angleterre.
Quant aux affaires de Turquie, c’est une chose qui demande bien des combinaisons, sur laquelle il faut marcher bien doucement; elle est trop compliquée pour que vous puissiez connaître mes intentions. J’attends pour tout cela M. de Tolstoï. Au reste, il paraît que cet empire tombe tous les jours.
L’ambassadeur de la Porte, qui était d’abord allé à Vienne et de Vienne s’était rendu à Paris, y était à peine arrivé qu’il a reçu un courrier qui le rappelait à Constantinople.
Fontainebleau, 15 octobre 1807
Je reçois la lettre de Votre Altesse, du 26 septembre. Je suis vraiment fâché que les circonstances soient telles que je n’aie pas pu faire ce qu’elle désirait pour le duc de Brunswick. J’ai chargé mon ministre des relations extérieures de lui faire connaître la pension dont ce prince doit jouir en vertu du traité de Tilsit. J’espère trouver d’autres occasions où je serai plus heureux et où je pourrai la convaincre du désir que j’ai de lui être agréable.
Fontainebleau, 16 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon Fils, j’avais, je crois, formé à Alexandrie une réserve de grenadiers et de voltigeur pour joindre à l’armée d’Italie. Ecrivez au généra1 Menou que, cette réserve étant désormais inutile, elle doit être dissoute, et chaque compagnie renvoyée à son corps; vous ne la porterez plus à l’avenir sur l’état de l’armée d’Italie.
Fontainebleau, 16 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon fils, il y a besoin aux bouches du Cattaro de 100 milliers de poudre, d’un? vingtaine de 100 milliers de boulets, et de 8 à 900,000 cartouches; faites-les-y passer sans retard, en profitant d’une bonne occasion par mer. Joignez à cet envoi quelques affûts; il doit d’ailleurs y avoir là du bois pour en faire. Je vois avec plaisir que, le 9 novembre, 1,500 hommes des dépôts de Naples arriveront dans ce royaume, ce qui, avec le régiment d’Isembourg, fera 3,500 hommes de renfort ; faites-moi connaître ce qu’il est possible d’envoyer des dépôts de l’armée de Naples pour renforcer les bataillons de guerre. Remettez-moi à cet effet un état de situation de ces dépôts au 15 octobre, présentant ce qui en est parti par vos ordres, ce qui compose les cadres, en distinguant ce qui est hors de service et ce qu’on pourrait faire partir au 15 novembre. Je vois dans votre état de situation du 1er octobre que les deux bataillons de guerre du 45e de ligne ont 600 malades. C’est un signe qu’ils sont placés dans un lieu malsain. Pourquoi le 1er bataillon du 55e est-il à Capo-d’Istria et à Pola ? Cela ne devrait pas être. Le bataillon royal d’Istrie suffisait pour cette province.
Fontainebleau, 16 octobre 1807
Au cardinal Fesch, grand aumônier
Mon Cousin, je vous renvoie votre rapport pour que vous me rédigiez un projet de décret sur tout cela. Le bâtiment du séminaire étant dans le plus bel emplacement de la ville, il paraît difficile d’y établir le séminaire. Ne serait-il pas plus convenable de le placer dans l’ancien couvent des Capucins ? Il me semble qu’avec une vingtaine de mille francs on pourrait l’établir là, et y avoir une centaine de séminaristes.
Fontainebleau, 16 octobre
A M. Cretet, ministre de l’intérieur
Monsieur Cretet, il faut s’occuper du programme de la fête du décembre. Mon intention est que vous mentionniez dans ce programme les différentes dispositions du décret qui institue cette fête, pour qu’elles soient exécutées avec la plus grande exactitude. Que chaque commune ayant plus de 10,000 francs de revenus fasse, ce jour-là, sur les fonds de la commune, la dot d’une fille sage, qui sera mariée avec un homme ayant fait la guerre. Le choix sera fait dans les communes par le conseil muinici pal, et dans les chefs-lieux par les préfets. Il faut que la ville de Paris fasse la même chose et donne une fête digne d’elle. Faites en sorte que le programme soit fait et tout cela annoncé avant le ler novembre, afin d’avoir tout le mois de novembre pour se préparer. Il faut principalement motiver cette fête comme étant l’anniversaire du couronnement, plus que comme étant l’anniversaire de la bataille d’Austerlitz.
Fontainebleau , 16 octobre 1807
Au général Clarke, ministre de la guerre
Monsieur le Général Clarke, j’ai écrit au général Junot, commandant en chef mon armée de la Gironde, que mon intention était que l’armée agisse sur les bords du Tage et se dirige en Espagne par Valladolid, Salamanque et Ciudad-Rodrigo, d’où elle partira pour se rendre à Lisbonne.
Vous écrirez à mon ambassadeur près le roi d’Espagne, à Madrid, par le même courrier qui portera mes instructions au général Junot; vous lui ferez connaître que, du moment où les ordres que je donne à mon armée seront prêts à recevoir leur exécution, mon intention est qu’elle agisse sur le Tage; que, lorsqu’elle sera réunie à Valladolid, elle sera forte de 20,000 hommes d’infanterie et de 2,000 chevaux ; que je désire que le roi d’Espagne y joigne 10,000 hommes d’infanterie, 4,000 chevaux et 30 pièces de canon ; ce qui portera le total de cette armée à 30,000 hommes d’infanterie, 6,000 hommes de cavalerie, 4,000 hommes d’artillerie et sapeurs, et à peu près 70 pièces de canon. Total général, 40,000 hommes de toutes armes. Cette armée, ainsi organisée, se rendra sous Lisbonne sous les ordres du général Junot.
Deux autres divisions devront se diriger, l’une sur Porto et l’autre, à travers la province d’Alentejo, au midi du Tage. Ainsi, en supposant que chacune de ces divisions soit de 6,000 hommes espagnols de toutes armes, l’Espagne aurait à fournir moins de 30,000 hommes Vous écrirez que la solde de mon armée lui sera payée par moi, mais qu’elle sera nourrie par l’Espagne, sauf à faire une compensation avec la nourriture des troupes espagnoles qui sont en France.
Vous prendrez en conséquence vos mesures pour que la solde de l’armée de la Gironde soit faite exactement jusqu’au 1er janvier. Vous ferez de même mettre une somme de 50,000 francs à la disposition du commandant du génie de l’armée; 50,000 francs à la disposition du commandant de l’artillerie; enfin 50,000 francs à la disposition du général Junot pour dépenses secrètes.
Quant à ce que l’on fera payer de contributions au Portugal, soi en argent, soit en marchandises , cela ne regarde point le ministère de la guerre : c’est une affaire purement diplomatique, et il est probable que le roi d’Espagne nommera quelqu’un à Paris pour discuter et régler définitivement cette question.
Fontainebleau, 16 octobre 1807
Au général Clarke, ministre de la guerre
Monsieur le Général Clarke, mon intention est de former un second corps d’observation de la Gironde, qui sera composé de trois divisions. Ces trois divisions seront composées de trois bataillons de chacune des cinq légions de réserve, de quatre bataillons suisses (deux du 3e, un du 2e, et un du 4e), de deux bataillons des troupes de Paris et du 3e bataillon du 5e d’infanterie légère; ce qui fera vingt-deux bataillons ou sept bataillons par division. Chaque division aura douze pièces d’artillerie pour son service. Proposez-moi le plus tôt possible la formation de l’état-major, de l’artillerie, du génie et des administrations. Proposez-moi également les trois généraux de division, les trois adjudants commandants et les six généraux de brigade nécessaires pour commander ce corps. Le corps d’observation de la Gironde aura donc besoin de trente-six pièces d’artillerie. Ces trente-six pièces nécessitent 7 à 800 chevaux.
Mon intention est que vous fassiez partir le 20, après en avoir passé la revue, le bataillon du train de ma Garde qui est à Paris, et que vous chargiez un officier d’artillerie et un officier de ce bataillon du train de se rendre en poste dans les Pyrénées ou dans les Landes, pour acheter 600 mulets de trait ou chevaux et en faire faire les harnais, de manière qu’au 20 novembre il y aurait là 800 chevaux ou mulets harnachés, servis par 400 hommes du train de la Garde. S’il y avait des harnais confectionnés, on pourrait les faire partir de Paris.
Vous ordonnerez que les 3e bataillons des cinq légions de la réserve partent pour Bayonne au ler novembre, au plus tard. Ces 3e bataillons seront réunis aux deux premiers et seront sous les ordres des majors qui les commandent.
Fontainebleau, 16 octobre 1807
Au général Clarke, ministre de la guerre
Monsieur le Général Clarke, vous donnerez des ordres pour qu’il soit formé une réserve générale de cavalerie, composée de régiments provisoires. Elle sera organisée de la manière suivante :
l° Une brigade de grosse cavalerie, commandée par un général de brigade et composée de deux régiments provisoires;
1er régiment : 120 hommes du 1er carabiniers et 120 du 2e; 110 de chacun des 1e, 2e et 3e cuirassiers; ensemble, 660 hommes;
2e régiment : 140 hommes du 5e cuirassiers et 140 du 12e; 120 de chacun des 9e, 10e et 11e; ensemble, 600 hommes.
Chaque régiment sera commandé par un major de l’un des régiments, par un adjudant-major et deux adjudants sous-officiers, choisis de manière que deux officiers ne soient pas fournis par un même régiment ; le détachement fourni par chaque régiment sera composé d’un capitaine, d’un lieutenant, de deux sous-lieutenants , d’un maréchal des logis chef, de quatre maréchaux des logis, de six brigadiers, de deux trompettes, d’un maréchal ferrant , et le reste de soldats.
Cette brigade de grosse cavalerie se réunira à Tours.
2° Une brigade de dragons, commandée par un général de brigade et composée de deux régiments provisoires, composés et organisés de la même manière que la brigade de grosse cavalerie;
1er régiment : 120 hommes de chacun des 11e, 14e, 18e et 19e de dragons; total, 480 hommes;
2e régiment : 140 hommes du 20e de dragons et 120 de chacun des 2le, 25e et 26e ; total, 500 hommes.
Cette brigade de dragons se réunira à Orléans.
3° Une brigade de chasseurs, commandée par un général de brigade et composée de la même manière que les deux précédentes ;
ler régiment : 120 hommes de chacun des 1e, 2e, 5e, 7e et 11e e chasseurs; ensemble, 600 hommes;
2e régiment : 140 hommes de chacun des 12e, 13e et 20e de chasseurs et 120 des 16e et 21e; ensemble, 660 hommes.
Cette brigade de chasseurs se réunira à Chartres.
4° Une brigade de hussards, commandée par un général de brigade et composée de la même manière que les précédentes ;
1er régiment : 120 hommes de chacun des 2e, 3′, 4e et 5e de hussards ; total, 480 hommes ;
2e régiment : 120 hommes des 7e, 8e, 9e et 10e hussards ; total 480 hommes.
Cette brigade de hussards se réunira à Compiègne.
Vous donnerez des ordres pour que, sans délai, les compagnies qui doivent former chaque régiment soient organisées et mises en marche. Vous choisirez vous-même les majors qui doivent commander les régiments provisoires. Le procès-verbal de formation de chacun des détachements vous sera envoyé, et vingt-quatre heures après ces détachements seront en marche.
S’il est des corps qui ne puissent pas fournir les détachements aussi forts que je les demande, ils les feront partir sur-le-champ aussi forts qu’ils pourront les fournir; il ne faut pas cependant qu’ils soient moindres de 80 hommes, et vous donnerez des ordres, après vous être concerté avec le ministre Dejean, pour que ces régiments soient mis à même d’acheter des chevaux et des selles pour compléter promptement leur nombre.
Fontainebleau, 16 octobre 1807
Au général Clarke, ministre de la guerre
Monsieur le Général Clarke, je vois avec peine que le 111e, qui est à Alexandrie, a 690 malades. Qui est-ce donc qui rend l’air d’Alexandrie si malsain ?
Faites-moi connaître si le régiment d’Isembourg est parti de Gènes pour se rendre dans le royaume de Naples. S’il n’est pas parti, faites-le partir sans délai.
J’ai disposé de deux bataillons de chacun des quatre régiments suisses qui sont en France. Faites-moi connaître quand les 3e bataillons se trouveront en état et prêts à partir.
Fontainebleau, 16 octobre 1807
A M. Fouché, ministre de la police générale
Je vois avec surprise que le Publiciste parle du comte de Lille sans le nommer. Faites connaître au rédacteur de ce journal que la première fois qu’il parlera de cet individu, je lui ôterai la direction du journal; que je désire qu’il soit porté la plus grande attention sur cet objet.
Fontainebleau, 16 octobre 1807
A Joseph Napoléon, roi de Naples
Mon Frère, je vous ai envoyé le régiment d’Isembourg, composé de trois bataillons, et j’ai dirigé 3 à 4,000 hommes de vos dépôts pour renforcer votre armée. Mais, parbleu ! ne souffrez pas la honte d’avoir les Anglais à Reggio et à Scilla; c’est une ignominie sans égale.
Le 9 novembre, le premier détachement de vos dépôts, composé de 1,500 hommes, doit arriver à Naples.
Fontainebleau, 16 octobre 1807.
DÉCISION
M. de Champagny, ministre des relations extérieures , propose à l’Empereur de payer à M. Gaillande, vice- consul au cap de Bonne-Espérance, les appointements attachés à son emploi depuis sa nomination. | Ce rapport n’est pas clair; il ne fait pas connaître l’époque à laquelle le sieur Gaillande est parti pour se rendre au cap de Bonne-Espérance, quand il est entré en fonctions, les appointements qui lui ont été donnés en partant, pourquoi ses appointements n’ont pas été fixés du moment de sa nomination. Tout cela n’est pas clair. Ce n’est pas ainsi qu’on doit me remettre des rapports. |
DÉCISION
Sire, au commencement de la campagne contre la Prusse, Votre Majesté daigna me faire l’honneur insigne de m’appeler à Mayence et de m’employer auprès de son auguste personne. Elle se réserva néanmoins de prononcer sur ma destination définitive à la fin de la campagne, et décida que je conserverais jusqu’alors ma place de premier aide de camp du maréchal Ney. Deux campagnes sans exemple ont été achevées depuis cette époque. On m’a rayé du tableau de l’état-major du maréchal par ordre de S,. M. le prince de Neuchâtel, alors ministre de la guerre, sans me donner néanmoins cette destination définitive. Dans une position aussi pénible, j’ose recourir humblement à la bienveillance de Votre Majesté et la supplier de vouloir bien prendre une décision qui m’assimile aux officiers de sa Maison militaire. Jomini, adjudant commandant. | Il sera attaché au maréchal Ney, qui le demande, |
Fontainebleau, 17 octobre 1807
NOTE POUR M. CRETET, MINISTRE DE L’INTÉRIEUR.
Sa Majesté n’a point accordé la somme de 44,700 francs pour l’administration de l’île d’Elbe. Elle regarde comme affligeant pour le ministère de l’intérieur que la mine de l’île d’Elbe ne rende rien depuis six ans. Elle désire qu’il soit fait un rapport qui établisse ce que cette mine a rendu, année par année, ce qu’elle devait rendre, et ce qu’il y a à faire pour tirer enfin parti de cette branche de revenu. Il conviendrait même d’envoyer en toute hâte à l’île d’Elbe un auditeur intelligent qui ferait une enquête sur tout ce qui s’est passé dans cette île relativement à l’exploitation de la mine. Sa Majesté ne serait pas surprise que le commissaire qui a été employé dans les pays conquis exploitât l’île à son profit.
Fontainebleau, 17 octobre 1807
NOTE DICTÉE PAR L’EMPEREUR
Les associés Vanlerberghe, Desprez et Ouvrard ont suspendu leurs payements. Cette compagnie était chargée du service des vivres de la guerre et de la marine, de la conservation de l’approvisionnement de l’intérieur, c’est-à-dire d’un mouvement d’affaires de plus de soixante millions par an.
Les prix de son marché étaient tellement avantageux, et les circonstances avaient été tellement favorables, à raison des bonnes récoltes qui ont été faites pendant les cinq ans de la durée de son entreprise, que cette affaire aurait dût être le fondement d’une des plus grandes fortunes de France.
Mais cette compagnie a donné dans d’étranges spéculations. Au lieu de se contenter du service qu’elle avait à faire en France, elle s’est chargée des affaires de l’Espagne; elle a fourni à cette puissance pour beaucoup de millions de blé et de chanvre, et elle lui a aussi fait en argent des remises très-considérables, de sorte qu’elle s’est trouvée avoir fait en l’an XIII et en l’an XIV pour une centaine de millions d’affaires avec l’Espagne. Elle s’était aussi entremêlée, en l’an XIII, dans les négociations d’escompte des obligations du trésor public. Le détail des affaires d’une seule maison s’est ainsi porté au delà de ce qu’on avait vu jusqu’à ce jour.
Dans les mois de brumaire et de frimaire de l’an XIV, cette compagnie , au moyen des crédits accordés par elle pour ses opérations particulières et pour des affaires faites avec l’étranger, avait déplacé de France plus de cent millions, détérioré tous les changes de l’Europe au désavantage de la France, et produit les embarras dans lesquels se trouva alors la Banque. Les régents de cet établissement, trompés par la connaissance qu’ils avaient du service dont cette compagnie était chargée en France, avaient cru servir l’État en escomptant un papier de circulation qui n’était créé que pour le service particulier de cette compagnie, dont les désordres ont été si désastreux.
Le premier soin de Sa Majesté, qui en avait eu quelque connaissance à l’armée, fut, au moment même de son retour en France, à la fin du mois de janvier 1800, de se faire rendre compte de la situation de cette compagnie, et il fut constaté qu’elle se trouvait débitrice envers le trésor public d’une somme de cent quarante millions dont elle s’était mise en possession par des opérations clandestines et frauduleuses, en détournant les fonds des obligations qui lui avaient été remises pour les réaliser, et en les appliquant à des affaires étrangères à son service et aussi extravagantes que gigantesques.
On conçoit facilement combien aurait été critique, en ce moment, la position du trésor, si d’ailleurs la situation politique de la France n’avait pas été aussi favorable.
Pour ces cent quarante millions dus au trésor et qui avaient été reçus en obligations équivalentes à de l’argent comptant, la compagnie avait des permissions d’exportation au Mexique, des traites en piastres et quelques créances sur des maisons de banque de Paris. Il fallut se contenter de ces traites et de ces créances et tâcher de couvrir le trésor public au moyen de ces valeurs. Une partie des fonds appartenant au trésor est en effet rentrée. Mais la situation de la compagnie, au moment où elle manque, est telle qu’elle doit encore quarante-huit millions au trésor public. Il est probable que le trésor public ne perdra point ces capitaux, et qu’il en sera couvert tant par le service fait à la guerre et à la marine que par d’autres effets dont peut espérer le remboursement.
Tels sont les résultats des opérations de cette compagnie, qui s’est laissé diriger par un esprit d’extravagance et par des spéculations aventurières dont il y a peu d’exemples, spéculations qui auraient été funestes non-seulement à elle, mais encore au trésor public, par la trop grande confiance qu’il lui avait accordée, et à l’État, si les circonstances eussent tourné différemment.
Dans tous ces calculs, la compagnie est encore traitée avec avantage, car on n’y comprend pas le compte des intérêts à sa charge pour le déplacement de sommes aussi considérables : ce compte, arrêté au trésor public, dépasse déjà plus de six millions.
Si la compagnie s’était bornée à l’entreprise dont elle était chargée, si elle ne s’était point embarrassée d’affaires faites avec l’étranger, si elle ne s’était pas jetée dans les plus ridicules spéculations, elle aurait fait honneur à son service, elle se serait assuré des profits considérables, et elle aurait répondu à la confiance du Gouvernement. Sa conduite rappelle l’excessive crédulité et l’esprit qui régnaient au temps des actions du Mississipi.
[1]Cette note fut expédiée au ministre de l’intérieur avec une lettre portant invitation de la communiquer aux préfets.
Fontainebleau, 17 octobre 1807
Au général Junot, commandant le corps d’observation de la Gironde
Je reçois votre lettre du 10. Mon intention est que vous correspondiez tous les jours avec le ministre et quelquefois avec moi.
Je donne ordre que deux adjudants commandants vous soient envoyés, et que des régiments provisoires, formés de détachements des corps qui composent votre armée, se mettent en marche pour vous renforcer. De nouveaux détachements se mettront en marche après, de manière à maintenir votre armée dans son complet actuel. Des ordres sont partis également pour que les corps qui forment votre 3e division envoient tout ce qu’ils ont de disponible. Les régiments suisses envoient leurs 3e bataillons, ce qui augmentera votre armée de deux bataillons. J’ai ordonné que deux nouvelles compagnies d’artillerie vous fussent envoyées. Un général de brigade se rend à l’armée de la Gironde pour commander l’artillerie. Une escouade d’ouvriers est partie pour se rendre à votre armée, ainsi que plusieurs généraux de brigade.
Je ne suis point d’opinion de former à six compagnies les bataillons de votre 2e division. Je vois que le plus fort bataillon est à 1,000 hommes, c’est-à-dire à 150 hommes par compagnie; les fatigues de la route les réduiront à 100 hommes; ce n’est pas trop.
Vous êtes le maître d’ordonner que les compagnies de grenadiers soient complétées également à ce nombre. Vous les ferez compléter par des grenadiers postiches.
Un 2e corps d’observation sera, au ler décembre, réuni à Bayonne, et sera fort de 30,000 hommes, dont 5,000 de cavalerie. Dans toutes les chances vous serez appuyé.
Faites-moi faire la description de toutes les provinces par où vous passez, des routes, de la nature du terrain ; envoyez-moi des croquis.
Chargez des officiers du génie de ce travail , qu’il est important d’avoir. Que je puisse voir la distance des villages, la nature du pays, les ressources qu’il présente. Et ne quittez pas votre armée, d’abord parce qu’un général ne doit jamais la quitter; ensuite parce qu’il n’est grand que dans son armée, et qu’il est petit dans les cours. Quelque invitation que l’on vous fasse, marchez avec une de vos divisions.
J’apprends, au moment même, que le Portugal a déclaré la guerre à l’Angleterre et renvoyé l’ambassadeur anglais : cela ne me satisfait pas ; continuez votre marche; j’ai lieu de croire que c’est entendu avec l’Angleterre pour donner le temps aux troupes anglaises de venir de Copenhague. Il faut que vous soyez à Lisbonne au 1er décembre, comme ami ou comme ennemi.
Maintenez-vous dans la meilleure harmonie avec le prince de la Paix. Adressez-vous à mon ambassadeur pour toutes les affaires que vous aurez à discuter avec la cour.
Fontainebleau, 18 0ctobre 1807
A M. de Champagny, ministre de la guerre
Monsieur de Champagny, faites-moi un rapport sur la question de Fribourg, afin d’intervenir dans cette discussion pour maintenir l’acte de médiation.
Fontainebleau, 18 octobre 1807
A Joseph Napoléon, roi de Naples
Mon Frère, je reçois votre lettre du 8, avec l’état de situation qui y était joint. Je vois que vous avez près de 40, 000 hommes présents sous les armes, et 7,000 hommes aux hôpitaux. Je vous envoie la valeur de 6,000 hommes, soit du régiment d’Isembourg, soit des différents détachements de vos dépôts. Votre état est finit dans la saison de l’année où les hôpitaux sont le plus remplis ; avant deux mois il en sortira la moitié des malades.
Comment est-il possible que vous souffriez la honte d’avoir les Anglais à Scilla ? Vous avez fait la faute de les laisser s’y établir ; il faudra un siège pour les en chasser. Je vous réitère de prendre Scilla. Tout ce que le général Lamarque allègue dans son mémoire est ridicule. Si j’avais 40,000 hommes en Italie, je voudrais être maître de tout le royaume de Naples, de tous les États du Pape et avoir encore 20,000 hommes sur l’Adige pour renforcer l’armée française. Vous recevrez cette lettre avant le 1er novembre. Faites qu’à la fin de novembre les Anglais soient chassés de Scilla et ne souillent plus de leur présence un seul coin du continent. Toutes vos troupes restent libres par cette opération ; vos gardes seules sont suffisantes à Naples. Dans la saison de novembre les brigands ne lèveront pas le pied, parce que les chaleurs ne s’opposeront point à la marche des troupes.
Deux de mes frégates et quelques corvettes sont parties de Toulon pour se rendre à Corfou ; donnez des ordres secrets à Tarente et Otrante afin que, si elles se présentent devant ces ports, elles soient protégées, et qu’on ne les prenne pas pour des Anglais.
Je ne vois que la Corse pour recevoir les 4,000 hommes dont vous voulez vous purger. Si vous voulez les y envoyer directement, je n’y vois pas d’inconvénient. Quant au Piémont et à l’intérieur de la France, on en est empesté, et mes peuples ont le droit de se plaindre que je trouble ainsi leur tranquillité. Il y a peu de jours encore que six Napolitains ont assassiné quelques Français. On se plaint aussi en Corse, mais, au moins, les habitants ayant l’habitude d’être armés, on peut facilement les contenir.
Fontainebleau, 18 octobre 1807
A Joseph Napoléon, roi de Naples
Vous me proposez des régiments napolitains, mais ceux que vous m’avez envoyés ne sont pas complets; ce ne sont pas des régiments d’officiers qu’il me faut. Je ne fais pas de difficulté de recevoir des régiments napolitains, pourvu que les compagnies soient à un effectif de 140 hommes. Les régiments que vous avez en Italie ne sont pas à un effectif de 60 hommes par compagnie. Ce n’est pas ainsi qu’on forme des régiments. Il fallait laisser les 3e bataillons à Capoue pour faire partir dans la saison favorable de gros détachements, pour recruter les deux ler bataillons qui sont en France. J’ai deux bataillons napolitains qui seront bientôt réduits à rien. Il faut donc que les régiments que vous m’envoyez soient composés de deux bataillons de neuf compagnies chacun ; chaque compagnie, au moment de passer les Alpes, doit avoir 140 hommes ; ce qui fait 1,260 hommes par bataillon. Les 3e bataillons resteront à Capoue, afin de recevoir les recrues, et ils feront tous les ans partir 7 à 800 hommes pour recruter les deux 1er bataillons. Alors il sera possible d’avoir deux régiments.
Quant à l’idée d’avoir à Naples des troupes napolitaines aussi bonnes que les miennes, je ne crois pas que vous viviez assez, ni votre fille, pour voir ce miracle-là. Je vois par là que vous êtes comme les trois quarts des hommes, qui ne connaissent point la différence des troupes. Des troupes comme celles que je vous laisse ne sont pas remplaçables par des troupes étrangères. Les troupes russes leur sont inférieures ; les troupes allemandes plus inférieures ; les troupes italiennes plus inférieures encore : et cependant les Italiens sont formés depuis douze ans, sont mêlés de beaucoup de Français et ont passé quatre ans au camp de Boulogne.
Je désire que vous renvoyiez le régiment des pontonniers, le bataillon du train et le régiment d’artillerie à cheval, français, que vous avez. Il ne faut pas à Naples de régiments d’artillerie napolitains, vous n’en avez pas besoin. Je crois que vous pouvez renvoyer encore quelques régiments de cavalerie française, ce qui tendrait à diminuer vos dépenses.
L’idée que je serais obligé de maintenir 30,000 Français pour garder le royaume de Naples n’est pas admissible, Naples les payerait-il ; et encore serait-ce une certaine charge pour la France.
J’apprends avec plaisir ce que vous me dites de M. Roederer. Je trouve que vous avez tort de tant payer les officiers français qui sont à Naples; il faudrait alors en diminuer beaucoup le nombre. Quant aux fournisseurs, je ne sais pas pourquoi vous leur donnez de l’argent, puisque vous avez de tout, du blé, du vin, des draps. Vous n’avez besoin de fournisseurs que pour la manutention, et alors ce que vous auriez à payer serait très-peu de chose.
Fontainebleau, 19 octobre 1807
ORDRE CONCERNANT DES ASSOCIATIONS RELIGIEUSES
Il sera tenu un petit conseil composé du grand juge, président; du ministre de la police; de MM. Regnaud , Bigot et Treilliard, conseillers d’État, et de M. Portalis, maître des requêtes, chargé des affaires des cultes.
Le maître des requêtes remettra à ce conseil l’état de toutes les maisons de Soeurs, ou , en propres termes, de tous les couvents qui ont été réorganisés, soit par des décrets présentés par le ministre des cultes, soit par des actes passés au Conseil et ayant reçu l’approbation de Sa Majesté. Il y joindra les statuts originaux de ces établissements; il présentera en même temps un rapport faisant connaître, en réalité et sans fard, le but véritable de ces institutions, qui n’ont jamais été approuvées par Sa Majesté avec connaissance de cause : elle a cru ne signer que pour autoriser des associations pour des maisons de charité, et il y a peu de jours encore qu’elle était dans l’opinion qu’il n’en existait pas d’autres dans son empire.
L’objet spécial du petit conseil est de bien connaître l’étendue de ces établissements, leur but, leurs avantages, leurs inconvénients, afin de pouvoir prendre à leur égard des déterminations en connaissance de cause : quel est leur nombre, de combien d’individus sont-ils composés ; combien ont-ils de novices ; combien y a-t-il eu de prises d’habit; combien y a-t-il de différentes natures de statuts; indépendamment des statuts passés au Conseil d’État, quels sont les règlements ou statuts ecclésiastiques qui déterminent l’espèce et l’ordre des cérémonies intérieures, et les offices ou devoirs auxquels les membres des associations sont tenus ; y a-t-il des affiliations entre elles ; ont-elles des rapports avec un supérieur ou directeur général, et quels sont ces rapports. Il est évident qu’on n’a mis dans les règlements officiels que ce qui était strictement nécessaire pour la police; dès lors, ce qui concerne la règle qui régit ces associations a été laissé à une autre autorité, et l’on a lieu de penser qu’elles sont soumises à des pratiques que Sa Majesté ignore. La commission demandera sur tout cela à M. Portalis des renseignements clairs et précis. Sa Majesté n’a point l’habitude d’être trompée, et elle veut être éclairée complètement.
Le petit conseil s’occupera aussi des objets suivants :
l° Les droits de dispenses pour le carême et pour d’autres cas rapportent des sommes considérables; Sa Majesté a connaissance qu’ils ont produit dans certains diocèses plus de 100,000 francs; elle sait aussi que les évêques en font emploi pour leurs séminaires; mais rien ne lui garantit une bonne direction : le conseil s’assurera de ce qui est, et proposera ce qu’il convient d’ordonner.
2° Des donations considérables sont faites aux ecclésiastiques; on assure que, dans quelques départements, elles se sont élevées, l’année dernière, à 200,000 francs : il faut connaître l’état exact des choses et l’emploi des fonds. Lorsque le conseil aura recueilli des renseignements complets, il rédigera des instructions pour le grand juge, la police t les cultes. Il faut que les choses soient établies de manière qu’en évitant toute cause d’alarme on soit certain des résultats.
3° Qu’est ce que les Pères de la Foi ? Sa Majesté les a supprimés à Amiens; ils ont été défendus dans le diocèse de Lyon, et cependant ils existent; il y en a à Clermont qui rivalisent avec l’instruction publique, discréditent des lycées et s’emparent de l’esprit de la jeunesse. On assure qu’ils entretiennent des rapports avec Rome, et qu’ils ont un chef secret. Cela est-il en effet ? Où sont-ils établis ? combien sont-ils ? qu’est-ce qui distingue un Père de la Foi d’un Père de la compagnie de Jésus ? à quoi les reconnaît-on ? combien y a-t-il collèges entre leurs mains ? Enfin, quels moyens faut-il prendre pour empêcher les associations qui entretiennent, en France, des pratiques et des correspondances étrangères ?
4° Qu’est-ce que les Sulpiciens ? Les uns assurent que ce sont des Jésuites, les autres des Molinistes ? Combien sont-ils ? quelle est leur doctrine ? Ont-ils des correspondances avec les cours étrangères. Enfin, que convient-il de faire pour s’assurer que, dans les séminaires, et que partout où l’on donne des leçons de théologie, on prêche les quatre propositions de Bossuet ?
Le conseil fera un travail sérieux sur ces divers objets; il présentera tous les documents propres à les faire parfaitement connaître, et
proposera tous les règlements qu’il convient d’adopter.
Il se réunira à l’hôtel du grand juge, qui indiquera les jours et les heures des séances.
Fontainebleau, 19 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon Fils, le 2e corps de la Grande Armée, stationné dans le Frioul, doit être complété, chaque compagnie à un effectif de 140 hommes, ou à 1,260 hommes par bataillon. Le 13e de ligne a un effectif de 1,700 hommes; il lui manque donc 700 hommes. Le 35e a un effectif de 2, 500 hommes; il lui manque donc 1,100 hommes. Le 53e a un effectif de 2,100 hommes; il lui manque donc 800 hommes. Le 106e est au complet. La plupart des 3e bataillons de ces régiments peuvent offrir de quoi les compléter, de sorte que l’effectif de la division Seras, qui n’est que de 9,700 hommes, serait de 11,800 hommes. La division Broussier, qui est de 7,500 hommes, doit être de 10,800; les dépôts de ces régiments peuvent offrir à peu près ce complet.
Le général Lemarois doit être arrivé à Ancône; il prendra le commandement de la division Duhesme; vous donnerez à ce général un congé pour se rendre en France, comme il l’a demandé. Le quartier général du général Lemarois sera à Ancône; il fera occuper les provinces de Macerata, Fermo et le duché d’Urbin, dont il a le gouvernement. Vous lui donnerez l’ordre de diriger des colonnes mobiles sur les frontières du royaume de Naples, afin d’arrêter les brigands qui se réfugient dans les États du Pape. Il a deux régiments de grenadiers qui forment une force de près de 3,000 hommes. Avec ces troupes il doit être à même de purger de brigands la frontière des Etats du Pape. Aussitôt qu’un de ces brigands sera pris, il nommera une commission militaire et le fera juger et fusiller.
Vous donnerez l’ordre que tous les détachements de la division Miollis, qui appartiennent à ceux de mes régiments qui sont à Naples, soient de suite dirigés sur Naples, excepté toutefois les grenadiers et voltigeurs des 3e et 4e bataillons, qui resteront en Italie. Tous les autres détachements qui doivent être envoyés à Naples, le général Miollis les réunira en colonnes qui seront fortes chacune d’environ 1,000 hommes; à Naples, les détachements composant ces colonnes seront incorporés, et les officiers et sous-officiers rentreront dans les cadres des 3e et 4e bataillons. Je vois dans l’état de situation de cette division 500 hommes du 20e de ligne, 500 hommes du 62e; je suppose que ce sont des basses compagnies. Cela réduira un peu la division Miollis; mais il y a d’autant moins d’inconvénient que cela fera taire les criailleries de la reine d’Étrurie.
Ci-joint le décret que j’ai pris pour l’armée de Naples.
Fontainebleau, 19 octobre 1807
A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de la Grande Armée
Mon Cousin, il est convenable de changer la route militaire de la Grande Armée. La route actuelle passe par Cassel qui va devenir la résidence du roi de Westphalie. Faites-la passer désormais par Erfurt et Fulde. Ce changement aura lieu à compter du 5 novembre.
Fontainebleau, 20 octobre 1807
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures
Monsieur de Champagny, je vous renvoie dans le portefeuille la lettre du prince régent. J’y reconnais l’esprit vague et insensé de M. d’Aranjo. Toutefois, mon intention est que vous fassiez, le 22, la notification à la légation de Portugal que la guerre est déclarée, et qu’ils aient à quitter Paris sous vingt-quatre heures et mes États sous quinze jours.
Mon intention est en même temps que vous écriviez au ministre de la marine de donner l’ordre à tous mes bâtiments de guerre et corsaires de courir sur le pavillon portugais.
Fontainebleau, 20 octobre 1807
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures
Monsieur de Champagny, le dernier almanach de Gotha est mal fait. D’abord il est question du comte de Lille, et puis de tous les princes de la Confédération comme s’il ne s’était fait aucun changement dans la constitution de l’Allemagne; les noms de la famille de France y sont en termes inconvenants. Faites venir le ministre de Gotha et faites-lui comprendre qu’il faut qu’au prochain almanach tout cela soit changé. Il doit être fait mention de la Maison de France comme dans l’almanach impérial; il ne doit plus y être question du comte de Lille ni d’aucun prince d’Allemagne autres que ceux qui sont conservés par les statuts de la Confédération du Rhin. Vous demanderez que cet article vous soit communiqué avant d’être imprimé. S’il est d’autres almanachs qui s’impriment chez mes alliés où il soit question des Bourbons et de la Maison de France en termes inconvenants, écrivez à mes ministres pour qu’ils fassent connaître que vous vous en apercevez, et pour que cela soit changé l’année prochaine.
Fontainebleau , 20 octobre 1807
A Frédéric, roi de Wurtemberg
Monsieur mon Frère, j’ai reçu la lettre de Votre Majesté, du 7 octobre. Ma qualité de Protecteur des princes de la Confédération du Rhin me met dans la situation d’accroître leur territoire et non de le diminuer. Dans tous les cas, ce ne serait qu’après des négociations préalables et de l’agrément de Votre Majesté qu’on disposerait d’une partie quelconque de son territoire, même du moindre village.
Fontainebleau, 21 octobre 1807
Au Grand Juge, ministre de la justice
Les notaires sont institués à vie par la loi. Je désire qu’ils soient compris dans l’examen des juges qui va avoir lieu en exécution du sénatus-consulte. La commission du Sénat ne fera aucune difficulté à cet égard : ils tiennent aux greffes des tribunaux et ne sont point étrangers à l’ordre judiciaire. Il y en a trois ou quatre à Paris qui doivent être compris dans la réforme. Je veux de l’ordre, et je ne veux pas que de malhonnêtes gens soient autorisés à surprendre la confiance du public. L’intervention de mon autorité est nécessaire après tant de désordres.
Faites une enquête sur le sieur . . . . . . . et sur trois ou quatre autres qui sont les notaires de toutes les mauvaises affaires. Je vous prie de conférer sur ces individus avec le premier syndic.
Fontainebleau, 21 octobre 1807
Au général Clarke, ministre de la guerre
La récapitulation, que l’on m’a remise, des troupes au ler octobre me parait inexacte. On porte à la Grande Aimée 319,000 homme, présents sous les armes et 73,000 aux hôpitaux : il est constant qu’il n’y a pas plus de 23,000 hommes aux hôpitaux. On porte 7,000 prisonniers de guerre : il est constant qu’il n’y a jamais eu ce nombre de prisonniers de guerre. Aussi arrive-t-on ainsi à un effectif de 432,000 hommes, qui est un total fort exagéré. Dans la prochaine récapitulation que vous me présenterez, je désire que vous distinguiez, soit à la Grande Armée, soit à l’armée de Naples, soit à l’armée d’Italie, les troupes françaises des troupes étrangères.
Fontainebleau, 21 octobre 1807
A M. Fouché, ministre de la police générale
Monsieur Fouché, le décret qui reçoit les comptes des journaux de l’an XIV et 1806 vous a été adressé le 12 août dernier. Je vois dans ces comptes plusieurs dépenses qui sont irrégulières, telles qu’une somme de 5,400 francs pour indemnité à de petits théâtres, et 296 francs pour gratification à un auteur : ce n’est pas que ces dépenses ne puissent être nécessaires, mais le premier principe de l’administration est que toute dépense doit être faite par mon ordre.
Travaillant avec moi toutes les semaines, il n’y a point de raison que vous vous éloigniez de ces règles fondamentales de l’État. Dans le budget de 1807, que j’ai réglé, j’ai porté 1,500,000 francs pour la caisse des théâtres; vous ne lui avez fait payer que 100,000 francs par mois. J’y ai porté 200,000 francs pour l’arriéré des théâtres de 1806. J’autorise la caisse d’amortissement à vous avancer cette somme, parce que l’Opéra a des besoins; mais il faut que vous la remplaciez le plus promptement possible à la caisse d’amortissement.
Fontainebleau, 21 octobre 1807
A M. Lacépède, grand chancelier de la Légion d’honneur
Envoyez au soldat de la garde russe, auquel j’ai accordé la décoration, le brevet. Vous le traiterez comme étranger : l’aigle d’or. Faites-lui toucher sa pension, en ladite qualité, du jour où je lui ai donné l’aigle à Tilsit.
Fontainebleau, 21 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon Fils, je vous envoie un décret que vous recevrez par le ministre de la guerre; faites-le mettre à exécution. Je pense que le général Lemarois a au moins 3,000 hommes sous ses ordres. Donnez-lui pour instructions de réunir les troupes du Pape pour donner la chasse aux brigands; il ne fera ni proclamations ni écritures, mais il fera arrêter tout gouverneur ou autre agent qui s’élèverait contre son autorité.
Fontainebleau, 21 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon fils, je vous envoie l’état de ce que les régiments de Dalmatie, d’Italie et de Naples ont encore à recevoir de la conscription. Vous y verrez que vous avez encore à recevoir 7,400 hommes pour l’Italie, 4,800 pour Naples et 4,500 pour la Dalmatie, ce qui fait encore 17,000 hommes.
Fontainebleau, 21 octobre 1807
A Joseph Napoléon, roi de Naples
Mon Frère, je vois, par votre lettre du 3 octobre, que votre royaume vous rend, un mois dans l’autre, 900,000 ducats, qui, à 4 livres 18 sous, font 4,410,000 francs par mois, c’est-à-dire près de cinquante-deux millions par an. Cela est bien peu de chose. Mon royaume d’Italie me rend cent vingt-deux millions. Je désirerais avoir une statistique de votre royaume qui me le fit bien connaître en
étendue, en population et impositions. Il me semble que votre royaume devrait rendre au moins cent millions.
Fontainebleau, 21 octobre 1807
A Joseph Napoléon, roi de Naples
Mon Frère, par votre lettre il paraît que vous employez trente-six millions pour les frais de l’armée française. Cela est beaucoup trop considérable. Vous avez deux régiments de dragons qui sont incomplets; s’ils étaient à 900 hommes chacun et à 600 chevaux, ils ne vous coûteraient que 700,000 francs par régiment, ou 700.000 francs pour les deux. Vous avez trois régiments de chasseurs incomplets; si ces trois régiments étaient chacun à un effectif de 800 hommes et de 600 chevaux, ils ne vous coûteraient que deux millions. Ainsi la cavalerie, en la supposant forte de plus de 4,000 hommes et de plus de 3,000 chevaux, ne vous coûterait que 3,500,000 francs. Comme vous savez, il y a une grande différence entre ce que vous avez et ce que je porte ici en supposant le complet; cela devrait donc vous coûter beaucoup moins.
Dix régiments d’infanterie, chacun de deux bataillons, chaque bataillon à 1,000 hommes, ou 20,000 hommes, ne devraient vous coûter que dix millions; vous savez que vous avez beaucoup moins que ce nombre.
Un bataillon du train ne devrait vous coûter que 400,000 francs. Un bataillon d’artillerie ne devrait vous coûter que 700,000 francs. Ainsi votre armée ne devrait pas coûter quinze millions; encore de ces quinze millions faut-il ôter la différence de votre situation actuelle au complet que j’ai supposé. Il est vrai qu’il faut y ajouter quelques dépenses de généraux, quelques dépenses de réparations d’artillerie, quelques dépenses de casernes; mais enfin, en mettant pour tout cela une somme de cinq millions, avec une somme de vingt millions vous avez bien plus qu’il ne vous faut pour faire face à toutes vos dépenses.
Je vous prie de faire raisonner cela et de faire faire votre budget en double, par corps et ensuite par masse.
Quant à la solde, cette dépense doit être fort au-dessous des six millions que je vous envoie. J’ai encore diminué vos dépenses en
ordonnant que les officiers de vos 3e et 4e escadrons rentrent en Italie, en ordonnant que vous renvoyiez aussi les cadres des 3e et 4e bataillons, en maintenant vos bataillons à un effectif de 140 hommes par compagnie, enfin en vous ôtant les pontonniers, les bataillons du train d’artillerie et l’artillerie à cheval; il vaut mieux remplacer toutes ces troupes par de l’infanterie.
En administration politique, les problèmes ne sont jamais simples; jamais la question ne se réduit à savoir si telle mesure est bonne. Par exemple, un régiment d’artillerie à cheval est sans doute un régiment qu’il est agréable d’avoir; mais il faut chercher si c’est bien ce qui convient mieux, et si votre argent ne serait pas mieux employé à solder un régiment de 3,000 hommes, qui ne coûte guère davantage.
Le grand besoin que j’ai d’établir avec soin l’état de mon militaire, afin de ne pas porter le désordre dans toutes mes affaires, exige que je fixe sur un pied définitif mon armée de Naples et que je sache qu’elle est bien entretenue.
Vous jugerez du soin qu’il faut que j’apporte dans ces détails quand vous saurez que j’ai plus de 800,000 hommes sur pied. J’ai une armée encore sur la Passarge, près du Niemen; j’en ai une à Varsovie; j’en ai une en Silésie; j’en ai une à Hambourg; j’en ai une à Berlin; j’en ai une à Boulogne, j’en ai une qui marche sur le Portugal; j’en forme une seconde à Bayonne; j’en ai une en Italie; j’en ai une en Dalmatie, que je renforce en ce moment de 6,000 hommes; j’en ai une à Naples; j’ai des garnisons sur toutes mes frontières de mer. Vous pouvez donc juger, lorsque tout cela va refluer vers l’intérieur de mes États, et que je ne pourrai plus trouver d’allégeance étrangère, combien il sera nécessaire que mes dépenses soient sévèrement calculées.
Vous devez avoir un inspecteur aux revues assez habile pour vous faire l’état de ce que doit vous coûter un régiment selon nos ordonnances.
Fontainebleau, le 22 octobre 1807
A Monsieur Bigot de Préameneu, ministre des Cultes
Monsieur Bigot, M. Locré vous remettra dix mille francs en forme de gratification. Je désire que vous y voyiez un témoignage de satisfaction des services que vous avez rendus dans le courant de cette année.
Sur ce je prie Dieu qu’il vous ait en Sa Sainte garde.
Fontainebleau, 22 octobre 1807
A M. Lacépède, grand chancelier de la Légion d’honneur
Ayant autorisé la formation provisoire de la maison d’Écouen jusqu’à concurrence de soixante et quinze et cent demoiselles, mon intention est que vous nommiez le nombre de dames nécessaire pour ce nombre de demoiselles..
Il ne faut point organiser ici une petite pension. Les parents ne doivent pas pouvoir envoyer un sou à leurs demoiselles, et la plus stricte égalité doit régner entre elles. Il faut se borner à leur apprendre à bien écrire d’abord. Il sera déterminé dans le règlement général ce qu’on doit leur montrer du dessin. Ce que je vous recommande principalement, c’est la religion. Le choix d’un directeur est donc un objet d’une grande importance. Il faut que les élèves entendent la messe tous les jours et aillent faire la prière en commun avant de se coucher.
Jusqu’à ce qu’il soit décidé si l’on doit enseigner deux cultes, il faut n’accepter que le culte catholique; on peut retarder l’admission des autres.
Cette maison sera dans la dépendance du grand aumônier. Vous vous entendrez avec lui pour qu’il choisisse un homme capable de bien monter cet important service. Il faut que la chapelle soit disposée le plus tôt possible, et qu’il y ait le dimanche grand’messe, catéchisme et un petit sermon à leur portée.
Quant à la littérature, il faut aussi y aller très-doucement, en partant du principe que vous devez faire entendre à la directrice que les premières considérations sont les moeurs. Mais, provisoirement, on peut leur montrer la langue française et la partie de la rhétorique qui n’éveille point l’imagination des jeunes personnes.
Fontainebleau, 22 octobre 1807
Au maréchal Davout, chargé du commandement de la Grande Armée, à Varsovie
Mon Cousin, je reçois vos lettres du 5 octobre. Le mémoire que vous m’envoyez sur l’esprit de la Pologne est sans doute de Zajonchek ou de quelqu’un de son parti ; c’est ce qu’on n’a cessé de me répéter quand j’étais en Pologne, c’est ce que les hommes chauds disent dans tous les pays. Si vous ôtez de la Pologne les principales familles qu’on appelle oligarques, le parti qui s’est attaché aux Russes après les événements passés, il est clair qu’il ne restera plus personne. Mais tout cela ne marche pas ainsi. J’ai vu tous ces Polonais des grandes familles, que l’on veut calomnier, être justement ceux qui se sont prononcés davantage, et il n’est pas rare de les retrouver dans les troupes polonaises. Kollontay, au lieu de venir joindre à Varsovie, est resté en Russie et s’est fait mettre en prison. Il ne peut donc plus être question de lui. Les circonstances ont été dures. Je n’ai pas eu à me plaindre de la commission de Varsovie : elle a fait ce qu’elle a pu. Je n’ai pas eu à me plaindre du prince Poniatowski, du comte Stanislas Potocki ; ils ont fait ce qu’ils ont pu. Mon intention est donc que vous ne prêtiez point l’oreille à ces insinuations de partis et que vous vous mettiez bien avec le gouvernement de la Saxe; laissez-le faire. Il est naturel que ces hommes désirent ne plus avoir de troupes françaises chez eux. Je désire plus qu’eux les retirer, et, du moment que les affaires de Prusse seront finies et que les choses auront pris un pli, je les retirerai. C’est ainsi que vous devez vous en expliquer. Le roi de Saxe est un homme de sens; faites tout ce qui est possible pour lui être agréable.
Fontainebleau, 22 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon Fils, le décret que je vous ai envoyé vous fera connaître ce que fera le général Lemarois; si effectivement la cour de Rome veut s’arranger, il la ménagera; vous verrez qu’il n’y est question en rien de l’administration du pays; si la cour de Rome ne veut pas s’arranger, je m’emparerai pour toujours de ces provinces.
Fontainebleau, 22 octobre 1807
A M. Fouché, ministre de la police générale
Je vois dans le bulletin du 18 octobre que les sieurs Toggia, artistes vétérinaires, et Bens de Cavour, inspecteur des haras, sont partisans du roi de Sardaigne et auteurs de bruits sur le retour de ce souverain. Vous les ferez arrêter et conduire au château de Ham où ils seront détenus jusqu’à un an après la paix générale. Vous me présenterez un décret pour les destituer et vous aurez soin de faire saisir tous leurs papiers.
Fontainebleau, 23 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon Fils, je reçois l’état des approvisionnements trouvés à Cattaro; faites-les évaluer, afin que cela entre dans le compte de ce que je dois à la Russie.
Fontainebleau, 23 octobre 1807
PROJET DE CONVENTION
ARTICLE 1er. – Le Portugal sera divisé en trois parties :
La partie septentrionale, comprenant le port de Porto et une population de 800,000 âmes, sera donnée au roi d’Étrurie, qui en jouira sous le titre de roi de la Lusitanie septentrionale.
La partie méridionale, comprenant l’Algarve et l’Alentejo, de manière à former une population de 400,000 âmes, sera donnée au prince de la Paix, pour en jouir à titre de souveraineté.
La troisième partie, formant la partie intermédiaire, dont la population sera de deux millions d’âmes et qui comprendra la ville de Lisbonne, sera gardée en réserve, soit pour être rendue, à la paix, en compensation des colonies enlevées par les Anglais et spécialement des colonies espagnoles, soit pour toute autre disposition qui aura été concertée entre les deux puissances.
ART. 2. – Cette division en trois parties sera faite par des plénipotentiaires respectivement nommés par la France et l’Espagne.
ART. 3. – Moyennant ces arrangements, le royaume d’Étrurie sera cédé à S. M. l’Empereur et Roi, pour en jouir en toute souveraineté et propriété.
ART. 4. – Il sera fait une nouvelle délimitation des frontières de la France et de l’Espagne, de manière que la ville de Fontarabie et le port du Passage appartiennent à la France au moyen d’une frontière nouvelle qui, quittant l’ancienne derrière la montagne de Larhune, passerait par la gorge d’Olette, comprendrait les Palomières et Vera, Echalar, traverserait la Bidassoa et se dirigerait ensuite par Lesaca, le revers de la montagne d’Aya, Oyarzun, Renteria, Lezo, arriverait jusqu’à la mer, entre Saint-Sébastien et le port du Passage.
ART. 5. – Les hautes parties contractantes s’arrangeront à l’amiable pour un partage à faire des colonies dans les deux Indes.
ART. 6. – S. M. le roi d’Espagne exercera un droit de suprématie et de suzeraineté sur tous les Etats provenant du démembrement du royaume de Portugal.
ART. 7. – S. M. l’Empereur et Roi s’engage à reconnaître comme empereur des Amériques et roi d’Espagne S. M. le roi d’Espagne, dans le moment opportun, et lorsqu’il sera certain de le faire reconnaître sous ce titre par les autres puissances.
Fontainebleau, 23 octobre 1807
Au général Clarke, ministre de la guerre
Du moment que l’ennemi aura pris les deux ouvrages connus, l’un sous le nom de Tète de pont, l’autre de Citadelle, Magdeburg devient d’une faible résistance, puisqu’il n’y a point de ligne magistrale autour de la gorge. D’ailleurs, ces deux points pris, une des grandes propriétés de Magdeburg est détruite, puisqu’elle n’aurait plus de passage sur la rive droite.
Deux objets donc sont à déterminer : 1° le tracé d’une ligne magistrale autour de la gorge, en profitant de ce qui existe, de manière que la dépense soit moins considérable ; 2° la défense des deux ouvrages de la rive droite. Tous les ouvrages qu’on y ajoutera n’augmenteront que de plus ou de moins la résistance de la tête de pont, qui réellement représentera une petite place sans commandement.
Il faut donc tirer des ressources des inondations. Ce terrain est marécageux; tous les ouvrages que l’on fera seront chers, auront peu de résultat ; l’inondation seule en fera une place forte. Quel est le moyen d’inonder les îles et le terrain autour de la tête de pont ? Un pont éclusé au petit bras de l’Elbe entre la tête de pont et l’île suffit-il ? Dans ce cas-là, que coûterait-il ? Faut-il y joindre encore un deuxième pont éclusé au bras qui passe près la citadelle ? Faut-il enfin écluser le grand bras de la place ? On sent que cela serait dispendieux. La question est toute là.
Quant aux magasins, il ne faut jamais penser à en construire dans les îles, encore moins sur la rive droite. Il y a des églises, des maisons, enfin un emplacement quelconque, qu’il faut abattre.
Fontainebleau, 23 octobre 1807
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures
Monsieur de Champagny, je vous renvoie la lettre de Perse. Il faut me présenter une réponse dans laquelle je dirai que j’ai fait ma paix avec la Russie; que, si on le désire, j’interviendrai pour faire celle de la Perse; que l’empereur de Russie m’a assuré, dans les conversations que j’ai eues avec lui, qu’il ne voulait rien. de la Perse ; que j’ai regretté de n’avoir pas auprès de moi un ambassadeur persan, muni de pleins pouvoirs et des instructions nécessaires pour faire comprendre la Perse dans la paix.
Vous écrirez au général Sebastiani, et vous me présenterez un projet de réponse au sultan Mustafa, pour lui dire que, mon ambassadeur ayant été quinze jours sans avoir de ses nouvelles et sans recevoir de notification de son avènement au trône, et les 500 canonniers que j’envoyais à Constantinople ayant été renvoyés de la Bosnie où ils étaient arrivés, j’avais eu lieu de penser qu’il n’appréciait pas tout le prix de mon amitié pour son empire; que cependant je ne l’en ai pas moins fait comprendre dans la paix de Tilsit; que je l’ai fait par suite de l’amitié que m’avait inspirée le sultan Selim; qu’aujourd’hui que je suis assuré, et que les dépêches de mon ambassadeur en font foi, qu’il hérite de l’amitié de l’empereur Selim pour moi, il me trouvera toujours disposé à soutenir les intérêts de son pays; que j’attends le ministre qu’il m’annonce avec les pouvoirs et instructions nécessaires.
Je vous renvoie votre portefeuille. Faites-moi connaître de quelle nature sont les demandes du grand-duc de Würzburg.
Fontainebleau, 23 octobre 1807
Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine
Monsieur Decrès, il y a à Anvers trois cales vacantes depuis longtemps; faites mettre sur-le-champ trois vaisseaux sur le chantier. Il n’y a à Lorient que quatre vaisseaux en construction; faites-en mettre deux autres de 80. Faites-moi connaître quand la Pallas et l’Elbe seront mises à l’eau à Nantes; quand l’Amazone et l’Élisa seront mises à l’eau au Havre; quand la Vistule et l’Oder seront mises à l’eau à Dunkerque; quand la Bellone sera mise à l’eau à Saint-Malo; quand la Clorinde sera mise à l’eau à Paimboeuf; enfin quand le vaisseau de 80, la Ville-de-Varsovie, sera mis à l’eau à Rochefort.
Il faudrait mettre à Rochefort deux autres vaisseaux en construction. Pressez un peu plus vivement les constructions de Toulon, Faites mettre à l’eau le Breslau, à Gênes.
En général, les constructions marchent bien doucement.
Fontainebleau, 23 octobre 1807
Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine
Ce que vous m’avez envoyé sur le port d’Ancône n’est pas satisfaisant. Trois vaisseaux français y ont été; le Généreux y a été à l’abri des ennemis ; par conséquent, deux on trois vaisseaux poursuivant pourraient encore y trouver un refuge. Je désire que vous me remettiez sur ce port un mémoire plus détaillé, qui me fasse connaître et que coûterait le dévasement, et ce qu’il y aurait à faire pour que les vaisseaux de 74 et de 80 pussent y entrer et s’y trouver en sûreté contre un ennemi supérieur.
Fontainebleau, 23 octobre 1807
Au général Clarke, ministre de la guerre
J’ai un traité avec le grand-duc de Bade qui me cède Kehl et les environs. Tout ce qu’il me cède m’appartient. Vous devez demander au ministre des relations extérieures la communication du traité.
Fontainebleau, 23 octobre 1807
Au général Clarke, ministre de la guerre
Il est convenable de se défaire à Paris de tous les hommes blessés qui arrivent de la Grande Armée. Donnez ordre à un officier général d’en passer la revue et faites les expédier sans délai.
Fontainebleau, 23 octobre 1807
Au maréchal Davout, chargé du commandement de la Grande Armée, à Varsovie
Mon Cousin, j’apprends que vos soldats manquent de viande, fatiguent le pays et le ruinent. Ne craignez rien des Autrichiens ni des Russes et dormez tranquille. Vous ne serez pas attaqué que je ne vous en aie prévenu un mois d’avance. Placez donc une de vos divisions le long des confins de la Silésie, du côté de Kalisz, de manière qu’il n’y ait qu’un régiment au plus dans une même ville. Cette division devra occuper la nouvelle Silésie, qui faisait partie de la Pologne. Une autre division peut être répandue le long de la Vistule, depuis Plock jusqu’à Rawa, ayant son quartier général à Varsovie et occupant les petites villes de Lowicz, etc. Cette division sera également bien. Que votre troisième division ait son quartier général à Thorn et occupe Bromberg jusqu’à Posen ; elle sera encore parfaitement. Ainsi disséminées, vos troupes ne fatigueront pas les habitants, trouveront des ressources de tout genre et vivront plus facilement.
Faites mettre dans les journaux de Varsovie que la meilleure intelligence règne entre l’Autriche et moi; et cela, faites-le mettre de toutes les manières, tantôt prenant pour texte le séjour du grand-duc de Würzburg à Fontainebleau, tantôt la prochaine remise de Braunau, tantôt en parlant de l’ambassade de Vienne; la meilleure intelligence règne également entre les Russes et moi; mais dans les circonstances où nous sommes, et dans le pays où vous êtes, où l’on désire la guerre, il faut porter une grande attention à redresser constamment les esprits.
Fontainebleau, 23 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon Fils, mes états de situation de l’armée de Dalmatie sont très- arriérés. Écrivez au général Marmont que je témoigne mon mécontentement sur ce manque d’exactitude, et qu’il faut qu’il vous expédie ses états de situation tous les cinq jours.
Fontainebleau, 23 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon fils, je vous ai écrit pour les régiments napolitains. Activez leur départ pour Chambéry, infanterie et cavalerie, en les complétant conformément aux ordres que je vous ai donnés.
Fontainebleau, 25 octobre 1807
A Louis Napoléon, roi de Hollande
Je vous ai mandé déjà que je ne voulais pas que vous licenciiez vos troupes. Envoyez-moi votre état de situation. Si c’est impossible que vous nourrissiez ces troupes, j’en ferai plutôt passer une partie à mes frais en Italie.
Fontainebleau, 25 octobre 1807
Au prince de Bénévent, vice grand électeur
Mon Cousin, nous vous avons chargé, par décret de ce jour, de remplir, par intérim et en l’absence du prince Eugène, vice-roi d’Italie, les fonctions attribuées à la dignité d’archichancelier d’État. Ces fonctions n’ayant point encore été exercées, notre intention est que vous vous occupiez de cet objet dans tous ses détails, et que vous nous présentiez un projet de règlement qui spécifie plus particulièrement les attributions de l’archichancelier d’État, qui détermine ses rapports avec le ministère des relations extérieures, et qui en règle l’usage de manière à ne point gêner la marche de ce département.
Fontainebleau, 25 octobre 1807
Au général Dejean, ministre directeur de l’administration de la guerre
Monsieur Dejean, je ne crois pas à l’exactitude de l’état que vous m’avez remis sur la remonte; je crois qu’il y a plus de chevaux qu’il n’en porte à la Grande Armée, et que les chevaux des dépôts de Potsdam et de Silésie et ceux dépêchés dans les différents gouvernements n’y sont pas compris. Ce doit être un objet de 2,000 chevaux. Prenez des renseignements pour former le plus exactement possible cet état; mais, en attendant, voici quelles sont mes intentions.
Je veux que les régiments qui ont des détachements en France, autres que ceux attachés à l’armée de la Gironde, puissent m’offrir à la fin de novembre une compagnie de 140 chevaux chacun, prêts à partir. Dans la formation de cette compagnie ne seront point compris les détachements que je viens de demander à des régiments pour former les quatre brigades de cavalerie provisoires de la réserve.
Le ministre de la guerre a dû vous envoyer l’état de la composition de ce dernier corps. Ecrivez aux majors et commandants des dépôts, et remettez-moi un état de la force des dépôts, en hommes, des régiments de cavalerie dont les dépôts sont en France, au ler octobre.
Dans une colonne, vis-à-vis des régiments qui doivent concourir à la formation des brigades provisoires de cavalerie, vous ferez mettre le nombre d’hommes à fournir par ces régiments, et, dans une autre colonne, le nombre d’hommes à fournir en conséquence de cet ordre, c’est-à-dire à raison de 140 hommes par compagnie. La comparaison de ces deux sommes fera connaître s’il y a plus d’hommes qu’il n’en faut, ou s’il faut en envoyer.
A côté, vous ferez faire le même état pour les chevaux, qui me fasse connaître ce que coûtent ces nouvelles remontes à chaque corps, ce qui reste en caisse, ce qui reste à donner, et la situation de votre crédit. Faites faire le même état pour les selles. Mais je suppose que vous devez avoir assez d’effets d’équipement.
Fontainebleau, 25 octobre 1807
A Louis Napoléon, roi de Hollande
Je reçois votre lettre du 21. Ma santé est bonne. Je n’ai été qu’un instant légèrement enrhumé. Je ne vois pas comment vous avez jamais eu 50,000 hommes. Je désirerais fort avoir cet état de situation. Le moment actuel n’est pas celui de la réforme; les affaires ne sont pas assez décidées pour cela. Au premier bruit qui m’en est parvenu, je vous en ai écrit. C’est la troisième lettre que je vous écris sur cet objet.
Quant aux troupes de Flessingue, c’est une affaire importante. Je suis seulement fâché que vos ministres aient mis tant d’impétuosité à déclarer qu’on ne pouvait les nourrir. Voici mes principes : si le traité entre la France et la Hollande me cède entièrement Flessingue, les troupes doivent être à ma charge; mais, si les choses restent dans la situation actuelle, elles doivent être à la charge de la Hollande. Partez bien du principe que les troupes que j’enverrai pour défendre la Hollande doivent être entretenues par la Hollande.
La partie de vos troupes qui est à Hambourg y est nécessaire.
Vous avez assez dans l’intérieur pour garder le Texel, car, si vous avez réellement 50,000 hommes, n’en ayant que 12,000 à Hambourg, il doit vous en rester plus de 30,000 en Hollande. Je vous répète, pour la centième fois : chi va piano va sano, e chi va sano va lontano. Il faut, entre méditer une chose et l’exécuter, mettre un intervalle de trois ans, et vous ne mettez pas trois-heures. Sans doute votre Garde est trop nombreuse; mais, puisqu’elle était formée, il fallait la garder. Depuis un an, je vous répète la même chose; mais, comme vous avez formé votre Garde précipitamment, vous la défaites plus précipitamment.
Fontainebleau, 26 octobre 1807
DÉCISION
M. Cretet, ministre de l’intérieur, demande, au nom de plusieurs conseils municipaux, la permission d’envoyer des députations à l’Empereur. | Accordé, si ces députations ne coûtent rien aux villes. |
Fontainebleau, 27 octobre 1807
CONVENTION SECRÈTE ENTRE S. M. CATHOLIQUE ET S. M. L’EMPEREUR DES FRANÇAIS, POUR LE RÈGLEMENT DES AFFAIRES DU PORTUGAL
NOUS NAPOLÉON, par la Grâce de Dieu et les Constitutions, Empereur des Français, Roi d’Italie et Protecteur de la Confédération du Rhin, ayant vu et examiné le traité fait et signé à Fontainebleau par le général de division, grand maréchal de notre palais, grand-cordon de la Légion d’honneur, etc., Michel Duroc, revêtu, pour cet objet, de nos pleins pouvoirs, avec don Engenio Isquierdo de Ribera y Lezaun, conseiller d’État et de guerre de S. M. le Roi d’Espagne, également revêtu des pleins pouvoirs de son souverain, et dont la teneur suit :
S. M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie et Protecteur de la Confédération du Rhin, et S. M. Catholique le Roi d’Espagne, désirant, en commun accord, régler les intérêts des deux pays, et fixer le sort futur du Portugal par une saine politique et convenablement à l’intérêt des deux pays, ont nommé comme plénipotentiaires, savoir: S. M. l’Empereur des Français, Roi d’Italie, etc., le général de division Michel Duroc, grand maréchal du palais, etc.; et S. M. Catholique le Roi d’Espagne Don Eugenio lzquierdo de Ribera y Lezami, son conseiller d’État et de guerre, qui, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, sont convenus des articles suivants :
ARTICLE 1er. – La province d’Entre Minho y Douro sera cédée à S. M. le roi d’Étrurie, en pleine propriété et souveraineté, avec le titre de roi de la Lusitanie septentrionale.
ART. 2. – La province d’Alentejo et le royaume d’Algarve seront cédés en pleine propriété et souveraineté an prince de la Paix, pour les posséder sous le titre de prince d’Algarve.
ART. 3. – Il ne sera disposé des provinces de Beira, Tras los Montes et Estramadure portugaise qu’à la paix générale, et alors d’après les circonstances et selon ce qui en aura été convenu par les deux parties contractantes.
ART. 4. – Les descendants de S. M. le roi d’Étrurie posséderont le royaume de Lusitanie septentrionale comme héritage et d’après les lois de succession adoptées dans la famille qui occupe le trône d’Espagne.
ART. 5. – Les descendants du prince de la Paix posséderont la principauté d’Algarve comme héritage et d’après les lois de succession adoptées dans la famille qui occupe le trône d’Espagne.
ART. 6. – Dans le cas qu’il n’y aurait pas de descendants ou héritiers légitimes du roi d’Étrurie ou du prince d’Algarve, alors le Roi d’Espagne disposera de ces pays, à l’investiture, de manière cependant à ce qu’ils ne soient jamais gouvernés par un seul prince et qu’ils ne puissent être réunis avec la couronne d’Espagne.
ART. 7. – Le royaume de la Lusitanie septentrionale et la principauté d’Algarve reconnaîtront comme protecteur S. M. le Roi d’Espagne, et dans aucun cas leurs souverains ne peuvent faire la guerre ou la paix sans son consentement.
ART. 8. – Dans le cas que les provinces séquestrées de Beira, Tras los Montes, l’Estramadure portugaise seraient données, à la paix générale, à la Maison de Bragance, en échange contre Gibraltar, Trinidad ou autres colonies prises par les Anglais aux Espagnols et leurs alliés, alors le nouveau souverain de ces provinces aura les mêmes obligations envers S. M. le Roi d’Espagne que le roi de la Lusitanie septentrionale et le prince d’Algarve.
ART. 9. – S. M. le roi d’Étrurie cède le royaume d’Étrurie en pleine souveraineté à l’Empereur des Français et Roi d’Italie.
ART. 10. – Aussitôt qu’on aura définitivement pris possession des provinces du Portugal, les princes qui doivent en avoir la jouissance nommeront chacun des commissaires pour régler leurs bornes naturelles.
ART. 11. – S. M. l’Empereur des Français et Roi d’Italie garantit à S. M. le Roi d’Espagne la possession de ses États situés au midi des Pyrénées sur le continent de l’Europe.
ART. 12. – S. M. l’Empereur des Français et Roi d’Italie s’engage à reconnaître S. M. Catholique comme Empereur des Deux Amériques, quand tout aura réussi et que Sa Majesté prendra ce titre. Cela peut avoir lieu à la paix générale ou au plus tard dans trois ans,
ART. 13. – Les deux parties contractantes s’arrangeront sur le partage égal des îles, colonies ou autres possessions portugaises au delà de la mer.
ART. 14. – Le présent traité sera tenu secret. Il sera ratifié et la ratification échangée à Madrid, an plus tard vingt jours après la signature du présent.
Fait à Fontainebleau, 27 octobre 1807.
Nous avons approuvé et approuvons, par le présent, le traité ci-dessus avec tous les articles y contenus. Nous déclarons l’avoir accepté, ratifié et confirmé, et promettons de le tenir inviolable.
En foi de quoi nous avons délivré le présent, signé par nous et scellé de notre sceau impérial.
A Fontainebleau, 27 octobre 1807.
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ANNEXE
CONVENTION RELATIVE A L’OCCUPATION DU PORTUGAL
ARTICLE ler. – Un corps de troupes impériales françaises, de 25,000 hommes d’infanterie et de 3,000 hommes de cavalerie, entrera en Espagne et marchera droit sur Lisbonne. Il lui sera joint un corps de 8,000 hommes d’infanterie et de 3,000 hommes de cavalerie de troupes espagnoles, avec 30 pièces d’artillerie.
ART. 2. – Pendant le même temps, une division de troupes espagnoles, forte de 10,000 hommes, prendra possession de la province d’Entre Minho y Douro et de la ville de Porto, et une autre division, forte de 6,000 hommes, et aussi composée de troupes espagnoles, prendra possession de la province d’Alentejo et du royaume des Algarves.
ART. 3. – Les troupes françaises seront nourries et entretenues par l’Espagne, et leur solde sera payée par la France pendant tout le temps de leur passage en Espagne.
ART. 4. – Du moment que les troupes combinées seront entrées en Portugal, les provinces de Beira, Tras los Montes et Estramadure portugaise, qui doivent rester en séquestre, seront administrées et gouvernées par le général commandant les troupes françaises, et les contributions qui seront frappées tomberont au profit de la France. Les provinces qui doivent former le royaume de Lusitanie septentrionale et la principauté des Algarves seront administrées et gouvernées par les généraux commandant les divisions espagnoles qui y entreront, et les contributions qui y seront frappées tomberont au profit de l’Espagne.
ART. 5. – Le corps du centre sera sous les ordres du général commandant les troupes françaises, auquel seront soumises les troupes espagnoles qui leur seront jointes; néanmoins, si le roi d’Espagne ou le prince de la Paix jugent à propos de se rendre à ce corps d’armée, le général commandant les troupes françaises et ses troupes seront sous leurs ordres.
ART. 6. – Un nouveau corps de 40,000 hommes de troupes françaises sera réuni à Bayonne, an plus tard le 20 novembre prochain, pour être prêt à entrer en Espagne pour se porter en Portugal, dans le cas où les Anglais enverraient des renforts et menaceraient de l’attaquer. Ce nouveau corps n’entrera cependant en Espagne qu’après que les deux hautes puissances contractantes se seront entendues à cet effet.
Fontainebleau, 27 octobre 1807
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures
Monsieur de Champagny, il est convenable d’envoyer un crédit extraordinaire à M. Bourgoing, mon intention étant qu’il tienne à Varsovie un grand état de maison et qu’il invite les Polonais et les personnes de la cour du Roi. Quant à ses instructions, les voici en peu de mots :
1° Tenir un langage pacifique et ôter toute alarme aux Autrichiens, calmer les Polonais des Gallicies, en disant que je suis bien avec l’Autriche et la Russie; enfin faire que l’une et l’autre de ces puissances soient contentes de son langage;
2° Intervenir pour que le roi de Saxe n’éprouve aucune espèce de désagrément et soit reçu par les troupes françaises avec le plus grand éclat;
3° Faire connaître en toute occasion au Roi et aux gens du pays que je ne laisse les troupes françaises que pour leur plaire; qu’aussitôt qu’il aura vu le pays et qu’il sera prouvé qu’elles n’y sont plus nécessaires, je les ôterai tout à fait. Tel doit être son langage constant.
Écrivez à M. Daru que j’ai été très-surpris des propositions qui ont été faites par les plénipotentiaires prussiens; que j’entends que les cent premiers millions que me doit le roi de Prusse me soient payés dans l’année; qu’il est bien prouvé qu’il a de l’argent et qu’il peut payer vingt à trente millions tout de suite, et qu’il peut payer le reste avec ses revenus, vu qu’il n’a besoin que de très-peu de troupes.
Je désirerais expédier demain un courrier en Russie. Préparez des dépêches pour le général Savary, dans lesquelles vous lui donnerez toutes les nouvelles de ce qui se passe en Portugal et en Europe.
Fontainebleau, 27 octobre 1807
A M. Fouché, ministre de la police générale
Les billets gratis délivrés dans les quatre grands théâtres sont la principale cause des désordres qui ont souvent lieu au parterre. Mon intention est que l’usage de la distribution de ces billets cesse entièrement au 1er novembre. J’en ai fait avertir les personnes à qui j’ai confié la surveillance et la direction principale de ces théâtres. Je vous charge expressément de tenir la main à ce que l’on se conforme exactement à cette disposition.
Il s’est passé du désordre à Malines; faites-moi connaître ce que c’est.
Fontainebleau, 27 octobre 1807
A M. Daru, intendant général de la Grande Armée
Monsieur Daru, je vous ai fait connaître, par ma lettre du 29 juillet, que mon intention était que les cent cinquante millions de contributions de la Prusse fussent payés de la manière suivante : quinze millions en argent comptant avant d’évacuer et quatre-vingt-dix millions en lettres de change, à raison de six millions par mois à compter du mois de septembre. Les mois de septembre et d’octobre seraient donc échus. Ce serait donc vingt-sept millions à payer tout de suite et soixante et dix-huit millions à payer à raison de six millions par mois.
Tâchez de faire payer huit millions par mois si vous pouvez, la Prusse peut le faire, mais ne consentez à rien moins de six millions. Jusqu’à ce que cela soit ainsi arrangé, je garderai les forteresses. Il faut aussi qu’avant d’évacuer vous stipuliez le passage d’une route militaire de la Poméranie suédoise à Magdeburg et la continuité de celle de Stettin à la Poméranie. Vous stipulerez aussi le passage de Varsovie et de Stettin à Danzig pour la communication de mes troupes.
Fontainebleau, 27 octobre 1807
A Joseph Napoléon, roi de Naples
Mon Frère, je reçois votre lettre du 16 octobre. J’attends avec intérêt le rapport de l’adjoint que vous avez envoyé à Corfou. Le général César Berthier n’écrit pas. Comment se peut-il que l’amiral Siniavine se rende à Messine quand il a les ordres, que j’ai moi-même vus, de se rendre à Cadix ou à Toulon, ou dans nu de vos ports ?
J’imagine que le général Donzelot, le 14e léger, de la poudre, sont arrivés dans cette colonie. Des expéditions sont parties aussi de Venise et d’Ancône.
J’ai déclaré la guerre au Portugal; vous devez donc vous emparer de tous les vaisseaux portugais qui seraient dans vos ports ou qui y arriveraient. Une armée de 30,000 hommes, commandée par le général Junot, est déjà sur les frontières du Portugal. J’espère être à Lisbonne dans le mois de novembre. Vos corsaires peuvent aussi courir sur le pavillon portugais. Comment arrive-t-il que vos matelots n’arment pas de corsaires ?
Vous pouvez envoyer en Corse, en les faisant embarquer à Cività-Vecchia, 500 galériens. Ils auront là du travail, et vous vous en débarrasserez.
Vous pouvez envoyer en France les régiments napolitains que vous voudrez, mais complets en hommes. J’ai fait venir en France ce que j’ai pu de vos cadres, complétés à 140 hommes par compagnie. J’ai ordonné que le ler régiment suisse passât à votre service et cessât d’être au mien, et j’ai fait donner l’ordre au second bataillon de ce régiment, qui est à l’île d’Elbe, de joindre sans délai les autres bataillons.
Fontainebleau, 28 octobre 1807
Au général Clarke, ministre de la guerre
Écrivez au général Junot qu’il m’a paru que son ordre de marche était comme s’il changeait de garnison et non comme il convient à une armée en marche; que de cette manière il n’arrivera jamais; qu’il aurait du marcher en trois colonnes, par division; il serait arrivé dix jours plus tôt.
Fontainebleau, 23 octobre 1807
A M. Fouché, ministre de la police général
On a exhumé un individu qui s’était tué au Champ de mars, pour le renterrer au Calvaire. Cela s’est-il fait avec ou sans permission de la police ? Si cela s’est fait avec la permission, faites-moi savoir qui a donné la permission.
[2]Il s’agit de Charles-Elzéar-François, comte de Vogüe, tué d’une chute de cheval dans une course le 10 octobre 1807
Fontainebleau, 29 octobre 1807
DÉCISION
M. Mollien, ministre du trésor public, soumet à l’Empereur un rapport sur un receveur général dont les écritures ont donné lieu, après examen, à plusieurs graves accusations. | Renvoyé au grand juge, pour faire exécuter les lois de l’État et punir les coupables, s’il y en a. Renvoyé au ministre des finances, pour être, le présent rapport, communiqué à tous les préfets, afin que cela leur serve d’avertissement, et qu’ils portent le plus grand soin à ces sortes d’affaires de remise et de modération, qui sont l’origine de beaucoup d’abus. |
Fontainebleau, 30 octobre 1807
Au prince de Neuchâtel, major général de la Grande Armée
Mon Cousin , vous m’avez demandé tantôt si l’on devait tirer de la viande du royaume de Westphalie pour envoyer du côté de Berlin. Il faut bien s’en garder, puisque l’armée va être dans le cas de séjourner longtemps dans la Westphalie.
Fontainebleau, 30 octobre 1807
Au maréchal Bessières, commandant la cavalerie de la Garde Impériale
Mon Cousin, mon intention est que ma Garde fasse son entrée à Paris toute ensemble; que vous alliez à sa rencontre, qu’elle soit reçue par le corps municipal de Paris sous un arc de triomphe qui sera disposé sur la route par laquelle elle doit venir, et que, dans les huit jours qui suivront son entrée, vous donniez un grand dîner aux officiers et un grand bal à l’École militaire. Les maires et le conseil général donneront un grand dîner à tous les soldats de ma Garde. Il sera nécessaire de retenir les premières colonnes pour que tout le corps entre ensemble à Paris.
L’empereur de Russie m’a fait remettre une de ses croix pour un soldat de ma Garde. Choisissez un grenadier d’une conduite distinguée qui ait fait avec honneur les campagnes d’Italie et d’Égypte avec moi. .Mon intention est de lui donner cette croix moi-même un jour de parade.
Fontainebleau, 30 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon fils, mon intention serait de compléter les deux bataillons de guerre des huit régiments qui sont en Dalmatie à l’effectif de 140 hommes par compagnie ou de 2,520 hommes pour les deux bataillons; faites-moi faire un tableau qui me fasse connaître la situation de l’armée de Dalmatie au 15 octobre. Vous y ferez comprendre les détachements que vous avez envoyés avec la division Clausel, le nombre d’hommes que chaque régiment a aux hôpitaux de Dalmatie, l’effectif actuel de chaque régiment, et ce qui manque pour que ces huit régiments forment un total de 20,160 hommes, y compris les malades. Mon intention est également que mes troupes italiennes, qui se trouvent, en Dalmatie, soient comp1étés à l’effectif de 140 hommes par compagnie. Avant de donner aucun ordre de mouvement, vous attendrez les nouveaux ordres que je donnerai en conséquence du rapport que vous me ferez
Fontainebleau, 30 octobre 1807
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie
Mon fils, je reçois votre courrier, par lequel je vois que 4,500 hommes sont partis d’Ancône pour l’armée de Naples, et que le 5 novembre vous devez en faire partir 1,500 autres. J’approuve qu’au lieu de 4,500 hommes vous en fassiez partir 3,454; ce qui fera un renfort de 5,000 hommes. Il en faudra encore plusieurs milliers pour compléter l’effectif du corps de cette armée à 140 hommes par compagnie, il est convenable que vous prépariez un envoi de 2,000 hommes des dépôts pour le 1er janvier.
Fontainebleau, 30 octobre 1807
Au général Savary, en mission à Saint-Pétersbourg
Monsieur le Général Savary, je ne vous ai pas écrit depuis longtemps. J’attendais à chaque instant l’arrivée du comte Tolstoï et voulais vous écrire immédiatement après. J’apprends qu’il ne sera ici que dans cinq ou six jours; je n’ai pas voulu tarder davantage à vous donner de mes nouvelles. Mon armée marche sur les frontières de Portugal, et, quand vous lirez cette lettre, elle sera à Lisbonne. C’est le général Junot qui la commande.
Je vais signer un traité d’alliance avec le Danemark. J’y ai fait mettre la clause que, si la Russie déclarait la guerre à la Suède, le Danemark ferait cause commune et ferait marcher son armée par la Norvège ou partout ailleurs.
La garnison de Cattaro est à Padoue; elle vit bien avec les Français et est abondamment pourvue de tout. Celle de Corfou n’est pas encore arrivée à Ancône, mais je sais qu’elle est partie de Corfou.
L’amiral Siniavine est parti le 22 octobre, sans doute pour Cadix; je présume qu’il y est arrivé à l’heure qu’il est.
Je suis toujours dans la même situation; je n’ai aucune nouvelle de la Suède, ni de l’Angleterre.
Guilleminot m’a dit qu’il vous avait écrit; il m’a assuré que les deux articles dont se plaint l’empereur étaient passés parce que les plénipotentiaires russes n’avaient fait aucune objection.
Les prisonniers russes sont à Cologne. J’attends l’arrivée de M. de Tolstoï pour les faire partir.
J’ai fait demander à la cour de Vienne le passage pour les garnisons de Corfou et de Cattaro; je n’ai point encore de réponse, mais elles ne partiront que lorsque je me serai entendu avec M. de Tolstoï.
Je voulais aller en Italie, mais j’ai voulu retarder mon voyage pour attendre l’ambassadeur.
Je n’écris pas aujourd’hui à l’empereur pour ne pas l’ennuyer. Je lui écrirai après avoir vu M. de Tolstoï. Communiquez-lui la partie de ces nouvelles qui peut l’intéresser.
Je suis ici à Fontainebleau depuis six semaines , où je chasse beaucoup.
Les Anglais disent que l’empereur de Russie a fait mettre l’embargo sur leurs bâtiments. Je n’en ai pas encore de nouvelle officielle.
Les Américains sont très-mal avec l’Angleterre, et l’on croit que ces deux puissances ne tarderont pas à être en guerre. L’Angleterre est aujourd’hui fort embarrassée, et si, comme je n’en doute pas, nous obligeons l’Autriche et la Suède à lui déclarer la guerre, il y a lieu de croire qu’elle ne tardera pas à venir à résipiscence.
Par tout ce qui me revient de tous côtés, je vois avec plaisir que tout prend de l’énergie en Russie.
Je n’ai que de bons renseignements à donner des troupes russes qui sont en France.
Vous ne sauriez trop dire à l’empereur combien je lui suis attaché et combien le moment où je pourrai le revoir serait doux pour moi. Je me fais une vraie fête de voir M. de Tolstoï.
Fontainebleau, 30 octobre 1807
A M. Fouché, ministre de la police générale
Faites-moi connaître les raisons qui ont autorisé le préfet du département à sortir de ses attributions et à donner une permission d’enterrer au Calvaire sans mon ordre et quel avantage il voit dans cet établissement.
Fontainebleau, 31 octobre 1807
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures
Monsieur de Champagny, écrivez au sieur Bourrienne, à Hambourg, que mon intention est que les villes hanséatiques adoptent le code Napoléon, et qu’à compter du 1er janvier ces villes soient régies par ce code. Écrivez la même chose au général Rapp, à Danzig; qu’ils fassent faire cette ordonnance par les magistrats du pays.
Je désire que vous écriviez également à M. Otto, à Munich, à mes chargés d’affaires près le prince Primat et les grands-ducs de Hesse-Darmstadt et de Bade, pour leur prescrire de faire des insinuations légères et non écrites pour que le code Napoléon soit adopté comme loi civile de leurs États, en supprimant toutes les coutumes et se bornant au seul code Napoléon.
Fontainebleau, 31 octobre 1807
A M. Cretet, ministre de l’intérieur
Monsieur Cretet, ma Garde arrive dans les premiers jours de novembre. Mon intention est qu’elle soit reçue, à son entrée à Paris, avec une grande pompe, et qu’un arc de triomphe soit érigé sur la route par laquelle elle doit passer. J’ai ordonné au maréchal Bessières de donner à l’École militaire un grand dîner et un grand bal aux officiers. Je désire que le corps municipal et le conseil général donnent un grand dîner à tous les soldats, au nom de la ville de Paris. Le corps municipal et le conseil général décideront de quelle manière cela doit être fait.
Ce doit être un dîner fraternel donné à une douzaine de mille hommes. Il faut que, dans les emblèmes et devises qui seront faits à cette occasion, il soit question de ma Garde et non de moi, et qu’ils fassent voir que, dans ma Garde, on honore toute la Grande Armée.
Le préfet et le corps municipal recevront ma Garde à l’entrée de Paris. Enfin vous chargerez le préfet de disposer les choses de manière que cette cérémonie soit la plus touchante et la plus efficace possible. Je n’ai pas besoin de vous dire de faire composer, à cette occasion, des chansons et des pièces de vers. Les couronnes d’or seront présentées ce jour-là à la Garde, pour être placées sur ses drapeaux. Le préfet se concertera pour tous ces objets avec le maréchal Bessières.
Fontainebleau, 31 octobre 1807
A M. Lacépède, Grand Chancelier de la Légion d’honneur
Vous recevrez un décret qui nomme le sieur Durandeau, commandant de la garde nationale de Viteaux (Côte-d’Or), membre de la Légion d’honneur, en conséquence de la conduite courageuse qu’il a tenue dans l’arrestation. des brigands qui ont volé Mlle Grassini. Vous lui écrirez une lettre propre à encourager les maires et les fonctionnaires. Vous direz, entre autres choses, que je ne mets pas de différence entre ceux qui défendent la patrie contre les ennemis extérieurs de l’État et ceux qui montrent du courage contre les ennemis de la société et de la tranquillité intérieure.
Fontainebleau, 31 octobre 1807
Au général Junot, commandant le corps d’observation de la Gironde
Vous marchez sur seize colonnes, c’est-à-dire que votre 1e colonne est partie de Bayonne le 19 octobre, tandis que la 16e ne partira que le 5 novembre. Je n’approuve point cette marche. Vous auriez dû marcher sur trois colonnes, c’est-à-dire par division. Par ce moyen, mon armée aurait été rendue à Salamanque du 10 au 12 novembre. Vous dirigerez sur-le-champ la 1e division sur Alcantara, et vous prendrez vos mesures de manière qu’elle y soit arrivée avant le 25 novembre. Vous faites marcher l’artillerie à quatre jours de vos divisions et la cavalerie à quinze jours de l’armée : faites avancer sur-le-champ toute ma cavalerie, de manière qu’elle gagne le plus possible. Vous la partagerez en quatre, en attachant une partie à chaque division et en gardant une quatrième partie pour la réserve, de manière que chaque division soit prête à combattre.
Je désire donc que le 26, au plus tard, toute la 1e division avec son artillerie arrive à Alcantara, pendant que la 2e sera en marche sur Alcantara et que la 3e aura déjà dépassé Ciudad-Rodrigo, et que le ler décembre toute mon armée soit réunie à Alcantara.
Si les Portugais ne font aucune défense, et que vous puissiez marcher sans obstacle, vous entrerez même avant cette époque en Portugal, afin de réunir toute votre armée à Abrantès.
D’Alcantara à Abrantès il y a vingt-cinq lieues, c’est-à-dire quatre jours de marche. Vous devez agrandir les marches des queues de vos colonnes et leur faire gagner six jours. J’ai hâte que mon armée arrive à Lisbonne. De Bayonne à Salamanque il n’y a que cent lieues. Dans la saison où nous sommes, vous y mettez vingt-six jours; vous pouvez n’en mettre que seize ou dix-sept. De Salamanque à Alcantara il y a cinquante lieues, qui peuvent être faites en neuf jours. Ainsi votre 1e division peut arriver le 10 à Salamanque, et le 19, ou au plus tard le 20, à Alcantara.
Les Anglais font sortir à force leurs troupes de Copenhague; il ne faut pas que, par défaut de lenteur, vous vous laissiez prévenir.
Il est des passages de Lisbonne à Alcantara qu’il est bon de saisir.
Vous ne devez pas mettre plus de difficulté à entrer sur le territoire du Portugal que sur le territoire espagnol. S’il y a jour, comme je l’ai mandé au ministre de la guerre, à ce que vous y entriez comme auxiliaire, sans rien convenir par écrit, il n’y a aucune difficulté à faire entrer ma 1e division en Portugal dès le 22. D’Alcantara à Lisbonne il y a cinquante lieues; dans cette supposition, ma 1e division serait à Lisbonne le 1er décembre, et tout le reste suivrait.
Quant aux troupes espagnoles qui doivent vous joindre, vous pouvez les faire venir par la rive gauche du Tage jusqu’à Abrantès, si vous pensez n’en avoir pas besoin, et dans ce cas vous pourrez ne les pas introduire à Lisbonne et les jeter sur la gauche, entre Lisbonne et le cap Saint-Vincent.
Enfin, dans la supposition que le Portugal vous reçût comme auxiliaire, jusqu’à ce que j’aie décidé définitivement le sort de cette puissance, vous resteriez à Lisbonne et à vingt lieues de Lisbonne, et vous auriez soin que toutes les troupes portugaises fussent jetées préférablement du côté du cap Saint-Vincent.
Il y a de Lisbonne à Bayonne deux cents lieues; c’est aujourd’hui pour nos troupes une marche fort ordinaire; cela doit se faire en trente-cinq jours. Vous aurez vu , par la convention que j’ai faite avec l’Espagne, qu’une division espagnole doit se rendre à Porto et l’autre dans le pays des Algarves.
Arrivées à Lisbonne, mon intention est que mes troupes soient baraquées dans un camp sur une des hauteurs. Mes troupes ont campé à Boulogne tout l’hiver pendant plusieurs années. La ville vous offrira des bois et toutes les ressources pour faire des baraques superbes.
Vous établirez trois camps pour vos divisions, mais de manière qu’ils soient tous à une distance de cinq lieues. Chacune devra camper sur deux lignes, ou même, s’il est possible, chaque division campera en bataillon carré, de manière à couvrir les quatre côtés du bataillon carré; et les fortifier, s’il est nécessaire, par des redoutes.
A Lisbonne, vous ferez donner à mes troupes des capotes, des couvertures et tout ce qui leur sera nécessaire.
Je vous ai déjà fait connaître qu’en vous autorisant à entrer comme auxiliaire, c’était pour que vous puissiez vous rendre maître de la flotte, mais que mon parti était décidément pris de m’emparer du Portugal.
Le Portugais est brave, la ville est populeuse, mon ordre est donc positivement que mes troupes ne soient point disséminées dans des casernes, mais campées sur des hauteurs, bien disposées, de manière à être maître de la rivière, du port et de la ville. De ces camps, des détachements, tous les jours ou tous les deux jours, seront envoyés faire le service des batteries ou la police de la ville.
J’espère qu’au 1er décembre mes troupes seront à Lisbonne, parce que le prince royal, n’ayant que 15,000 hommes, ne peut vouloir résister, et que, s’il voulait le faire, vous y seriez entré le 10 décembre. Vous seriez responsable de tous les événements qui pourraient arriver sur mer à l’occasion du moindre retard.
Les troupes espagnoles vont arriver; vous écrirez à mon ministre en Espagne de presser pour qu’au moins quelques régiments de cavalerie vous arrivent à Alcantara. Mais enfin n’en recevant pas, vous êtes assez fort pour arriver à Lisbonne. Je donne des ordres pour que le 2e corps de la Gironde se porte sans délai à Bayonne.
Lisbonne est tout. Je vous enverrai d’ailleurs de nouvelles instructions avant ce temps. Le général Loison part demain pour remplacer le général Laroche; s’il tardait à venir, vous avez des généraux de cavalerie que vous pouvez employer.
Il part après-demain un nouveau régiment provisoire de Paris; je vais donner l’ordre à un autre régiment provisoire de partir de l’Espagne, de sorte que, quel que soit le nombre des malades que vous ayez , vous pourrez vous maintenir au complet.
Je n’accorde aucun traitement extraordinaire à ma personne; mais, du moment que vous serez sur le territoire portugais, avec ce qui proviendra des contributions, on payera d’abord la solde et ce qui est dû à l’armée, et les généraux et officiers seront traités comme à la Grande Armée. Le ministre de la guerre vous écrira à ce sujet. Vous emploierez dans toutes les affaires d’argent le consul général à Lisbonne, et vous mettrez le plus grand ordre dans l’armée.
Vous trouverez ci-joint un petit mémoire extrait de la correspondance du général Leclerc et un mémoire que j’ai fait faire sur les expéditions qui ont eu lieu en Portugal.
Aussitôt que vous aurez en vos mains les différentes places fortes, vous y mettrez des commandants français et vous vous assurerez de ces places. Je n’ai pas besoin de vous dire qu’il ne faut mettre au pouvoir des Espagnols aucune place forte, surtout du pays qui doit rester dans mes mains.
Fontainebleau , 31 octobre 1807
A Louis Napoléon, roi de Hollande
Je désirerais que vous ordonnassiez qu’à dater du 1er janvier prochain le code Napoléon sera la loi de vos peuples
Fontainebleau, 31 octobre 1807
A M. de Champagny, ministre des relations extérieures
Monsieur de Champagny, j’ai nommé le sieur Jean-Charles Serra, mon résident à Varsovie. Vous donnerez l’ordre au sieur Vincent de revenir à Paris et vous lui ferez connaître que j’ai été content de sa conduite et qu’en témoignage de ma satisfaction, je lui destine une des grandes préfectures.
Fontainebleau, 31 octobre 1807
DÉCISION
Carrion-Nisas prie S.M. de lui accorder la continuation de son traitement de tribun jusqu’à nouvel ordre, à titre d’indemnité. | Renvoyé au ministre des finances pour lui faire toucher le traitement de membre du Tribunat. Napoléon |
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